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Table des matières

INTRODUCTION ............................................................................................................... 2
MÉCANISMES DES PARADIS FISCAUX ......................................................................... 5
1. L’évasion fiscale ..................................................................................................... 5
2. Le blanchiment d’argent sale .................................................................................. 6
3. Les subventions discrètes des entreprises .............................................................. 7
4. Le business des eurodollars ................................................................................... 7
5. Le cas des IDE ....................................................................................................... 9
6. Pratiques offshore sur internet .............................................................................. 10
CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES DES PARADIS FISCAUX ..................................... 11
1. Croissance des inégalités ........................................................................................ 11
2. Compensation du revenu perdu ............................................................................... 11
3. Baisse du taux d’imposition pour les entreprises ...................................................... 12
4. Concurrence déloyale .............................................................................................. 12
5. Utilisation des biens publics ..................................................................................... 13
6. Économie numérique ............................................................................................... 13
7. Non-compensation pour l’exploitation des ressources.............................................. 13
7. Excès de liquidités favorise la création d’emplois .................................................. 14
8. Secret bancaire..................................................................................................... 14
MESURES PRISES FACE AUX PARADIS FISCAUX ..................................................... 14
1. Fraude fiscale et secret bancaire ............................................................................. 15
2. Trusts, sociétés écran et fondations ......................................................................... 15
3. Le reporting public pays par pays pour les multinationales....................................... 16
CONCLUSION ................................................................................................................ 19
INTRODUCTION
Depuis sa divulgation, dimanche 3 avril 2016 soir, l'affaire des "Panama Papers" apporte
chaque jour son lot de nouvelles révélations. Des dirigeants politiques, des sportifs ou des
milliardaires trustant les classements des plus grandes fortunes se retrouvent éclaboussés par
cette fuite de documents, qui provient d'un sulfureux cabinet d'avocats panaméen.
Ces millions de fichiers, exploités en secret durant des mois par des journalistes du monde
entier, permettent de lever le voile sur un vaste système d'évasion fiscale à l'échelle planétaire.
Près de 380 membres du Consortium international des journalistes d'investigation, ont enquêté
durant des mois sur 11,5 millions de fichiers provenant de la firme Mossack Fonseca, un
cabinet d'avocats panaméen spécialisé dans la domiciliation de sociétés dans des paradis
fiscaux. Ces fichiers, parmi lesquels se trouvent des contrats, des courriels ou encore des
registres, révèlent l'existence de pas moins de 214 488 structures offshore administrées ou crées
par ce cabinet entre 1977 et 2015. Ces sociétés auraient été utilisées par des milliers de
ressortissants de la quasi-totalité du monde pour échapper à l'impôt. Mossack Fonseca est une
firme d'avocats et de financiers fiscalistes spécialisée dans la mise en place de montages
financiers pour les entreprises et les particuliers. Contre rémunération, elle monte des sociétés-
écrans et fournit des prête-noms pour ses clients désireux de rester discrets. Avec plus de 500
employés revendiqués sur son site, Mossack Fonseca est actif dans le monde entier, et possède
plus de 40 antennes en Europe, en Chine, ou encore en Amérique du sud. De ce fait, l'affaire
des "Panama Papers" aurait toutes les raisons de secouer le monde, car elle est révélatrice des
pratiques mises en places par certaines très grandes fortunes pour échapper au fisc. Il est
difficile d'évaluer le trou créé par l'évasion fiscale dans les finances publiques, car l'argent
concerné n'est par nature pas déclaré.

Avec la globalisation des échanges, on assiste à une internationalisation de l'économie et bien


sûr de la fiscalité. Les entreprises mais aussi les particuliers ont besoin de se financer au plus
faible coût et se soucient de réduire leurs charges fiscales. Pour réaliser cet objectif, les acteurs
du commerce international ont développé leur imagination pour arriver à leur fin. Notamment,
ils utilisent les paradis fiscaux sous diverses opérations internationales.

Il n'existe pas de définition juridique des paradis fiscaux, mais de manière plus simple ce sont
des États ou des territoires rattachés, de petite taille, bénéficiant de juridictions d’exception, où
l’activité financière est totalement déconnectée de l’économie mondiale traditionnelle et qui

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sont spécialisés dans la fourniture de prestations financières opaques.
Ils se caractérisent par :

• des taxations faibles ou nulles,


• un secret bancaire et professionnel total ou étendu,
• des procédures d’enregistrement relâchées,
• une liberté totale des mouvements de capitaux,
• une immédiate rapidité d’exécution grâce à de bonnes infrastructures
• une bonne stabilité économique et géopolitique.

Mais dans un document datant de 1998, l'OCDE retient quatre critères majeurs pour identifier
un tel territoire:

• d’abord un niveau d’imposition très faible pour les entreprises et particuliers par
rapport aux taux appliqués par les autres pays,
• ensuite une manque de transparence sur les manières dont son calculer les impôts,
• enfin, une manque de coopération du pays qui refuse de donner des informations aux
autres pays sur les montants d’impôts déclarée ou sur les identités des déclarants .

Un paradis fiscal offre toute une batterie de services financiers offshore. Cela signifie qu'il
accorde des facilités bancaires à des personnes non résidentes, qui peuvent y avoir accès depuis
un pays tiers. Les activités offshore ne sont pas forcément illégales. Il faut simplement le
déclarer au fisc. En revanche, détenir un compte offshore pour échapper à l'impôt est illégal.

C’est la loi fiscale qui accompagne souvent le secret bancaire qui garantit la confidentialité des
informations bancaires des entreprises et particuliers et du secret juridique qui permet au
propriétaire de société de rester anonyme.

Les administrations fiscales des autres pays n’ont alors aucun moyen de connaître les sommes
qui leurs échappent que ce soit en consultant les déclarations fiscale, les comptes bancaires, ou
encore les statuts des sociétés.

Ces paradis fiscaux sont souvent de petit territoire ayant peu de ressources et de faibles
capacités de production. Ils attirent donc les entreprises ou les riches ménages grâce à une

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fiscalité faible qui appliquée à des sommes importantes leur assurent d’importante recette
fiscale, ils peuvent ainsi acheter les produits qui leur manque et se développer.

Aujourd’hui les paradis fiscaux ont signés des coopérations avec d’autres pays pour transmettre
des informations sur les entreprises soupçonnées d’évasion fiscale, cependant ils sont peu
appliqués ce qui représente un important manque à gagner pour nombreux pays.

Concernant les opérations internationales, elles s'occupent des relations avec l'étranger. Les
instruments de paiement utilisés dans les relations commerciales internationales sont nombreux
et diversifiés. Elles s'effectuent à l’aide des opérations telles que le traitement des crédits
documentaires, remises documentaires, transferts, le change. Ainsi, les paradis fiscaux se
réalisent à travers les différents transferts.

La grande majorité des ordres de transferts internationaux se dénoue sous forme de virement
en comptes, par l'intermédiaire des correspondants étrangers, sans manipulation d'espèces ou
de titres de paiement. On parle de change scriptural. Il peut s'agir d'un ordre de paiement en
faveur d'un fournisseur étranger ou de tout autre partenaire (transfert émis) ou d'un ordre de
paiement d'un client étranger en faveur d'un fournisseur ou d'un partenaire résident (transfert
reçu). Il y a également la possibilité de recourir à un paiement par chèque ou par traite.

Ce transfert de revenu vers des pays à la fiscalité privilégiée est ce qu’on appelle une évasion
fiscale. Il s'agit donc d'un détournement des règles de territorialités fiscales. Si cette évasion
fiscale peut être utilisée à plusieurs escients et trouver refuge dans différents paradis, il semble
que cette pratique soit aujourd'hui en perte de vitesse grâce en grande partie aux moyens mis
en place au niveau interne mais aussi international.

De ce fait, quels sont les impacts des paradis fiscaux sur le plan économique?

Donc nous allons parler en premier les mécanismes de fonctionnement des paradis fiscaux
ensuite en second les conséquences de ces paradis fiscaux, pour terminer avec les mesures
prises pour lutter contre celle-ci.

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MÉCANISMES DES PARADIS FISCAUX

Nous avons vu un certain nombre d’attributs des paradis fiscaux et la liste n’est certes pas
exhaustive, elle n’est pas non plus figée car le développement du e-commerce sur internet et la
mondialisation croissante de nouvelles offres de services offshore se développent
régulièrement. Nous ne serons pas plus exhaustifs dans notre analyse des mécanismes par
lesquels les paradis fiscaux sont utilisés. Nous nous contenterons, à travers quelques exemples,
d’en apprécier la diversité. Certaines opérations sont traditionnelles, d’autres un peu plus
inattendues.

1. L’évasion fiscale
Cela commence par l’ouverture d’un compte dans un pays qui pratique le secret bancaire et par
conséquent personne ne signale cette ouverture à aucune autorité.

Suivant le pays et la banque concernée, le compte peut être anonyme, être un compte à numéro,
ouvert au nom d’un prête-nom, sous la raison-sociale d’une entreprise bidon éventuellement
ouverte dans un autre paradis fiscal. Il faut ensuite remplir ce compte, mais ce n’est pas
vraiment un problème : L’ère de la valise de billets n’est pas totalement révolue, mais
l’informatique permet souvent, par des procédures que les banques maîtrisent bien de transférer
n’importe quoi d’un seul clic sous le soleil des Bahamas comme dans les brumes londoniennes.
Le passage par plusieurs lieux paradisiaques permet éventuellement de perdre la trace du point
d’origine.

C’est ensuite la routine : La fraude fiscale est punissable en Suisse comme en Europe mais la
loi fédérale sur les banques de 1934 consacre le secret bancaire que l’état fédéral ne peut violer
qu’en cas de crime grave.

Au Lichtenstein, la fraude fiscale est punissable d’amendes mais il n’est pas prévu de sanction
pénale. Elle est très douce : L’imposition sur les fonds déposés et déclarés y est de 0.05%.
Certains petits paradis ne prélèvent pas d’impôts mais se « nourrissent » des commissions que
les heureux déposants paient pour la gestion de leur compte dans la discrétion.

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Il est symptomatique que les services secrets allemands aient eu, si l’on en croit la presse,
recours au renseignement tarifé pour avoir des renseignements sur Klaus Zumwinkel et ses
amis fraudeurs et on peut avoir quelques doutes sur les arrières pensées de l’opération. On peut
aussi rester songeur sur l’évènement en France, ou les moyens d’investigation du fisc sont
redoutables en milieu bancaire, où il existe une liste de 200 noms de présumés fraudeurs dont
la ministre concernée reconnaît avoir eu connaissance, moyennant quoi aucun juge n’a encore
jugé convenable la moindre mise en cause.

2. Le blanchiment d’argent sale


L’argent sale, c’est celui du crime organisé. A titre indicatif, la drogue c’est 300 à 500 milliards
d’Euros/an (source programme international de l’ONU contre la drogue), la prostitution de
l’ordre de 60 milliards d’Euros/an (source EUROPOL), les trafics de femmes 4 milliards
d’Euros/an (source Le Monde), les contrefaçons commerciales de 150 à 500 milliards
d’Euros/an (source ministère des finances) et le trafic de déchets polluants 12 milliards
d’Euros/an.

A ce niveau de « revenus », l’argent collecté doit être « blanchi » pour ne pas être
immédiatement repéré à sa remise en circulation, une remise en circulation qui se fait la plupart
du temps dans l’économie réelle et légale.

Il existe des milliers de méthodes pour réaliser cette opération dont un amusant « manuel
pratique pour crapules moderne et citoyens naïfs » nous donne quelques exemples. Nous n’en
retiendrons que deux mettant en scène les paradis fiscaux.

 Les transferts bancaires

C’est de loin une des méthodes les plus simples, l’informatique autorisant des performances
dans la rapidité d’exécution : L’argent sale est injecté par dépôt dans une banque d’un paradis
fiscal puis transféré successivement sous des noms de bénéficiaires différents dans des banques
de plus en plus respectables, en Allemagne, à Monaco, en Autriche, en France. On peut diviser
les envois dans plusieurs banques, les regrouper, faire varier les rythmes de circulation pour «
casser » d’éventuelles récurrences qui permettraient de tracer le parcours et en fin de circulation
un prête nom respectable achète par exemple un paquet d’actions qu’il revend immédiatement
pour brouiller complètement les pistes.

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 Les chambres de compensation

La compensation se fait par transfert électronique et quasi-instantanément. Les chambres de


compensation sont en principe au-delà de tout soupçon. Les enquêtes ont mis en évidence que
chez une chambre de compensation il existe des comptes ne figurant sur aucun listing et que
des transactions se font sans être enregistrées nulle part, entre clients non identifiés. Ainsi se
feraient des transferts directs et discrets entre des paradis fiscaux et des banques éminemment
respectables.

3. Les subventions discrètes des entreprises


Supposons qu’un grand pays par ailleurs porte-parole du libéralisme mondial souhaite
subventionner son industrie… ou son agriculture sans que cela ne se voit trop. Il autorise ses
multinationale à domicilier une partie de leurs activités aux Iles vierges ou à la Barbade, créant
des filiales d’import-export (Foreing Sales Corporations : FSC) auxquelles sont livrées la
production à prix coûtant (pas de bénéfice et pas d’impôt) à charge pour la FSC de réexporter
vers le client final. Bien entendu, l’opération est fictive, le bateau va directement chez le client
final et le paiement se fait à travers le paradis fiscal qui ne prélève au passage qu’une fiscalité
symbolique. Des exemples ? Boeing, Kodak, Microsoft, Union Carbide, Kellog, Monsanto,
céréaliers, constructeurs automobiles, sociétés pétrolières, etc...

Les FSC ont été condamnées par l’OMC et en 2006 les Etats-Unis ont finalement adopté un
projet de loi de finances abrogeant la possibilité d’utiliser cette pratique, mais il n’est pas
interdit de penser que les multinationales ont d’autres cordes à leur arc. Ce problème des
subventions déguisées est toujours l’un des points les plus sensibles dans les relations
transatlantiques notamment sur le différend qui oppose Boeing à Airbus par états interposés

4. Le business des eurodollars


 Les eurodevises

Une eurodevise est un dépôt dans une banque de comptes libellés dans une monnaie étrangère
convertible mais qui n’a pas cours légalement dans la zone où elle est en dépôt. Plus
concrètement : On sait que depuis longtemps la plupart des opérations financières se font d’un
click d’ordinateur, sans transfert physique de monnaie.

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Un japonais peut donc parfaitement ouvrir un eurocompte dans la succursale japonaise d’une
banque gérant des eurodevises sur lequel il déposera des EUROYENS que personne ne verra
jamais en Europe : c’est une simple opération comptable. La somme correspondante, en yens,
restera au japon, seul endroit ou le dépositaire d’un eurodépôt pourra l’échanger contre de la
monnaie locale, dans notre exemple contre des yens. L’eurodevise n’a pas cours légal en
France, c’est ce qu’on appelle une monnaie « scripturale » qui peut se prêter, s’échanger, se
transférer d’un compte à l’autre ou se délocaliser dans un autre pays, mais qui n’est payable en
numéraire que dans le pays d’origine.

Les eurodevises sont négociables sur un marché particulier géré par un réseau de banques
européennes dont les plus importantes sont dans la City, à Londres.

On peut acheter, vendre, prêter, emprunter des eurodevises sur ce marché, et transférer un
eurodépôt d’un compte à un autre n’importe où sur la planète. Les instruments d’échange ou
de négociation utilisés sur le marché des eurodevises sont souvent des « Euro-billets de
trésorerie » émis sous forme de billets à ordre et escomptables, ou des « Euro-certificats de
dépôts » qui sont des titres négociables sur un marché d’eurodevises. Aucune réserve
particulière n'est exigée pour les euro-dépôts et ils sont exempts du contrôle que l’état exerce
sur la monnaie locale dans le pays de dépôt. L’intérêt des spéculateurs pour cette monnaie
fantomatique est bien entendu à la mesure de cette absence de contrôle.

La transformation en monnaie « domestique » et fiduciaire, en fin de vie du dépôt qui s’impose


consiste en un simple jeu d’écriture. Un paquet d’eurodevises ne peut en effet circuler
indéfiniment autour de la planète : Un euro-dépôt a une durée de vie définie au départ.

Petit détail important : Le marché des Eurodevises échappe totalement au contrôle des états y
compris de celui dans lequel elles ont été émises. Utiliser des eurodevises, c’est la plus belle
des opérations « offshore » telles que nous les avons définis, dans lesquelles une masse
considérable de flux financiers est contrôlée hors frontières uniquement par la loi du marché et
des trusts financiers qui l’animent.

 Les eurodollars

Historiquement, c’est le dollar qui serait à l’origine de l’apparition des eurodevises, notamment
après la 2ème guerre mondiale avec l’importation massive de capitaux étasuniens liée au plan

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Marshall. Il serait apparu plus pratique aux opérateurs étasuniens d’ouvrir des comptes en
dollars hors des Etats-Unis que d’exporter des dollars convertis dans les monnaies locales.

Accessoirement, dès la fin de la guerre et dans un contexte très règlementé, l’eurodollar est
aussi un moyen de contourner le contrôle des changes et les règles y afférant. La pratique s’est
généralisée avec l’afflux des pétrodollars dans les années 70 du siècle dernier.

Bien entendu, un compte en eurodollars ouvert en Europe est un prélèvement sur la monnaie
étasunienne, qu’il s’agisse de dollars transférés des USA, ou de pétrodollars contrepartie de
l’achat de pétrole : Les fonds représentés dans un compte en eurodollars sont en effet
convertibles en dollars dans une banque étasunienne, mais leur placement sur un marché
offshore leur donne une vie propre propice à bien des spéculations. Le développement et
l’usage des eurodollars sont l’une des sources importantes à la fois de la détérioration de la
balance financière américaine et de l’instabilité des marchés financiers, tout en facilitant, dans
une certaine mesure, le financement du déficit commercial américain.

 L’Angleterre, le paradis des eurodollars

C’est en effet sur cette activité offshore que le Royaume Uni et la city ont principalement
gagné leurs galons de paradis fiscal et de nœud d’aiguillage pour les capitaux apatrides.

Le marché des eurodollars constitue une gigantesque opération de circulation de flux financiers
reposant sur un dollar flottant depuis qu’en 1973 précisément le gouvernement étasunien a tué
le système de Bretton woods.

 L’importance du marché des eurodevises

Très honnêtement, il est impossible de donner un chiffre aujourd’hui, une bonne partie de ce
marché hautement spéculatif transitant discrètement comme support d’opérations dans la
plupart des paradis fiscaux.

5. Le cas des IDE


On peut s’étonner d’apprendre que des investissements directs à l’étranger, soit des
investissements sur un territoire hors frontières pour y capter un retour sur investissement sont

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réalisés vers des paradis fiscaux n’assurant pour la plupart aucune activité de production
génératrice de plus-values.

Pourtant, différentes statistiques montrent que 30% des flux financiers transnationaux sont
constitués d’investissement d’entreprises vers des filiales installées dans des paradis fiscaux.

Sait-on par exemple que les paradis fiscaux des Caraïbes reçoivent en provenance des USA
plus d’IDE que la Chine?

Ce paradoxe est vite levé quand on sait que les filiales établies dans les paradis fiscaux ne sont
que des créations virtuelles, artificielles, souvent de simples boites aux lettres, dont la fonction
principale est d’assurer des cheminements discrets, peu imposés et soumis à des contraintes
moins réglementaires aux opérations commerciales menées. Vu la liberté de manœuvre qu’ils
assurent aux multinationales et transnationales dans leurs choix économiques et industriels,
loin d’être des pourvoyeurs de services purement financiers, les paradis fiscaux sont devenus
des acteurs de premier plan dans la division internationale du travail.

6. Pratiques offshore sur internet


On pourrait s’étendre à l’infini sur les nouvelles opportunités créées par le développement
informatique pour la création d’activités marginales, spéculatives ou carrément criminelles
dans les paradis fiscaux. La permissivité de certains états accueillants permet de s’insérer dans
le réseau mondial en développant certaines niches d’activité à l’abri des gendarmes du web.
Sexe et jeux en ligne sont les axes préférentiels de ce nouveau développement, mais il y en a
bien d’autres, notamment bien accueillis dans les quelque 70 paradis fiscaux que l’OCDE
considère comme « trop permissifs ». Les expressions sectaires, fascistes ou fascisantes, la
pédophilie, la propagande et la manipulation ainsi que toutes les formes possibles d’arnaques
et d’escroqueries en font partie.

Malgré tout, seules les opérations plus ou moins crapuleuses les mieux structurées et les plus
lucratives reçoivent l’appui des paradis fiscaux, en raison du caractère essentiellement
mercantile de leur engagement. Les paradis fiscaux sont par nature très bien équipés dans le
domaine de la communication moderne. Dans certains d’entre eux, il y a plus de lignes
téléphoniques que d’habitants.

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CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES DES PARADIS FISCAUX

Dorénavant il est essentiel de regarder l’impact que ces paradis fiscaux ont sur l’économie.
Leurs politiques fiscales permissives sont sujettes à débat dans les médias, alors il faut aborder
ce thème sous plusieurs aspects différents.

1. Croissance des inégalités


L’argument principal contre les paradis fiscaux est qu’ils contribuent à la croissance des
inégalités dans la société. Les particuliers fortunés peuvent investir une partie de leur avoir à
l’extérieur du pays domiciliaire et payer une fraction de leur taux d’imposition sur les revenus
générés par cet investissement. Ils vont donc pouvoir croître leur fortune plus rapidement que
les autres classes sociales. Ces stratégies utilisant les paradis fiscaux requièrent un montant
minimum important, et sont seulement accessibles à la classe supérieure.

De plus, le fait que les entreprises peuvent minimiser leurs impôts à payer avec les paradis
fiscaux est un avantage également pour les personnes plus fortunées. En effet, les personnes
ayant des moyens financiers plus importants possèdent généralement plus d’investissements,
et ces produits financiers vont gagner en valeur suite à cette diminution des dépenses.

Une entreprise qui peut minimiser sa charge d’impôts peut utiliser ce montant pour développer
de nouveaux projets et pour prendre de l’expansion. Ceci va faire monter le prix du titre
boursier, et bénéficier les actionnaires comme vu dans l’article sur les actions. Or, le capital
financier dans les pays occidentaux est détenu principalement par les mêmes personnes qui
détiennent la richesse. Au lieu de prendre de l’expansion, une entreprise peut aussi verser cet
excédent de liquidités aux actionnaires sous forme de dividendes. Ceci va également bénéficier
les actionnaires car non seulement ceci est un revenu additionnel pour eux, les dividendes sont
aussi plus fiscalement avantageux au niveau de l’imposition.

2. Compensation du revenu perdu


Vu que ces stratégies font diminuer les impôts payables par les entreprises et par les individus
à haute valeur nette, ce sont les autres contribuables qui vont devoir assumer une plus grosse
partie des impôts pour compenser ce trou laissé dans le budget gouvernemental. Des biens

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publics accessibles à tous, comme les hôpitaux et les routes par exemple, coûtent un certain
montant par année. Si l’impôt payé par les entreprises diminue, le gouvernement va devoir
chercher une autre source de financement supplémentaire pour couvrir ce déficit. Cependant,
vu que les particuliers connaissent déjà des taux d’imposition élevés, la solution récente est
d’augmenter la dette gouvernementale pour boucler les budgets. Plusieurs budgets déficitaires
de suite forcent des mesures d’austérité et de coupures généralisées. De plus, ceci n’est pas une
solution à long terme, car la cote de crédit d’un pays se dégradera avec l’augmentation de la
dette, et il arrivera un moment où le pays en question ne pourra plus emprunter de fonds
additionnels.

3. Baisse du taux d’imposition pour les entreprises


Plusieurs pays développés n’ont pas le choix que d’abaisser les taux d’impositions corporatifs
afin de convaincre les entreprises de payer les impôts chez eux. En effet, une entreprise va
toujours avoir le choix de payer les impôts soit dans le pays où elle fait affaire, ou soit d’utiliser
un stratagème incluant un paradis fiscal pour payer moins d’impôts à l’extérieur du pays.

Pour être compétitif avec les paradis fiscaux et leur imposition très basse, le gouvernement
trouve sans cesse des crédits et des déductions fiscales pour ces entreprises qui peuvent, à tout
moment, décider de faire leurs impôts dans une autre juridiction. Ces politiques plus
permissives vont encore une fois faire baisser le revenu provenant des impôts des sociétés.

4. Concurrence déloyale
Les entreprises qui utilisent les paradis fiscaux sont aussi une forme de concurrence déloyale
envers les compagnies plus locales. Il est difficile de faire compétition avec un adversaire qui
profite d’un taux d’imposition de 8% alors que notre taux d’imposition est de 25%. Cet
adversaire peut utiliser cet avantage pour baisser ses prix et gagner des parts de marché
supplémentaires. Il est maintenant facile de voir les raisons qui poussent des entreprises à
utiliser les stratagèmes associés aux paradis fiscaux. Elles n’ont pas d’autre choix que de suivre
la cadence établie par les firmes qui ont innovés financièrement dans cette direction.

Ceci est un gros désavantage pour les petites firmes locales qui n’ont pas les moyens financiers
de développer une stratégie fiscale internationale. Un exemple cité couramment est celui des

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librairies locales qui n’ont pas pu compétitionner avec Amazon.com, firme qui elle était
incorporée au paradis fiscal du Luxembourg.

5. Utilisation des biens publics


Certains trouvent injustes aussi que les entreprises utilisent les mêmes infrastructures et les
mêmes biens publics que les autres membres de la société, mais qu’elles ne contribuent pas à
la hauteur de ses capacités. Encore une fois, les frais pour maintenant les services publics
retombent sur d’autres sources de revenu.

De plus, les entreprises profitent de la main d’œuvre locale et qualifiée, alors c’est à leur
avantage d’investir dans la communauté et de contribuer pour maintenir les mêmes standards
pour l’éducation par exemple.

6. Économie numérique
Il y a une émergence rapide d’entreprises provenant de l’économie numérique. Des entreprises
telles que Facebook, Twitter, LinkedIn, Airbnb et plusieurs autres n’offrent pas de biens réels,
simplement des services. De ce fait, ces entreprises ont la liberté complète de décider leur
juridiction au sens fiscal. La majorité de ces entreprises choisisse une résidence fiscale qui
minimisera leurs impôts à payer. C’est rendu la norme dans ce secteur en pleine croissance.

7. Non-compensation pour l’exploitation des ressources


L’utilisation d’un intermédiaire financier a été décrite comme l’une des stratégies couramment
utilisées. Cette stratégie consiste à vendre des produits à une filiale à moindres coûts, filiale qui
est localisée dans un paradis fiscal, et c’est cette filiale qui vendra les produits aux distributeurs
pour ainsi réaliser la plus importante partie des profits. Cette stratégie est très néfaste pour les
pays qui dépendent fortement de leurs ressources naturelles pour leur procurer des revenus.

Prenons un exemple très médiatisé, celui des bananes au Guatemala. Les revenus provenant de
la cueillette des bananes sont très importants pour le Guatemala, mais les entreprises utilisent
un stratagème financier à leur avantage. Les bananes récoltées par les entreprises
multinationales sont vendues à coûts faibles à une filiale dans un paradis fiscal. Le Guatemala
reçoit seulement un pourcentage des profits réalisés suite à la vente des bananes à la filiale. Par

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la suite, lorsque la filiale revend ces mêmes bananes aux supermarchés avec le prix régulier,
c’est le paradis fiscal qui devient responsable de récolter le faible taux d’imposition pour cette
transaction financière.

Le Guatemala se retrouve avec beaucoup moins de revenus, et cela met un frein à son potentiel
de croissance. Il y a plusieurs exemples possibles qui démontrent comment les pays en
développement voient leurs revenus diminuer suite à l’exploitation de leurs propres ressources
naturelles par les grandes entreprises.

7. Excès de liquidités favorise la création d’emplois


En ayant plus de liquidités dans leurs coffres suite aux économies d’impôts, les entreprises
affirment qu’elles ont la possibilité de poursuivre plusieurs projets d’expansion qu’elles ne
pourraient pas réaliser autrement. Ceci va créer des emplois, et donc assurer un revenu d’impôt
pour le gouvernement via les déclarations de revenu des salariés. Ces salariés pourront aussi
dépenser leur revenu dans des entreprises locales, ce qui accentuerait la situation économique
de la région au complet. Les entreprises utilisent ce raisonnement afin de justifier l’utilisation
des paradis fiscaux.

8. Secret bancaire
Lorsqu’un particulier dépose un certain montant dans un paradis fiscal, le secret bancaire
préservera son anonymat. Il est donc facile pour une personne, ayant obtenu un revenu de façon
illégale (vente de drogue, crime organisé), de cacher ses revenus. Les paradis fiscaux ont donc
toujours été une place de choix pour l’argent découlant des activités criminelles.

MESURES PRISES FACE AUX PARADIS FISCAUX


Pourtant il n’y a aucune fatalité : un monde sans paradis fiscaux, sans fraude et optimisation
fiscale massive, sans secret bancaire et sociétaire est tout à fait possible. Des solutions
existent, elles sont connues, certaines sont même déjà en chantier ou en débat. Il ne manque
que la volonté politique pour les concrétiser.

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1. Fraude fiscale et secret bancaire
La plus simple des fraudes fiscales internationales consiste à ouvrir un compte bancaire à son
nom dans un pays protégeant le secret bancaire. La première solution préconisée par les
organisations internationales spécialisées, OCDE en tête, était inefficace. L’échange de
renseignements « sur demande » permettait aux autorités d’un pays de demander à celles d’un
autre pays des renseignements sur d’éventuels comptes bancaires d’un résidant soupçonné de
fraude. Pour plusieurs raisons, notamment la nécessité d’introduire une demande « bien
motivée » et l’absence de sanctions pour les pays peu enclins à répondre rapidement, ce
système était peu performant.

L’UE, les Etats-Unis et l’OCDE ont donc heureusement décidé de passer au système
beaucoup plus efficace de l’échange automatique : dès qu’un compte est ouvert dans un pays
tiers par un non résidant, l’administration fiscale du pays où réside cette personne est
automatiquement informée et peut donc taxer cette personne en conséquence. L’OCDE
travaille à la mise en place d’un réseau international et universel d’échange automatique, qui
devrait être opérationnel en 2018. Si cela se confirme, ce serait une première avancée.

2. Trusts, sociétés écran et fondations


Le problème est que les données automatiquement échangées mentionnent l’identité des
titulaires des comptes. Pour échapper au fisc et à la justice, on peut donc créer une société-
écran aux Bahamas ou aux Iles Cayman pour dissimuler son identité. Le secret de l’identité
des véritables propriétaires (ou « bénéficiaires effectifs » en jargon) de ces sociétés étant
légalement protégée, il suffit alors d’ouvrir un compte en banque au nom de cette société.

L’arsenal législatif anti-blanchiment a produit la première norme anti-sociétés-écran, la règle


du « know your Customer ». Les intermédiaires financiers ont la responsabilité de connaître
l’identité réelle des personnes qui se cachent derrière les sociétés écran, et le devoir
d’informer les autorités en cas de problème. Mais ce sont souvent les banques qui créent des
sociétés offshore pour faciliter la fraude de leurs clients plus fortunés. Les banques sont donc
peu crédibles dans le rôle de « gendarme » qui lui a été confié.

La quatrième révision de la directive UE anti-blanchiment, adoptée en 2015, a été beaucoup


plus loin. Un registre centralisé doit désormais mentionner l’identité des bénéficiaires

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effectifs de toutes les sociétés dans l’UE. Toutefois, ce registre n’est que partiellement
accessible au public et préserve le secret de la plupart des trusts.

La Commission européenne a proposé en juillet dernier une nouvelle révision de cette


directive. La balle est désormais dans le camp du Parlement européen et du Conseil des
ministres de l’UE, qui ont l’opportunité de rendre ce registre véritablement public et
transparent et d’y inscrire tous les trusts et toutes les fondations. Il s’agira ensuite de réussir à
généraliser cette transparence au-delà du territoire de l’UE, pour couvrir tous les paradis
fiscaux, y compris l’Etat fédéré américain du Delaware.

3. Le reporting public pays par pays pour les multinationales


Enfin, les paradis fiscaux sont aussi très utilisés dans les circuits d’optimisation fiscale des
multinationales, à savoir un ensemble de manœuvres comptables et fiscales complexes,
parfois légales, parfois illégales, souvent entre les deux, permettant aux multinationales de
diriger leurs profits vers des paradis fiscaux, en évitant ainsi qu’ils soient taxés.

La Commission européenne a lancé une vigoureuse campagne de répression, dont la dernière


victime a été Apple en Irlande, considérant, à juste titre, que ces cadeaux fiscaux arbitraires
sont tout aussi graves que des « aides d’Etat ». C’est toutefois insuffisant : plutôt qu’attendre
les résultats des investigations de la Commission européenne ou les fuites de tel ou tel
lanceur d’alerte, il est nécessaire de rendre obligatoire la publication de la stratégie fiscale des
multinationales.

Après avoir légiféré pour la transparence fiscale partielle du secteur extractif et du secteur
bancaire, la Commission européenne a proposé, en avril dernier, une directive sur la
transparence des multinationales tous secteurs confondus. Mais cette proposition rate son
objectif, car elle ne concerne que les sociétés dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions
d’euros et ne prévoit la publication des informations qu’aux filiales établies dans l’Union
européenne des sociétés et dans une liste de paradis fiscaux qu’il reste à établir. Or l’histoire
démontre que ces « black lists » officielles ne sont jamais assez complètes, car les opérateurs
ont tôt fait d’identifier le maillon faible (le paradis fiscal oublié de la liste) pour y rediriger
leurs fonds. Il s’agit donc désormais pour les députés européens et pour le Conseil des
ministres de durcir le dispositif pour le rendre efficace, en imposant une transparence

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élémentaire (noms des filiales, localisation, nombre d’employés, profits déclarés, impôts
payés, etc.) à toutes les filiales de toutes les sociétés partout dans le monde.

Tout d'abord, l'opacité en vigueur dans ces juridictions cache bien souvent le financement
d'activités criminelles, allant du blanchiment d'argent sale au trafic de drogue, voire au
terrorisme.
Les paradis fiscaux représentent également un manque à gagner conséquente pour les autres
États. Ils n'intéressent pas seulement de riches contribuables soucieux d'échapper à l'impôt. Ils
drainent également -et surtout- de nombreux fonds spéculatifs et de grandes entreprises, qui y
trouvent un moyen d'alléger leur fardeau fiscal dans leur pays d'origine, ou dans certains pays
où ils offrent leurs services. La question de la taxation des géants américains de la haute
technologie est donc liée. Lorsque l'on sait que près de 50% des flux internationaux de capitaux
transitent selon le FMI par un paradis fiscal, on imagine mieux l'ampleur de cette évasion
fiscale.

De ce fait, l’'OCDE coordonne au niveau mondial les politiques de lutte contre l'évasion fiscale
et le financement d'activités criminelles.

Le Forum global sur la transparence et l'échange d'informations fiscales tient ainsi plusieurs
fois par an des séminaires dans des pays souhaitant renforcer la lutte contre l'opacité fiscale.
Le dernier a eu lieu à Genève en juillet dernier. Le Forum poursuit en parallèle son travail
d'évaluation de la transparence de ses pays membres, les accompagnant dans leurs démarches
pour renforcer la coopération bancaire et fiscale.

Néanmoins, la notion même de paradis fiscal reste soumise à de puissants lobbies. Et les pays
qui figurent sur l'une ou l'autre des «listes noires» de la Commission ou de l'OCDE cherchent
à tout prix à en sortir.

Au moment de la diffusion de la liste de la Commission, certains pays s'étaient étonnés d'y être
mentionnés, alors même qu'ils s'étaient engagés à échanger des données sur les contribuables
étrangers... comme l'exigeait l'OCDE. L'Irlande a renoncé sous la pression de ses voisins à
certains des avantages fiscaux qu'elle octroyait aux grandes entreprises. La City de Londres,
qu'Esther Jeffers et Dominique Pilhon désignent comme «le plus grand paradis fiscal»

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puisqu’elle abriterait à elle seule 55% des dépôts offshore, n'a jamais été inquiétée. Un petit
coin de paradis protégé par un puissant parapluie de lobbies.

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CONCLUSION

Les origines des paradis fiscaux sont diverses, de même que leurs utilisations, bien plus que
ce que leur image traditionnelle ne laisse entendre. Comme toutes les institutions sociales de
cette complexité, leurs effets sont ambigus. Ils favorisent la fraude fiscale, le blanchiment
d'argent mafieux, la criminalité, l'instabilité financière, et réduisent l'autonomie des politiques
fiscales des États. Mais ils facilitent aussi nombre de transactions financières (prêts
internationaux, assurance, investissements...).

Il est impossible de juger de leur impact quantitatif sur l'économie et la croissance mondiales,
non seulement parce qu'ils sont créateurs d'opacité, mais également parce qu'après un siècle
de pratiques, individus, firmes et États souverains ont intégré leur existence et adapté,
internalisé, leur comportement en conséquence. Ainsi, l'ampleur croissante du phénomène
exerce-t-elle une pression à la baisse sur les niveaux d'imposition et de réglementation des
États. Certes, tous n'ont pas adopté une stratégie de développement des pratiques offshore
comme le Royaume-Uni, l'Irlande ou une multitude de petites îles, mais chacun d'eux doit
tenir compte dans la définition de sa politique fiscale de la nécessité de ne pas trop demander
à l'impôt, surtout pour la taxation des agents économiques les plus mobiles. Le capitalisme
contemporain est confronté aux trois énormes défis que sont le réchauffement climatique, la
montée des inégalités et l'instabilité financière. Les paradis fiscaux sont les instruments des
deux derniers. En servant prioritairement les intérêts des plus riches – individus, entreprises,
banquiers, investisseurs, etc. –, ils nourrissent les écarts de fortune au sein des pays, comme
l'a montré en France l'affaire Bettencourt, la première fortune de France affichant, selon Le
Canard enchaîné, un taux d'imposition de 9 %. En s'inscrivant dans les mécanismes des
grandes crises financières [Chavagneux, 2011], les centres financiers offshore contribuent
aux épisodes de dérapage de la finance spéculative et à ses lourdes conséquences en termes
de perte d'activité et d'emploi.

Lorsque l'on interroge les responsables de ces États parasites, ils commencent généralement
par répondre que leur pays n'est pas un paradis fiscal, puis que ce n'est pas de leur faute si
certains acteurs les utilisent comme tels, qu'ils font de leur mieux pour coopérer avec les
autres pays pour supprimer les abus et, enfin, qu'ils sont finalement des territoires très régulés
à qui l'on peut faire confiance .

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S'attaquer aux paradis fiscaux n'est pas chose facile et réclame du temps. On est vite
confronté à la complexité des intérêts privés en jeu et à la puissance de frappe politique du
monde de la finance, de l'assurance, de l'audit, etc., supporters aux gros moyens de leur
cause...

Un obstacle supplémentaire tient à ce que la finance offshore ne repose pas seulement sur
l'addition de territoires identifiés comme paradis fiscaux, mais qu'elle est devenue l'une des
colonnes vertébrales de l'économie mondiale en développant une pratique particulière du
principe de souveraineté politique. L'archipel de territoires que forment collectivement les
paradis fiscaux représente en effet une plateforme d'espaces de souveraineté offrant des lieux
sous-taxés, sous-régulés, réduisant les « coûts de transaction » de la mondialisation. On peut
saisir la fonction de cet archipel en ayant recours à la notion de contrat. Bien que nous ayons
pour habitude de considérer les relations de marché comme l'échange d'un bien contre de
l'argent, comme l'a montré l'économiste américain John Commons au début du xxe siècle, un
marché est mieux décrit par le fait que l'on y échange des droits de propriété. Chaque
transaction économique qui se déroule dans l'économie mondiale correspond ainsi à un
contrat entre deux « parties prenantes », deux agents économiques, définis juridiquement. En
tant que contrat, chaque échange nécessite donc une source de pouvoir qui énonce les droits
et devoirs de chaque contractant, précise la nature des contrats et se porte garant de leur
application. Ceux-ci ont besoin pour exister d'être localisés dans un espace de souveraineté,
un État dans la période contemporaine. Ainsi, une banque, une entreprise, ou même un bateau
ou un avion, ainsi que chaque individu doit être « enregistré » et disposer d'une « résidence »
dans l'un des États du monde pour pouvoir exister juridiquement et donc économiquement.
Un bateau qui n'est enregistré dans aucun État est considéré comme un bateau pirate.

Toute transaction économique, pour exister, est donc soumise au pouvoir de régulation, et de
taxation, d'un État. Ce simple fait, combiné avec le développement des technologies de
l'information et de la communication, permet à nombre de territoires de s'insérer dans
l'économie mondiale en offrant un espace de souveraineté sous-taxé et sous-réglementé. Les
lois régissant les transactions économiques ayant été développées à l'intérieur de chaque État,
nous avons l'habitude de raisonner comme si la localisation juridique d'une transaction et le
lieu où elle se produit sont identiques. Or les avancées technologiques, l'ouverture croissante
des marchés et la standardisation progressive des pratiques d'affaires ont ouvert la voie à un

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découplage croissant entre lieu réel et lieu juridique des transactions dans lequel les paradis
fiscaux font leur nid.

Ils sont ainsi devenus à partir des années 1960 et 1970 d'importants, et pour certains d'entre
eux, de très importants dépositaires de contrats décalés dans le temps et l'espace des
transactions réelles qu'ils représentent. La grande majorité des bateaux qui arborent le
drapeau du Liberia n'en a jamais vu les côtes, de même que les Bermudes ne sont pas une
grande puissance industrielle !

De manière ironique, les territoires offshore n'ont pu devenir des nœuds de réseaux du
capitalisme contemporain qu'en s'appuyant sur la reconnaissance croissante du principe de
souveraineté des États, à partir de la fin du XIXe siècle. Aujourd'hui comme hier, l'État et la
mondialisation du capitalisme, loin d'être opposés, appartiennent au même espace et ne
peuvent se comprendre, a-t-on voulu montrer ici, sans étudier ce lieu de rencontres entre
gouvernements, multinationales, financiers et criminels qu'est l'économie offshore des paradis
fiscaux.

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