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Isabelle Leroux
2006/2 no 6 | pages 83 à 98
ISSN 1780-9231
ISBN 2804151417
DOI 10.3917/neg.006.98
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-negociations-2006-2-page-83.htm
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Cet article apporte un éclairage sur le contenu stratégique de la gouvernance territoriale et sur les
jeux de négociation qui se déroulent en son sein. En effet, dans tout projet de développement ter-
ritorial, les acteurs publics privés ou sociaux sont confrontés à des situations conflictuelles, ex-
pressions de confrontations tenant tant à des questions d’intérêts qu’à des conflits de pouvoirs.
La gouvernance territoriale dépend alors largement de la nature des conflits en jeu, de leur carac-
tère plus ou moins diffus et de la capacité des acteurs à déboucher par la négociation sur des
compromis acceptables. Mais si la négociation contribue à résoudre ces conflits, il n’en demeure
pas moins qu’elle est également une modalité d’instrumentalisation des règles du jeu qui peut fra-
giliser les coordinations locales. Ainsi, l’un des enjeux du développement local semble aujourd’hui
tenir à la prise en compte plus effective des « jeux » et des « lieux » de négociation potentielle ou
avérée de manière à acquérir une plus grande lisibilité des mécanismes qui fondent la gouver-
nance territoriale. Une grille d’analyse est ici proposée à l’analyste dans la perspective de débou-
cher sur de nouvelles voies d’investigation autour du paradigme stratégique.
Mots-clefs : gouvernance territoriale, négociation, stratégie, conflit, pouvoir.
This article brings to light the strategic nature of territorial governance and the need for a deep
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INTRODUCTION
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2. Dispositifs locaux de développement fondés sur les complémentarités entre la recherche publique
et l’industrie autour par exemple de la génomique (génopole) ou de l’agroalimentaire (agropole).
Ces dispositifs font l’objet d’aides de la part des collectivités territoriales, notamment les Conseil
régionaux : subventions, mise à disposition d’équipements et infrastructures, pilotage et animation.
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les métropoles régionales, qu’un Conseil régional, une ville et une communau-
té de communes soient en concurrence pour l’accompagnement et la promo-
tion d’activités d’excellence scientifique développées sur une zone industrielle
péri-urbaine.
De notre point de vue, l’enjeu de la négociation n’est pas tant l’issue du jeu, en
termes purement allocatifs, que la manière dont les acteurs locaux élaborent les
règles de l’accord au-delà de leurs divergences d’intérêts. Dans une perspective
3. Le pouvoir de décision renvoie au pouvoir d’imposer une décision pour laquelle les partenaires
n’opteraient pas obligatoirement de leur plein gré.
4. Le pouvoir d’influence est relatif à la capacité d’orienter les pensées, les décisions les actes
d’autrui, alors que ce dernier n’aurait pas au départ obligatoirement opté pour ces décisions.
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principes et des règles qui ont pour but de canaliser les relations de pouvoir
(De Munck et Lenoble, 1996; Rebiéroux et al., 2001). On peut donc la définir
à l’échelle du territoire comme un processus intentionnel d’ajustement mutuel,
visant non seulement à l’échange ou au partage de ressources tangibles et in-
tangibles, mais aussi à la définition de principes et de règles, « cadres de l’ac-
tion ». Ainsi, elle revêt un caractère arbitral en tant qu’elle apparaît selon les
cas comme :
– une modalité d’anticipation des conflits. Elle traduit alors la volonté com-
mune des acteurs locaux de ne pas entrer dans une situation de conflit ;
– une modalité de médiation des conflits. Elle renvoie dans ce cas à la vo-
lonté collective de déboucher sur un compromis ;
– une modalité de résolution des conflits. Elle traduit ici la volonté de débou-
cher sur une solution commune éradiquant le conflit initial.
Par ailleurs, s’engager dans une négociation peut relever pour les acteurs
locaux d’une volonté de « non-belligérance ». Le refus de négocier étant inter-
prété comme une mise à l’écart ou une démonstration de force, il contribue
souvent à l’ouverture d’hostilités, ainsi des luttes syndicales, dégénérant en
manifestations de violence. Le recours à la négociation évite alors le conflit et
contribue à définir plus sereinement un nouveau champ des rapports de force.
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Néanmoins, cette légitimité, qui repose sur les initiatives et sur le respect
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3 LA NÉGOCIATION, UN VECTEUR
D’INSTRUMENTALISATION DES RÈGLES
Enfin, l’intérêt des acteurs est également dans « le pouvoir que sert la règle ».
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sont bien au cœur de la découverte scientifique en amont. Dès lors, leurs si-
tuations budgétaires sont moins favorables et ils disposent par conséquent d’un
pouvoir d’influence moindre eu égard à leurs activités qui ne peuvent donner
lieu à des découvertes scientifiques immédiatement industrialisables. Le ris-
que est alors de voir émerger une recherche « à deux vitesses » sur un même
territoire.
Dès lors, le conflit est plus souvent présent qu’on ne le pense, de manière
plus ou moins latente, dans les termes du compromis négocié par les acteurs
locaux. Tout compromis revêt alors un caractère plus ou moins provisoire et
fragile, en fonction du degré de conflit non résolu qu’ il contient. Cette fragilité
provient également de la nature même des négociations et plus précisément
des oscillations entre la délibération collective que suppose l’engagement
dans un projet et la tentation d’instrumentaliser les règles de manière à servir
des avantages privés. Ainsi, l’harmonie affichée s’avère parfois illusoire et
confère à la gouvernance territoriale un caractère plus ou moins instable en
fonction des situations, des enjeux et des conflits cristallisés. Le cas des se-
menciers du Sud-Ouest organisés en association de lobbying est un exemple
montrant les fondements d’une gouvernance territoriale susceptible d’instabi-
lités. A défaut de pouvoir influer directement sur les laboratoires publics dont
elle souhaite orienter les recherches dans une direction servant les intérêts
économiques des semenciers, l’association de lobbying choisit d’exercer un
pouvoir d’influence sur le Conseil régional en charge de sélectionner les pro-
grammes de recherche à financer. C’est donc au travers des organes publics
de consultation que les semenciers expriment leurs besoins et les motifs de
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CONCLUSION
RÉFÉRENCES