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On considère des marchés pouvant faire l’objet d’un allotissement : les biens
peuvent être découpés en lots plus ou moins hétérogènes. On s’intéresse à la
question de l’allotissement optimal, du point de vue du vendeur (ou du maître
d’œuvre), en se focalisant sur l’effet de regrouper plusieurs lots en un seul, ou
inversement, de dégrouper un lot initial en plusieurs lots distincts. On identifie deux
effets. Un dégroupement accroît toujours l’efficacité de l’allocation finale. Cepen-
dant, il modifie la nature des asymétries entre enchérisseurs, et cela peut conduire
à des conditions concurrentielles plus ou moins défavorables. Deux applications
sont discutées : les appels d’offres de services de flux bancaires et les enchères
pour allouer l’espace publicitaire sur Internet.
We consider the issue of allotment design: goods are divisible and may be
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* Paris School of Economics et École des Ponts ParisTech. Correspondance : Paris School of
Economics, 48 boulevard Jourdan, 75014 Paris. Courriels : compte@enpc.fr
** CIRED (École des Ponts ParisTech). Correspondance : 45 bis avenue de la Belle Gabrielle,
94130 Nogent-sur-Marne. Courriel : laurent.lamy78@gmail.com
*** Université Paris Dauphine, LEDa-DIAL, et ACOSS. Correspondance : ACOSS, 36 rue de
Valmy, 93100 Montreuil. Courriel : emmanuel.laurent@acoss.fr
Ce travail a été entrepris dans le cadre d’un partenariat de recherche entre PSE et l’ACOSS.
141
INTRODUCTION
142
une enchère au second prix, c’est-à-dire une enchère où pour chaque lot le prix
d’attribution est déterminé par les caractéristiques du meilleur perdant sur ce
lot. Cette hypothèse permet de caractériser simplement les coûts associés à
chaque découpage. Elle permet aussi de s’abstraire de problèmes information-
nels (potentiellement pertinents), où les avantages à grouper ou dégrouper des
lots pourraient dépendre de la manière dont le découpage affecte les connais-
sances ou croyances de chacun sur les coûts des autres. D’un point de vue métho-
dologique, notre analyse ne vise donc pas à déterminer l’enchère optimale à
la Myerson [1981], mais plutôt l’allotissement optimal pour un mécanisme de
référence utilisé en pratique.
Concernant la littérature théorique, les politiques d’allotissement ont été très
peu analysées. Une explication possible est la difficulté à dégager des résultats
généraux dans un cadre où les biens sont hétérogènes2. Les travaux les plus
proches de notre analyse sont ceux de Palfrey [1983] et Chakraborty [1999].
Comme nous, ils fixent le mécanisme d’allocation et comparent l’effet de grouper
ou dégrouper des lots. Ils montrent que dans des environnements symétriques
le bénéfice du regroupement est lié au nombre d’enchérisseurs : plus de concur-
rence plaide en faveur du dégroupement. Par rapport à ces travaux, nous simpli-
fions le cadre informationnel, mais nous enrichissons les structures de coûts
possibles avec des asymétries entre les tâches (ou les biens). Cela nous permet
de dégager des principes généraux qui ne dépendent pas trop finement des coûts
exacts des entreprises mais plutôt de leur force relative, et aussi d’étudier le
bénéfice de politiques d’allotissement intermédiaires avec des regroupements
partiels.
Concernant la littérature appliquée, la question du contour des biens mis en
vente s’est posée à plusieurs reprises. Il peut s’agir de l’allocation de la bande
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MODÈLE
Lots et allotissement
3. Notons que cette hypothèse est cohérente avec la réforme de 2001 du Code des marchés
publics et l’introduction d’enchères électroniques inversées (qui correspondent à des enchères au
second prix sur chacun des lots). La possibilité de recourir à une enchère électronique inversée est
décrite dans l’article 54, titre III du Code des marchés public de 2006. Cette enchère permet en parti-
culier une révision dynamique des offres en fonction des offres faites par les concurrents, ce qui en
fait un analogue de l’enchère au second prix, comme Brisset, Marechal et Morand [2002] l’ont noté.
144
Formellement, pour chaque lot K, il est possible d’ordonner les entreprises par
ordre de coût croissant et de noter cK(1) le plus bas coût, cK(2) le deuxième plus bas
coût, et ainsi de suite4. Le prix de transaction pK pour le marché K vaut donc :
pK = cK( 2) .
Pour un allotissement donné k, on peut définir le prix global de transaction
p (κ) (payé par le maître d’œuvre à l’ensemble des entreprises prestataires) et le
coût total c (κ) pour les entreprises sélectionnées :
p (κ) ≡ ∑ pK m = ∑ cK(2)
m
m =1, …, m m =1, …, m
et
c (κ) = ∑ cK(1) .
m
m =1, …, m
On utilisera parfois la notation c (κ, N ) plutôt que c (κ) , pour indiquer qu’il
s’agit du coût résultant d’une mise en concurrence de l’ensemble des entreprises
dans N.
Dans ce qui suit, on s’intéresse à l’effet de l’allotissement choisi k sur le prix
payé p (κ) par le maître d’œuvre. Notre observation préliminaire est la suivante.
oBServAtion 0. Si une entreprise est la plus efficace sur chacun des services,
et si une autre entreprise est au moins deuxième plus efficace sur chacun des
services5, alors p (κ) et c (κ) sont indépendants de l’allotissement k.
Le principe plus général est que le prix est déterminé par le ou les premiers
perdants. Dans la mesure où, quel que soit l’allotissement, une entreprise (disons
l’entreprise 1) gagne tous les lots quand elle est présente, et qu’une même entre-
prise (disons l’entreprise 2) gagne tous les lots quand l’entreprise 1 est absente,
alors l’allotissement importe peu6 : le prix payé est déterminé par le coût de
l’entreprise 2, c’est-à-dire cK2 .
4. Si les deux entreprises les plus efficaces ont le même coût ck(1), on a alors ck(1) = ck(2) .
′
5. C’est-à-dire s’il existe i et j tels que pour tout k Î K, cki ≤ ckj ≤ min i ′≠i , j cki .
6. De fait, cette observation se généralise facilement au cadre plus général (présenté dans
l’appendice) où les coûts ne sont pas additifs.
145
ANALYSE
Généralités
Pour faciliter l’analyse et l’exposition des résultats, nous écrivons le prix
p (κ) de deux façons différentes. Pour chaque lot K, définissons rK comme
l’écart entre le deuxième et le premier coût :
rK = cK(2) − cK(1) .
En sommant ces égalités pour tout i, on obtient la rente totale r (κ) versée par le
maître d’œuvre. En utilisant (1) et en observant que c (κ) = c (κ, N ) , on obtient :
p (κ) = ∑c (κ, N \ {i}) − ( N −1) c (κ, N ) . (2)
i∈N
7. Rappelons que c (κ, N) indique le coût résultant d’une mise en concurrence des entreprises
dans N. Par abus de notation, c (κ, N \ {i}) désigne le coût résultant d’une mise en concurrence des
entreprises dans N \ {i}. Par ailleurs, seuls les marchés de services que i obtient contribuent à la
différence c (κ, N \ {i}) − c (κ, N) :
c (κ, N \ {i}) − c (κ, N) = ∑ cK(2) − cK(1) = ∑ rK = r i (κ).
(1) i (1) i
K∈κ :cK =cK K∈κ :cK =cK
146
147
réduit l’efficacité de l’allocation finale (on augmente le coût c (κ, N )). Mais cela
réduit aussi la rente versée à chacune d’entre elles : celle qui perd un lot n’obtient
plus de rente sur ce lot ; celle qui remporte un nouveau lot le paye au prix fort, car
elle n’y est pas la plus efficace, et le prix du lot joint est déterminé par l’autre,
plus efficace qu’elle-même sur ce lot gagné. Cette réduction de rente se trouve
être précisément égale, pour chacune, à l’augmentation totale des coûts. Ainsi,
toute augmentation de c (κ) d’un montant D réduit la rente versée d’un montant
2D , et donc, finalement, le prix payé est réduit d’un montant D.
Preuve. Supposons que les entreprises 1 et 2 soient les plus efficaces. Alors,
dès que 1 ou 2 est présente, les entreprises i ¹1,2 n’obtiennent aucun lot,
donc c (κ, N \ {i}) = c (κ, N ) . De plus, si 1 est absente, tous les lots sont attri-
bués à 2, indépendamment du découpage k. Donc c (κ, N \ {1}) = cK2 . De même,
c (κ, N \ {2}) = c1K . L’équation (2) donne alors :
Ainsi un découpage moins fin réduit le prix payé (car il augmente c (κ) )11.
148
12. Formellement, pour le marché k, l’entreprise i = k est la plus efficace : ckk = min j∈N ckj
pour tout k.
13. Un exemple (examiné dans une perspective plus agrégée dans la quatrième section) est le
cas où l’appel d’offres sélectionne une banque prestataire et où le marché consiste à effectuer des
virements bancaires depuis un compte individuel donné vers celui de la banque prestataire gagnante.
Si le compte individuel est déjà géré par la banque k, alors pour la banque k, et seulement pour elle,
il s’agit de transferts intrabancaires, moins coûteux ou risqués que pour les autres banques.
149
14. Dans le cas où k est impair, le dernier marché peut être vendu soit séparément en suivant
cette logique, soit être greffé à un des lots précédents. Tous les allotissements construits de la sorte
minimisent le prix.
15. Plus généralement, un lot peut être défini comme un vecteur ρ = (ρ1 ,, ρ k ) indiquant le
pourcentage de chaque service la composant. Le coût de l’entreprise i pour un tel lot r est alors
cρi ≡ ∑ k ∈K � ρ k cki .
150
Généralisation
Nous avons fait une hypothèse de coûts additifs. Nous avons aussi fait l’hy-
pothèse que le seul critère examiné est un critère de coût total pour une pres-
tation donnée. Chacune de ces deux hypothèses peut apparaître restrictive. Les
entreprises peuvent faire face à des contraintes de capacité. Par ailleurs, le maître
d’œuvre peut souhaiter, pour des raisons opérationnelles ou de concurrence à
long terme, répartir le marché entre différentes entreprises.
Enfin, notre analyse suppose de définir a priori les lots. On pourrait imaginer
des contraintes sur les allocations ne prenant pas forcément la forme d’un allo-
tissement fixé a priori16, à l’instar des enchères combinatoires mises en place
par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes
(ARCEP) en 2010 pour allouer les fréquences 3G résiduelles17. Nous fournis-
sons dans l’appendice une généralisation du modèle permettant de traiter ces cas
plus complexes.
APPLICATIONS
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16. Il est par exemple possible de définir des mécanismes de mise en concurrence où le nombre
de marchés 1,¼, m est fixé, mais où le contenu de chaque marché K m n’est pas déterminé a priori,
mais est fonction des offres. Il peut aussi exister des contraintes sur le nombre de lots qu’une même
entreprise peut remporter.
17. ARCEP, « Les conditions d’utilisation des fréquences radioélectriques pour des systèmes
de Terre permettant de fournir des services de communications électroniques dans la bande
de fréquences 790-862 MHz en France métropolitaine », projet de décision du 16 mai 2011,
http://www.arcep.fr/.
151
(2,5 %)18. Au-delà des pièces et billets, certains moyens de paiement (7 %) sont
encore matériels (chèque, lettre de change, titre interbancaire de paiement (TIP))
et ils peuvent représenter une part substantielle du coût total de traitement.
Pour une organisation privée ou publique ayant à traiter un grand nombre
de transactions, la question de la mise en concurrence des prestataires de ces
services de traitement de flux bancaires se pose. Doit-elle mettre en concurrence
un unique marché pour l’ensemble de ces services ? Doit-elle créer des marchés
différents en fonction du type de transaction ? Existe-t-il d’autres sources
d’hétérogénéité exploitables ?
Nous donnons ci-dessous plusieurs exemples concernant le marché des flux
bancaires des organismes de recouvrement des cotisations sociales (URSSAF)
et des organismes en charge de verser les prestations vieillesse pour le régime
général (Caisse nationale d’assurance vieillesse, CNAV). Ces flux représentent
190 millions d’opérations par an, pour une dizaine de concurrents, et une facture
globale d’environ 13 millions d’euros par an sur la période considérée19. Le
marché est découpé en lots20 et les appels d’offres sont pilotés par l’Agence
centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS)21. Depuis 2010, l’ACOSS
a constitué une base de données compilant le détail des offres soumises sur
chaque lot (environ 50 lots entre 2010 et 2015)22.
1. La CNAV effectue pour l’essentiel des transactions dématérialisées (vire-
ments) à destination d’allocataires (les retraités). Ces virements peuvent être
nationaux ou internationaux selon le lieu de résidence de l’allocataire23. Dès lors,
doit-on créer un marché unique combinant transactions nationales et internatio-
nales, ou bien un lot purement national et un lot purement international, ou bien
encore un lot pur (par exemple une fraction de national) et un lot mixte mélan-
geant des transactions nationales et les transactions internationales ? En 2015,
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18. Bank for International Settlements, Committee on Payment and Settlement Systems,
« Statistics on Payment, Clearing and Settlement Systems in the CPSS Countries », décembre 2014,
https://www.bis.org/cpmi/publ/d142.htm.
19. Pour le régime général dans son ensemble, incluant la maladie et la famille, les flux repré-
sentent 800 millions d’opérations par an pour une facture globale d’environ 20 millions d’euros.
20. Les lots sont soit nationaux (pour la CNAV et la Caisse nationale d’allocations familiales
(CNAF)), soit locaux (pour les URSSAF et la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs
salariés (CNAMTS)).
21. L’ACOSS est l’organisme de tutelle des URSSAF. Une de ses missions est la gestion de la
trésorerie de la Sécurité sociale.
22. Dans le cadre d’un partenariat de recherche avec l’ACOSS, nous avons eu accès à cette
base de données confidentielle. Les offres comportent des dimensions financières (coûts unitaires,
coûts fixes…) et des dimensions qualitatives dont l’impact financier est plus ou moins difficilement
mesurable (délai de mise à disposition des fonds, qualité du site Internet, etc.).
23. Les virements internationaux hors SEPA représentent 3 % de l’ensemble des transactions
(5 sur 160 millions de transactions par an), mais, du fait de coûts unitaires élevés, ils représentent
plus de la moitié de la facture pour la CNAV.
24. Notons toutefois que le lot international comprend différentes zones géographiques et que
cela peut limiter le nombre de prestataires susceptibles d’y répondre. Un découpage plus fin en fonc-
tion de la zone géographique (en séparant par exemple les virements à destination des pays d’Afrique
du Nord des autres) aurait peut-être apporté une réponse différente en faisant émerger des champions
locaux qui n’ont pas participé aux appels d’offres.
152
25. Les pourcentages représentent la part en nombre d’opérations, pour un nombre total d’opé-
rations d’environ 30 millions en 2014. Le coût de traitement des transactions dématérialisées se situe
en 2014 entre 1 et 2 centimes d’euro par transaction. Le coût de traitement des chèques est de trois
à quatre fois supérieur.
26. L’implantation géographique joue aussi sur l’intrabancarité, source de différenciation entre
banques.
27. À titre indicatif, calculé sur l’ensemble de ces régions, l’écart moyen entre la meilleure et
la deuxième meilleure offre financière est de 10,6 %, avec un écart type de 10,3 %. Cet écart est
inférieur à 4 % pour cinq de ces régions.
153
28. Varian [2007] et Edelman, Ostrovsky et Schwarz [2007] ont étudié ces enchères quand
plusieurs créneaux sont proposés simultanément dans chaque enchère. Dans notre discussion, nous
faisons implicitement abstraction de cet aspect.
29. Cette valeur ne dépend pas seulement de la probabilité de recevoir des clics mais aussi du
taux de conversion (ou « qualité ») des clics, c’est-à-dire de la probabilité que le consommateur soit
intéressé par les produits de l’entreprise i.
30. Un mot-clé générique peut s’interpréter comme l’union de mots-clés spécialisés.
31. On peut penser à d’autres dimensions potentiellement pertinentes, pour lesquelles le
vendeur d’espace publicitaire a de l’information susceptible d’être utilisée (ou non) dans le choix du
découpage : la dimension temporelle (l’horaire, le jour de la semaine, la saison), d’autres aspects de
localisation (zone urbaine, périurbaine ou rurale), l’historique des recherches (première recherche,
recherche récurrente, etc.).
154
uniquement dans certaines régions, il est peu utile d’apparaître sur l’ordinateur
d’un internaute localisé dans une autre région.
Imaginons que k ne désigne plus un mot-clé, mais une localisation géogra-
phique, k ∈ {a,� b} . Si seules deux enseignes sont en concurrence, sur des loca-
lisations disjointes, le vendeur n’extrait aucune rente. Il est préférable de ne pas
scinder les marchés en fonction de la localisation géographique (observation 2).
En revanche, si une seule entreprise est intéressée par la localisation a, et si
plusieurs entreprises sont intéressées par la localisation b, alors l’observation 6
s’applique de nouveau. Il est préférable pour le vendeur (Google) de créer une
« localisation mélangée » comprenant tous les internautes de la localisation a
et une fraction des internautes de la localisation b, afin d’extraire une rente de
l’enseigne « spécialisée » dans la localisation a. Dans le même ordre d’idée,
Bergemann et Bonatti [2011] établissent un arbitrage entre efficacité et concur-
rence, en fonction du découpage, et obtiennent que le découpage optimal est
intermédiaire (voir aussi Athey et Gans [2010]).
DISCUSSION
Cet article établit un lien entre la structure des coûts des enchérisseurs et
le choix de l’allotissement : comment exploiter au mieux les hétérogénéités
de coûts pour minimiser le prix payé par le maître d’œuvre, c’est-à-dire pour
arbitrer au mieux entre efficacité de l’allocation et rente laissée aux entreprises
gagnantes.
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32. Par exemple, l’allotissement et, plus généralement, les règles de mise en concurrence
peuvent affecter le nombre et les caractéristiques des entreprises susceptibles de répondre aux appels
d’offres (Jehiel et Lamy [2015]) ainsi que les investissements de ces dernières pour réduire leurs
coûts (Gong, Li et McAfee [2012]).
155
régionaux à des lots nationaux peut avoir un effet négatif à court terme si les
entreprises ne sont pas capables de répondre à ces modifications de la nature des
lots. À moyen terme cependant, les entreprises peuvent s’ajuster en interne à ces
modifications, fusionner ou faire des offres jointes33.
Les possibilités de collusion. Notre analyse a présupposé des entreprises adop-
tant un comportement concurrentiel. Des accords tacites de partage du marché
sont parfois possibles, en particulier quand les lots correspondent à des zones
géographiques. La question est alors de savoir comment agir sur le nombre et la
composition des lots pour réduire les chances de succès d’accords tacites éven-
tuels. Le principe général consiste à rendre difficile aux entreprises le fait de se
coordonner sur un partage équitable et stable du marché34. Cela peut consister à
réduire le nombre de lots, à créer des asymétries entre les lots et/ou à modifier
les découpages entre deux remises en concurrence.
Les effets de taille. Nous avons omis pour l’essentiel les effets de taille. Dans
certains cas, cette hypothèse peut être restrictive. Dans le cas de lots géogra-
phiques par exemple, obtenir deux lots contigus peut induire des économies
d’échelle. D’un autre côté, la capacité à gérer des lots de grande taille peut
être limitée. Enfin, les économies ou déséconomies d’échelle peuvent varier
d’une entreprise à l’autre. D’autres types de mécanismes de mise en concur-
rence, permettant aux entreprises de faire différentes offres, fonction du sous-
ensemble de lots éventuellement attribués, sont envisageables comme indiqué
dans l’appendice.
Asymétrie d’information et valeur commune. Levin et Milgrom [2010]
suggèrent un autre motif pour lequel des lots de trop petites tailles pourraient
être néfastes. En présence d’incertitude sur l’identité des lots les plus profitables
et s’il y a de l’asymétrie d’information entre les enchérisseurs, un participant peu
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33. Dans le cadre d’une analyse de l’enchère optimale à la Myerson [1981], Morand [2002]
s’interroge ainsi sur la pertinence d’autoriser des offres jointes.
34. Dans un même ordre d’idée, voir Compte, Jenny et Rey [2002].
156
APPENDICE
Preuve de l’observation 4
Preuve de l’observation 5
Regrouper deux services k1, k2 est toujours profitable, car on se trouve dans
les conditions de l’observation 2 : si k1 < k2 , les deux services sont attribués
à l’entreprise la plus efficace (k1 ) à un prix déterminé par k2 et l’économie
réalisée par rapport au cas dégroupé vaut rk2 36.
35. Dans le cas d’un grand nombre d’entreprises, il peut être raisonnable de supposer que D1
est plus petit que D0 . L’effet d’efficacité domine alors l’effet de rente et la fusion des lots n’est
pas souhaitable.
36. Dans le cas où k1 et k2 sont regroupés, le prix pour ce lot vaut ck1 + ckk2 = ck1 + ck2 − rk2 ,
2
d’où une économie de rk2 .
157
Preuve de l’observation 6
Imaginons d’abord la création de trois lots k1(1−ρ ) , k1(r ) et k2 , puis le regrou-
pement de k1(r ) et k2 . Le partage de k1 en deux lots ne modifie ni l’allocation
ni le prix. L’entreprise 1 obtient k1 au prix ck(2) , et l’entreprise 2 obtient k2 au
1
prix ck(2) = c1k2 . Il suffit donc de montrer que le regroupement de k1(r ) et k2 est
2
profitable. Dans le cas dégroupé, le prix du lot mélangé vaut ρck(2) + c1k2 . Dans
1
le cas groupé, et dans la mesure où l’entreprise 2 reste la plus efficace (ce qui est
toujours possible pour r pas trop grand), le prix du lot mélangé est déterminé
par le coût de l’entreprise 1. Il vaut ρc1k1 + c1k2 < ρck(2) + c1k2 38.
1
Généralisation
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158
( ( )) ( ) ( )
i
pi ≡
c x ∗ κ ,
c + C κ−i ,
c − C κ ,
c ,
Ainsi, les équations (1) et (2) sont inchangées. Seule change l’interprétation
de k. Il s’agit ici de l’ensemble des allocations possibles. Un allotissement plus
fin correspond ainsi à un élargissement de l’ensemble des allocations possibles.
39. Edelman, Ostrovsky et Schwarz [2007] et Varian [2007] ont montré que le mécanisme
d’enchère multi-objet employé par Google avait un équilibre qui implémentait la même tarification
que celle de l’enchère de Vickrey généralisée. Pour des fonctions de coût générales mais exemptes
de complémentarités, l’enchère de Vickrey généralisée correspond à des formats d’enchères
ascendantes où les enchérisseurs peuvent soumettre des offres combinatoires, comme De Vries,
Schummer et Vohra [2007] l’ont montré. Il s’agit de formats qui généralisent l’enchère ascendante
utilisée dans les salles de vente et qui correspondent peu ou prou aux mécanismes utilisés récemment
par la Federal Communications Commission (FCC) pour l’allocation de bande passante. Notons que
pour des structures de coûts générales, on peut se heurter à plusieurs difficultés de mise en œuvre,
chaque entreprise devant a priori soumettre ses coûts pour chaque combinaison de lots. Il peut aussi
exister des difficultés algorithmiques pour trouver l’allocation qui minimise le coût total. Goeree et
Holt [2010] nuancent cependant ces critiques.
40. L’argument est classique. Calculons la rente de l’entreprise i quand la structure des coûts
annoncées est c = (ci ,
c−i) . Cette rente s’écrit :
( ) (
pi − ci x∗ (κ, c ) = C(κ−i , c ) − c x∗ (κ, c ), (ci , )
c−i) .
Le premier terme ne dépend pas de l’annonce ci. Le second terme est minimum quand ci = ci .
Notons aussi que cette rente est toujours positive quand ci = ci car κ−i ⊆ κ .
159
41. C’est-à-dire parmi les allocations possibles k ou κ ′ , il est plus efficace d’allouer tous les
services à l’entreprise 1.
42. C’est-à-dire, parmi les allocations possibles dans k ou dans κ ′ , il est plus efficace de ne
rien allouer aux entreprises autres que l’entreprise 1 et l’entreprise 2, et ce, même si l’une d’entre
elles est absente.
160
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
161
ANNEXE
Le graphique suivant résume les principaux flux financiers (les chiffres correspondant aux
flux constatés en 2013), depuis les cotisants vers les bénéficiaires des prestations sociales.
Organismes Organismes
de recouvrement ACOSS prestataires
URSSAF CNAV, CAF, CPAM
La discussion de la partie « Les marchés des flux bancaires » dans la quatrième sec-
tion porte sur la mise en concurrence des banques assurant les flux entrants d’une part
(le recouvrement) et les flux sortants d’autre part (prestations). Voici quelques éléments
concernant ces marchés.
1) Les marchés sont d’une durée de trois à quatre ans selon les cas. Ils ne sont pas mis
en concurrence simultanément.
2) Pour les retraites, le marché est découpé en plusieurs lots vendus simultanément.
Des lots concernant les transactions nationales (ou régis par le SEPA) et un lot interna-
tional unique. Pour le recouvrement, les appels d’offres sont organisés régionalement.
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