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MARCHÉS ET ALLOTISSEMENT : REGROUPEMENT OU

DÉGROUPEMENT ?

Olivier Compte, Laurent Lamy, Emmanuel Laurent

Presses de Sciences Po | « Revue économique »

2017/2 Vol. 68 | pages 141 à 162


ISSN 0035-2764
ISBN 9782724635041
DOI 10.3917/reco.pr2.0075
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-economique-2017-2-page-141.htm
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Marchés et allotissement :
regroupement ou dégroupement ?
Olivier Compte*
Laurent Lamy**
Emmanuel Laurent***

On considère des marchés pouvant faire l’objet d’un allotissement : les biens
peuvent être découpés en lots plus ou moins hétérogènes. On s’intéresse à la
question de l’allotissement optimal, du point de vue du vendeur (ou du maître
d’œuvre), en se focalisant sur l’effet de regrouper plusieurs lots en un seul, ou
inversement, de dégrouper un lot initial en plusieurs lots distincts. On identifie deux
effets. Un dégroupement accroît toujours l’efficacité de l’allocation finale. Cepen-
dant, il modifie la nature des asymétries entre enchérisseurs, et cela peut conduire
à des conditions concurrentielles plus ou moins défavorables. Deux applications
sont discutées : les appels d’offres de services de flux bancaires et les enchères
pour allouer l’espace publicitaire sur Internet.

MARKETS AND ALLOTMENTS: BUNDLING OR UNBUNDLING?

We consider the issue of allotment design: goods are divisible and may be
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cut into various possibly heterogeneous lots. We investigate conditions under
which it is preferable from the seller’s perspective to create two or more lots out
of an initial one, or to group various initial lots into a single one. We identify two
effects. De-grouping always increases efficiency of the final allocation. Never-
theless, it modifies asymmetries across bidders, and this may possibly end up
hurting the seller. We examine the applications to procurement for cash flow
management services, and to auctions for commercial links or space on internet.

Classification JEL : D44.

* Paris School of Economics et École des Ponts ParisTech. Correspondance : Paris School of
Economics, 48 boulevard Jourdan, 75014 Paris. Courriels : compte@enpc.fr
** CIRED (École des Ponts ParisTech). Correspondance : 45 bis avenue de la Belle Gabrielle,
94130 Nogent-sur-Marne. Courriel : laurent.lamy78@gmail.com
*** Université Paris Dauphine, LEDa-DIAL, et ACOSS. Correspondance : ACOSS, 36 rue de
Valmy, 93100 Montreuil. Courriel : emmanuel.laurent@acoss.fr
Ce travail a été entrepris dans le cadre d’un partenariat de recherche entre PSE et l’ACOSS.

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Revue économique – vol. 68, n° 2, mars 2017, p. 141-162


Revue économique

INTRODUCTION

De nombreux marchés (enchères ou appels d’offres) peuvent faire l’objet


d’un allotissement en lots plus ou moins hétérogènes, et les possibilités d’allotis-
sement sont généralement multiples. Pour un marché de services par exemple, il
est possible de créer des lots en fonction du type de service désiré, de limiter pour
chaque lot le volume demandé à un certain pourcentage du volume global, ou
encore de créer des zones géographiques distinctes. Dès lors, comment tirer parti
de cette marge de manœuvre, quelle stratégie de découpage adopter, comment
choisir le contour des lots mis en vente (taille, nombre, contenu) ? L’objectif de
cet article est d’examiner l’effet du découpage sur le montant de la facture pour
le maître d’œuvre dans des appels d’offres (ou sur le revenu du vendeur pour
des enchères) et de mettre en lumière le rôle de l’hétérogénéité des lots et des
prestataires (ou des acheteurs pour des enchères) dans ce choix1.
Indubitablement, les rendements d’échelle peuvent guider le choix du décou-
page. Si un appel d’offres couvre un volume de services si vaste qu’aucune
entreprise n’est en mesure d’y répondre, il pourra être déclaré infructueux.
A contrario, en présence de coûts fixes importants, et si les lots sont de trop
petite taille, de nombreux concurrents pourraient être découragés de participer
car le risque de ne s’en voir attribuer qu’un seul pourrait être jugé trop grand.
Néanmoins, il existe de nombreux environnements pour lesquels les effets de
taille peuvent être considérés comme négligeables, en première approximation.
L’objet de ce qui suit est d’analyser ces cas où les rendements d’échelle sont
absents et où néanmoins, du fait d’asymétries sous-jacentes entre les enchéris-
seurs, le choix du découpage peut s’avérer crucial. Plus précisément, dès que le
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découpage conduit à des lots hétérogènes et que cette hétérogénéité affecte sur
certains lots soit l’identité de l’entreprise la plus efficace, soit l’identité de la
deuxième entreprise la plus efficace, alors le choix du découpage est susceptible
de ne pas être neutre.
Le principe général est le suivant : modifier l’allotissement peut avoir deux
effets, sur l’efficacité de l’allocation finale d’une part, et sur la pression concur-
rentielle d’autre part. En l’absence d’effets de taille, un dégroupement augmente
toujours l’efficacité, car il permet d’allouer chaque lot dégroupé à l’entreprise
la plus efficace. Cet effet est toujours positif pour le maître d’œuvre. Mais un
dégroupement a aussi un effet sur les asymétries de coûts entre les différents
prestataires potentiels et donc aussi sur les rentes distribuées aux gagnants.
L’impact de ce deuxième effet est généralement ambigu, et en cas d’accroisse-
ment des asymétries de coûts, un dégroupement peut finalement conduire à une
augmentation de la facture pour le maître d’œuvre. Ainsi, par exemple, il peut
être préjudiciable de choisir un allotissement avec des petits lots, où chacun de
ces lots s’adresserait de facto à un enchérisseur bien plus efficace que les autres
car cela institue des positions monopolistes sources de rentes importantes pour
les gagnants.
Techniquement, notre analyse prend comme donné le mécanisme d’alloca-
tion des lots : on suppose qu’une fois l’allotissement choisi, les lots sont attri-
bués séparément suivant une enchère ascendante ou, de manière équivalente,

1. Pour simplifier la présentation, et comme il n’existe pas de différences conceptuelles entre


enchères et appels d’offres, nous privilégierons le cadre des appels d’offres.

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une enchère au second prix, c’est-à-dire une enchère où pour chaque lot le prix
d’attribution est déterminé par les caractéristiques du meilleur perdant sur ce
lot. Cette hypothèse permet de caractériser simplement les coûts associés à
chaque découpage. Elle permet aussi de s’abstraire de problèmes information-
nels (potentiellement pertinents), où les avantages à grouper ou dégrouper des
lots pourraient dépendre de la manière dont le découpage affecte les connais-
sances ou croyances de chacun sur les coûts des autres. D’un point de vue métho-
dologique, notre analyse ne vise donc pas à déterminer l’enchère optimale à
la Myerson [1981], mais plutôt l’allotissement optimal pour un mécanisme de
référence utilisé en pratique.
Concernant la littérature théorique, les politiques d’allotissement ont été très
peu analysées. Une explication possible est la difficulté à dégager des résultats
généraux dans un cadre où les biens sont hétérogènes2. Les travaux les plus
proches de notre analyse sont ceux de Palfrey [1983] et Chakraborty [1999].
Comme nous, ils fixent le mécanisme d’allocation et comparent l’effet de grouper
ou dégrouper des lots. Ils montrent que dans des environnements symétriques
le bénéfice du regroupement est lié au nombre d’enchérisseurs : plus de concur-
rence plaide en faveur du dégroupement. Par rapport à ces travaux, nous simpli-
fions le cadre informationnel, mais nous enrichissons les structures de coûts
possibles avec des asymétries entre les tâches (ou les biens). Cela nous permet
de dégager des principes généraux qui ne dépendent pas trop finement des coûts
exacts des entreprises mais plutôt de leur force relative, et aussi d’étudier le
bénéfice de politiques d’allotissement intermédiaires avec des regroupements
partiels.
Concernant la littérature appliquée, la question du contour des biens mis en
vente s’est posée à plusieurs reprises. Il peut s’agir de l’allocation de la bande
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passante dans les enchères de spectre (Hazlett [2008]), des droits d’utilisation
de créneaux dans un aéroport (Rassenti, Smith et Bulfin [1982]) ou de sillons
ferroviaires (Brewer et Plott [1996]). Toute modification de l’allotissement peut
poser des difficultés pratiques ou techniques. Le message général de ces travaux
est que ces difficultés peuvent souvent être surmontées.
La deuxième section fournit un cadre d’analyse simple où les effets de taille
sont absents. La troisième section donne les principales observations théo-
riques. Dans la quatrième section, nous considérons deux applications : la mise
en concurrence de services bancaires et l’allocation d’espaces publicitaires sur
Internet. Dans la cinquième section, nous discutons d’autres motifs pouvant
guider le choix d’un allotissement. Dans l’appendice, nous proposons une géné-
ralisation du modèle permettant de traiter soit des cas où des effets de taille pour-
raient être présents, soit des environnements où le maître d’œuvre souhaiterait
imposer des contraintes supplémentaires sur les allocations possibles comme
celle de diversifier ses prestataires. Le mécanisme d’allocation que nous consi-
dérons alors est l’enchère de Vickrey généralisée, appelée aussi mécanisme de
pivot.

2. Techniquement, la difficulté est que l’information de chaque enchérisseur a alors naturel-


lement un caractère multidimensionel. L’enchère optimale à la Myerson [1981] conduit alors à des
mécanismes complexes dont il est difficile de tirer des enseignements qualitatifs simples (voir Jehiel,
Meyer-ter-Vehn et Moldovanu [2007]).

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Revue économique

MODÈLE

Structure des coûts

Nous considérons le cas d’un appel d’offres couvrant différents services


k ∈ K = {1, 2,…, k } , et pour lesquels des entreprises i ∈ N = {1,…, n} sont en
concurrence. Nous supposons que pour chaque entreprise i, les coûts ont une
structure additive : si cki mesure le coût lié à la production du service k pour
l’entreprise i, alors pour cette entreprise, la production jointe des services k et
k ¢ vaut cki + cki ′ . Plus généralement, nous notons cKi le coût pour i lié à la
production d’un sous-ensemble K Ì K de services :
cKi = ∑cki .
k ∈K

Lots et allotissement

On définit un lot comme un ensemble de services K Í K . Un allotissement k


correspond à un découpage des services initiaux en m lots distincts :
m
κ = {K1 ,…, K m }, avec  K m = K et K m ∩ K m′ = ∅ si m ≠ m′.
m=1

L’allotissement peut être grossier et conduire à un lot unique couvrant l’en-


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semble des services : m =1 , K1 = K ; à l’inverse, il peut aussi être fin et conduire
à autant de lots que de services : m = k , K m = {m} . Plus généralement, on dit
qu’un allotissement k est plus fin qu’un allotissement κ ′ si pour tout lot K ∈ κ,
il existe un lot K ′ ∈ κ ′ tel que K ⊆ K ′ .

Mécanismes de mise en concurrence

On suppose que l’allotissement k est le seul paramètre choisi par le maître


d’œuvre. Étant donné k, nous analysons l’effet de l’allotissement choisi en
supposant que pour chaque lot, l’allocation finale et les prix de transactions
correspondent à ceux obtenus quand les entreprises participent à une enchère
ascendante ou, de manière équivalente, à une enchère au second prix, dans
laquelle enchérir jusqu’au niveau de ses propres coûts est une stratégie domi-
nante. Ainsi, un lot K ∈ κ est attribué à l’entreprise pour laquelle le coût cKi est
minimum, à un prix pK égal au second plus bas coût, et cela indépendamment des
croyances que peuvent avoir les enchérisseurs sur les coûts de leurs concurrents3.

3. Notons que cette hypothèse est cohérente avec la réforme de 2001 du Code des marchés
publics et l’introduction d’enchères électroniques inversées (qui correspondent à des enchères au
second prix sur chacun des lots). La possibilité de recourir à une enchère électronique inversée est
décrite dans l’article 54, titre III du Code des marchés public de 2006. Cette enchère permet en parti-
culier une révision dynamique des offres en fonction des offres faites par les concurrents, ce qui en
fait un analogue de l’enchère au second prix, comme Brisset, Marechal et Morand [2002] l’ont noté.

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Formellement, pour chaque lot K, il est possible d’ordonner les entreprises par
ordre de coût croissant et de noter cK(1) le plus bas coût, cK(2) le deuxième plus bas
coût, et ainsi de suite4. Le prix de transaction pK pour le marché K vaut donc :
pK = cK( 2) .
Pour un allotissement donné k, on peut définir le prix global de transaction
p (κ) (payé par le maître d’œuvre à l’ensemble des entreprises prestataires) et le
coût total c (κ) pour les entreprises sélectionnées :
p (κ) ≡ ∑ pK m = ∑ cK(2)
m
m =1, …, m m =1, …, m
et
c (κ) = ∑ cK(1) .
m
m =1, …, m

On utilisera parfois la notation c (κ, N ) plutôt que c (κ) , pour indiquer qu’il
s’agit du coût résultant d’une mise en concurrence de l’ensemble des entreprises
dans N.
Dans ce qui suit, on s’intéresse à l’effet de l’allotissement choisi k sur le prix
payé p (κ) par le maître d’œuvre. Notre observation préliminaire est la suivante.

oBServAtion 0. Si une entreprise est la plus efficace sur chacun des services,
et si une autre entreprise est au moins deuxième plus efficace sur chacun des
services5, alors p (κ) et c (κ) sont indépendants de l’allotissement k.

Autrement dit, si l’identité du gagnant et l’identité du premier perdant restent


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identiques quel que soit le service k, alors l’allotissement n’a d’effet ni sur l’al-
location finale ni sur le prix total payé. Cette hypothèse est par exemple vérifiée
si les services sont identiques (ou suffisamment semblables). Dans ce qui suit,
nous nous écartons de cette hypothèse.
Formellement, supposons que l’entreprise 1 soit la plus efficace et l’entre-
prise 2 la deuxième plus efficace. On observe alors que, quel que soit l’allotis-
sement k,
c (κ) = c1K = ∑c1k
k ∈K
et
p (κ) = cK2 = ∑ck2 .
k ∈K

Le principe plus général est que le prix est déterminé par le ou les premiers
perdants. Dans la mesure où, quel que soit l’allotissement, une entreprise (disons
l’entreprise 1) gagne tous les lots quand elle est présente, et qu’une même entre-
prise (disons l’entreprise 2) gagne tous les lots quand l’entreprise 1 est absente,
alors l’allotissement importe peu6 : le prix payé est déterminé par le coût de
l’entreprise 2, c’est-à-dire cK2 .

4. Si les deux entreprises les plus efficaces ont le même coût ck(1), on a alors ck(1) = ck(2) .

5. C’est-à-dire s’il existe i et j tels que pour tout k Î K, cki ≤ ckj ≤ min i ′≠i , j cki .
6. De fait, cette observation se généralise facilement au cadre plus général (présenté dans
l’appendice) où les coûts ne sont pas additifs.

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Revue économique

ANALYSE

Nous supposons désormais que les lots sont suffisamment hétérogènes, de


sorte que les identités du vainqueur et/ou du premier perdant dépendent du
service considéré. Le choix de l’allotissement est alors susceptible de ne plus
être neutre sur la facture finale.

Généralités
Pour faciliter l’analyse et l’exposition des résultats, nous écrivons le prix
p (κ) de deux façons différentes. Pour chaque lot K, définissons rK comme
l’écart entre le deuxième et le premier coût :
rK = cK(2) − cK(1) .

Cet écart rK s’interprète comme la rente distribuée au gagnant du lot K. Pour


un allotissement k, la rente totale distribuée s’écrit comme la somme des rentes
sur chacun des lots, soit r (κ) = ∑ m =1, …, m rK m .
Le prix p (κ) s’écrit alors comme la somme de deux termes :
p (κ) = c (κ) + r (κ) . (1)

Le premier terme mesure l’(in)efficacité de l’allocation. Le deuxième mesure


la somme des rentes distribuées aux vainqueurs. Dès lors que l’observation 0
ne s’applique pas, l’allotissement est susceptible d’affecter soit l’efficacité de
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l’allocation, soit la rente distribuée, soit les deux termes simultanément. En parti-
culier, comme Palfrey [1983] l’a noté, plus le découpage est fin, plus l’alloca-
tion finale est efficace, c’est-à-dire plus le coût c (κ) est faible : un découpage
plus fin permet plus de souplesse dans l’attribution des services. Cependant, un
découpage plus fin peut aussi conduire à verser plus de rentes aux gagnants.
Notre objectif sera d’analyser cet arbitrage entre efficacité et rentes versées.
Une autre manière d’écrire le prix p (κ) est de voir chaque coût cK(2) comme
le coût résultant d’une allocation efficace du lot K où l’entreprise gagnante serait
absente. Ainsi, la rente pour l’entreprise i peut s’écrire7 :
r i (κ) = c (κ, N \ {i}) − c (κ, N ) .

En sommant ces égalités pour tout i, on obtient la rente totale r (κ) versée par le
maître d’œuvre. En utilisant (1) et en observant que c (κ) = c (κ, N ) , on obtient :
p (κ) = ∑c (κ, N \ {i}) − ( N −1) c (κ, N ) . (2)
i∈N

7. Rappelons que c (κ, N) indique le coût résultant d’une mise en concurrence des entreprises
dans N. Par abus de notation, c (κ, N \ {i}) désigne le coût résultant d’une mise en concurrence des
entreprises dans N \ {i}. Par ailleurs, seuls les marchés de services que i obtient contribuent à la
différence c (κ, N \ {i}) − c (κ, N) :
c (κ, N \ {i}) − c (κ, N) = ∑ cK(2) − cK(1) = ∑ rK = r i (κ).
(1) i (1) i
K∈κ :cK =cK K∈κ :cK =cK

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Olivier Compte, Laurent Lamy, Emmanuel Laurent

Le terme c (κ, N ) mesure le coût de l’allocation gagnante. Le terme


c (κ, N \ {i}) mesure le coût de l’allocation efficace si l’enchérisseur i est absent.
Ce dernier terme est affecté par les caractéristiques des premiers perdants, c’est-
à-dire ceux à qui on allouerait des services initialement alloués à i.
Un découpage plus fin améliore potentiellement l’efficacité de l’allocation et
donc réduit chacun des termes ci-dessus. L’effet global sur le prix peut donc être
ambigu. L’objectif de ce qui suit est de trouver des catégories de situations rela-
tivement simples pour lesquelles l’effet global n’est pas ambigu. On privilégiera
en particulier les cas où les propriétés sur les structures de coûts sont exprimées
de manière ordinale, afin de guider un décideur qui n’aurait qu’une perception
grossière de l’environnement concurrentiel auquel il fait face.

Regroupements versus dégroupements

On commence par deux cas simples où l’effet d’un regroupement ou d’un


dégroupement n’est pas ambigu.

Observation 1. Si une entreprise est uniformément meilleure8 que les autres


pour l’ensemble des services, alors un découpage plus fin est toujours
préférable.

L’intuition est la suivante. Quand une entreprise est uniformément meil-


leure que les autres, l’allocation finale est indépendante de l’allotissement. En
revanche, la rente reçue par cette entreprise dépend de l’efficacité des perdantes.
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En dégroupant les marchés, on augmente l’efficacité des perdantes, et on réduit
donc la rente versée à la gagnante : celle-ci est désormais en concurrence avec
la deuxième meilleure entreprise sur chacun des services.
Preuve. Supposons que l’entreprise 1 soit la plus efficace. Alors, pour tout
i ¹1, c (κ, N − {i}) = c (κ, N ) , et l’équation (2) se réduit donc à :
p (κ) = c (κ, N − {1}) .
Plus l’allotissement est fin, plus ce coût est faible, et donc plus le prix est avan-
tageux pour le maître d’œuvre. 

Observation 2. Si deux entreprises sont uniformément meilleures que les


autres pour l’ensemble des services9, alors un découpage moins fin est
­toujours préférable.

L’intuition est la suivante10. En regroupant deux lots qui seraient sinon


remportés par des entreprises différentes, on force une allocation de ces deux lots
à une seule de ces deux entreprises (sous l’hypothèse de l’observation 2). Cela

8. C’est-à-dire il existe i tel que cki £ ckj pour tout k Î K et tout j.


{ }
9. C’est-à-dire, il existe i et j tels que pour tout k et tout l ¹ i, j , max cki , ckj ≤ ckl .
10. Le résultat est similaire à la Proposition 16.3 de Krishna [2002], qui établit que lorsqu’il
n’y a que deux enchérisseurs, alors l’allotissement optimal consiste à regrouper tout le marché en
un seul lot.

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Revue économique – vol. 68, n° 2, mars 2017, p. 141-162


Revue économique

réduit l’efficacité de l’allocation finale (on augmente le coût c (κ, N )). Mais cela
réduit aussi la rente versée à chacune d’entre elles : celle qui perd un lot n’obtient
plus de rente sur ce lot ; celle qui remporte un nouveau lot le paye au prix fort, car
elle n’y est pas la plus efficace, et le prix du lot joint est déterminé par l’autre,
plus efficace qu’elle-même sur ce lot gagné. Cette réduction de rente se trouve
être précisément égale, pour chacune, à l’augmentation totale des coûts. Ainsi,
toute augmentation de c (κ) d’un montant D réduit la rente versée d’un montant
2D , et donc, finalement, le prix payé est réduit d’un montant D.
Preuve. Supposons que les entreprises 1 et 2 soient les plus efficaces. Alors,
dès que 1 ou 2 est présente, les entreprises i ¹1,2 n’obtiennent aucun lot,
donc c (κ, N \ {i}) = c (κ, N ) . De plus, si 1 est absente, tous les lots sont attri-
bués à 2, indépendamment du découpage k. Donc c (κ, N \ {1}) = cK2 . De même,
c (κ, N \ {2}) = c1K . L’équation (2) donne alors :

p (κ) = cK2 + c1K − c (κ) .

Ainsi un découpage moins fin réduit le prix payé (car il augmente c (κ) )11. 

Hormis les deux cas ci-dessus, l’opportunité de grouper ou dégrouper des


marchés requiert plus d’information sur la structure des coûts. Si aucune des
observations précédentes ne s’applique, alors fusionner deux marchés comporte
un risque : celui d’allouer le marché regroupé à une entreprise moyenne sur
chacun des deux marchés (perte d’efficacité), ou bien celui de diminuer la pres-
sion concurrentielle (augmentation des rentes). Les observations 3 et 4 illustrent
chacun de ces deux risques.
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Observation 3. Considérons deux lots. Si le regroupement de ces deux lots
conduit à modifier l’allocation de chacun des deux lots, alors le regroupe-
ment n’est pas désirable (et le dégroupement désirable).

Cette observation s’applique naturellement au cas où les lots sont géogra-


phiques et où les gagnants sont des entreprises locales ne pouvant répondre que
sur le lot de leur propre zone géographique.
Preuve. Supposons que l’entreprise i soit la plus efficace sur le lot K i, pour i =1,2,
et que l’entreprise 3 soit la plus efficace sur le marché groupé K = K1 ∪ K 2 .
Dans le cas dégroupé, le prix total est au plus égal à cK3 1 + cK3 2 = cK3 . Dans le cas
regroupé, le prix est au moins égal au coût de l’entreprise gagnante, soit cK3 . Le
dégroupement est donc désirable. 

Un regroupement peut cependant être dommageable sur la facture finale,


même si un seul lot change de main. Dès qu’une entreprise efficace sur un lot
peut être très inefficace sur l’autre, la concurrence pour le marché joint s’affaiblit
et la rente du gagnant est susceptible d’augmenter.

11. Il peut être utile de réécrire l’équation ci-dessus de la façon suivante :


( ) ( )
p (κ) = c (κ) + cK2 − c (κ) + c1K − c (κ) . On voit ainsi qu’une augmentation de c (κ) d’un montant
D réduit la rente versée de ce même montant D pour chacune des entreprises i =1, 2.

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oBServAtion 4. Considérons le cas de deux marchés et trois entreprises


concurrentes, où ck( n ) est indépendant du lot k. Définissons c ( n ) º ck( n ) ,
∆0 ≡ c (2) − c (1) et ∆1 ≡ c (3) − c (2) . Si les observations 1 et 2 ne s’appliquent
pas, alors un regroupement des deux lots est désirable si et seulement si
∆1 < ∆0 .

Intuitivement, quand on regroupe des lots, on court le risque d’avoir à payer


le troisième plus bas coût c (3) pour un des lots. Si ce coût est élevé, alors il est
préférable de ne pas regrouper les lots. Les calculs sont détaillés en appendice.
Les observations précédentes visaient à établir des conditions suffisantes
simples en faveur du regroupement ou du dégroupement. Dans ce qui suit nous
examinons des situations où des regroupements ou mélanges partiels des services
peuvent être une autre façon d’abaisser la facture du maître d’œuvre.

Regroupements et mélanges partiels

Quand le nombre de lots ou de marchés croît, ou quand les marchés sont


divisibles (cf. ci-dessous), de nombreux regroupements partiels sont possibles.
L’allotissement optimal dépend de la structure des coûts, et il est difficile de le
décrire en toute généralité. Néanmoins, pour certaines structures de coûts, cela
est possible.

Champions locaux et regroupements partiels


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On considère k marchés de services avec n > k . On suppose que chaque
marché k a son propre champion local12, l’entreprise k. Hormis cette hétérogé-
néité, on suppose que les entreprises sont symétriques : toutes les entreprises
autres que l’entreprise k ont le même coût ck > ckk sur le service k. Autrement
dit, l’entreprise k a un avantage comparatif sur le marché k, et c’est la seule
source d’asymétrie entre les concurrents.
Cette structure des coûts est pertinente lorsque les appels d’offres sont renou-
velés périodiquement et que le précédent vainqueur du marché k a acquis un
avantage concurrentiel conséquent sur ce marché. Un autre cas pertinent est celui
où le marché consiste à servir des consommateurs et où ces derniers sont déjà
clients de l’une des entreprises en concurrence pour le marché13.
Notons rk = ck − ckk la rente du champion local k sur le service k considéré
isolément, et sans perte de généralité, classons les services par ordre de rente
décroissante (r1 ≥ r2 …≥ rk ).

12. Formellement, pour le marché k, l’entreprise i = k est la plus efficace : ckk = min j∈N ckj
pour tout k.
13. Un exemple (examiné dans une perspective plus agrégée dans la quatrième section) est le
cas où l’appel d’offres sélectionne une banque prestataire et où le marché consiste à effectuer des
virements bancaires depuis un compte individuel donné vers celui de la banque prestataire gagnante.
Si le compte individuel est déjà géré par la banque k, alors pour la banque k, et seulement pour elle,
il s’agit de transferts intrabancaires, moins coûteux ou risqués que pour les autres banques.

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Revue économique – vol. 68, n° 2, mars 2017, p. 141-162


Revue économique

oBServAtion 5. Sous les hypothèses ci-dessus, l’allotissement optimal


consiste à regrouper les services en lots regroupant deux services, et d’ef-
fectuer ces regroupements en commençant par les services générant la plus
grande rente rk : l’allotissement optimal consiste à créer un lot avec les
services 1 et 2, un lot avec les services 3 et 4, et ainsi de suite14.

Intuitivement, le dégroupement total conduit à une allocation efficace, mais


c’est la pire des situations pour le maître d’œuvre. Le prix total vaut p ≡ ∑ k∈K � ck
et chaque champion local k obtient la rente maximale possible, soit rk = ck − ckk .
Le regroupement total n’est pas une bonne solution non plus. Cela revient à
permettre à une seule entreprise (l’entreprise 1) d’utiliser son avantage compa-
ratif sur un seul marché (le marché 1) pour conquérir tous les autres. La rente
des autres entreprises est réduite de rk à 0, mais le coût en terme d’efficacité est
lui aussi de rk par marché (sauf le marché 1). A contrario, des regroupements
partiels permettent de réduire les rentes, sans pour autant sacrifier autant en
efficacité. La preuve formelle est en appendice.

Marchés divisibles et mélanges partiels


Jusqu’à présent, nous avons considéré des lots constitués d’un ou plusieurs
marchés. En pratique, certains marchés sont divisibles (par exemple quand ils
définissent un volume de services), et il est alors possible de répartir de tels
marchés sur plusieurs lots. Nous analysons maintenant l’intérêt de tels mélanges
partiels.
Formellement, un service k Î K est dit divisible si pour tout ρ ∈ (0,1) ,
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on peut définir le service k (r ) comme une fraction r du service k, et si pour
chaque entreprise ci (ρ ) = ρcki . Dans le cas de deux services k1 et k2 , on peut
k
ainsi définir un lot mélangé15 consistant à combiner le service k2 avec une frac-
tion k1(r ) du service k1 .
Partant d’un découpage initial κ = {k1, k2 }, on s’intéresse à l’effet d’un redé-
coupage des deux services k1 et k2 en deux lots k1(1−ρ ) et k2 ∪ k1(ρ ) .

oBServAtion 6. Si une entreprise, disons l’entreprise 1, est strictement plus


efficace sur un service, disons k1 , et deuxième plus efficace sur un autre
service, disons k2 , alors il existe un redécoupage κ ρ = k1(1−ρ ) , k2 ∪ k1(ρ ) { }
profitable pour le maître d’œuvre.

Cette observation s’applique naturellement dans le cas d’une enchère où une


seule entreprise est intéressée par le bien k2 . Pour créer de la concurrence, il est
alors souhaitable d’ajouter au bien k2 (sans concurrence) un peu du bien k1 .

14. Dans le cas où k est impair, le dernier marché peut être vendu soit séparément en suivant
cette logique, soit être greffé à un des lots précédents. Tous les allotissements construits de la sorte
minimisent le prix.
15. Plus généralement, un lot peut être défini comme un vecteur ρ = (ρ1 ,, ρ k ) indiquant le
pourcentage de chaque service la composant. Le coût de l’entreprise i pour un tel lot r est alors
cρi ≡ ∑ k ∈K � ρ k cki .

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Revue économique – vol. 68, n° 2, mars 2017, p. 141-162


Olivier Compte, Laurent Lamy, Emmanuel Laurent

Intuitivement, on utilise le marché k1 comme levier afin de réduire la rente


de l’entreprise efficace sur le service k2 . L’entreprise efficace sur le service k2
(disons l’entreprise 2) est en concurrence avec l’entreprise 1. En ajoutant k1(r ) au
marché k2 , l’entreprise efficace sur le service k2 va continuer à être la plus effi-
cace (pour r pas trop grand) mais elle va voir sa rente diminuer, car l’entreprise
1 est meilleure que 2 sur k1(r ) . Nous donnons les détails des calculs en appendice.

Généralisation
Nous avons fait une hypothèse de coûts additifs. Nous avons aussi fait l’hy-
pothèse que le seul critère examiné est un critère de coût total pour une pres-
tation donnée. Chacune de ces deux hypothèses peut apparaître restrictive. Les
entreprises peuvent faire face à des contraintes de capacité. Par ailleurs, le maître
d’œuvre peut souhaiter, pour des raisons opérationnelles ou de concurrence à
long terme, répartir le marché entre différentes entreprises.
Enfin, notre analyse suppose de définir a priori les lots. On pourrait imaginer
des contraintes sur les allocations ne prenant pas forcément la forme d’un allo-
tissement fixé a priori16, à l’instar des enchères combinatoires mises en place
par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes
(ARCEP) en 2010 pour allouer les fréquences 3G résiduelles17. Nous fournis-
sons dans l’appendice une généralisation du modèle permettant de traiter ces cas
plus complexes.

APPLICATIONS
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Un enseignement de notre analyse est que les hétérogénéités de coûts entre
concurrents sont exploitables et peuvent guider le choix de l’allotissement. Face
à un cas concret, la première difficulté consiste à identifier les sources d’hétéro-
généités pertinentes. L’objectif de cette section est d’illustrer ce travail et d’en
tirer certaines conclusions quant à l’allotissement souhaitable.

Les marchés de flux bancaires

Les marchés de flux bancaires concernent le traitement d’instruments de


paiement. En 2014, ces instruments représentent au niveau mondial près de
339 milliards d’opérations, et celles-ci sont pour l’essentiel dématérialisées :
virement (16 %), prélèvement et télérèglement (13 %), carte (61,5 %), e-money

16. Il est par exemple possible de définir des mécanismes de mise en concurrence où le nombre
de marchés 1,¼, m est fixé, mais où le contenu de chaque marché K m n’est pas déterminé a priori,
mais est fonction des offres. Il peut aussi exister des contraintes sur le nombre de lots qu’une même
entreprise peut remporter.
17. ARCEP, « Les conditions d’utilisation des fréquences radioélectriques pour des systèmes
de Terre permettant de fournir des services de communications électroniques dans la bande
de fréquences 790-862 MHz en France métropolitaine », projet de décision du 16 mai 2011,
http://www.arcep.fr/.

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Revue économique – vol. 68, n° 2, mars 2017, p. 141-162


Revue économique

(2,5 %)18. Au-delà des pièces et billets, certains moyens de paiement (7 %) sont
encore matériels (chèque, lettre de change, titre interbancaire de paiement (TIP))
et ils peuvent représenter une part substantielle du coût total de traitement.
Pour une organisation privée ou publique ayant à traiter un grand nombre
de transactions, la question de la mise en concurrence des prestataires de ces
services de traitement de flux bancaires se pose. Doit-elle mettre en concurrence
un unique marché pour l’ensemble de ces services ? Doit-elle créer des marchés
différents en fonction du type de transaction ? Existe-t-il d’autres sources
d’hétérogénéité exploitables ?
Nous donnons ci-dessous plusieurs exemples concernant le marché des flux
bancaires des organismes de recouvrement des cotisations sociales (URSSAF)
et des organismes en charge de verser les prestations vieillesse pour le régime
général (Caisse nationale d’assurance vieillesse, CNAV). Ces flux représentent
190 millions d’opérations par an, pour une dizaine de concurrents, et une facture
globale d’environ 13 millions d’euros par an sur la période considérée19. Le
marché est découpé en lots20 et les appels d’offres sont pilotés par l’Agence
centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS)21. Depuis 2010, l’ACOSS
a constitué une base de données compilant le détail des offres soumises sur
chaque lot (environ 50 lots entre 2010 et 2015)22.
1. La CNAV effectue pour l’essentiel des transactions dématérialisées (vire-
ments) à destination d’allocataires (les retraités). Ces virements peuvent être
nationaux ou internationaux selon le lieu de résidence de l’allocataire23. Dès lors,
doit-on créer un marché unique combinant transactions nationales et internatio-
nales, ou bien un lot purement national et un lot purement international, ou bien
encore un lot pur (par exemple une fraction de national) et un lot mixte mélan-
geant des transactions nationales et les transactions internationales ? En 2015,
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les appels d’offres proposent des lots nationaux d’une part et un lot international
d’autre part. Une même banque s’avère être plus compétitive à la fois sur les
lots nationaux et sur le lot international. Ainsi, l’observation 1 suggère qu’il est
préférable de ne pas mélanger les lots24.

18. Bank for International Settlements, Committee on Payment and Settlement Systems,
« Statistics on Payment, Clearing and Settlement Systems in the CPSS Countries », décembre 2014,
https://www.bis.org/cpmi/publ/d142.htm.
19. Pour le régime général dans son ensemble, incluant la maladie et la famille, les flux repré-
sentent 800 millions d’opérations par an pour une facture globale d’environ 20 millions d’euros.
20. Les lots sont soit nationaux (pour la CNAV et la Caisse nationale d’allocations familiales
(CNAF)), soit locaux (pour les URSSAF et la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs
salariés (CNAMTS)).
21. L’ACOSS est l’organisme de tutelle des URSSAF. Une de ses missions est la gestion de la
trésorerie de la Sécurité sociale.
22. Dans le cadre d’un partenariat de recherche avec l’ACOSS, nous avons eu accès à cette
base de données confidentielle. Les offres comportent des dimensions financières (coûts unitaires,
coûts fixes…) et des dimensions qualitatives dont l’impact financier est plus ou moins difficilement
mesurable (délai de mise à disposition des fonds, qualité du site Internet, etc.).
23. Les virements internationaux hors SEPA représentent 3 % de l’ensemble des transactions
(5 sur 160 millions de transactions par an), mais, du fait de coûts unitaires élevés, ils représentent
plus de la moitié de la facture pour la CNAV.
24. Notons toutefois que le lot international comprend différentes zones géographiques et que
cela peut limiter le nombre de prestataires susceptibles d’y répondre. Un découpage plus fin en fonc-
tion de la zone géographique (en séparant par exemple les virements à destination des pays d’Afrique
du Nord des autres) aurait peut-être apporté une réponse différente en faisant émerger des champions
locaux qui n’ont pas participé aux appels d’offres.

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Revue économique – vol. 68, n° 2, mars 2017, p. 141-162


Olivier Compte, Laurent Lamy, Emmanuel Laurent

Outre la dimension nationale ou internationale des transactions, certains vire-


ments sont susceptibles d’induire un coût de traitement supplémentaire, source
d’hétérogénéité entre les banques. Si un virement intervient après le décès du
bénéficiaire, le trop-perçu doit être restitué. Malgré une occurrence faible (1 pour
8 000), ces coûts de traitement supplémentaires représentent plus de 50 % du
coût total, avec des écarts de coût de traitement pouvant aller du simple au double
entre banques. En scindant les transactions en jeunes retraités et retraités moins
jeunes, il est a priori possible de créer une hétérogénéité entre les lots permet-
tant d’améliorer l’efficacité de l’allocation finale. L’arbitrage entre efficacité
et revenu conduit à privilégier une scission en lots hétérogènes dès lors que
cette hétérogénéité ne crée pas de rentes trop importantes pour les vainqueurs, à
l’instar de l’observation 4.
2. Les URSSAF sont les organismes de recouvrement des cotisations sociales.
Les instruments de paiement utilisés par les cotisants sont multiples. On peut
distinguer les instruments dématérialisés – virements (3 %), prélèvements (42 %),
télérèglements (25 %) –, et les instruments matérialisés – chèques (27 %)25.
La question du découpage entre instruments se pose (un lot par type d’instru-
ment versus un lot regroupé), mais ce n’est pas l’unique question. Les services
ont aussi une dimension géographique, source d’hétérogénéités entre banques :
une banque est d’autant plus efficace pour traiter la collecte de chèques dans une
zone géographique donnée qu’elle y est fortement implantée26. Ainsi se pose la
question du choix de l’unité géographique : départementale, régionale, interré-
gionale, nationale, ou même éventuellement d’autres découpages ne suivant pas
forcément les frontières administratives.
Le tableau ci-dessous donne pour chacune des douze zones géographiques,
les identités du gagnant et du premier perdant. Les lettres A, …, E désignent
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les banques répondant aux appels d’offres à l’échelle nationale, tandis que la
lettre Li désigne une banque locale ne soumettant une offre que dans la zone
géographique R i 27.
Zone R1 R2 R3 R4 R5 R6 R7 R8 R9 R10 R11 R12
Meilleure offre L1 B B D B E B C C A A L12
2e meilleure offre A D A A A A A B A C L11 A

Le tableau fait apparaître différents cas d’applications possibles de nos obser-


vations. Les regroupements de R 3 , R 5 et R 7 illustrent un cas où l’observa-
tion 0 s’applique. Les regroupements de R 2 et R 3 (ou R 8 et R 9 , ou bien
encore R10 et R11 ) sont des cas où l’observation 1 s’applique. Le regroupement
de R 9 et R10 offre une illustration de l’observation 2. R1 et R12 sont des
régions impliquant des banques régionales, et l’observation 3 s’applique alors.

25. Les pourcentages représentent la part en nombre d’opérations, pour un nombre total d’opé-
rations d’environ 30 millions en 2014. Le coût de traitement des transactions dématérialisées se situe
en 2014 entre 1 et 2 centimes d’euro par transaction. Le coût de traitement des chèques est de trois
à quatre fois supérieur.
26. L’implantation géographique joue aussi sur l’intrabancarité, source de différenciation entre
banques.
27. À titre indicatif, calculé sur l’ensemble de ces régions, l’écart moyen entre la meilleure et
la deuxième meilleure offre financière est de 10,6 %, avec un écart type de 10,3 %. Cet écart est
inférieur à 4 % pour cinq de ces régions.

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Revue économique – vol. 68, n° 2, mars 2017, p. 141-162


Revue économique

Le regroupement de ces régions aurait conduit à les allouer à A à un prix supé-


rieur. Enfin l’observation 6 s’applique à de nombreux regroupements partiels,
par exemple R11 et R12 .

Liens commerciaux sur Internet


L’économie digitale est un champ où nos résultats trouvent naturellement une
application dans la mesure où les questions d’allotissement sont extrêmement
riches et à la discrétion du vendeur. Les nouvelles technologies permettent ainsi
de vendre des liens commerciaux en fonction de l’identité de l’internaute, en
particulier de l’historique de son activité de recherche ou d’achat sur Internet.
Par exemple, un moteur de recherche comme Google organise chaque année des
milliards d’enchères mettant en concurrence des entreprises souhaitant appa-
raître en haut de liste lors de recherches par mots-clés faites par des internautes28.
Du point de vue du vendeur (disons Google), chaque mot-clé k s’apparente
à un lot : il génère un flux potentiel, disons qk , d’internautes ayant tapé ce
mot-clé. La question pour le vendeur consiste à définir des lots constitués d’un
ensemble de mots-clés, ou éventuellement d’un ensemble pondéré de mots-clés.
Ainsi, un lot K peut être constitué de l’intégralité du flux associé au mot-clé k2 ,
et d’une fraction r du flux associé au mot-clé k1 :
K = k1(ρ ) ∪ k2 .
Du point de vue d’une entreprise i, apparaître sur l’écran d’un internaute ayant
tapé le mot-clé k a une valeur29 wki . Compte tenu du flux qk , le lot k a donc une
valeur vki = qk wki pour l’entreprise i. La valeur du marché K ci-dessus s’écrit
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alors :
vKi = ρvki1 + vki2 .
Le vendeur cherche le découpage en marchés (ou groupes pondérés de mots-
clés) qui génère le plus de revenus. Nos observations théoriques peuvent alors
s’appliquer à la question du découpage plus ou moins fin des mots-clés : le
vendeur doit-il proposer ou autoriser l’achat de mots-clés très spécialisés, quitte
à instituer des champions locaux, seuls intéressés par l’achat de tels mots-clés ?
Ou bien doit-il imposer l’achat joint de mots-clés plus génériques30, lui permet-
tant d’extraire une rente de ces champions locaux ?
Ces considérations s’appliquent aussi au cas où le propriétaire de l’espace
publicitaire (ici Google) a de l’information supplémentaire sur le consomma-
teur, par exemple sa localisation géographique31. Pour des enseignes présentes

28. Varian [2007] et Edelman, Ostrovsky et Schwarz [2007] ont étudié ces enchères quand
plusieurs créneaux sont proposés simultanément dans chaque enchère. Dans notre discussion, nous
faisons implicitement abstraction de cet aspect.
29. Cette valeur ne dépend pas seulement de la probabilité de recevoir des clics mais aussi du
taux de conversion (ou « qualité ») des clics, c’est-à-dire de la probabilité que le consommateur soit
intéressé par les produits de l’entreprise i.
30. Un mot-clé générique peut s’interpréter comme l’union de mots-clés spécialisés.
31. On peut penser à d’autres dimensions potentiellement pertinentes, pour lesquelles le
vendeur d’espace publicitaire a de l’information susceptible d’être utilisée (ou non) dans le choix du
découpage : la dimension temporelle (l’horaire, le jour de la semaine, la saison), d’autres aspects de
localisation (zone urbaine, périurbaine ou rurale), l’historique des recherches (première recherche,
recherche récurrente, etc.).

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Revue économique – vol. 68, n° 2, mars 2017, p. 141-162


Olivier Compte, Laurent Lamy, Emmanuel Laurent

uniquement dans certaines régions, il est peu utile d’apparaître sur l’ordinateur
d’un internaute localisé dans une autre région.
Imaginons que k ne désigne plus un mot-clé, mais une localisation géogra-
phique, k ∈ {a,� b} . Si seules deux enseignes sont en concurrence, sur des loca-
lisations disjointes, le vendeur n’extrait aucune rente. Il est préférable de ne pas
scinder les marchés en fonction de la localisation géographique (observation 2).
En revanche, si une seule entreprise est intéressée par la localisation a, et si
plusieurs entreprises sont intéressées par la localisation b, alors l’observation 6
s’applique de nouveau. Il est préférable pour le vendeur (Google) de créer une
« localisation mélangée » comprenant tous les internautes de la localisation a
et une fraction des internautes de la localisation b, afin d’extraire une rente de
l’enseigne « spécialisée » dans la localisation a. Dans le même ordre d’idée,
Bergemann et Bonatti [2011] établissent un arbitrage entre efficacité et concur-
rence, en fonction du découpage, et obtiennent que le découpage optimal est
intermédiaire (voir aussi Athey et Gans [2010]).

DISCUSSION

Cet article établit un lien entre la structure des coûts des enchérisseurs et
le choix de l’allotissement : comment exploiter au mieux les hétérogénéités
de coûts pour minimiser le prix payé par le maître d’œuvre, c’est-à-dire pour
arbitrer au mieux entre efficacité de l’allocation et rente laissée aux entreprises
gagnantes.
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En pratique, d’autres considérations peuvent guider le choix de l’allotis-
sement. Nous les passons en revue.
L’effet sur la structure du marché. Ce motif n’est généralement pas pertinent
pour ce qui concerne les contrats de services dans la mesure où ces services
représentent une partie négligeable du marché global. En revanche, s’il s’agit
d’une vente de licences, le nombre de licences vendues va affecter le caractère
plus ou moins compétitif du marché aval et donc le surplus des consommateurs.
Pour une vente de licences mise en œuvre par la puissance publique, le critère du
surplus du consommateur est à prendre en considération, conduisant à favoriser
un nombre de licences pas trop restreint.
L’effet sur la structure de la concurrence à moyen et à long terme. Pour des
contrats de services destinés à être remis en concurrence périodiquement, la rente
perçue par les gagnants du jour n’est pas le seul critère à prendre en compte :
créer un lot unique peut être une mauvaise idée, dans la mesure où cela est
susceptible de créer une situation de monopole à long terme, en particulier si le
service demandé nécessite un savoir-faire particulier et si ce dernier requiert un
apprentissage coûteux.
De manière similaire, l’allotissement affecte à moyen terme la manière dont
les entreprises s’organisent pour répondre aux appels d’offres32. Passer de lots

32. Par exemple, l’allotissement et, plus généralement, les règles de mise en concurrence
peuvent affecter le nombre et les caractéristiques des entreprises susceptibles de répondre aux appels
d’offres (Jehiel et Lamy [2015]) ainsi que les investissements de ces dernières pour réduire leurs
coûts (Gong, Li et McAfee [2012]).

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Revue économique – vol. 68, n° 2, mars 2017, p. 141-162


Revue économique

régionaux à des lots nationaux peut avoir un effet négatif à court terme si les
entreprises ne sont pas capables de répondre à ces modifications de la nature des
lots. À moyen terme cependant, les entreprises peuvent s’ajuster en interne à ces
modifications, fusionner ou faire des offres jointes33.
Les possibilités de collusion. Notre analyse a présupposé des entreprises adop-
tant un comportement concurrentiel. Des accords tacites de partage du marché
sont parfois possibles, en particulier quand les lots correspondent à des zones
géographiques. La question est alors de savoir comment agir sur le nombre et la
composition des lots pour réduire les chances de succès d’accords tacites éven-
tuels. Le principe général consiste à rendre difficile aux entreprises le fait de se
coordonner sur un partage équitable et stable du marché34. Cela peut consister à
réduire le nombre de lots, à créer des asymétries entre les lots et/ou à modifier
les découpages entre deux remises en concurrence.
Les effets de taille. Nous avons omis pour l’essentiel les effets de taille. Dans
certains cas, cette hypothèse peut être restrictive. Dans le cas de lots géogra-
phiques par exemple, obtenir deux lots contigus peut induire des économies
d’échelle. D’un autre côté, la capacité à gérer des lots de grande taille peut
être limitée. Enfin, les économies ou déséconomies d’échelle peuvent varier
d’une entreprise à l’autre. D’autres types de mécanismes de mise en concur-
rence, permettant aux entreprises de faire différentes offres, fonction du sous-
ensemble de lots éventuellement attribués, sont envisageables comme indiqué
dans l’appendice.
Asymétrie d’information et valeur commune. Levin et Milgrom [2010]
suggèrent un autre motif pour lequel des lots de trop petites tailles pourraient
être néfastes. En présence d’incertitude sur l’identité des lots les plus profitables
et s’il y a de l’asymétrie d’information entre les enchérisseurs, un participant peu
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informé peut craindre de ne remporter que les lots les moins profitables. Cela
l’amène à préférer ne pas participer à l’enchère ou bien à enchérir de manière
extrêmement prudente, afin d’éviter ce qui est qualifié dans la littérature de
« malédiction du vainqueur ».
Notons pour finir que nous nous sommes cantonnés à l’analyse de méca-
nismes relativement simples. D’autres mécanismes, plus difficiles à mettre en
œuvre cependant, peuvent s’avérer meilleurs. Par exemple, même en l’absence
d’effets de taille, le revenu peut être accru en favorisant les entreprises obtenant
un plus grand nombre de lots (soit sous forme d’un rabais, soit sous forme d’un
critère d’allocation plus favorable). Dans le cas de deux lots, par exemple, ce
type de mécanisme constitue un mécanisme intermédiaire entre la vente des
deux lots joints (où les entreprises ne souhaitant qu’un seul lot sont exclues) et
la vente séparée de chacun des lots (où aucun avantage n’est donné à une entre-
prise obtenant les deux lots). Comme pour le regroupement, ces mécanismes
mettent en œuvre une forme de discrimination, défavorisant certaines catégories
d’enchérisseurs, et cette discrimination peut être bénéfique pour le vendeur ou
le maître d’œuvre.

33. Dans le cadre d’une analyse de l’enchère optimale à la Myerson [1981], Morand [2002]
s’interroge ainsi sur la pertinence d’autoriser des offres jointes.
34. Dans un même ordre d’idée, voir Compte, Jenny et Rey [2002].

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APPENDICE

Preuve de l’observation 4

On considère le cas de deux lots et trois entreprises concurrentes. On sup-


pose ck( n ) indépendant du lot k, et on définit c ( n ) º ck( n ) , ∆0 = c (2) − c (1) et
∆1 = c (3) − c (2). Étant donné c (1) , c (2) , c (3) , la structure des coûts des entre-
prises se caractérise, pour chaque lot, par un ordre sur les entreprises, allant de
la plus efficace (plus bas coût) à la moins efficace.
Notons que la vente en lots séparés conduit toujours à une allocation efficace
et à distribuer une rente D0 pour chaque lot, soit un prix p = 2c (2) .
On compare maintenant avec la vente jointe en distinguant les configurations
de coûts possibles. Supposons sans perte de généralité que l’entreprise 1 soit
meilleure sur le lot 1, et l’entreprise 2 meilleure sur le lot 2. Compte tenu des
hypothèses (les observations 1 et 2 ne s’appliquent pas), seules deux types de
configurations sont possibles :
– Configuration a : une des entreprises est meilleure sur un lot, deuxième
meilleure sur l’autre. Par exemple :
Lot 1 : 1 > 3 > 2. Lot 2 : 2 > 1 > 3.
– Configuration b : une entreprise est deuxième sur chacun des deux lots.
Par exemple :
Lot 1:1 > 3 > 2. Lot 2 : 2 > 3 > 1.
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Supposons ∆1 < ∆0 . Dans la configuration a, l’entreprise 1 gagne et le
prix vaut c (1) + c (3) < 2c (2) . Dans la configuration b, l’entreprise 1 gagne car
2c (2) > c (1) + c (3) , et le prix vaut p = 2c (2) . Le groupement est donc préférable.
Supposons ∆1 ≥ ∆0 . Dans la configuration a, l’entreprise 1 gagne encore, le
prix vaut c (1) + c (3) ≥ 2c (2) . Dans la configuration b, l’entreprise 3 gagne et le
prix est forcément supérieur ou égal à 2c (2) (observation 3)35. Le dégroupement
est donc préférable.

Preuve de l’observation 5

Regrouper deux services k1, k2 est toujours profitable, car on se trouve dans
les conditions de l’observation 2 : si k1 < k2 , les deux services sont attribués
à l’entreprise la plus efficace (k1 ) à un prix déterminé par k2 et l’économie
réalisée par rapport au cas dégroupé vaut rk2 36.

35. Dans le cas d’un grand nombre d’entreprises, il peut être raisonnable de supposer que D1
est plus petit que D0 . L’effet d’efficacité domine alors l’effet de rente et la fusion des lots n’est
pas souhaitable.
36. Dans le cas où k1 et k2 sont regroupés, le prix pour ce lot vaut ck1 + ckk2 = ck1 + ck2 − rk2 ,
2
d’où une économie de rk2 .

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Revue économique

En revanche, un regroupement plus large (avec un ou plusieurs autres services


k et/ou k ′ > k2 ) n’apporte pas de gain supplémentaire : tous les services sont
alloués à k1 à un prix déterminé par k2 , soit une économie (par rapport au cas
dégroupé) de rk2 , comme précédemment37.
Il est ainsi optimal de regrouper les services deux à deux. Pour comprendre
la forme de l’appariement optimal, il suffit de constater que pour quatre services
k1 < k2 < k3 < k4 , apparier k1 et k2 d’une part, et k3 et k4 d’autre part,
génère l’économie rk2 + rk4 , et que tout autre appariement génère une économie
moindre (par rapport au cas dégroupé).

Preuve de l’observation 6
Imaginons d’abord la création de trois lots k1(1−ρ ) , k1(r ) et k2 , puis le regrou-
pement de k1(r ) et k2 . Le partage de k1 en deux lots ne modifie ni l’allocation
ni le prix. L’entreprise 1 obtient k1 au prix ck(2) , et l’entreprise 2 obtient k2 au
1
prix ck(2) = c1k2 . Il suffit donc de montrer que le regroupement de k1(r ) et k2 est
2
profitable. Dans le cas dégroupé, le prix du lot mélangé vaut ρck(2) + c1k2 . Dans
1
le cas groupé, et dans la mesure où l’entreprise 2 reste la plus efficace (ce qui est
toujours possible pour r pas trop grand), le prix du lot mélangé est déterminé
par le coût de l’entreprise 1. Il vaut ρc1k1 + c1k2 < ρck(2) + c1k2 38.
1

Généralisation
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On explique ici comment généraliser notre analyse à des cas où les coûts ne
sont pas linéaires, et où des contraintes supplémentaires sont imposées sur les
allocations possibles. Soit K = {k1,…, kn } un ensemble de services. Une allo-
cation x définit pour chaque entreprise i l’ensemble K i ( x ) ⊆ K des lots qui lui
sont alloués (pour i =1,, n ) et on supposera que tous les services doivent être
alloués. On note ci ( x ) le coût correspondant pour i, c’est-à-dire ci ( x ) ≡ cKi ( x) .
i
On note aussi c = (c1,…, cn ) le vecteur de fonctions rassemblant toutes ces
informations sur les préférences, et c ( x,c ) = ∑ i∈N ci ( x ) le coût total associé
à x et c.
Il sera aussi utile de définir k comme un ensemble d’allocations possibles.
Étant donné k et c, on note C(κ,c ) le coût total associé à l’allocation la plus
efficace dans k :
C(κ,c ) = min x∈κ c ( x, c ).

37. Dans le cas où k1 , k2 , k et k ¢ sont regroupés, le prix du lot vaut


ck1 + ckk2 + ck + ck ′ = ck1 + ck2 + ck + ck ′ − rk2 , d’où une économie de rk2 .
2
38. Du point de vue des coûts totaux et des rentes des entreprises, l’intuition est similaire à
celle de l’observation 2. On observe une augmentation du coût total (car k1( r ) est maintenant servi
par 2) et une diminution de la rente versée à chacune des entreprises. La diminution de rente prend
la forme d’une perte de volume pour l’entreprise 1, et l’entreprise 2 paye plus que son propre coût
sur le volume perdu par l’entreprise 1.

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Revue économique – vol. 68, n° 2, mars 2017, p. 141-162


Olivier Compte, Laurent Lamy, Emmanuel Laurent

On note enfin x∗ (κ,c ) ∈ arg min x∈κ c ( x, c ) l’allocation correspondante.


Nous adoptons la même logique que précédemment, en fixant le mécanisme
de mise en concurrence. Plus précisément, étant donné k (choisi par le maître
d’œuvre), l’allocation et les prix sont ceux résultant de l’enchère de Vickrey
généralisée39, qui s’interprète comme la généralisation de l’enchère au second
prix. Formellement, étant donné k, ce format d’enchère est caractérisé par le
fait que 1) les biens sont alloués efficacement parmi l’ensemble des allocations
possibles, suivant les préférences  c que les enchérisseurs annoncent, de telle
sorte que l’allocation finale est x κ,�

( )
c , et 2) les transferts que reçoivent chacun
des enchérisseurs i =1,, n sont déterminés par :

( ( )) ( ) ( )
i
pi ≡ 
c x ∗ κ ,
c + C κ−i ,
c − C κ ,
c ,

où κ−i ⊆ κ est le sous-ensemble des allocations de k pour lesquelles i n’obtient


(
pas de service κ−i = { x ∈ κ | K i ( x ) = ∅} . )
Ces prix sont tels que quand les annonces sont sincères, chaque enchérisseur
obtient une rente égale à sa contribution à la diminution des coûts totaux, soit
C(κ−i , c ) − C(κ, c ). Ces prix donnent les bonnes incitations aux enchérisseurs à
annoncer leurs véritables coûts40. Dans ce qui suit, on suppose ainsi  c = c et on
omet les arguments indiquant la structure des coûts annoncés.
En sommant les égalités précédentes, on obtient alors l’expression suivante
pour le prix total payé par le vendeur :
n n
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p (κ) = C (κ) + ∑  C (κ−i ) − C (κ) = ∑C (κ−i ) − ( N −1)C (κ).

efficacité i=1 i=1
rentes

Ainsi, les équations (1) et (2) sont inchangées. Seule change l’interprétation
de k. Il s’agit ici de l’ensemble des allocations possibles. Un allotissement plus
fin correspond ainsi à un élargissement de l’ensemble des allocations possibles.

39. Edelman, Ostrovsky et Schwarz [2007] et Varian [2007] ont montré que le mécanisme
d’enchère multi-objet employé par Google avait un équilibre qui implémentait la même tarification
que celle de l’enchère de Vickrey généralisée. Pour des fonctions de coût générales mais exemptes
de complémentarités, l’enchère de Vickrey généralisée correspond à des formats d’enchères
ascendantes où les enchérisseurs peuvent soumettre des offres combinatoires, comme De Vries,
Schummer et Vohra [2007] l’ont montré. Il s’agit de formats qui généralisent l’enchère ascendante
utilisée dans les salles de vente et qui correspondent peu ou prou aux mécanismes utilisés récemment
par la Federal Communications Commission (FCC) pour l’allocation de bande passante. Notons que
pour des structures de coûts générales, on peut se heurter à plusieurs difficultés de mise en œuvre,
chaque entreprise devant a priori soumettre ses coûts pour chaque combinaison de lots. Il peut aussi
exister des difficultés algorithmiques pour trouver l’allocation qui minimise le coût total. Goeree et
Holt [2010] nuancent cependant ces critiques.
40. L’argument est classique. Calculons la rente de l’entreprise i quand la structure des coûts
annoncées est c = (ci , 
c−i) . Cette rente s’écrit :
( ) (
pi − ci x∗ (κ, c ) = C(κ−i , c ) − c x∗ (κ, c ), (ci ,  )
c−i) .
Le premier terme ne dépend pas de l’annonce ci. Le second terme est minimum quand ci = ci .
Notons aussi que cette rente est toujours positive quand ci = ci car κ−i ⊆ κ .

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Revue économique

Quand on élargit l’ensemble des allocations possibles (κ′ ⊃ κ), on augmente


l’efficacité de l’allocation (C(κ′) ≤ C(κ)) mais l’effet sur les rentes peut être
négatif (plus de rentes versées).
Pour comprendre cet arbitrage, la seconde expression peut être utile.
Potentiellement, un élargissement κ ′ ⊃ κ conduit à la fois à des gains d’effica-
cité (diminution de C (κ)), mais aussi à des gains d’efficacité quand la concur-
rence est réduite (diminution de C (κ−i )). Ce sont ces deux effets qu’il faut
comparer quand l’ensemble k grossit.
Nous illustrons ci-dessous ces deux effets et discutons comment les obser-
vations 0, 1, 2 et 3 se généralisent. Quand une entreprise, disons 1, est unifor-
mément plus efficace41, C (κ−i ) = C (κ) pour tout i ¹1, donc p (κ) = C (κ−1 ).
Le dégroupement est alors préférable (observation 1). Quand deux entreprises,
disons 1 et 2, sont uniformément plus efficaces42, les termes C (κ−i ) sont
inélastiques par rapport à la politique d’allotissement pour i =1,2, et les termes
C (κ−i ) − C (κ) sont nuls pour i ¹1,2, ce qui donne p (κ) = c1K + cK2 − C (κ)
comme dans la troisième section. Ainsi le prix est d’autant plus bas que le coût
C (κ) est élevé, ce qui plaide en faveur d’un unique marché, c’est-à-dire un
regroupement total. C’est l’analogue de l’observation 2.
Notons que si parmi ces deux entreprises, l’une d’elle est uniformément plus
efficace que l’autre, C (κ) ne change pas en fonction de k. Il n’y a alors pas
d’effet de l’allotissement sur le prix et on obtient l’analogue de l’observation 0.
Notons aussi que l’observation 3 se généralise si l’on ajoute l’hypothèse
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supplémentaire que les coûts sont super-additifs (rendements d’échelle décrois-
sants). Dans le cas dégroupé, le prix total est au plus égal à cK3 1 + cK3 2 ≤ cK3 1∪K 2.
Dans le cas regroupé, le prix est au moins égal au coût de l’entreprise gagnante,
soit cK3 1ÈK 2 , ce qui permet de conclure que le regroupement n’est pas désirable.

41. C’est-à-dire parmi les allocations possibles k ou κ ′ , il est plus efficace d’allouer tous les
services à l’entreprise 1.
42. C’est-à-dire, parmi les allocations possibles dans k ou dans κ ′ , il est plus efficace de ne
rien allouer aux entreprises autres que l’entreprise 1 et l’entreprise 2, et ce, même si l’une d’entre
elles est absente.

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Olivier Compte, Laurent Lamy, Emmanuel Laurent

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Revue économique – vol. 68, n° 2, mars 2017, p. 141-162


Revue économique

ANNEXE

Flux de trésorerie et mise en concurrence de services bancaires

Le graphique suivant résume les principaux flux financiers (les chiffres correspondant aux
flux constatés en 2013), depuis les cotisants vers les bénéficiaires des prestations sociales.

Organismes Organismes
de recouvrement ACOSS prestataires
URSSAF CNAV, CAF, CPAM

325 Md€ 350 Md€


30 millions Dont CNAV :
de transactions 160 millions
de transactions
Cotisants Assurés sociaux

La discussion de la partie « Les marchés des flux bancaires » dans la quatrième sec-
tion porte sur la mise en concurrence des banques assurant les flux entrants d’une part
(le recouvrement) et les flux sortants d’autre part (prestations). Voici quelques éléments
concernant ces marchés.
1) Les marchés sont d’une durée de trois à quatre ans selon les cas. Ils ne sont pas mis
en concurrence simultanément.
2) Pour les retraites, le marché est découpé en plusieurs lots vendus simultanément.
Des lots concernant les transactions nationales (ou régis par le SEPA) et un lot interna-
tional unique. Pour le recouvrement, les appels d’offres sont organisés régionalement.
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3) Historiquement, les modalités de mise en concurrence ont évolué. Pour le recouvre-
ment, l’organisation était initialement fortement décentralisée, chaque caisse départe-
mentale de recouvrement URSSAF mettant en concurrence les banques, impliquant une
centaine d’appels d’offres indépendants. À ce jour (2015), les appels d’offres sont effec-
tués au niveau régional ou suprarégional (treize appels d’offres non simultanés). Selon la
taille de la région, un appel d’offres comporte d’un à quatre lots, relativement homogènes,
alors attribués séquentiellement, sous la contrainte qu’une même banque ne puisse obtenir
tous les lots. Pour la plupart des banques, les conditions offertes sont en pratique iden-
tiques d’un appel d’offres à l’autre, et d’un lot à l’autre.
4) Pour le recouvrement, le nombre total de concurrents est de l’ordre d’une dizaine
d’établissements bancaires. Néanmoins, les banques ne participent pas à tous les appels
d’offres. Ainsi, chaque lot recueille en moyenne quatre candidatures. Deux banques se
partagent plus de 50 % du marché du recouvrement.
5) Éléments de statistiques descriptives.
Pour la vieillesse, les lots SEPA représentent environ 150 millions de virements dont
environ 20 000 trop-perçus à restituer (indus), pour un coût global d’environ 4 millions
d’euros. La part de la gestion des indus est supérieure à 50 %, avec des écarts de coûts de
traitement des indus de presque 50 %. D’où l’opportunité de modifier la composition des
lots, en fonction du risque d’indus associés, afin d’accroître l’efficacité de l’allocation.
Pour le recouvrement, chaque marché agrège dans des proportions semblables dif-
férents types de transaction (prélèvement 42 %, téléréglements 25 %, virements 3 %,
chèques 27 %). Le nombre total de transactions est de 30 millions, avec un coût par tran-
saction compris entre 1 et 2 centimes d’euro pour les transactions dématérialisées, auquel
il faut ajouter le coût de traitement des rejets de paiement, générant un renchérissement
d’environ 30 %. Pour les chèques, le coût de traitement est d’environ 4 à 8 centimes d’eu-
ro. L’écart de coût unitaire moyen entre le vainqueur et le deuxième est d’environ 10 %.

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