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Mathieu L’Hoir
Dans Regards croisés sur l'économie 2008/1 (n° 3), pages 133 à 140
Éditions La Découverte
ISSN 1956-7413
DOI 10.3917/rce.003.0133
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() Quelles sont les grandes stratégies d’investissement sur les marchés bour-
siers ?
monétaire.
Nous pouvons aussi classer les stratégies d’investissement selon les classes d’ac-
tifs considérés : actions, obligations, devises, etc.
Enfin, les stratégies d’investissement peuvent être caractérisées par leur profil
de risque :
–– les stratégies investissant sur une seule classe d’actif – instruments monétai-
res (dette de court terme de moins de 12 mois), actions ou obligations (gou-
vernementales ou d’entreprises) – de façon classique : seules des positions
acheteuses sont prises. Généralement, il y a un objectif de risque relatif à un
indice connu ;
134 Comprendre la finance contemporaine
non. Les grandes revues académiques, telles que le Journal of Finance, sont un
relais puissant dans la diffusion des travaux théoriques et appliqués. Mais les
publications internes d’articles par les services de recherche et développement
des groupes financiers jouent aussi un rôle très important dans la diffusion des
connaissances au sein de la profession. Elles sont aussi l’occasion de communi-
quer l’expertise acquise par l’entreprise sur des sujets parfois très techniques.
Le milieu bancaire a également noué des liens très directs avec le monde uni-
versitaire, notamment par le biais de financements accordés aux centres de
recherches universitaires ou le mécénat. De même, il est très fréquent que des
chercheurs académiques soient aussi consultants pour des départements de
R&D du secteur financier. Il n’est ainsi pas rare que soient publiés dans une
revue académique des articles co-écrits par des praticiens et des académiques.
Enfin, l’intrication des milieux est parfois telle que certains départements de
R&D des entreprises les plus à la pointe de l’industrie financière sont dirigés
par d’anciens universitaires. Il est même quelques exemples d’entreprises fon-
dées par d’anciens professeurs. C’est le cas notamment de BARRA, une société
spécialisée dans l’ingénierie financière et créée par l’économétricien et profes-
seur de finance Barr Rosenberg.
Cette interpénétration a permis des avancées notables dans de nombreux domai-
nes, notamment dans la gestion du risque : les modèles de risques développés
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ment ?
Parmi l’ensemble des théories utilisées par l’industrie financière, il en est une
qui occupe une place toute particulière. Il s’agit de la théorie moderne du por-
tefeuille formalisée par le Prix Nobel d’économie Harry Markowitz dans un
article fondateur paru en 1952. Cette dernière repose sur un principe très sim-
ple : le principe de diversification. L’idée sous-jacente est qu’il est possible dans
un grand nombre de cas de réduire le risque d’un portefeuille – ce risque étant
mesuré par la volatilité du rendement qu’il procure – en y incluant des actifs
peu corrélés, et ceci à rendement constant. Partant de ce principe, nous pou-
vons déterminer le portefeuille optimal, c’est-à-dire la combinaison optimale
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d’actifs qui minimise le risque pour un rendement donné. On voit donc là tout
l’intérêt que cela peut présenter pour l’industrie financière puisqu’il s’agit de
s’assurer que le portefeuille choisi atteint le meilleur couple rendement-risque
pour l’investisseur [« Les principaux modèles de prédiction des cours », p. 141].
L’utilisation des méthodes d’allocation induites par la théorie moderne du por-
tefeuille implique de pouvoir estimer le risque associé à chaque portefeuille
d’actifs ainsi que sa rentabilité* attendue. Le modèle d’évaluation des actifs
financiers (MEDAF), ou capital asset pricing model (CAPM) en anglais, que
l’on doit au Prix Nobel d’économie William Sharpe (1964) prolonge les travaux
de Markowitz dans cette direction. Dans le cadre du MEDAF, le rendement
d’un titre vient rémunérer le risque non diversifiable que prend l’investisseur
en détenant cet actif. Ce risque non diversifiable est la résultante de la corréla-
tion entre les actifs : les actifs étant corrélés avec le marché dans son ensemble
(cette corrélation étant ce que l’on appelle le bêta de l’actif), ils sont corrélés
entre eux, et il n’est par conséquent pas possible de réduire totalement le risque
du portefeuille. Le MEDAF est ainsi à l’origine du concept de facteur de ris-
que, le facteur marché étant l’unique facteur de risque induisant un risque non
diversifiable, donc rémunéré. Ce concept de facteur de risque est fondamental
puisqu’il a permis à l’industrie financière de mettre au point des modèles facto-
riels d’analyse de risque utilisés massivement dans la gestion d’actifs.
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modèles factoriels.
La théorie économique et financière sert également à évaluer la juste valeur des
actifs et à prévoir leurs rendements. Les théories utilisées dépendent naturelle-
ment de la classe d’actif considérée. Par exemple, le dividend discount model est
couramment utilisé pour calculer la juste valeur d’une action : cette dernière
correspond à la somme des flux actualisés de dividendes* futurs. Les praticiens
comparent fréquemment cette juste valeur des titres avec leur valeur observée
pour anticiper les variations de prix. De même, le secteur financier a souvent
recours à la parité de pouvoir d’achat (PPA) ou encore à la parité de taux d’inté-
rêt couverte ou non couverte pour prévoir les mouvements des taux de change,
La théorie financière et la pratique 137
() Quel est le point de vue d’un praticien sur l’hypothèse d’efficience* des mar-
chés ? Quelles implications cela peut-il avoir sur les stratégies de gestion ?
Le point de vue des chercheurs sur l’efficience des marchés n’est pas consen-
suel, et parfois le concept même d’efficience est mal compris, tout comme ses
138 Comprendre la finance contemporaine
cette prime de risque « normale» est supposée constante, le seul choix d’intérêt
pour l’investisseur est de constituer un portefeuille stratégique, lié à la rentabi-
lité qu’il veut obtenir dans le long terme expliquée par le risque encouru. Chez
un praticien, cela se traduira par exemple, par la création d’un portefeuille d’ac-
tions à bêta plus ou moins fort, ou d’un portefeuille actions/obligations avec des
poids choisis en fonction du risque qu’il veut encourir. Ce praticien ne fera pas
de mouvements d’allocation. La gestion passive, les fonds indiciels, par exemple,
reflètent cette vision. Mais partant de cette définition de la prime de risque, on
pourrait dans le long terme faire « mieux » que le marché avec un portefeuille
systématiquement sur-exposé au facteur de risque qu’est le marché. Dans le cas
La théorie financière et la pratique 139
d’un portefeuille actions, si l’on considère que le marché est bien représenté par
l’indice MSCI World, on battra dans le long terme cet indice en se sur-expo-
sant à un portefeuille qui réplique l’indice MSCI World. Mais attention, battre
le marché de cette façon ne signifie pas que le marché n’est pas efficient, cela
signifie tout simplement que l’on est en train de prendre plus de risque, et on est
rémunéré en conséquence.
Dans la « version » plus moderne de l’efficience, il est admis que les primes de
risque exigées par les investisseurs varient dans le temps, notamment en fonc-
tion des cycles économiques. Ces variations se traduisent par des rentabilités
observées allant dans le même sens a posteriori. Par exemple, en fin de récession/
début d’expansion, du fait de l’incertitude, les primes de risque pour les actions
sont supérieures à la moyenne : il conviendrait donc de sur-exposer le porte-
feuille à cet actif. Dans ce contexte, un praticien avec un portefeuille purement
investi en actions trouvera intéressant d’augmenter le bêta du portefeuille (pri-
vilégier des titres très corrélés aux mouvements du marché) pendant quelques
temps. Peut-on faire « mieux que le marché » en modifiant graduellement l’allo-
cation d’un portefeuille ? Oui… si on arrive à timer le marché au bon moment,
autrement dit, à se sur-exposer (sous-exposer) au marché à la veille de sa hausse
(baisse). Encore une fois, si l’on « bat » le marché ici, c’est dû au fait que l’on s’ex-
pose plus au moins au risque systématique actions.
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