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ECOLE SUPERIEURE DE COMMERCE

Pôle Universitaire de Koléa

Abdelkader GLIZ
Professeur ESC Koléa

Notes de Cours :
Structure du capital, coût du capital et valeur de l’entreprise
(Work in progress)

Avril 2023
La structure du capital de l’entreprise 1

Table des matières

Introduction ................................................................................................................................ 2

1-) Risque opérationnel et risque financier ........................................................................... 2

2-) L’approche traditionnelle ................................................................................................ 4

3-) L’approche de Modigliani & Miller ................................................................................ 7

3.1-) Les propositions de Modigliani et Miller en l’absence de l’impôt sur le bénéfice...... 8

3.2-) Les propositions de Modigliani & Miller en présence de l’impôt sur le bénéfice .... 10

3.3-) Le modèle général de Modigliani & Miller ............................................................... 11

3.4-) Le coût des capitaux propres et le coût du capital ..................................................... 15

4-) Les autres facteurs explicatifs de la structure du capital ............................................... 17

4.1-) L’effet des coûts de faillite ........................................................................................ 17

4.2-) L’effet des coûts d’agence de la dette........................................................................ 20

4.3-) L’effet de la valeur de liquidation des actifs de l’entreprise ..................................... 22

5-) Le modèle de Miller ...................................................................................................... 22

6-) Valeur de l’entreprise et structure du capital en présence de risques différents ........... 24

7-) Le modèle de l’ordre hiérarchique ................................................................................ 25

8-) La validation empirique des théories de la structure du capital .................................... 26


La structure du capital de l’entreprise 2

Introduction

La relation entre la valeur de l’entreprise et le coût du capital d’une part et la structure du


capital d’autre part, est un thème central de la finance d’entreprise. Cette question revient à
savoir si la valeur totale de l’entreprise est modifiée par un changement dans la structure du
capital de l’entreprise. Elle équivaut également à la question de savoir s’il existe une structure
du capital ou politique d’endettement optimale et, le cas échéant, à déterminer les facteurs
explicatifs de la politique d’endettement de l’entreprise.

Il revient à Modigliani et Miller (1958 et 1963) d’avoir pour la première fois traiter cette
relation avec rigueur dans leur modèle de classes de risque et montrer les limites de
l’approche traditionnelle en la matière. En se basant sur le Modèle d’Evaluation Des Actifs
Financiers, Hamada (1969) a étendu cette question au cas où les entreprises n’appartiendraient
pas à la même classe de risque. Comme l’indique Harris et Raviv (1991), le problème de la
détermination de la structure du capital de l’entreprise a été par la suite abordée dans le cadre
d’autres problématiques à l’effet de faire ressortir l'effet de l’information, des coûts d’agence
et du contrôle de l’entreprise.

Le présent chapitre est organisé selon les sections suivantes :

− Risque opérationnel et risque financier


− L’approche traditionnelle
− L’approche de Modigliani et Miller
− Les autres approches de la structure du capital
− Le modèle de Miller
− Le modèle de l’ordre hiérarchique
− La structure du capital en présence de projets de risque différents
− La validation empirique

1-) Risque opérationnel et risque financier

La distinction entre le risque opérationnel et le risque financier est essentielle pour la


compréhension de la relation entre d’une part la structure du capital et d’autre part, la valeur
de l’entreprise et le coût du capital.

Le risque opérationnel, appelé également risque d’affaires, résulte de la nature même de


l’activité économique. Cette dernière est fluctuante en raison notamment de l’existence de
concurrents, de changement de la demande, de la technologie et de la politique du
gouvernement. Ces fluctuations possibles de l’activité impliquent que le rendement futur de
l’entreprise n’est pas certain.

Une des mesures possibles du risque opérationnel est la proportion de frais fixes dans le
total des coûts de l'entreprise. En effet, lorsque cette proportion est élevée, une variation
La structure du capital de l’entreprise 3

négative de l’activité de l’entreprise pourrait provoquer des difficultés financières importantes


pour l’entreprise si le niveau d’activité s’avère insuffisant pour le paiement des frais fixes.

Une autre mesure du risque opérationnel est représentée par les fluctuations de l’Excédent
Brut d’Exploitation –EBE. Comme le montre la figure 6.1, les fluctuations passées de EBE
rendent incertaines les prévisions des EBE futurs.

Le risque financier est lié au mode de financement de l’entreprise. Le service de la dette


(charges financières et remboursement du principal) devant généralement faire l’objet de
paiement fixe, le risque financier est d’autant plus élevé que le taux d’endettement de
l’entreprise est élevé. En effet, en cas de baisse de l’activité, le paiement du service de la dette
peut devenir problématique, voire impossible. La figure 6.1 montre comment, étant donné les
fluctuations de EBE, le niveau de l’endettement est la source du risque financier.1

EBE SD3

SD2

SD1

0 t

Figure 6.1 : Risque opérationnel et risque financier

La figure 6.1 montre en premier lieu que l’activité de l’entreprise, mesurée ici par l’EBE,
est fluctuante. C’est le risque opérationnel. SD1, SD2 et SD3 sont les charges financières
correspondant à trois niveaux différents d’endettement. Avec un niveau d’endettement
relativement faible, la probabilité est très faible que l’entreprise ne puisse pas assurer le
paiement du service de la dette SD1. Mais si l’endettement est relativement élevé, une faible
baisse de EBE pourrait mettre l’entreprise dans l’impossibilité de payer le service de la dette
SD3. Etant données les fluctuations passées de EBE, la probabilité de cette baisse est élevée.
Ainsi, si l’entreprise choisit un niveau d’endettement correspondant au service de la dette
SD3, le niveau de risque perçu par les apporteurs de fonds sera plus élevé. Nous avons ainsi :

Pr ob(EBE  SD3 )  Pr ob(EBE  SD2 )  Pr ob(EBE  SD1 )

Les apporteurs de fonds exigeront en contrepartie un taux de rendement d’autant plus élevé
que le niveau d’endettement est élevé.

1
Le risque financier peut également être analysé à travers le ratio de couverture des intérêts (Times Interest
Earned) qui est égal au rapport entre le Bénéfice Avant Intérêts et Impôts – BAII – et les charges financières.
La structure du capital de l’entreprise 4

2-) L’approche traditionnelle


Selon l’approche traditionnelle, il existe une structure du capital optimale dont la
détermination par le manager permet de maximiser la valeur totale de l’entreprise. Pour
présenter l’approche traditionnelle, considérons l’exemple 6.1 suivant :
Exemple 6.1 : L’entreprise A, financée en totalité par des capitaux propres, anticipe un
Bénéfice Avant Intérêt et Impôts espéré –E(BAII) – de 6.000. A titre de simplification, on
suppose E(BAII) constant et perpétuel. Dans un premier temps, nous considérons que
l’entreprise A n’est pas soumise à l’impôt sur le bénéfice. Nous aurons donc  = 0 . Par la
suite, nous introduirons l’impôt sur le bénéfice et ferons ressortir son impact important sur la
détermination de la structure du capital. Si le coût des capitaux propres appliqué à cette
entreprise est de 10%, nous obtenons ainsi la valeur des capitaux propres de l’entreprise A et
qui est également sa valeur totale :2
E (BAII ) 6.000
V =E= = = 60.000
ke 10%
L’entreprise A étant financée en totalité par des capitaux propres, nous avons donc V = E
et k = k e . La situation financière de l’entreprise A peut ainsi être résumée comme suit :

E (BAII ) 6.000
Charges financières (intérêts) 0
Revenu des actionnaires 6.000
ke 10%
E 60.000
D 0
V 60.000
k 10%
D/V 0%
Exemple 6.2 : Supposons maintenant que la direction de l’entreprise A souhaite modifier la
structure du capital par l’introduction d’un financement par dette. Pour cela, elle envisage
d’émettre des obligations pour une valeur nominale de 30.000 au taux d’intérêt de 6% par an.
Le montant ainsi obtenu servira à racheter une partie des actions de l’entreprise. Avec cette
substitution, les conditions opérationnelles de l’entreprise demeurent inchangées. Ainsi, la
distribution de probabilité de BAII demeure inchangée et E (BAII ) reste à son niveau initial de
6.000. L’introduction de la dette en substitution des capitaux propres implique un plus grand
risque financier pour les actionnaires. En conséquence, ces derniers exigent un taux de

2
Relevons qu’étant donné que l’entreprise A est financée en totalité par des capitaux propres, le seul risque
impactant le taux de rendement de 10% attendu par les actionnaires est le risque opérationnel.
La structure du capital de l’entreprise 5

rendement plus élevé. Supposons que celui-ci devienne 12%.3 La valeur des capitaux propres
de l’entreprise A devient égale à :

E (BAII ) − k d D 6.000 − (30.000 6%)


E= = = 35.000
ke 12%

La nouvelle situation financière de l’entreprise A peut être résumée comme suit :

E (BAII ) 6.000
Intérêts ( k d D ) 1.800
Revenu des actionnaires 4.200
ke 12%
E 35.000
kd 6%
D 30.000
V 65.000
D/V 46,15%
k 9,23%
On remarque que par suite de la substitution de la dette à une partie des capitaux propres,
la valeur totale de l’entreprise a augmenté et le coût du capital a diminué. L’introduction
d’une dette de 30.000 est donc une décision bénéfique pour l’entreprise. Cette substitution a
entrainé une hausse du coût global du financement inférieure à la baisse du coût global du
financement, ce qui explique l’augmentation de la valeur totale de l’entreprise et la
diminution du coût du capital. L’augmentation du coût global du financement est due à la
hausse du coût des capitaux propres de 10% à 12%, ceci suite à l’accroissement du risque
financier. La baisse du coût global du financement fait suite à la substitution, pour une part,
d’un mode de financement (les capitaux propres) par un mode de financement (la dette) moins
coûteux.
Exemple 6.3 : Supposons que la direction de l’entreprise souhaite encore modifier la
structure du capital de l’entreprise en procédant à une augmentation de la dette pour atteindre
le montant total de 40.000. Comme pour le premier endettement, le montant obtenu servira à
racheter une partie des actions de l’entreprise. Ce nouvel endettement n’aura donc aucun effet
sur les conditions opérationnelles de l’entreprise de sorte que la distribution de probabilité de
BAII demeure inchangée et E (BAII ) reste égal à 6.000. L’augmentation du taux
d’endettement qui s’ensuivra sera perçue par les actionnaires et les créanciers comme une
augmentation du risque financier. Le taux de rendement exigé par ces deux types d’apporteurs

3
L’approche traditionnelle est muette quant à la relation existant entre le risque financier et le coût des capitaux
propres. L’un des apports de Modigliani & Miller est précisément d’avoir donné une expression formelle à cette
relation.
La structure du capital de l’entreprise 6

de fonds aura tendance à augmenter. Supposons que ces taux deviennent respectivement 16%
et 8%.4 La valeur des capitaux propres de l’entreprise A devient égale à :
E (BAII ) − k d D 6.000 − (40.000 8%)
E= = = 17.500
ke 16%

La situation financière de l’entreprise A peut être résumée comme suit :

E (BAII ) 6.000
Intérêt ( k d D ) 3.200
Revenu des actionnaires 2.800
ke 16%
E 17.500
kd 8%
D 40.000
V 57.500
D/V 69,57%
k 10,43%
La nouvelle émission de dette aura pour conséquence la diminution de la valeur totale et
l’augmentation du coût du capital de l’entreprise. Elle n’est donc pas bénéfique pour les
actionnaires de l’entreprise. Ce nouvel endettement est donc à rejeter.

Sur la base de cet exemple, les figures 6.2 et 6.3 décrivent respectivement la relation entre
la valeur totale et la structure du capital et l’évolution du coût des capitaux propres, du coût de
la dette et du coût du capital en fonction du taux d’endettement selon l’approche
traditionnelle.

4
Comme déjà relevé, dans l’approche traditionnelle, l’ampleur de cette augmentation (de 12% à 16%) n’est pas
justifiée.
La structure du capital de l’entreprise 7

65.000

60.000

55.000

0% 46,15% 69,57% D/V

Figure 6.2 : Relation valeur totale et structure du capital selon


l’approche traditionnelle

16% ke

k
10%
kd

6%

0% 46,15% 69,57% D/V


Figure 6.3 : Relation coût du capital, coût des capitaux propres et
structure du capital selon l’approche traditionnelle

Comme le montrent les figures 6.2 et 6.3, selon l’approche traditionnelle, il existe une
structure du capital optimale. La détermination de cette dernière est de la responsabilité du
manager d’une façon générale et du directeur financier d’une façon particulier, l’objectif étant
la maximisation de la valeur de l’entreprise.5

3-) L’approche de Modigliani & Miller


Dans leur célèbre article de 1958, Modigliani & Miller remettent en cause l’approche
traditionnelle de la relation entre la structure du capital et la valeur totale de l’entreprise.

5
L’approche traditionnelle ne spécifie pas comment peut être obtenue cette structure optimale du capital. On
peut cependant supposer que cela revient à interroger la banque sur le taux d’intérêt qu’elle pourrait appliquer
pour des niveaux différents d’endettement et tenter de déterminer sur le marché financier la relation empirique
pouvant exister entre le taux d’endettement et le taux de rendement exigé par les apporteurs de capitaux propres.
La structure du capital de l’entreprise 8

Selon Modigliani & Miller, en l’absence de l’impôt sur le bénéfice de l’entreprise, dans un
marché financier parfait en équilibre, la valeur totale de l’entreprise est indépendante de la
structure du capital. Dans ce cas, la valeur totale de l’entreprise et le coût du capital ne
dépendent que du risque opérationnel. Par la suite, dans leur article de 1963, Modigliani &
Miller admettent que l’existence de l’impôt sur le bénéfice a pour effet d’augmenter la valeur
totale de l’entreprise.

3.1-) Les propositions de Modigliani et Miller en l’absence de l’impôt sur le


bénéfice
Modigliani & Miller (1958) ont remis en cause l’approche traditionnelle selon laquelle la
valeur de l’entreprise peut être maximisée par le choix judicieux d’une structure du capital. En
d’autres termes, il existerait un risque financier optimal que les managers devraient choisir
pour maximiser la valeur totale de l’entreprise. L’argument essentiel de la conception de
Modigliani & Miller réside dans l’existence de la possibilité d’arbitrage, possibilité
impliquant que deux entreprises ayant le même risque opérationnel (risque d’affaires) ne
peuvent avoir des valeurs différentes par le seul fait d’une différence dans la structure du
capital.6 Pour décrire cet arbitrage, considérons l’exemple précédent en supposant maintenant
que nous sommes en présence de deux entreprises A et B appartenant à la même classe de
risque (opérationnel) et ayant des structures du capital différentes.7 La situation financière de
ces deux entreprises est décrite au tableau 6.1.

Tableau 6.1
Entreprises
A B
Valeur de la dette D 0 30.000
Bénéfice avant intérêt et impôt espéré E (BAII ) 6.000 6.000
Charges financières Int 0 1.800
Revenu des actionnaires RN 6.000 4.200
Coût des capitaux propres ke 10% 12%
Valeur des capitaux propres E 60.000 35.000
Coût de la dette kd - 6%
Valeur de la dette D 0 30.000
Valeur totale de l’entreprise V 60.000 65.000
Coût du capital k 10% 9,23%
Ratio dette/valeur totale de l’entreprise D/V 0 46,15%
Ces deux entreprises sont identiques en tout point sauf en ce qui concerne leur structure du
capital. En effet, l’entreprise A n’a pas de dette, tandis que l’entreprise B a une dette de 30.000

6
Une opération d’arbitrage est une opération sans risque et sans mise de fonds avec un rendement positif sûr. Ce
qui n’est pas le cas d’une opération de spéculation où il y’a une mise de fonds avec un rendement incertain.
7
Le concept de classe de risque sera précisé plus bas lors de l’exposé général du modèle de Modigliani & Miller.
La structure du capital de l’entreprise 9

au taux de 6%. La différence de leur valeur totale n’est donc due qu’à la différence de leur
structure du capital. Selon Modigliani & Miller, une telle situation ne peut perdurer car elle
crée des opportunités d’arbitrage qui entraînent l’égalisation de la valeur totale des entreprises
A et B.
Afin de montrer comment se réalise cette opération d’arbitrage, considérons un actionnaire
de l’entreprise B qui détient 1% des actions de cette entreprise. Cet individu est en mesure
d’obtenir le même revenu annuel en investissant dans l’entreprise A avec un coût
d’investissement moindre. La procédure d’arbitrage consiste pour cet individu à :8
− Vendre ses actions de l’entreprise B, ce qui lui procure la somme de 350.
− Emprunter la somme de 300 au taux de 6%. Il s’agit d’une dette personnelle
perpétuelle obtenue selon les mêmes conditions que pour l’entreprise A.
− Acheter 1% des actions de l’entreprise A pour la somme de 600.
Avant cette série de transactions, l’individu avait un revenu annuel anticipé constant et
perpétuel de (4.200  1%) = 42. Après l’opération d’arbitrage, ce revenu devient égal à
(6.0001%) − (300 6%) = 60 −18 = 42 . Ainsi, la procédure d’arbitrage ne modifie pas le
revenu annuel anticipé de l’individu. Mais, son investissement est égal à 600 − 300 = 300, qui
est inférieur à la somme de 350 investie dans l’entreprise B. Après la procédure d’arbitrage, le
gain en capital de l’individu est donc de 50.
Ainsi, tout en maintenant constant le revenu futur espéré de l’individu, l’arbitrage permet à
l’actionnaire de l’entreprise B de réaliser un gain en capital. Plusieurs actionnaires de
l’entreprise B trouveront bénéfique la réalisation de cet arbitrage. Il en résulte une
augmentation de l’offre des actions de l’entreprise B, ce qui implique une diminution de leur
prix et une augmentation de la demande des actions de l’entreprise A, ce qui implique une
augmentation de leur prix. La diminution du prix de l’action B et l’augmentation du prix de
l’action A s’arrêteront lorsque l’arbitrage ne produit plus de gain en capital, c’est à dire
lorsque la valeur totale de l’entreprise A devient égale à la valeur totale de l’entreprise B, soit
lorsque VA = VB .9

Remarquons que le montant de la dette personnelle est égal à 1% de la dette de l’entreprise


B. En d’autres termes, à travers le portefeuille qu’il a constitué, l’individu a dupliqué la
structure du capital de l’entreprise B. Comme les individus peuvent obtenir la même structure
financière que l’entreprise B, ils ne peuvent accepter de payer plus cher pour l’acquisition des
actions de cette entreprise.
Ainsi, en l’absence de l’impôt sur le bénéfice, à l’équilibre du marché, la valeur totale de
l’entreprise est indépendante de sa structure du capital. Il s’ensuit de même l’indépendance du
coût du capital par rapport à la structure du capital. Cette proposition fondamentale de

8
Relevons que l’arbitrage consiste à vendre le titre surévalué et à acquérir le titre sous-évalué.
9
Si le marché est tel que la valeur totale de A est supérieure à celle de B, alors l’arbitrage consistera en les
opérations suivantes : vente de 1% de A, achat de 1% de B et prêt d’une somme égale à 1% de la dette de B.
La structure du capital de l’entreprise 10

Modigliani & Miller, qualifiée de thèse de neutralité, est représentée schématiquement dans la
figure 6.4.

ke

kd

Figure 6.4 : Relation coût du capital et structure du capital selon


D/V
l’approche de Modigliani & Miller (1958)

3.2-) Les propositions de Modigliani & Miller en présence de l’impôt sur le


bénéfice
La réglementation fiscale donne le droit aux entreprises de déduire le montant des intérêts
payés du revenu imposable. Cet avantage accordé aux entreprises rend plus attractif
l’endettement, ce qui peut influencer la politique d’endettement de l’entreprise. Pour montrer
cela, reconsidérons l’exemple précédent des entreprises A et B en introduisant maintenant un
impôt sur le bénéfice au taux  de 30%. La situation financière de ces deux entreprises est
décrite au tableau 6.2.

Tableau 6.2 :
Entreprise
A B
Dette D 0 30.000
Bénéfice avant intérêt et impôt espéré E (BAII ) 6.000 6.000
Charges financières Int 0 1.800
Bénéfice brut (E(BAII ) − Int ) 6.000 4.200
Impôt sur le bénéfice  (E(BAII ) − Int ) 1.800 1.260
Revenu des actionnaires RN 4.200 2.940
Revenu total des apporteurs de fonds RN + Int 4.200 4.740
(actionnaires et créanciers)
Avec une dette D de 30.000, l’entreprise B procure aux apporteurs de fonds (actionnaires et
créanciers) un revenu total de 4.740 se décomposant comme suit :

4.740 = 4.200 + 540 = 4.200 + 30%(30.000  6%)


La structure du capital de l’entreprise 11

La somme de 540 est l’économie d’impôt due à la déductibilité des charges financières du
revenu brut imposable. En d’autres termes, le revenu total généré par l’entreprise avec dette
est égal au revenu total généré par l’entreprise sans dette augmenté de k d D, l’économie
d’impôt permise par l’endettement. Etant donnée l’hypothèse de constance et de perpétuité de
E(BAII) et de la dette, l’économie d’impôt permise par l’endettement sera également
constante et perpétuelle. Il s’agit donc d’une série d’économies d’impôt dont la valeur actuelle
est obtenue par actualisation au taux k d . Ainsi, la valeur de ces économies d’impôt est :

k d D
= D
kd

La valeur actuelle de l’économie d’impôt D revient aux actionnaires. En conséquence,


nous obtenons la proposition fondamentale de Modigliani et Miller (1963) suivante :

VL = Vu + D (6.1)

Avec :

VL : Valeur de l’entreprise avec dette.

V u : Valeur de l’entreprise sans dette.10

Etant donnée l’importance de cette proposition en finance d’entreprise, nous devons


présenter sa démonstration de façon plus formelle.

3.3-) Le modèle général de Modigliani & Miller


Modigliani & Miller (1963) considèrent un modèle où les firmes peuvent être classées dans
des classes de risque homogènes. La question de la relation entre structure du capital, coût du
capital et valeur de l’entreprise est traitée à l’intérieur de chaque classe de risque. Deux firmes
i et j sont considérées comme appartenant à la même classe de risque si le revenu aléatoire de
la firme i ne diffère du revenu aléatoire de la firme j que d’un facteur de proportionnalité fixe
, ce qui donne formellement :
~ ~
BA II i =   BA II j (6.2)

L’égalité (6.2) a notamment les conséquences suivantes : i) le BAII de deux entreprises i et


j appartenant à la même classe de risque ont un coefficient de corrélation égale à 1 ;11 ii)
l’évolution du taux de rentabilité de ces deux entreprises est identique.12

10
L pour levered (avec dette) et u pour unlevered (sans dette).
La structure du capital de l’entreprise 12

Dans ce modèle, la variabilité de BAII représente le risque opérationnel, appelé également


risque d’affaires de l’entreprise. C’est un risque propre à la nature de l’activité de l’entreprise.
L’entreprise fait également face à un autre type de risque, c’est le risque financier. Ce dernier
est la variabilité du revenu net qui résulte de l’endettement de l’entreprise.

Le modèle de Modigliani & Miller est basé sur les hypothèses suivantes :

− Marché financier parfait (coûts des transactions nuls, information disponible sans
coût et sans délai pour les agents économiques, les investisseurs sont des price
taker).
− Le financement des entreprises s’effectue soit par émission d’actions (capitaux
propres), soit par émission d’obligations (dette).
− Les individus (investisseurs) peuvent prêter et emprunter au même taux d’intérêt
que l’entreprise.
− L’impôt sur le bénéfice des entreprises est la seule forme d’imposition. En
particulier, le modèle de M&M ne considère pas l’impôt sur le revenu des actions et
des obligations des personnes.
− Le BAII est supposé constant et perpétuel.13
− Les entreprises peuvent être classées dans des classes de risque homogènes. Deux
entreprises appartiennent à la même classe de risque lorsque leur BAII satisfait la
relation 6.2.

Pour faire ressortir la relation existant entre la valeur totale de l’entreprise et la structure du
capital, Modigliani et Miller (1963) considèrent deux entreprises L et u appartenant à la même
classe de risque (opérationnel) et identiques en tout point, sauf dans leur structure du capital.
En particulier, le marché anticipe pour ces deux entreprises le même Bénéfice Avant Intérêt et
Impôt, soit :

X L = Xu = X

Avec :

X L : Bénéfice Avant Intérêt et Impôt de la firme avec dette L.

X u : Bénéfice Avant Intérêt et Impôt de la firme sans dette u.

Le coefficient de corrélation rij entre le BAII des entreprises i et j est égal à 1, soit : rij =
(
COV BAIIi , BAII j )=
 (BAII )   (BAII )
11

i j

(
COV BAII j , BAII j ) =1 .
 (BAII j )  (BAII )
j

BAIIi ,t − BAIIi ,t −1 BAII j ,t − BAII j ,t −1


12
L’évolution du rendement des firmes i et j est la même, soit : = .
BAIIi ,t −1 BAII j ,t −1
13
Cette condition a pour objectif la simplification technique du modèle.
La structure du capital de l’entreprise 13

On considère ainsi que  = 1 . La valeur totale de l’entreprise sans dette Vu et de


l’entreprise avec dette VL sont :
Vu = Eu

VL = EL + D
La relation entre la valeur de l’entreprise et la structure du capital est obtenue dans une
optique d’équilibre du marché financier. Plus précisément, il s’agit de comparer les
investissements qui procurent à l’investisseur le même revenu. Compte tenu de l’appartenance
de ces deux firmes à la même classe de risque, ces deux investissements doivent avoir le
même prix de marché. Dans le cas contraire, le processus d’arbitrage rétablira l’équilibre.14
La première position d’investissement consiste en l’acquisition de la proportion  des
capitaux propres EL de la firme avec dette. Cet investissement rapporte annuellement et à
perpétuité le revenu suivant (bénéfice net entièrement distribué) :15
 (( X − kd D )(1 −  ))

La valeur de marché de cette position est égale à  EL.


La seconde position d’investissement se compose d’une part, de l’acquisition de la
proportion  de la firme sans dette et d’autre part, de l’émission d’une dette perpétuelle d’un
montant égal à  (1 −  )D . Cette position consiste en fait pour l’investisseur à reproduire
(dupliquer) la même structure du capital que celle de la firme avec dette. Elle réalise la
substitution de l’endettement personnel à l’endettement de l’entreprise. Cette deuxième
position d’investissement rapporte le même revenu annuel perpétuel que la première position
d’investissement, soit :
X (1 −  ) − k d  (1 −  )D =  (( X − k d D )(1 −  ))

La valeur de marché de cette seconde position est égale à la valeur de marché des actions
détenues de la firme sans dette diminuée de la valeur de marché de la dette émise, soit :
Eu −  (1 −  )D =  (Eu − (1 −  )D ) =  (Vu − (1 −  )D )

L’équilibre du marché financier implique que ces deux positions d’investissement ont la
même valeur de marché car elle procure le même revenu annuel perpétuel  (( X − k d D )(1 −  ))
et ont le même risque (opérationnel et financier). Nous avons donc :
EL =  (Vu − (1 −  )D )

EL = Vu − D + D

14
Voir Fama & Miller (1972). P 171.
15
On relève que Modigliani & Miller considèrent implicitement que At = It, ce qui est la conséquence de
l’hypothèse de non croissance de l’entreprise.
La structure du capital de l’entreprise 14

EL + D = Vu + D

VL = Vu + D

En d’autres termes, la valeur de marché totale de l’entreprise avec dette est égale à la
valeur de marché totale de l’entreprise sans dette augmentée de la valeur actuelle du gain
d’impôt généré par la dette. Ceci constitue une conclusion fondamentale de la finance
d’entreprise. Elle signifie que l’endettement augmente la valeur de l’entreprise. Dans ce cas,
la structure optimale du capital est 100% de dette. Il s’agit évidemment d’une conclusion
extrême, mais elle est tout à fait conforme aux hypothèses du modèle. L’introduction d’autres
facteurs, tels que les coûts de la faillite et les coûts d’agence, permettent de s’éloigner de cette
proposition extrême.
Dans le cas particulier où  = 0 , nous retrouvons l’égalité :
VL = Vu

Ceci signifie qu’en l’absence de l’impôt sur le bénéfice de l’entreprise, la valeur de


l’entreprise est indépendante de la structure du capital. C’est la thèse de la neutralité de la
structure du capital.
L’expression D est celle de l’économie d’impôt due à la dette. L’exemple suivant permet
de montrer de faire ressortir l’existence de cette économie d’impôt.

A : Entreprise sans dette B : Entreprise avec dette


Dette 0 6.000
Résultat d’exploitation (opérationnel) 5.000 5.000
Intérêt 0 600
Résultat brut 5.000 4.400
IBS (20%) 1.000 880
Résultat net 4.000 3.520

L’entreprise B économise 120 d’IBS. Cette économie d’impôt est due à la dette. Elle est
égale à 600*20% = 120. L’expression générale de l’économie d’impôt est donc : k d D .

La valeur actuelle de l’économie d’impôt dans le modèle de M&M est :

kd D kd D kd D kd D


+ + + ... = = D
(1 + kd ) (1 + kd ) 2
(1 + kd )3
kk
La structure du capital de l’entreprise 15

3.4-) Le coût des capitaux propres et le coût du capital


L’équation (6.1) constitue la proposition fondamentale de Modigliani & Miller de la
relation entre la valeur de l’entreprise et la structure du capital. Cette équation nous permet
d’obtenir le coût des capitaux propres et le coût du capital de l’entreprise en fonction de la
structure du capital. La valeur des capitaux propres de l’entreprise avec dette EL est donnée
par l’expression suivante :

EL =
(E(BAII ) − kd D)(1 −  ) (6.3)
keL

Le taux k eL est le taux de rendement attendu par les actionnaires pour une firme avec dette.
D’où :

keL =
(E (BAII ) − kd D)(1 −  ) (6.4)
EL

L’équation (6.1) de Modigliani & Miller (1963) nous permet d’écrire :


E (BAII )(1 −  )
VL = Vu + D = + D
keu

Soit :
k euVL = E (BAII )(1 −  ) + k euD

Le taux k eu est le taux de rendement attendu par les actionnaires pour une firme sans dette.
Nous avons donc :
E (BAII )(1 −  ) = k eu (VL − D ) (6.5)

En substituant (6.5) dans (6.4), nous obtenons :


E (BAII )(1 −  ) − k d D(1 −  ) k eu (VL − D ) − k d D(1 −  )
keL = =
EL EL

keu (EL + D − D ) − k d D(1 −  ) k eu EL + keu D(1 −  ) − k d D(1 −  )


keL = =
EL EL

k eL = k eu + k eu
D
(1 −  ) − k d (1 −  ) D
EL EL

keL = keu + (keu − k d )(1 −  )


D
(6.6)
EL

Pour l’obtention du coût du capital en fonction de la structure du capital, nous savons que :

+ k d (1 −  ) (k e E + k d (1 −  )D )
E D 1
k = ke =
E+D E+D E+D
La structure du capital de l’entreprise 16

En utilisant l’équation (6.6) de la proposition de Modigliani & Miller, on obtient

1  D 
k=  keu + (keu − k d )(1 −  )  E + k d (1 −  )D
E + D  E 

k=
1
k eu E + (k eu − k d )(1 −  )D + k d (1 −  )D = 1 (k eu E + k eu D − k euD )
E+D E+D
D
k = k eu − k eu
E+D

 D 
k = keu 1 −   (6.7)
 E + D
L’ensemble des équations résultant des propositions de Modigliani & Miller peuvent être
représentées graphiquement par la figure 6.5.

ke = keu + (keu − kd )(1 −  )


D
E

 D 
k = keu 1 −  
 E+D

kd (1 −  )

D/E
Figure 6.5 : Relation coût du capital, coût des fonds propres et structure du
capital selon l’approche de Modigliani & Miller (1963) avec   0

Lorsque  = 0 , nous obtenons la thèse de neutralité de la structure du capital qui a pour


expression graphique la figure 6.6.
La structure du capital de l’entreprise 17

k e = k eu + (keu − k d )
D
E

k = keu

kd

D/E
Figure 6.6 : Relation coût du capital, coût des fonds propres et structure du
capital selon l’approche de Modigliani & Miller (1958) avec  = 0

Ainsi, lorsque  = 0 , le coût du capital de l’entreprise avec dette est égal au coût du capital
de l’entreprise sans dette, soit k L = k u . La dette a un coût nominal plus faible que celui des
capitaux propres. Mais l'augmentation de la dette entraîne une augmentation du risque
financier, ce qui fait augmenter le coût des capitaux propres. Cet effet indirect de la dette
implique que le coût global de la dette (nominal plus effet indirect) est exactement le même
que le coût des capitaux propres. C’est la raison pour laquelle le coût du capital est fixe
quelque soit le poids respectif des capitaux propres et des dettes.

4-) Les autres facteurs explicatifs de la structure du capital

Nous avons fait remarquer que les propositions de Modigliani et Miller aboutissent à des
conclusions extrêmes, puisque dans le cadre de ces propositions, la structure du capital
optimale de l’entreprise consiste en 100% de dette. Même si en réalité il n’existe pas
d’entreprises ayant 100% de dette, la thèse de Modigliani et Miller indique bien la tendance
de la structure du capital souhaitée en réalité par les entreprises. Plusieurs autres facteurs ont
été proposés par la suite pour compléter la compréhension de la question de la relation entre la
valeur de l’entreprise et le coût du capital d’une part et la structure du capital, d’autre part,
notamment l’existence de coût de la faillite, de coûts d’agence et de la valeur de liquidation.

4.1-) L’effet des coûts de faillite

Les propositions de M&M se basent, entre autres, sur l’hypothèse de coûts de la faillite
nuls. Ceci est la conséquence de l’hypothèse de coûts de transactions nuls. Mais, lorsque le
ratio d’endettement devient relativement élevé, la probabilité de faillite devient également
élevée. Les coûts de faillite ne peuvent plus être négligés. Comme ils sont in fine à la charge
de l’entreprise, ils viennent en déduction de la valeur de l’entreprise et réduisent ainsi l’effet
positif de l’endettement. L’équation (6.8) fait ressortir cet effet négatif des coûts de la faillite :
La structure du capital de l’entreprise 18

VL = Vu + D − VAECF (6.8)

VAECF : Valeur actuelle espérée des coûts de faillite.

Dans ce cas, l’endettement optimal résulte de l’arbitrage entre l’effet positif de


l’endettement (économie d’impôt) et de l’effet négatif de l’endettement (augmentation du coût
espéré de la faillite). Pour illustrer cet arbitrage, considérons l’exemple 6.4 suivant :

Exemple 6.4 : Soit l’entreprise u dont le financement est totalement assuré par des
capitaux propres. Le nombre d’actions n de cette entreprise est de 5.000. Le bénéfice avant
intérêt et impôt espéré E(BAII) est de 4.800. Il est supposé constant et perpétuel. Compte tenu
de sa classe de risque, le coût des capitaux propres de l’entreprise u est estimé à 12%. Le taux
de l’impôt sur le bénéfice est de 30%.

L’entreprise u envisage de changer la structure de son financement et cela, par la


substitution de capitaux propres par la dette. Mais l’entreprise n’ignore pas que l’introduction
et l’augmentation de la dette fait apparaître un risque financier pouvant provoquer la faillite.
Sur la base des fluctuations passées de BAII, l’entreprise a dressé le tableau 6.3 suivant
indiquant la probabilité de faillite pour chaque niveau possible d’endettement.

Tableau 6.3 :
Dette 0 2.000 4.000 6.000 8.000 10.000 12.000 14.000 16.000
Probabilité
0 0,03 0,05 0,07 0,10 0,15 0,25 0,40 0,60
de faillite

Une étude détaillée de la réglementation et des pratiques liées aux procédures de


liquidation des entreprises a permis d’estimer le coût de la faillite à 8.000.

Etant données ces informations relatives à la situation financière de l’entreprise u, quelle


est la structure optimale du capital de l’entreprise et quelle est la valeur de l’action
correspondant à cette structure optimale du capital ?

La structure optimale du capital est obtenue par la maximisation de la valeur totale de


l’entreprise V L dont l’expression est la suivante :

VL = Vu + D − VAECF

Pour l’estimation de la structure optimale du capital, nous devons déterminer chacun des
trois éléments de V L et cela pour chaque niveau de dette. La valeur de l’entreprise sans dette,
Vu est donnée par l’équation suivante :

E (BAII )(1 −  ) 4.800(1 − 30%)


Vu = Eu = = = 28.000
keu 12%
La structure du capital de l’entreprise 19

La valeur de l’action est dans ce cas égale à 28.000/5.000, soit 5,60.

Le tableau 6.4 nous permet de déterminer le niveau d’endettement permettant de


maximiser la valeur totale de l’entreprise et partant, la valeur de l’action.

Tableau 6.4 : détermination de la structure optimale du capital en présence de coûts de faillite


D Vu D VAECF VL
0 28.000 0 0 28.000
2.000 28.000 600 240 28.360
4.000 28.000 1.200 400 28.800
6.000 28.000 1.800 560 29.240
8.000 28.000 2.400 800 29.600
10.000 28.000 3.000 1.200 29.800
12.000 28.000 3.600 2.000 29.600
14.000 28.000 4.200 3.200 29.000
16.000 28.000 4.800 4.800 28.000

Ce tableau montre que la valeur totale de l’entreprise est maximale lorsque la dette est
égale à 10.000. La dette optimale D* est donc de 10.000 et servira à racheter une partie des
actions. A ce niveau de dette, la valeur totale est de 29.800. La relation entre la valeur totale
de l’entreprise et la dette est représentée par le graphique de la figure 6.7 :

35 000
34 000
33 000
32 000
31 000
30 000 VL (M&M)
29 000 VL (TOT)
28 000
27 000
26 000
25 000
- 5 000 10 000 15 000 20 000

Figure 6.7

La question que nous devons maintenant aborder est de savoir à quel prix les actions
seront rachetées. Au prix de 5,6, aucun actionnaire n’acceptera de vendre son action car il ne
pourra pas, contrairement aux actionnaires restant dans l’entreprise, bénéficier de
l’augmentation de la valeur totale de l’entreprise. Dans ce cas, si aucun actionnaire ne
souhaite vendre son action, alors la dette de 10.000 ne sera pas contractée et aucun actionnaire
La structure du capital de l’entreprise 20

ne pourra bénéficier de l’augmentation de la valeur totale de l’entreprise. Le seul prix qui


laisserait les actionnaires indifférents entre conserver l’action et vendre l’action est :

VL* 29.800
P* = = = 5,96
n 5.000

Le prix de 5,96 est le seul prix de l’action qui permet à tous les actionnaires de bénéficier
de l’augmentation de la valeur totale de l’entreprise. A ce prix, le nombre d’actions que
l’entreprise rachètera est :

D * 10.000
=  1.677
P* 5,96

La différence, soit 5.000 – 1.677 = 3.323, représente le nombre d’actions restant dans
l’entreprise. La structure optimale du capital est donc :

E * 19.800
= = 66,44%
VL* 29.800

D* 10.000
= = 33,56%
VL* 29.800

Entre autres, cet exemple montre bien que la maximisation de la valeur totale de
l’entreprise implique bien celle de la valeur de l’action.

4.2-) L’effet des coûts d’agence de la dette

La détermination de la structure du capital par référence aux coûts d’agence a été initiée
par Jensen et Meckling (1976). Les coûts d’agence de la dette ont pour origine le problème
d’agence existant entre les actionnaires et les créanciers (prêteurs). Au chapitre 4, nous avons
montré comment la responsabilité limitée des entreprises pouvait inciter ces dernières à
choisir des projets plus risqués. Cette déviation crée une situation d’aléa moral au détriment
du prêteur.

Le problème d’agence entre les actionnaires et les créanciers provient du fait que la dette
constitue pour les actionnaires une incitation à investir d’une façon sous-optimale. Selon
Jensen et Meckling, l’existence de la dette peut inciter les actionnaires à choisir des projets
risqués. En effet, pour ce type de projet, en cas de réussite, leur richesse augmentera
rapidement. Mais en cas d’échec, une partie du coût sera supportée par les créanciers, car les
actionnaires sont relativement protégés par la clause de la responsabilité limitée.

Anticipant ce type de comportement, les prêteurs mettront en place des mécanismes


destinés à réduire l’aléa moral. Ces mécanismes sont notamment l’exigence de garanties
La structure du capital de l’entreprise 21

(hypothèque, caution, nantissement, …), l’audit externe des comptes de l’entreprise et


l’introduction de divers covenants tels que la limitation de la distribution de dividendes et la
limitation d’emprunt futur.

Les coûts de ces mécanismes sont des couts d’agence. Ils viennent en déduction de la
valeur de l’entreprise. De plus, les coûts d’agence augmentent avec le taux d’endettement. La
prise en compte à la fois des coûts de faillite et des coûts d’agence a pour effet de modifier
comme suit l’équation (6.8) :

VL = Vu + D − Valeur actuelle espéréedes coûts de la faillite


(6.9)
− Valeur actuelle des coûts d' agence

L’expression (6.9) est celle de la théorie du compromis (Trade Off Theory –TOT). La
structure optimale du capital est ainsi le résultat de l’arbitrage entre d’une part les coûts de
faillite et les coûts d’agence et d’autre part les effets bénéfices de l’endettement (gain
d’impôt). La figure 6.8 fait ressortir l’effet des coûts de faillite et des coûts d’agence sur la
relation entre la valeur totale de l’entreprise et la structure du capital :

D* D
Figure 6.8 : Valeur de l’entreprise et structure du capital selon TOT.

La courbe A est représentative de la valeur totale de l’entreprise tenant compte seulement


de l’effet de l’impôt sur le bénéfice. Elle représente la proposition de Modigliani & Miller et
son équation est VL = Vu + D . La courbe B représente la valeur totale de l’entreprise
lorsqu’on considère l’existence des seuls coûts de faillite. Son équation est
VL = Vu + D − VAECF . La courbe C représente la valeur totale de l’entreprise lorsqu’on
considère l’existence à la fois des coûts de faillite et des coûts d’agence et son équation est
VL = Vu + D − VAECF − VACA .

La théorie de l’arbitrage (compromis) introduit deux coûts induits par l’endettement : il


s’agit des coûts de faillite et des coûts d’agence. De ce fait, l’augmentation de l’endettement
La structure du capital de l’entreprise 22

implique pour l’entreprise des bénéfices, à savoir l’économie d’impôt, et des coûts, à savoir
les coûts de faillite et les coûts d’agence. La structure optimale du capital est obtenue lorsque
le bénéfice marginal de la dette est égal au coût marginal de la dette.

Dans une perspective dynamique, Diamond (1989) a fait remarquer que la construction
d’une réputation de bon payeur représente pour l’entreprise une incitation à diminuer le
recours à des projets très risqués et permet de diminuer les coûts d’agence dus au problème
d’agence entre actionnaires et créanciers. L’avantage d’une telle réputation est qu’elle permet
à l’entreprise de diminuer le coût futur de la dette et donc finalement d’augmenter la valeur de
l’entreprise. Une des prédictions de cette théorie est que le ratio d’endettement a tendance à
être plus élevé pour les anciennes entreprises ayant établie une bonne réputation.

4.3-) L’effet de la valeur de liquidation des actifs de l’entreprise

En cas de faillite de l’entreprise, les détenteurs de la dette peuvent espérer récupérer leurs
fonds mais seulement à hauteur de la valeur de liquidation des actifs de l’entreprise. Donc, la
structure optimale du capital est déterminée de telle manière que le montant de la dette soit
égal à la valeur actuelle des actifs de l’entreprise en liquidation. Ce facteur explicatif de la
structure du capital a été proposé par Scott (1976).

5-) Le modèle de Miller

Nous avons montré qu'en présence de l'impôt sur les bénéfices des société au taux  et
sous l'hypothèse de marchés parfaits, on a VL = Vu + D . L'expression G = D est la valeur
actuelle des flux futurs infinis d'économies d'impôt de la dette (Interest Tax Shield).
Cependant, cette équation ne tient pas compte du fait qu'en réalité, en plus de l'impôt sur les
bénéfices des sociétés, il existe également des impôts sur le revenu des personnes provenant
des actions et des obligations. Appelons  iE le taux de l'impôt individuel sur le revenu des
actions (les dividendes et les gains en capital) et  iD le taux de l'impôt individuel sur le revenu
des obligations (les intérêts).

En introduisant les impôts personnels sur le revenu des actions et le revenu des obligations,
la relation entre VL et Vu devient comme suit :

 (1 −  )(1 −  iE ) 
VL = Vu + D1 −  (6.10)
 (1 −  iD ) 

Pour faire ressortir cette relation, considérons les deux positions d'investissement
suivantes:

− La première position d’investissement consiste à acquérir la proportion  de la


firme endettée. Le revenu annuel net d’impôt, constant et perpétuel, qu'elle procure
La structure du capital de l’entreprise 23

est égal à  ( X − k d D )(1 −  )(1 −  iE ) et sa valeur de marché est tout simplement


égale à EL .
− La seconde position d'investissement consiste à acquérir la proportion  de la
firme non endettée et à emprunter à titre perpétuel la somme D
(1 −  )(1 −  iE ) . Le
(1 −  iD )
revenu annuel, constant et perpétuel, est égal dans ce cas à :

X (1 −  )(1 −  iE ) − D
(1 −  )(1 −  iE ) k (1 −  )
(1 −  iD ) d iD

= X (1 −  )(1 −  iE ) − k d D(1 −  )(1 −  iE )

=  ( X − k d D )(1 −  )(1 −  iE )

La valeur de marché de cette seconde position d'investissement est égale à :

Eu − D
(1 −  )(1 −  iE ) =  V − D (1 −  )(1 −  iE )
 u
(1 −  iD )  (1 −  iD ) 

Ces deux positions d'investissement procurent le même revenu annuel constant et perpétuel
 ( X − k d D )(1 −  )(1 −  iE ) . Elles ont donc la même valeur de marché, ce qui donne :


E L =  Vu − D
(1 −  )(1 −  iE )
 (1 −  iD ) 

En simplifiant par  et en rajoutant D de part et d'autre de cette égalité, on obtient la


relation donnant la valeur de l'entreprise avec dette selon le modèle de Miller (1977), soit
l'équation :

 (1 −  )(1 −  iE ) 
VL = Vu + D1 − 
 (1 −  iD ) 

Ainsi, en présence, en plus de l'impôt sur les bénéfices des sociétés, des impôts personnels
sur les revenus des actions et des obligations, l'expression de l'économie d'impôt de la dette
devient :

 (1 −  )(1 −  iE ) 
G = D1 − 
 (1 −  iD ) 
La prise en compte des impôts personnels sur les revenus des actions et des obligations a-t-
elle un effet sur l'économie d'impôt de la dette? Remarquons que si  iE =  iD , ou si ces deux
La structure du capital de l’entreprise 24

taux sont nuls, on retrouve la proposition fondamentale de Modigliani et Miller (1963), à


savoir VL = Vu + D .

De même, si (1 −  iD ) = (1 −  )(1 −  iE ) , alors l'économie d'impôt de la dette s'annule et nous


obtenons de nouveau la thèse de neutralité de Modigliani & Miller. Supposons par exemple
que l'on ait les taux suivants :  = 25% ,  iD = 47,50% et  iE = 30% . Alors, on a
(1 −  iD ) = 0,525 = 0,75  0,70 = (1 −  )(1 −  iE ) . Dans ce cas, on a VL = Vu .

Miller (1977) a présenté un argument selon lequel l'équilibre du marché financier implique
la disparition de l'économie d'impôt de la dette, ce qui rétablit la proposition I de Modigliani
& Miller, soit en présence d'un marché financier parfait, on a VL = Vu . L'idée de base est que
si le taux de l'impôt personnel sur le revenu des obligations (les intérêts) est plus élevé que le
taux de l'impôt personnel sur le revenu des actions (les dividendes et le gain en capital), alors
toutes choses étant égales par ailleurs, notamment la prime de risque reflétant le différentiel
de risque entre les actions et les obligations, ceci constitue un désavantage pour les détenteurs
d'obligations. Pour compenser ces derniers de ce désavantage, le taux d'intérêt avant impôt
doit être réajusté à la hausse. Autrement, la demande pour les obligations tendra à s'annuler.
Cette augmentation du taux d'intérêt avant impôt aura pour conséquence de réduire l'avantage
de la déductibilité des intérêts de la base imposable des firmes. Selon Miller (1977), à
l'équilibre du marché, l'économie d'impôt de la dette disparaît.

6-) Valeur de l’entreprise et structure du capital en présence de risques


différents

Même lorsqu’on considère des entreprises de différentes classes de risque, les propositions
de Modigliani & Miller demeurent valables. Pour montrer cela, Hamada (1972) a combiné le
Modèle d’Evaluation Des Actifs Financiers –MEDAF– et le modèle de Modigliani et Miller
et a montré la relation suivante :16

k eL = R f +  u (E (Rm ) − R f ) +  u (E (Rm ) − R f )(1 −  )


D
(6.11)
E

Cette équation signifie ce qui suit :

ke L = Taux d’intérêt sans risque + Prime de risque opérationnel + Prime de risque financier.

Parmi les résultats obtenus, figure l’équation suivante, appelée équation de Hamada,
donnant la relation entre le bêta L de l’entreprise avec dette et le bêta u de l’entreprise sans
dette :

16
Voir démonstration dans Copeland, Weston & Shastri (2005).
La structure du capital de l’entreprise 25

 D
 L =  u 1 + (1 −  )  (6.12)
 E

7-) Le modèle de l’ordre hiérarchique

La théorie de l’ordre hiérarchique (Myers & Majluf, 1984) introduit l’asymétrie


d’information comme facteur explicatif de la structure du capital de l’entreprise. Le modèle
proposé analyse les conséquences de l’asymétrie d’information sur le prix d’équilibre des
actions sur la base du comportement rationnel des investisseurs et des entreprises (managers).
Myers & Majluf (1984) considèrent le cas d’une entreprise ayant un projet rentable à réaliser
(VAN > 0), mais ne disposant pas de tous les capitaux nécessaires à son financement. Si cette
entreprise décide d’émettre de nouvelles actions, les investisseurs peuvent interpréter cette
décision comme étant un mauvais signal (mauvaise nouvelle). Ils peuvent en effet penser ce
qui suit : « comme l’entreprise n’a pas intérêt à émettre des actions nouvelles avec un prix
sous-évalué, alors si les managers ont décidé d’émettre des actions nouvelles, c’est que
certainement les actions sont surévalués ». La conséquence de cette croyance est la
diminution du prix de marché de l’action de l’entreprise. En d’autres termes, l’annonce de la
décision d’émission d’actions nouvelles peut véhiculer au marché financier une mauvaise
information, ce qui se traduit par une baisse du prix de l’action.17

En raison de cette possible baisse du prix de l’action à l’annonce de l’émission de


nouvelles actions, l’entreprise pourrait renoncer à réaliser ses projets rentables si cette baisse
du prix de l’action n’est pas compensée par la rentabilité attendue du projet. Ce sous-
investissement est une forme de sélection adverse. Dans ce cas, l’asymétrie d’information est
source de pertes de bien-être social.

Nous obtenons ainsi la théorie de l’ordre hiérarchique (Pecking Order Theory –POT),
selon laquelle, pour leur financement et en raison de l’effet adverse de l’émission d’actions
nouvelles, les entreprises préfèrent en premier lieu recourir au financement interne
(autofinancement). S’il y’a nécessité de recourir au financement externe, alors le financement
par dette est privilégié. Si ces deux sources de financement ne suffisent pas à procurer les
sommes nécessaires, alors l’entreprise procèdera à l’émission de nouvelles actions.

Cet ordre hiérarchique s’explique comme suit : l’entreprise préfère en premier lieu
l’autofinancement car pour ce mode de financement, étant donné que l’asymétrie
d’information est au minimum, le coût d’asymétrie d’information est nul ou quasi-nul.18 Bien
qu’il existe une asymétrie d’information entre l’entreprise et ses prêteurs, le coût d’asymétrie

17
Le modèle de Myers & Majluf (1984) est un modèle de sélection adverse. Akerlof (1970) a montré qu’en
situation d’asymétrie d’information, l’équilibre du marché est tel que seuls s’échangent les biens de mauvaise
qualité. Il s’agit dans ce cas d’un équilibre de sélection adverse.
18
Même dans le cas de l’autofinancement, il peut exister de l’asymétrie d’information, par exemple entre
l’actionnaire majoritaire et l’actionnaire minoritaire. Ce type d’asymétrie d’information n’a pas été pris en
considération par Myers & Majluf.
La structure du capital de l’entreprise 26

d’information associé à la dette demeure plus faible car le remboursement de la dette est une
obligation légale. En cas de non remboursement, les créanciers peuvent recourir à la justice
qui pourra saisir les biens de l’entreprise pour rembourser les créanciers. L’émission de
nouvelles actions est la moins préférée car son coût d’asymétrie d’information est le plus
élevé.

La théorie du compromis (TOT) et la théorie de l’ordre hiérarchique (POT) débouchent sur


des prédictions opposées en matière de relation entre taux de rentabilité et taux d’endettement.
Selon la théorie du compromis, plus la rentabilité de l’entreprise est élevée, plus est grande
l’incitation à réduire le montant de l’impôt à payer. Pour cela, l’entreprise peut recourir à
l’endettement. En d’autres termes, selon la théorie du compromis, il existe une relation
positive entre rentabilité et endettement. Selon la théorie de l’ordre hiérarchique, si
l’entreprise est suffisamment rentable, alors elle recourra de façon plus intensive à
l’autofinancement, ce qui a pour conséquence de réduire le taux d’endettement. Donc, selon la
théorie de l’ordre hiérarchique, il existe une relation négative entre rentabilité et endettement.

8-) La validation empirique des théories de la structure du capital

La structure du capital a fait l’objet de multiples tests empiriques. Parmi les études
empiriques les plus célèbres, citons celle de Rajan & Zingales (1995) dont l’objectif est de
vérifier si les résultats obtenus à partir des études portant sur la structure du capital des
entreprises américaines se retrouvent également dans d’autres pays développés (Allemagne,
Canada, France, Italie, Japon et Royaume-Uni). La comparaison s’est concentrée sur les
quatre facteurs suivants : la tangibilité des actifs (Actifs corporels/Total Actif), le ratio
« Market-to-Book value » (ratio Valeur de marché des capitaux propres/valeur comptable des
capitaux propres), la taille de l’entreprise (Log(ventes)) et la profitabilité (EBITDA/Total
Actif).

Les actifs tangibles peuvent servir de garantie et donc permettent de ce fait de réduire
l’aléa moral lié à la dette. La présence d’actifs tangibles constitue ainsi une incitation des
prêteurs à financer l’entreprise. Il est donc attendu une relation positive entre le taux
d’endettement et la proportion des actifs tangibles dans le total de l’actif.

Le ratio « Market-to-Book Value » est une variable proxy renseignant sur l’existence ou
non d’opportunités d’investissement profitables.19 Afin de réaliser ces opportunités de
croissance, les entreprises chercheront à atteindre un taux de financement par capitaux propres
élevé car un endettement élevé peut être à l’origine de la non réalisation (pass up) des

19
Comme VAN = −I 0 + Cash − Flows Actualisés , on a en effet le ratio « Market-to-Book Value » est égal à
VAN
1+ . Donc, le ratio « Market-to-Book Value » est d’autant plus élevé que la VAN est élevée. C’est pour cela
I0
que ce ratio est un proxy des opportunités de croissance.
La structure du capital de l’entreprise 27

opportunités d’investissement (Myers, 1977). La théorie de la structure du capital suggère


donc une relation inverse entre le taux d’endettement et le ratio « Market-to-Book Value ».

La relation entre le taux d’endettement et la taille de l’entreprise est plus ambigüe. D’un
côté, notamment en raison du niveau plus élevé de leur diversification, les grandes entreprises
sont moins susceptibles de tomber en faillite, ce qui est favorable à un taux d’endettement
plus élevé. D’un autre côté, l’asymétrie d’information vis-à-vis des investisseurs étant plus
faible pour les grandes entreprises, l’attrait des capitaux propres se trouve être relativement
plus élevé. Sur la base du critère de l’asymétrie d’information, on anticipe donc une relation
négative entre la taille de l’entreprise et le taux d’endettement.

La relation entre la profitabilité et l’endettement est également complexe à prédire. Au


regard de la Trade-Off Theory, une rentabilité élevée implique un taux d’endettement élevé
car l’entreprise cherche dans ce cas à maximiser l’économie d’impôt de la dette. Par contre,
du point de vue de la Pecking Order Theory, il existe une relation inverse entre profitabilité et
endettement car une rentabilité élevée est favorable à la disponibilité de l’autofinancement, ce
qui réduit d’autant le recours à l’endettement.

Le tableau 6.5 montre la relation statistique obtenue par Rajan & Zingales (1995) entre le
taux d’endettement et les quatre variables sus citées.

Tableau 6.5 : Principaux résultats empiriques de Rajan & Zingales (1995)


Royaume-
Etats-Unis Japon Allemagne France Italie Canada
Uni

0,50*** 1,41*** 0,42** 0,53** 0,36 0,41*** 0,26***


Tangibilité
(0,04) (0,18) (0,19) (0,26) (0,23) (0,07) (0,10)

Market to Book -0,17*** -0,04 -0,20*** -0,17** -0,19 -0,13*** -0,11***


Value (0,01) (0,04) (0,07) (0,08) (0,14) (0,03) (0,04)

0,06*** 0,11*** -0,07*** 0,02 0,02 0,026*** 0,08***


Log ventes
(0,01) (0,02) (0,02) (0,02) (0,03) (0,01) (0,01)

-0,41*** -4,26*** 0,15 -0,02 -0,16 -0,34 -0,46**


Profitabilité
(0,1) (0,60) (0,52) (0,72) (0,85) (0,30) (0,22)

Nombre
2079 316 175 117 96 522 264
d’observations

Pseudo R2 0,21 0,29 0,12 0,12 0,05 0,18 0,19


***, **, * : significatif respectivement à 1%, 5% et 10%.
Chiffre entre parenthèses : erreur standard.
La structure du capital de l’entreprise 28

D’une façon générale, ce tableau suggère que l’endettement est lié a) positivement à la
tangibilité des actifs de l’entreprise, ce qui est en faveur de la thèse selon laquelle la
tangibilité joue un rôle de garantie, réduisant ainsi le problème d’agence entre l’entreprise et
les investisseurs ; b) négativement au ratio « Market to Book Value », ce qui semble être
conforme à la thèse de Myers (1977) selon laquelle les entreprises favorisent le financement
par capitaux propres pour ne pas rater l’occasion de réaliser des projets à rendement potentiel
élevé ; c) positivement à la taille de l’entreprise, ce qui favorise l’hypothèse selon laquelle une
grande entreprise est perçue par les prêteurs comme présentant un moindre risque et d)
négativement à la profitabilité, ce qui tend vers la validation de la théorie de l’ordre
hiérarchique (POT).

La même démarche a été appliquée par Guerrache (2015) et Belkacemi (2019) sur des
entreprises privées algériennes. Sur la base d’un échantillon de 118 entreprises privées
algériennes sur la période 2005-2008, Guerrache (2015) trouve qu’il existe une relation
négative et significative entre d’une part l’endettement total et d’autre part, la tangibilité des
actifs et la rentabilité (ROA). Par contre, la taille de l’entreprise a un impact positif et
significatif sur l’endettement total. En utilisant un échantillon de 55 entreprises privées
algériennes de grande et moyenne taille sur la période 2010-2015, Belkacemi (2015) trouve
une relation significative positive entre le taux d’endettement et la taille, la tangibilité et la
croissance et négative avec la rentabilité.

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