Vous êtes sur la page 1sur 8

Chapitre 20

Le coût du capital ou le taux de


rentabilité exigé d’un investissement

La détermination du coût du capital, aussi appelé coût moyen pondéré du capital, n’est
certainement pas toujours simple mais elle est fondamentale en finance.

© Copyright FIRST FINANCE INSTITUTE - Tous droits réservés 1


SECTION 1 : LE COUT DU CAPITAL ET LE RISQUE DE L’ACTIF
ECONOMIQUE

Le coût du capital est le taux de rentabilité minimum que doivent dégager


les investissements de l’entreprise afin que celle-ci puisse satisfaire à la
fois l’exigence de rentabilité des actionnaires (c’est à dire le coût des
capitaux propres) et l’exigence de rentabilité des créanciers (c’est à dire le
coût de l’endettement net). Le coût du capital est donc le coût de
financement global de l’entreprise.

Dans le cadre des marchés à l’équilibre, tout investisseur au portefeuille


parfaitement diversifié détient une fraction des capitaux propres de l’entreprise et une
fraction de sa dette, c’est l’enseignement du MEDAF (voir Chapitre 17). Autrement dit,
tout investisseur détient à travers les capitaux propres et les dettes de l’entreprise une
fraction de son actif économique puisque celui-ci est égal à la somme des capitaux
propres et de l’endettement net. L’investisseur court donc le risque de cet actif
économique.

Le taux de rentabilité qu’il va alors exiger de cet actif économique ne dépend que
d’une seule chose : du risque de cet actif économique. Autrement dit, le coût des
ressources financières de l’entreprise, c’est-à-dire son coût du capital, n’est autre que
le taux de rentabilité exigé par l’investisseur sur cet actif économique.

Le coût du capital ne dépend que du risque de l’actif économique, et plus


précisément de son risque systématique puisque le risque spécifique,
étant diversifiable, n’est pas rémunéré.

Le coût du capital est donc fonction des caractéristiques économiques d’un secteur
d’activité :
• la structure des coûts, entre coûts fixes et coûts variables : plus les coûts fixes
sont élevés (le ciment par exemple), plus l’entreprise est sensible à la
conjoncture et plus son coût du capital est élevé ;
• la sensibilité à la conjoncture économique : certains secteurs démultiplient
structurellement les variations de l’activité économique générale comme le
transport, le bâtiment (risque de l’actif économique et donc coût du capital
élevé) ; d’autres, au contraire, les atténuent comme la fabrication de fromages
(coût du capital faible) ;
• la visibilité de l’activité : entre un propriétaire d’immeubles loués dans le cadre
de baux 3-6-9 et un fabricant d’avions de ligne, il y a tout un monde en matière
de prévisibilité de l’activité et donc des coûts du capital très différents, faibles
pour l’immobilier, forts pour l’avionneur ;

© Copyright FIRST FINANCE INSTITUTE - Tous droits réservés 2


• le taux de croissance des résultats : plus le taux de croissance des résultats est
élevé, plus son coût du capital sera élevé. En effet, dans ce cas, l’essentiel de la
valeur de l’entreprise s’explique par des flux éloignés dans le temps, donc très
sensibles à toute variation du marché.

Le coût du capital peut être calculé comme la moyenne pondérée du coût de


l’endettement net et du coût des capitaux propres. Mais que notre lecteur
comprenne bien que le coût du capital n’est pas une moyenne pondérée de
deux coûts indépendants ; il préexiste à ces coûts. Le coût du capital
détermine le coût des capitaux propres et le coût de l’endettement en
fonction de leur pondération, et non l’inverse.

Ceci est fondamental. Nous verrons que ce n’est que dans un but pratique que l’on
reconstitue le coût du capital à partir des coûts respectifs de l’endettement net et des
capitaux propres.

SECTION 2 : LE CALCUL DU COUT DU CAPITAL

1. LE CALCUL DIRECT PAR LE ΒETA DE L’ACTIF


ECONOMIQUE

Le passif d’une entreprise n’étant, en définitive, qu’un écran entre le marché financier
et l’entreprise elle-même, le taux de rentabilité à exiger de tout investissement pour
satisfaire les investisseurs est égal au loyer de l’argent sans risque, plus une prime de
risque liée à l’activité de l’entreprise.

Par application du MEDAF, on a donc :

𝐤 = 𝐫𝐅 + 𝛃𝐄 × (𝐫𝐌 − 𝐫𝐅)

où 𝒌, 𝒓𝑭, 𝒓𝑴 et 𝜷𝑬 sont respectivement le coût moyen pondéré du capital, le taux de


l’argent sans risque, le taux de rentabilité du marché et le beta de l’actif économique,
c’est-à-dire le beta de l’entreprise à dette nulle, aussi appelé beta désendetté.

Le 𝜷𝑬 de l’actif économique peut être calculé en sachant qu’il est égal à la moyenne
pondérée par les valeurs du 𝜷𝑪𝑷 des capitaux propres et du 𝜷𝑫 de l’endettement net :

© Copyright FIRST FINANCE INSTITUTE - Tous droits réservés 3


𝛃𝐂𝐏 + 𝛃𝐃 ×
𝛃𝐄 = 𝐕𝐃
𝐕𝐂𝐏
𝐕𝐃
𝟏+
𝐕𝐂𝐏

𝐕𝐃 correspond à la valeur de l’endettement net et 𝐕𝐂𝐏 à la valeur des


capitaux propres. 𝜷𝑫 correspond au beta de l’endettement net et se calcule de la
même façon que le beta d’une action en régressant les rentabilités de la dette
cotée contre les rentabilités du marché. Pour des groupes faiblement endettés,
l’approximation 𝜷𝑫 = 0 est fréquemment faite, ce qui simplifie la formule
précédente qui devient alors :

𝛃𝐂𝐏
𝛃𝐄 = 𝐕
𝟏+ 𝐃
𝐕𝐂𝐏

Dans le cas où l’endettement net de l’entreprise n’est pas négligeable, il nous paraît
abusif de considérer que 𝜷𝑫 = 0. En effet, plus un groupe est endetté, moins sa dette
dépend du niveau des taux d’intérêt. Elle est plus liée aux caractéristiques propres de
la société (coûts fixes/coûts variables) et du secteur (visibilité/cyclicité), et son
comportement se rapproche de celui d’une action.

Mais le plus souvent notre lecteur verra utiliser la formule

𝛃𝐂𝐏
𝛃𝐄 = 𝐕
[𝟏 + (𝟏 − 𝐈𝐒) × 𝐃 ]
𝐕𝐂
𝐏

© Copyright FIRST FINANCE INSTITUTE - Tous droits réservés 4


Notre lecteur aura noté que cette dernière formule diffère de la précédente, non
seulement du fait d’un 𝜷𝑫 supposé nul mais également par l’introduction de
l’imposition sur les sociétés. La relation qui existe entre le beta de l’actif économique
et le beta des capitaux propres ne fait pas l’unanimité et dépend des hypothèses
retenues pour l’évolution de la structure financière. Ce mode de calcul du beta de l’actif
économique repose sur deux hypothèses très fortes :
• l’entreprise s’endette au taux de l’argent sans risque, et ce quelle que soit sa
structure financière ;
• la valeur de l’actif économique de l’entreprise endettée est égale à celle de
l’entreprise non endettée plus la valeur de l’économie d’impôt (due à la
déductibilité fiscale des intérêts) calculée comme le montant de l’endettement
net multiplié par le taux d’impôt.

Ces deux hypothèses simplifient l’équation de détermination du beta de l’actif


économique mais ne correspondent pas à la réalité économique. La première parce
qu’une entreprise ne s’endette pas au taux de l’argent sans risque. La seconde parce
que le coût de la faillite est négligé bien que son ordre de grandeur soit similaire pour
les entreprises assez endettées à la valeur de l’économie d’impôt due à la dette1.

2. LE CALCUL PAR LA METHODE INDIRECTE

Puisque l’on cherche la rentabilité exigée par l’ensemble des pourvoyeurs de fonds de
l’entreprise, il est possible de reconstituer le coût du capital à partir de
l’évaluation des différents titres financiers émis par l’entreprise.

Lié à la valeur des titres, le coût du capital représente le coût que l’entreprise aurait
à payer pour s’approvisionner en capitaux et reconstituer ainsi l’ensemble de son
passif, ceci quels que soient les coûts de ses ressources actuellement utilisées. Il
représente, par là même, l’introduction de la logique du marché financier au sein de
l’entreprise.

Dès lors, il est possible de reconstituer le coût du capital d’une entreprise en


cherchant quel taux de rentabilité est exigé pour chaque type de titres financiers et en
pondérant chaque taux par sa part relative en valeur dans le financement de
l’entreprise. On retrouve la formule du coût moyen pondéré du capital :

𝐕𝐂𝐏 𝐕𝐃
𝐤 = 𝐤𝐂 × + × (𝟏 −𝐈𝐒) ×
𝐏 𝐕𝐂𝐏 + 𝐤𝐃 𝐕𝐂𝐏 +
𝐕𝐃 𝐕𝐃
1 Voir Chapitre 27.

© Copyright FIRST FINANCE INSTITUTE - Tous droits réservés 5


C’est le mode de calcul du coût du capital le plus fréquemment utilisé.

3. LES PIEGES DU CALCUL DU COUT DU CAPITAL PAR LA METHODE


INDIRECTE

a) Taux de rentabilité exigé ou taux de rentabilité obtenu ?

Le coût du capital est une notion financière qui exprime à un moment donné le taux de
rentabilité exigé par les investisseurs ; ce n’est donc pas une notion comptable. Il ne
faut donc pas le confondre avec la rentabilité de l’actif économique qui mesure la
rentabilité obtenue.

N’étant pas un concept comptable, le calcul du coût du capital repose


non sur des données comptables, mais sur des données de marché.

Le coût des capitaux propres est le taux de rentabilité exigé actuellement par
l’actionnaire tel que mesuré par le MEDAF2 :

𝐤𝐂𝐏 = 𝐫𝐅 + 𝛃 × (𝐫𝐌 −
𝐫𝐅)

Le coût de l’endettement est le taux auquel l’entreprise pourrait refinancer sa dette


existante compte tenu de sa situation économique. Il ne saurait être inférieur au taux
sans risque.

b) Montants comptables ou valeurs de marché des capitaux propres et


de l’endettement ?

Un actionnaire demande son taux de rentabilité non sur un montant comptable et


historique des capitaux propres, mais sur la valeur de ces capitaux propres à laquelle il
peut les acheter ou à laquelle il peut les vendre. Le raisonnement est le même pour le
créancier.

Le choix de la pondération s’effectue en valeur de marché et non en


valeur comptable.

Ceci est cohérent avec le choix du taux de rentabilité exigé et non du taux de
rentabilité comptable.

2 Voir Chapitre 16.

© Copyright FIRST FINANCE INSTITUTE - Tous droits réservés 6


SECTION 3 : QUELQUES APPLICATIONS PRATIQUES

1. EN MATIERE DE CHOIX D’INVESTISSEMENT

Il faut éviter de confondre coût du capital de l’entreprise et coût du capital d’un projet.
Si le projet présente un niveau de risque similaire à celui de l’actif économique actuel
de l’entreprise, le coût du capital de l’entreprise sera utilisé à bon droit comme le taux
de rentabilité à exiger du projet puisque le risque est le même.

Si le risque du projet est différent du risque de l’actif économique de l’entreprise


parce qu’elle se diversifie géographiquement ou sectoriellement à cette occasion, le
coût du capital de l’entreprise ne pourra pas servir de taux de rentabilité à exiger du
projet. Le coût du capital à prendre dans ce cas est celui d’une entreprise présente dans
l’activité et la zone géographique du projet.

Enfin, en aucun cas, le coût du capital d’un projet ne peut être le coût de
la source de financement qui le finance.

Si le financement se fait par endettement, le taux de rentabilité à exiger est


certainement plus élevé que le coût de l’endettement puisque les capitaux propres, qui
servent à garantir les prêteurs, doivent être rémunérés.

Si le financement se fait par capitaux propres, le taux de rentabilité à exiger est


certainement plus bas que le coût des capitaux propres puisque le renforcement des
capitaux propres réduit le risque des prêteurs.

Toute liaison directe entre le coût d’une source de financement et la


rentabilité à exiger d’un investissement ainsi financé est à bannir.

2. LE CAS DE L’ENTREPRISE DIVERSIFIEE

L’entreprise diversifiée a un coût du capital global qui peut être calculé comme pour
l’entreprise monoactivité. Ce coût du capital global ne doit cependant pas être appliqué
à toutes les divisions si celles-ci n’ont pas le même risque. Une réflexion par division
doit alors être menée. Chaque division a son propre coût du capital en fonction de son
risque.

Comme nous l’avons vu au Chapitre 17, le coût du capital n’est pas réduit par la
diversification car le seul risque pris en compte par l’investisseur est le risque
systématique. Le risque spécifique qui peut être éliminé par la diversification n’a pas
d’influence sur le taux de rentabilité exigé.

7
© Copyright FIRST FINANCE INSTITUTE - Tous droits réservés
3. LE CAS DE L’ENTREPRISE MULTINATIONALE

Le même raisonnement vaut pour l’entreprise implantée dans plusieurs pays qui doit,
dans chaque pays ou dans chaque zone géographique, utiliser un coût du capital
différent.

Ainsi, une entreprise britannique qui investit en Russie ne doit pas utiliser un taux
d’actualisation calculé en se fondant sur des données anglaises sous prétexte que ses
pourvoyeurs de fonds sont anglais.

En effet, les flux du projet sont affectés par le risque systématique russe (inflation,
fiscalité, taux de change…), et non le risque systématique anglais. Il faut donc prendre
un taux sans risque russe, retenir le β de l’actif économique auquel on applique une
prime de risque russe, tenir compte du coût de la dette russe et en aucun cas des
paramètres anglais. Cette approche permet d’éviter l’erreur fréquente d’actualiser des
flux libellés dans une devise donnée en utilisant un taux d’actualisation exprimé dans
une autre devise.

Une entreprise française, américaine ou chinoise a le même coût du capital que


notre entreprise anglaise pour cet investissement russe puisque celui-ci dépend
uniquement des caractéristiques russes de ce projet et non de celles de la France, des
États-Unis ou de la Chine.

8
© Copyright FIRST FINANCE INSTITUTE - Tous droits réservés

Vous aimerez peut-être aussi