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É T UDE S GÉ NÉ RA L E S


CRÉATION DE VALEUR ACTIONNARIALE
ET COMMUNICATION FINANCIÈRE

Les deux dernières décennies ont vu s’opérer une modification radicale du


paradigme managérial. L’approche qui tend à se généraliser, connue sous le
nom de création de valeur actionnariale, consacre la place de l’actionnaire dans
les préoccupations stratégiques de l’entreprise, favorise de nombreuses opé-
rations en capital, suscite l’apparition de nouveaux critères d’évaluation des per-
formances et change le contenu de la communication financière. Elle ne pouvait,
dès lors, rester sans impact sur la régulation financière.

I – LE CONTEXTE

1. Les évolutions macro-économiques amènent à accorder


une plus grande attention au coût des ressources financières.

Dans les années 80, le creusement des déficits publics dans les grandes éco-
nomies occidentales, associé au processus de désinflation, a contribué à la mon-
tée des taux d’intérêt réels élevés à des niveaux très supérieurs à la rentabilité
du capital physique. Il en a résulté une forte concurrence entre emprunteurs
publics et privés ainsi que, pour ces derniers, une hausse du coût d’oppor-
tunité de l’investissement liée à la meilleure rémunération des placements finan-
ciers alternatifs.

Dans les années 90, d’autres investissements en actions sont venus élever les
normes de rentabilité. Il s’agit des titres cotés sur les marchés émergents et des
valeurs technologiques qui ont offert des rendements supérieurs à ceux des actions
traditionnelles.

2. L’organisation nouvelle des métiers financiers consacre


la diversification des risques et l’activisme des représentants
des actionnaires

Traditionnellement, le capital des entreprises françaises cotées était composé


d’actionnaires individuels stables mais atomisés et au comportement peu actif
ainsi que d’institutionnels français et de participations croisées avec d’autres
sociétés.

Deux éléments sont venus modifier ce schéma :

● Les produits d’épargne collective (mutual funds, fonds de pension, OPCVM)


ont connu depuis 20 ans, et dans tous les pays, un essor jamais démenti. La
France est aujourd’hui à la première place en Europe et à la seconde dans le
monde derrière les Etats-Unis, pour la taille de sa gestion collective, même
si, en fonction des évolutions des taux d’intérêt, les OPCVM y sont plus sou-
vent composés de titres de créances à court ou long terme que de titres en
capital.

43 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


● Les non-résidents ont vu leur poids s’accroître considérablement dans la
période récente. Une étude menée par la Commission des Opérations de
Bourse 1 relevait qu’au 31 décembre 1997 37 % de la capitalisation des entre-
prises du CAC40 était détenu par des non résidents, dont 32 % par des grands
gestionnaires de fonds internationaux. Depuis, ce pourcentage a augmenté,
dépassant 50 % pour certaines entreprises. L’action de ces gestionnaires se
caractérise par une recherche systématique de la valorisation actionnariale,
ainsi que par un comportement actif, en particulier lors des Assemblées
Générales d’actionnaires, afin de faire prévaloir auprès des dirigeants les
intérêts des actionnaires.

En France, comme à l’étranger, les métiers de la gestion collective s’appuient


de façon systématique sur les théories financières du portefeuille et arbitrent
entre les différents actifs en fonction de leurs rentabilités et de leurs risques.
Les méthodes employées permettent de diversifier les placements en maximi-
sant leurs performances pour un niveau donné de risque. Les promoteurs de la
création de valeur, et c’est là un élément central de leur approche, considèrent
que la diversification du risque ne relève plus des stratégies d’entreprise mais
des métiers de la gestion d’actifs. L’existence de marchés profonds et liquides
permet de la réaliser de façon plus optimale qu’au sein de conglomérats multi-
activités. Les réallocations y sont plus rapides et moins coûteuses qu’entre les
actifs immobilisés des groupes industriels. Les entreprises, aux yeux des ges-
tionnaires, ne doivent plus diversifier le risque, mais l’assumer.

3. Les entreprises industrielles tirent elles aussi les conséquences


stratégiques d’une certaine déception à l’égard du modèle congloméral.

La réalisation de cash-f lows importants couvrant largement les besoins d’amor-


tissement du capital, de provisions pour risques et d’investissements nouveaux
(Free Cash Flows) a entraîné dans le passé des emplois non optimaux : inves-
tissements à la rentabilité inférieure à celle du marché ou du secteur, diversi-
fications inutiles, voire dépenses de prestige. Cette diversification a même pu
être théorisée par des approches matricielles de la gestion des entreprises van-
tant les mérites d’un portefeuille d’activités disparates, à des stades différents
de maturité.

L’intensification de la concurrence sur le marché des biens et services est venu


appuyer les exigences des épargnants sur les marchés financiers pour inciter
les entreprises à maîtriser leurs coûts unitaires et à concentrer leurs moyens
sur quelques métiers afin d’y acquérir une position dominante. Cette démarche
concerne aussi bien les actifs réels que les participations financières. Ainsi, on
assiste en France, depuis la publication en 1995 du rapport Viénot sur le
Gouvernement des Entreprises –rapport dont les recommandations ont été
approuvées par la COB- à un processus continu de débouclage des participa-
tions croisées. Cette action discrète mais patiente a contribué à recentrer les
actifs de nos entreprises vers les plus stratégiques et les plus rentables.

1 Bulletin mensuel de mars 1998.

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II – LES PRINCIPES DE LA CRÉATION DE VALEUR

1. L’entreprise a pour objectif de maximiser le patrimoine de ses


propriétaires, c’est-à-dire la valeur des actions.

Le modèle qui sous-tend la création de valeur relève d’une approche contrac-


tualiste et patrimoniale de l’entreprise. Elle appartient à ses actionnaires qui
choisissent les dirigeants et leurs délèguent le pouvoir de gérer leur capital. Les
rapports avec les salariés, les sous-traitants et les consommateurs relèvent de
liens contractuels, plus ou moins stables, par lesquels chaque partenaire est sus-
ceptible de trouver un avantage, mais qui restent subsidiaires par rapport à
l’objectif de création de valeur actionnariale.

Ce modèle, à un certain niveau de généralité, ne diffère pas de la théorie micro-


économique standard. Il semble se généraliser dans la pratique, en dehors de
tout débat sur ses présupposés philosophiques.

Certes, on peut trouver dans les systèmes comparés de droit des sociétés des
conceptions différentes, faisant de l’entreprise une communauté organique qui
doit faire prévaloir, à égalité avec ceux de ses propriétaires, d’autres intérêts
prioritaires. Elles tendent à s’effacer devant l’approche dominante en raison de
leurs moindres performances, comme en attestent les évolutions des économies
japonaise et d’Europe continentale dans les années 90.

2. Pour créer de la valeur, il faut reconnaître que le capital a un coût.

Les fonds propres ne sont pas une ressource gratuite. Parce que les actions
constituent un actif risqué, leurs détenteurs demandent un taux de rendement
élevé. Si le capital n’est pas correctement rémunéré, il se réallouera vers d’autres
secteurs susceptibles de lui fournir un rendement plus élevé.

Le coût des fonds propres ne se limite dès lors pas pour l’entreprise au paie-
ment des dividendes (point de vue traditionnel qui prévaut dans les modèles
d’évaluation des actions basés sur l’actualisation des dividendes). Il est le coût
d’opportunité d’un placement alternatif et de même niveau de risque. Sa mesu-
re est équivalente au rendement total (dividendes et plus-values en capital) des
titres en capital du secteur et/ou du marché.

3. Si une entreprise n’a pas d’emplois dont le rendement soit supérieur au


coût des ressources (fonds propres et dettes), il ne faut pas qu’elle
cherche à investir ou à se diversifier de façon non optimale. Elle doit
utiliser le cash-flow disponible en remboursant l’actionnaire, sous forme
de dividendes exceptionnels ou de rachat d’actions.

Ces principes visent ainsi à fournir ex ante un critère d’évaluation de l’opportu-


nité des investissements et ex post une mesure de la performance financière.

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III – CONSÉQUENCES DE LA MISE EN ŒUVRE
DE LA VALEUR ACTIONNARIALE

1. Lorsque les stratégies de recentrage sur les métiers de base ne sont pas
mises en œuvre par les dirigeants, les investisseurs les imposent. Les
marchés financiers exercent sur les émetteurs une discipline afin qu’ils créent de
la valeur et concentrent leurs activités.

Les performances relatives des groupes diversifiés entraînent une déception des
investisseurs et attirent les acquéreurs potentiels. Les offres publiques, souvent
hostiles, sur des conglomérats ou entreprises multimétiers se font alors à des
conditions intéressantes pour l’acquéreur et permettent la génération de plus
values par revente des activités non essentielles. La crainte des OPA constitue
une incitation à la mise en œuvre d’une stratégie centrée sur la création de valeur
actionnariale.

2. La création de valeur s’opère par une gestion économe des fonds propres

La recherche de la rentabilité cesse d’être quasi-exclusivement centrée sur la


génération de marges par la compression des coûts et la maximisation des
ventes. S’y ajoutent, parce que les fonds propres constituent la ressource la plus
onéreuse, une politique de minimisation des actifs fixes (externalisation, débou-
clage des participations croisées, recours au crédit-bail) ou circulants (stocks-
zéro, créances-zéro) ainsi que ce que l’on peut appeler “ une gestion active du
dénominateur ” du ratio de rentabilité.

Afin de minimiser et ajuster en permanence leur capital, les entreprises font des
plans de rachat qu’elles mettent en œuvre “ au fil de l’eau ” en fonction non
seulement du comportement de leur titre mais aussi des nécessités d’une gran-
de f lexibilité dans l’ajustement du niveau des fonds propres.

On voit également réapparaître, mais c’est surtout le cas aux Etats-Unis, un cer-
tain recours au levier d’endettement. A la différence cependant de ce que l’on
pouvait observer dans les années 70 où l’effet de levier était obtenu par une
croissance positive mais différenciée des éléments du passif, il s’agit aujourd’hui
d’une contraction des fonds propres associée à une moindre diminution de la
dette.

3. Le développement du gouvernement d’entreprise

La volonté de promouvoir la création de valeur actionnariale s’affirme en paral-


lèle avec celle d’avoir un Gouvernement d’entreprise transparent et efficient.
Les préoccupations sont en effet convergentes. Dans les deux cas il s’agit de
faire en sorte que le jeu des pouvoirs au sein des organismes délibérants et exé-
cutifs des entreprises favorise d’abord ceux qui en sont les propriétaires : les
actionnaires. Les dirigeants ne sauraient poursuivre d’autres objectifs que la recherche
des intérêts des actionnaires (prestige, diversifications non rentables, stratégie
d’enracinement, instruments anti-OPA, dissociation entre droits de vote et déten-
tion d’actions, opérations dilutives…).

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Pour cela, les actionnaires doivent être informés complètement et en temps oppor-
tun, confortés dans leurs pouvoirs (en particulier ceux de participer effectivement
aux décisions et de déléguer à des administrateurs ayant les moyens d’exercer
pleinement leur mission). Des structures de contrôle effectif des dirigeants doi-
vent être mises en œuvre. C’est ainsi que l’on voit les actionnaires, leurs ges-
tionnaires ou leurs représentants revendiquer un rôle de surveillance et parfois
de proposition au moyen de l’exercice du vote lors des assemblées générales.

Au total, l’importance accordée à la création de valeur dans la définition des


stratégies d’entreprises ainsi que dans l’évaluation de leurs performances
consacre la place de l’actionnaire dans les systèmes économiques et sociaux contem-
porains. La technostructure, dont Galbraith célébrait encore au début des années
60 dans “ Le nouvel état industriel ” le rôle central, entretient, de ce fait, avec
les détenteurs du capital des relations plus équilibrées.

4. Un changement dans les modalités de rémunération des dirigeants


et des salariés.

La sensibilisation des dirigeants et des salariés aux impératifs de la création de


valeur entraîne le dépassement des formes traditionnelles de la relation salariale.
La distribution de stock-options, les plans d’épargne, l’actionnariat direct des
salariés dans leur entreprise ou l’épargne retraite constituent à la fois des inci-
tations à la création de valeur et des modalités de réduction d’antagonismes tra-
ditionnels entre les apporteurs de facteurs de production.

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IV – UNE MÉTHODE D’ÉVALUATION DES ENTREPRISES

Toutes les méthodes d’évaluation des entreprises partent d’une même consta-
tation incontournable : les actifs économiques de la firme sont évalués en valeur
comptable et non pas en valeur de marché. Même lorsque la valeur comptable
retient le coût de remplacement et non pas le coût historique, une différence
demeure. Cette différence est précisément la création de valeur.

Valeur de marché (VM) = valeur de remplacement des actifs (VR) + valeur créée
(CV).

avec valeur de remplacement = valeur comptable nette.

La raison en est simple et tient à la nature même du phénomène entrepreneu-


rial : les mêmes actifs scindés et recomposés différemment, mis en œuvre par
d’autres équipes ne disposant pas du même savoir-faire et proposant des stra-
tégies alternatives, ne généreront pas une dynamique concurrentielle et des flux
de revenus identiques. Le marché en tient compte en leur affectant une surva-
leur dans l’évaluation qu’il fait de la firme.

Ce constat permet d’ordonner les modèles d’évaluation des entreprises autour


de deux grandes familles.

1. Les modèles qui calculent la valeur de marché pour en déduire la création


de valeur.
2. Les modèles qui calculent la création de valeur pour en déduire la valeur de
marché.

Les méthodes d’estimation de la valeur actionnariale appartiennent à chacune


de ces deux catégories (celle des Free Cash Flows peut être rangée dans la pre-
mière ; l’approche Economic Value Added/Market Value Added-EVA/MVA – dans
la seconde).

A – DE LA VALEUR DE MARCHÉ
(NORMATIVE OU CONSTATÉE)
À LA CRÉATION DE VALEUR 1. L’établissement d’un lien entre les dividendes (ou les bénéfices)
et le cours des actions

Une méthode connue est celle de Gordon-Shapiro donnant le cours de l’action


Pt en fonction du dividende attendu au cours de la période ultérieure Dt+1 , du
taux de croissance des dividendes g et d’un taux d’actualisation R.

L’actualisation sur une période illimitée conduit à :

D t+1
Pt =
R-g
On peut perfectionner cette approche en partant des bénéfices futurs et en fai-
sant des hypothèses sur leur taux de distribution aux actionnaires sous forme
de dividendes. On peut également utiliser des ratios plus frustes (valeur de
rendement, PER, délai de recouvrement).

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2. La confrontation directe de la valeur de marché et de la valeur comptable
fournit une indication de la création de la valeur anticipée par le marché.

Tel est le cas du ratio de Q de James Tobin.

Valeur de marché de l’entreprise


Q =
Valeur de remplacement de ses actifs

Le dénominateur est le plus souvent mesuré à partir de la valeur comptable.

Lorsque Q>1, il y a création de valeur puisque les revenus futurs anticipés ont
une valeur actualisée supérieure à celle de transaction des actifs, telle qu’elle
peut être approchée par leur valeur comptable.

Un autre ratio consiste à rapporter la capitalisation de marché non plus à l’ac-


tif immobilisé mais à la valeur comptable des capitaux propres.

Capitalisation de marché
C’est le “ Market to Book Ratio ” =
Capitaux propres

3. Le modèle des “ Free Cash Flows ” constitue une des méthodes modernes
les plus employées de détermination normative de la valeur actionnariale.

Cette approche relève de la famille des modèles qui déterminent directement


la valeur de marché des entreprises et en déduisent la création de valeur par
solde avec le coût de remplacement des actifs.

Elle partage avec l’approche EVA/MVA deux caractéristiques fortes :

- elle s’appuie sur un très grand scepticisme à l’égard des soldes de gestion tra-
ditionnellement utilisés pour valoriser les entreprises. C’est, en particulier,
le cas du bénéfice net : il relèverait d’un arbitraire comptable, variable selon
les législations nationales et rendant difficiles les comparaisons. Ses liens
avec le cours de bourse apparaissent au demeurant tenus. C’est enfin un
mauvais indicateur de gestion dont la croissance n’est pas synonyme de ren-
tabilité. Le vrai critère est celui du cash f low qui mesure le f lux de liquidi-
tés généré par l’entreprise. Le concept pertinent est celui du “ cash flow disponible ”
c’est-à-dire le cash flow total après impôts et charges financières et investissements
à la disposition des apporteurs de ressources financières : créanciers (pour
remboursement de la dette) et actionnaires 2.

RÉSULTAT D’EXPLOITATION NET DE L’IMPÔT CORRIGÉ3

+ DOTATION AUX AMORTISSEMENTS ET PROVISIONS

- BESOINS EN FONDS DE ROULEMENT

- INVESTISSEMENTS DE LA PÉRIODE

= FREE CASH FLOW (OU FLUX DE TRÉSORERIE DISPONIBLE)

2 Ce n’est pas le cash f low brut ou marge brute d’autofinancement.

3 Le Résultat Brut d’Exploitation net de l’impact corrigé est souvent cité sous le vocable de
NOPAT (Net Operating Profit After Tax). Par impôt corrigé, on entend celui que paierait l’entre-
prise si elle ne déduisait pas les charges d’intérêt.

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- la deuxième caractéristique que la méthode des “ Free Cash Flows ” (FCF)
partage avec l’approche EVA/MVA concerne le concept utilisé pour l’actua-
lisation des FCF futurs. A la différence des approches traditionnelles, il ne
s’agit pas du coût actuariel de la dette mais du coût moyen pondéré du capi-
tal, c’est-à-dire de l’ensemble des ressources : endettement et fonds propres 4.

A partir de là, la valeur de l’entreprise est déterminée par :


η
V = ∑ FCFt + valeur terminale
t=1 (1 + k) t

FCFi : Free Cash Flow disponible en l’année i

k : coût moyen pondéré du capital


FCFn
La valeur terminale VT est égale à
k-g

g : taux de croissance à l’infini du cash f low libre.

En réalité, la méthode consiste en une actualisation à l’infini des cash flows libres
pour laquelle a été retenue une période d’estimation séquentielle sur laquelle
on a une certaine visibilité ; au-delà, les capacités d’anticipations des analystes
apparaissent limitées à des raisonnements basés sur des régularités. Sur les pre-
mières années, en revanche, il est permis de prendre en compte des cash f lows
libres irréguliers, voire négatifs certaines années en raison d’investissements
d’exploitation exceptionnels et importants dont les effets seront pris en comp-
te pour les périodes suivantes ou dans la valeur terminale.

On peut d’ores et déjà repérer quatre séries d’éléments de f lexibilité qui méri-
teraient d’être précisés lorsque l’on présente les résultats de cette méthode :

- Comment est déterminé le FCF ? Quels investissements récurrents en particu-


lier sont pris en compte ? Retient-on un FCF d’exploitation (Flux de trésorerie
issus de l’actif après renouvellement de ce dernier) à répartir entre tous les bailleurs
de fonds (créanciers et actionnaires) ou un FCF net distribuable aux seuls action-
naires après que les premiers aient été servis. Le premier s’actualise au coût moyen
pondéré des ressources ; le second au coût des fonds propres.
- Quels retraitements a-t-on opéré sur les capitaux investis ?
- Comment calcule-t-on le coût moyen pondéré du capital ?
- Quel est l’horizon de prévisions explicites retenu ? Quel est l’impact du
choix de l’année terminale sur le résultat ?

B – DE LA CRÉATION
DE VALEUR
À LA VALEUR DE MARCHÉ 1. Le modèle type est celui du Goodwill des experts-comptables.

Valeur de Marché des Actions = Valeur Patrimoniale (Actif Net) + Goodwill

Il s’agit d’apprécier directement la survaleur (goodwill) pour l’additionner à l’ac-


tif net et en déduire une valeur de marché.

Ce sera aussi la démarche de Stern Stewart : Economic Value Added/Market


Value Added [EVA/MVA].

4 Son mode de calcul sera détaillé avec l’étude du modèle EVA/MVA.

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Au demeurant, MVA et Goodwill sont calculés par des méthodes différentes
mais représentent exactement la même entité financière.

Valeur de Marché des Actifs = Actif économique + MVA (= Σ EVA actualisées)

2. La méthode EVA/MVA, un des modes de calculs les plus fréquents de la


valeur actionnariale

Une entreprise crée de la valeur lorsque le résultat opérationnel de l’exercice


est supérieur au coût des capitaux engagés. L’actualisation des créations ou des-
tructions de valeurs au cours des exercices successifs permet de passer de la
valeur comptable des capitaux engagés à leur valeur de marché.

On détermine dans un premier temps le f lux économique (libre d’impôts) de


l’exercice auquel on retranche le montant nécessaire à la rémunération des
capitaux.

EVA = RE Net d’impôts – (CE x CMPC)

EVA : Economic Value Added ou flux de liquidités libres de toute affectation pou-
vant potentiellement être distribuées

CE : Capitaux Engagés (capitaux propres + primes d’émissions en valeur


brute cumulées + provisions et quasi fonds propres + dettes financières nettes
des créances de trésorerie).

RE : Résultat d’exploitation

CMPC : Coût Moyen Pondéré des Capitaux

La séquence des f lux futurs de EVA permet de déterminer, dans un deuxième


temps, la Market Value Added (MVA) en les actualisant au coût moyen pondé-
ré du capital.
η
MVA = ∑ EVA
t=1 (1 + CMPC) t

Quatre questions apparaissent :

- quel est le solde économique pertinent qu’il convient de comparer au coût


des capitaux ?

- Comment calcule-t-on le coût moyen pondéré du capital ? Et – mais c’est une


partie de la même question – quels éléments retient-on parmi les capitaux enga-
gés (CE) ?

- A quelles conditions y a-t-il création de valeur ?

- Quels liens existe-t-il entre l’EVA/MVA et les autres méthodes d’estimation


de la valeur pour l’actionnaire ?

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a) Le solde pertinent est le résultat opérationnel après impôts (NOPAT : Net
Operating Profit After Taxes)

Le résultat d’exploitation est corrigé de l’impact ajusté c’est-à-dire celui que paie-
rait l’entreprise si elle n’opérait pas de déduction de ses charges financières.
Cela permettra de considérer cette déduction comme un facteur minorant du
coût des ressources financières.

Le résultat est également net d’amortissements sur les équipements, lesquels


sont considérés comme un coût qu’il faut gérer (à la différence d’autres mesures
parfois utilisées pour le résultat d’exploitation).

NOPAT* =Résultat d’exploitation hors impôt et charges financières**-Impôts


théoriques

* on trouve aussi REMIC (Résultat d’Exploitation Minoré de l’Impôt Corrigé).


** On trouve dans les états anglo-saxons EBIT (Earnings Before Interest and Taxes).

Le passage du NOPAT à l’EVA se fait en soustrayant la charge de capital. Le rési-


du est donc bien l’excédent (ou l’insuffisance) des profits par rapport aux coûts
(y compris le taux minimum de rendement des fonds propres).

Chiffre d’affaires
- Coûts de fonctionnement
- Coûts des capitaux
} NOPAT

= EVA

b) Le coût moyen pondéré du capital

C’est une moyenne des coûts des capitaux engagés dans l’exploitation de l’en-
treprise :

- capitaux propres,
- dettes financières nettes.

● Le coût des fonds propres et des titres hybrides, apport central du modèle,
constitue à la fois l’élément qui a le plus d’impact sur les résultats mais aussi
celui dont la mise en œuvre laisse le plus de liberté aux analystes.

Le rendement des fonds propres, ou leur coût d’opportunité pour l’entreprise, est
celui que le marché attend sur la moyenne période de ce type de produit et qu’il
faut compléter par la rémunération du risque spécifique du titre considéré.

Prime de risque
Taux sans risque X moyenne de marché X β du titre
des actions

Rémunération attendue des actions

. Le taux sans risque retenu est en général le taux de rendement des emprunts d’Etat
à long terme. On notera que, pour ce dernier, le benchmark est en Europe conti-
nentale 10 ans, aux Etats-Unis 30 ans. Il y a là un premier facteur de variabilité.

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. La prime de risque est celle constatée historiquement : différence de rende-
ment entre les actions et les emprunts d’Etat. Toutefois, cette prime peut dif-
férer selon que l’on retient une période d’observation de 10, 20 ans ou 50 ans
entre 4 % et 8 %.

. Le β du titre est le coefficient, estimé selon une régression statistique, qui expri-
me la sensibilité du titre aux conditions générales du marché des actions.
Lorsqu’il est égal à 1, le titre se comporte comme le marché. Au-dessus de 1 il
amplifie (à la hausse comme à la baisse) les évolutions globales. Sous l’unité,
c’est une valeur qui sous-réagit aux mouvements de la conjoncture boursière
(ex : les valeurs dites “ défensives ” des gérants).

La difficulté provient de l’instabilité du coefficient β :

- pour une période d’observation inchangée, le β varie dans le temps,


- on trouve des titres dont la sensibilité aux conditions du marché est asymé-
trique à la hausse ou à la baisse,
- la période d’observation (20 jours, 1 an, 2 ans) peut avoir un impact sensible
sur le résultat.

Au coût des fonds propres classiques, il faut également ajouter celui de ceux
qui résultent d’une incorporation de réserves, d’une émission d’actions gra-
tuites ou de titres prioritaires. Leur mode de calcul, bien que relativement stan-
dardisé en analyse financière, est différent (prise en compte du niveau du cours
constaté, des frais spécifiques ou part fixe des dividendes distribuables).

● Le coût de la dette financière diffère selon qu’il s’agit d’emprunts cotés sur
le marché (rendement observable) ou bancaire. Dans ce dernier cas, il convient
d’ajouter une prime (fonction du rating lorsqu’il existe) aux conditions ban-
caires standards.

● Le coût du crédit bail relève lui d’une autre approche actuarielle avec prise
en compte de la perte d’économie fiscale liée à l’amortissement.

Enfin, tous ces éléments doivent être pondérés pour obtenir un coût moyen du
capital. Les coefficients de pondération peuvent varier : on retient soit la struc-
ture observée des ressources, soit une structure cible en fin de période ou
encore une pondération normative (par exemple celle du secteur).

c) Il y a création de valeur lorsque le NOPAT est supérieur au coût moyen


pondéré du capital.

EVA = NOPAT – CMPC x CE

CE = Capitaux engagés

ou, dit autrement, lorsque le Rendement des Capitaux Engagés (ROCE) est supé-
rieur au coût moyen des ressources :

NOPAT
EVA (%) = - CMPC
CE
ROCE

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Les EVA étant calculées sur une base annuelle, la valeur ajoutée de marché
(MVA) sera leur actualisation au taux moyen pondéré du capital.

MVA = ∑ EVA + VT n
t=1 (1 + CMCP) t

VT n : Valeur Terminale des actifs en l’année n.

Création

MVA

VM
Valeur
comptable

Destruction

MVA
Valeur
comptable
VM

Pour qu’il y ait création de valeur, il faut que la rentabilité des capitaux enga-
gés NOPAT soit supérieure à leur coût. Dans le cas contraire, même s’il y a
CE
croissance du résultat d’exploitation, l’entreprise détruit de la valeur. Ce n’est
pas la croissance en soi qui est source de richesse mais la capacité à dégager
un résultat opérationnel supérieur au coût de tous les capitaux engagés.

d) La méthode EVA/MVA et celle de Free Cash Flows, les deux approches


standards de la valeur actionnariale, sont convergentes.

On a en effet :

FCF t = NOPAT + A t - I t

A t : Amortissement

I t : Investissement Brut en actifs immobilisés et BFR

I t - A t = CE t – CE t-1

Variations des
capitaux engagés

FCF t = NOPAT – (CE t – CE t-1 )

Or,

EVA t = (ROCE – CMPC) CE t-1

avec ROCE = NOPAT


CEt-1

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EVA t = NOPAT t – (CMPC x CE t-1 )
Dès lors :

EVA t = FCF t + (CE t – CE t-1 ) – CMPC x CE t-1

L’EVA est égale au Free Cash Flow auquel on ajoute la variation nette des capi-
taux investis et retranche leur rémunération.

Exprimé en sens inverse :

FCF t = EVA t + (1+CMPC) CE t-1 - CE t

L’actualisation des Free Cash Flows donne la valeur de la firme.


EVA1 + (1 + CMPC) CE0 - CE1
VM =
1 + CMPC

EVA2 + (1 + CMPC) CE1 - CE2 EVAn + (1 + CMPC) CEn-1 - CEn


+ + ...... +
(1 + CMPC)2 (1 + CMPC)n

Ce qui donne :
∞ EVA t
VM = CE0 + ∑
0 t=1 (1 + CMCP) t

La valeur de marché des entreprises peut être définie indifféremment à partir


de l’actualisation des Free Cash Flows ou à partir des EVA actualisés (MVA) aux-
quels on ajoute le capital initial.

Les deux méthodes fournissent des critères opérationnels de gestion et de suivi


des performances construits sur une analyse des conditions d’exploitation de
l’entreprise année après année. Elles s’appuient l’une comme l’autre sur le
même critère de sélection et d’évaluation des projets qui prend en compte tous
les investissements faits dans l’entreprise, y compris ceux financés par dette,
tel que le Cash Flow Return on Investments.
NOPAT + Dépréciation + ajustement divers
CFROI =
Actifs bruts

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V - UN EXEMPLE DE SENSIBILITÉ DES RÉSULTATS
AUX HYPOTHÈSES ET MÉTHODES RETENUES

Dans son rapport annuel, la société ACCOR annonce les résultats suivants :

1996 1997 1998

Création de valeur durant


l’exercice(millions d’euros) 28 141 214

Rentabilité des capitaux


employés (ROCE) 9,00 % 10,20 % 11,20 %

Coût moyen des capitaux


employés retenu (CMPC) 6,68 % 6,39 % 6,26 %

Un tel niveau de détails figure parmi les plus approfondis observés dans des com-
munications financières d’entreprises françaises. Accor peut, à cet égard, être
considérée comme à la pointe de l’information en matière de création de valeur
pour ses actionnaires. On a cherché à tester sur l’année 1998 la sensibilité de
ces données à des hypothèses non précisées.

Les calculs rudimentaires qui vont suivre ont été effectués à partir des seuls chiffres
du rapport annuel ou d’indicateurs globaux de marché (taux d’intérêt, prime
de risque, indices d’actions). Leur objectif n’est nullement de vérifier l’adéquation
des données publiées à la réalité économique de l’entreprise. On verra d’ailleurs,
que si tel en était l’objet, il conviendrait de conclure à une parfaite sincérité et
à l’excellente significativité de l’information publiée.

L’objectif est de tester le modèle EVA/MVA à partir de données réelles afin d’en
identifier les paramètres les plus sensibles. Les conclusions permettront d’éta-
blir les éléments que tous les émetteurs souhaitant fournir une information sur
la valeur actionnariale au niveau de celle d’Accor, auraient intérêt à préciser à
l’intention des utilisateurs de données (analystes financiers, gestionnaires,
actionnaires, journalistes ou intermédiaires).

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 56


Les comptes de la société sont les suivants :

COMPTES DE RÉSULTAT CONSOLIDÉS

En millions d’euros 1998

Chiffre d’affaires 5 554

Autres produits opérationnels 69

CHIFFRE D’AFFAIRES OPERATIONNEL 5 623

Charges d’exploitation (4 272)

RESULTAT BRUT D’EXPLOITATION 1 351

Loyers (402)

EXCEDENT BRUT D’EXPLOITATION 949

Amortissements et Provisions (307)

RESULTAT OPERATIONNEL/ RE 642

Résultat Financier (158)

Quote-part dans le résultat des Mises En Equivalence 12

RESULTAT GLOBAL DES OPERATIONS 496

Résultat sur Patrimoine Hôtelier (15)

RESULTAT COURANT 481

Résultat de la Gestion des Autres Actifs 21

Amortissement des écarts d’acquisition (60)

Impôts (153)

Résultat Exceptionnel (Net d’impôt) 37

Intérêts minoritaires (29)

RESULTAT NET PART DU GROUPE 297

57 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


BILAN

ACTIF (au 31 décembre) 1998 PASSIF (avant affectation, au 1998


en millions d’euros 31 décembre) en millions d’euros

IMMOBILISATIONS INCORPORELLES 457 Capital 551

ECARTS D’ACQUISITION 1 247 Primes 1 560

IMMOBILISATIONS CORPORELLES 3 458 Réserves 516

Prêts long terme 243 Différence de conversion (50)

Titres mis en équivalence 152 Résultat de l’exercice 297

Autres immobilisations financières 333 CAPITAUX PROPRES 2 874

TOTAL IMMOBILISATIONS FINANCIERES 728 Intérêts minoritaires 175

TOTAL ACTIFS IMMOBILISES 5 890 CAPITAUX PROPRES


& INTERETS MINORITAIRES 3 049

Stocks 114 Provisions pour risques & charges 519

Clients 1 070 TSDI reconditionné 402

Autres tiers 499 Obligations convertibles en actions Accor 307

Fonds réservés Titres de Services 205 Autres dettes à long terme 1 176

Créances financières sur reprises Endettement en crédit bail 205


de véhicules 415

Créances sur cessions d’actifs TOTAL DETTES FINANCIERES


à court terme 22 A LONG TERME 1 688

Prêts à court terme 58 TOTAL CAPITAUX PERMANENTS 5 658

Titres de placement 491 Fournisseurs 705

Disponibilités 445 Autres tiers 790

TOTAL ACTIF CIRCULANT 3 319 Titres de service à rembourser 1 030

Charges constatées d’avance 167 Dettes financières à court terme 867

Charges à répartir 48 Banques 308

TOTAL COMPTES DE REGULARISATION TOTAL DETTES A COURT TERME 3 700


ACTIF 215

Comptes de régularisation passif 66

TOTAL ACTIF 9 424 TOTAL PASSIF 9 424

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 58


On les retraite ainsi :

Compte de résultat année 1998 Profit économique de l’année 1998

Chiffres d’affaires 5 623 Chiffres d’affaires 5 623

Coût (charges d’exploitation + loyer) (4 674) Coût (sans les coûts d’amortissement) (4674)

Résultat d’exploitation 949 Résultat d’exploitation 949

Frais financiers (158) Impôt théorique 41.7% 395,733

Amortissement et provision (307) NOPAT 553,267

Résultat courant 484

Impôt sur les sociétés (153)

Résultat net 331

En millions d’euros

ACTIF ÉCONOMIQUE CAPITAUX ENGAGÉS

Immobilisations incorporelles 457 Capitaux propres+ intérêt minoritaire 3 049

Ecart d’acquistion 1 247 Dettes financières à long terme 1 483

Immobilisations corporelles 3 458 Dette financière à court terme 867

Immobilisation financière 728 Dettes bancaires 308

Actif circulatnt 3 319

Régularisation actif 215

Solde BFR -3717

Total 5 707 Total 5 707

% des Fonds propres 53,43%

% des dettes 46,57%

59 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


La structure de la dette est donc :

Type de dette Taux retenu Structure de la dette

Dette long terme financière Taux sans risque + PR émetteur 55,79%

Dettes bancaires TBB+ PR émetteur 32,62%

Dettes court terme T4M+ PR émetteur 11,59%

avec PR : Prime émetteur


TBB : Taux de Base Bancaire
T4M : Taux du Marché Monétaire

Le coût de la dette sera obtenu en affectant à chacun de ces taux l’effet de l’im-
pôt sur les sociétés(Id).

Coût réel de la dette : Id x (1-T)


T : Taux d’impôt effectivement supporté par l’entreprise. Ici 41,7 %, taux fran-
çais normatif retraité d’éléments atypiques (le taux retenu par Accor est en réa-
lité un peu différent car prenant en compte le caractère international de ses activités).

Pour le coût des fonds propres, on a calculé un β que l’on a appliqué au taux
sans risque augmenté de la prime de risque des actions.

Avec de la structure des ressources observée on obtient un CMPC. On rappel-


le que la société a indiqué 6,26 % pour 1998.
Les hypothèses et conventions que l’on a fait varier sont les suivantes :

● Taux Sans Risque :

On pend alternativement celui des emprunts d’Etat suivants :


➢ 20 ans français
➢ 10 ans français
➢ 10 ans américain

● Prime Emetteur :
➢ 0,5 %
➢ 0,75 %
➢ 1,00 %
➢ 1,25 %

● Le β a été calculé :
➢ sur 1 an
➢ sur 1 an avec moyenne glissante de 20 jours
➢ sur 20 jours en fin d’année précédente

● Sur les benchmarks :


➢ CAC 40
➢ EuroStoxx

● La prime de risque normative des actions varie de 1 point de 3 % à 6 %.

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 60


Le tableau suivant présente les résultats en fixant la prime émetteur à 0,5 %.

Prime émetteur = 0,5 %

CAC 40 EuroStoxx

b 1 an b Moyenne sur 1 an glissant b 20 jours en fin d’année b 1 an b Moyenne sur 1 an glissant b 20 jours en fin d’année

Taux sans risque b valeur 1,084 0,940 0,793 1,041 0,920 0,846
20 ans français

PR du marché 3 % 6,19% 5,96% 5,24% 6,12% 5,93% 5,81%

PR du marché 4 % 6,77% 6,46% 5,50% 6,68% 6,42% 6,26%

PR du marché 5 % 7,35% 6,96% 5,76% 7,23% 6,91% 6,71%

PR du marché 6 % 7,93% 7,47% 6,03% 7,79% 7,40% 7,16%

Taux sans risque b valeur


10 ans français

PR du marché 3 % 5,73% 5,50% 4,78% 5,67% 5,47% 5,35%

PR du marché 4 % 6,31% 6,00% 5,05% 6,22% 5,96% 5,80%

PR du marché 5 % 6,89% 6,51% 5,31% 6,78% 6,45% 6,26%

PR du marché 6 % 7,47% 7,01% 5,57% 7,33% 6,94% 6,71%

Taux sans risque b valeur


10 ans américain

PR du marché 3 % 6,15% 5,92% 5,20% 6,09% 5,89% 5,77%

PR du marché 4 % 6,73% 6,42% 5,47% 6,64% 6,38% 6,22%

PR du marché 5 % 7,31% 6,93% 5,73% 7,20% 6,87% 6,68%

PR du marché 6 % 7,89% 7,43% 5,99% 7,75% 7,36% 7,13%

On observe que le coût moyen pondéré du capital varie de 4,78 % à 7,98 %.

Les deux principaux facteurs de variabilité sont du côté du calcul des fonds propres :

- mode de calcul du β,
- prime de risque normative des actions retenue.

Il s’agit là de deux hypothèses centrales, en fait le principal apport conceptuel


du modèle. Il importe donc que les présentations de résultats soient, sur ces
points, les plus explicites possibles.

61 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


Ces constatations ne sauraient en aucune façon constituer une critique des calculs
de la société Accor. Au contraire, on notera que le résultat de l’émetteur (6,26 %)
se situe au centre de notre fourchette. Nos hypothèses appartiennent au spectre
de celles que l’on peut raisonnablement retenir et celles de Accor doivent être consi-
dérées comme tout à fait réalistes. D’une manière générale, on retiendra que, étant
donné leur impact sur les résultats, une diffusion de chiffres de création de valeur
gagne à être accompagnée de précisions sur les normes et méthodes mises en œuvre.

Ceci apparaît très clairement lorsque l’on calcule l’EVA :

En prenant :
(EBE =942 *(1-T IS=41,7%)
EVA = (EBE =942 *(1-T IS=41,7%) - CMPC*(capitaux engagés =5707) = - CMPC
(capitaux engagés =5707)
NOPAT = 553
nous obtenons en millions d’euros.

ECONOMIC VALUE ADDED - 1998

Benchmark = Cac 40 Benchmark = EuroStoxx

b1 b2 b3 b1 b2 b3

Taux sans risque PR du marché 3 % 200,00 213,13 254,22 204,00 214,84 221,69
20 ans français

PR du marché 4 % 166,90 184,59 239,38 172,04 186,88 196,01

PR du marché 5 % 133,80 156,06 224,54 140,65 158,91 170,33

PR du marché 6 % 100,70 126,95 209,13 108,69 130,95 144,65

Taux sans risque PR du marché 3 % 226,26 239,38 280,47 229,68 241,09 247,94
10 ans français

PR du marché 4 % 193,16 210,84 265,06 198,29 213,13 222,26

PR du marché 5 % 160,05 181,74 250,23 166,33 185,17 196,01

PR du marché 6 % 126,95 153,21 235,39 134,94 157,20 170,33

Taux sans risque PR du marché 3 % 202,29 215,41 256,50 205,71 217,12 223,97
10 ans américain

PR du marché 4 % 169,19 186,88 241,09 174,32 189,16 198,29

PR du marché 5 % 136,09 157,77 226,26 142,36 161,20 172,04

PR du marché 6 % 102,98 129,24 211,42 110,97 133,23 146,36

Avec PR : Prime de risque des actions


β1 : b 1 an
β2 : b Moyenne sur 1 an glissant
β3 : b 20 jours en fin d’année

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 62


Le tableau ci-dessous nous donne les écarts entre nos propres calculs d’EVA et
l’EVA de 214 millions annoncée par Accor.

Benchmark = Cac 40 Benchmark = EuroStoxx

b1 b2 b3 b1 b2 b3

Taux sans risque PR du marché 3 % -14,00 -0,87 40,22 -10,00 0,84 7,69
20 ans français

PR du marché 4 % -47,10 -29,41 25,38 -41,96 -27,12 -17,99

PR du marché 5 % -80,20 -57,94 10,54 -73,35 -55,09 -43,67

PR du marché 6 % -113,30 -87,05 -4,87 -105,31 -83,05 -69,35

Taux sans risque PR du marché 3 % 12,26 25,38 66,47 15,68 27,09 33,94
10 ans français

PR du marché 4 % -20,84 -3,15 51,06 -15,71 -0,87 8,26

PR du marché 5 % -53,95 -32,26 36,23 -47,67 -28,83 -17,99

PR du marché 6 % -87,05 -60,79 21,39 -79,06 -56,80 -43,67

Taux sans risque PR du marché 3 % -11,71 1,41 42,50 -8,29 3,12 9,97
10 ans américain

PR du marché 4 % -44,81 -27,12 27,09 -39,68 -24,84 -15,77

PR du marché 5 % -77,91 -56,23 12,26 -71,64 -52,80 -41,96

PR du marché 6 % -111,02 -84,76 -2,58 -103,03 -80,77 -67,64

Avec PR : Prime de risque des actions


β1 : b 1 an
β2 : b Moyenne sur 1 an glissant
β3 : b 20 jours en fin d’année

Là encore, on retrouve les résultats de l’émetteur, mais au centre d’une four-


chette très large.

D’autres hypothèses relatives à la prime émetteur ne conduisent pas, si l’on s’en


tient au spectre des probables (on a testé 0,75 % et 1 %), à des résultats sensible-
ment différents

Les facteurs de variabilité sont amplifiés lorsque l’on calcule la MVA.


∞ EVA
MVA = ∑
t=1 (1 + CMPC)t
Les écarts sur le coût moyen pondéré du capital, selon les hypothèses qui sous-tendent
son calcul, se répercutent sur le facteur d’actualisation et pendant un laps de temps non
fini. Les différences sur le résultat final peuvent devenir considérables ; d’où l’impor-
tance d’une présentation détaillée du mode d’obtention du coût du capital retenu.

63 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


VI – ETUDE DE LA COMMUNICATION SUR LA CRÉATION
DE VALEUR ACTIONNARIALE DANS LES RAPPORTS ANNUELS
DES ENTREPRISES DU CAC 40

A – LA RÉFÉRENCE AU CONCEPT
DE CRÉATION DE VALEUR
ET/OU DE VALEUR
ACTIONNARIALE TEND
À SE GÉNÉRALISER Sur 40 entreprises, 21 abordent le thème de la création de valeur. Il convient
d’y ajouter deux autres qui, bien que ne faisant pas explicitement référence à
ce concept, utilisent deux notions liées (rentabilité des capitaux investis et
rentabilité des capitaux employés). A l’inverse, parmi les 21 précitées, cer-
taines utilisent le terme général de “ valeur ” sans préciser si elle concerne l’ac-
tionnariat ou d’autres partenaires de l’entreprise et sans le relier à un modèle
précis de valorisation.

1. La place dans les rapports annuels

C’est le message du Président qui est le plus souvent l’occasion d’un “ coup de
chapeau ” à la création de valeur.

Message du Président 14

Données boursières 3

Partie activités 4

Partie comptes/rapport de gestion 3

Partie stratégie ou évolutions récentes et perspectives d’avenir 8

Partie Ressources humaines 4

Partie “création de valeur” 4

Sur les 21 sociétés qui abordent dans leur communication d’information le


terme “création de valeur”, sept d’entre elles ne le font qu’une seule fois et majo-
ritairement dans la partie message du Président comme le montre le tableau ci-
dessous. On remarquera que le groupe AXA justifie le choix d’un indicateur de
valeur, ce qui est très rarement le cas (cf. partie B), et qu’il met l’accent sur le
fait qu’il réfléchit à l’adoption d’un nouvel indicateur adapté aux métiers de l’as-
surance.

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 64


Aérospatiale Partie comptes/ “Pilotage de la rentabilité du capital investis : accroître
rapport de gestion la rentabilité du capital investi grâce à la maîtrise des coûts
et à la réduction des capitaux employés”

Alstom Message du “Désormais cotés en Bourse et dotés d’une plus grande


Président f lexibilité stratégique, nous confirmons notre ambition
d’apporter plus de valeur à nos actionnaires, en nous employant
à répondre au mieux aux besoins de nos clients. Après des
débuts décevants, la remontée du cours de l’action indique
que les marchés commencent déjà à mieux comprendre nos
points forts.”

BNP Message du “ D’emblée créateur de valeur, le groupe SBP constitue la


Président meilleure réponse de l’industrie bancaire française aux
opérations similaires réalisées ou à venir chez nos voisins de
la zone euro. Cette opération est celle que le marché attend. ”

Bouygues Partie activités “TF1, est un groupe de communication diversifié, grâce à


une stratégie axée sur la création de valeur”

Dexia Message “La création de valeur pour l’actionnaire” La création de valeur


du Président pour l’actionnaire est une priorité pour le groupe qui mène
une politique dynamique de distribution de dividende.

Total Fina Message Les actionnaires bénéficieront-ils de la création de Total Fina?


du Président “Cette opération sera créatrice de valeur pour nos actionnaires.
Elle permet de mobiliser d’importantes synergies à partir
de 2000, qui se traduiront par une augmentation récurrente
du résultat opérationnel de plus de 2 milliards de francs en 2001
(300 millions d’euros) et plus de 3 milliards
(460 millions d’euros) en 2002. ”

AXA Partie comptes/ Création de valeur pour l’actionnaire


rapport de gestion “Les résultats obtenus par la Société depuis plusieurs années
attestent de son souci de création de valeur pour
ses actionnaires.” “Mais la comptabilité traditionnelle
ne rend pas parfaitement compte de la création de valeur,
en particulier dans les sociétés d’assurances vie. La Société
étudie donc actuellement des indicateurs qui devraient
permettre de mieux mesurer et quantifier la création de valeur
pour ses actionnaires ; ceux-ci devraient être disponibles
dès l’année prochaine.”

Le message du Président, présent dans la quasi-totalité des rapports annuels, trai-


te en général des faits marquants et des performances de l’exercice, de la stra-
tégie et des perspectives du groupe. La création de valeur y est abordée en
termes généraux, parfois accompagnés d’une indication chiffrée :

● (Accor) : “Pour la deuxième année consécutive, la rentabilité des capitaux


employés a augmenté d’un point et dépassé 11 %, créant de la valeur de
façon très significative pour nos actionnaires”.

65 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


● (CCF) : “Ainsi nous pourrons répondre de mieux en mieux à notre objectif
central, qui résume tous les autres : créer de la valeur pour l’actionnaire en
augmentant le bénéfice par action”.

● (Vivendi) : “Une saine gestion des risques et la recherche permanente de


création de valeur”.

● (Danone) : 1996 et 1997 ont été deux années de réf lexions, d’analyses et
de concrétisation de la nouvelle stratégie du Groupe Danone : Recentrage sur
trois activités mondiales, réorganisation des structures, redynamisation des
grandes marques du Groupe, développement de l’international, amélioration de
la rentabilité, création de valeur pour l’actionnaire. …. “Créer de la valeur
actionnariale. Le Groupe a mobilisé l’ensemble de ses managers et aménagé
ses indicateurs de gestion en vue d’accroître régulièrement la création de valeur
actionnariale par l’amélioration de la rentabilité des capitaux qui lui sont confiés
par ses actionnaires.”

● (Suez- Lyonnaise des Eaux) : “Concilier croissance et rentabilité pour créer


davantage de valeur, avec un engagement clair : doubler en 2002 le bénéfice net cou-
rant par action”. “La priorité reste la rentabilité et la création de valeur.
L’objectif de doublement du bénéfice net courant par action à 8,54 euros (56 francs)
en 2002 est confirmé”. Suez-Lyonnaise des Eaux a annoncé lors de la présentation
de ses comptes pour 1999 que cet objectif sera sensiblement dépassé.

● (Lafarge) :. “L’ensemble de ces réalisations constitue pour nous une nou-


velle étape dans un développement du Groupe créateur de valeur pour ses
actionnaires…..”. “Dans chacune de nos nouvelles acquisitions, nous condui-
sons des programmes d’intégration et de modernisation afin d’améliorer la pro-
ductivité et les performances et d’obtenir le retour sur investissement et la
création de valeur escomptés.”

● (LVMH) : “Nous avons commencé à mettre en œuvre une série de change-


ments fondamentaux prévus par notre stratégie à trois ans pour augmenter la
valeur créée pour nos actionnaires. “

Quatre entreprises (Lagardère, Suez-lyonnaise des eaux, Vivendi et Air Liquide)


sur les 21 groupes qui abordent la valeur actionnariale ont créé une rubrique
spécifiquement dédiée à la création de valeur.

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 66


Le contenu de la partie spécifique

Vivendi Titre Création de valeur


● La démarche de la création de valeur
- le choix des investissements
- pas de dilution inutile
- l’optimisation de la structure financière
- la politique d’information financière
- plan d’épargne groupe et intéressement
● Le Gouvernement d’entreprise

Suez Lyonnaise Titre : La création de Valeur


des Eaux Cette partie est consacrée à un long développement
descriptif sur la démarche de création de valeur
du groupe ainsi que les indicateurs utilisés
pour la mesurer.

En résumé : “La création de valeur figure, avec le


recentrage, la croissance et le développement, parmi
les priorités de Suez Lyonnaise des Eaux depuis sa
création. Elle fait partie de la culture du Groupe et est
aujourd’hui un état d’esprit partagé par toutes les
filiales. Elle guide les choix stratégiques du Directoire
et oriente les efforts des collaborateurs du Groupe.”

Lagardère Titre : Création de valeur pour l’actionnaire


Ce groupe présente sous cette rubrique spécifique
deux mesures de la création de valeur : une mesure
interne et une autre externe de la valeur.

Air Liquide Titre : Créer de la valeur pour nos actionnaires


- Une croissance soutenue et régulière dans la durée
(description + graphique sur l’évolution du résultat
net consolidé)
- Air Liquide crée de la valeur (un graphique illustrant
la différence entre le ROE et le rendement de l’OAT)
- Une page entière consacrée à l’information des actionnaires

2. Le contenu des développements consacrés à la création de valeur est


extrêmement variable.

Si certaines entreprises utilisent le terme général de “ valeur ”, positivement


connoté, sans autres explications, la plupart, toutefois, l’associent à différents
leviers financiers ou stratégiques mis en œuvre pour la créer.

67 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


Les leviers associés à la création de valeur En % En nombre
de sociétés
qui abordent
le thème
Les leviers financiers
Résultat par action/performance boursière/
confiance des investisseurs 33% 7
Rentabilité des fonds propres (ROE) 24% 5
Coût du capital 5% 1
Rentabilité des capitaux investis/capitaux employés 24% 5
Rachat d’action ou attribution gratuite d’action/
éviter les dilutions 14% 3
Croissance régulière et durable des dividendes 24% 5
La politique d’information des actionnaires 19% 4
Actionnaire au cœur de la stratégie du groupe/fait
partie de la culture du groupe/nouvelle organisation
du groupe en créant des synergies. 38% 8
La création de valeur fait partie des valeurs du groupe 29% 6
Leviers stratégiques et opérationnels
Créer de la valeur pour nos clients/
répondre aux besoins de notre client 24% 5
Opérations financières (fusions et acquisitions) 10% 2
Croissance régulière et durable du groupe 24% 5
Politique de sélection de l’investissement 24% 5
Maîtrise des coûts 29% 6
La création de valeur comme guide de la stratégie 29% 6
Gouvernement d’entreprise 14% 3
Formation des ressources humaines et système
de motivation financière (stock options) 24% 5
Fiche pédagogique sur la création de valeur 5% 1

● La création de valeur et l’actionnaire sont au centre de la stratégie


du groupe.

- Pour le groupe Air liquide, “L’actionnaire est au cœur de la stratégie d’Air


Liquide. Le Groupe s’engage à valoriser l’épargne de ses actionnaires par
une croissance soutenue et régulière des résultats et des dividendes dans la
durée”.

- Pour le groupe Suez-Lyonnaise des Eaux : “ L’année 1998 s’est caractéri-


sée par la poursuite de la mise en œuvre de la stratégie autour de 3 axes : la
croissance, le recentrage et la création de valeur. ”

- Pour le groupe Danone : “La stratégie du Groupe Danone repose sur trois
lignes directrices : le recentrage sur ses trois métiers mondiaux où il détient
déjà des positions de leader (produits laitiers frais, boissons et biscuits),
internationalisation et le développement de la rentabilité donc de la valeur
créée pour l’actionnaire.”

- Pour les Groupes LVMH et Schneider, la création de valeur est au centre de


leur programme 2000 :

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 68


* (LVMH) : “Nous avons commencé à mettre en œuvre une série de chan-
gements fondamentaux prévus par notre stratégie à trois ans pour augmenter
la valeur créée pour nos actionnaires. Le programme LVMH 2000 a pour objec-
tif de consolider nos positions de leader sur le marché du luxe, d’amélio-
rer les marges opérationnelles et de mieux contrôler les coûts tout en
stimulant la créativité, la qualité, l’innovation, parallèlement au renforce-
ment de notre dynamique commerciale.”

* (Schneider) : “La croissance compétitive: Lancé au début 1996, le plan


de progrès Schneider 2000, s’est fixé 7 objectifs principaux : créer de la
valeur pour nos clients, nos collaborateurs et nos actionnaires, être plus
efficaces, plus mondiaux et plus rapides pour atteindre l’objectif ultime,
celui de la croissance compétitive”.

● Certains groupes comme Suez-Lyonnaise des Eaux et Vivendi placent la


création de valeurs parmi les principales “ valeurs ” du groupe.

Les six valeurs du groupe Suez-Lyonnaise des Eaux :

1. Professionnalisme,
2. Partenariat,
3. Esprit d’équipe,
4. Création de valeur,
5. Respect de l’environnement,
6. Ethique.

69 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


Les 7 valeurs chez Vivendi :

● Certains groupes qui prétendent axer leur stratégie sur la création de


valeur font un effort pour communiquer effectivement sur les moyens
mis en œuvre pour la réaliser

- On retiendra, à titre d’exemple, le groupe Lafarge qui dans la partie “orga-


nisation du groupe” développe sa démarche : “Pour créer la valeur qu’at-
tendent de lui ses clients, ses actionnaires et ses salariés, le Groupe Lafarge
poursuit une stratégie de leadership international et de croissance rentable
de chacune de ses activités. Pour accompagner cette dynamique de croissance,

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 70


Lafarge met en place une organisation reposant sur la décentralisation dans
chacun de ses métiers”.

- Le groupe Vivendi présente ses grands principes dès les premières pages du rap-
port annuel et les développe dans plusieurs chapitres. Dans le message du Président,
dans le chapitre “métier du groupe “dans la communication, Vivendi concentre son
développement sur deux activités en forte croissance pour les décennies pro-
chaines, créatrices de valeur, puis développe sa démarche dans sa partie “l’action
et la bourse” et surtout dans le chapitre consacré à la création de valeur.

“La création de valeur pour l’actionnaire est indissociable de la stratégie de


Vivendi. Elle résulte de la mise en œuvre de principes qui s’appliquent au
Groupe et à l’ensemble des métiers :

. Le choix rigoureux des investissements, fondé sur une analyse approfon-


die des risques engagés et de la rentabilité attendue. Le Comité exécutif débat
de tous les projets supérieurs à 50 millions d’euros ;
. Le partage de la croissance : si le potentiel d’un projet peut justifier une dilu-
tion ponctuelle et limitée, le choix du Groupe est d’éviter toute dilution inutile
pour l’actionnaire afin de le faire pleinement bénéficier de la croissance ;
. L’optimisation de la structure du bilan : le ratio de couverture des frais finan-
ciers par l’excédent brut d’exploitation s’établit à 9, au-delà des ratios habituels
du secteur des services de l’environnement et des télécommunications.”

● Pour d’autres groupes comme Rhône Poulenc, Vivendi ou Suez-


Lyonnaise des Eaux, la création de valeur est également associée à la
politique salariale du groupe

- Pour Rhône Poulenc : “ Rhône-Poulenc souhaite associer étroitement les


salariés du monde entier à la vie et aux résultats du Groupe. Il a poursuivi
en 1998 sa politique visant à favoriser l’actionnariat des salariés. Ces derniers
détiennent 3,3 % du capital à la fin 1998, compte tenu des actions souscrites
lors de la privatisation, du plan d’intéressement et des augmentations de
capital réalisées depuis la privatisation. ”

- Pour Vivendi : “ La démarche de la création de valeur repose également sur


la motivation des salariés et du management ”.

- Pour Suez-Lyonnaise des Eaux : “ Une formation de pointe pour une


recherche constante de qualité et de création de valeur ”.
B – L’USAGE D’INDICATEURS
DE LA CRÉATION DE VALEUR
DANS LES RAPPORTS ANNUELS
EST MINORITAIRE, SOUVENT
IMPRÉCIS ET SE CARACTÉRISE
PAR UNE GRANDE DIVERSITÉ En l’absence d’un cadre normatif harmonisé, les indicateurs utilisés et la ter-
minologie employée se caractérisent par une très grande diversité.

La majorité des sociétés du CAC 40 appréhendent la création de valeur à partir


de mesures dites “externes”. Ces dernières n’utilisent que des données de mar-
ché et ref lètent finalement plus la création de richesse financière que la valeur
économique. C’est le cas de la performance du titre (version minimaliste) ou
la rentabilité totale de l’actionnaire (Le TSR, Total shareholder Return ). Très
peu utilisent des mesures dites “internes de la valeur” basées sur des données
comptables et financières (type EVA/MVA ou FCF actualisés).

71 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


1. La communication sur la création de valeur reste très focalisée sur la
performance du titre ou les indicateurs externes de la valeur

Le rendement du titre, qui tient compte du gain en capital et du dividende


perçu, est la mesure externe la plus simple de la valeur créée pour l’actionnaire.

Seulement 67 % des sociétés donnent la performance du titre sur l’année, sou-


vent comparée à celle du CAC 40. Parmi ces 27 groupes, une dizaine présente,
dans leur communication avec les actionnaires et parallèlement au développe-
ment sur la création de valeur, des indicateurs de rendement des titres.

On citera deux exemples :

● Le groupe CCF communique quant à lui sur la performance du titre pour 100 FF
investis en avril 1987 dans l’action.

● L’Oréal présente, dans un chapitre pédagogique “renseignements pratiques”,


le rendement sur 5 ans d’un investissement de 100 000 actions l’Oréal :
PLACEMENT SUR 5 ANS
EN ACTIONS L’OREAL
(EN FRANCS)(EN EUROS)
Achat de 91 actions le 31 décembre 1994 : 99 099
15 108
Réinvestissement des dividendes
Valorisation au 31 décembre 1999 : 553 818
(106 titres à 5 224,7 F/ 796,5 euros) 84 429

Capital investi multiplié par 5,6


Taux de rendement (actuariel) : 40,4 % par an

● Enfin, de nombreux groupes donnent le rendement global annuel du titre.

Certains communiquent le PER, et quatre sociétés informent sur leur notation.

2. Rares sont les groupes qui ont une approche opérationnelle de la


création de valeur, appréhendée par des mesures internes

Les indicateurs de création de valeur liés à ce concept et utilisés dans la plu-


part des modèles de valeur actionnariale comme l’EVA ou le CFROI sont extrê-
mement minoritaires dans les rapports annuels.

Lorsqu’on les trouve, ils diffèrent sensiblement les uns des autres.

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 72


a) Des tentatives positives mais encore loin des standards internationaux

Parmi les entreprises du CAC 40, six seulement (Danone, Suez, Accor, Lagardère,
Peugeot et Air liquide) ont une présentation de la création de valeur qui se dif-
férencie des approches purement descriptives du rendement du titre. Même dans
ces cas, la communication sur la création de valeur reste souvent éloignée des
standards académiques et des pratiques internationales en vigueur.

Les définitions, les modalités de calculs et les indicateurs utilisés sont rarement
publiés ou le sont de manière lacunaire voire simplificatrice. La référence à la
méthodologie employée (EVA,CFROI ou autres) fait assez largement défaut. On
notera pour l’anecdote qu’un groupe, en reprenant le classement EVA/MVA du
journal de l’Expansion, fait référence à ce modèle, en s’abstenant d’explications
rigoureuses sur la définition des concepts employés.

b) Des approches et des pratiques de la création de valeur différenciées

On trouvera dans le tableau ci-dessous, pour ces six sociétés qui donnent une
information basée sur une mesure interne de la valeur, une synthèse de leur com-
munication dans le rapport annuel.

73 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


Suez-Lyonnaise Accor Danone Peugeot Lagardère Air liquide
Partie du Chapitre Chapitre ● Chapitre Partie Partie Chapitre
rapport annuel “Création “rapport “Stratégie” “comptes “création de “Créer de la
de la valeur” de gestion” ● Chapitre consolidés” valeur pour valeur
“activités et l’actionnaire” pour nos
résultat” actionnaires”
Définition de la
création de valeur X X
NOPAT
- Montant X X
- Définition X X
- Méthode de
retraitement
- Autres
Rentabilités des
capitaux employés
-% X X X X X
- définition X X X
Ratios
d’endettement
Montant des
capitaux employés
- Montant X X
- Définition X
Taux d’impôt
normatif utilisé X
Coût moyen
pondéré du capital
-% X X
- Définition
- Emploi du
concept X X
Coût des fonds
propres
1. %
2. Bêta
3. Taux Sans
Risque
4. Autres Le “ TRI actionnaire
cible ” tient compte
du coût des ressources
affectées par le Groupe
au projet et des primes
requises afin de
rémunérer le risque
pays, le risque
additionnel lié au levier
d’endettement envisagé
ainsi que les garanties
éventuelles demandées
au Groupe.

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 74


Suez-Lyonnaise Accor Danone Peugeot Lagardère Air liquide
Coût de la dette
-%
- Prime de risque
émetteur
Approche globale
(groupe) X X X X X X
Approche par
branche d’activité X X X
Montant de la
valeur créée X X X
Commentaires ● Les niveaux de ● Le taux de

rentabilité atteints rentabilité des


aujourd’hui par les capitaux
différents métiers employés est
centraux, entre 9 % et l’indicateur
11 %, permettent au global de
Groupe d’afficher une mesure
rentabilité moyenne de d’efficacité
10 % et supérieure au économique
coût moyen pondéré de retenu par le
capitaux. groupe

● Dans le cadre de sa ● L’objectif de

politique de croissance PSA Peugeot


externe accélérée, Suez Citroën est
Lyonnaise des Eaux est d’atteindre un
confiant dans sa capacité seuil minimum
à créer davantage de de 12,5 % pour
valeur pour ses la rentabilité
actionnaires et se fixe des capitaux
pour objectif à moyen employés
terme de dépasser de en 2001
3 %, le coût moyen de
ses ressources.

Plusieurs constats s’imposent :

● Le choix des indicateurs utilisés n’est jamais évoqué et aucune référence


explicite n’est faite aux modèles théoriques de la création de valeur.

● A un niveau général, on constate l’absence d’un référentiel commun pour


les concepts utilisés.

- Le groupe Suez évoque la rentabilité des capitaux employés, Peugeot la ren-


tabilité des capitaux alors que Danone fait état de la rentabilité des capitaux
investis et que le Groupe Accor utilise la notion de ROCE (Return On Capital
Employed) ;

- Le Groupe Lagardère emploie le terme valeur économique créée. Tous les autres
utilisent l’expression de création de valeur.

● On observe cependant des efforts pour présenter dans certains cas les
modalités de calcul et les définitions des concepts liés à la création de
valeur.

75 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


- Danone donne une définition de la rentabilité des capitaux employés “La
rentabilité des capitaux investis mesurée par le résultat opérationnel
après impôt sur capitaux investis moyens). Par ailleurs, Danone définit le
coût moyen pondéré du capital comme “le coût de la dette + rémunération
du capital attendue par les actionnaires” ;

- Lagardère donne une définition de la valeur économique “La valeur éco-


nomique créée par l’entreprise peut se mesurer par comparaison entre le
résultat des activités hors produits et frais financiers et après impôt sur
les sociétés théorique (EBIT – ou Earnings Before Interest and Taxes après
impôt théorique) et le coût des capitaux employés. Ce groupe présente
également les modalités de calculs de la “valeur économique” de la manière
suivante :
Pour 1998, le calcul est le suivant :
● EBIT après impôt
sur les sociétés théorique : 384 M €
● Les capitaux employés moyens
durant l’exercice s’élevant
à 2 321 ME, le coût du capital,
calculée à 8,50%, représente : 197 M €
● Valeur créée : 186 M €

Si l’on avait calculé l’EBIT après impôt sur les sociétés


réel,( et non après impôt sur les sociétés théorique),
le gain de valeur se serait établi à 222 M €. Texte repris sur site internet

- Accor définit la rentabilité des capitaux engagés en disant “La rentabilité


des capitaux engagés, mesurée par l’excédent brut d’exploitation rappor-
té à la valeur brute des immobilisations, augmentée du besoin en fonds
de roulement, est en hausse” ;

- Air liquide définit la création de valeur de la manière suivante : “Air liqui-


de crée de la valeur : différences entre la rentabilité des fonds propres et
le rendement des obligations de l’Etat français (OAT)” ;

- Peugeot présente à la fois une définition du taux de rentabilité des capitaux


employés ainsi qu’une décomposition précise du montant des capitaux
employés :
Les capitaux employés comprennent :
● les immobilisations nécessaires à l’exploitation :
- immobilisations corporelles et incorporelles ;
- titres de participation dans des filiales opérationnelles non consoli-
dées ;
- titres mis en équivalence : pour Française de Mécanique, Sevelnord
et Sevel S.p.A. (Italie), dont l’activité est significative, les titres ont
été remplacés par la quote-part revenant au groupe de leurs capi-
taux employés ;
- autres valeurs immobilisées diverses, y compris les survaleurs.
Les immobilisations, ainsi définies, ne comprennent pas les partici-
pations à caractère de placement financier, les prêts, les créances et
les titres de détention durable, les créances d’impôts différés et de
carry-back ainsi que les charges à répartir.
● les besoins en fond de roulement :
- stocks ;
- créances clients ;
- (dettes fournisseurs) ;
- solde des autres débiteurs/(créditeurs) à l’exclusion des impôts
différés. Texte repris sur site internet

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 76


Aucun des groupes cités, hormis Peugeot, ne présente les retraitements comp-
tables nécessaires et retenus pour définir les montants de capitaux employés
ou investis.

● La répartition par secteur d’activités est rarement donnée. Seuls les


groupes Accor, Suez et Peugeot déclinent un indicateur de valeur par
activité.

● En dehors de Danone, Lagardère et Accor, aucun groupe ne communique


sur le montant de la valeur créée au cours de l’exercice.

● Enfin, aucune référence n’est faite à l’implication des experts comptables


ou à la certification des commissaires aux comptes quant aux
retraitements et calculs opérés.

77 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


VII – UN EXEMPLE DE COMMUNICATION
SUR LA CRÉATION DE VALEUR ACTIONNARIALE
PAR QUATRE GROUPES INTERNATIONAUX

On donnera ici quatre exemples d’entreprises non françaises qui présentent dans
leur rapport annuel de façon approfondie et détaillée des résultats de création
de valeur actionnariale ainsi que la stratégie associée.

Il s’agit de trois entreprises européennes (Veba, Siemens, RWE) et une entre-


prise américaine (Coca-Cola).

Elles ont été sélectionnées en raison de la qualité de leur communication.


L’analyse de cette dernière ne saurait donc être rapprochée, sauf à créer un biais
dans l’interprétation, de celle, exhaustive, qui a été effectuée avec les sociétés
du CAC40.

Les quatre groupes non seulement abordent le thème de la création de valeur


de manière pédagogique mais aussi en font une présentation intégrée avec les
autres outils de gestion et de pilotage des différentes activités.

A – LE MESSAGE DU PRÉSIDENT La communication sur la création de valeur figure pour l’essentiel dans les pre-
mières pages des rapports annuels. Il constitue le fil conducteur des messages
délivrés par les Présidents à leurs actionnaires.

Deux thèmes génériques retiennent l’attention des présidents :

● La présentation de la création de valeur dans la perspective d’une meilleure


performance du titre pour l’actionnaire et d’une optimisation de la valeur à
long terme :

- RWE :”And I would also like to thank you, the shareholders, for having
placed your trust in RWE. We will continue to pursue our value-oriented
corporate policy to improve the performance of the RWE share.”

- VEBA : “By undergoing sweeping change, we are building a basis for grow-
th and increasing shareholder value.”

- Siemens : “Your Company is working hard to strengthen its long terme


profitability”.

- Coca-Cola : “Our mission is to create value for you, and we will do just that”.

● La mise en perspective de la création de valeur comme un outil de gestion


et de pilotage stratégique. Dans certains cas (Siemens et Coca-Cola), le
Président évoque dès l’introduction du rapport annuel la méthodologie uti-
lisée pour créer de la valeur.

- RWE “In order to increase the value of your company, we will also
continue to optimise the financial structure of the RWE Group further.
The planned repurchasing of prefer-enceshares is a vital part of reaching
this goal; we will submit a corresponding draft resolution to the Annual
General Meeting on November 18, 1999.”

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 78


- Veba : “Activities Clearly Positioned; We set a clear course for growth and
enhancing shareholder value by defining our core businesses.” Puis “
Building on this foundation, we launched a growth strategy that allows
us to continue to create value a sustainable basis. We developed and
finalised” et enfin toujours dans le message du président, Veba présente des
initiatives de gestion par la valeur (value based management), “We plan to
save at least another DM 1.5 billion in costs by the year 2003. Constant
optimisation and focussing of our portfolio are and will remain integral
parts of our value-management system”.

- Siemens : “The exclusive measure for evaluating the performance of our


operating units and making investment and desinvestment decision is Economic
Value Added”.

B - UNE PARTIE SPÉCIFIQUE


DU RAPPORT ANNUEL
EST CONSACRÉE À
LA CRÉATION DE VALEUR Les nécessités d’une présentation claire et explicite de la création de valeur ont
conduit les quatre groupes à y dédier une partie spécifique du rapport annuel.
Cette démarche améliore la qualité de l’information financière consacrée à ce
thème en développant une dimension pédagogique.
Cette partie se trouve dès les premières pages du rapport annuel et plus pré-
cisément en introduction du rapport de gestion.
De par leurs titres souvent très évocateurs, “Calculating EVA perfomance
“(Siemens), “CFROI concept”(Veba) ou “ Value management ratios” (RWE)
ou “Performance tools” (Coca-cola), et par leur importance en termes de
volume (de deux à quatre pages), de telles sections attirent l’attention des lec-
teurs.

On notera la démarche originale du groupe RWE qui en supplément de la par-


tie spécifique a créé en fin de rapport annuel une fiche méthodologique com-
plète et détaillée sur tous les concepts utilisés relatifs à la création de valeur et
intitulée “Value management Ratios –Derivation of Components”.

Trois tendances se dégagent de ces chapitres. On y trouve une justification du


choix de la méthode, une analyse des concepts et calculs effectués, un examen
descriptif, souvent concis et comparatif de l’évolution de la valeur créée au niveau
du groupe et de ses principales activités ainsi que des objectifs pour les années
à venir.

a) Le choix de la méthode

Dès l’introduction, le groupe RWE annonce le montant de la valeur créée “Value


creation climbed to • 1.4 billion”, alors que les groupes Siemens, Veba et
Coca-Cola s’attachent à donner une définition précise et concise de la métho-
de qu’ils utilisent ainsi qu’une justification de ce choix.

79 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


Veba Management System:
The CFROI Concept
“VEBA’s decentralized management philosophy builds on goal-oriented
control and coordination of entrepreneurial activity in all business fields.
To this end, VEBA has been using a uniform planning and con-trolling sys-
tem as a centralized management tool to increase shareholder value since
1993. Our value management subscribes to the following basic principles:
● Clear segmentation of the entire Group into 40 strategic business units,
each with independent entrepreneurial responsibility for earnings, cash
flow and capital employed.
● Incorporation of all business fields into a closed cycle of strategy deve-
lopment and annually rolling medium-term planning with an integra-
ted annual budget and monthly earnings reporting.
● Group-wide uniform assessment of all investments to ensure conformity
with the Group’s approach in terms of strategy, returns, and risk expo-
sure.”

The success of our business fields is monitored periodically using Cash


Flow Return on Investment (CFROI) as the key performance indicator.

Siemens
Economic Value Added (EVA)
“On October 1, 1997, the company introduce a new value-based measure of per-
formance called Economic Value Added, which became the obligatory perfor-
mance measure within the entire Siemens organisation on 1, October 1998.”

Coca-cola
“Economic Profit provides a framework by which we measure the value of our
actions.(…) We use value-based management(VBM) as a tool to help improve
our performance in planning and execution. VBM principles assists us in mana-
ging economic profit by clarifying our understanding of what creates value
and what destroy it, encouraging us to manage for increased value. With VBM,
we determine how best to create value in a very area of our business. “

Le groupe RWE se distingue des autres groupes en indiquant en note de bas de


page que le choix de sa méthode ainsi que le concept de “Return On Capital
Employed” (ROCE) est expliqué en détail dans son rapport annuel 1997/98. On
donnera, à titre illustratif, l’extrait suivant :

RWE
Return on capital concept
“Our return on capital concept is a key instrument for planning, controlling
and monitoring the business units in the RWE group. It was first introduced
in 1995. On the basis of the experience we have gained in the meantime, we
elaborated and implemented a new concept in the year under review. It also
serves shareholders and the capital market as a tool for evaluating the com-
pany’s performance”.

b) Une définition précise de la création de valeur est fournie

Après avoir expliqué le choix de la méthode utilisée, certains groupes, avant


même de rentrer dans une description plus technique des concepts employés,
donnent une définition de la création de valeur à la fois en termes conceptuels

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 80


mais également, et c’est une pratique à retenir, de nature plus pédagogique comme
le montrent les extraits ci-dessous.

Définition “conceptuelle” Définition plus “pédagogique”


Siemens : “Fondamentalement l’EVA est défini comme le NOPAT “en accord avec le concept de l’EVA,
(résultat opérationnel après impôt) moins le coût une activité crée de la valeur à la condition
du capital, qui représente le retour minimum sur qu’elle recouvre son coût du capital mais
capitaux employés” de plus remplisse les anticipations des
marchés financiers au regard d’une vision
prospective de la création de valeur”.
RWE “pour créer de la valeur le ROCE doit être
supérieur au coût du capital (c’est-à-dire le
coût de financement des capitaux employés),
autrement, la valeur serait détruite”
Veba “CFROI est calculé comme le ratio EBITDA (Earnings
Before Interest Expenses, Taxes, Depreciation and
Amortization) sur le total des capitaux investis
(gross investment basis).”
Coca-Cola ● “FCF is the cash remaining from operation after we EVA : Growth economic profit from
have satisfied our business reinvestment opportunities” year to year
● Economic profit : income from continuing, after

taxes excluding interest, in excess of the computed


capital charge for average operating capital employed”

c) La création de valeur : une analyse détaillée, chiffrée et commentée

Cette partie du chapitre dédiée à la création de valeur est la plus importante et


la plus instructive puisque, outre les commentaires, on y trouve une analyse détaillée
avec des comparaisons dans le temps et entre les principales activités des
groupes.

Les quatre émetteurs ont adopté le même cadre d’analyse, abordant tous les thèmes
suivants, même si l’ordre et l’importance de leur traitement peuvent varier.

● La création de valeur est déclinée par secteur d’activité ou par types


d’opérations avec un rappel historique et chiffré des principaux
indicateurs retenus pouvant remonter sur plusieurs années.

- A titre d’exemple, le groupe Siemens annonce en raison de la très grande diver-


sité de ses métiers, la méthode et les calculs retenus seront adaptés au pro-
fil de chaque type d’opération et non pas par types d’activités. Pour le Groupe,
l’EVA sera donc la somme des EVA de trois types d’opérations : Eva for ope-
rations + EVA for financing and Real estate + EVA for pension fund. La com-
paraison de ces indicateurs ne remonte que sur une année.

81 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


- Le groupe RWE, fait le choix d’une déclinaison de la valeur créée selon ses
sept secteurs d’activité avec une description détaillée de leur évolution dans
le temps (historique sur deux ans des indicateurs retenus).

La création de valeur et principaux indicateurs diffusés

1. Le groupe VEBA

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 82


2. Le groupe RWE

QWE - Konzern

83 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


● Les discours sur la création de valeur s’inscrivent dans une dimension
prospective et opérationnelle

- De manière générale, ces groupes communiquent des objectifs assignés en termes


de création de valeur. A titre d’exemple, le groupe RWE rappelle une cible à
atteindre pour 2002/2003 pour chacun de ses secteurs d’activités dans un tableau
synthétique. Le groupe Siemens annonce également dans un tableau détaillé ses
objectifs de coût du capital pour l’année 1999.

- D’autre part, les quatre groupes publient et commentent largement leurs travaux
d’identification des leviers de la création de valeur.

* les groupes Siemens, RWE et Veba fournissent une analyse précise et par activité,
sur la manière dont le groupe a créé ou va créer de la valeur.

* le groupe Coca-Cola présente quant à lui une approche globale de la gestion par
la valeur , “We use value-based management (VBM) as a tool to help and
improve our performance in planning and execution.”

● Les quatre groupes publient, mais avec un niveau de détails


variable, les définitions et les modalités de calculs des indicateurs
de création de valeur qu’ils retiennent.

- Les définitions des principaux indicateurs, particulièrement comptables, sont


abordés avec précisions, surtout lorsqu’elles s’écartent des approches standards.

* Pour Siemens, “Capital cost using net operating assets, which consist essentially
of our balance sheets assets less advances received from customers and liabilities
that normally bear no interest”. Par la suite, Siemens qui emploie le terme moins
fréquent de “net operating assets” informe le lecteur sur le fait qu’il est équivalent au
concept de capitaux nets employés (plus couramment utilisé) puis, le groupe évalue
cet indicateur sur la base d’une moyenne de quatre dernières années fiscales.

* Pour le groupe VEBA, “to determinate the total amount of capital invested in
a business field, cumulative write-downs on depreciation fixed assets are
added back to book values in the denominator.” Ce groupe définit le CFROI
comme le rapport entre l’EBITDA et le capital total investi.

* Pour RWE, le concept de rendement sur capitaux est égal au rapport entre le
profit de l’année en cours et la moyenne des actifs (appelée également retour sur
capitaux investis ROIC) ; enfin, pour calculer le ROIC, le résultat est divisé entre
les actifs opérationnels.

- Le groupe Siemens fait une précision d’ordre méthodologique concernant le coût


du capital utilisé pour ses opérations financières en signalant qu’il utilisera, comme
les banques, un modèle de gestion des risques de type RAROC5.

- Les retraitements comptables sont dans la plupart des cas présentés.

* Le groupe Siemens dans son calcul des objectifs d’EVA inclut certaines
transactions financières. Il diffuse également les amortissements et dépréciations
pour l’année fiscale en cours. Enfin, pour se conformer aux pratiques
internationales, il ajuste ses définitions de la dépréciation et des amortissements

5 RAROC : Risk Adjusted Return on Capital.

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 84


en y incluant les dépréciations des actifs financiers à long terme et des titres de
marché non courants ainsi que l’amortissement de leur goodwill.

* Le groupe RWE commente les retraitements de l’actif d’exploitation après avoir


consolidé deux sociétés. Il présente également de manière détaillée les
retraitements qu’il envisage d’effectuer par segments d’activités ainsi que ceux
liés à l’EBIT.

* Le groupe Veba explique que le numérateur et le dénominateur du CFROI seront


déterminés sur des bases brutes, c’est-à-dire avant dépréciation.

● En revanche, si la définition et le montant chiffré du coût moyen


pondéré du capital sont toujours précisés, les modalités et les indi-
cateurs à la base de son calcul sont donnés le plus souvent de
manière approximative.

Le CMPC est largement diffusé et commenté de manière descriptive par les


quatre groupes. On notera que RWE propose un coût du capital par métier. Ce
coût du capital est rapporté au ROCE, afin de déterminer un profit économique
par métier. Siemens, à partir d’un graphique, précise que le coût du capital
n’est pas uniforme par métier.

Cependant, les calculs intermédiaires sont rarement diffusés :

- Le choix du taux d’imposition est précisé seulement chez Siemens qui fait
référence au taux d’imposition standard ;

- Seul le groupe RWE donne une évaluation du bêta par secteur d’activité ;

- Si le ratio de la structure financière est généralement diffusé, aucun groupe


ne diffuse les modalités des calculs intermédiaires relatifs au coût des fonds
propres et au coût des emprunts. Seul le groupe RWE évoque, mais sans
entrer dans le détail, l’impact que les mouvements de taux d’intérêts ont eu
sur le coût du capital.

85 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


CONCLUSION

Il est difficile de porter une appréciation globale sur le phénomène de création


de valeur actionnariale. Il comporte des éléments structurels appelés à perdu-
rer, mais peut-être aussi des effets de mode.

Parmi les causes fondamentales, il y a en premier lieu le vieillissement des popu-


lations, le niveau d’information croissant des épargnants et leur plus grande capa-
cité à prendre des risques financiers. Il est dès lors inéluctable que l’actionnaire
prenne une place grandissante, en termes de rémunération comme de pou-
voirs, dans les systèmes économiques et sociaux contemporains.

Du côté de la gestion des entreprises, la prise en compte du coût global des fonds
propres dans les critères de gestion constitue également une donnée durable.
Il paraît même surprenant que cet impératif, pourtant en ligne avec une théo-
rie micro-économique standard déjà ancienne, ne se soit pas généralisé plus tôt.
Le calcul économique change de nature dès lors que l’on est passé d’un univers
où les fonds propres avaient un coût faible ou aléatoire (les dividendes) à celui
où ils représentent la ressource la plus onéreuse.

D’autres aspects doivent sans doute être relativisés et mis en perspective. On


citera l’alignement quasi-systématique sur certains benchmarks (ROE de 15 %)
dont on peut penser qu’ils seront amenés à évoluer.

Il est aussi permis de s’interroger sur l’engouement pour les stratégies de recen-
trage sur un seul métier. Des groupes multi-activités vont vraisemblablement conti-
nuer à exister. Simplement, la diversification devra se faire avec discernement
et être mesurée, entre autres critères, à l’aune de la création de valeur. Surtout,
lorsqu’il y aura diversification, les bénéfices de cette dernière devront être
expliqués et en permanence justifiés devant les actionnaires. Les critiques faites
au modèle congloméral ne signifient pas que ce dernier va disparaître, mais elles
renforcent les exigences de la communication financière.

La dimension d’information est en effet essentielle. Si certaines critiques faites


à l’approche par la création de valeur actionnariale semblent difficiles à justi-
fier, c’est dans le domaine de la communication financière que les plus grands
progrès restent à accomplir.

A – LES CRITIQUES
PEU FONDÉES DE LA VALEUR
ACTIONNARIALE 1. La création de valeur se ferait aux détriments des autres partenaires
(“ stake holders ”) de l’entreprise (salariés de l’entreprise, demandeurs
d’emplois, sous-traitants, fournisseurs).

En réalité, la recherche de la maximisation de la valeur actionnariale est moins un


choix relatif au partage de la valeur ajoutée entre la rémunération des différents
facteurs de production qu’un principe de management des organisations qui sou-
ligne que la poursuite simultanée et mal hiérarchisée de plusieurs objectifs consti-
tue un moyen assez sûr de n’en atteindre aucun. Dans une économie de marché,
tous les acteurs tirent bénéfice de ce que l’entreprise cherche en priorité à maxi-
miser la valeur actionnariale.

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 86


On notera que ce sont les entreprises qui ont su le mieux se recentrer sur leurs
métiers de base, distribuer aux actionnaires le cash-f low excédentaire en l’ab-
sence de projets à la rentabilité insuffisante (même si elle aurait été positive en
termes absolus), qui ont le mieux contribué à l’accroissement de l’emploi et à
l’amélioration de la situation de leur salariés (souvent d’ailleurs grâce à des
plans de bons de rachat d’actions) 6.

Il en va de même pour les fournisseurs et les sous-traitants : les partenaires per-


formants des entreprises à forte création de valeur actionnariale voient leur acti-
vité se développer dans de meilleures conditions et plus rapidement que ceux
de groupes aux performances plus modestes au regard de ce critère.

Quant aux avantages pour le consommateur des politiques de réduction des coûts
et de recherche d’avantages concurrentiels, ils ne sont plus à démontrer.

En fait, les réticences proviennent du sentiment erroné que si il y a création de


valeur (c’est-à-dire excès du profit opérationnel sur le coût pondéré des capi-
taux) c’est qu’au moins un des facteurs de production (travail, capital ou four-
nisseurs) n’est pas rémunéré à son juste prix. Cette crainte n’est fondée que si
l’on retient une approche statique de la valeur. Or, en l’absence d’actionnariat
salarié, le travail est rémunéré en fonction de sa productivité courante alors que
le rendement du capital dépend de ses performances futures anticipées. Non
seulement les horizons de référence ne sont pas comparables, mais les niveaux
de risque associés à la rémunération des facteurs différent sensiblement. Si l’on
souhaite en rapprocher les termes, il faut développer des formes d’association
des salariés aux performances boursières de l’entreprise : stock-options, épargne
salariale ou épargne retraite, actionnariat salarié, intéressement.

2. Une communication financière bien conçue permet de faire justice de


l’argument “ court-termiste ”.

Le désir des épargnants comme celui de leurs gestionnaires de disposer rapide-


ment et régulièrement d’informations économiques et comptables s’inscrivent
dans un contexte qui les remet au centre des préoccupations des entreprises. Tel
est également le sens de l’action de la COB qui demande aux émetteurs de “ por-
ter le plus tôt possible à la connaissance du public tout fait important susceptible,
s’il était connu, d’avoir une incidence significative sur le cours du titre concer-
né ”. Une information comptable semestrielle et des données trimestrielles sont
requises et il est fortement recommandé d’aller au-delà de ces minima. Une étude
menée par la COB pour les entreprises du secteur bancaire7 montre que celles qui
ont pu le faire, même et surtout en des périodes de difficultés, ont su créer de meilleures
perspectives d’appréciation de leurs titres que les plus réticentes.

Sur ce point, le débat sur le biais “ court termiste ” qui introduirait sur les stra-
tégies d’entreprise une pression à la communication trop fréquente vis-à-vis du
marché paraît dépassé par les faits. Une périodicité rapprochée de publication
des résultats n’a pas, aux vues des expériences européennes et américaines, empê-
ché les entreprises d’investir à long terme dans des programmes de recherche
au terme souvent éloigné. On peut citer, à titre illustratif, mais il y aurait bien
d’autres exemples, le cas des secteurs des biotechnologies ou des communications.

6 Il est par ailleurs absurde de vouloir donner une signification au rapprochement d’un rapport
f lux/stock (taux de rentabilité) avec le taux de croissance d’un f lux (augmentation des salaires).
7 Publication commune COB – Commission Bancaire sur la transparence financière (septembre 1998).

87 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


La clé pour résoudre une éventuelle tension entre investissement stratégique à long
terme des entreprises émettrices et la nécessité d’information à court terme des
actionnaires réside dans la qualité de la politique de communication. C’est par une
explication claire, précise et exhaustive aux épargnants, gestionnaires et analystes
que les émetteurs sont en mesure de faire accepter qu’une fraction des bénéfices
ne soit pas consacrée à des distributions immédiates de dividendes ou à des rachats
mais à l’investissement long c’est à dire à la production de cash-flows futurs et donc
aussi à la valorisation du titre. Des techniques comme celles qui s’appuient sur
l’approche EVA/MVA fournissent le langage et les instruments de cette pédagogie.
Le refuge derrière le long terme ou le secret des affaires ne cache le plus souvent
qu’un vide stratégique, l’absence d’éléments à communiquer et la préférence
douillette pour une gestion opaque.

3. Interrogations macro-économiques

Deux séries de questions ont été soulevées concernant les implications macro-
économiques de la généralisation des stratégies de création de valeur par les
entreprises.

● La première porte sur son impact potentiellement récessif. Elever les


standards de rentabilité des fonds propres et écarter les projets de dévelop-
pement ne les satisfaisant pas conduirait à réduire l’investissement et donc
à limiter la croissance sur le long terme. Ce point de vue semble difficile à
soutenir tant d’un point de vue théorique qu’à l’observation des faits.

Comparer la rentabilité des capitaux engagés à leur coût moyen pondéré ne consti-
tue ni plus ni moins que la généralisation du raisonnement par la Valeur Actuelle
Nette (VAN), le plus souvent appliqué à un seul projet, à l’ensemble de l’acti-
vité de l’entreprise et en prenant en compte toutes ses ressources. Cette tech-
nique connue depuis les premiers temps de la révolution industrielle ne semble
pas avoir été de nature à empêcher de larges périodes d’expansion. Elle peut
avoir un effet sur le montant de l’investissement en période de taux d’intérêt
réels élevés mais c’est en contrepartie d’un effet allocatif positif lié à la sélec-
tion des projets marginaux les plus rentables. Par ailleurs, il n’est pas certain
que l’on puisse comparer les effets d’une norme de rentabilité des fonds propres
à ceux de taux d’intérêt : l’effet de richesse lié à la valorisation du patrimoine
des ménages investi en actions est sans commune mesure avec celui, le plus sou-
vent négatif, dû à des transferts d’intérêts des entreprises non financières vers
des créanciers bancaires, institutionnels ou individuels.

Enfin, si l’on souhaite s’appuyer sur les réalités observables, il faut bien avouer
que la démonstration des conséquences malthusiennes de l’adoption générali-
sée de stratégies de création de valeur par les entreprises nord-américaines
dans les années 90 relève d’un exercice intellectuel difficile. Ce que l’on peut,
en revanche, retenir de ces interrogations c’est le caractère arbitraire et systé-
matique des “ benchmarks ” adoptés pour la rentabilité des fonds propres (ex :
ROE de 15 %). Il faut sans doute les analyser comme des repères pour les gérants
et les investisseurs, de nature à être revus à la hausse ou à la baisse dans des
contextes macro-économiques différents (croissance réelle, niveau des rende-
ments obligataires).

● Une deuxième série d’inquiétudes mérite d’être prise en considération. Elle


concerne les risques de fragilisation des structures financières. La créa-

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 88


tion de valeur réinventerait en quelque sorte, mais en économisant l’en-
semble des ressources, la stratégie financière de l’effet de levier abandonnée
par les entreprises au début des années 90 dans un contexte de désinf lation.
Cette observation paraît recevable. Il faut cependant bien en comprendre les
causes. Elle tient pour une part à une politique monétaire accommodante menée
depuis le début de la décennie aux Etats-Unis. Cette action est bien entendu
réversible avec son impact sur la hiérarchie des rendements et donc les choix
de financement. La prise en compte du coût des fonds propres, plus élevé
que celui de la dette, amène à reconsidérer la structure optimale du passif.
Il ne faut au demeurant pas exclure que l’émission de dette privée ne se tra-
duise pour les emprunteurs les plus risqués par un élargissement des spreads
venant modifier l’arbitrage obligations/fonds propres.

Mais, surtout, les ressources des entreprises sont les emplois des investisseurs
pour lesquels le rendement plus élevé des actions constitue la rémunération du
risque accepté. Il y a un lien fort entre l’approche par la valeur actionnariale
et les théories du portefeuille dont elle fournit l’exact pendant. Si l’on craint
les effets fragilisant de la dette au passif des uns, il faut développer les actions
à l’actif des autres ; et si, dans le même temps, on souhaite éviter une fuite en
avant généralisée vers un marché d’actions de plus en plus risqué et toujours
mieux rémunéré (pas de ROE en dessous de 15 %), il faut alors pouvoir y trou-
ver des niveaux de volatilité et de rendement plus bas. Or, contrairement à une
idée reçue, le marché n’élimine pas les actions aux rendements faibles. Il les
délaisse lorsque leur volatilité est la même que celle d’autres titres plus performants.
Les investisseurs et les gestionnaires de portefeuille souhaitent pouvoir arbitrer
entre des couples rendement-risque variés. Seul l’investissement à court terme
dans les titres les plus volatils est non optimal et dangereux.

La vraie réponse aux interrogations relatives aux risques de fragilisation des struc-
tures financières est alors apportée par les systèmes économiques qui encou-
ragent, par des mesures réglementaires ou fiscales, l’investissement sur la longue
période en des produits d’actions. La forme la plus fréquente est celle prise par
des mécanismes, individuels ou collectifs, d’épargne retraite. L’allongement de
l’horizon temporel de détention y est alors, en lui-même, réducteur de risques.

B – POUR UNE AMÉLIORATION


DE L’INFORMATION
FINANCIÈRE Les méthodes d’analyse financière de la valeur créée dans les entreprises se sont
développées dans les cabinets de conseil, les banques et chez les émetteurs eux-
mêmes. Elles tentent de répondre aux questions posées par un environnement
économique et social en évolution constante. Elles ne peuvent faire l’objet
d’une normalisation et il n’est pas souhaitable de s’orienter dans cette voie, sauf
à brider l’innovation financière et comptable.

Le choix de la méthode d’évaluation ainsi que les critères de gestion pertinents


relèvent exclusivement de la stratégie d’entreprise et de ses conseils. En revanche,
ce choix effectué et ces critères retenus, l’émetteur se doit de communiquer
de la façon la plus accessible et la plus complète possible.

Certains émetteurs sont parfois surpris de la diffusion dans la presse, à l’occa-


sion d’enquêtes ou de classements, de chiffres relatifs à leur création de valeur.
Ils peuvent les juger inexacts, imprécis, voire fondés sur une démarche arbitraire.
La meilleure défense des émetteurs réside certainement dans une information

89 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


transparente et de qualité sur la valeur qu’ils ont créée et en une communica-
tion complète des données permettant de la calculer.

Cette attitude devrait d’autant plus s’imposer que les émetteurs eux-mêmes
font état d’arguments relatifs à la création de valeur qui pourraient résulter de
la mise en œuvre de leurs projets ou de ceux de leurs concurrents. On a pu le
constater en 1999 à l’occasion de différentes offres publiques non sollicités.

Dans son Bulletin Mensuel 341 de décembre 1999, la COB avait rappelé des prin-
cipes formulés dès 1998.

“ En l’absence de normalisation précise du format des comptes consolidés et du


contenu des rapports de gestion, de nombreuses sociétés utilisent pour établir
leurs comptes de résultats et rapports de gestion ds agrégats finan-ciers, tels que
SVA (Shareholder’s Value Added), EVA (Economic Value Added), ROE (Return
on equity), ou des soldes intermédiaires de gestion, tels que le résultat opéra-
tionnel, dont l’objectif est de mettre en évidence des indicateurséconomiques
significatifs pour l’entreprise. La COB considère que cet enrichissement de l’in-
formation financière est à encourager et elle n’entend pas réglementer ces pra-
tiques ou les modes de calcul des indicateurs : toutefois, elle estime que leur
utilisation doit s’accompagner d’un effort de transparence et d’une grande
rigueur dans la permanence des méthodes de détermination de ces indicateurs.
Il convient donc de rappeler la recommandation précédemment publiée, aux
termes de laquelle:

● Un principe général à observer est de n’utiliser que des notions normalisées ;


● Si des notions spécifiques apparaissent plus appropriées, ce qui devrait res-
ter exceptionnel, elles ne devraient être utilisées qu’accompagnées de défi-
nitions, et en étant particulièrement attentif aux risques d’information
trompeuse ;
● Si ces informations ne sont pas couvertes par la certification des commis-
saires aux comptes (à moins qu’elles ne soient données dans l’annexe ou incluses
dans les comptes eux-mêmes), ceux-ci doivent néanmoins en vérifier la sin-
cérité, en application de la loi, en étant tout particulièrement attentifs à
leur comparabilité dans le temps. ”

Dans le cadre de ses missions relatives à l’information des investisseurs, la


Commission des Opérations de Bourse souhaite contribuer à l’amélioration des
communications sur la création de valeur en direction des épargnants et à
l’émergence de bonnes pratiques.

Trois principes, au minimum, devraient être appliqués :


- permanence des méthodes employées,
- explicitation des concepts utilisés,
- présentation de la sensibilité des résultats aux hypothèses retenues.

On pourrait les compléter avec trois autres objectifs plus ambitieux :


- justification de la méthode retenue,
- articulation avec les données comptables de l’exercice,
- commentaires sur l’intégration des considérations relatives à la création de
valeur pour l’actionnaire dans la stratégie du groupe.

Cette approche permet de définir la grille d’analyse suivante qui pourrait être
recommandée aux entreprises cotées sur un marché réglementé français.

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 90


GRILLE D’ANALYSE DE LA COMMUNICATION EN MATIÈRE
DE CRÉATION DE VALEUR POUR L’ACTIONNAIRE

I – L’ENTREPRISE COMMUNIQUE-T-ELLE SUR SA CRÉATION DE VALEUR


POUR L’ACTIONNAIRE ?

● Donne-t-elle des résultats relatifs à la création de valeur actionnariale ?


Sur l’exercice ? Sur les exercices précédents ? Si non pourquoi ?

● Donne-t-elle des objectifs de création de valeur ? A quelle échéance ? Si non pourquoi ?

II – QUELLE EST LA MÉTHODE UTILISÉE ?

● S’agit-il d’une méthode externe de mesure directe de la performance boursière ?

● S’agit-il d’une méthode interne ?

Laquelle ?

- Free Cash Flow ?


- Goodwill ?
- EVA/MVA ?
- Une autre ?

Quel est l’horizon de prévision explicite ?

- infini ?
- sinon combien ?
- comment a été estimée la valeur terminale ?

● Pourquoi cette méthode a-t-elle été retenue ?

● Cette méthode est-elle la même que celle utilisée lors des présentations/années
précédentes ?

● Si elle a changé :

- quels résultats auraient donné l’ancienne ?


- quels résultats donnent la nouvelle appliquée aux données antérieures ?
- pourquoi a-t-on changé ?

● Si la méthode est la même, comment ont évolué les principaux paramètres ?

- NOPAT ?
- FCF ?
- Coût du capital ?
. taux sans risque,
. rating,
. b de la firme,
. benchmark du marché.

● Quel est l’impact de ces changements sur la valeur créée ou détruite ?

91 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


III – LE CALCUL DE LA VALEUR CRÉÉE OU DÉTRUITE

● Peut-on expliciter le passage et les retraitements entre le compte de résultat et le


concept économique retenu (NOPAT, FCF ou autre) ?

● Quel retraitement a-t-on opéré sur les capitaux investis ?

- écarts d’acquisition,
- frais de R & D,
- frais de marketing,
- amortissements,
- autres.

● Quelle structure des capitaux engagés a-t-on retenu ?

- dette,
- fonds propres,
- quasi-fonds propres,
- crédit-bail.

● S’agit-il de la structure initiale ? D’une structure cible ? D’une structure normalisée ?


Sectorielle ?

● Comment a-t-on calculé le coût moyen pondéré du capital ?

- taux sans risque,


- rating,
- le b R benchmark,
R période et méthode d’estimation,
R variabilité du résultat
R R2 de l’estimation.

● Comment passe-t-on de l’EVA à la MVA ? Combien d’années de prévision explicite ?


Calcul de la valeur terminale ?

● Quelle est la sensibilité des résultats aux hypothèses précédentes ?

IV – MANAGEMENT PAR LA CRÉATION DE VALEUR

● Dans quelle mesure les indicateurs de création de valeur sont-ils intégrés dans la
gestion de l’entreprise ? Ses objectifs ? Le suivi de ses résultats ?

● Cette mise en œuvre se fait-elle : exclusivement au niveau du groupe ? Par secteur


d’activité ? Par projet ? Jusqu’à quel niveau opérationnel descend-t-elle ?

● Quel a été l’impact des récentes acquisitions ou cessions sur la valeur


actionnariale ?

● Quels sont les objectifs pour les exercices prochains ? Par secteur ?

Bulletin COB n° 346 Mai 2000 92


V – QUELLES SONT LES STRATÉGIES UTILISÉES POUR CRÉER DE LA VALEUR ?

● Stratégies concurrentielles

- Compression des coûts


. Réduction et variabilisation des charges,
. Gains de productivité/synergies.

- Maximisation des ventes


. Innovation,
. Internationalisation/globalisation,
. Parts de marché.

● Stratégies économiques

- Allocation sélective des ressources,


- Glissement vers l’aval
. Contrôle de l’aval,
. Haute valeur ajoutée,
. Assemblage,
. Sous-traitance,
. Partenariat.

- Minimisation des actifs


. Allègement des actifs
. Externalisation
. Crédit bail
. Rotation du besoin en fonds de roulement
. Stocks zéro
. Créances zéro

● Stratégies financières

- Effet de levier
. Endettement,
. Levier de contrôle : structure de groupe

- Relations dirigeants/actionnaires
. Gouvernement d’entreprise,
. Blocs d’actionnaires,
. Distribution de dividendes aux actionnaires,
. Opérations relutives (ou dilutives),
. Rachat d’actions.

- Relations avec les salariés


. Stock options,
. Formes d’épargne salariale.

- Recentrage financier
. Scissions de groupe,
. Concentration/diversification du risque

93 Bulletin COB n° 346 Mai 2000


A partir de cette grille d’analyse, la Commission des Opérations de Bourse souhaite consulter les
diverses professions intéressées (analystes financiers, gestionnaires d’actifs, émetteurs, cabinets
de conseils, associations d’actionnaires, normalisateurs et représentants des professions
comptables, professionnels de la communication financière). L’objectif est de définir les bonnes
pratiques en matière de communication sur la création de valeur et d’élaborer, sur ces bases, une
recommandation en direction des émetteurs.

Etude réalisée par François Champarnaud, Chef du Service des Etudes et du Développement du Marché
et Carine Romey, Chargé d’Etudes au Service des Etudes et du Développement du Marché

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