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La théorie financière et la pratique

Mathieu L’Hoir
Dans Regards croisés sur l'économie 2008/1 (n° 3), pages 133 à 140
Éditions La Découverte
ISSN 1956-7413
DOI 10.3917/rce.003.0133
© La Découverte | Téléchargé le 07/01/2024 sur www.cairn.info (IP: 154.121.58.109)

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() Interview
La théorie financière et la pratique
Mathieu L’Hoir est responsable adjoint de la recherche chez Sinopia, le
spécialiste de la gestion quantitative du Groupe HSBC.

() Quelles sont les grandes stratégies d’investissement sur les marchés bour-
siers ?

Une première classification des stratégies d’investissement consiste à distin-


guer les stratégies passives des stratégies actives.
Une stratégie d’investissement passive a pour but de faire aussi bien que le mar-
ché, et non pas mieux que le marché. Le nombre de transactions est minime,
mais pas nul. Ce type de stratégie cherche à répliquer la performance d’un indice
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de référence (benchmark) – censé représenter le marché – ; dans la mesure où la
composition de cet indice change, il est nécessaire de re-balancer le portefeuille.
La gestion indicielle est l’exemple classique de gestion passive. Une gestion indi-
cielle cherche à répliquer la performance, par exemple, d’un indice d’actions*
ou d’obligations*.
Une stratégie d’investissement active cherche à sur-performer le marché, en pre-
nant des positions actives par rapport à un benchmark. Mais on peut aussi parler
de stratégies à « rendement* absolu », qui ne cherchent pas à battre un benchmark
particulier. Toutefois, dans ce dernier cas, la stratégie doit faire mieux que le
Regards croisés sur l’économie n° 3 – 2008 © La Découverte

monétaire.
Nous pouvons aussi classer les stratégies d’investissement selon les classes d’ac-
tifs considérés : actions, obligations, devises, etc.
Enfin, les stratégies d’investissement peuvent être caractérisées par leur profil
de risque :
–– les stratégies investissant sur une seule classe d’actif – instruments monétai-
res (dette de court terme de moins de 12 mois), actions ou obligations (gou-
vernementales ou d’entreprises) – de façon classique : seules des positions
acheteuses sont prises. Généralement, il y a un objectif de risque relatif à un
indice connu ;
134 Comprendre la finance contemporaine

–– les stratégies « produits garantis et structurés » : elles ont des profils de


rendement plus ou moins définis, ce qui est rendu possible par l’utilisation
de dérivés* et/ou de techniques de gestion dynamique ;
–– les stratégies diversifiées : il s’agit des fonds mixtes qui investissent sur des
actions et des obligations, en prenant uniquement des positions acheteuses ;
–– les stratégies alternatives : elles englobent un grand nombre de stratégies,
différentes des précédentes. Il peut s’agir de stratégies qui investissent sur
des actifs différents des actions et obligations classiques, comme les matiè-
res premières, l’immobilier, les obligations convertibles, les produits dérivés,
etc. On classe souvent ces stratégies en quatre sous-catégories : (i) relative-
value/arbitrage*, qui exploitent les anomalies et incohérences constatées
entre certains titres ou marchés très corrélés. Ces stratégies sont censées ne
pas être corrélées avec le marché ; (ii) event-driven, qui exploitent des situa-
tions spéciales, par exemple, une fusion-acquisition ; (iii) opportunistic, qui
misent sur la hausse ou la baisse des prix des différents instruments : actions,
obligations, matières premières, devises. Ces stratégies peuvent présenter un
certain degré de corrélation avec les marchés traditionnels ; (iv) systematic :
les décisions d’investissement sont prises grâce à l’utilisation systématique
des modèles de trading.
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() Quels sont les liens entre le milieu bancaire et le milieu académique ?

Le secteur bancaire et financier a beaucoup évolué depuis ces trente dernières


années, et utilise de nos jours des techniques de plus en plus sophistiquées et
performantes. Cette évolution a été rendue possible par l’accroissement consi-
dérable des sources d’information et des outils mis à la disposition de l’ensem-
ble des intervenants sur les marchés pour traiter et affiner cette information. Regards croisés sur l’économie n° 3 – 2008 © La Découverte

Cette profusion d’outils s’est naturellement nourrie des travaux théoriques et


empiriques réalisés dans le milieu académique. L’intérêt est réciproque, ce qui
explique les liens très étroits noués entre ces deux milieux : d’un côté l’industrie
financière adapte et implémente les recherches effectuées au sein de la sphère
académique, tandis que les centres de recherche universitaires bénéficient de
l’énorme quantité de données mise à disposition par les banques ou autres ins-
titutions financières.
La diffusion de l’information et des résultats scientifiques prend des formes très
diverses. Elle transite principalement par le biais des publications produites
par l’ensemble des départements de recherche, qu’ils soient universitaires ou
La théorie financière et la pratique 135

non. Les grandes revues académiques, telles que le Journal of Finance, sont un
relais puissant dans la diffusion des travaux théoriques et appliqués. Mais les
publications internes d’articles par les services de recherche et développement
des groupes financiers jouent aussi un rôle très important dans la diffusion des
connaissances au sein de la profession. Elles sont aussi l’occasion de communi-
quer l’expertise acquise par l’entreprise sur des sujets parfois très techniques.
Le milieu bancaire a également noué des liens très directs avec le monde uni-
versitaire, notamment par le biais de financements accordés aux centres de
recherches universitaires ou le mécénat. De même, il est très fréquent que des
chercheurs académiques soient aussi consultants pour des départements de
R&D du secteur financier. Il n’est ainsi pas rare que soient publiés dans une
revue académique des articles co-écrits par des praticiens et des académiques.
Enfin, l’intrication des milieux est parfois telle que certains départements de
R&D des entreprises les plus à la pointe de l’industrie financière sont dirigés
par d’anciens universitaires. Il est même quelques exemples d’entreprises fon-
dées par d’anciens professeurs. C’est le cas notamment de BARRA, une société
spécialisée dans l’ingénierie financière et créée par l’économétricien et profes-
seur de finance Barr Rosenberg.
Cette interpénétration a permis des avancées notables dans de nombreux domai-
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nes, notamment dans la gestion du risque : les modèles de risques développés
grâce à l’ensemble des travaux de recherche réalisés dans la sphère académique
assurent une meilleure appréhension des différents facteurs de risque, une éva-
luation plus transparente des expositions à ces facteurs de risques, ainsi qu’une
gestion pro-active de ces expositions.

() Quelles théories présentent une valeur pratique pour un fond d’investisse-


Regards croisés sur l’économie n° 3 – 2008 © La Découverte

ment ?

Parmi l’ensemble des théories utilisées par l’industrie financière, il en est une
qui occupe une place toute particulière. Il s’agit de la théorie moderne du por-
tefeuille formalisée par le Prix Nobel d’économie Harry Markowitz dans un
article fondateur paru en 1952. Cette dernière repose sur un principe très sim-
ple : le principe de diversification. L’idée sous-jacente est qu’il est possible dans
un grand nombre de cas de réduire le risque d’un portefeuille – ce risque étant
mesuré par la volatilité du rendement qu’il procure – en y incluant des actifs
peu corrélés, et ceci à rendement constant. Partant de ce principe, nous pou-
vons déterminer le portefeuille optimal, c’est-à-dire la combinaison optimale
136 Comprendre la finance contemporaine

d’actifs qui minimise le risque pour un rendement donné. On voit donc là tout
l’intérêt que cela peut présenter pour l’industrie financière puisqu’il s’agit de
s’assurer que le portefeuille choisi atteint le meilleur couple rendement-risque
pour l’investisseur [« Les principaux modèles de prédiction des cours », p. 141].
L’utilisation des méthodes d’allocation induites par la théorie moderne du por-
tefeuille implique de pouvoir estimer le risque associé à chaque portefeuille
d’actifs ainsi que sa rentabilité* attendue. Le modèle d’évaluation des actifs
financiers (MEDAF), ou capital asset pricing model (CAPM) en anglais, que
l’on doit au Prix Nobel d’économie William Sharpe (1964) prolonge les travaux
de Markowitz dans cette direction. Dans le cadre du MEDAF, le rendement
d’un titre vient rémunérer le risque non diversifiable que prend l’investisseur
en détenant cet actif. Ce risque non diversifiable est la résultante de la corréla-
tion entre les actifs : les actifs étant corrélés avec le marché dans son ensemble
(cette corrélation étant ce que l’on appelle le bêta de l’actif), ils sont corrélés
entre eux, et il n’est par conséquent pas possible de réduire totalement le risque
du portefeuille. Le MEDAF est ainsi à l’origine du concept de facteur de ris-
que, le facteur marché étant l’unique facteur de risque induisant un risque non
diversifiable, donc rémunéré. Ce concept de facteur de risque est fondamental
puisqu’il a permis à l’industrie financière de mettre au point des modèles facto-
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riels d’analyse de risque utilisés massivement dans la gestion d’actifs.
Toutefois, le MEDAF a été plusieurs fois remis en cause dans sa forme originelle,
c’est-à-dire dans sa forme mono-factorielle. Eugène Fama et Kenneth French
ont notamment démontré dans un article devenu célèbre et publié en 1992 que
le facteur marché n’est pas l’unique facteur de risque à induire des corrélations
entre les actifs et donc du risque non diversifiable. De même, l’arbitrage pricing
theory de Stephen Ross a élargi la palette des facteurs de risques susceptibles
d’être pris en compte dans l’analyse du risque. L’ensemble de ces contributions
a été à l’origine d’un enrichissement et d’une complexification importante des Regards croisés sur l’économie n° 3 – 2008 © La Découverte

modèles factoriels.
La théorie économique et financière sert également à évaluer la juste valeur des
actifs et à prévoir leurs rendements. Les théories utilisées dépendent naturelle-
ment de la classe d’actif considérée. Par exemple, le dividend discount model est
couramment utilisé pour calculer la juste valeur d’une action : cette dernière
correspond à la somme des flux actualisés de dividendes* futurs. Les praticiens
comparent fréquemment cette juste valeur des titres avec leur valeur observée
pour anticiper les variations de prix. De même, le secteur financier a souvent
recours à la parité de pouvoir d’achat (PPA) ou encore à la parité de taux d’inté-
rêt couverte ou non couverte pour prévoir les mouvements des taux de change,
La théorie financière et la pratique 137

ou bien à des modèles macroéconomiques tel le modèle IS/LM pour expliquer


les mouvements des taux d’intérêt.

() Quel est le rôle d’un modèle ?

L’industrie financière fait un usage de plus en plus intensif de modèles mathé-


matiques et statistiques plus ou moins complexes, que ce soit dans l’apprécia-
tion du risque ex ante et ex post, le pricing, ou encore la prévision des cours des
différents actifs financiers.
Dans la gestion de portefeuille, et dans un objectif d’allocation, un modèle a
deux fonctions : représenter et expliquer la réalité et établir des prévisions de
risque et rentabilité. Il a généralement deux objectifs : aide à la prise de déci-
sion et quantification. La fonction de représentation de la réalité est réalisée
via l’ajustement du phénomène observé, par exemple l’évolution du cours d’un
indice boursier, à une fonction mathématique simple. Autrement dit, le modèle
est une simplification d’une réalité qui peut être extrêmement complexe et qui
permet d’avoir une représentation synthétique d’un mécanisme donné. Au-delà
de cette notion de représentation, la fonction principale d’un modèle en gestion
d’actifs est sa fonction de prévision. Plus spécifiquement, le modèle est alors une
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représentation volontairement simplifiée de la réalité permettant ainsi d’effec-
tuer des prévisions raisonnablement fiables. La simplification de la réalité est
alors une condition nécessaire à son utilisation pratique, mais aussi à sa robus-
tesse. Le but n’est donc pas forcément de représenter fidèlement la réalité, mais
tout du moins d’être en moyenne suffisamment proche de celle-ci. La capacité
d’un modèle à s’approcher de la réalité de façon régulière est alors un gage de sa
survie. Les changements structurels intervenant sur les marchés peuvent donc
rapidement le rendre obsolète. Enfin, dans un certain nombre de cas, les modè-
les n’ont pas pour vocation de prévoir la réalité en tant que telle, mais plutôt de
Regards croisés sur l’économie n° 3 – 2008 © La Découverte

reproduire ce que le marché pense ou pensera.


Les modèles de pricing des produits dérivés sont basés sur des techniques
mathématiques très sophistiquées, et permettent de déterminer le juste prix de
ces produits par arbitrage.

() Quel est le point de vue d’un praticien sur l’hypothèse d’efficience* des mar-
chés ? Quelles implications cela peut-il avoir sur les stratégies de gestion ?

Le point de vue des chercheurs sur l’efficience des marchés n’est pas consen-
suel, et parfois le concept même d’efficience est mal compris, tout comme ses
138 Comprendre la finance contemporaine

implications, en particulier pour la gestion. Les conclusions sur ce sujet sont


particulièrement intéressantes pour les investisseurs. Elles donnent en effet des
indications sur les types de stratégies d’investissement qu’il convient d’implé-
menter. Autrement dit, tester l’efficience des marchés revient souvent à tester
l’intérêt d’une stratégie par rapport à une autre.
Mais, que veut dire efficience informationnelle des marchés ? « Un marché où
les prix reflètent toujours complètement l’information disponible est appelé
efficient… », selon la célèbre définition donnée par Fama en 1970.
Si par efficience des marchés on entend le fait que les prix incorporent toujours
toute l’information disponible, il serait possible de conclure qu’à tout instant
il y a autant de chances d’observer une hausse qu’une baisse des prix des actifs
financiers. Dans ce contexte, si Pt est le prix d’une action aujourd’hui, il constitue
la meilleure prévision de son prix pour demain, étant donné son passé. Autre-
ment dit, les prix seraient ce que les statisticiens appellent des « martingales ».
Les idées de marche aléatoire suivie par les prix, de non-prévisibilité des prix
et d’efficience des marchés sont en effet souvent allées de pair. Or, ces notions
ont évolué au cours des années 1970 et il nous paraît nécessaire d’apporter un
certain nombre de précisions.
Les prix du marché ne sont pas des martingales : un des postulats centraux de
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la théorie financière moderne est l’existence d’un équilibre entre la rentabilité
et le risque* d’un actif financier. Par conséquent, l’espérance de la variation du
prix d’un actif ne peut pas être nulle : elle doit au minimum être égale à celle de
l’actif sans risque augmentée d’une prime de risque qui incitera l’investisseur
à détenir cet actif.
L’efficience, dans ce cadre, implique que la meilleure prévision de la rentabilité
d’un actif financier est le taux sans risque augmenté de cette prime de risque
« normale » que l’on touchera en moyenne : aucune information supplémentaire
sur cet actif ne permettra de réaliser davantage de bénéfices. En particulier, si Regards croisés sur l’économie n° 3 – 2008 © La Découverte

cette prime de risque « normale» est supposée constante, le seul choix d’intérêt
pour l’investisseur est de constituer un portefeuille stratégique, lié à la rentabi-
lité qu’il veut obtenir dans le long terme expliquée par le risque encouru. Chez
un praticien, cela se traduira par exemple, par la création d’un portefeuille d’ac-
tions à bêta plus ou moins fort, ou d’un portefeuille actions/obligations avec des
poids choisis en fonction du risque qu’il veut encourir. Ce praticien ne fera pas
de mouvements d’allocation. La gestion passive, les fonds indiciels, par exemple,
reflètent cette vision. Mais partant de cette définition de la prime de risque, on
pourrait dans le long terme faire « mieux » que le marché avec un portefeuille
systématiquement sur-exposé au facteur de risque qu’est le marché. Dans le cas
La théorie financière et la pratique 139

d’un portefeuille actions, si l’on considère que le marché est bien représenté par
l’indice MSCI World, on battra dans le long terme cet indice en se sur-expo-
sant à un portefeuille qui réplique l’indice MSCI World. Mais attention, battre
le marché de cette façon ne signifie pas que le marché n’est pas efficient, cela
signifie tout simplement que l’on est en train de prendre plus de risque, et on est
rémunéré en conséquence.
Dans la « version » plus moderne de l’efficience, il est admis que les primes de
risque exigées par les investisseurs varient dans le temps, notamment en fonc-
tion des cycles économiques. Ces variations se traduisent par des rentabilités
observées allant dans le même sens a posteriori. Par exemple, en fin de récession/
début d’expansion, du fait de l’incertitude, les primes de risque pour les actions
sont supérieures à la moyenne : il conviendrait donc de sur-exposer le porte-
feuille à cet actif. Dans ce contexte, un praticien avec un portefeuille purement
investi en actions trouvera intéressant d’augmenter le bêta du portefeuille (pri-
vilégier des titres très corrélés aux mouvements du marché) pendant quelques
temps. Peut-on faire « mieux que le marché » en modifiant graduellement l’allo-
cation d’un portefeuille ? Oui… si on arrive à timer le marché au bon moment,
autrement dit, à se sur-exposer (sous-exposer) au marché à la veille de sa hausse
(baisse). Encore une fois, si l’on « bat » le marché ici, c’est dû au fait que l’on s’ex-
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pose plus au moins au risque systématique actions.
Il y a une troisième vision de l’efficience de marché que nous partageons : l’effi-
cience – dans sa version la plus moderne, avec des primes de risque variables dans
le temps – est vérifiée en moyenne. Autrement dit, les prix sont en moyenne « à
l’équilibre », reflétant toute l’information plus une prime de risque d’équilibre,
en cohérence avec les variables du cycle économique. La notion de moyenne est
ici fondamentale, puisque l’on observe, avec une certaine fréquence, des pério-
des durant lesquelles les primes demandées sont loin des primes d’équilibre (que
nous mesurons à l’aide de nos modèles d’évaluation), avec cependant un retour
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attendu à ces dernières relativement rapide. Ce phénomène représente clairement


des opportunités d’allocation tactique pour l’investisseur. Autrement dit, il est
intéressant de faire bouger son portefeuille en fonction des opportunités qui se
présentent dans le court terme c’est-à-dire des forts mouvements de la prime de
risque demandée par les investisseurs. Ici, il s’agit d’exploiter précisément « les
failles » du marché. Ce n’est pas toujours facile, mais de nombreuses études et des
stratégies à succès montrent que ces failles existent : création de portefeuilles qui
privilégient les titres pour lesquels on constate des surprises positives en termes
d’annonces de bénéfices, stratégies basées sur le momentum de prix (différence
entre le prix de la date courante et le prix au début de la période), etc.
140 Comprendre la finance contemporaine

() Quelle est la part de subjectivité dans la gestion quotidienne ?

Dans l’industrie de l’asset management la part de subjectivité dans la gestion


quotidienne est très liée au type de gestion active.
La gestion active – destinée à battre le marché, représenté par un benchmark en
particulier – est souvent classée en gestion traditionnelle (ou fondamentale) et
gestion quantitative.
Les deux types de gestion peuvent s’appuyer ou non sur la théorie économique
et financière. Elles se distinguent surtout par le processus de décision, et par la
méthode de traitement d’information, ce qui induira plus ou moins de subjec-
tivité dans la gestion quotidienne.
Dans une gestion traditionnelle dans sa version la plus radicale, les décisions
sont prises par un gérant, basées sur une interprétation subjective de l’informa-
tion venant du marché. Aucun outil quantitatif n’est utilisé.
À l’autre extrémité, nous trouvons une gestion quantitative avec un processus
de décision complètement automatisé. Pas de facteur émotionnel, pas de subjec-
tivité, les décisions sont prises par des outils, des modèles, plus ou moins com-
plexes. Il reste tout de même un peu de subjectivité dans le choix de ces outils.
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Entre ces deux extrêmes, nous trouvons un continuum de types de gestion
active allant d’une gestion traditionnelle qui s’appuie sur des outils quantitatifs
avec un impact relativement limité sur la décision finale jusqu’à une gestion
quantitative dont les décisions d’investissement sont basées fondamentalement
sur les outputs des modèles au sein d’un processus d’investissement clairement
défini, le gérant gardant toutefois sa liberté pour jauger de la pertinence des
recommandations. À titre d’exemple, le gérant peut décider que dans certaines
situations de marché, il convient de réduire le risque auquel les portefeuilles
sont exposés. Sinopia se situe dans cette dernière catégorie. Regards croisés sur l’économie n° 3 – 2008 © La Découverte

Propos recueillis par Pablo Winant (rce)

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