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René Y. Darmon
Dans Négociations 2011/1 (n° 15), pages 33 à 46
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 1780-9231
ISBN 9782804165154
DOI 10.3917/neg.015.0033
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Cet article propose une définition des négociations commerciales permettant d’en délimiter le
champ. Première étape d’une démarche scientifique visant à classifier les éléments étudiés, l’ar-
ticle propose, à partir de cette définition, une typologie reposant sur des caractéristiques impor-
tantes des négociations commerciales, à savoir la nature et le rôle des parties impliquées dans la
négociation ainsi que le niveau des risques perçus par les parties concernant le résultat de la né-
gociation. La classification qui en résulte est parcimonieuse puisqu’elle définit dix catégories de
négociations commerciales, reposant sur la définition proposée. L’article analyse les principales
caractéristiques de la typologie pour en apprécier les qualités et l’utilité.
1. darmon@essec.fr
DOI: 10.3917/neg.015.0033 33
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chaque type de négociation peut évoluer différemment dans le temps. C’est, com-
me on le verra par la suite, le cas de l’évolution actuelle qui donne une importance
accrue au développement de relations et aux négociations gagnant-gagnant par
rapport aux transactions ponctuelles (Hawes, Rich et Widmier, 2004).
L’objectif de cet article est de proposer une classification des négociations
commerciales. Pour cela, il convient tout d’abord de définir de façon aussi précise
que possible l’univers des négociations commerciales, en vue de pouvoir en iden-
tifier tous les éléments, et uniquement ses éléments. Il faut ensuite choisir une mé-
thode pour bâtir la typologie, puis l’appliquer à l’univers ainsi défini. Finalement, il
convient d’apprécier les qualités et l’utilité de la classification par rapport à un cer-
tain nombre de critères. Ces différentes étapes sont successivement abordées
dans les sections suivantes.
DÉFINITION CONCEPTUELLE
DE LA NÉGOCIATION COMMERCIALE
La littérature portant sur les négociations commerciales n’offre que peu de défini-
tions formelles de cette pratique pourtant millénaire. Par contre, elle abonde en
descriptions et en typologies de certains aspects des négociations (voir Weinberg,
1999), des objectifs de la négociation (Druckman et alii, 1999), des bruits affectant
les négociations (Segal, 2009) ou des techniques, des stratégies et des tactiques
couramment employées (ou à employer) lors des négociations commerciales (Dar-
mon, 2001 ; Dupont, 1994 ; Zartman, 2004).
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Cette définition fait ressortir l’importante distinction qu’il y a lieu de faire entre
transaction et négociation commerciales. Faute de définitions précises et unani-
mement acceptées, la distinction entre les deux concepts fait depuis longtemps
l’objet de débats (voir par exemple Audebert-Lasrochas, 2004). La transaction
commerciale est définie, elle, comme l’accord ponctuel d’échange qui intervient
entre les parties, souvent appelé l’acte de « vente-achat » dans la littérature du
management. La transaction peut être l’aboutissement d’une négociation, mais
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pas nécessairement. Par exemple, les transactions commerciales dont les condi-
tions sont fixées a priori par l’une des parties et restent immuables, comme celles
qui se pratiquent généralement dans les commerces de détail, ne donnent pas lieu
à négociations.
La définition d’une négociation commerciale proposée ci-dessus suggère, com-
me le souligne Audebert-Lasrochas (2004, p.152), qu’une négociation réussie se
concrétise toujours par une ou plusieurs transactions. Pourtant, la réalisation d’une
transaction commerciale n’implique pas nécessairement une négociation préalable.
Alors que les recherches académiques se sont traditionnellement concentrées
soit sur les actes de vente ou d’achat, relativement peu d’études se sont intéressées
aux interactions entre acheteur et fournisseur dans le cadre de négociations com-
merciales (Barbier, 2009). Transactions et négociations commerciales ont plusieurs
caractéristiques communes. Par contre, cinq caractéristiques principales au
moins les différencient.
librement consentis, les échanges qui en résultent sont a priori jugés désirables
par les parties impliquées.
De plus, les deux concepts impliquent les mêmes variables contextuelles, même
si celles-ci (telle que la nature des risques impliqués dans chaque situation) peu-
vent avoir des impacts très différents dans les deux cas. Qu’il s’agisse de transac-
tions ou de négociations commerciales, de nombreux facteurs contextuels en
affectent la complexité. Jolibert et Velasquez (1989) en dressent une liste exhaus-
tive. Parmi les facteurs les plus importants les affectant, on peut noter :
Transactions
et négociations
Transaction Négociation
commerciales se
différencient par :
Un acheteur et un
Un acheteur et un
1. Les parties impliquées vendeur / souvent des
vendeur
équipes de négociateurs
2. L’ampleur de la latitude
décisionnelle du fournisseur Nul ou très étroit Généralement large
et de l’acheteur
3. Le processus d’interaction
Généralement
(traitement des Relativement simple
complexe
informations, contexte)
4. Les attitudes et
comportements des Passif ou proactif Toujours proactif
parties impliquées
Accent souvent mis Accent souvent mis sur
5. L’horizon temporel sur la transaction les transactions à venir
immédiate ou à long terme
Objectif
Objectif relationnel
transactionnel
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Cette approche présente entre autres les avantages (1) de pouvoir positionner
tous les éléments dans l’une des catégories de la classification en fonction de ses
caractéristiques ; (2) de permettre l’existence de catégories vides, lorsqu’aucune
observation ne réunit les caractéristiques requises pour lui appartenir ; (3) d’être
facile à utiliser par les managers et les chercheurs, puisque pour assigner un cer-
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les négociations salariales d’un employé avec son employeur. Ces négociations
sont souvent caractérisées par la prédominance de l’entreprise acheteuse qui a un
pouvoir de négociation généralement bien supérieur à celui du pourvoyeur de ser-
vices.
Les quatre dernières catégories de négociation sont toutes des situations cou-
rantes en B-to-B. Ce sont :
nouveaux pour l’entreprise, mais d’importance limitée pour elle, par exemple, des
produits standardisés de relativement faible valeur. Ce sont aussi des situations
de commandes routinières dans lesquelles l’entreprise acheteuse a déjà trouvé
une solution satisfaisante, et pour lesquelles les points qui restent à négocier sont
très limités. Ce peut être également des situations de ré-achats modifiés, dans les-
quelles une entreprise recherche de meilleures solutions parce que ses besoins
ont changé, ou parce qu’elle a identifié de nouveaux fournisseurs possibles. Dans
ces cas, le commercial et l’acheteur jouent un rôle capital dans l’aboutissement de
la négociation.
ple, de livraisons JAT, etc.). Pour les fournisseurs, les avantages de relations
pérennes peuvent être par exemple d’accélérer la rotation des stocks sans réduire
le volume des ventes, ou d’améliorer les retours sur investissement malgré la ré-
duction de leurs marges causée par des prix relativement réduits qu’ils doivent
consentir.
UTILITÉ DE LA TYPOLOGIE
On peut évaluer la qualité d’une classification sur la base de cinq grands critères
(Hunt 1983). Ce sont les mesures dans lesquelles la typologie définit précisément
(1) les éléments à classer, (2) les caractéristiques sur lesquelles reposent les dé-
finitions de chaque catégorie, (3) des catégories mutuellement exclusives (c’est-à-
dire qu’aucun élément ne peut tomber dans plus d’une catégorie), (4) et collecti-
vement exhaustives (c’est-à-dire que chaque élément trouve sa place dans une
catégorie) et (5) la classification est utile.
CONCLUSIONS
Sur le plan commercial, ces évolutions se traduisent en B-to-B par une profes-
sionnalisation accrue des négociateurs et par l’utilisation des négociations en
face-à-face entre équipes multifonctions, ce qui explique l’importance actuelle-
ment accrue des catégories 9 et 10 de la typologie proposée, au détriment des
autres catégories. L’analyse comparée de l’évolution des besoins dans chaque
catégorie doit permettre d’anticiper des évolutions à venir.
Notons enfin que l’on pourrait définir d’autres typologies que celle proposée
dans cet article en utilisant des caractéristiques différentes. On pourrait aussi raf-
finer la présente typologie en y ajoutant d’autres critères ou davantage de niveaux
pour certains critères. On peut imaginer que les chercheurs se penchant sur une
certaine catégorie de situations éprouvent la nécessité de bâtir une classification
propre à cette catégorie. La classification proposée n’est qu’un premier pas vers
une étude plus systématique des négociations commerciales.
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