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L'impact de la qualité de la Relation Banque-Entreprise sur

la prime de risque exigée des entreprises tunisiennes


Abdelwahed Omri, Meryem Bellouma
Dans La Revue des Sciences de Gestion 2008/1 (n°229), pages 95 à 102
Éditions Direction et Gestion
ISSN 1160-7742
ISBN 9782916490113
DOI 10.3917/rsg.229.0095
© Direction et Gestion | Téléchargé le 03/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.225.16.155)

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La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 229 – Marketing 95

L’impact de la qualité de la Relation

La fidélisation
Banque-Entreprise sur la prime de risque
exigée des entreprises tunisiennes
par Abdelwahed Omri et Meryem Bellouma

L
e crédit bancaire est la source de financement par emprunt
la plus utilisée par les entreprises, dans la plupart des pays
industrialisés, mais aussi au niveau des pays émergents,
comme la Tunisie. En effet, le montant des crédits servis par le
système bancaire, tel que recensé par la centrale des risques,
a atteint plus de 16 millions de dinars en 2004, en progression
de près d’un point et demi de pourcentage par rapport à celui
enregistré l’année précédente1.
Par ailleurs, l’univers bancaire à l’échelle nationale se caractérise
par les multiples dimensions de risque qui affectent sa viabilité
Abdelwahed Omri et sa persistance suite aux phénomènes de désintermédiation
Maître de conférences en Finances et de déréglementation. De ce fait, ces mutations adverses, de
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plus en plus accentuées augmentent la variabilité des résultats
Institut Supérieur de Gestion de Tunis escomptés. Plus précisément, la détermination de la prime de
Directeur de l’unité de Recherche Finance et risque adéquate à exiger est tributaire de la capacité de la banque
Stratégie des Affaires (Tunisie) tunisienne à atténuer l’importance des risques auxquels elle se
trouve confrontée.
Un consensus s’est formé autour du rôle de production d’infor-
mations des banques. Ces dernières disposent d’une expertise
particulière dans l’évaluation des entreprises, les rendant plus
aptes que les autres créanciers à sélectionner et à contrôler les
emprunteurs. Une telle supériorité des banques est assignée
à la relation Banque – Entreprise. Dans cette perspective, le
développement d’une relation Banque-Entreprise constitue un
élément crucial dans la dissipation des problèmes d’asymétrie
d’informations et la réduction de l’ampleur du risque.
Cette idée est également au coeur des problématiques qui
identifient le crédit bancaire comme un moyen de financement
qui s’adresserait à des emprunteurs risqués ou posant d’intenses
Meryem Bellouma problèmes informationnels.
Assistante en Finances Ainsi, une relation Banque-Entreprise de qualité donne la possibilité
Faculté des Sciences Economiques, Juridiques et à la banque d’économiser les coûts de collecte d’informations
de Gestion de Jendouba nécessaires à la prise de décision en matière de détermination
(Tunisie)
1. (BCT) Rapport de la Banque Centrale de Tunisie – 2004 p. 289.

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de la prime de risque à exiger. En d’autres termes, si les relations (H. Leland et D. Pyle, 1977, T. Campbell et W. Kracaw, 1980 et
sont fréquentes et satisfaisantes, la banque est à même de D. Diamond, 1991). Pour les banquiers, la décision d’octroi de
mieux comprendre l’environnement opérationnel de la clientèle crédit demeure tributaire de la qualité des informations qu’ils
et de connaître ses perspectives. collectent auprès des entreprises solliciteuses de fonds (A. Omri
Cette étude est motivée par l’absence d’un consensus quant au et M. Bellouma, 2004). De ce fait, le rationnement de crédit dont
La fidélisation

rôle que revêt la relation Banque – Entreprise, lors de la fixation souffrent plusieurs emprunteurs n’est que la conséquence directe
de la prime de risque à exiger. Elle cherche également, à pallier du contexte informationnel opaque qui les caractérise (M.R. Binks
l’insuffisance des études empiriques antérieures élaborées et C.T. Ennew, 1992).
principalement sur les marchés bancaires des pays industrialisés Récemment, E. Lehmann et D. Neuberger (2002) ont avancé
(M. Petersen et R. Rajan, 1994 ; R. Cole, 1998 ; E. Bodt et al., que ces problèmes, altérant le processus de crédit, peuvent
2005). En effet, à notre connaissance, peu de contributions ont être sensiblement réduits par l’entretien d’une intense relation
été focalisées sur des marchés émergents et aucune étude n’a Banque-Entreprise et de l’existence d’un climat de confiance entre
encore été élaborée concernant le marché tunisien. la banque et l’entreprise. Dans le même sillon d’idées, M.R. Binks
Cette orientation peut être expliquée par le fait que l’impact de et C.T. Ennew (1997) ont avancé que cette relation participative
la relation bancaire sur la prime de risque est différent entre un est bénéfique autant pour la firme, grâce à de meilleurs termes
marché émergent et un marché développé. Plus explicitement, et conditions de financement, que pour la banque, via les flux
pour les marchés développés, les entreprises accèdent plus aux informationnels qui présentent un avantage concurrentiel par
sources de financement direct qui sont tributaires d’instruments rapport à ses rivaux (A. Omri et M. Bellouma, 2004).
d’évaluation à validité générale, tandis que les entreprises établies En effet, l’intensité de la relation Banque-Entreprise permet une
sur les marchés émergents recourent aux intermédiaires bancaires meilleure appréhension des perspectives de l’entreprise, sa
qui privilégient la compréhension personnelle. Par ailleurs, dans capacité de remboursement, ses opportunités d’investissement,
beaucoup de pays émergents, chaque dossier représente quasi- sa position financière…
ment un cas unique et il est impossible de lui attribuer une Cet état de fait, suppose implicitement une diminution des coûts
probabilité de faillite en se référant à des éléments objectifs. de surveillance supportés par la banque, qui se traduit par une
Plus précisément, la question centrale autour de laquelle se amélioration des termes des contrats du crédit, notamment une
focalise cette étude est la suivante : « Quel est l’impact de la baisse de la prime de risque exigée. Du point de vue empirique,
qualité de la relation Banque – Entreprise sur la prime de risque C. D’Auria et al. (1999) ont mis en exergue, sur la base d’un
exigée des entreprises tunisiennes ? ». échantillon de 2000 entreprises italiennes non cotées, que les
Pour ce faire, nous étudierons en premier lieu, l’importance de la relations de crédit permettent aux banques de continuer à financer,
qualité de la relation Banque-Entreprise, tout en se penchant sur la dans les périodes difficiles, les entreprises ayant, auparavant,
notion de la capture informationnelle que peut exercer la banque au démontré leur solvabilité. Ils ont décelé que l’étroitesse de la
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détriment de l’entreprise. Par la suite, nous essayerons d’apprécier relation Banque-Entreprise constitue un déterminant principal
l’impact de la qualité de la relation Banque-Entreprise sur la prime du taux d’intérêt.
de risque exigée des entreprises tunisiennes. Finalement, nous Ils ont abouti au fait que la participation de la banque dans l’endet-
conclurons tout en présentant les limites de notre recherche et tement de la firme, qui présente un signal de l’intensification
les extensions futures. de la relation, se trouve associée à des taux d’intérêt faibles.
Toutefois, si elle dépasse un certain seuil (80 %), toute augmen-
tation de l’endettement sera accompagnée d’un taux d’intérêt
1. La relation Banque-Entreprise : plus élevé. Ce résultat converge avec celui de S.A. Sharpe (1990)
une revue de la littérature et S. Greenbaum et al. (1989) qui prétendent que ces relations
ne réduisent pas les coûts de financement et suggèrent que la
Historiquement, l’étude du rôle de la relation Banque- Entreprise banque exploite l’information privilégiée découlant d’une relation
remonte aux années 50 et au développement de la théorie étroite pour charger des taux d’intérêt élevés, et même supérieurs
bancaire. En effet, R. Roosa (1951) et D. Hodgman (1963) furent à la moyenne des taux offerts par les concurrents.
les premiers à discuter l’effet de la relation Banque- Entreprise Par ailleurs, dans une étude réalisée sur 994 petites et moyennes
dans un environnement caractérisé par un rationnement de crédit. entreprises allemandes non cotées, D. Harhoff et T. Körting (1998)
Plus explicitement, selon la théorie de l’agence, cette relation ont prouvé que la confiance découlant de la relation Banque-
fait apparaître des conflits d’intérêt entre les deux parties et qui Entreprise a un impact significatif négatif sur le taux d’intérêt
ont des impacts non négligeables sur la situation de l’entreprise. d’une ligne de crédit.
Après un long hiatus, la recherche s’est massivement orientée Ce résultat appuie la notion de la lecture intra- organisationnelle
vers l’explication des différents aspects de la relation entre de la confiance (au sein de la banque) qui permet de mieux
la banque et l’entreprise. En effet, la théorie d’intermédiation appréhender l’environnement de la relation Banque – Entreprise
financière a considérablement évolué ces dernières années (A. Omri et M. Bellouma, 2004). E. Lehmann et D. Neuberger
suite à l’intégration des problèmes d’asymétrie d’informations (2002) ont montré, également sur la base d’un échantillon

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composé de 1 200 petites et moyennes entreprises non cotées, lui retirer les facilités accordées. Ce scénario est envisageable si
que les relations sociales qui sont des indicateurs du degré de la banque dispose d’une force de marché qui lui permet d’ajuster
confiance entre le banquier et l’entrepreneur, ont des effets convenablement les termes de ses contrats et qui représente un
significatifs sur les conditions de crédit ainsi que sur le niveau avantage difficile à imiter de la part de ses rivaux. Plus explicite-
de risque qu’assume le banquier. ment, E.L. Von Thadden (2004) a stipulé que l’entreprise peut

La fidélisation
Plus particulièrement, D.W. Blackwell et D.B. Winters (1997) être sujette à l’émission d’un signal négatif à son égard si elle
ont trouvé, sur un échantillon constitué de 174 lignes de crédits change de banque.
accordées à des entreprises américaines cotées, une relation Par conséquent, elle pourrait accepter un taux d’intérêt, même
positive entre les efforts de surveillance de la banque et les taux prohibitif, dans le but d’éviter cette situation entravant sa réputa-
d’intérêt, et une relation négative entre l’intensité des relations tion. D’où le problème de la capture informationnelle qui émerge
bancaires et les taux d’intérêt. suite à l’intensification de la relation Banque-Entreprise et qui
Ces résultats s’alignent avec les présomptions de D. Diamond est susceptible de donner lieu à des pratiques monopolistiques
(1984, 1991) et J. Boyd et E. Prescott (1986), qui suggèrent que de la part de la banque, se traduisant principalement, par une
les banques bénéficient d’économies d’échelle dans la collecte et augmentation du taux d’intérêt exigé.
le traitement des informations et sont donc, plus efficaces que les R. Fisman et T. Khanna (1999) abondent dans le même sens
prêteurs directs pour évaluer, surveiller et contrôler les emprun- et notent que les individus moins confiants investissent dans
teurs. Pour Y. Chan et al. (1986), les informations recueillies sur l’obtention de l’information et sentent le besoin de surveiller afin
un emprunteur lors des opérations de prêt précédentes peuvent de réduire l’opportunisme. Ainsi, l’information et la confiance
être réutilisées par la banque pour évaluer les nouvelles demandes (élaborée suite à l’entretien d’une relation Banque-Entreprise
de crédit de ce dernier. Par ailleurs, le fait de traiter avec un grand intense) pourraient être négativement corrélées.
nombre d’emprunteurs permet à la banque de tirer des enseigne- Concernant les entreprises entachées d’opacité informationnelle,
ments pour l’évaluation des nouveaux clients. De même, le coût il est évident qu’elles sont amenées à divulguer assez d’informa-
de collecte d’information peut accuser une baisse dans le cas tions sur leur perspective pour réduire l’incertitude de la banque
où la relation se réitère dans le temps (A. Omri et M. Bellouma, vis-à-vis de leur qualité (E. Elyasiani et G.L. Goldberg, 2004 et
2004). Comme le suggère Meyer (1998), l’information privilégiée A. Omri et M. Bellouma, 2004). Ainsi, ceci implique que les effets
obtenue par la banque garantit la pérennité de la relation et fortifie de propagation des informations à leur détriment pourront être
sa capacité à extraire les informations pertinentes. sévères en terme de conditions de crédit.
A. Berger et G.F. Udell (1995) ont examiné l’influence des relations
Banque-Entreprise sur les termes des lignes de crédit bancaires Plus précisément, le degré de la captivité informationnelle est
d’un échantillon composé de 3 400 entreprises américaines assigné à la croissance du degré d’opacité de l’emprunteur, qui
cotées. Ils ont trouvé que les emprunteurs ayant de plus longues implique sa forte dépendance vis-à-vis du crédit bancaire. J. Child
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relations avec leur banque paient des taux d’intérêt moins élevés. et T. Terence (2005) avancent que les entreprises opaques sont
Dans le même sens, A. Manoj et R.O. Edmister (1999) ont enclines à des rentes informationnelles importantes par compa-
observé une influence positive de la durée de la relation entre raison avec des entreprises moins opaques qui disposent de
la banque et l’emprunteur, qui se manifeste par une réduction moyens de signalisation de leur qualité.
significative des taux d’intérêt sur les nouveaux prêts octroyés Par conséquent, des coûts de changement importants et une
par la banque à ses anciens clients. Ceci reflète les avantages inefficience élevée dans la détermination du taux d’intérêt peuvent
de la baisse des coûts de surveillance suite à une réduction de être observés. Dans cette perspective, l’existence de la relation
l’asymétrie de l’information, émanant de la relation existante implique des coûts affectant négativement les conditions bancaires
entre les deux parties. des entreprises.
D’autres études, élaborées dans le même cadre, n’ont trouvé Plus explicitement, la relation bancaire octroie à la banque la
aucun impact significatif de la durée de la relation entre la banque possibilité d’instaurer un système d’évaluation de l’entreprise
et l’emprunteur sur les taux d’intérêt, à partir d’un échantillon assez pertinent et reposant sur l’estimation de sa qualité et
composé de 3 400 entreprises américaines cotées (M. Petersen de sa solvabilité. Cependant, comme l’avancent E. Bodt et al.
et R. Rajan, 1994). Ces deux auteurs ont argué la neutralité de la (2005), cette banque ne fixe pas un taux d’intérêt adéquat avec
relation Banque-Entreprise sur le taux d’intérêt, du fait que le coût les caractéristiques de l’entreprise, du fait que cette dernière fera
de collecte d’informations ne diminue pas suite à l’intensification face à des coûts de changement en rompant sa relation bancaire
des interactions entre l’entreprise et la banque. exclusive (T. Gehrig et R. Stenbacka, 2004).
Récemment, une nouvelle tendance appuie la possibilité qu’im- En conclusion, nous constatons que les évidences avancées
plique la relation Banque-Entreprise dans le renforcement du n’ont pas abouti à un consensus en matière d’impact de la
contrôle postérieur exercé par la banque, lorsque l’entreprise qualité de la relation Banque-Entreprise sur le taux d’intérêt.
s’engage dans des actions opportunistes. Afin de conduire notre propre analyse, nous allons essayer de
En effet, la banque est à même de pallier un tel comportement en détecter la nature du lien entre ces deux dimensions au sein de
menaçant son client de le priver des financements ultérieurs ou de la section suivante.

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2. La relation Banque-Entreprise 1994), ou le nombre de services dont bénéficie l’entreprise

dans le contexte tunisien : auprès de sa banque (A. Omri et M. Bellouma, 2004). D’un point
de vue acquisition d’information générée par la relation Banque –
une étude empirique Entreprise, son ancienneté peut impliquer le succès de la banque
dans la compréhension du comportement de l’emprunteur. De
La fidélisation

Nous proposons de cerner l’impact de la relation Banque-Entreprise même, ce proxy indirect de la qualité de la relation renseigne sur
sur le taux d’intérêt débiteur exigé des entreprises tunisiennes. la capacité de l’entreprise à honorer ses engagements continuel-
Pour ce faire, nous essayerons de présenter les éléments métho- lement et sa non exposition au risque de rupture de la relation,
dologiques qui vont guider la suite de cette étude avec, dans suite à une défaillance éventuelle. Ainsi, nous nous attendons que
un premier temps, la description de l’échantillon d’entreprises cette variable ait un impact négatif sur le taux d’intérêt débiteur
considérées. Dans une seconde perspective, nous présenterons exigé de l’entreprise.
les variables retenues. Finalement, nous exposerons la méthode cnf : La confiance est une variable dummy à deux modalités
d’estimation et les résultats trouvés. traduisant la réponse à une question posée à chaque chargé
d’affaires responsable de l’entreprise étudiée : Quelle est la
pondération que vous attribuez à l’existence de confiance entre
2.1. Présentation de l’échantillon de l’étude vous et le dirigeant de l’entreprise ?2
La modalité CNF = 1 si la confiance mutuelle entre le chargé
La réalisation de cette étude fut appuyée par la collaboration d’affaires et l’entreprise est élevée (le chargé d’affaires assigne
d’une banque commerciale tunisienne qui mit à notre dispo- un poids supérieur à 50 %) et 0 ailleurs. La confiance mutuelle
sition une série d’informations concernant son portefeuille de peut être considérée comme un mécanisme approximant l’impres-
crédit. L’échantillon de l’analyse est composé de 74 entreprises sion du chargé d’affaires quant à la stabilité de la relation et des
tunisiennes non cotées en Bourse, sur une période s’étalant de flux informationnels, et donc sa qualité (D. Harhoff et T. Körting,
1998 à 2002. 1998 et E. Lehmann et D. Neuberger, 2002). Si la confiance
Le panel est majoritairement composé de sociétés à responsabi- mutuelle est associée à une intense production d’information,
lité limitée (en moyenne, durant la période de l’étude, 63 % des et donc à une amélioration de la compréhension de l’intention
entreprises incluses dans l’échantillon). Les sociétés anonymes du client, alors, nous escomptons une corrélation négative entre
sont minoritaires dans l’échantillon retenu (en moyenne 37 %). cet indicateur et la variable endogène.
Nous observons également, que les entreprises sont concentrées tAi : La taille de l’entreprise est mesurée en prenant le logarithme
sur des activités qui requièrent moins de capital investi dans népérien du total des actifs. Elle est présumée renseigner sur
les actifs. En effet, 95 % de notre échantillon correspond à des la capacité de l’entreprise à honorer ses engagements et sur le
entreprises appartenant au secteur des services. degré d’efficacité de son assise financière. Par ailleurs, une grande
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taille de l’entreprise est liée à une fragilité et une défaillance de
faible ampleur. Typiquement, les petites entreprises fournissent
2.2. Choix des variables de l’étude peu d’informations aux banques, relativement aux grandes firmes.
Cette conception reflète les coûts fixes de divulgation informa-
pmr : Pour pouvoir mesurer le taux d’intérêt (la variable endogène), tionnelle, ou l’absence de révélation informationnelle.
les études empiriques antérieures se sont basées exclusivement Etant donné que les activités des entreprises de grande taille
sur les données comptables. En effet, maintes études ont consi- sont souvent diversifiées et dépendent moins de la réussite
déré le ratio rapportant les charges financières bancaires au total d’un projet particulier, contrairement aux entreprises de taille
des dettes bancaires de l’entreprise (E. Bodt et al., 2005). Dans plus modeste (E. Lehmann et D. Neuberger, 2002), nous nous
notre étude, nous recourons à une mesure plus directe, à savoir attendons à ce que la relation entre la taille et le taux d’intérêt
le taux d’intérêt débiteur exigé des entreprises. soit négative.
Par ailleurs, le taux d’intérêt constitue un élément déterminant lvr : Le levier financier est mesuré par le ratio rapportant les
du contrat, et doit faire l’objet du consentement du client et de dettes à long et moyen terme de l’entreprise aux fonds propres
la banque du fait que son choix doit être viable pour l’entreprise (E. Bodt et al., 2005). L’endettement constitue un signal de la
et cohérent avec ses spécificités (G.R. Duffee, 1998). qualité de l’entreprise et sa capacité à honorer ses engagements.
La vérification d’un tel ajustement permet, entre autres, d’éviter Généralement, un capital composé majoritairement par des fonds
un comportement opportuniste de la part de l’emprunteur, qui peut propres a de fortes chances de se traduire par une politique
manquer à ses engagements suite à un taux d’intérêt prohibitif d’investissement plus conservatrice et donc, moins risquée
(M. Petersen et R. Rajan, 1994). pour les banques dans la mesure où les actionnaires supportent
Anc : L’ancienneté de la relation Banque – Entreprise est une
variable dummy qui prend la valeur 1 si la relation de crédit est
ancienne (elle dépasse 2 ans) et 0 ailleurs. Cet indicateur a été
2. Au total, nous avons interviewé les 13 chargés d’affaires responsables des
mesuré principalement par sa durée (M. Petersen et R. Rajan, dossiers de crédits de la banque.

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l’ensemble des risques. Nous escomptons que le taux d’intérêt informations privées détenues par les dirigeants, leur incitation
et le niveau du levier financier soient positivement corrélés. et leur capacité à déplacer le risque vers la banque (R. Elsas
lqr : Le ratio de liquidité relative est mesuré par le montant des et Krahnen, 1998). D’une manière générale, les entreprises
créances et de liquidité (actifs courants – stocks) par rapport tunisiennes adoptant la forme juridique SARL sont de taille plus
aux dettes à court terme. Il détermine, d’une façon étroite, la petite que celles qui adoptent la forme juridique SA. Ainsi, le

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capacité de remboursement de l’entreprise, à court terme. Son risque de l’entreprise ayant une forme juridique SARL est enclin
niveau dépend de la nature d’activité et de la vitesse de rotation à enregistrer une hausse par rapport à celui d’une entreprise
du stock (A. Berger et G.F. Udell, 1995). Nous escomptons que SA. D’où, nous nous attendons à ce que l’augmentation du taux
le ratio de liquidité relative soit négativement corrélé avec le d’intérêt soit sensiblement plus élevée pour les SARL.
taux d’intérêt.
grn : L’existence de garanties est une variable « dummy » = 1 si
l’entreprise met à la disposition de sa banque plusieurs garan- 2.3. Méthode d’estimation et résultats
ties et 0 ailleurs. Dans l’approche des contrats séparants, les
emprunteurs acceptent d’offrir un niveau de garanties d’autant A ce niveau, nous tentons de comprendre l’impact de la qualité
plus élevé (en contrepartie d’un taux d’intérêt d’autant plus de la relation Banque – Entreprise sur le niveau du taux d’intérêt
faible) que leur risque de défaillance est faible (E. Lehmann et débiteur exigé des entreprises tunisiennes. Pour ce faire, nous
D. Neuberger, 2002). Ainsi, nous escomptons que les banques optons pour les techniques économétriques d’estimation sur des
classifient les entreprises selon les garanties fournies. Si l’entre- données de panel incomplet.
prise fournit plusieurs garanties, nous nous attendons qu’elle soit Ce choix est appuyé par le fait que les spécificités sectorielles des
perçue comme moins risquée, et que le taux d’intérêt exigé par firmes, leur forme juridique… sont des éléments qui confirment
la banque à son égard soit faible. leur hétérogénéité. Ainsi, l’estimation du modèle par la méthode
Age : l’âge de l’entreprise est mesuré par la différence entre des moindres carrés conduit à des estimateurs non efficaces.
l’année de l’étude et l’année de la création de la firme. Cet indica- Pour pallier ce problème, nous recourrons à l’économétrie de
teur fournit une approximation du risque de crédit, ainsi qu’une Panel qui permet de contrôler l’hétérogénéité des observations
mesure de l’ampleur de la réputation de l’entreprise. En effet, dans leurs dimensions individuelles par la prise en compte d’un
les anciennes entreprises sont moins risquées que les nouvelles effet spécifique supposé être fixe ou aléatoire.
entreprises. Les termes du contrat, notamment, le taux d’intérêt, Formellement, il s’agit de régresser le taux d’intérêt débiteur exigé
peuvent être plus favorables aux firmes les plus âgées qui sont [TXI] sur l’ensemble des variables afférentes à la qualité de la
plus connues des prêteurs, ont des relations plus longues, et relation Banque – Entreprise [QRL], à savoir, l’ancienneté de la
sont ainsi, plus faciles à évaluer par ces derniers (E. Bodt et al., relation et le degré de confiance, sur l’ensemble des indicateurs
2005). Ainsi, nous nous attendons à une corrélation négative financiers [IND], à savoir le levier financier, le produit net de la
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entre l’âge de la firme et le taux d’intérêt. banque, la taille de l’entreprise, son ratio de liquidité relative
sec : Le secteur d’activité, dans le cadre de cette étude, est une et l’existence de garanties, et sur l’ensemble des variables de
variable « Dummy ». Elle prend la valeur 1 si l’entreprise appartient contrôle [CNT], à savoir, l’âge de l’entreprise, sa forme juridique
au secteur industriel, et la valeur 2 pour le secteur de services. et son secteur d’activité.
Cette variable est objectivement connue de la part de la banque TXIit = α + βk QRLit, + γk INDit + δk CNTit + µi + εit
et peut l’orienter dans sa prise de décision en matière d’octroi
de crédits. La prospérité d’un secteur dépend de la conjoncture La variable à expliquer et les variables explicatives s’écrivent en
économique régnante et des différents changements de l’envi- fonction de deux indices i et t, où i est l’indice de l’entreprise, t
ronnement en termes de menaces et d’opportunités. Quant à celui de la période. L’indice k est relatif aux différentes variables
la relation entre le taux d’intérêt et le secteur, nous anticipons regroupées sous chaque ensemble. µi représente un effet spéci-
un taux plus faible accordé aux entreprises ayant une activité fique à l’entreprise supposé être fixe ou aléatoire.
industrielle, qu’à celles appartenant au secteur de services. En Un premier regard sur quelques indicateurs des données de
effet, ce dernier paraît plus fortement sensible à la conjoncture l’échantillon résumés dans le tableau ci-dessus, montre que :
économique en Tunisie.
fjr : La forme juridique de l’entreprise peut être mesurée par Tableau 1 : Statistiques descriptives des variables quantitatives retenues
une variable « Dummy » égale à 1 si la firme est une société
Variables N Moyenne Ecart type
anonyme (SA) et 0 si elle est une société à responsabilité limitée
TXI 74 8,83 E-02 1,02E-02
(SARL)3. Elle délimite la responsabilité des actionnaires et des
PNB 74 0,039 0,0012
dirigeants en imposant des contraintes spécifiques sur les
LQR 74 0,653 1,183
capitaux propres de l’entreprise. Par ailleurs, elle influe sur les
TAI 74 6,61 2,264
LVR 74 0,423 0,561
3. Cette spécification revient au fait que la base de données utilisée n’incorpore
AGE 74 6,223 4,215
que ces deux formes.

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– Le niveau moyen du taux d’intérêt débiteur exigé des entreprises typiquement confidentielles, en plus des informations figurant
est de l’ordre de 8,83 E-02. Son écart type permet de remarquer au sein des documents comptables.
que sa fixation est variable. Ainsi, la banque définit le taux Ainsi, le chargé d’affaires, étant en contact étroit avec la clientèle,
débiteur exigé des entreprises selon leur spécificité. relativement à ses chefs hiérarchiques, est à même d’extraire des
– Le ratio de la liquidité relative représente en moyenne la valeur informations pertinentes susceptibles de créer une atmosphère
La fidélisation

de 0,653. Cet indicateur reflète la capacité de remboursement de confiance. En contrepartie de cette révélation d’informations,
de l’entreprise, dans un dispositif de court terme. Le niveau l’entreprise tunisienne bénéficie d’une baisse du taux d’intérêt
de la volatilité qui atteint 1,183, peut être expliqué par le fait débiteur exigé.
que la nature de l’activité et la rotation du stock diffèrent d’une Par conséquent, le résultat obtenu diverge avec la notion de
entreprise à une autre. monopole de la banque ou encore le phénomène de cambriolage qui
– La taille moyenne des entreprises composant l’échantillon de s’opère au détriment du client dont la qualité de relation Banque-
l’étude est de 6,61. Toutefois, nous remarquons que la volati- Entreprise est importante. En effet, la corrélation négative entre
lité de cet indicateur est élevée (2,264). Ainsi, les entreprises, le taux d’intérêt et la qualité de relation Banque-Entreprise que
disposant d’un niveau d’actifs plus élevé, peuvent être perçues nous dévoile notre régression, implique le rejet de la présomption
comme étant moins risquées, et peuvent, par conséquent, de R. Rajan (1992) et S.A. Sharpe (1990). Ces deux auteurs ont
bénéficier d’une baisse du taux d’intérêt. avancé que, suite à la relation Banque-Entreprise, la banque
Les résultats de l’estimation, à partir des données de panel dispose d’un pouvoir de marché sur l’entreprise lui octroyant la
incomplet, indiquent que la prise en compte de la spécificité possibilité de s’approprier une rente à travers l’exigence d’un
individuelle des entreprises sous forme d’un effet aléatoire taux d’intérêt élevé.
µi présente de meilleurs résultats sur le plan de signification Le signe négatif du coefficient attaché à la variable afférente à
statistique en comparaison à un modèle à effet individuel fixe, l’ancienneté de la relation Banque – Entreprise est cohérent avec
et ce d’après le test d’Hausman (1978). En effet, le non rejet de celui attendu. Plus précisément, le taux d’intérêt débiteur exigé
l’hypothèse nulle de ce test implique que le modèle retenu est à est relativement plus faible pour une ancienne relation Banque-
effet individuel aléatoire (chi 2 = 12,125). Entreprise que pour une nouvelle.
Ce résultat souligne les bénéfices associés à la qualité de la
Tableau 2 : Modèle à effet individuel aléatoire relation Banque-Entreprise et émergeant, principalement, de la
Variable dépendante : TXI répétition des transactions financières dans le temps. Dans ce
Variables sens, les informations collectées à travers l’ancienneté de la
ANC -0,0382 (-2,15)*** relation permettent à la banque de se forger une opinion de plus
en plus fine sur les perspectives de l’emprunteur. La notion de
CNF -0,0156 (-2,28)*
la dimension temporelle de la relation Banque- Entreprise renvoie
PNB 0, 033 (0,708)
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directement à la possibilité de réutilisation du flux informationnel
TAI -0,2485. (-5,29)*** généré. Par conséquent, le coût de production de l’information
LVR -0,123 (-0,192) accuse une baisse, susceptible de se traduire à l’égard de
LQR -0, 223 (-0,713)** l’entreprise solliciteuse de crédit par une baisse du taux d’intérêt
débiteur.
GRN -0,0156 (-2,65)***
AGE -1,284 (-0,272) De ce fait, nous pouvons présager que les entreprises tunisiennes
FJR 0,015 (0,591) cherchent à intensifier leur relation, en terme de durée, pour
SEC -0,062 (-0,391) bénéficier de conditions contractuelles favorables, notamment,
Constante 0,0591 (11,202)**
en matière de taux d’intérêt.
Le résultat de notre étude converge avec celui de A. Berger et
*, **, *** signification respective au seuil de 10 %, 5 %, 1 %.
G.F. Udell (1995) et contredit celui de M. Petersen et R. Rajan
La valeur de t de Student est indiquée entre parenthèses.
(1994) et E. Lehmann et D. Neuberger (2002), qui ont soutenu
la neutralité de la durée de la relation Banque-Entreprise sur le
Comme le montre le tableau 2, sur les dix variables explicatives taux d’intérêt débiteur exigé.
retenues, cinq variables s’avèrent significatives, dont les deux Le signe du coefficient attaché à la variable taille s’avère conforme
variables représentant la qualité de la relation Banque- Entreprise. à celui anticipé. Sa significativité implique que le critère taille
En effet, conformément à l’explication avancée ci – dessus, constitue un facteur prépondérant de différenciation du taux
nous constatons que la relation entre l’indice de confiance et le d’intérêt entre les entreprises. En effet, la corrélation négative
taux d’intérêt débiteur présente le signe négatif attendu : Plus entre la taille et la variable endogène laisse présager, qu’à
explicitement, une confiance élevée entre le chargé d’affaires qui risque égal, la banque est en mesure d’exiger un taux d’intérêt
représente la banque et l’entreprise solliciteuse de crédit, permet d’autant plus faible, que la taille de l’entreprise emprunteuse
de mieux contrôler cette dernière sur la base d’informations est importante.

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Cette évidence trouve confirmation dans le comportement des En d’autres termes, la banque exige un taux d’intérêt d’autant
banques tunisiennes, au cours de la période récente, nettement plus faible que la capacité de remboursement de l’entreprise à
caractérisée par leur aversion manifestée à l’égard des entre- court terme, est élevée. Par conséquent, l’augmentation du taux
prises de petite taille. Ainsi, l’imperfection du marché entraîne d’intérêt à l’égard des entreprises non solvables, induit une
une prudence extrême des banques quant au niveau d’opacité exclusion des entreprises souffrant d’intenses problèmes de

La fidélisation
des entreprises dont le risque de défaillance, a priori difficile à liquidités du champ du crédit bancaire.
apprécier, tend à s’accentuer. Par ailleurs, le sens de l’influence du ratio de la liquidité relative
Ce résultat divergeant avec l’étude de P.E. Strahan (2001) et celle sur la variable endogène peut être expliqué par le fait que les
de Reppetto et al., (2002) implique que la banque tunisienne durcit entreprises dont la capacité de remboursement à court terme
les contraintes de financement imposées aux petites entreprises, est importante demandent moins de lignes de crédit et payent
afin d’éviter toute déviation éventuelle de leur comportement. un taux d’intérêt faible.
Par ailleurs, le signe négatif associé à la variable taille peut être Au-delà de la significativité de ces différentes variables, les résul-
appuyé par l’observation de l’impact de l’existence de garanties sur tats de l’estimation révèlent que le secteur d’activité, la forme
le taux d’intérêt. En effet, la corrélation négative entre la variable juridique, le levier financier, le niveau du produit net bancaire et
endogène et la variable garantie rejoint le résultat anticipé. Ainsi, l’âge de l’entreprise n’ajoutent aucun pouvoir explicatif au modèle
notre conviction vis-à-vis de la répercussion des problèmes d’asy- testé. Néanmoins, le signe du coefficient non significatif de la
métrie d’information sur le taux d’intérêt s’avère appuyée. variable âge indique que, au moins sous sa forme utilisée, le
Plus explicitement, il apparaît de manière probante que, les entre- taux d’intérêt peut être plus favorable aux firmes les plus âgées
prises mettant à la disposition de leur banque une panoplie de qui ont un palmarès éloquent et qui sont faciles à évaluer par la
garanties, donc enclines à de moins importants comportements banque. La non significativité de ce paramètre rejoint le résultat
opportunistes, bénéficient d’une réduction du taux d’intérêt exigé. de E. Lehmann et D. Neuberger (2002).
De ce fait, nous remarquons que les garanties sont utilisées Par ailleurs, nous remarquons que le levier financier n’est pas un
pour réduire le risque de la transaction et augmenter la sécurité paramètre déterminant du taux d’intérêt exigé, comme le souligne
du prêteur. En d’autres termes, l’inclusion de garanties dans le l’étude de E. Bodt et al., (2005). En outre, le signe du coefficient
contrat de crédit constitue une assurance contre l’émergence attaché révèle qu’un niveau élevé du levier financier constitue une
des problèmes du risque moral de l’entreprise. preuve quant à l’augmentation de la probabilité de défaillance de
Ceci revient au fait que la valeur marchande des garanties permet l’entreprise. Ainsi, pour éviter les liquidations prématurées des
de satisfaire les engagements conclus, en cas de défaillance de entreprises ayant un levier élevé, la banque tunisienne exige un
l’emprunteur. Ainsi, il s’avère prudent de la part de la banque taux d’intérêt faible.
d’exiger des garanties solides en proportion du risque moral et Finalement, le secteur d’activité et la forme juridique de l’entre-
des difficultés d’évaluation de l’entreprise. Plus explicitement, prise ne sont pas des déterminants de la fixation du taux d’intérêt
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l’utilisation d’une panoplie variée de garanties devrait diminuer le exigé. Ce résultat semble logique, puisque l’échantillon retenu est
risque éventuel de l’entreprise, et par conséquent, améliorer les composé de clients considérés comme un ensemble homogène
conditions de financement. Ces conséquences sur la réduction appartenant principalement au secteur des services. Ce résultat
du risque et l’utilisation des garanties dépendent, toutefois, de s’oppose à celui trouvé par F. Alessandrini (1998) et E. Bodt et al.,
la division du risque entre le risque moral, le risque de sélection (2005) qui ont soutenu que ces paramètres ne sont pas neutres
adverse et d’autres risques inhérents au contrat. et influencent le taux d’intérêt exigé des entreprises.
En essayant de se positionner par rapport aux investigations
antérieures, notre résultat rejoint celui de E. Lehmann et
D. Neuberger (2002), qui suggèrent que l’utilisation des garanties Conclusion
réduit les taux d’intérêt sur les demandes de prêt des entreprises
allemandes. Dans le cadre de cette étude, nous avons essayé de cerner l’impact
Par ailleurs, nous pouvons nous appuyer sur l’effet de signalisa- de la relation Banque-Entreprise sur le taux d’intérêt dans le
tion des garanties qui, selon H. Bester (1985 ; 1987), permet contexte tunisien. Deux principales conjectures, relatives à l’impor-
de révéler la probabilité de défaillance de l’entreprise. En effet, tance de la relation client, ont été développées par la littérature
une combinaison entre un taux d’intérêt faible et une garantie relative au domaine bancaire. La première appuie l’hypothèse de
solide implique éventuellement, un risque moral et une sélection la réduction du taux d’intérêt suite à une diminution des coûts
adverse quasiment neutres. de collecte d’informations grâce à l’établissement d’une relation
Le dernier indicateur qui apparaît expliquer le taux d’intérêt débiteur Banque-Entreprise. L’autre semble confirmer l’hypothèse de rente
est le ratio de la liquidité relative de l’entreprise. Le signe du informationnelle. En effet, les relations Banque-Entreprise sont
coefficient attaché est cohérent avec celui attendu. Encore une présentées comme étant la source d’un pouvoir de monopole
fois, le résultat trouvé s’avère appuyer l’acception selon laquelle exercé par les banques sur leurs clients fidèles. Ces derniers sont
la banque est en mesure de conclure des contrats de crédit impli- enclins à une capture informationnelle, impliquée par l’acquisition
quant, implicitement, un partage optimal du risque. d’informations pertinentes et matérialisée par l’augmentation du

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Bodt E., Lobez F. and Statnik J-C., (2005), « Credit Decision and Adverse Selection :
taux d’intérêt à leur égard. Les études empiriques proposées à An Empirical Study of Banking Behavior », European Financial Management, Vol.11,
la suite de ces avancées, dans le domaine de la modélisation pp.195-228.
de l’activité financière, reposent sur une méthodologie cherchant Boyd J. and Prescott E., (1986), « Financial Intermediary Coalitions », Journal of
Economic Theory, Vol. 101, pp. 458- 472.
à vérifier le pouvoir explicatif des paramètres descriptifs des Campbell T. and Kracaw W., (1980), « Information Production, Market Signalling, and
relations des firmes avec leur banque, sur le taux d’intérêt. Par the Theory of Intermediation », Journal of Finance, Vol.35, pp.863-882.
La fidélisation

ailleurs, la majorité des études que nous venons de présenter, Chan Y., Greenbaum S., and Thakor A. (1986), « Information Reusability, Competition
and Bank Asset Quality », Journal of Banking and Finance, Vol. 10, pp. 243-253.
se sont focalisées sur des indicateurs quantitatifs (la durée, les
Child, J. and Terence T. (2005), « The Dynamic between Firms’Environmental
indicateurs financiers…). Ainsi, le rôle des indicateurs qualitatifs Strategies and Institutional Constraints in Emerging Economies : Evidence from China
demeure non obscur. Aussi, à travers notre étude empirique and Taiwan » Journal of Management Studies, Vol.42, pp.95-125.
Cole R., (1998), « The Importance of Relationship to the Availability of Credit »,
nous avons essayé de nous aligner sur quelques investigations
Journal of Banking and Finance, Vol. 22, pp.959-977.
(E. Lehmann et D. Neuberger, 2002 ; Reppetto et al., 2002 et J.A. D’Auria C., Foglia, A. and Reedtz, P.M. (1999), « Bank Interest Rates and Credit
Scott, 2003), moyennant l’introduction de la variable confiance. Relationship in Italy », Journal of Banking and finance, Vol.23, pp.1067-1093.
En effet, l’analyse empirique menée dans le contexte tunisien Diamond D., (1984), « Financial Intermediation and Delegated Monitoring », Review
of Economic Studies, Vol. 51, pp.393-414.
révèle que la banque génère des réseaux informationnels privés. Diamond D., (1991), « Monitoring and Reputation : The Choice between Bank Loans
En d’autres termes, il s’avère que l’intensification de la qualité and Directly Placed Debt », Journal of Political Economy, Vol. 99, pp.689-721.
de la relation Banque-Entreprise grâce à la dimension temporelle Duffee G.R., (1998), « The Relationship between Treasury Yields and Corporate
Bond Yield Spreads », Journal of Finance, Vol.2, pp. 2225-2241.
et l’indicateur de confiance impliquent une diminution du taux
Elsas R. and Krahnen J.-P., (1998), « Is Relationship Lending Special from Credit-File
d’intérêt exigé. Par ailleurs, notre étude vient corroborer l’hypothèse Data in Germany », Journal of Banking and Finance, Vol. 22, pp.1283-1316.
de l’amélioration du taux d’intérêt et rejette, par conséquent, Elyasiani, E., and Goldberg, G. L. (2004), « Relationship Lending : A Survey of the
Literature » Journal of Economics and Business, Vol.56, pp.315-330.
l’hypothèse de pouvoir de monopole de la banque. Outre le rôle
Fisman R. and Khanna T. (1999), « Is trust a Historical Residue ? Information Flows and
explicatif de la qualité de la relation Banque-Entreprise, nous Trust Levels », Journal of Economic Behavior and Organization, Vol.38, pp.79-92.
constatons que la taille, le ratio de la liquidité relative et l’exis- Gehrig, T. and Stenbacka, R. (2004), « Differentiation-Induced Switching Costs
tence de garanties sont des déterminants discriminants du taux and Poaching », Journal of Economics and Management Strategy, Vol.13, pp.635
-655.
d’intérêt exigé des entreprises tunisiennes. Ainsi, nous pouvons Greenbaum S., Kanatas G. and Venezia I., (1989), « Equilibrium Loan Pricing under the
certifier l’existence d’un lien entre la santé financière apparente et Bank-Client Relationship », Journal of banking and finance, Vol.13, pp. 221-235.
reflétée par les états financiers de l’entreprise, la lisibilité de son Harhoff D. and Körting T., (1998), « Lending Relationships in Germany-Empirical Evidence
from Survey Data », Journal of banking and finance, Vol. 22, pp.1317-1353.
activité et le taux d’intérêt. Avec ces différents constats énumérés,
Hausman J.A., (1978), « Specification Tests in Econometrics », Econometrica, Vol.
notre étude a pu offrir une étape modeste examinant la relation 46, pp.1251-1271
Banque-Entreprise dans le contexte tunisien et son influence sur Hodgman D., (1963), « Commercial Bank Loan and Investment », Policy Bureau of
Business and Economic Research, pp.36-48.
le taux d’intérêt. Cependant, il s’avère pertinent d’adjoindre des
Lehmann E. and Neuberger D., (2002), « Do Lending Relationship Matter ? Evidence
facteurs macroéconomiques pour expliquer le taux d’intérêt exigé from Bank Survey Data in Germany », Journal of Economic Behaviour and Organization,
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des entreprises tunisiennes. En effet, les chocs des politiques Vol.45, pp.339- 359.
monétaires et temporels peuvent intervenir indéniablement. Il serait Leland H. and Pyle D., (1977), « Information Asymmetries, Financial Structure, and
Financial Intermediaries », Journal of Finance, Vol. 32, pp.371-387.
aussi intéressant de dupliquer ce type de contribution sur des Manoj A. and Edmister R.O. (1999), « Borrowing Relationships, Monitoring, and the influ-
banques aux différentes caractéristiques organisationnelles, afin ence on Loan Rates », The Journal of Financial Research, Vol.22, pp.341-352
de dresser les bases d’une typologie de leur politique en matière Merton R. C., (1974), « On the Pricing of Corporate Debt : the Risk Structure of
Interest Rates », Journal of Finance, Vol.29, pp. 449-470.
de relations de crédit relativement à leur taille, leur implantation
Meyer L.H., (1998), « The Present and Future Roles of Banks in Small Business
sur le marché local et leur processus de décision. Finance », Journal of Banking and Finance, Vol.22, pp.1109-1116.
Omri, A. et Bellouma M. (2004), « Le regroupement des demandes de crédits des
petites et moyennes entreprises tunisiennes dans le contexte d’asymétrie d’infor-

Bibliographie mation », Revue Internationale PME, Vol.17, pp. 43-63.


Omri A. Bellouma M. and Omri, M.A. (2005), « The Determinants of Lending Relationship
Alessandrini F., (1998), « Credit Risk, Interest Rate Risk, and the Business Cycle », in Tunisian Context », Journal of Emerging Market Finance, Vol.4, pp. 135-150.
Journal of Fixed Income, pp.42-53. Petersen M. and Rajan R., (1994), « The Benefits of Lending Relationships : Evidence
Berger A., and Udell G.F., (1995), « Relationship Lending and Lines of Credit in Small from Small Business Data », Journal of Finance, Vol.49, 3-37.
Firms », Finance Journal of Business, Vol. 68, pp.351-381 Rajan R. (1992), « Insiders and Outsiders : the Choice between Informed and Arm’s
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