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L
a dimension praxéologique de la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE)
est un thème de recherche qui interroge la communauté scientifique depuis plus
de vingt ans. À la lumière du concept de RSE, la pratique de l’essaimage appa-
rait comme originale, car communément associée aux plans de restructurations.
Au travers de l’étude de cas d’une entreprise industrielle du CAC 40, nous tente-
rons de comprendre comment la pratique de l’essaimage et les créations d’entreprises
qu’elle implique participe au développement du capital humain et au développement
local des territoires. Pour ce faire, nous proposons un modèle théorique des pratiques
d’essaimage comme porteuses de RSE. Nous testons ce modèle sur des critères de
légitimité et de facteurs de motivations, de prise en compte des attentes des salariés et
des communautés, et de l’efficacité des pratiques. Nous procédons selon un couplage
méthodologique quantitatif et qualitatif (Thiétart, 2007), à la fois auprès d’experts de
l’essaimage, et d’anciens salariés de l’entreprise industrielle ayant entrepris une créa-
tion d’entreprise. Finalement, notre étude montre qu’il est globalement pertinent d’ap-
préhender l’essaimage sous l’angle de la RSE, mais qu’une partie des effets observés
relèvent plus de conséquences positives, que d’une réelle volonté de l’entreprise, du
moins dans le cas étudié.
—— Mots clés : capital humain, essaimage, développement local, ISO 26000, responsabilité
sociétale de l’entreprise (RSE).
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raxeological dimension of corporate social responsibility (CSR) is a research
field that questions the scientific community for over twenty years. In light of the
concept of CSR, spin-offs practice appears to be original, because commonly
associated with restructuring plans. Through the case study of an industrial CAC
40 company, we try to understand how spin-offs practice and established com-
panies it involves, participate in the development of human capital and local development
of territories. To do this, we propose a theoretical model of spin-off as CSR practices.
We test this model on criteria of legitimacy and factors of motivation, taking into account
the expectations of employees and communities, and effective practice. We use a mixed
methodology (Thiétart , 2007), both from experts swarming and former employees of the
industrial company who have undertaken an entrepreneurship project. Finally, our study
shows that it is generally appropriate to understand the spin-off in terms of CSR, but some
of the observed effects are more explained by positive consequences than a real commit-
ment to the company, at least in this case.
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Introduction
La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) comme thème de recherche des
sciences de gestion a amené le monde académique comme celui des praticiens à s’interro-
ger sur son intégration dans les organisations, sur sa légitimité ou encore sur les pratiques
traduisant sa mise en œuvre. En effet, le niveau praxéologique de la RSE constitue l’un des
pans principaux de la recherche dans le domaine, qu’il s’agisse des pratiques de gouvernance
(Naro, Noguera, 2008), des pratiques sur la supply chain (Lavastre, Spalanzani, 2008), ou bien
encore des pratiques de gestion des ressources humaines (Poissonnier, Drillon, 2008). Toutes
ces études ont pour objectif, soit de déterminer le caractère sociétalement responsable des pra-
tiques, soit d’envisager des démarches sociétalement responsables dans les différents niveaux
des organisations.
Nous retenons comme définition de la RSE celle de l’ISO 26000 qui s’appuie sur la théo-
rie des parties prenantes : « responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses déci-
sions et activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement éthique
et transparent qui : contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de
la société ; prend en compte les attentes des parties prenantes ; respecte les lois en vigueur tout
en étant en cohérence avec les normes internationales de comportement ; est intégré dans l’en-
semble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations » (NF ISO 26 000, 2010). Nous per-
cevons également la RSE comme étant un ensemble de pratiques mises en place par une orga-
nisation dans le but de répondre aux attentes de ses parties prenantes (Helfrich, 2010).
L’approche de cette étude exploratoire se veut originale, en se focalisant sur les pra-
tiques d’essaimage, comme faisant partie des démarches de responsabilité des entreprises.
En effet, l’essaimage reste un sujet peu traité dans la littérature (Daval, 1998 ; Laviolette, 2005).
Même s’il permet à des salariés d’envisager leur avenir en dehors de l’entreprise, cette pratique
est souvent abordée dans des contextes de restructurations, comme l’une des solutions lors du
déploiement de plans de sauvegarde de l’emploi. Cela étant dit, nous partons du principe que si
l’essaimage répond aux attentes de certaines parties prenantes de l’entreprise, minimisant ainsi
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ses externalités négatives ou au contraire valorisant ses externalités positives (Crouch, 2006),
alors les pratiques d’essaimage sont peut-être sociétalement responsables.
Notre problématique est donc de savoir quelles sont les conditions (selon les différentes
formes d’essaimage pratiquées) pour que l’essaimage participe à la responsabilité sociétale de
l’entreprise. À l’aune des lignes directrices de la norme ISO 26000 et de ses questions centrales,
qui ont le mérite de faire consensus au milieu des débats sur la RSE, nous proposons, dans une
première partie, un modèle théorique des pratiques d’essaimage comme porteuses de respon-
sabilité sociétale. Notre modèle s’appuie à la fois sur la prise en considération des attentes des
salariés envers l’entreprise, et sur le volet territorial de la RSE, c’est-à-dire sur les actions que
peut faire une entreprise en direction des communautés locales en œuvrant au développement
local. Dans une deuxième partie, nous testons la fiabilité de notre modèle selon quatre critères :
(1) la légitimité de l’essaimage comme démarche RSE d’une entreprise, (2) la capacité de l’es-
saimage à valoriser le capital humain, (3) la capacité de l’essaimage à participer au développe-
ment local et (4) les indicateurs validant l’efficacité des pratiques d’essaimage. Ce test a été réa-
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1. Cadre théorique
Dans cette première partie, nous passons en revue les principaux travaux théoriques por-
tant sur les pratiques d’essaimage de manière à en établir les différentes caractéristiques et typo-
logies (1.1). Nous rappelons également les théories sur lesquelles s’appuie le concept de RSE, et
les principaux débats qu’il engendre (1.2). L’étude de ces deux champs de recherche nous per-
met de proposer un modèle théorique des pratiques d’essaimage dans le cadre de la RSE (1.3).
1.1. L’essaimage
Nous présentons ici les principaux travaux de recherche traitant des pratiques d’essai-
mage en termes de fondements théoriques et culturels, en faisant notamment la distinction entre
spin off et essaimage. Nous évoquons ensuite les différentes typologies d’essaimage afin de
mobiliser une typologie cohérente dans le cadre de cette étude.
financiers et techniques. Daval (1998) explique que le spin-off est alors une nouvelle pratique pour
les entreprises en quête d’adaptabilité face aux évolutions de plus en plus rapides des marchés.
Peu de temps après les débuts du spin-off, plusieurs entreprises européennes en géné-
ral et françaises en particulier ont commencé à pratiquer leur forme d’essaimage. Bien que s’ins-
pirant du spin-off, l’essaimage s’en distingue au moins à deux niveaux. D’une part, l’essaimage
implique la création d’une entreprise juridiquement indépendante de l’entreprise mère (Brenet,
2000 ; Daval, 2001). D’autre part, l’essaimage se traduit par la mise à disposition du porteur de
projet d’un accompagnement pouvant prendre plusieurs formes (Daval, 2002). Classiquement,
les grandes entreprises proposent aux porteurs de projet un accompagnement suivant une
méthodologie en trois étapes : « une première phase de prise de contact où le projet est éva-
lué, une deuxième phase où le projet est approfondi avec un accompagnateur attitré et enfin une
dernière phase où le projet est soumis à un jury d’évaluateurs » (Laviolette, 2005, p. 61). La deu-
xième étape qui constitue le cœur de la phase d’accompagnement est qualifiée par Daval (2002,
p. 165) de phase d’incubation dans la mesure où elle apporte aux salariés « les compétences et/
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des ressources humaines, et entrepreneurial. Par la suite, Daval (2002) clarifiera le concept d’es-
saimage et ses différentes acceptations selon deux critères : l’acteur qui est à l’initiative du pro-
jet, et la proximité entre l’activité de l’entreprise et celle de l’entreprise essaimée. Il distinguera
alors quatre types d’essaimage : l’essaimage de projet, l’essaimage de reconversion, l’essai-
mage par externalisation, et l’essaimage d’extraprises. Citons également les travaux de Vallet
et Fattoum (2007) qui envisagent l’essaimage en fonction des trois principaux facteurs de moti-
vation qui amènent une entreprise à mettre en place une cellule d’essaimage : la gestion des
ressources humaines, la gestion de l’innovation et enfin, les facteurs liés au développement
durable et la responsabilité sociale. Pour cette étude, nous retiendrons la typologie développée
par Brenet (2000) qui s’articule principalement autour de trois critères : l’initiateur du processus
d’essaimage, le mobile de l’essaimage, la connectivité avec l’entreprise mère une fois la nou-
velle entreprise créée. Il résulte de cette approche des pratiques d’essaimage une typologie en
quatre catégories : l’essaimage naturel, l’essaimage social, l’essaimage industriel, l’essaimage
technologique (tableau 1).
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Nous mobilisons cette typologie en particulier pour deux raisons. D’une part, elle a le
mérite d’avoir un spectre suffisamment large pour englober la plupart des pratiques d’essaimage
définies dans les autres approches. Notons cependant l’absence du cas particulier de l’essai-
mage d’extraprises défini par Daval (2002, p. 163) comme une « activité envisagée par l’essaimé
proche de son ancien employeur ». En raison du partage de deux critères principaux que sont
l’initiative et le mobile avec l’essaimage naturel, nous faisons le choix d’intégrer l’essaimage d’ex-
traprises à ce dernier. D’autre part, la typologie de Brenet (2000) adopte une posture pertinente
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en s’attachant à définir à la fois le mobile du processus d’essaimage et les relations entre l’entre-
prise mère et l’essaimé, ce qui laisse entrevoir les premiers liens pouvant exister entre pratiques
d’essaimage et démarches de responsabilité sociétale des entreprises.
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de s’inscrire volontairement dans une démarche RSE est limitée par les obligations légales déjà
existantes. Dans le même temps, cette implication des gouvernements donne la possibilité aux
entreprises d’ouvrir la RSE à de nouveaux champs d’actions, avec le soutien de plusieurs parties
prenantes : ONG, partenaires sociaux (Lepineux, Rosé, Bonanni, Hudson, 2010). Ceci étant, le
souhait d’un modèle de RSE contrainte reste minoritaire et, jusqu’à ce jour, n’a pas fait écho au
sein des instances politiques (Hommel, 2006).
Le deuxième champ théorique de la RSE est celui de la prise en compte des parties pre-
nantes définie par Freeman (1984, p. 48) « The stakeholder approach is about groups and indi-
viduals who can affect the organization, and is about managerial behavior taken in response
to those groups and individuals. » Cette théorie a ouvert plusieurs débats sur les difficultés de
recensement des parties prenantes, la qualification de leurs attentes, leur hiérarchisation et des
actions mises en œuvre pour y répondre. Derrière ce débat se pose la question des limites de la
responsabilité de l’entreprise.
Le dernier aspect de la démarche de la RSE qui se voit opposer une résistance réside
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certaines parties prenantes, l’essaimage peut-il être un moyen pour rendre une réduction d’ef-
fectifs plus responsable sociétalement ?
Faire un parallèle théorique entre une situation de restructuration et des démarches RSE
implique que les concepts peuvent être compatibles sur certains de leurs aspects, et qu’ils ne
s’opposent pas systématiquement. Pour Ben Yedder et Slimane (2010), il n’y a pas une oppo-
sition constante et cela pour deux raisons. D’une part, le choix de la restructuration peut être
une solution difficile qui s’impose à l’entreprise. D’autre part, l’entreprise peut se préoccuper de
la carrière et du devenir des salariés victimes du plan de restructuration. Jounot (2010) montre
qu’il peut y avoir une compatibilité entre la réduction d’effectifs et les démarches sociétalement
responsables d’une entreprise. Cela peut être imposé dans un cadre légal, lorsqu’il s’agit de
plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), mais ces démarches peuvent également être à l’initiative
des entreprises. Il prend pour exemple le code de conduite dont se sont dotés les industriels du
sucre, et qui tient en huit grands principes RSE, dont les restructurations responsables. Ces res-
tructurations responsables passent par la prise en compte des parties prenantes et de leurs inté-
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Sur la base de ce modèle théorique, la seconde partie de l’article aura comme objectif
d’en tester la validité empirique au travers d’un jeu de quatre propositions :
Proposition 1 :
Les facteurs de motivation de la création d’une cellule d’essaimage
peuvent relever de valeurs RSE.
Proposition 2 : Dans sa forme actuelle, la cellule d’essaimage participe au développe-
ment local.
Proposition 3 :
Les pratiques d’essaimage participent au développement du capital
humain.
Proposition 4 : Il existe un contrôle et un suivi des créations d’entreprises permettant de
mesurer l’efficacité de l’essaimage.
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qualitative et quantitative (2.2). Enfin les quatre critères de test de notre modèle font l’objet d’une
discussion, visant à éprouver la fiabilité de ce dernier (2.3).
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publics et par là même de satisfaire également aux attentes des communautés. En ce sens, une
entreprise comme INDUS prend la problématique de l’ancrage territorial par le bon bout, en se
préoccupant avant tout des salariés et notamment via l’essaimage, qui rejaillit sur les pouvoirs
publics et sur les communautés locales. » Enfin, elle fait le constat que dans le cas de départ
des territoires et en réponse aux obligations légales, les entreprises évitent des situations com-
pliquées lorsqu’elles mettent en place en amont un certain nombre d’outils nécessaires, l’essai-
mage en faisant partie.
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que c’est la subvention qui a le plus apporté à la réalisation de leur projet, suivi de l’accompagne-
ment par le chargé de mission sur l’élaboration du business plan et enfin les conseils (tableau 3).
Les actions de la cellule d’essaimage ne se jugent pas uniquement sur la qualité de l’accompa-
gnement durant la phase de création, mais également sur le suivi post-création. À ce sujet, les
salariés-porteurs de projets (les deux populations de sondés confondues) affirment que le suivi
post création était tout à fait positif (70 % des sondés), et moins de 10 % d’entre eux le jugent
comme étant insuffisant. Enfin, un peu plus de 20 % des individus de l’échantillon auraient
souhaité un accompagnement plus important par la cellule d’essaimage durant cette phase
post-création.
Tableau 3. Utilité perçue des moyens mis en œuvre de la cellule d’essaimage
pour les créateurs encore en activité et pour les créateurs ayant arrêté leur activité
d’enregistrement des bonnes pratiques pour le rapport développement durable. L’intérêt, c’est
d’avoir une direction du développement durable qui touche à tout. » Le rapport annuel du
développement durable de l’entreprise témoigne de l’étendue de ses démarches RSE. Il y est
notamment indiqué que la structure d’essaimage fait partie des moyens dont l’entreprise dis-
pose pour mettre en œuvre ces missions de développement économique régional. Bien que
l’évocation de la cellule d’essaimage au sein du rapport développement durable relève de la
communication, il n’en demeure pas moins que l’entreprise affiche tant pour ses parties pre-
nantes internes, qu’externes qu’elle s’engage pour le territoire au travers de l’essaimage (Argot,
Daval, 2008), s’exposant ainsi aux jugements de l’efficacité de ses pratiques. Par ailleurs, cette
communication sur les pratiques d’essaimage n’est pas anodine. D’abord parce qu’elle n’est
pas détachée de la réalité puisque la cellule d’essaimage est dans les faits sous l’égide de la
direction du développement durable d’INDUS. De plus, la diffusion de ce type de pratiques
d’essaimage au sein du rapport développement durable participe à l’institutionnalisation de la
RSE au sein de l’entreprise (Quairel, 2007). Enfin, cette situation procure à la cellule d’essai-
mage une indépendance tout à fait remarquable, car en étant séparée de la direction des busi-
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Notre modèle théorique met en avant le fait que les pratiques d’essaimage permettent
aux entreprises de prendre en compte une partie des attentes de leurs salariés et des com-
munautés locales. Nous observons dans cette partie comment l’essaimage peut être un vec-
teur d’ancrage territorial au travers des témoignages recueillis. Le directeur de la cellule d’essai-
mage rappelle qu’au moment de sa création, le directeur d’INDUS, souhaitait mettre en place
des outils permettant à l’entreprise d’assurer sa responsabilité dans ses bassins d’emplois, en
soutenant les PME-PMI au travers du développement local, et aussi en maîtrisant les externa-
lités négatives causées lors du départ d’un territoire. Cette vision de l’essaimage est partagée
par le président de l’association DIESE, qui déclare : « L’ancrage territorial est pour DIESE l’un
des points les plus mis en avant auprès des parties prenantes. Le but est de montrer que l’es-
saimage peut être un moyen de casser la dynamique de désindustrialisation, non en la stop-
pant, mais en mettant en place des moyens de maintenir les bassins d’emplois. » Pour le direc-
teur de DIESE, l’essaimage est un vecteur d’ancrage territorial pour deux raisons ; il renforce le
dialogue avec les acteurs locaux et il participe à la gestion des mutations économiques du terri-
toire. La directrice des partenariats entreprises & territoires de l’IMS porte un regard d’expert sur
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directeur de la structure d’essaimage, cette possibilité offerte aux salariés, insuffle également
chez les salariés qui restent dans l’entreprise des envies d’intrapreneuriat, d’autonomie, de créa-
tion de nouvelles idées.
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En résumé, la quatrième proposition que nous avons exposée ne semble pas entière-
ment vérifiée. S’il existe bien des indicateurs permettant de mesurer l’efficacité des pratiques
d’essaimage, ces dernières sont incomplètes et ne prennent pas en compte leur impact sur la
performance de l’entreprise.
Conclusion
Cet article repose sur le cas d’une cellule d’essaimage d’un groupe industriel fran-
çais. Son ambition est de proposer un modèle permettant d’appréhender les pratiques d’es-
saimage sous l’angle de la responsabilité sociétale. Pour ce faire, nous avons repris les typolo-
gies d’essaimage existantes, et les avons mises en perspective avec les lignes directrices de la
norme ISO 26000. Ce modèle présente les pratiques d’essaimage en fonction des différentes
approches comme pouvant faire partie des démarches RSE d’une entreprise, selon plusieurs
conditions. En effet, il faut que l’entreprise montre bien qu’il y a une prise en considération des
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essaimante. Cet état de fait interroge la transférabilité à d’autres contextes culturels d’une utili-
sation de l’essaimage comme levier de la RSE. Dans le cas d’INDUS, l’entreprise est présente
dans plusieurs pays en Europe et dans le monde, elle ne cherche pas pour autant à dévelop-
per sa cellule d’essaimage ailleurs qu’en France. Cette situation soulève la problématique des
démarches RSE du global au local (IMS, ORSE, 2006) dans une logique inversée. Il n’est pas
ici question de savoir comment l’entreprise peut articuler à chaque niveau local sa responsabi-
lité globale. Il s’agit de comprendre comment une entreprise peut diffuser les bonnes pratiques
mises en place à un niveau local, dans d’autres territoires d’implantation. D’autre part, l’entre-
prise observée dans cette étude exploratoire nous permet d’identifier des pratiques d’essaimage
responsables. Néanmoins, il serait pertinent de tester ce modèle statistiquement auprès d’un
plus grand nombre de cellules d’essaimage.
Bibliographie
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