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ACCOMPAGNEMENT DU CRÉATEUR : DE L'ISOLEMENT À LA

RECHERCHE DE LÉGITIMITÉ

Karim Messeghem, Sylvie Sammut

Académie de l’Entrepreneuriat et de l’Innovation | « Revue de l’Entrepreneuriat »

2010/1 Vol. 9 | pages 82 à 107


ISSN 1766-2524
DOI 10.3917/entre.091.0005
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Karim MESSEGHEM, Sylvie SAMMUT Revue de l’Entrepreneuriat, vol 9, n°1, 2010

Accompagnement du créateur : de l’isolement à la recherche


de légitimité
Par Résumé
Les créateurs qui choisissent des structures
Karim MESSEGHEM d’accompagnement comme les pépinières d’entreprises
peuvent parfois être confrontés à un sentiment d’isolement,
Professeur des Universités en particulier lorsque la coproduction entre créateurs et
Université Montpellier 1 managers de la structure est faible. L’objectif de cet article
MRM-ERFI est d’étudier les stratégies de légitimation mises en œuvre
karim.messeghem@univ-montp1.fr par les créateurs pour rompre ce sentiment d’isolement.
Nous avons fait le choix d’étudier, à partir d’une approche
Sylvie SAMMUT qualitative, le cas d’une pépinière du Sud de la France et
nous verrons que les créateurs ont parfois des difficultés
Maître de conférences HDR pour développer des stratégies de sortie d’isolement.
Université Montpellier 1 Après avoir présenté le rôle des pépinières dans le proces-
MRM-ERFI sus entrepreneurial, nous avons utilisé la littérature néo-
sylvie.sammut@univ-montp1.fr institutionnelle, utile pour comprendre le processus de légi-
timation. Inspirés par les travaux de Tornikoski et Newbert
(2007), nous avons adopté le modèle de Gartner (1985),
qui s’est révélé pertinent dans l’étude du processus de légi-
timation du créateur. Si les résultats de notre étude conver-
gent avec les travaux réalisés par Rice (2002) et Tornikoski
et Newbert (2007), ils les complètent également. Ils con-
firment, en effet, l’importance de la recherche de légitimité
dans le processus entrepreneurial. Cette étude souligne la
prédominance de la stratégie de légitimité vis-à-vis de la
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conformité de légitimité pour expliquer l’émergence et le
développement de l’organisation. Notre approche qualita-
tive permet de mieux comprendre les ressorts de la straté-
gie de légitimité. Les créateurs rencontrés ont privilégié
l’improvisation et le réseautage pour construire leur légiti-
mité et rompre leur isolement. Notre conclusion rejoint en
ce sens la définition de l’entrepreneuriat proposée par
Shane (2003) en termes de nœud individu-opportunité. La
compréhension du processus entrepreneurial doit être con-
tingente et mise en perspective avec le profil du créateur.
Cette recherche marque un retour vers un champ délaissé
depuis une vingtaine d’années, l’entrepreneur. Si l’étude du
processus de légitimation fait l’objet d’un intérêt grandis-
sant dans le champ de l’entrepreneuriat, nous appelons à ce
que de nouveaux travaux soient engagés pour améliorer la
compréhension du phénomène d’isolement en phase de
création.
Mots clés : accompagnement, création, isolement, légitimi-
té.

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Karim MESSEGHEM, Sylvie SAMMUT Revue de l’Entrepreneuriat, vol 9, n°1, 2010

Introduction

L’accompagnement du créateur fait l’objet d’une attention croissante. De nombreux travaux


mettent en avant la contribution des structures d’accompagnement au succès du processus
entrepreneurial (Sammut, 1995 ; Albert, 2003 ; Bergek et Norrman, 2008). Albert, Fayolle et
Marion (1994), dans un article fondateur, soulignent ce rôle : « Le meilleur des créateurs
pourra difficilement s’imposer s’il ne peut mobiliser un ensemble de ressources : l’accès à
l’information (…), l’argent (…), la logistique (…), les savoir-faire de consultants ou de per-
sonnels qualifiés (…), l’accès aux technologies, l’accès au marché ». Le poids des structures
d’accompagnement est donc essentiel pour transformer un projet d’entreprise en entreprise
pérenne.

Les structures d’accompagnement comme les pépinières ont pour mission d’aider le créateur à
construire des relations avec son environnement et ainsi de rompre son isolement. La norme
NFX 50-770 qui définit les missions de ces structures invite à mettre en relation le créateur
avec un réseau de partenaires. Pourtant, les structures d’accompagnement ne parviennent pas
toujours à aider les créateurs à annihiler ce sentiment d’isolement. Rice (2002) montre que le
rôle de certaines structures d’accompagnement se limite à proposer un hébergement et des
facilités. Comment les créateurs parviennent-ils dès lors à rompre leur isolement ?

La thèse que nous défendons dans cet article est que la recherche de légitimé peut constituer
un moyen pour le créateur de sortir de son isolement. La capacité à être reconnue et crédible
est un moyen de renforcer son insertion dans son environnement. La notion d’isolement sou-
vent associée au processus entrepreneurial (Shapero, 1975 ; Léger-Jarniou, 2005 ; Messeghem
et Sammut, 2007) a pourtant rarement fait l’objet d’une conceptualisation. Nous proposons de
combler cette lacune en nous inspirant de l’approche interactionniste. L’étude du processus de
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légitimation se fondera sur le courant sociologique de la théorie néo-institutionnelle et en par-
ticulier sur les travaux de Tornikoski et Newbert (2007). Ces auteurs s’inspirant du modèle de
Gartner (1985) proposent plusieurs stratégies de légitimation pour assurer le succès du pro-
cessus entrepreneurial.

Cette recherche s’appuie sur une étude qualitative menée auprès d’une pépinière dont la mis-
sion se limite à fournir des facilités. La méthodologie utilisée est celle de l’étude de cas.
Quatre cas sont présentés dans le cadre de cette étude exploratoire. Une analyse de contenu a
été réalisée en tenant compte de la dialogique individu/projet à partir d’une lecture proces-
suelle inspirée des travaux de Gartner. Le positionnement interprétativiste retenu vise à com-
prendre comment la construction de la légitimité permet aux créateurs de s’extraire de leur
situation d’isolement. Le principal résultat de cette recherche est l’élaboration d’une taxono-
mie fondée sur la recherche de légitimité. Ce retour du focus sur l’entrepreneur invite à retenir
une approche contingente de l’accompagnement.

Dans une première partie, nous définirons les notions d’isolement et de légitimité que nous
croiserons avec la notion d’accompagnement. Dans une seconde partie, nous présenterons
notre étude empirique en mettant en évidence les stratégies développées par les créateurs
d’entreprises pour sortir de leur isolement.

1. La légitimité comme antidote à l’isolement


L’individualisme méthodologique très prégnant dans le champ de l’entrepreneuriat reflète une
réalité sociale dans laquelle l’individualisme peut être source de souffrance (Ehrenberg,

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1995). L’entrepreneur est souvent seul, même lorsqu’il trouve refuge dans des structures
d’accompagnement comme les pépinières d’entreprise. La connaissance de la solitude de
l’entrepreneur mérite d’être approfondie. Nous allons nous inspirer de la sociologie et en par-
ticulier du courant interactionniste pour mieux décrypter ce phénomène. Nous prolongerons la
réflexion en mettant l’accent sur la légitimité qui peut être vue comme un antidote face au
risque d’isolement.

1.1. Isolement et accompagnement : pour une lecture dialogique

L’entrepreneuriat peut être conceptualisé comme une forme de rupture avec le monde salarial.
Cette coupure s’accompagne parfois pour l’entrepreneur d’un sentiment de solitude. L’image
de l’entrepreneur qui lance son affaire seul dans sa chambre ou dans son garage tend à exa-
cerber ce sentiment de solitude. La littérature en entrepreneuriat a jusqu’à présent peu exploré
ce phénomène.

Les notions d’isolement et de solitude sont utilisées en sociologie pour étudier des groupes
sociaux comme les personnes âgées (Delisle, 1996), les demandeurs d’emploi (Ebersold,
2004). Delisle (1996), s’inspirant de Mayrat (1982), distingue deux formes de solitude :

- « La solitude objective est un fait observable, c’est l’isolement qui est la privation de com-
pagnie humaine, la mise hors du circuit social.
- La solitude subjective est un phénomène du vécu qui échappe à l’observation et au contrôle.
Elle est de l’ordre du sensible. C’est un état d’âme ressenti sur un mode émotionnel. Ce sen-
timent peut être douloureux et angoissant pour la personne qui l’éprouve » (Delisle, 1996,
p. 1).
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Delisle (1996) propose de différencier l’état d’isolement et le sentiment de solitude. « L’état
d’isolement correspond à la solitude objective, le sentiment de solitude à la solitude subjec-
tive. Un état d’isolement n’engendre pas nécessairement un sentiment de solitude. Celui-ci
peut naître chez des personnes parfaitement bien entourées » (Delisle, 1996, p. 1).

Les travaux de Becker (1963) sur la déviance permettent de comprendre ce sentiment. Le pro-
cessus entrepreneurial peut être analysé comme une forme de déviance dans la mesure où il
conduit à s’extraire de la société managériale. Cette interprétation de l’entrepreneuriat est ex-
primée de façon exacerbée dans certains modèles comme celui de Shapero (1975) qui évoque
une logique de déplacement. Le cadre d’analyse de Becker (1963) peut se révéler utile pour
étudier l’engagement entrepreneurial. Ce tenant de l’interactionnisme symbolique a contribué
au développement de la « labeling theory » ou théorie de l’étiquetage (Lacaze, 2008). Dans
cette théorie, la déviance peut être considérée comme une « création sociale », voire une cons-
truction sociale au sens de Berger et Luckmann (1966). Selon Becker (1963, p. 33), « le dé-
viant est celui à qui l’étiquette de déviant a été appliquée avec succès ; le comportement dé-
viant est le comportement que les gens stigmatisent comme tel ».

L’entrepreneuriat peut apparaître comme une forme de déviance par rapport à la situation
commune qui demeure le salariat, tout au moins dans nos sociétés. Le choix de la carrière
d’entrepreneur est souvent représenté comme une rupture, un renoncement. L’entrepreneuriat
exprime de la défiance face à la société managériale. En s’engageant dans la création
d’entreprise, l’entrepreneur décide de s’écarter de l’ordre managérial, de rompre avec la hié-
rarchie. Cette interprétation de l’engagement peut se réaliser en termes de carrière au sens de
Becker (1963) :

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Karim MESSEGHEM, Sylvie SAMMUT Revue de l’Entrepreneuriat, vol 9, n°1, 2010

- un acte primaire : la poursuite d’une opportunité d’affaires,


- l’acquisition d’une identité déviante : l’acquisition du statut d’entrepreneur,
- l’adhésion à un groupe : l’installation dans une structure telle qu’une pépinière.

Le statut d’entrepreneur apparaît comme une étiquette qui définit une identité à un moment
donné et qui est le résultat d’un processus. Cette lecture du processus entrepreneurial en
termes d’étiquette peut révéler de l’ambivalence. La stigmatisation de l’entrepreneur est atté-
nuée par le rôle accordé à l’entrepreneuriat dans la dynamique du capitalisme. Il peut se révé-
ler alors utile d’interpréter le comportement entrepreneurial en termes de dialogique.

La condition d’entrepreneur est ambivalente dans la mesure où elle reflète à la fois la réussite
ou l’échec. Le discours et les mesures de soutien à l’entrepreneuriat tendent à réhabiliter le
rôle du créateur d’entreprise. La rhétorique entrepreneuriale contemporaine met en avant la
figure du héros qui a réussi. Cunningham et Lischeron (1991) classent les travaux qui s’y ré-
férent dans le courant du leadership. Le discours sur l’entrepreneuriat met également l’accent
sur le risque d’échec. Il est souvent rappelé qu’une création sur deux ne franchit pas le cap de
la cinquième année. L’entrepreneuriat peut alors être assimilé à une situation de précarité.

Cette ambivalence se retrouve également dans la décision de poursuivre son opportunité


d’affaires dans une structure comme une pépinière. Le fait de s’inscrire dans une pépinière
constitue le moyen de bénéficier d’un soutien, d’une assistance, d’un échange d’informations
et de bonnes pratiques. Cette présence dans une structure d’accompagnement peut également
être interprétée comme une stigmatisation. La pépinière indique une appartenance à un type
d’entreprises : des organisations jeunes, peu expérimentées qui ont besoin d’un appui pour
s’épanouir. Les clients et les fournisseurs peuvent s’interroger sur la viabilité d’entreprises
hébergées dans de telles structures. Le créateur peut dès lors être réservé dans sa volonté de
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poursuivre son projet entrepreneurial dans une structure d’accompagnement pour éviter de se
voir accoler une étiquette d’entreprise fragile qui n’a pas encore fait ses preuves.

La dialogique entrepreneuriale liée à l’inscription de son activité dans une structure


d’accompagnement peut être analysée en termes de relations et de réseaux sociaux. Le recours
à une pépinière constitue le moyen de rompre avec l’isolement du créateur. L’une des mis-
sions des pépinières est de mettre en relation la nouvelle organisation avec les milieux
d’affaires. Elles s’engagent à aider le créateur à développer son réseau. La pépinière paraît
également comme un lieu qui vise à protéger en isolant des pressions environnementales. Ce
sentiment d’isolement peut paradoxalement être exacerbé dans une pépinière par une protec-
tion excessive du créateur. Le créateur peut également avoir le sentiment que le soutien pro-
posé n’est pas adapté à son projet (Léger-Jarniou, 2005). Une incompréhension peut naître
ainsi entre l’accompagnant et le porteur de projet, ce qui viendrait raviver le sentiment
d’isolement.

Le schéma suivant (figure 1) met en relation les trois dialogiques du processus entrepreneurial
dans une structure d’accompagnement.

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Légitimité
Réussite
+
Mise en relation Reconnaissance

Stigmatisation Isolement

Échec –
Figure 1. Accompagnement et dialogiques entrepreneuriales

L’accompagnement proposé ne parvient pas toujours à rompre l’isolement du créateur, il peut


dans certains cas l’exacerber. La construction de la légitimité du créateur peut être une voie de
rupture de l’isolement.

1.2. La légitimité comme mode de rupture de l’isolement

Selon Stinchcombe (1965), le dirigeant récemment installé manque de reconnaissance par


rapport à un confrère qui aurait franchi le pas depuis plus longtemps. L’auteur évoque le con-
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cept de « liability of newness » (p. 148) pour qualifier cet état de souffrance, facteur aggra-
vant de mortalité des jeunes entreprises. Cullière (2003, p. 1) abonde dans ce sens. Il consi-
dère, en effet, que cette fragilité est liée « aux dirigeants, essentiellement en termes de compé-
tences et d’expérience, et d’autre part, à des faiblesses structurelles, comme l’insuffisance de
fonds propres, ou encore l’immaturité organisationnelle visible, entre autres, au travers de
procédures ou de modes de coopération inadaptés ». Le poids de la jeunesse doit, dès lors,
être compensé. La solution se trouve dans un surcroît de légitimité, antidote des entreprises
sans passé. (Hannan et Freeman, 1984 ; Aldrich et Fiol, 1994 ; Scott, 1995 ; Zimmerman et
Zeitz, 2002). Suchman (1995, p. 574) propose une définition de la légitimité largement reprise
dans la littérature : « Legitimacy is a generalized perception or assumption that the actions of
an entity are desirable, or appropriate within some socially constructed system of norms, val-
ues, beliefs, and definitions ».

La légitimité est une construction sociale qui peut être appréciée en termes de contenu et de
processus.

1.2.1. La légitimité en termes de contenu


Pour capturer le caractère multidimensionnel de la légitimité, de nombreuses typologies ont
été dressées (Aldrich et Fiol, 1994 ; Suchman, 1995 ; Zimmerman et Zeitz, 2002). DiMaggio
et Powell (1983) abordent la recherche de légitimité sous l’angle de l’isomorphisme. Ils dis-
tinguent l’isomorphisme concurrentiel inspiré par l’écologie des populations de
l’isomorphisme institutionnel. Dans le champ de l’entrepreneuriat, Messeghem et Sammut
(2007) s’inspirant de DiMaggio et Powell (1983) et de Marchesnay (1998) ont mis en évi-
dence deux formes de légitimité : la légitimité professionnelle et la légitimité concurrentielle.

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La légitimité professionnelle est utilisée dans le domaine de la sociologie des professions


(Freidson, 1986, 2001) pour apprécier le degré de reconnaissance d’une profession. Les au-
teurs mobilisent cette notion néo-weberienne dans différents contextes comme les sciences de
l’éducation (Popa et Acedo, 2006), la médecine (Tovey, 1997), la muséologie (Octobre,
2001), la magistrature (Vigour, 2008) ou encore les collectivités locales (Vion, 2006). La légi-
timé professionnelle n’a jamais été utilisée à notre connaissance en entrepreneuriat. Dans le
champ du management (Beaulieu, Roy, Pasquero, 2002), Beaulieu (2001) propose de définir
la légitimité professionnelle comme un « construit multidimensionnel dont l’existence est liée
à la pertinence d’une profession. La pertinence (ou bien-fondé) d’une profession, c’est
l’adéquation entre un champ de connaissances, les compétences individuelles, le marché et les
attentes sociales » (p. 470).

La légitimité professionnelle peut être mise en relation avec la notion d’isolement. Ebersold
(2004), dans une étude consacrée à l’insertion des chômeurs, établit un lien entre la rupture de
l’isolement et la recherche de légitimité professionnelle, dans un contexte marqué par la mon-
tée de l’idéologie entrepreneuriale : « en substituant le modèle de l’employabilité à celui de la
carrière, elle disqualifie également la condition salariale en opposant à la figure du salarié
détenteur d’une qualification et d’une qualité spécifique celle de l’individu incertain dont
l’identité se structure autour d’une vision entrepreneuriale du monde social et dont
l’appartenance sociale réside dans l’aptitude à construire et à entretenir par lui-même sa légi-
timité professionnelle et sociale » (Ebersold, 2004, p. 98). La construction de sa légitimité
professionnelle apparaît dès lors comme un moyen de rompre son isolement. Dans le champ
de la création d’entreprise, la légitimité professionnelle est déterminante. Le fait d’être recon-
nu par la profession peut être un moyen d’accéder à des ressources et à des informations ; elle
est donc une condition de survie à court et moyen terme. Cette reconnaissance est très souvent
indispensable pour engager des relations avec d’éventuels clients ou fournisseurs. Les struc-
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tures d’accompagnement ont la capacité de jouer ici un rôle prégnant. En effet, les entreprises
jeunes peuvent amoindrir leur déficit de réputation, lié à leur absence relative d’histoire, en
trouvant un palliatif. Ainsi, Baum et Oliver (1991), Podolny (1993), ou encore Stuart, Hoang
et Hybels (1999) ont montré qu’il est possible de faire rejaillir sur son organisation la réputa-
tion d’autres entreprises, si tant est que l’on ait conclu des accords de partenariats avec elles.

La légitimité concurrentielle renvoie à la capacité de l’entreprise à assurer sa survie (Mar-


chesnay, 1998). Introduite par DiMaggio et Powell, elle trouve ses fondements dans le cou-
rant de l’écologie des populations, très présent dans le champ de l’entrepreneuriat (Aldrich,
1990). Marchesnay (1998, p. 102) y fait référence dans sa définition : « la légitimité s’entend
comme l’aptitude de l’affaire à s’adapter aux pressions concurrentielles, conformément à une
vision dite d’« écologie des populations ». L’entreprise, n’ayant pas d’histoire, doit, ce fai-
sant, fonder son avantage concurrentiel sur une maîtrise parfaite de ses connaissances qui lui
permettront de développer des transactions avec des clients connaissant d’autres habitudes de
consommations et/ou d’autres relations de travail. Les relations antérieures ont tendance à
perdurer, si elles donnent satisfaction parce qu’elles sont considérées comme étant mieux
« connues », donc davantage maîtrisables. Dans ce contexte, le néo-entrepreneur doit parvenir
à accroître sa crédibilité, donner une image sûre et stabiliser son positionnement sur le mar-
ché. C’est la raison pour laquelle Zimmerman et Zeitz (2002) considèrent que la légitimité est
une ressource cruciale, une porte d’entrée nécessaire permettant l’accès à d’autres ressources.

Au-delà du contenu, la légitimité s’appréhende comme un processus de construction sociale


qui se nourrit des interactions entre le créateur et son environnement. La structure
d’accompagnement peut contribuer à ce processus.

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1.2.2. La légitimité en termes de processus


La structure d’accompagnement est pourvoyeuse de confiance, d’image de marque positive,
de réputation, donc de lisibilité et de légitimité pour le nouvel arrivant généralement défici-
taire en la matière. En effet, la structure d’accompagnement peut favoriser l’intégration de
l’entreprise nouvellement créée dans son environnement en la conseillant dans l’accès aux
ressources et/ou en lui présentant les cadres référentiels dans lesquels elle agit. Au-delà de ces
actions symboliques, le créateur peut également s’engager dans des actions aux retombées
plus tangibles aux yeux des partenaires externes comme la réalisation de produits ou de ser-
vices.

La légitimité n’est donc pas acquise une fois pour toutes. Elle est le résultat d’un chemine-
ment plus ou moins long appelé processus de légitimation. Ce processus peut s’apprécier de
façon passive, en termes de conformité, ou de façon plus proactive (Zimmerman et Zeitz,
2002). Tornikoski et Newbert (2007) ont étudié les déterminants de l’émergence organisa-
tionnelle en retenant une perspective en termes de légitimité. Ils distinguent deux logiques,
l’une qualifiée de légitimité de conformité (passive), et l’autre de légitimité stratégique
(proactive). Cette distinction s’appuie sur les quatre axes du modèle du processus entrepre-
neurial de Gartner (1985) : l’individu, l’organisation, l’environnement et le processus. Les
trois premières caractéristiques s’inscrivent dans la logique de légitimité de conformité tandis
que le processus correspondrait à la stratégie de légitimité.

- La conformité : les dimensions passives de la légitimité

La logique de conformité est en phase avec les premiers enseignements de l’approche socio-
logique néo-institutionnelle (DiMaggio et Powell, 1983). La légitimité apparaît comme un
processus de construction sociale qui fait éclore certaines caractéristiques jugées progressi-
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vement comme incontournables. Les organisations, pour être légitimes, devraient se confor-
mer passivement à ces caractéristiques.

La conformité s’apprécie tout d’abord vis-à-vis de l’individu, c’est-à-dire du créateur. Les


détenteurs de ressources seront plus enclins à faire confiance à la nouvelle entité si la per-
sonne à sa tête possède certaines caractéristiques. Cette conception rejoint la littérature sur les
traits de personnalité de l’entrepreneur. Parmi les nombreuses caractéristiques étudiées, cer-
taines se dégagent comme la formation du créateur ou son expérience. Le capital humain du
ou des créateurs conduit à renforcer la légitimité professionnelle de la nouvelle organisation.

La conformité fait ensuite référence à l’organisation et en particulier aux personnes qui la


composent. La littérature en entrepreneuriat manifeste un intérêt croissant pour la notion
d’équipe entrepreneuriale (Gartner, Shaver, Gatewood et Katz, 1994 ; Boncler, Hlady-Rispal
et Verstraete, 2006 ; Page West, 2007). Zimmerman et Zeitz (2002) soulignent l’importance
de l’équipe de direction à travers sa formation et son expérience. Ces éléments constituent une
source de crédibilité dont les parties prenantes peuvent s’inspirer pour inférer la performance
future de la nouvelle organisation. Comme le soulignent Tornikoski et Newbert (2007,
p. 317), « it seems that a nascent organization’s legitimacy may be at least in part determined
by the collective ability of its founding team, or its organizational capital. In order to success-
fully engage in exchanges with potential customers, employees, and financiers, nascent or-
ganizations may need to possess management teams with significant educational and profes-
sional experience. Without conforming to these institutionalized expectations, a nascent or-
ganization may find it difficult to gain access to those resources necessary to become opera-
tional ».

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Le dernier volet de la conformité correspond à l’environnement. Zimmernan et Zeitz (2002)


parlent de légitimité industrielle. La question posée est la suivante : quel est le degré
d’attractivité du secteur dans lequel la nouvelle organisation s’inscrit ? Les industries bénéfi-
cient elles-mêmes d’une certaine légitimité, liée à leurs actions passées, à leur degré de nou-
veauté, qui est susceptible de déteindre sur l’organisation naissante. Tornikoski et Newbert
(2007) font référence au cycle de développement de l’industrie pour apprécier le degré de
légitimité des nouvelles organisations. Les détenteurs de ressources seront d’autant plus dis-
posés à développer des relations d’échange avec la nouvelle organisation que l’environnement
est perçu comme amène. Le contexte externe peut être abordé plus largement. Le fait de
s’inscrire dans une pépinière peut être perçu par les détenteurs de ressources comme un con-
texte favorable.

- La stratégie de légitimité : pour une approche proactive

Dans le modèle de Gartner (1985), le processus constitue la composante qui permet de tenir
compte du caractère dynamique et proactif du développement entrepreneurial. Ces deux di-
mensions s’expriment également en matière de légitimation comme le suggèrent Tornikoski
et Newbert (2007). La stratégie de légitimation peut prendre trois formes : l’improvisation,
l’engagement de ressources et le réseautage. Le comportement d’improvisation consiste à
« agir comme si » (acting as if). Tornikoski et Newbert (2007) le qualifient également de
« management des impressions ». Cette terminologie nous semble davantage appropriée1 dans
la mesure où ce comportement peut être assimilé à « une mise en scène de la vie quoti-
dienne » (Goffman, 1959). Gartner, Bird et Starr (1992) évoquent ce processus de légitima-
tion propre aux organisations émergentes. Ils s’appuient sur la contribution de Weick (1979)
pour montrer que le processus entrepreneurial consiste à rendre des réalités équivoques en
réalités non-équivoques : « in emerging organizations, entrepreneurs offer plausible explana-
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tions of current and future equivocal events as non-equivocal interpretations. Entrepreneurs
talk and act "as if" equivocal events were non-equivocal » (Gartner, Bird et Starr, 1992,
p. 17). Le créateur entreprend toute une série d’actions interprétées par l’environnement
comme des facteurs de succès. La rédaction du plan d’affaires (Delmar et Shane, 2004), la
publicité ou encore l’activité de recherche (Suchman, 1995) apparaissent aux yeux des parties
prenantes comme autant de caractéristiques permettant de rapprocher les organisations émer-
gentes d’organisations déjà existantes. Au-delà de ces actions symboliques, le créateur peut
également s’engager dans des actions aux retombées plus tangibles aux yeux des partenaires
externes comme le réseautage ou la réalisation de produits ou de services. Ces résultats sont le
fruit de la combinaison de ressources, processus au cœur de la définition de la fonction
d’entrepreneur (Schumpeter, 1934). Delmar et Shane (2004) font l’hypothèse, reprise par
Tornikoski et Newbert (2007), que le seul fait de combiner des ressources confère aux organi-
sations naissantes l’apparence d’organisations existantes et renforce leur chance de survie. La
combinaison de ressources fait référence à l’acquisition et la détention de matières,
d’équipements.

Cette influence possible des organisations sur leur propre légitimité incite à considérer le pro-
cessus de légitimation non comme une causalité simple, sous la forme d’une entreprise sou-
mise à son environnement, mais comme une interaction, une co-construction de sens duquel
la légitimité sera issue (Gabriel, 2006).
Aux perspectives institutionnelles prônant une immersion de l’organisation émergente dans
les us et coutumes environnants, dans les réseaux existants, ou la combinaison ad-hoc de res-
sources pour mieux se fondre, donc être accepté par autrui, nous considérons qu’il est aussi
opportun de s’intéresser à la personnalité et au profil du créateur, ce qui n’est que plus rare-

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Karim MESSEGHEM, Sylvie SAMMUT Revue de l’Entrepreneuriat, vol 9, n°1, 2010

ment pris en considération par la littérature depuis l’appel de Gartner (1990). Nous invoquons
en cela le paradigme interactionniste permettant la co-construction de la légitimité au travers
du triptyque environnement – organisation – créateur. Dans les phases de création et de dé-
marrage, la légitimité de l’entreprise créée et de son concepteur sont intimement liées, voire
fusionnelles ; l’action sur l’une se répercute sur l’autre et inversement. Dès lors, recentrer
l’analyse de la légitimité sur le créateur nous a semblé indispensable si l’on souhaite appré-
hender la légitimité dans une perspective globale.

Cette dimension individuelle prend d’autant plus de poids lorsque le créateur ne trouve pas,
dans la structure d’accompagnement qui l’héberge, un surplus de légitimité qu’il était venu
chercher. Dans ce cas précis, la structure faillit dans sa mission d’accompagnement ; cette
situation de passivité peut conduire l’entrepreneur à l’isolement.

Il importe donc de s’interroger sur les stratégies à développer par les créateurs lorsque la pé-
pinière faillit dans sa mission d’accompagnement. L’étude de cas que nous présentons dans la
deuxième partie met en lumière des éléments de réponses.

2. La légitimation comme sortie de l’isolement


Après avoir exposé le cadre méthodologique, nous présenterons les quatre études de cas en
montrant comment les créateurs tentent de briser leur isolement en s’inscrivant dans une lo-
gique de légitimation de conformité ou stratégique.

2.1. Cadre méthodologique


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Les investigations ont été menées au sein de la structure Venture (nom fictif) qui héberge près
de 70 entreprises. Cette pépinière est elle-même située au sein du technopôle d’une ville
moyenne du Sud de la France. Pour assurer ses missions, elle compte trois personnes. La fai-
blesse de ses moyens l’a conduite à se concentrer sur l’hébergement et sur les services ba-
siques de proximité et donc laisser de côté son rôle originel d’accompagnement à la création
d’entreprise. Sa mission d’assistance et de suivi n’est, dès lors, que ponctuelle et informelle,
aujourd’hui, et correspond à ce que Rice (2002, p. 173) nomme une « passive environmental
intervention ».

Nous avons été sollicités par la structure pour mener une étude sur la satisfaction des pen-
sionnaires et sur les mesures à mettre en œuvre pour améliorer l’accompagnement des créa-
teurs. Cet audit a été réalisé en deux temps : en conduisant tout d’abord des entretiens auprès
de créateurs et en administrant ensuite un questionnaire fermé à l’ensemble des membres de la
structure. La présente contribution exposera les résultats de l’étude qualitative. Nous avons
retenu comme méthode l’étude de cas puisque permettant une compréhension de phénomènes
sociaux comme l’entrepreneuriat (Eisenhardt, 1989 ; Yin, 2003 ; Huberman et Miles, 1994).
Nous explicitons donc ici les démarches déployées dans notre cadre précis d’enquête.

Nous avons, dans un premier temps, effectué un entretien semi-directif avec le dirigeant de la
structure afin d’en connaître les spécificités et la stratégie de développement menée. Une vi-
site du site a été faite, ainsi qu’une analyse des données secondaires concernant les entreprises
hébergées comme la structure (articles de presse, données financières, sites Internet…).

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Karim MESSEGHEM, Sylvie SAMMUT Revue de l’Entrepreneuriat, vol 9, n°1, 2010

La méthodologie de l’étude de cas nous a demandé un positionnement par rapport à deux


éléments essentiels permettant de valider notre travail de recherche : combien de cas étudier et
lesquels choisir ? Un cas unique ne pouvant être pertinent au regard de notre problématique,
nous avons opté pour la mobilisation de plusieurs cas. La désignation du nombre de cas à étu-
dier est fonction de différents paramètres permettant d’obtenir un équilibre entre les objectifs
de notre réflexion, la saturation théorique et la faisabilité. Nous avons interrogé une dizaine de
créateurs sur la période d’enquête. Cette recherche étant exploratoire, nous nous sommes fo-
calisés sur la mise en exergue d’éléments de compréhension du phénomène étudié (Wacheux,
1996). Il n’était pas nécessaire de multiplier les cas mais le principe de réplication mis en
avant par Yin (1994) notamment nous a paru essentiel. « Les études de cas doivent suivre une
réplication, sans en modifier la logique pour autant. Ainsi, au moins deux cas doivent être
inclus au sein de la même étude car le chercheur prévoit des résultats semblables. Si des répli-
cations sont trouvées dans plusieurs cas, la confiance dans les résultats globaux augmente »
(Yin, 1994, p. 34).

L’analyse des entretiens a mis en évidence un certain nombre de redites. Un phénomène de


saturation a donc été observé, ce dernier étant défini par Hlady-Rispal (2002) comme le mo-
ment à partir duquel l’apprentissage supplémentaire est minime au fur et à mesure que le
nombre de cas étudié progresse. Observant des phénomènes déjà rencontrés, nous avons con-
sidéré, conformément au concept de saturation théorique que l’intérêt de mener des études de
cas supplémentaires était limité. La combinaison de ces critères nous a conduits à la conclu-
sion que quatre cas pris parmi les dix entretiens réalisés étaient suffisants. Le choix de ces
quatre cas a constitué un élément essentiel afin de tester la capacité de réplication et de géné-
ralisation de notre recherche même si nous nous plaçons dans le cadre d’une étude explora-
toire (Eisenhardt, 1989). Ces quatre cas ont été retenus dans la mesure où ils étaient compa-
rables quant au stade de développement de leur entreprise2. En revanche, nous cherchions des
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profils d’entrepreneurs différents pour montrer d’une part, les capacités d’adaptabilité de la
structure dans sa stratégie d’accompagnement et d’autre part, des besoins différents des créa-
teurs étant donné leur parcours antérieur parfois déjà entrepreneurial pour certains, totalement
nouveau pour d’autres. Par ailleurs, nous souhaitions également intégrer dans notre analyse,
des acteurs sortis de la structure pour connaître les raisons de ce départ et obtenir des informa-
tions peut-être plus objectives. Enfin, ces entrepreneurs ont été choisis car ils se différencient
dans leur recherche de légitimité. Ces quatre cas représentent des idéaux types au sens de
Weber (1971). Le tableau 1 ci-après présente les principales caractéristiques de ces créateurs.

Dans le cas général d’une analyse qualitative, la construction et le traitement des données mé-
ritent une attention particulière quant à leur exposition de façon à fonder la validité scienti-
fique des résultats d’analyse. Les entretiens d’une durée moyenne d’une heure trente ont porté
sur les thèmes suivants : la nature du projet, le rôle de la pépinière, la nature des réseaux, la
légitimité. Leur enregistrement et leur retranscription nous ont permis de mener une analyse
de contenu (Bardin, 1998). Ces thèmes représentent l’unité de codage adoptée. Selon Allard-
Poesi (2003, p. 252), l’unité de codage « est l’élément en fonction duquel le chercheur va pro-
céder au découpage de ses données et à l’extraction d’unité qui seront classées dans les caté-
gories retenues ». Nous avons travaillé sur des groupes de phrases afin de mieux saisir la
complexité du discours ainsi que le contexte dans lequel il a été prononcé (Allard-Poesi,
Drucker-Godard et Ehlinger, 1999). Ce travail a été fait manuellement par les deux cher-
cheurs. Même si l’utilisation de l’outil informatique aurait pu avoir son utilité, nous considé-
rons que notre présence à chacun des entretiens, et la possibilité de contact renouvelé de nos
interlocuteurs a été une source pertinente de légitimation de notre travail d’analyse des don-
nées. Cela nous a permis de conserver une certaine flexibilité de travail, ce que ne permettent

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Karim MESSEGHEM, Sylvie SAMMUT Revue de l’Entrepreneuriat, vol 9, n°1, 2010

pas les CAQDAS (Computer Assisted Qualitative Data Analysis Software) tels que Tropes,
Spad T, Sphinx Lexica, et bien d’autres, et nous a octroyé la possibilité d’opérer des modifi-
cations pertinentes en fonction des analyses préliminaires et des opportunités présentées lors
des entretiens. Nous nous conformons en cela aux principes énoncés par Miles et Huberman
(1994). En outre, ces logiciels d’analyse de contenu ne reconnaissent pas les idées exprimées
dans les phrases prononcées par nos interlocuteurs. Cet argument supplémentaire nous a con-
firmés dans notre choix manuel d’analyse. Le travail de codage étant effectué, nous avons
établi une grille de lecture pour analyser les entretiens. À partir des thèmes énoncés ci-avant,
nous avons établi quatre grandes catégories : l’individu, l’organisation, l’environnement et le
processus. Elles constituent notre dictionnaire des thèmes. Cette catégorisation est conforme
au modèle du processus entrepreneurial proposé par Gartner (1985). L’intérêt de ce modèle
est de tenir compte de la dialogique individu/projet à partir d’une lecture processuelle. Notre
dictionnaire des thèmes répond à notre questionnement de recherche (M’Bengue et Vandan-
geon-Dérumez, 1999) ; il est non seulement composé des codes issus de la littérature mais
aussi de la confirmation du terrain.

MOD VIP COM BAT


Date de création Août 2003 Août 2005 Avril 2005 Juillet 2004
Nombre de créateurs 1 1 (reprise) 3 1
Domaine d’activité Habillement Informatique Informatique Bâtiment
Nombre de salariés 1 7 Aucun 1 (stagiaire)
Chiffre d’affaires 335 000 € 525 000 € 61 000 € (pré- 39 000 €
(2005) (2006) vision) (2006)
Expérience antérieure Cadre Cadre / Diri- Réalisation Dirigeant
geants d’un film
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d’animation
Légitimité concurren-
Forte Forte Faible Faible
tielle
Légitimité profes-
Forte Faible Forte Faible
sionnelle

Tableau 1. Présentation des entreprises étudiées

Les entretiens ainsi que l’étude quantitative montrent que les créateurs ne sont pas satisfaits
de l’accompagnement proposé par la pépinière. 60 % des créateurs interrogés trouvent que
l’accompagnement n’est pas satisfaisant. Ces derniers expriment, en revanche, un sentiment
d’isolement. Dès lors, quelle stratégie de légitimation mettent-ils en œuvre pour rompre ce
sentiment ? Le paragraphe suivant va nous permettre de présenter chacun des cas et de préci-
ser les logiques d’action retenues pour rompre l’isolement.

2.2. Les différentes trajectoires de rupture de l’isolement

Pour présenter nos études de cas, nous allons utiliser le cadre conceptuel de Gartner (1985)
décrivant le phénomène de la création d’entreprises.

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Karim MESSEGHEM, Sylvie SAMMUT Revue de l’Entrepreneuriat, vol 9, n°1, 2010

2.2.1. MOD : une logique d’improvisation

- Individu

K.F. a créé la société MOD à l’âge de 36 ans. Après une expérience dans le domaine com-
mercial chez un distributeur d’accessoires pour cheveux, elle a décidé de lancer sa propre af-
faire. Elle a soumis à son ancien dirigeant le projet de développer une nouvelle ligne
d’accessoires de mode. Le manque d’empressement de ce dernier l’a conduite à se lancer
seule dans cette aventure entrepreneuriale. Elle a repéré l’émergence de ce nouveau marché
qui intéresse les enseignes de prêt-à-porter de moyenne gamme qui trouve un moyen pour être
ancrés dans la mode tout en favorisant les achats supplémentaires.

Prudente et mesurée, elle est très ouverte, sans cesse à la recherche de nouvelles informations.
Elle n’a pas hésité à se lancer dans des formations pour parfaire sa connaissance dans le do-
maine du management. Elle regrette le manque d’accompagnement proposé par la pépinière.
K.F. souffre d’isolement au sein de la structure ; l’argument est répété à maintes reprises,
l’absence d’échanges semble extrêmement frustrante.

- Organisation

Pour éviter des dépenses inutiles, le démarrage de l’activité se fait au domicile de la créatrice
pendant les six premiers mois. Elle fait le choix de la pépinière qui lui met à disposition des
locaux pour assurer son activité. Ce choix est fondé, outre la proximité du domicile de K.F.,
sur le bouche-à-oreille et la disponibilité de locaux. Elle s’entoure rapidement d’un commer-
cial pour l’aider dans son travail de prospection. K.F. se pose la question de l’embauche d’un
créatif pour permettre de gagner en pertinence dans l’offre client.
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- Environnement

K.F. a lancé son affaire dans le domaine de la mode. La société MOD est spécialisée dans la
vente à façon d’accessoires de mode (bijoux fantaisie, bonneterie). Cette activité connaît un
fort dynamisme. Elle propose ses produits à de grandes enseignes de vêtements (Jennifer,
Morgan…). Les accessoires conçus en France sont fabriqués par des sous-traitants en Chine.
Son expérience passée lui a permis de maîtriser le sourcing, savoir-faire reconnu par ses
clients. Pour assurer son développement, MOD privilégie un financement bancaire. Elle
cherche à se conformer le plus possible aux attentes de son partenaire financier en soignant
ses états financiers. Les résultats des deux premiers exercices sont positifs, ce qui conforte sa
légitimé concurrentielle.

- Processus

L’envie de créer était sous-jacente mais souvent refoulée. Le projet de création a été présenté
à l’ancien dirigeant de K.F. Le fait même de présenter le projet à un autre que soi a constitué
le déclic que connaît tout créateur qui « décide de passer à l’acte ».

Pour lancer son affaire, elle a mobilisé ses réseaux amicaux et professionnels qui lui ont four-
ni des informations et conseils indispensables pour déjouer les pièges de la création.
L’intégration dans la pépinière est faible, peu de contacts sont établis ; le processus de déve-
loppement de l’entreprise se poursuit au fil des contacts nouveaux tissés ici où là. Il n’y a pas
de trajectoire préétablie. Suite au développement de l’activité, la recherche d’un partenaire

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financier ne s’est pas faite sans mal. Mais le fait de s’aventurer hors frontières de la pépinière
permet à la créatrice d’ouvrir l’éventail de ses possibles avec notamment un accès à
l’international et la prise en compte de certaines lacunes en termes de management de
l’activité. K.F. cherche alors réconfort auprès d’un organisme de formation : l’IRCE3.

La créatrice est réactive : si elle n’anticipe pas toujours l’événement extérieur ou l’action à
naître, elle est très active dans sa réaction. Son aptitude à trouver rapidement de nouvelles
solutions à l’extérieur de la pépinière démontre une forte capacité d’improvisation.

2.2.2. BAT : la conquête d’un réseau professionnel

- Individu

N.A. n’en est pas à sa première expérience de création. C’est un baroudeur solitaire qui, une
fois son diplôme en poche – BTS dans le béton armé –, a parcouru le monde. « J’ai une for-
mation atypique, autodidacte. J’ai fait du business sur trois continents ». N.A. est caractérisé
par une forte efficacité personnelle perçue (perceived self-efficacy).

Le créateur a lancé un bureau d’étude après avoir perçu une opportunité entrepreneuriale dans
le secteur du bâtiment. La société BAT propose des solutions de développement durable dans
le domaine thermique. Si N.A. maîtrise parfaitement le processus entrepreneurial, il n’a ja-
mais dirigé de bureau d’étude. Il mise sur l’expertise de ses partenaires pour s’imposer dans
ce milieu et sur sa capacité à négocier avec des clients ou des financeurs.

- Organisation
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L’entreprise a été fondée en juillet 2004. Un étudiant stagiaire de niveau bac+5 complète ac-
tuellement l’effectif. N.A. a fait le choix d’une organisation en réseau. Il a sollicité un labora-
toire universitaire d’architecture reconnu dans le domaine de la Haute Qualité Environnemen-
tale (HQE). Ce contact lui a permis de développer des relations avec deux ingénieurs archi-
tectes. Ces spécialistes HQE participent aux projets et à termes devraient être associés au ca-
pital.

- Environnement

Le marché de la Haute Qualité environnementale est prometteur et source d’opportunités en-


trepreneuriales. Il bénéficie de l’engouement actuel pour le développement durable. Le sec-
teur d’activité dans lequel évolue BAT est turbulent mais, aux dires de l’entrepreneur, promis
à de fortes perspectives d’évolution étant donné le retard de la France par rapport à ses voisins
européens. La difficulté de ce secteur est la longueur du cycle d’exploitation. Les clients po-
tentiels sont des promoteurs, des collectivités locales, des entreprises et des syndics. La stra-
tégie actuelle est fondée sur la recherche active de nouveaux marchés, cette quête étant deve-
nue d’une nécessité tant absolue qu’urgente.

- Processus

La création est poussive. N.A. a dû quitter rapidement la pépinière, ne disposant pas de res-
sources suffisantes alors même que, semble-t-il, il était venu dans ce type de structure pour
bénéficier d’avantages financiers par rapport à une installation hors pépinière. Il n’avait pas
pour autant cherché de soutien au sein de Venture, estimant maîtriser suffisamment le proces-

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sus de création grâce à ses expériences antérieures et considérant que son domaine d’activité
était trop spécialisé. N.A. travaille désormais à son domicile. Le dirigeant essaie de rompre
son isolement en construisant son propre réseau de professionnels qu’il sélectionne notam-
ment en fonction du savoir-faire et des compétences maîtrisées.

Au terme de deux ans de création, N.A. commence à « voir le bout du tunnel », dit-il. Petit à
petit, se crée une légitimité professionnelle dans un milieu maitrisé par des cabinets beaucoup
plus importants. La situation de l’entreprise est déficitaire et elle est suspendue à la capacité
de remporter rapidement de nouveaux marchés. La légitimité de l’entreprise repose sur une
nécessaire mise en réseau de l’entreprise pour contrer les gros concurrents très présents sur le
marché.

2.2.3. COM : la stratégie de labellisation

- Individus

COM est une société créée par trois amis, spécialisée dans les domaines de l’illustration, de la
création de sites Internet et de l’animation. Deux d’entre eux ont acquis une compétence dans
le domaine de l’illustration au sein de l’école Émile COHL à Lyon. Ils ont travaillé pendant
près de quatre ans pour des sociétés d’animation comme UBI SOFT ANIMATION (TONIC
TROUBLE), PRAXINOS (LES ZOORIGINAUX), CHLOE PRODUCTIONS (TITEUF) et
parallèlement pour l’édition et les agences de publicité. Au cours de cette période, ils se sont
également consacrés à la réalisation d’un court métrage. Les créateurs ont eu besoin de créer
une société pour vendre ce film d’animation. L’opportunité entrepreneuriale poursuivie par
ces trois créateurs est de nature artistique.
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- Organisation

L’organisation de COM est très simple avec un début de spécialisation des rôles. Deux des
créateurs se consacrent à l’activité d’illustration tandis que le troisième prend en charge les
questions administratives, financières et commerciales. L’activité a été lancée en avril 2005
au sein de Venture. Pour les créateurs, il était important d’être dans un contexte professionnel
pour acquérir des réflexes ou un comportement plus professionnel.

- Environnement

COM s’est positionnée dans deux secteurs très dynamiques celui de la réalisation de films
d’animation et celui de la conception de sites Internet. Le premier bénéficie d’une bonne
image. Le succès d’une entreprise comme Pixar aux États-Unis a montré que ce marché était
riche en opportunités entrepreneuriales. D’ailleurs, leur film d’animation a été rapidement
remarqué par des diffuseurs comme TPS. En revanche, la partie Internet de l’activité, depuis
l’éclatement de la bulle du même nom à partir d’avril 2000, bénéficie d’une plus faible légi-
timité. Les entreprises de ce secteur ont dû faire face à une crise de confiance voire de dé-
fiance de la part des investisseurs.

Pour l’instant, COM a un gros client pour lequel elle réalise des animations. Cette situation de
dépendance ne constitue pas un sujet d’inquiétude pour les créateurs. Ils ont démarché des
entreprises chez Venture. La précarité de ces entreprises et/ou leur manque de temps a (ont)
rarement permis de déboucher sur de nouveaux contrats. Les nouveaux clients sont souvent
des entreprises qui ont fréquenté les sites Internet développés par COM et qui sont extérieurs

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à Venture. Leur réseau est peu développé ; il se limite à des relations avec des personnes évo-
luant dans le monde de l’illustration. Ils privilégient ces liens forts dans leur recherche
d’information.

- Processus

Le processus d’émergence organisationnelle s’est réalisé chez l’un des créateurs. Le lance-
ment officiel de l’entreprise a eu lieu chez Venture. Cet engagement au sein d’un technopôle
permettait de renforcer l’image de l’entreprise. Les difficultés financières ont conduit COM à
renoncer aux locaux de la pépinière. Actuellement, l’entreprise est hébergée par l’un des créa-
teurs. Les créateurs ont conservé leur domiciliation au sein de la pépinière dans un souci de
crédibilité. Les relations avec les clients étant le plus souvent de nature électronique, il n’était
pas nécessaire de continuer à supporter la charge financière d’une location.

Les créateurs privilégient une logique de labellisation pour renforcer leur légitimité. Sur le
site Internet, ils mettent en avant leur cursus au sein de l’école Émile COHL qui constitue une
référence dans le monde de l’illustration. Ils se sont engagés dans la promotion de leur court-
métrage dans des festivals à travers leur monde. Ils ont remporté des prix qui contribuent à
renforcer leur légitimité professionnelle.

2.2.4. VIP : La stratégie de portage

- Individus

M.S., ancien cadre d’un groupe international de ciment, a repris la société VIP spécialisée
dans les services informatiques et les télécoms à valeur ajoutée. M.S. a acquis une expérience
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entrepreneuriale grâce à un premier projet de reprise en Haute-Savoie dans le secteur de la
mécanique. L’entreprise reprise, confrontée à un ralentissement de l’activité, a été cédée à son
principal client. M.S. a cherché une entreprise se situant à proximité du lieu de travail de son
épouse, employée dans une communauté d’agglomération. Cette dernière, en contact avec
Venture l’a présenté au responsable de la pépinière. Cette relation lui a permis de prendre
connaissance de l’existence d’une société en difficulté susceptible d’être reprise dans le do-
maine de l’informatique. M.S. a discuté avec son fils, employé dans la société B3G Telecom,
premier opérateur haut débit de Téléphonie IP au niveau européen. Ce dernier a jugé le projet
prometteur et s’est associé avec son père dans la reprise de VIP. M.S. ne dispose pas
d’expérience dans le domaine de l’informatique ; en revanche, il a acquis une forte expérience
tant entrepreneuriale que managériale.

- Organisation

VIP comptait une dizaine de salariés avant son dépôt de bilan. Dirigée par de jeunes créateurs
avec des carences dans le domaine du management, la société, déjà présente chez Venture, a
fait face à un marché de l’informatique difficile de 2002 à 2004. Cette société n’est pas parve-
nue à s’extraire de sa situation d’isolement au sein de Venture. La combinaison de ces fac-
teurs a conduit à un dépôt de bilan. M.S. a créé une nouvelle structure en ne conservant que
deux salariés. Depuis, le repreneur a recruté cinq autres personnes, avec une priorité donnée à
l’activité commerciale. VIP comprend deux ingénieurs commerciaux et une assistante com-
merciale. M.S. se charge de la partie administrative et participe également à la prospection de
nouveaux clients. Les techniciens bénéficient notamment des certifications Microsoft et HP.

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Cette forme de reconnaissance compense le manque de légitimité professionnelle de la part du


repreneur.

- Environnement

VIP évolue dans le secteur de l’informatique qui a connu une crise de confiance, au début des
années 2000, comme nous l’avons déjà souligné pour COM. M.S. a choisi un secteur dans
lequel les investisseurs financiers sont réservés.

M. S a bénéficié de la clientèle de la structure précédente. VIP s’adresse principalement aux


structures de taille moyenne. Le premier client important depuis la reprise est la technopole
qui a adopté la solution de téléphonie sur IP développée par VIP.

- Processus

Si VIP n’est pas une création ex nihilo, on peut toutefois concevoir la reprise comme un pro-
cessus entrepreneurial. L’accent a été mis dans la construction de nouvelles relations. M.S. a
établi des relations privilégiées avec le responsable de la structure. Cela lui a permis de com-
mercialiser sa solution mais aussi de la présenter auprès des autres créateurs. M.S. a dévelop-
pé des relations à l’extérieur de Venture en s’inscrivant dans le réseau Alizé qui est un réseau
associant l’État et de grandes entreprises qui visent au niveau local à rapprocher les entre-
prises en phase de création d’organisations existantes. M.S. a ainsi été parrainé par une entre-
prise appartenant à ce réseau et a bénéficié de conseils dans le domaine commercial. Ce ré-
seau constitue également une source de financement. Le renforcement de la compétence
commerciale ainsi que les compétences managériales de M.S. ont permis à la nouvelle struc-
ture d’atteindre rapidement le seuil de rentabilité.
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La société VIP a développé un partenariat privilégié avec la société B3G Telecom qu’elle met
en avant dans sa communication. Le développement de telles relations contribue à accroître la
légitimité professionnelle du créateur.

L’intégration dans la structure d’accompagnement favorise la survie de la firme mais ne con-


tribue pas à son développement, comme le souligne Rice (2002). La présentation de ces
quatre cas montre que la volonté de rompre une situation d’isolement dans une pépinière peut
se réaliser en privilégiant une légitimité de conformité ou une stratégie de légitimité. Le pro-
cessus de légitimation prend des formes différentes selon le type d’entrepreneurs. Nous allons
à présent relier le profil de l’entrepreneur à la construction de légitimité en retenant une lec-
ture en termes d’idéaux types.

2.3. Discussion

L’originalité de la structure étudiée tient en l’absence de coproduction directe (Rice, 2002)


entre les créateurs et les membres de pépinière. Chacune des entreprises décrites dans cette
présentation adopte un processus de légitimation spécifique même si toutes sont confrontées à
l’isolement et en souffrent à différents degrés. Toutes font état d’insuffisance, voir d’absence,
de relations d’échanges, ce qui, indéniablement est un frein à leur développement. Malgré
cela, les quatre entreprises survivent et il convient de montrer comment elles ont réagi. Quatre
trajectoires de sortie de crise sont ainsi à apprécier : comment l’absence d’écoute et, donc, de
« compréhension mutuelle » (Fayolle, 2004) oblige les créateurs à sortir d’un cadre, qu’ils
pensaient défini, pour trouver leur propre voie de développement ?

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Karim MESSEGHEM, Sylvie SAMMUT Revue de l’Entrepreneuriat, vol 9, n°1, 2010

La société MOD est caractérisée à la fois par une forte légitimité concurrentielle et profes-
sionnelle. La créatrice fait preuve d’un fort degré d’ouverture sur l’environnement. Nous qua-
lifierons ce type d’entrepreneur de réceptif. Pour MOD, l’improvisation, la réactivité et
l’adaptabilité sont les maîtres mots du développement. K.F. développe des stratégies incré-
mentales en fonction de l’évolution de son marché et de sa propre créativité dans la produc-
tion d’accessoires de mode. Il s’agit, en fonction des caractéristiques organisationnelles et
environnementales de trouver les configurations les plus performantes pour permettre à
l’entreprise de trouver un rythme de croisière. La souffrance due à l’isolement est tellement
patente que K.F. comprend qu’il lui appartient de sortir de sa solitude en sollicitant des parte-
naires extérieurs tant au plan de l’accès à la formation qu’à celui de l’activité économique. La
sortie de l’isolement se fait prioritairement par l’adoption d’une logique d’improvisation (Ba-
ker, Miner et Eesley, 2003 ; Garud et Karnoe, 2003 ; Hmieleski et Corbett, 2006). Ce proces-
sus, décrit par Cunha, Kamoche et Cunha (2003), est orienté vers la recherche d’opportunités
inattendues et la neutralisation de menaces imprévues.

Les mauvais résultats financiers de la société BAT confèrent une faible légitimité concurren-
tielle à N.A. Le fait d’être présent sur un marché prometteur ne compense pas pour autant son
absence d’expérience. L’isolement du créateur tient moins à la carence de la pépinière qu’à sa
faible intégration professionnelle. N.A. souffre d’une faible légitimité professionnelle. Nous
pouvons qualifier ce profil de créateur de marginal. Pour BAT, rentrer dans la pépinière
n’était qu’un moyen de permettre un démarrage d’activité à un coût abordable. Le nœud stra-
tégique de la création ne se trouve pas tant, selon N.A., dans l’accompagnement que dans la
création d’une équipe dans et hors de l’organisation (réseau) qu’il faut constituer. Il s’agit de
trouver les personnes idoines ayant la formation et les compétences suffisantes pour permettre
à l’entreprise de compenser sa faible expérience. Pour rompre son isolement, N.A. s’engage
dans une stratégie de légitimité fondée sur une activité de réseautage, activité essentielle en
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phase d’émergence organisationnelle (Larson et Starr, 1993 ; Rice, 2002 ; Delmar et Shane,
2004 ; Tornikoski et Newbert, 2007).

Si la société COM est reconnue dans son secteur d’activité, elle a toutefois du mal à devenir
rentable. Les trois créateurs que nous qualifierons d’artistes, concilient une forte légitimité
professionnelle avec une faible légitimité concurrentielle. COM a choisi de développer son
activité au sein de la structure d’accompagnement pour renforcer la crédibilité de son projet
auprès de ses parties prenantes. Elle s’inscrit dans une logique de labellisation qui peut être
rapprochée de la logique de certification décrite par Rao (1994). Cette légitimité de conformi-
té vis-à-vis de l’environnement se traduit par exemple par une recherche de prix auprès des
milieux professionnels. Elle ne semble toutefois pas suffisante pour rompre l’isolement de
COM.
VIP constitue un nouvel entrant dans le secteur de la voix sur IP. Il a connu en quelques an-
nées trois secteurs d’activités au gré de ses expériences professionnelles. Nous qualifierons ce
créateur de surfeur. Parmi les trois activités de légitimation évoquées par Tornikoski et New-
bert (2007), on peut noter que le réseautage a joué un rôle déterminant. Pour construire sa
légitimité professionnelle, il a décidé de s’appuyer sur des partenaires reconnus. M.S. met en
avant le partenariat noué avec B3G, leader européen de la téléphonie sur IP. Zimmerman et
Zeitz (2002) évoquent cette logique d’adossement, sur un réseau ou une entreprise établie, en
utilisant le terme de « piggyback ». Pour ces auteurs, le portage améliore la légitimité norma-
tive sociopolitique. Nous pouvons qualifier cette stratégie de légitimité de stratégie de por-
tage. Il la combine avec une légitimité de conformité en insistant sur la certification de ses
collaborateurs et sur l’expérience du créateur en tant que cadre dirigeant d’un groupe interna-
tional.

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Karim MESSEGHEM, Sylvie SAMMUT Revue de l’Entrepreneuriat, vol 9, n°1, 2010

L’analyse des cas permet de mettre en exergue quatre idéaux types d’entrepreneurs qui se
différencient dans leur quête de légitimité. Le tableau 2 résume leurs principales caractéris-
tiques et précisent les stratégies mises en œuvre pour rompre leur isolement.

Légitimité concurrentielle
Faible Forte
Les artistes Les réceptifs

Forte COM MOD


Stratégie de labellisation Stratégie d’improvisation
Légitimité pro- (Certification) (Improvisation)
fessionnelle Les marginaux Les surfeurs

Faible BAT VIP


Stratégie de réseautage Stratégie de portage
(Networking) (Piggyback)

Tableau 2. Stratégie de légitimation face au risque d’isolement

Les formes de légitimité concurrentielle et professionnelle sont apparues dans cette étude
comme des variables discriminantes. Cette typologie prolonge celle introduite par Marches-
nay (1998) et l’approfondit en lui donnant un ancrage théorique fort dans le courant sociolo-
gique néo-institutionnel. La légitimité professionnelle a pour la première fois été introduite
dans le champ de l’entrepreneuriat alors qu’elle est très présente dans la sociologie des pro-
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fessions. Cette forme de légitimité est apparue essentielle dans notre étude et peut être mise en
relation avec certains facteurs de réussite du processus entrepreneurial comme l’expérience.
Disposer d’une bonne légitimité professionnelle peut signifier pour les parties prenantes, avoir
accès à des connaissances privilégiées et ainsi pouvoir tirer partie d'opportunités (Venkatara-
man, 1997) ». Il serait intéressant de prolonger cette étude en mettant en relation les formes de
légitimité et la poursuite d’opportunité.

Conclusion

Les prestations proposées et le niveau d’engagement dans la coproduction sont variables


d’une pépinière à l’autre (Rice, 2002). Cet article se focalise sur des structures dont le rôle se
limite à fournir des facilités. Il met en relation le risque d’isolement du créateur dans de telles
structures avec la quête de légitimité. Si les résultats de notre étude convergent avec les tra-
vaux réalisés par Rice (2002) et Tornikoski et Newbert (2007), ils les complètent également.
Ils confirment, en effet, l’importance de la recherche de légitimité dans le processus entrepre-
neurial. Cette étude souligne la prédominance de la stratégie de légitimité vis-à-vis de la con-
formité de légitimité pour expliquer l’émergence et le développement de l’organisation. Notre
approche qualitative permet de mieux comprendre les ressorts de la stratégie de légitimité.
Les créateurs rencontrés ont privilégié l’improvisation et le réseautage pour construire leur
légitimité et rompre leur isolement. Nos résultats dépassent les enseignements proposés par
Tornikoski et Newbert (2007) en suggérant de placer le créateur et son profil au cœur de
l’analyse. Elle rejoint en ce sens la définition de l’entrepreneuriat proposée par Shane (2003)
en termes de nœud individu-opportunité. La compréhension du processus entrepreneurial doit

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Karim MESSEGHEM, Sylvie SAMMUT Revue de l’Entrepreneuriat, vol 9, n°1, 2010

être contingente et mise en perspective avec le profil du créateur. Cette recherche marque un
retour vers un champ délaissé depuis une vingtaine d’années, l’entrepreneur. Nous considé-
rons que la construction de typologies et de taxonomies ne s’opposent à une lecture proces-
suelle du phénomène entrepreneurial. Elles permettent au contraire de retenir une vision plu-
rielle et contingente du processus entrepreneurial.

Le second apport théorique tient à la mise en évidence d’un phénomène peu exploré jusqu’à
présent l’isolement. La sociologie et en particulier le courant interactionniste proposent une
grille de lecture qui peut se révéler féconde en entrepreneuriat. Elle permet de représenter le
phénomène entrepreneurial sous forme de dialogiques et ainsi de mieux cerner sa complexité.
L’isolement du créateur et son sentiment de solitude sont une réalité qui peut être exacerbée
dans des formes particulières d’entrepreneuriat comme dans le cas de la micro entreprise ou
de l’auto-entrepreneuriat. Le sentiment de solitude du créateur peut être un facteur source de
tension voire de troubles psychologiques et peut de ce fait avoir un impact négatif sur la per-
formance de la structure émergente. Nous avons défendu la thèse selon laquelle la recherche
de légitimité est un moyen de réduire l’isolement du créateur. Si l’étude du processus de légi-
timation fait l’objet d’un intérêt grandissant dans le champ de l’entrepreneuriat, nous appelons
à ce que de nouveaux travaux soient engagés pour améliorer la compréhension du phénomène
d’isolement en phase de création.

L’intérêt managérial de cette recherche est de proposer un accompagnement mieux adapté à


chaque profil de créateurs. Les deux principales formes de légitimité mises en évidence dans
cette contribution, professionnelle et concurrentielle, doivent être questionnées par les respon-
sables de structure accueillant de nouveaux créateurs. Les structures d’accompagnement, en
diagnostiquant la légitimité, pourront aider les créateurs à renforcer la crédibilité de leur pro-
jet. Le manque de légitimité pourra être ainsi compensé par des actions comme la mise en
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réseau ou la formation. De même, la question de l’isolement constitue une réalité pour de
nombreux entrepreneurs et ne concerne pas uniquement ceux qui renoncent à
l’accompagnement. Il est essentiel de sensibiliser à ce risque les chargés de mission à
l’accompagnement.

Cette étude qui s’est centrée sur quatre cas, mérite d’être étendue en élargissant le nombre de
créateurs interrogés et le nombre de structures. Ces premières investigations ont été prolon-
gées à partir d’une étude quantitative. Un questionnaire fermé a été administré auprès de
l’ensemble des créateurs de la pépinière. L’analyse taxonomique réalisée valide la typologie
de créateurs fondée sur la recherche de légitimité. La question de l’isolement mérite égale-
ment d’être approfondie. Dans quelle mesure les structures d’accompagnement contribuent-
elles à rompre ou à renforcer la solitude du créateur ?

Notes

1. Le concept d’improvisation utilisée dans le champ de l’entrepreneuriat comprend trois dimensions : le brico-
lage et la créativité, la capacité à faire face aux pressions de l’environnement et la spontanéité (Hmieleski et
Corbett, 2006).
2. Les entreprises d’un même âge n’évoluent pas forcément au même rythme. Certaines ont une croissance chao-
tique alors que d’autres connaissent un scénario plus harmonieux et progressif.
3. IRCE : Institut Régional pour la Création et le développement des Entreprises.

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Karim MESSEGHEM, Sylvie SAMMUT Revue de l’Entrepreneuriat, vol 9, n°1, 2010

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© Académie de l?Entrepreneuriat et de l?Innovation | Téléchargé le 19/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.121.3.46)

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