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μαρτύρων Ούαλεριανου,Κανιδίου,
ζού ν τ ι.
Ε ύ λ ό γ ησον.
Le décret de persécution.
(1) Alors qu’ils régnaient dans la grande et bienheureuse Rome, Dioclétien et
Maximien décidèrent avec les prêtres des prétendus dieux, par un décret commun
et unanime, d’ordonner à tou$, partout, de sacrifier aux dieux. Ils convoquèrent
les chefs et les exarques de la cité et tout le sénat et leur exposèrent ·Σ€ leur
projet et leur commune décision. Voyant leur plein accord avec ce dessein, ils s'en
réjouirent et dirent: «Grâces soient aux dieux bienveillants et immortels qui,
comme chacun le sait, se sont révélés à tous et nous ont donné la religion ». Immé
diatement les empereurs firent afficher au Capitole de Rome un écrit portant ·ι·;
la souscription du sénat et des exarques de la cité, contenant leur décision commune
et ainsi libellé : « Empereurs tout-puissants, victorieux, vainqueurs, augustes, très
grands, pieux, Dioclétien et Maximien, avec le sénat et les exarques, en plein
accord dans leur projet et leur décision, conscients ou plutôt bénéficiaires des
dons et présents dont les dieux nous ont gratifiés, puisqu'ils nous ont accordé
victoire et triomphe sur les peuples, conscients également que par un agréable
climat qui donne des fruits variés, ils sont pour nous tous bienfaisants, à cause
de tout cela, en accord avec le très pur et sacré sénat, nous décrétons que,
sans aucun délai, tous, quelle que soit votre condition, libre ou esclave, soldat ou
homme du peuple, vous accomplissiez les sacrifices propitiatoires aux dieux,
vous prosternant devant eux avec prières et supplications. Si quelqu'un voulait
s’opposer à ce très sacré édit qu'ensemble nous promulguons, nous ordonnons
qu'il soit condamné aux fers et à une obscure prison et soumis à divers
supplices; s'il se laisse convaincre, qu’il reçoive de notre part des honneurs
exceptionnels, mais s’il refuse, qu'il soit après de multiples tortures puni par
l’épée, jeté au fond de la mer ou donné en pâture aux oiseaux ou aux chiens; et ce,
5 Trébizonde. pp. 310-314. Le texte grec de cette Passion, tout en étant fort vivant,
comporte une part de gaucherie et de maladresse dans le style, qui. par rapport au texte
parallèle de Xiphilin. constitue l’une de ses caractéristiques (Ibid. pp. 316-318). Nous
avons cherché à respecter en quelque sorte cette gaucherie en maintenant, par exemple,
les répétitions rapprochées de mêmes mots ou expressions.
6 Canidios — ou, plus exactement Kanidios — est quelquefois aussi appelé dans le
texte grec Ranidés. Nous avons adopté partout la forme Canidios. Dans la version
arménienne le saint est appelé Kantitos, Candidos.
148 B MARTIN-HISARD
Persécutions en Egypte .
Telle étant la décision impériale, il arriva en ces jours-là que des Grecs de la
cité d’Alexandrie vinrent trouver les tyrans en criant et disant : «On conteste les
sacrifices aux dieux, on n'honore plus les dieux très grands. Alexandrie, toute
l'Égypte, la Thébaïde sont remplies de ceux qu’on appelle chrétiens; tout lieu désert
est rempli de moines, ce sont eux, et non nos dieux, que suivent les hommes; sacri
fices aux dieux et culte ont cessé». A ces mots les tyrans furent bouleversés et
une vive colère les anima contre les archontes de ces régions; ils convoquèrent
tout le sénat et les chefs de la cité, tinrent conseil entre eux et décidèrent que
l'empereur Dioclétien partirait à Alexandrie arrêter les chrétiens tandis que
Maximien resterait à Rome à cause de l’attaque d’un peuple ennemi.
L'empereur Dioclétien partit avec déploiement de force et de prestige, les
habitants de l’Égypte, d'Alexandrie, de la Thébaïde et de la cité d'Antinoé
apprirent ce que faisait Dioclétien aux chrétiens dans les cités et les campagnes,
comment il punissait les saints et les serviteurs du Christ, comment il les
pourchassait en appâtant les gens par de l'argent pour qu'ils trahissent les chrétiens;
alors ils s'enfuirent vers les déserts ou vers une autre patrie; beaucoup se
livrèrent spontanément au tyran à cause du royaume des cieux qui leur était
promis afin de mériter d'être couronnés.
Arrivé à Alexandrie, Dioclétien arrêta un grand nombre de chrétiens, beaucoup
de moines et d'anachorètes et, parmi eux également, le gouverneur de la Thébaïde,
Arrien, et les quatre gardes du corps7 8; en effet, après avoir vu certains miracles
que Dieu avait accomplis par ses saints Askla, Philémon le joueur de flûte et
Apollônios le lecteur, Arrien et les gardes du corps avaient suivi le Christ. Ils furent
dénoncés à l'empereur et conduits dans la cité d’Alexandrie, et l’empereur leur
fit subir de nombreux supplices avant de les faire jeter à la mer, enfermés dans
un sac de sable9. Il arrêta encore beaucoup d'autres saints grâce à l’argent et les
fit périr dans des tortures multiples et variées, et tous recevaient du Christ les
couronnes de gloire. Dioclétien resta un certain temps à Alexandrie, il effraya tout
le monde par les tortures et les menaces, et il établit que les impies menteurs et
Canidios et Akylas.
En cours de route, ils virent un homme qui travaillait avec un attelage de
bœufs, ils le saisirent et lui demandèrent: «Où se cache ce maître des
chrétiens?» et «Est-ce toi?» II leur répondit: «Moi, je suis pécheur, je ne
connais pas l’homme, ce maître, que vous cherchez». Les dénonciateurs dirent
aux soldats : « Attachez-le et conduisez-le au gouverneur : battu, il dira tout ».
Les soldats lui dirent: «Montre-nous seulement l’endroit et nous te laisserons
aller». Il leur dit: «Comment puis-je vous montrer un juste, un innocent?»
Interrogatoire.
(9) A ces nouvelles, le duc rassembla le lendemain toute l’armée et la garde
et partit. En cinq jours il arriva à Trébizonde et demanda aux soldats s’ils
avaient finalement trouvé le troisième maître des chrétiens. Ils répondirent
MJ qu’ils
ne l’avaient pas trouvé. Quant aux saints qui étaient en prison, ils veillaient dans
une inlassable action de grâces et disaient : « Seigneur Jésus-Christ, ne livre pas aux
bêtes féroces les âmes qui Te confessent18, et ne nous oublie pas, mais délivre-nous
de la main de ceux qui nous haïssent, défends-nous par Ta main puissante et mène
à son terme la route de notre combat selon Ta promesse ». De bon matin, Lysias
vint demander aux soldats où se trouvait le démosion19 où devaient être interrogés
les condamnés. Les gens de la cité répondirent que le démosion se trouvait en
bas, non loin du littoral, près de la porte du nord20. Une foule d'habitants les
accompagna.
Le duc entra, s'assit à la tribune et ordonna au komentarèsios de faire
venir pour
£8 l'interrogatoire tous ceux qui étaient en prison. Le komentarèsios se
rendit à la prison, il emmena les saints enchaînés et dit au duc : « Fais-les entrer après
les avoir préparés21 ». Les saints, quant à eux, priaient ainsi : «Seigneur Jésus-
Christ, Fils du Dieu tout-puissant, miséricordieux. Tu as dit par la bouche du
bienheureux David : «ouvre la bouche et je la remplirai22 », et Tu as dit encore
par Tes saints évangélistes: «ne vous préoccupez ni de ce que vous direz, ni
comment, car à l'heure même il vous sera enseigné ce que vous devrez dire23»,
maintenant, maître. Christ, voici qu'est arrivée l'heure de la promesse, envoie Ton
ange, mets une parole en notre bouche quand elle s'ouvrira et, ainsi, mis en
présence du duc impie, nous le convaincrons de son impiété envers Toi. Les coups
ne nous font pas peur car Tu es devant nos yeux ». Tandis que les saints parlaient
ainsi, les bourreaux déchirèrent leurs vêtements et les introduisirent devant le tyran.
(10) En les voyant, Lysias dit : «Les voilà donc les maîtres des chrétiens que
l'on recherchait, ceux qui trompent les hommes! Qu'ils nous disent leur nom et
leur condition »24. Les saints dirent : « Nous sommes chrétiens, en effet c'est le nom
de sainteté qu'il faut dire en premier». Interrogés encore sur leur condition et
leur nom, les saints dirent: «Chez les chrétiens, il n'y a pas de condition à
dire, mais pour les noms donnés par nos parents, moi, je m'appelle Valérien ».
«Et l'autre, qui est-il?». Il répondit: «Canidios». «Et l'autre, qui est-il, celui
qui a choisi de se livrer et s'est de lui-même nommé chrétien?» Il répondit:
«Akylas». Le duc dit : «Et où se trouve votre troisième maître, celui que nous
recherchons particulièrement? » Les saints dirent : « Nous avons entendu dire qu'il
enseigne dans cette cité. Si Dieu l'aime. 11 te le livrera, car il est écrit: «celui
que le Seigneur aime. Il l'enseigne, Il châtie tout homme qu'il adopte25». Le
duc dit : « Est-ce vous qui avez appris à chacun à ne pas adorer les dieux et
à ne pas appeler roi l'empereur Dioclétien?» Les saints dirent: «Nous, nous
avons enseigné à quiconque venait vers nous le chemin de la vérité, nous ne
connaissons pas le nom d'autres dieux ou divinités en dehors de Jésus-Christ,
le roi qui a reçu du Père le pouvoir de juger les vivants et les morts, particulière
ment vous les impies, et alors vous comprendrez envers qui vous avez été impies ».
Le duc dit: «De qui tient-il ce pouvoir?» Les saints dirent: «De son Père
tout-puissant qui a fait le ciel et la terre et tout fondé par Sa sainte parole». Le
duc dit: «C'est celui que les Juifs ont crucifié dont vous dîtes qu’il juge le
monde? » Les saints dirent : « Dans Sa puissance II a décrété que les morts ressus
citent, et II juge le monde avec justice, aux impies est réservé le feu qui ne
s'éteint pas». Le duc dit : «Une fois morts, nous ressuscitons donc?» Les saints
dirent: «Oui, comment en effet Dieu peut-II juger le monde s'il n'y a pas de
résurrection des morts? Il éprouve dans le feu les œuvres de chacun. Et sur
vous, les impies, il est écrit: «au tribunal les impies ne se dresseront pas, ni les
pécheurs à l’assemblée des justes26». Apprends de nous que les âmes que vous
violentez et torturez vous seront réclamées par Dieu, alors II vous rejettera dans
les ténèbres extérieures et dans le feu éternel qui ne s'éteint pas et qui a été
préparé pour votre père, Satan, pour ses anges, et pour vous, impies, et tous ceux
qui ne Le reconnaissent pas27 ». Le duc se mit en colère contre eux et ordonna de
les écarteler avec des cordes et de leur déchirer le dos à l'aide de nerfs de
bœuf jusqu'à faire couler leur sang.
25 Prov. 3. 12.
26 Ps. 1. 5;
27 Mt. 25, 41.
28 Sur le supplice du bois ou des ceps, auquel, d'après Ap. 16. 24-27. furent soumis
Paul et Silas. J. Vergote. «Les principaux modes de supplice chez les Anciens et
dans les textes grecs», dans Bulletin de l'institut Historique Belge de Rome 1939.
20, p. 146.
29 Cf. Ps. 104(103), 2-3.
156 B MART1N-HISARD
de ce feu ; Toi qui as dissipé la flamme de la fournaise pour Tes trois enfants
et consumé ceux qui se trouvaient alentour30, jette aussi les yeux sur nous et
dissipe la flamme de ce feu pour que Ton nom soit glorifié dans les siècles ». Comme
ils priaient ainsi, brusquement ceux qui portaient les lampes furent projetés à terre
comme morts et ils ne pouvaient se relever. Ce que voyant Lysias fut effrayé
ainsi que toute l'assistance. 11 ordonna de les détacher du bois et de les
conduire en prison. En chemin ils chantaient: «Toi qui habites à l'abri du
Très-Haut31, délivre-nous par Ta main puissante. Seigneur, que l'épreuve ne nous
atteigne pas, et mène à son terme la course de notre combat pour Ta
satisfaction». Ils veillèrent ainsi jusqu'au matin.
30 Daniel 3, 46-50.
31 P.v. 91 (90). 1.
32 Sur la grotte où se cachait Eugène. J.P. Meliopoulos. «La grotte de saint
Eugène à Trébizonde». dans Archeion Ponton. 6 (1955). p. 159-168.
33 Λ/ζ. 10, 32.
34 Jonas 1. 3.
35 Ps. 27 (26). 3.
PASSION D’EUGÈNE À TRÉBIZONDE 157
dire la vérité En entendant cela, ceux qui étaient là partirent tous ensemble
vers la grotte avec la femme. Des hommes de la garde du tyran apprirent ce tumulte
de la foule, ils prirent des soldats en armes et partirent eux aussi avec un
grand nombre d'habitants de la cité. La femme leur montra l'endroit et ils
entendirent à leur tour la voix du saint et bienheureux Eugène.
Certains hésitèrent à avancer pensant que c'était un esprit, mais d'autres
s’enhardirent et entrèrent en armes dans la grotte, et ils virent le saint
debout qui chantait, louait et glorifiait Dieu; ils s’approchèrent et l'entourèrent,
le saint n'arrêta pas sa prière et dit : « Des chiens nombreux m'ont entouré,
une foule de méchants m'a assiégé36». Ils lui demandèrent: «Qui es-tu?
D'où es-tu? Que fais-tu là? Est-ce toi que recherche notre gouverneur, celui
qu'on appelle le maître des chrétiens?» Le saint répondit: «Je suis chrétien».
Et ils l’interrogeaient : « Es-tu de cette cité ou d'une autre?» Mais le bienheureux
se contenta de répondre:
•Λ «Je suis chrétien». Ne pouvant obtenir de lui la
moindre précision, ils le traînèrent vers la cité pour le présenter au duc. Et lui,
tiré et poussé,
MJ disait : «'Dans la voie du témoignage37...
Interrogatoire 38.
(16) ...Es-tu de cette cité ou d'une autre région?» Saint Eugène dit: «De
cette cité». Le juge lui dit : «Quel est ton nom?» Le saint dit : « Deux fois déjà je
t’ai dit que je suis chrétien». Le juge lui dit : «Tu n'as donc pas de nom?» Le
saint lui dit: «Je ne suis pas sans nom, mais sujet du Christ, et je m'appelle
Eugène ». Le duc dit : « Puisque tu es si bien né et renommé, avance donc et
sacrifie aux dieux sous peine de supplices». Le saint dit : «Je ne connais pas les
dieux étrangers, car nos parents ne nous ont pas enseigné cette voie, mais
j'adore Dieu, le Père tout-puissant, notre Seigneur Jésus-Christ, et Son Esprit-
Saint». Le duc dit : «Assez de folie, Eugène, sacrifie au dieu que tu veux : Zeus,
Apollon ou Artémis». Souriant en lui-même, saint Eugène dit au tyran : «Où sont
tes dieux?» Croyant qu'il voulait sacrifier, le duc ordonna de le conduire là où se
dressaient les dieux et le duc dit au saint : « Eugène, si tu m'obéis et sacrifies aux
dieux, oui, par le salut des empereurs, tu mériteras des honneurs impériaux
quand nous aurons fait part à nos empereurs de ton éducation et de ton
civisme, et moi-même je te gratifierai de dons exceptionnels». Et le duc se leva
MJ ur aller là où se dressaient les dieux.
renversé Bel, brisé le dragon et livré les prêtres à la mort39, Toi qui as couvert
de honte leur roi et l'a condamné pendant sept temps à retourner avec les
bêtes sauvages afin qu'il reconnaisse que Tu es le Dieu fondateur et créateur
universel40, maintenant, encore, Maître, Seigneur, renverse et détruis leurs idoles
afin qu'ils Te connaissent. Toi, le seul vrai Dieu, et Ton envoyé dans le monde,
notre Seigneur Jésus-Christ ». Et comme il finissait sa prière, les trois gigantesques
statues s'écroulèrent brusquement, réduites en poussière comme du sable et les
esprits qui les habitaient en sortirent en vociférant: «Eugène, pourquoi nous
chasses-tu de nos demeures? Nous ne sommes pas des dieux mais des démons,
et nous nous étions installés dans ces statues dont nous admirions la beauté;
maintenant nous t'en prions, ô saint, ne nous expulse pas au loin». Mais le
bienheureux leur enjoignit de ne plus nuire à personne et de partir dans les
montagnes du Caucase.
Tout le peuple de la cité voyant les dieux en miettes et le saint qui parlait
aux esprits crut en notre Seigneur Jésus-Christ et s'écria d'une seule voix : « Un seul
Dieu, celui des chrétiens! un seul Dieu, celui de saint Eugène! car nous avons vu
abattus Zeus, Apollon et Artémis». Et le saint dit aux habitants de la cité : «Vous
tes avez vus, les dieux que vous adoriez! Ils ont été incapables de se sauver
eux-mêmes, comment pourraient-ils en sauver d'autres? Abandonnez-les et
approchez-vous de mon Dieu pour •λ qu'il vous sauve».
(18) Le saint voulait encore parler de la foi au Christ, mais le duc impie
l’interrompit et dit: «Vraiment les dénonciateurs avaient raison de nous dire
que tu as détourné les soldats de l'empereur d’adorer les dieux et que tu enseignes
à adorer Jésus-Christ le crucifié ». Saint Eugène dit : «Tu n'as pas honte d'appeler
dieux ceux que voici réduits menu comme du sable fin?» Le duc dit : «Tu parles
en regardant vers les airs, n’es-tu donc pas un chef de magiciens? Car moi, je ne
vois personne et toi, tu parles comme si tu voyais, et aucun de ceux qui sont là n’a
vu ou entendu quoi que ce soit ». En colère, le duc ordonna de le faire redescendre
au démosion pour l’y battre et supplicier.
Supplices d’Eugène.
Le saint, conduit et traîné, redescendit au démosion. Le duc s'avança, s’assit à la
tribune et ordonna aux soldats41 d’introduire le saint après l'avoir préparé. Ils
déchirèrent le vêtement qu'il portait, le ceignirent d'un linge et le conduisirent
devant le tyran. Le duc dit: «Confesse les dieux au lieu d'être torturé». Saint
Eugène dit: «Je suis chrétien, tu l'as souvent entendu, je ne sacrifie pas aux
démons impurs». Le duc dit: «Ne t’occupe pas de ceux qui sont tombés,
sacrifie à ceux qui restent, Asclépios et les autres dieux, sinon je te sépare l'âme
du corps». Saint Eugène dit : «Qui nous séparera de l'amour du Christ, ni le feu,
ni la torture, ni la peur, ni aucun autre supplice42. Commence par envoyer des
médecins soigner tes dieux en miettes!»
39 Dawe/ 14.
40 Da»/?/ 4. 26-34.
41 Le manuscrit comporte ici en fait «aux saints», ce qui n'aurait aucun sens.
42 Rom. 8, 35.
PASSION D EUGÈNE À TRÉBIZONDE 159
(19) Furieux devant toutes ces paroles du saint, le duc dit aux bourreaux:
« Dressez-le en l'air, écartelé par des cordes, et frappez-le avec de gros bâtons
puisqu'il a blasphémé contre les dieux». Après qu'il eût été frappé énergiquement,
le tyran dit aux bourreaux : « Approchez-le du bois et écorchez-le vigoureusement
jusqu'à ce qu'il change d'idée». Les bourreaux approchèrent le saint du bois,
l'écorchèrent fortement, le sang du martyr coulait comme de l'eau et le duc dit :
«Je vais te l'enlever de la tête, ta folie! que ton Christ vienne te délivrer des
supplices! » Saint Eugène dit : « Mon Christ m’a déjà sauvé et II me sauvera encore
de tes mains criminelles, car, ô impie, je ne souffre absolument pas de tes tortures,
le Sauveur les adoucit ». Ces paroles du saint et son absence de souffrances irritèrent
encore davantage le tyran qui envisagea de plus grands supplices et dit aux
bourreaux : « Approchez des torches de son corps et versez du sel sur ses plaies ».
Malgré ces nouvelles tortures, il trouva en lui la même fermeté. Respirant
profondément, le martyr du Christ priait et disait : « Seigneur Jésus-Christ, Toi qui
as délivré Ton apôtre
•IC Paul de nombreuses angoisses et tribulations et l'a établi
héraut des peuples païens. Toi qui as délivré Pierre de Simon le magicien43, Toi
qui as dépouillé l'Hadès et sauvé les âmes des pécheurs, Toi qui guides les égarés
vers Ton royaume, mets fin à la folie des Hellènes, fais disparaître les sacrifices
rendus aux idoles et manifeste ceux qui T'adorent dignement».
43 Ap. 8, 9-24.
44 Daniel 3. 46-50.
160 B. MARTIN-HISARD
Le miracle.
A ces mots, le tyran en colère ordonna de jeter les saints dans le feu. Et tous, fai
sant le signe de croix, entrèrent dans le feu, saint Eugène en tête, puis les autres. Des
anges de Dieu les accueillirent et ensemble, ils se promenaient dans le feu, louaient
notre Seigneur Jésus-Christ, priaient et disaient : « Dieu tout-puissant. Toi qui as
envoyé Ton Verbe pour MJ le salut de nos âmes, dissipé les douleurs de la mort
et racheté les âmes prisonnières, écoute-nous, nous pécheurs, mène à son terme
notre course, joyeusement, dans Ta louange, et fais que désormais Ton monde
connaisse la paix afin que Tes justes soient manifestés». Au bout MJ de deux jours, la
flamme de la fournaise s'éteignit, les saints apparurent et les anges remontèrent
au ciel ; il n’y avait sur eux aucune odeur de brûlé, le feu n’avait triomphé ni d’un
cheveu ni d’un vêtement ni de rien d'autre.
(22) Le duc envoya des hommes voir si le feu les avait vaincus et s’ils vivaient
encore. Les soldats allèrent mais à la vue des saints qui chantaient, ils se
prosternèrent devant eux. Les bourreaux
MJ vinrent dire à Lysias : « Les saints sont
vivants, ils louent leur Dieu, et non seulement le feu ne les a pas brûlés mais les
soldats que vous avez envoyés les adorent».
(23) A ces mots, le tyran, furieux, vit qu'il avait été confondu par les saints et
que déjà tous croyaient au Seigneur, alors il décréta la peine capitale contre les saints
Valérien, Canidios et Akylas et il ordonna que le bienheureux Eugène soit conduit
en prison, attaché à un très grand bois auquel ses pieds seraient fixés par de grands
clous et qu'il se tienne debout
MJ au milieu de la prison. Sur le champ les bourreaux
m;
exécutèrent les ordres, le sang jaillit des pieds du saint et coula comme de l'eau.
Les autres saints, Valérien, Canidios et Akylas, sortirent de la fournaise et ils
ne cessaient de prier en attendant leur fin.
Exécution.
La sentence promulguée contre les saints, les bourreaux vinrent exécuter les
ordres, ils conduisirent un peu à l’écart du feu les saints qui leur demandèrent
un court délai pour prier, et, tournés vers l’est ils dirent : «Tu as dit Toi-même,
Maître, dans Tes saints évangiles qu’un seul moineau ne peut être capturé malgré
Toi45; et c'est Toi, Seigneur, qui as donné la force à nos bienheureux pères de
46 Sur ce lieu où convergent deux rivières qui correspondent aux roules vers
Ediska et Solochéna, Chrysanthos p. 178. L'arménien a compris Xaraba comme
Haraway, du midi.
162 B. MARTIN-HISARD
transporte appartient à celui qui est originaire de ce lieu ». Ils prièrent et détachèrent
les bêtes. L'animal qui portait
•i·: saint Canidios partit vers Solochéna47, or c'était la
bête appartenant à saint Valérien; quant à la bête appartenant à saint Canidios. elle
transporta semblablement saint Valérien vers le lieu d'où il était originaire48.
C'est ainsi qu'ils les reconnurent, et, de nuit, grâce à un peu de lumière, ils
transportèrent chaque corps sur son animal et ils partirent joyeux vers leurs
villages; quant aux têtes, ils les avaient reconnues clairement. Ils enveloppèrent
les corps des saints et les déposèrent dans leurs villages en attendant la fin des
persécutions pour élever des martyria aux saints et accomplir ainsi leur dernière
déposition,
•Tr pour la gloire du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
V. LA FIN D'EUGÈNE.
Miracle des clous.
(26) Saint Eugène était en prison, les pieds cloués au bois, et, debout, sans
cesse, il louait Dieu et Le confessait en disant : « Dieu tout-puissant. Toi qui as
asséché la mer Rouge et par le saint prophète guidé Ton peuple pour la traverser
telle une terre, en le délivrant de l'attente de ses ennemis et de la main de
Pharaon; Toi qui, par une voix angélique, as renversé les murailles de Jéricho49;
Toi qui, par la foi de Tes saints prêtres, le son des trompettes et par Jésus,
fils de Nûn, Ton élu, as arrêté le soleil sur Gabaon et la lune sur la vallée
d'Ayyalôn afin de procurer la paix à Ton peuple50; Toi qui as délivré Ton
apôtre Pierre qui était attaché à quatre fois quatre soldats et l'as délivré du
dessein d'Hérode et de l'attente des Juifs51; Toi qui as fait échapper Tes
saints apôtres toujours enfermés par les prêtres et les grammairiens et leur a
donné d'enseigner avec liberté de parole52; Toi qui as délivré Paul et Silas du
bois du supplice53; maintenant encore, Toi, Maître, envoie Ton ange et délivre
mes pieds de ces entraves et de l’attente du duc impie».
Comme il priait ainsi, un ange du Seigneur descendit des cieux, il se fit une
grande lumière dans la prison et tous tombèrent à terre, frappés d'effroi54. A sa
vue, le bienheureux Eugène le vénéra et l'ange du Seigneur, s'approchant, arracha
les clous de ses pieds et guérit ses plaies. Et il lui dit: «Supporte jusqu'au
bout les supplices qu'on t'inflige afin que. avec une foule d'anges, nous allions
au devant de toi, comme pour tous les saints, en chantant l'hymne de victoire».
Ceux qui étaient en prison entendaient eux aussi un peu la voix de l'ange et
ils étaient effrayés. L'ange, sa mission remplie, remonta au ciel.
(27) Lysias descendu au démosion ordonna de faire venir saint Eugène, en le
portant, il pensait en effet qu'à cause du supplice des clous qu'on lui avait
infligé il ne pouvait
MJ plus marcher. Le komentarèsios partit avec les soldats,
ils virent la prison fermée et les gardes debout devant les portes, mais ils trouvèrent
Eugène, assis, qui chantait et louait Dieu. Pleins d'admiration, ils demandèrent
aux autres prisonniers ce qui se passait. Et voyant les clous qui gisaient devant
le saint, ils étaient terriblement effrayés. Finalement les autres prisonniers leur
racontèrent tout ce que l'ange avait fait. Alors tous ensemble, les prisonniers se
jetèrent aux pieds du saint et crurent au Christ. Les soldats l’emmenèrent et le
conduisirent au démosion où était assis le duc; une foule nombreuse d'hommes
et de femmes les suivit pour voir la fin du saint.
Arrestations en Orient.
(2) Lorsqu’ils furent arrivés en Orient, tous les chrétiens, sur l'ordre de
ces bêtes sanguinaires, étaient arrêtés par leurs bourreaux impies, sou
mis à d’impitoyables tortures; bien plus, à ceux qui livraient les
chrétiens cachés, ils offraient les biens de ceux qu'ils avaient dénoncés,
p. 392 Alors les païens, voyant que ceux qui trahissaient les chrétiens / en
recevaient des richesses se mettaient à faire des recherches pour
découvrir quelqu'un des croyants et le livrer aux mains de ces bêtes
charognardes64.
68 Cf. note 15. Il s’agit de Ediské. L’arménien parle de gmrar Itiskon et plus bas.
§7, de Tiskana.
69 En arm. amur qui rend le grec kastron. Il s’agit sans doute, selon J. P. Mahé.
moins de forteresses, stricto sensu, que de lieux d'accès difficiles, fortifiés seulement
en ce sens-là, ce qui correspond bien en effet au type de cachettes des saints (épaisse
forêt, grotte).
70 Le mot de «soldats» ne figure pas dans le texte arménien qui serait cependant
incompréhensible sans cette addition qu'autorise le texte grec.
168 B MARTIN-HISARD
Valérien et Akvlas.
9
Et ils virent un homme qui labourait avec une paire de bœufs, ils
le saisirent et lui demandèrent : « Où sont les chrétiens qui se cachent? Est-
ce toi?73» Il répondit: «Moi, je ne suis qu'un pécheur; quant à ce
74 Bawakan êr inj yarajasac(eal anunn or vayelouci ër ascl je:, ce qui est assez différent
du texte grec.
75 Le texte arménien a ici un singulier surb qu’il faut corriger en un pluriel
d’après le sens et le texte grec.
170 B. MARTIN-HISARD
Interrogatoire.
(10) Quand Lysias les vit, il les interrogea et dit: «Dites-moi vos
noms, comment vous vous appelez, et aussi les cultes que vous
rendez, les holocaustes que vous offrez, l'objet de votre adoration ». Les
saints répondirent: «Tu veux savoir nos noms véritables et justes?
nous sommes chrétiens, nous ne connaissons ni destinée ni sort81;
cependant par nos pères et mères nous avons été appelés Valérien
et Candidos ». Le gouverneur dit : « Et votre autre compagnon,
celui qui a dit de lui-même qu’il était chrétien, comment s'appelle-t-il?»
Il répondit lui-même et dit: «Je m’appelle Akylas». Le duc dit: «Et
votre troisième maître, où est-il, lui que l'on recherche tout particulière
ment?» Les saints dirent: «Nous avons entendu dire à son sujet
qu'il est ici dans la cité. Si Dieu l'aime. Il le manifestera et te le
livrera, car il est écrit justement rle Seigneur corrige et châtie qui
conque Il reçoit pour fils’8283 ». Le gouverneur dit: Est-ce vous qui
enseignez à ne pas sacrifier aux dieux et à mépriser les ordres des
empereurs?» Les saints dirent : «Oui, nous avons enseigné à ceux qui
venaient vers nous le chemin de vérité qui conduit à la vie éternelle
et à offrir des holocaustes non sanglants à la Trinité une et con
substantielle; nous ne connaissons pas d’autre nom de dieu ni de
p. 397 roi que celui de Jésus-Christ, roi éternel / qui a pouvoir de vie
et de mort». Le duc dit: «Et de qui tient-il ce pouvoir?»
!M Les saints
dirent : «Du Père tout-puissant qui a fait les cieux et la terre et a tout
créé par sa parole». Le gouverneur dit: «Celui que les Juifs ont
crucifié, c’est lui qui juge les vivants et les morts?» Les saints dirent :
«Oui, c'est Lui qui juge l’univers par Sa puissance, et II fera ressusciter
les morts et réservera aux impies le feu qui ne s’éteint pas et le ver
éternel». Le gouverneur dit: «Une fois morts, nous ressusciterons?»
Les saints dirent : « Comment Dieu pourrait-il autrement juger l'univers
avec justice, c’est-à-dire accorder la gloire aux justes et les souffrances
éternelles aux pécheurs? Toutefois sur vous, les impies, il est écrit
rles impies ne se dresseront pas au jour du jugement non plus que les
pécheurs à l’assemblée des justes183, mais sachez que les âmes de
ceux que vous aurez torturés et, dans votre injustice et impiété, con
damnés, Dieu vous les réclamera sans faire acception de personne,
et 11 vous jettera dans les ténèbres extérieures qui ont été préparées rpour
votre père Satan et pour ses anges184, pour tous les impies et tous
ceux qui ne Le reconnaissent pas». Alors le duc se mit en colère
contre les saints, tel une bête sanguinaire, et il ordonna à quatre
soldats d'attacher les saints par les pieds et les mains avec des
cordes et de les frapper à coups de nerfs de bœufs jusqu'à ce que
leur sang coule à terre.
84 Ml. 25. 4L
85 Düw/e/ 3. 48-50.
Cf. Jn. 18. 6.
PASSION D’EUGÈNE À TRÉBIZONDE 173
Arrestation.
(13) Cependant le bienheureux martyr Eugène se trouvait caché
en dehors de la ville dans la grotte appelée Les Epines. Le
Seigneur lui apparut en songe la nuit comme en plein jour et lui dit :
« Eugène ! », et il dit : « Me voici, Seigneur ! ». Et le Seigneur lui dit :
«Tu as vu ceux qui t’ont précédé dans le royaume des cieux et tu
n’as pas entendu la parole de l’Evangile qui dit : 'celui qui me confessera
devant les hommes, moi-aussi je le confesserai devant mon Père qui
est dans les cieux187 ». Et de nouveau le Seigneur lui dit : « Montre-toi à
ceux qui te cherchent, ne résiste pas à mon ordre comme Jonas,
annonce la parole de vie, enseigne, sans crainte et sans honte, car
je suis avec toi ». Sur ces paroles, le Seigneur remonta au ciel avec les
anges et saint Eugène écoutait tout cela comme en plein jour. Se levant
il se mit en prières et il rendait grâces au Seigneur et glorifiait Dieu jour
et nuit.
p. 399 Il advint qu’une femme passa / dans le lieu appelé Varanxay87 88,
près de la grotte dite Akantis89 pour ramasser du bois, et elle entendit le
son d’une psalmodie car saint Eugène priait90. Et la femme dit : «J’ai
entendu un bruit de voix étrange dans la grotte des Akantis, des
paroles d’homme, et je ne sais pas ce que c’est ». Les habitants de la
ville, à ces mots, lui dirent: «Tu es donc possédée des démons et ils
t’ont rendue folle! Comment peux-tu dire : J’ai entendu une voix et je
n’ai vu personne!» Et la femme insistait et affirmait dire la vérité. Mais
comme certains écoutaient au milieu de la rue, des hommes et des servi
teurs du juge se rassemblèrent là et, d’un commun accord, ils suivirent la
femme jusqu’à la grotte dite des Akantis, ils emmenèrent avec eux des
hommes et des gens en armes. Des hommes et des femmes de la cité
descendirent avec eux et la femme leur montra la grotte; une voix
parvenait aux oreilles de la foule car le bienheureux Eugène chantait des
psaumes.
Frappés de terreur, ils craignirent de pénétrer dans la grotte, car ils
Interrogatoire.
(15) Ce dernier passa toute la nuit à prier Dieu; retiré à l'écart des
autres, il priait ainsi: «Seigneur Dieu, Père tout-puissant. Dieu de
nos pères Abraham, Isaac et Jacob, Tu as envoyé Ton Fils unique, notre
Seigneur Jésus-Christ, en ce monde, et par Lui nous avons reconnu Ta
divinité, Il est venu et a pris chair de l’immaculée Vierge Marie, Il
s’est manifesté sur terre et a circulé parmi les hommes, Il a rendu devant
Ponce Pilate le témoignage le meilleur, Il a supporté la croix et la mort,
Il est ressuscité le troisième jour et nous a délivrés de l'esclavage des
lois écrites. Il est devenu le chef des martyrs, "prémices de ceux qui
se sont endormis197, le dispensateur de la patience, le commandant
des saints anges, Il a rempli les saints apôtres de la connaissance et
leur a ordonné de ne pas quitter Jérusalem, mais d'attendre la
bonne promesse du Père descendue des cieux. Et maintenant, notre
Seigneur Jésus-Christ, fortifie-moi par ta sainteté, place en ma bouche,
lorsqu’elle s'ouvrira, une parole pour que je confonde ces impies et
supporte
MJ courageusement ces souffrances qu'ils nous infligent».
(16) Après cela, le duc Lysias vint s'asseoir au tribunal sur une
estrade et ordonna d'abord au komentarios, c'est-à-dire au commandant
des soldats, d'aller auprès du saint, de lui adresser des paroles
persuasives au cas où, peut-être, il se laisserait convaincre de
p. 401 sacrifier aux dieux. / Quand saint Eugène apprit que le duc le faisait
appeler, il eut hâte d'être devant lui, et l’autre chef, le komentarios,
comprit que les paroles de persuasion étaient inutiles et il dit aux
soldats : «Prenez-le, emmenez-le et présentez-le vite au préfet, peut-être
lui dira-t-il qui il est, d'où il est et ce qu'il faisait dans la grotte». Mais
saint Eugène se signa du signe de la sainte croix et dit: «Je suis
chrétien, et je suis stimulé à enseigner Dieu notre Sauveur, pourtant
je ne mérite pas d'être appelé maître, car notre Maître c'est le
Christ. Quant à ceux qui me suivent parmi les chrétiens, je leur
enseigne la route de la vérité : croire et adorer une seule Divinité, Père,
Fils et Saint-Esprit, créatrice des choses visibles et invisibles, mépriser
et rejeter les dieux faits de main d'homme qui ne sont rien, comme
dit le prophète David : "les idoles des païens sont or et argent, et ils
doivent être semblables à elles ceux qui les ont faites198, et comme
dit Paul, l'apôtre qui a reçu Dieu : "Ils ont adoré les créatures et non
le Créateur199».
Le duc lui dit : « Mais vous, les chrétiens, c'est trois dieux que
vous adorez et non le Créateur». Le bienheureux répondit et lui dit:
97 1 Cor. 15, 20.
98 Ps. 135 (134), 15 et 18.
99 Rom. I, 25.
176 B MARTIN-HISARD
Supplices d’Eugène.
Alors le duc s'avança, s’assit au tribunal et il donna l’ordre aux
soldats de déshabiller le saint et de le ceindre d’un tablier de toile.
Les bourreaux s'empressèrent d'exécuter les ordres et ils le présentèrent
au juge. Le gouverneur dit : «Consens à sacrifier aux dieux plutôt que
d’être torturé». Le bienheureux dit: «Plusieurs fois tu m'as entendu
te le dire, je suis chrétien, je ne sacrifie pas aux démons impurs ». Le duc
dit: «Assez d’entêtement; bien que tu n’aies pas adoré les dieux qui
se sont écroulés, avance et sacrifie à Esculape et aux autres dieux,
sinon tu auras l’âme séparée du corps! » Le saint dit : «Qui peut nous
séparer de l'amour du Christ, la tribulation, l'angoisse, la faim, la
nudité, les persécutions ou la peur des tortures, les choses à venir ou
quelque autre créature110? Envoie donc d'abord des médecins guérir
tes dieux en miettes qui ont été réduits en poussière!»
(19) En colère, le gouverneur ordonna alors aux bourreaux de lui
lier les pieds et les mains, de l'étendre sur le sol et de le torturer avec
de gros bâtons en raison de son mépris des dieux. Alors le juge dit
,0H Le texte arménien comporte darjucier...ew asen Yisus..., «tu as détourné... et ils
disent que Jésus... »,cequi n'a pas de sens. D'après le passage grec parallèle metestrepsas...
alla didaskeis. on peut corriger asen en uses. «tu dis».
109 Glux kaxardak qui traduit le grec archimagos.
8, 35.
PASSION D'EUGÈNE À TRÉBIZONDE 179
111 Le texte grec ne mentionne que «l'apôtre Paul» et non «les saints apôtres».
112 cf. 2 Tim. 1, 10.
1,3 Candidos est omis par l’arménien. Il faut en outre remplacer dans le texte
Macaire par l'adjectif «bienheureux».
180 B MARTIN-HISARD
Le miracle.
A ces mots, le tyran rugit comme une bête assoiffée de sang et
ordonna de les jeter dans la fournaise ardente. Les saints se signèrent
du signe de la croix et se jetèrent ensemble dans le feu : le très
bienheureux116 Eugène s’avança et entra le premier, et les autres le
suivirent. Ils virent que des anges de Dieu entraient avec eux et ils
marchaient avec les anges sur les charbons ardents117 et ils glorifiaient
Dieu en disant: «Dieu tout puissant. Toi qui as envoyé Ton verbe
pour notre salut. Toi qui a dissipé les douleurs de la mort et, par Ta
vaillance, délivré ceux qui étaient captifs, écoute-nous, pécheurs, et
achève notre course dans le bien et pour Ta gloire, accorde Ta
Exécution.
Et les impitoyables soldats traînèrent les saints martyrs hors du
brasier pour exécuter les ordres du tyran. Mais les martyrs du Christ,
dignes de tous les mérites, prièrent les soldats d’attendre un peu de
temps qu’ils aient prié, et, avec leur permission, les saints étendirent
les mains et, tournés vers l’est, ils commencèrent à prier en ces
1,8 D’après le grec, il faut corriger sans doute yaytnea zmez hawatac’etoc'n i k’ez
qui signifierait «manifeste-nous à ceux qui croient en Toi».
182 B MARTIN-HISARD
V. LA FIN D'EUGÈNE121.
127 Sur cette dernière partie, très courte en arménien. Trébizonde. p. 315.
128 Le texte arménien n'avait pas conservé au §23 la décision de Lysias de
dissocier Eugène de ses compagnons et de lui faire subir le supplice du bois en
prison, décision dont ce passage nous montre l'application.
129 L'arménien est le seul à qualifier Pierre ainsi.
’50 Dans Ap. 12, 4, Pierre est gardé par quatre groupes de quatre soldats, ce
que le grec a repris. L'arménien dit z mêj cjorici zinuorac(n krkin s/tiayiwki. soit
:
PASSION D’ELGÈNE À TRÉBIZONDE 185
«au milieu de quatre soldats dans de doubles chaînes» ou au milieu de deux fois
quatre soldats dans des chaînes».
131 Sur l’originalité de cette prière. Trébizonde. p. 322.
132 La version arménienne n’a gardé aucune référence au mirablc des clous.
133 Le martyre d'Eugène est habituellement placé le 21 janvier. Le manuscrit armé
nien de Paris précise bien dans le lire de la Passion que les saints ont été martyrisés
le 21.