Séance 1 : Une question sociale qui devient politique : l’éducation. PBTQ : Comment l’État met-il l’éducation au centre des préoccupations du monde du travail ? MOTS-CLÉS : Instruction publique : Système d ‘éducation géré, financé et organisé par l’État à partir de la fin du XIXème siècle. DOCUMENT 1 : Un instituteur réclame au Sous-préfet de meilleures conditions scolaires pour les enfants dans la première moitié du XIXème siècle.
Enfants travaillant dans un atelier de tissage au XIXème siècle.
« Depuis quatorze ans que j’exerce la fonction d’instituteur dans la commune d’Omerville, j’ai toujours vu la fabrique de M. Provost […] enlever les enfants de la commune d’Omerville au travail et par là, la plupart sont privés d’instruction, attendu qu’ils ne fréquentent aucune école. Lorsque j’ai vu la loi du 28 mars 1841, concernant le travail 5 des enfants dans les fabriques, j’étais l’homme le plus content ; mais aujourd’hui je suis désespéré en voyant qu’elle n’est nullement exécutée ; au contraire, les enfants y sont reçus encore plus jeune et travaillent seize heures par jour et n’ont qu’une heure un quart pour faire deux repas. C’est pourquoi, Monsieur le Sous-Préfet, je m’adresse à vous afin que vous ayez la bonté de faire cesser cette infraction de loi puisqu’ aucun article de cette 10 loi n’est observé. » Q1 : Que reproche l’instituteur à M. Provost, Directeur de la fabrique locale? Q2 : D’après-vous, en quoi peut consister la loi du 28 mars 1841 et en quoi le Directeur de l’usine ne la respecte t-il pas? DOCUMENT 2 : Discours de Jules Ferry, le 3 mai 1883. Jules Ferry, Ministre de l’Instruction publique, prononce ce discours lors de l’inauguration de l’École nationale professionnelle de Vierzon. Dans ces écoles nationales professionnelles créées en 1881, les élèves ont entre 42 et 44 heures de cours par semaine. Depuis 1881, la loi Ferry oblige à scolariser tous les enfants de 6 à 13 ans. « La visée suprême, le but final, la mission sociale de l'école moderne, c'est l'éducation de cette démocratie ouvrière qui n'est pas seulement la majorité du nombre, mais dont les vertus laborieuses font la force du pays (Vive approbation). […] Tous les nouveaux programmes reposent sur cette double idée : l'enseignement primaire, 15 dans une démocratie, doit consister d'abord dans une éducation générale, sans laquelle il n'y a pas de spécialité durable, pas d'enseignement professionnel solide et sérieux (Très bien ! très bien !) ; et, en second lieu, dans une série d'exercices tendant à mettre l'enfant, par des initiations progressives et ménagées, en contact avec les réalités de la vie. Former dès l'enfance l'homme et le citoyen, préparer des ouvriers pour l'atelier, c'est notre 20 tâche, et, si la génération actuelle a le temps de la remplir, elle pourra se coucher glorieuse dans sa tombe ! (Double salve d'applaudissements). […] Ah ! Messieurs, je connais la doctrine ancienne, la doctrine aristocratique qui disait : Il est imprudent de donner de l'éducation au peuple ; il est imprudent d'apprendre à l'ouvrier quelque chose de plus que ce qu'il faut à sa tâche journalière ; il prendra son métier en 25 dégoût s'il en dépasse les humbles horizons. Messieurs, c'est là une conception aristocratique et une conception fausse. La conception démocratique, qui est la nôtre, est placée juste à l'antipode. Nous estimons, en effet, que plus l'ouvrier sera familiarisé avec les lois naturelles dont il est trop souvent l'auxiliaire inconscient, mieux il connaîtra son travail quotidien, plus il honorera et aimera son métier. [...] 30 Messieurs, l'enseignement professionnel qui sera donné ici aura pour caractère distinctif de ne point constituer un enseignement spécial pour une industrie quelconque : il sera professionnel sans spécialité ; il distribuera les principes généraux sur lesquels reposent toutes les industries ; il associera, par exemple, les notions qui président à l'industrie du fer à celles qui dirigent l'industrie du bois. Pendant les trois ans que les jeunes élèves de 35 Vierzon passeront à l'école professionnelle, entre la douzième et la seizième année, ils deviendront sans peine - l'expérience en est faite, les programmes arrêtés, le temps d'études fixé dès à présent -, ils deviendront experts dans ces deux branches fondamentales du travail manuel, le travail du fer et le travail du bois. Et quelle sera la conséquence de cette éducation professionnelle générale, qui ne lui donnera pas encore 40 un métier, mais qui le rendra capable d'apprendre beaucoup plus vite et beaucoup mieux celui qu'il lui plaira de choisir ? Cette conséquence est double : d'abord, il est évident que la durée de l'apprentissage lui- même sera singulièrement réduite, ce qui est un avantage considérable, et, en second lieu, pendant ces trois ans d'études, l'enfant aura le temps de faire ce qu'il ne peut pas 45 aujourd'hui, de choisir librement et en connaissance de cause la carrière qui lui convient, de déterminer sa vocation. Q1 : Quel est le sujet de ce discours ? Q2 : Quel objectif poursuit Jules Ferry au travers de l’obligation scolaire et la création des écoles nationales professionnelles ? Appuyez-vous sur les phrases soulignées. Q3 : A quelles oppositions s’est-il heurté et pourquoi (lignes 15 à 23)? DOCUMENT 3 : Les écrivains mènent le combat contre l’injustice. Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ? Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ? Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules ? Ils s’en vont travailler quinze heures sous des meules ; 5 Ils vont, de l’aube au soir, faire éternellement Dans la même prison, le même mouvement Accroupis sous les dents d’une machine sombre, Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre, Innocents dans un bagne, anges dans un enfer, 10 Jamais on ne s’arrête et jamais on ne joue. Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las… .
Victor Hugo (1802-1885), extrait du recueil Melancholia.
Q1 : A quoi Victor Hugo compare t-il le travail des enfants ?
Q2 : Comment cherche t-il à nous apitoyer ? DOCUMENT 4 : L’école à la fin du XIXème siècle.
Musée National de l’Éducation, Rouen.
Sur le tableau, on peut lire : « Le peuple qui a les meilleures écoles est le premier peuple, s’il ne l’est pas aujourd’hui, il le sera demain »., citation de Jules Simon. Q3 : A partir du milieu des années 1880, on assiste à une augmentation des instituteurs et institutrices. Comment d’après vous peut-on justifier cela (aidez-vous de la citation)?