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Atelier 

D3P2 :  
Politiques, Discriminations et Genre. 

Les privilèges : renverser son regard sur la domination 
Introduction

L'exercice  que  nous  vous  proposons  est  très  nouveau  et  assez  intense,  son  but 
étant  d'opérer  un  renversement  du  regard  dans  le  cadre  de  la  lutte  contre  les 
discriminations : aller des dominants aux dominées, des victimes vers les privilégiées. Et 
la notion de privilèges est fondamentale, c'est sa compréhension qui permettra de rendre 
l'exercice  efficace,  en  essayant,  grâce  à  cette  notion,  d'appréhender  le  système  des 
discriminations  par  le  haut  et  non  plus  par  le  bas,  comme  le  font  toutes  les  approches 
françaises  de  lutte  contre  les  discriminations  actuelles.  C'est  aux  Etats-Unis  que  cette 
approche par le haut a vu le jour, à travers les écrits de Peggy Mac Intosh, White Privilege 
: Unpacking The Invisible Knapsack en 1989. Prenant pour principe que le racisme en tant 
que  système  crée  des  avantagées  au  côté  des  désavantagées,  cette  chercheuse 
féministe blanche y fait une liste d'une quarantaine d'énoncés décrivant les privilèges des 
Blancs.  Nous  avons  repris  ce  type  de  liste  au  sein  de  notre  Atelier,  en  ajoutant  à  la 
dimension raciale les dimensions classiste et sexuelle/genrée. Nous allons ainsi vous lire 
cette série de privilèges que nous avons mise au point, vous avancerez ou reculerez selon 
l'énoncé.  Surtout,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  l'objectif  de  l'exercice  n'est  pas  de 
provoquer  un  sentiment  de  culpabilité  ou  une  quelconque  compétition,  mais  bien 
d'essayer  de  comprendre  une  toute  nouvelle  approche  de  la  lutte  contre  les 
discriminations,  afin  de  rendre  celle-ci  plus  juste  et  plus  efficace.  De  la  même  façon,  si 
vous  vous  sentez  mal  à  l’aise  à  la  lecture  de  certaines  propositions  ou  que  vous 
considérez  que  certains  énoncés  vont  trop  loin,  sont  trop  intimes,  trop  intrusifs, 
inintéressants, vous avez parfaitement le droit de ne pas bouger et d’attendre la question 
suivante. 
Avant de commencer l’exercice à proprement parler, nous allons définir quelques termes 
essentiels, afin d’en avoir une définition unique et identique.

Définitions des termes / concepts utilisés
Classe :
Le concept de classe appartient à la théorie marxiste. Au XIXe siècle, Karl Marx a 
noté  l’existence  de  deux  catégories  sociales,  appelées  classes,  dans  la  société 
occidentale :  la  bourgeoisie  et  le  prolétariat.  Ces  deux  groupes  se  distinguent  par  la 
propriété  des  moyens  de  production.  La  bourgeoisie  détient  le  capital    nécessaire  à  la 
production  tandis  que  le  prolétariat  ne  possède  que  sa  force  de  travail.  Pour  K.  Marx, 
l’économique  était  le  facteur  déterminant  (l’infrastructure),  de  laquelle  découle  d’autres 
objets sociaux (la superstructure : la morale, les lois, la religion…).
Le  concept  a  été  repris  dans  les  termes  de  classes  populaires,  classes  supérieures, 
classes moyennes, etc. On s’éloigne de la pensée marxiste en ne voyant plus une division 
simple et stricte entre deux classes. La « moyennisation » de la société, la généralisation 
d’un salariat hautement qualifié avec les cadres,… sont venues nuancer la vision binaire 
de K. Marx. Ce qu’il faut retenir en utilisant le concept de classe, c’est la prépondérance 
du  critère  économique.  Nous  entendons  par  là  que  du  niveau  de  vie,  du  salaire, 
découleront  ensuite  la  quasi-totalité  des  autres  critères  de  domination :  la  culture,  les 
études, le quartier…

Communautarisme :

C'est un terme socio-politique désignant les attitudes ou les aspirations de minorités 
(culturelles, religieuses, ethniques, sexuelles...) visant à se différencier volontairement et à 
se dissocier du reste de la société. En France, il est souvent perçu comme menaçant la 
cohésion  de  la  société  au  niveau  national,  rejoignant  la  vision  dit  de  l'universalisme 
républicain  que  défend  la  France,  c'est-à-dire  qu'il  n'y  a  pas  de  reconnaissance  des 
particularités individuelles ou collectives, toute personne est avant Citoyen ou Citoyenne. 
Alors  qu'au  Québec  il  est  perçu  comme  un  terme  plutôt  socio-ethnique,  une  diversité 
participative dans la nation, issue de l'immigration.

Diversité :

C'est l'état de quelque chose qui est multiple, divers, varié. On utilise aujourd'hui ce 
terme pour parler de deux paradigmes principaux : la biodiversité (qui va de pair avec le 
développement durable) et la diversité culturelle. C'est de ce dernier terme dont il s'agit ici. 
Ce  terme  s'emploie  alors  dans  le  sens  d'une  valorisation  des  personnes  issues  de 
l'immigration non européenne, dite minorités visibles, c'est-à-dire non blanches.
Mais  au-delà  de  cela,  la  diversité  devient  le  corollaire  de  la  non  discrimination  et 
surtout un dispositif de  lutte contre  les discriminations, quelles qu'elles soient, telles que 
définies dans la loi française par une liste de 18 critères1. Puisque la société est multiple, 
que  toutes  les  ethnies,  races,  sexes,  opinions  politiques,  syndicales,  religieuses, 
orientations sexuelles, etc. y sont représentés, il doit en être ainsi dans toutes les sphères 
de  la  vie  publique.  On  recherche  alors  la  diversité  des  présentateurs  de  télévision,  des 
représentants politiques, des acteurs de cinéma, etc.
C'est  surtout  dans  le  monde  de  l'entreprise  que  cette  notion  s'est  le  plus 
développée et qu'on l'utilise aujourd'hui. Lancée en 2004, il existe ainsi une Charte de la 
Diversité qui « incite les entreprises à garantir  la  promotion  et  le  respect  de  la  diversité  dans 
leurs effectifs. En la signant, ces entreprises s'engagent à lutter contre toute forme de discrimination 
et à mettre en place une démarche en faveur de la diversité ».
Cette charte de la diversité s'inscrit dans une approche « gagnant-gagnant » pour la société et 
les entreprises. Tout en promouvant la cohésion sociale, le respect de cette charte se traduit aussi par 
une plus grande efficacité  économique des  entreprises, qui  optimisent  leur gestion des Ressources 
Humaines,  intègrent  de  « nouveaux  profils »  et  résistent  aux  « pénuries  de  main  d'oeuvre »,  ainsi 
que  par  l'assurance  d'une  « bonne  image  de  marque  vis-à-vis  des  clients,  des  fournisseurs  ou  des 
collectivités  territoriales,  dans  le  cas  notamment  de  l'attribution  de  marchés  publics ». 
Si cette nécessaire prise en compte de la diversité, et notamment au sein de l'entreprise, est 
primordiale et fait aujourd'hui l'objet d'un traitement de premier plan, bien des améliorations restent 
encore  à  accomplir.  D'abord,  une  fois  que  l'entreprise  décide  d'acquérir  ce  label  « AFNOR 
diversité », qui avalise le fait qu'il s'agit bien d'une entreprise qui respecte et encourage la diversité 
en  son  sein,  se  pose  la  question  des  moyens  et  des  stratégies.  Plus  largement,  on  peut  se  poser  la 
question  des  solutions  politiques  réellement  proposées  derrière  un  tel  dispositif.  Ainsi,  afin  de 
parvenir à une plus grande diversité, faut-il instaurer de la discrimination positive, des quotas, bref, 
des  contraintes  pratiques,  faut-il  se  contenter  de  dresser  un  bilan  et  de  faire  un  état  de  lieu  de  la 
situation  en  France?  Si  l'on  considère  que  l'appartenance  raciale  joue  un  rôle  majeur  dans  ces 
questions de diversité, se pose alors le problème de sa définition. Comment définir des races dans 
un  pays  où  les  mesures  statistiques  à  ce  sujet  sont  interdites?  Dans  le  cas  des  « minorités  non 
visibles »,  par  exemple  des  personnes  homosexuelles,  comment  les  intégrer  à  l'entreprise  dans  le 

1 Cette liste est non exhaustive, elle comprend principalement l'origine ethnique, l'orientation sexuelle, le sexe, le 
handicap, la langue, la religion, le quartier d'origine, l'âge...
cadre  de  la  diversité,  sans  risquer  d'heurter  leur  droit  à  la  vie  privée?  La  diversité  peut  alors  être 
considérée  comme  une  prise  en  compte  à  minima  de  la  question  des  discriminations  et  des 
privilèges.

Domination :

Ce mot décrit une situation où, un être et bien souvent un groupe est en position 
d'imposer, par tout moyen à sa convenance (y compris la force) : ses idées, sa loi, vérité 
ou croyance voire simplement son bon plaisir. La notion de domination a été développée 
et  analysée  par  de  nombreux  sociologues  tels  que  Max  Weber  ou  Pierre  Bourdieu,  la 
domination,  selon  Weber,  est  « toute  chance  qu'a  un  individu  de  trouver  des  personnes 
déterminables prêtes à obéir à un ordre de contenu déterminé.  », cette citation ne prend 
pas en compte l'ordre comportemental initié par les normes sociétales. Les concepts de 
genre, classe et race étant définis en opposition (homme/femme, classe populaire/classe 
supérieure, blanc/noir), la domination y est intrinsèquement liée.

Egalité des chances

L'égalité  des  chances,  dans  son  approche  générale,  est  une  exigence  qui  veut  que  le 
statut social des individus d’une génération ne dépende plus des caractéristiques morales, 
ethniques, religieuses, et surtout financières et sociales des individuEs, mais que chacunE 
ait les mêmes chances de réussir sur la base de son talents, de ses efforts, de son mérite 
- d'où le terme employé de méritocratie. L'égalité des chances suppose que des moyens 
importants  (santé,  logement,  éducation,  formation,  ...)  soient  socialement  mobilisés  pour 
que chaque nouvelle génération et chaque individuE au sein de cette génération ait une 
chance égale.
Elle participe donc à la création de l'idéal de 'touTEs égaux/égales, touTEs citoyenNEs', et 
devient une des composantes fondamentales de l'universalisme républicain - notamment à 
travers  l'école  où  elle  est  censée  être  la  plus  développée.  Or,  c'est  cette  idéologie  qui 
bloque les avancées en matière de lutte contre les discriminations:  l'égalité des chances 
se dit être une valeur sociale, mais elle ne prend pas en compte les inégalités sociales  - 
de classe, de race et de sexe. En effet, en maintenant le cadre social tout en tentant de 
donner des chances de mobilité aux plus méritants des classes défavorisés, elle consiste 
à panser ici ou là les plaies de l'inégalité, plutôt que de penser une société plus égalitaire.

 
 
Ethnicité :

On entend par ethnicité un ensemble de caractéristiques (tels qu’une langue, une 
religion,  des  traditions,  mœurs...)  partagées    par  un  groupe  d’individus,  ayant  une 
conscience commune d’appartenance.
En  France  le  terme  d’ethnicité  n’a  pas  bonne  réputation,  il  est  associé  au 
communautarisme. Il faut pourtant réussir à dépasser cela pour en accepter son utilité tout 
comme ses limites.
Aux Etats-Unis, le mot est employé depuis le milieu du XXème siècle et connait un franc 
succès depuis les années 70. Deux définitions de l’ethnicité s’y opposent. Pour certains il 
s’agit d’une catégorie pertinente, d’un élément de différenciation sociale 2. Les catégories 
ethniques sont alors des données objectives que l’on peut mobiliser dans l’action publique 
par  exemple.  D’autres  considèrent  l’ethnicité  comme  un  processus  d’identification  à  un 

2 POLICAR Alain, in Dictionnaire de l’altérité et des relations interculturelles sous la direction de Gilles Ferréol et 
Guy Jucquois, Armand Colin, 2003
groupe, une conscience d’appartenance3. On est dans une conception plus subjective de 
l’ethnicité.
Cette  deuxième  interprétation  présente  l’intérêt  de  mettre  en  avant  le  sentiment 
d’appartenance.  On  s’éloigne  alors  d’une  conception  homogène  des  groupes  ethniques 
qui  seraient  définies  par  les  valeurs  et  coutumes  qu’ils  partagent,  ainsi  que  par  un 
fonctionnement  propre  que  l’on  pourrait  isoler  pour  l’observer.  Cette  conception 
traditionnelle    de  l’ethnie  vient  de  l’ethnologie  qui  s’appliquait  à  étudier  les  sociétés 
traditionnelles.  Avec  cette  définition  plus  subjective  de  l’ethnicité,  le  but  n’est  plus  de 
rendre compte des spécificités culturelles d’un groupe. Il s’agit d’analyser l’ensemble des 
pratiques de différenciation qui instaure une frontière ethnique (ce qui ne revient pas à nier 
l’existence de traits culturels partagés).
Ceci  dit,  il  me  semble  que  le  point  faible  de  cette  définition  c’est  qu’elle  pose 
l’ethnicité  comme  un  sentiment  d’appartenance,  autrement  dit  comme  une  volonté 
d’identification  d’appartenir  à  une  communauté  ethnique.  C’est  négliger  grandement 
l’assignation sociale que peut subir un individu. Le rapport de domination est intégrant de 
la production de  l’ethnicité.  Il n’y a ethnie que  si  les éléments qui la définissent (langue, 
religion,  traditions,  mœurs...)  diffèrent  de  la  norme  dominante.  La  conscience 
d’appartenance ethnique ne naît pas dans l’isolement, mais bel et bien dans l’interaction et 
la confrontation avec d’autres groupes4.
Je retiendrai les quatre éléments que dégage Alain Policar dans sa définition d’ethnicité 5 :
-      L’attribution  catégorielle :  l’appartenance  ethnique  n’est  jamais  purement 
endogène, elle se construit entre la catégorisation par les autres et l’identification à 
un groupe particulier.
-        Notion  de  frontière (ou  limite) :  il  n’y  pas  d’appartenance  ethnique  sans  une 
altérité, une séparation avec les non-membres du groupe.
-        L’origine commune (ou supposée telle).
-        La saillance : l’ethnicité ne renvois pas ici à une essence à un répertoire que 
l’on peut choisir ou non de mobiliser. C’est la façon dont l’ethnicité se met en scène 
dans l’interaction. Il existe différents modes d’identification à une ethnie (ex : le port 
de la kippa) que l’individu peut mobiliser ou pas selon les situations (par exemple 
pour profiter d’une positive action).
C’est  sur  le  dernier  point  de  sa  définition  que  j’émettrai  quelques  réserves.  Si  cela  est 
peut-être vrai au Etats-Unis, je ne crois pas qu’en France les individus appartenant à une 
minorité ethnique soit en mesure de « maitriser » leur appartenance ethnique comme cela 
est décrit  ici. Premièrement parce que bien rares sont  les situations où ils pourraient en 
tirer profit (l’affirmative action est bien plus développé aux Etats-Unis qu‘en France. Même 
si je reconnais que l’ethnicité est aussi une mise en scène (par le vêtement, le corps, le 
langage...),  cette  vision  de  l’ethnicité  comme  d’une  ressource  mobilisable  dans  des 
logiques  d’acteurs  me  parait  un  peu  éloigné  de  la  réalité.  C’est  aussi  oublier  que 
l’appartenance  ethnique  peut  être  tout  aussi  bien  un  choix  d’identification  qu’une 
assignation sociale, souvent même les deux à la fois.

Genre :
Le concept de genre ne se comprend que par rapport à celui de sexe. Le sexe est 
une  donnée  physique.  Le  genre  est  le  sexe  social,  c'est-à-dire  l’ensemble  des  données 
sociales  et  psychologiques  que  l’on  accorde  à  cette  donnée  physique.  Le  sexe  est  une 
donnée  objective,  mais  l’opposition  homme  /  femme,  des  qualités  accordées  à  l’un,  des 
attentes  envers  l’autre,  les  caractères  psychologiques  attribués  sont  l’objet  d’une 

3 Ibid.
4 Ibid.
5 Ibid.
construction  sociale.  Une  femme  doit  être  polie  tandis  qu’un garçon ne  doit  pas  pleurer. 
Une  femme  est  orientée  vers  le  « pouponnage »  tandis  que  les  garçons  sont  orientées 
vers les voitures…
Le concept a été développé par les féministes à partir de la fin du XIXe siècle. Il permet de 
ne plus revendiquer des droits pour les femmes comme des nouveaux privilèges mais de 
montrer en quoi elles sont  l’égale des hommes et comment leur soi-disant infériorité est 
construite.

Intersectionnalité :

Ce terme est employé pour la première fois par Kimberlé Crenshaw en 1991 dans son article 
Cartographies des marges. En prenant l'exemple des femmes noires américaines, elle explique que 
ces femmes, doublement dominée et en tant que femme et en tant que noires, vivent une domination 
spécifique,  au  croisement  de  leur  deux  « identités »,  qui  les  empêchent  de  se  retrouver 
complètement  dans  le  combat  des  noirs  et  dans  le  combat  des  femmes.  Elles  ont  des  intérêts 
différents,  qui  entrent,  à  un  moment  donné,  en  concurrence  avec  les  revendications  d'un  des  deux 
groupes.
Par exemple, elle explique que les femmes noires victimes de violences conjugales au Etats-
Unis préfèrent ne pas porter plainte contre un membre de leur communauté de peur d'entretenir les 
clichés racistes à  l'égard des  hommes noirs et que de plus, elles  ne  veulent pas aller porter plainte 
auprès de la police par peur de celle-ci particulièrement violente envers la communauté noire ainsi 
que par loyauté envers la communauté.
Ce terme est repris aujourd'hui par les sociologues et chercheurs en sciences sociales qui étudient la 
question  des  discriminations,  car  il  est  le  seul  qui  permette  de  véritablement  rendre  compte  de 
dominations  multiples,  spécifiques  et  parfois  contradictoires.  Ainsi,  ce  concept  permet  de  penser 
l'articulation  entre  les  divers  rapports  sociaux  de  sexe,  de  race  et  de  classe  (notamment,  mais  pas 
seulement)  ce  qui  est  une  préoccupation  majeure  pour  nombre  de  chercheurs  et  chercheuses 
aujourd'hui.  Cet  outil  a  notamment  été  mobilisé  par  les  théoriciennes  du  Black  Feminism,  par  les 
féministes non-blanches de façon générale et par les lesbiennes, qui ne pouvaient se retrouver dans 
le féminisme traditionnel pensé par et pour des femmes occidentales, blanches et hétérosexuelles.
Tout  au  long  de  l’exercice,  on  verra  que  cette  notion  joue  un  rôle  central.  Ainsi,  les 
privilèges, et à l'inverse les dominations, sont rarement exclusifs et beaucoup ne peuvent se 
comprendre et s'analyser qu'au travers d'une approche intersectionnelle.

Oppression :

L'oppression  est  le  mauvais  traitement  systématique  d'un  groupe  social  avec  le 
soutien  des  structures  de  la  société  oppressive.  Racisme,  sexisme,  homophobie, 
antisémitisme  sont  des  exemples  d'oppression.  La  domination  et  l'oppression  se 
complètent,  elle  est  plus  ou  moins  le  résultat  de  la  domination.  Il  existe  de  nombreuses 
approches  de  l'oppression,  l'approche  marxiste  la  définit  comme  une  oppression  des 
travailleurs par une classe supérieure accaparant les moyens de productions, l'approche 
identitaire  voit  des  intérêts  contradictoires  entre  le  groupe  opprimé  et  le  restant  de  la 
société.  Selon  cette  vision,  les  hommes,  par  exemple,  profiteraient  de  l'oppression  des 
femmes, les hétérosexuel(le)s profiteraient de l'oppression des homosexuel(le)s...etc.

Race :

Les races sont un ensemble de catégories plus ou moins clairement déterminées servant 
à différencier les êtres humains et se référant généralement à des traits physiques.
Même s’il est à présent avéré que les races n’ont pas de fondements biologiques,  
les  tentatives  pour  prouver  l’existence  de  différences  génétiques  qui  justifierait  une 
catégorisation des races ont été nombreuses. Contrairement à l’ethnicité, la race n’est pas 
un concept réservé aux sciences sociales. La biologie, particulièrement au XIXème et au 
début  du  XXème,  s’est  donné  pour  mission  d’ordonner  l’espèce  humaine  à  travers  une 
classification  génétique :  les  races.  Cette  recherche  a  toujours  été  marquée  par 
l’imperfection des outils et par l’indétermination des catégories de cette classification. Les 
biologistes  cherchaient  à  établir  un  lien  de  causalité  entre  des  différences  génétiques  et 
des  inégalités  fondamentales,  afin  de  justifier  un  ordre  hiérarchique  entre  des  groupes 
d’individus. Les sciences sociales ont joué leur rôle aussi dans ces tentatives d’inscriptions 
des races humaines dans un ordre naturel puisque des anthropologues ont aussi essayé 
de les définir en s’appuyant sur des critères morphologiques. Mais c’est bien la biologie de 
la  seconde  moitié  du  XXème  siècle  a  invalidé  l’existence  des  races  ainsi  que  d’une 
hiérarchie entre elles. Chaque individu étant unique génétiquement, il y aurait alors autant 
de races que d’individus.6
S’il est prouvé aujourd’hui que les races n’existent pas, faut-il encore alors parler de race ? 
Est-ce  que  cela  ne  risque  pas  d’entretenir  la  légitimité  du  concept?  D’un  autre  côté  il  est  aussi 
illusoire  de  vouloir  éradiquer  le  terme  (comme  pour  en  finir  avec  les  théories  naturalisantes  et 
racistes)  alors  qu’il  fait  toujours  référence  à  une  réalité  fondamentalement  sociale. 7  L’usage  du 
terme de race est d’ailleurs antérieur à l’apparition de ces théories racistes, c’est pourquoi  on peut 
imaginer  que  la  race  demeure  une  catégorie  opératoire  du  sens  commun  qui  nous  permet 
d’ordonner, de classifier la diversité humaine8. Sans oublier le racisme que soutenaient les théories 
biologistes est loin d’avoir disparu. Le racisme est bien la preuve que les rapports de pouvoirs entre 
races sont  loin d’avoir disparu. D’autre part, si  la négation de  l’existence réelle des races ne suffit 
pas  à  combattre  le  racisme,  c’est  bien  parce  qu’elles  sont  avant  tout  sociales.  Il  s’agit  donc  de 
considérer  la  race  comme  ce  qu’elle  est,  c’est-à-dire  une  production  sociale  qui  catégorise  et 
hiérarchise  des  groupe  d’individus  en  s’appuyant  sur  des  critères  d’ordre  physique.  Le  fait  que  la 
race  soit  passée  du  terrain  biologique  à  celui  du  symbolique  ne  la  rend  pas  pour  autant  moins 
effective.

Violence symbolique :

Pour  bien  comprendre  les  enjeux  particuliers  liés  à  cette  domination,  il  est 
nécessaire d'appréhender la violence symbolique définie par Pierre Bourdieu. La notion de 
violence  symbolique  renvoie  à  l’intériorisation  par  les  agents  de  la  domination  sociale 
inhérente à la position qu’ils occupent dans un champ donné et plus généralement à leur 
position  sociale.  Cette  violence  n'est  pas  nécessairement  consciente  et  ne  s’appuie  pas 
sur une domination d’un individu sur un autre mais sur une domination structurale, d’une 
position  en  fonction  d’une  autre.  Cette  structure,  qui  est  fonction  des  capitaux  possédés 
par les agents,  fait violence car elle est non perçue par les agents. Elle est donc source 
d’un sentiment d’infériorité ou d’insignifiance qui est uniquement subi puisque non déclaré 
en tant que tel.

6  POLICAR Alain, in Dictionnaire de l’altérité et des relations interculturelles sous la direction de Gilles Ferréol et 
Guy Jucquois, Armand Colin, 2003
7 Ibidem
8 Ibid
Exercice (duré 1h30-2h)

Nous sommes ici réunis pour faire un exercice de groupe destiné à mettre en lumière les 
« privilèges » dont nous sommes pourvus et qui déterminent notre place dans la  société. 
Ces « privilèges » sont dits invisibles car ils sont constitutifs de la société et de sa manière 
de fonctionner. Être blanc par exemple ne semble pas d’emblée constituer un élément de 
privilège  particulier.  Pourtant,  ensemble,  nous  allons  pouvoir  constater  en  quoi  les 
éléments  de  la  vie  quotidienne  permettent  de  mettre  à  jour  les  différences  qui  existent 
entre les personnes selon leur sexe, origines ou orientations sexuelles. 

Consigne : Pour mieux comprendre cet exercice et son but, il s’agira pour nous de nous 
réunir  en  ligne  et  de  nous  tenir  par  la  main.  Ensuite,  nous  lirons  un  certain  nombre  de 
questions qui nous ferons faire soit un pas en avant, soit un pas en arrière. A la fin de cet 
exercice, chacun sera situé à un endroit différent ou non de la pièce.

- Les participantEs se tiennent sur une même ligne de départ au milieu de la pièce, main
dans la main (prévoir assez d’espace devant et derrière la ligne puisque les personnes vont 
avancer et/ou reculer à la lecture des énoncés),
- faire l’exercice en silence, (on pourra poser des questions et réagir après), 
- écouter attentivement les énoncés, (les lire lentement et les répéter si besoin)
- se tenir la main aussi longtemps que possible (lâcher dès que cela n’est plus possible)

Nous vous proposons ensuite de discuter des résultats de cet exercice, de vos ressentis 
mais  aussi  de  vos  désaccords.  Le  but  n’est  en  aucun  cas  de  pointer  du  doigt  celui  qui 
recule ou celui qui avance, nous nous retrouverons sûrement tous dans les deux cas. De 
plus, si l’un de nous ne souhaite pas bouger lors de l’énoncé de certaines questions, il en 
a  parfaitement  le  droit.  Les  questions  que  nous  allons  poser,  ne  prétendent  pas  nous 
définir  individuellement  en  tant  que  personne  mais  davantage  nous  situer  dans  l’échelle 
sociale en fonction des divers « privilèges » dont nous sommes pourvus ou non. La réelle 
finalité de ce travail de groupe est davantage de pouvoir discuter ensemble des résultats 
et de comprendre comme chacun se situe et situe l’autre dans cette société.
Liste des privilèges 

1. Si  vos  deux  parents  sont  né-e-s  en  France  un  pas  en  avant,  si  vos  deux  grands-parents 
aussi, un de plus.
2. Si des personnes ont travaillé chez vous pour effectuer des tâches domestiques, un pas en 
avant. Si ces personnes étaient d’origine étrangère un pas de plus.
3. Si vos parents étaient instruit-e-s, exerçaient une profession comme professeur-e, avocat-
e... un pas en avant.
4. Si vous avez été élevé-e dans un quartier défavorisé et/ou pauvre, un pas en arrière.
5. Si vous avez déjà essayé de changer vos manières, votre apparence, vos comportements 
pour éviter d'être jugé-e ou de vous sentir ridicule, un pas en arrière. 
6. Si vous avez étudié la culture de vos ancêtres à l'école primaire, un pas en avant. 
7. Si vos parents pouvaient vous aider à faire vos devoirs à l'école primaire, un pas en avant.
8. S'il y avait plus de 50 livres dans votre maison quand vous étiez enfant, un pas en avant. 
9. Si  vos  parents  vous  ont  emmené  dans  des  musées,  des  galeries  d'art,  etc.,  un  pas  en 
avant.
10. Si  vous  avez  déjà  sauté  un  repas  ou  aviez  faim  parce  qu'il  n'y  avait  pas  assez  d'argent 
pour acheter de la nourriture quand vous étiez enfant, un pas en arrière. 
11. Si un-e de vos parents était sans emploi pas par choix, ou au chômage de longue durée, 
un pas en arrière. 
12. Si vous avez passé toute votre scolarité dans une école privée et/ou catholique, un pas en 
avant. 
13. Si  votre  famille  a  dû  déménager  parce  qu'ils  ne  pouvaient  pas  payer  le  loyer,  un  pas  en 
arrière.
14. Si vos parents vous ont  déjà  dit que vous étiez beau/belle, intelligent-e- et capable, faites 
un pas en avant.
15. Si vous avez déjà été découragé-e-s par des professeurs ou des employeurs en raison de 
votre  race,  de  votre  origine,  de  votre  classe,  de  votre  sexe,  de  votre  orientation  sexuelle, 
faites un pas en arrière.
16. Si  vos  parents  vous  ont  encouragé-e  à  faire  des  études  supérieures,  faites  un  pas  en 
avant.
17. Si  durant  votre  enfance/adolescence,  vous  partiez  régulièrement  en  vacances  avec  vos 
parents, faites un pas en avant.
18. Si votre famille était propriétaire de son logement, faites un pas en avant.
19. Si vous voyez des personnes de votre race, de votre origine, sexe ou orientation sexuelle, 
représenté-e-s à la télévision dans des rôles dégradants, faites un pas en arrière.
20. Si  vous  avez  déjà  été  pistonné-e  (ou  si  on  vous  a  déjà  offert  un  travail  en  raison  d’une 
connexion avec un ami-e ou un membre de votre famille), faites un pas en avant.
21. Si vous êtes sûr-e qu’on ne vous a jamais refusé un travail ou une promotion en raison de 
votre sexe, race, origine ou orientation sexuelle, faites un pas en avant.
22. Si vous avez déjà hérité ou êtes susceptible d’hériter des biens ou de l’argent, faites un pas 
en avant.
23. Si  vous  n’avez  pas  de  voiture  et  devez  compter  principalement  sur  les  transports  en 
commun, reculez d’un pas.
24. Si vous êtes arrêté-e par la police et que vous pouvez être sûr-e que ce n’est pas en raison 
de votre race ou origine, faites un pas en avant.
25. Si  vous  n’avez  jamais  eu  peur  de  la  violence  en  raison  de  votre  race,  origine,  sexe,  ou 
orientation sexuelle, un pas en avant.
26. Si  vous  avez  déjà  été  gêné-e  par  une  plaisanterie  liée  à  votre  race,  origine,  sexe, 
orientation  sexuelle,  faites  un  pas  en  arrière.  Et  si  vous  ne  vous  sentiez  pas  en  sécurité 
pour faire face à la situation, reculez encore d’un pas.
27. Si  vous  avez  déjà  été  victime  de  violences  (physiques,  verbales...)  liée  à  votre  race, 
origine, sexe ou orientation sexuelle, reculez d’un pas.
28. Si,  dans  les  commerces,  vous  pouvez  être  sûr-e  que  vous  ne  serez  pas  surveillé-e  ou 
contrôlé-e en raison de votre race, avancez d’un pas.
29. Si vous pouvez marcher seul-e dans la rue à n’importe quelle heure sans avoir peur d’être 
agressé-e sexuellement, avancez d’un pas. 
30. Si  vous  pouvez  condamner  le  racisme  sans  qu’on  vous  suspecte  de  le  faire  dans  votre 
intérêt personnel, avancez d’un pas.
31. Si vous pouvez être premier-ère de la classe, ou réussir socialement sans être présenté-é 
comme un exemple d’intégration, avancez d’un pas.
32. Si vous pouvez trouver des pansements couleur chair ou du maquillage qui s’accorde avec 
votre couleur de peau, faites un pas en avant.
33. Si vous pouvez choisir de vous habiller comme vous le voulez sans vous demander si l’on 
va prendre votre tenue pour une provocation sexuelle, faites un pas en avant.
34. Si  vous  n’avez  pas  à  craindre  des  conséquences  économiques,  physiques  ou 
psychologiques si votre famille ou vos ami-e-s découvrent votre orientation sexuelle, faites 
un pas en avant.
35. Si  votre  orientation  sexuelle  n’a  jamais  été  expliquée  en  raison  de  problèmes 
psychologiques (crise d’adolescence, maltraitance, etc...), faites un pas en avant.
36. Si  vous  pouvez  être  sûr-e  que  les  jouets,  les  livres  de  votre  enfance  et/ou  les  manuels 
scolaires témoignent de l’existence de personnes ayant votre orientation sexuelle, faites un 
pas en avant.
37. Si les gens vous demandent pourquoi vous avez fait ce choix d’orientation sexuelle, faites 
un pas en arrière.
38. Si vous pouvez trouver facilement un-e thérapeute  ou un-e médecin disposé-e et capable 
pour parler de votre sexualité, faites un pas en avant.
39. Si votre virilité/féminité a déjà été remise en cause en raison de votre orientation sexuelle, 
faites un pas en arrière.
40. Si vous pouvez marcher en public avec votre partenaire en vous tenant par la main et/ou 
en  vous  embrassant  sans  avoir  peur  des  regards,  remarques  ou  violences  des 
« badauds », faites un pas en avant.
41. Si dans votre travail, vous pouvez parler de votre orientation sexuelle sans être inquiété-e 
par les conséquences, faites un pas en avant.
42. Si quand vous remplissez un formulaire administratif, vous ne pouvez pas toujours cocher 
une case qui représente votre identité de genre, faites un pas en arrière.
Cet exercice est maintenant terminé. Nous espérons qu’il a pu vous permettre de prendre 
conscience de privilèges et/ou d’oppressions bien souvent devenus invisibles et  liés à la 
structure même de la société plus qu’à un comportement individuel. Cet exercice permet 
avant  tout  d’apporter  un  nouveau  regard  sur  la  question  des  discriminations.  Il  nous 
semble nécessaire de conserver cette approche toujours présente à l’esprit ainsi que ce 
qu’elle met en exergue, aussi bien dans nos vies personnelles que professionnelles. Ces 
privilèges font l’objet d’une invisibilisation permanente, c’est pourquoi il est très important 
de diffuser ces exercices qui permettent de prendre conscience de leur existence. C’est un 
travail d’autant plus difficile de tous les mécanismes sociaux qui tendent à les invisibiliser. 
C’est  donc  un  effort  de  déconstruction  qu’il  faut  appliquer  sans  relâche  aux 
discriminations et  à  la  domination  afin  de  les  comprendre  par  le  prisme  des  privilèges 
sociaux. 

Nous sommes conscient-e-s que l’exercice proposé est perfectible. Les énoncés peuvent 
sembler trop flous, au contraire trop précis, peu pertinents. Il est parfois difficile de savoir 
où  se  situe  la  cause  de  l’oppression  en  raison  notamment  des  critères  intersectionnels. 
Enfin,  certaines  discriminations  peuvent  vous  paraître  un  peu  laissées  de  côté,  tel  le 
handicap  ou  l’apparence  physique.  Ceci  est  un  choix  délibéré,  fruit  de  nombreux 
questionnements et réflexions. Sans vouloir opérer une quelconque hiérarchisation entre 
les causes d’oppression, nous avons décidé de privilégier  les causes plus sociologiques 
(l’appartenance  raciale,  l’orientation  sexuelle,  le  genre,  la  classe  sociale…),  au  cœur  de 
notre objet d’étude.

C’est  pourquoi,  nous  allons  terminer  l’exercice  par  un  tour  de  table,  au  cours  duquel 
chacun pourra donner son avis, son ressenti, son impression par rapport à ce qui vient de 
se passer. Lors de ce moment d’échange et de réflexivité, vous pourrez alors exprimer ce 
que cet exercice vous a inspiré, ce qui vous a plu, déplu, déçu, surpris, ce qui a été dur, 
aisé et si vous pensez que votre regard, personnel et professionnel, a pu changer ou est 
susceptible de changer, après cette expérience. 

Cette discussion, partie intégrante de l’exercice, est aussi un moyen pour nous d’améliorer 
nos énoncés et de les rendre toujours plus pertinents. 

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