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Le symbolisme du chat est très hétérogène, oscillant entre les tendances bénéfiques et maléfiques ;

ce qui peut s’expliquer simplement par l’attitude à la fois douce et sournoise de l’animal. c’est, au
Japon, un animal de mauvaise augure, capable, dit-on, de tuer les femmes et d’en revêtir la forme. Le
célèbre et paisible chat de Jingorô, à Nikko,, paraît n’avoir de valeur autre que décorative. Dans le
monde bouddhiste, on lui reproche d’avoir été le seul, avec le serpent, à ne s’être pas ému de la
mort du Bouddha, ce qui pourrait toutefois, d’un autre point de vue, être considéré comme un signe
de sagesse supérieure.

On trouve, en Inde, des statues de chats ascètes qui représentent la béatitude du monde animal
(Kramrisch) ; mais le chat est aussi, à l’inverse, la monture et l’aspect de la yoginî Vidâli. Dans la Chine
ancienne, le chat était plutôt considéré comme un animal bienfaisant, et on mimait son attitude, en
même temps que celle du léopard, dans les danses agraires (Granet).

De nos jours encore, au Cambodge, un chat en cage est transporté de maison en maison, au cours
d’une procession chantante, dans l’intention d’obtenir la pluie : chaque villageois arrose le chat dont
les cris, dit-on, émeuvent Indra, dispensateur de l’ondée fécondante. Ce qui peut s’entendre de
diverses manières, compte tenu du symbolisme de la pluie. Le chat est donc lié à la sécheresse,
laquelle évoque la notion de chaos primordial, de materia prima non fécondée par les eaux
supérieures.

Il est au moins curieux de noter que, dans la Kabbale comme dans le Bouddhisme, le chat est associé
au serpent : il indique le péché, l’abus des biens de ce monde (Devoucoux). Il est parfois figuré, dans
ce sens, aux pieds du Christ.

L’imagerie populaire satirique vietnamienne fait du chat l’emblème du mandarin, somme toute
l’exact équivalent de notre chat fourré.

L’Egypte ancienne vénérait, sous les traits du Chat divin, la déesse Bastet, comme une bienfaitrice et
une protectrice de l’homme. De nombreuses œuvres d’art le représentent, un couteau dans une
patte, tranchant la tête du serpent Apophis, le Dragon des Ténèbres, qui personnifie les ennemis du
Soleil et qui s’efforce de faire chavirer la barque sacrée au cours de sa traversée du monde
souterrain. Le chat symbolise ici la force et l’agilité du félin, qu’une déesse tutélaire met au service de
l’homme, pour l’aider à triompher de ses ennemis cachés.

Dans la tradition celtique, le symbolisme du chat est beaucoup moins favorable que celui du chien
ou du lynx. Il semble que l’animal ait été considéré avec quelque méfiance. Cenn Chaitt tête de chat
est le surnom de l’usurpateur Cairpre qui, occupant la royauté suprême, cause la ruine de l’Irlande.
Un chat mythique punit, dans la Navigation de Mael-Duin, un des frères de lait de ce dernier qui avait
voulu, dans un château désert où la troupe avait festoyé, s’emparer d’un cercle d’or. Le voleur est
réduit en cendres par une flamme jaillie des yeux du petit chat, lequel retourne ensuite à ses jeux. Le
portier du roi Nuada à Tara avait également un œil de chat, ce qui le gênait quand il voulait dormir,
car l’œil s’ouvrait la nuit au cri des souris ou des oiseaux. Au Pays de Galles enfin, un des trois fléaux
de l’île d’Anglesey est, d’après les Triades de l’île de Bretagne, un chat mis bas par la truie mythique.
Henwen (Vieille-Branche) ; jeté à la mer par le porcher, il fut malencontreusement sauvé et élevé par
des imprudents. On peut se demander cependant si, dans tout cela, il ne s’agit pas quelquefois plutôt
du chat sauvage que du chat domestique.

Dans la tradition musulmane, le chat (qatt) est au contraire plutôt favorable, sauf s’il est noir.
D’après la légende, comme les rats incommodaient les passagers de l’Arche, Noé passa la main sur le
front du lion qui éternua, projetant un couple de chats ; c’est pourquoi cet animal ressemble au lion.
Le chat est doué de baraka. Un chat parfaitement noir possède des qualités magiques. On donne sa
chair à manger pour être délivré de la magie ; la rate d’un chat noir, accrochée à une femme qui a ses
menstrues, les arrête. On se sert de son sang pour écrire des charmes puissants. Il possède sept vies.
Les Djîn apparaissent souvent sous la forme de chats. En Perse, quand on tourmente un chat noir, on
risque d’avoir affaire, sous cette apparence, à son propre hemzâd (génie né en même temps que
l’homme pour lui tenir compagnie) et de se nuire ainsi à soi-même. Suivant d’autres, un chat noir est
un Djîn malfaisant qu’il faut saluer, quand il entre de nuit dans une chambre.

Dans beaucoup de traditions, le chat noir symbolise l’obscurité et la mort.

Le chat est parfois conçu comme un serviteur des Enfers. Les Nias (Sumatra) connaissent l’arbre
cosmique qui a donné naissance à toutes choses. Les morts, pour monter au ciel, prennent un pont :
sous le pont, c’est le gouffre de l’enfer. un gardien est posté à l’entrée du ciel avec un bouclier et une
lance ; un chat lui sert à jeter les âmes coupables dans les eaux infernales.

Chez les indiens Pawnees d’Amérique du Nord, le chat sauvage est un symbole d’adresse, de
réflexion, d’ingéniosité, il est observateur, malin et pondéré, et il arrive toujours à ses fins. De ce fait,
c’était un animal sacré, qui ne pouvait être tué que pour des fins religieuses, et en observant certains
rites.

De l’adresse et de l’ingéniosité, on passe au don de clairvoyance ; ce qui fait que nombres de sacs à
médecine sont fait de peau de chat sauvage, en Afrique centrale.

(J. Chevalier, A. Gheerbrant)

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