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Français

Troisième A – Troisième B

La fenêtre perceptive.

Voir le monde à travers sa fenêtre.


 SUJETS D’ÉCRITURE :
Sujet 1 :
Vous vous postez devant votre fenêtre. Vous observez le paysage qui
s’offre à vous.
Rédigez la description détaillée de ce paysage, de façon à ce qu’elle reflète
vos états d’âme.

Sujet 2 :
Vous vous postez devant votre fenêtre. Vous observez le paysage qui
s’offre à vous.
Faites le récit d’une anecdote dont vous avez été le témoin.

Sujet 3 :
Vous vous postez devant votre fenêtre. Vous observez le paysage qui
s’offre à vous.
Faites la description objective, et ordonnée, de ce que vous voyez, en
tâchant de découvrir dans une vue en apparence monotone de
« singulières beautés » (Balzac).

 CONSIGNES :
 étudier le corps iconographique et littéraire suivant
 le texte est rédigé en vers libres ou en prose
 le travail est fait seul, en binôme, ou en trinôme
 noter la date d’écriture du texte
 le texte réalisé sera ensuite publié dans le Journal du Confinement

 BARÈME :
- une copie bien présentée (1 pt)
- une typographie soignée (1 pt)
- une expression rigoureuse et maîtrisée (1 pt)
- une description minutieuse et ordonnée (2 pts)
- l’emploi de la première personne (1 pt)
- le sens des FAITS, de l’exactitude (2 pts)
- une vingtaine de lignes (1 pt)
- le texte marque trois temps enchaînés se déployant en boucle
(ouverture → développement → clôture) [2 pt]

(ATTENTION ! il est, évidemment, interdit de copier le travail d’un camarade ou de plagier l’Internet.
S’il y a la moindre ambiguïté dans deux copies, l’une et l’autre copie seront notées 0.)
CORPUS
iconographique

 Alfred HITCHCOCK, Fenêtre sur cour (Rear Window), Paramount Pictures, E.U.., 104 minutes,
1954. Genre : policier, suspense. Thème : la fenêtre perceptive.
 Alfred HITCHCOCK, Les Oiseaux (The Birds), Universal Pictures, E.U.,
120 minutes, 1963. Genre : thriller. Thèmes : la nature vengeresse, la fenêtre perceptive, etc.
 Pierre BONNARD, « Fenêtre ouverte sur la Seine », Vernon, vers 1911.
 Edward HOPPER, « Morning sun », 1954.
 Robert DOISNEAU, « Marquetteur à sa fenêtre », Paris, 1954.
 Henri CARTIER-BRESSON, « Paul Eluard à la fenêtre de son appartement, Boulevard de
la Chapelle, Paris, 1944.
 Sebastião SALGADO, « la Cité des 4000 », La Courneuve, 1978.
Pierre BONNARD, Fenêtre ouverte sur la Seine (Vernon), vers 1911.

La fenêtre paysage
Edward HOPPER, « Morning sun », 1954.

La fenêtre méditative / contemplative


Robert DOISNEAU, « Marquetteur à sa fenêtre », Paris, 1954.

La fenêtre attentive
La fenêtre songeuse / rêveuse
Henri CARTIER-BRESSON, « Paul Eluard à la fenêtre de son
appartement, Boulevard de la Chapelle, Paris, 1944.

La fenêtre observatrice / penseuse


Sebastião SALGADO, « la Cité des 4000 », La Courneuve, 1978.

La fenêtre étonnement
CORPUS
littéraire

 Gustave FLAUBERT, Madame Bovary, partie II, chapitre VI, 1857.


 Honoré de BALZAC, La Peau de chagrin, 1831.
 Charles BAUDELAIRE, Petits poèmes en prose, 1869 (posthume).
 Stéphane MALLARMÉ, « Les fenêtres », Le Parnasse Contemporain, 1863/66.

Emma a épousé Charles Bovary, un officier de santé. Elle mène une vie plate et médiocre, bien
différente du bonheur que lui faisaient imaginer ses lectures romanesques au couvent où elle a
fait ses études. Elle sombre peu à peu dans l’ennui et la mélancolie.

Un soir que la fenêtre était ouverte, et que, assise au bord, elle venait de regarder
Lestiboudois, le bedeau1, qui taillait le buis2, elle entendit tout à coup sonner
l’angélus3.
On était au commencement d’avril, quand les primevères4 sont écloses ; un vent
tiède se roule sur les plates-bandes5 labourées, et les jardins, comme des femmes,
semblent faire leur toilette pour les fêtes de l’été. Par les barreaux de la tonnelle6
et au-delà tout alentour, on voyait la rivière dans la prairie, où elle dessinait sur
l’herbe des sinuosités7 vagabondes. La vapeur du soir passait entre les peupliers
sans feuilles, estompant8 leurs contours d’une teinte violette, plus pâle et plus
transparente qu’une gaze9 subtile arrêtée sur leurs branchages. Au loin, des
bestiaux10 marchaient ; on n’entendait ni leurs pas, ni leurs mugissements ; et la
cloche, sonnant toujours, continuait dans les airs sa lamentation pacifique.
À ce tintement répété, la pensée de la jeune femme s’égarait dans ses vieux
souvenirs de jeunesse et de pension. Elle se rappela les grands chandeliers, qui
dépassaient sur l’autel les vases pleins de fleurs et le tabernacle11 à colonnettes.
Elle aurait voulu, comme autrefois, être encore confondue dans la longue ligne
des voiles blancs, que marquaient de noir çà et là les capuchons raides des
bonnes sœurs inclinées sur leur prie-Dieu12 ; le dimanche, à la messe, quand elle
relevait sa tête, elle apercevait le doux visage de la Vierge parmi les tourbillons
bleuâtres de l’encens qui montait. Alors un attendrissement la saisit ; elle se
sentit molle et tout abandonnée, comme un duvet d’oiseau qui tournoie dans la
tempête ; et ce fut sans en avoir conscience qu’elle s’achemina vers l’église,
disposée à n’importe quelle dévotion13, pourvu qu’elle y absorbât son âme et
que l’existence entière y disparût.

Gustave Flaubert, Madame Bovary, II, VI, 1857.


1. Bedeau. Employé laïque chargé d’une manière générale de maintenir le bon ordre dans une
église pendant l’office, et plus particulièrement de précéder le clergé dans les processions ou
les quêteurs pour leur ouvrir le passage parmi les fidèles.
2. Buis. Arbuste ornemental à feuilles persistantes, d’un vert foncé luisant, et à odeur amère.
3. Angélus. Prière latine qui commence par le mot angelus et se récite matin, midi et soir en
commémoration du mystère de l’Incarnation ; cette même prière en français.
4. Primevère. Plante herbacée vivace de la famille des Primulacées, qui fleurit au début du
printemps en présentant de petites fleurs jaune pâle en calice tubuleux, et dont certaines
variétés ont des propriétés thérapeutiques, d’autres étant cultivées pour leurs fleurs plus larges
aux couleurs vives et variées. Synon. primula, primule (noms sc.), coucou.
5. Plate-bande. Espace de terre étroit, entourant un carré de jardin et garni de plantes
ornementales ; planche de terre étroite destinée à diverses cultures.
6. Tonnelle. Petite construction, le plus souvent circulaire, à sommet en voûte, faite d’un
treillage le long duquel on fait grimper des plantes afin de former un abri ombragé.
7. Sinuosité. Synon. boucle, courbe, détour, méandre, ondulation.
8. Estomper. Rendre flou, indistinct ; voiler d’une ombre légère.
9. Gaze. Tissu très fin et très léger, de coton, de soie ou de lin, à l’aspect presque transparent,
dont les fils de trame sont fortement liés à la chaîne.
10. Bestiau(x). Ensemble d’animaux de ferme, à l’exception des animaux de basse-cour,
considérés comme une somme d’individus par opposition au bétail, qui en désigne le total.
11. Tabernacle. Ouvrage de bois, de métal, de marbre ou d’orfèvrerie en forme d’armoire
fermant à clef, généralement fixé au centre de l’autel dans une église ou une chapelle, où sont
conservées les hosties consacrées.
12. Prie-Dieu. Meuble en bois, parfois capitonné, fait d’une partie basse horizontale sur
laquelle on s’agenouille pour prier, et surmonté d’un accoudoir ; chaise basse dont le dossier
se termine en accoudoir.
13. Dévotion. Dévouement et zèle déployé, sous une forme liturgique ou par des pratiques
régulières privées en l’honneur de Dieu ou des saints.

Je me souviens d’avoir quelquefois trempé gaiement mon pain dans mon lait 1,
assis auprès de ma fenêtre en y respirant l’air, en laissant planer mes yeux sur un
paysage de toits bruns, grisâtres, rouges, en ardoises, en tuiles, couverts de
mousses jaunes ou vertes. Si d’abord cette vue me parut monotone, j’y découvris
bientôt de singulières beautés : tantôt le soir des raies lumineuses, parties des
volets mal fermés, nuançaient et animaient les noires profondeurs de ce pays
original ; tantôt les lueurs pâles des réverbères projetaient d’en bas des reflets
jaunâtres à travers le brouillard, et accusaient faiblement dans les rues les
ondulations de ces toits pressés, océan de vagues immobiles ; parfois de rares
figures apparaissaient au milieu de ce morne2 désert. Parmi les fleurs de quelque
jardin aérien, j’entrevoyais le profil anguleux et crochu d’une vieille femme
arrosant des capucines, ou dans le cadre d’une lucarne pourrie quelque jeune
fille faisant sa toilette, se croyant seule, et dont je ne pouvais apercevoir que le
beau front et les longs cheveux élevés en l’air par un joli bras blanc. J’admirais
dans les gouttières quelques végétations éphémères, pauvres herbes bientôt
emportées par un orage ! J’étudiais les mousses, leurs couleurs ravivées par la
pluie, et qui sous le soleil se changeaient en un velours sec et brun à reflets
capricieux. Enfin les poétiques et fugitifs effets du jour, les tristesses du
brouillard, les soudains pétillements du soleil, le silence et les magies de la nuit,
les mystères de l’aurore, les fumées de chaque cheminée, tous les accidents de
cette singulière nature m’étaient devenus familiers et me divertissaient. J’aimais
ma prison, elle était volontaire. Ces savanes de Paris formées par des toits
nivelés comme une plaine, mais qui couvraient des abîmes peuplés, allaient à
mon âme et s’harmoniaient avec mes pensées. Il est fatigant de retrouver
brusquement le monde quand nous descendons des hauteurs célestes où nous
entraînent les méditations scientifiques. Aussi ai-je alors parfaitement conçu la
nudité des monastères.

Honoré de BALZAC, La Peau de chagrin, 1831.

1. Au fig. Tremper de larmes son pain. Vivre difficilement.


2. Morne. Qui provoque un état de lassitude, d’ennui par son uniformité, son absence
d’intérêt, son manque d’éclat. Synon. ennuyeux, monotone ; gris, terne, maussade.

Les Fenêtres

Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte ne voit jamais autant
de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. Il n’est pas d’objet plus
profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu’une
fenêtre éclairée d’une chandelle. Ce qu’on peut voir au soleil est toujours moins
intéressant que ce qui se passe derrière une vitre. Dans ce trou noir ou lumineux
vit la vie, rêve la vie, souffre la vie.
Par delà des vagues de toits, j’aperçois une femme mûre, ridée déjà, pauvre,
toujours penchée sur quelque chose, et qui ne sort jamais. Avec son visage, avec
son vêtement, avec son geste, avec presque rien, j’ai refait l’histoire de cette
femme, ou plutôt sa légende, et quelquefois je me la raconte à moi-même en
pleurant.
Si c’eût été un pauvre vieux homme, j’aurais refait la sienne tout aussi aisément.
Et je me couche, fier d’avoir vécu et souffert dans d’autres que moi-même.
Peut-être me direz-vous : « Es-tu sûr que cette légende soit la vraie ? »
Qu’importe ce que peut être la réalité placée hors de moi, si elle m’a aidé à vivre,
à sentir que je suis et ce que je suis !

Charles BAUDELAIRE, Petits poèmes en prose, 1869 (posthume).

Les Fenêtres

Las1 du triste hôpital et de l’encens fétide2


Qui monte en la blancheur banale des rideaux
Vers le grand crucifix ennuyé du mur vide,
Le moribond3, parfois, redresse son vieux dos,

Se traîne et va, moins pour chauffer sa pourriture


Que pour voir du soleil sur les pierres, coller
Les poils blancs et les os de sa maigre figure
Aux fenêtres qu’un beau rayon clair veut hâler4.

Et sa bouche, fiévreuse et d’azur bleu vorace,


Telle, jeune, elle alla respirer son trésor,
Une peau virginale et de jadis ! encrasse5
D’un long baiser amer les tièdes carreaux d’or.

Ivre, il vit, oubliant l’horreur des saintes huiles,


Les tisanes, l’horloge et le lit infligé,
La toux. Et quand le soir saigne parmi les tuiles,
Son œil, à l’horizon de lumière gorgé,

Voit des galères d’or, belles comme des cygnes,


Sur un fleuve de pourpre et de parfums dormir
En berçant l’éclair fauve et riche de leurs lignes
Dans un grand nonchaloir6 chargé de souvenir !

Ainsi, pris du dégoût de l’homme à l’âme dure,


Vautré dans le bonheur, où tous ses appétits
Mangent, et qui s’entête à chercher cette ordure
Pour l’offrir à la femme allaitant ses petits,

Je fuis et je m’accroche à toutes les croisées7


D’où l’on tourne le dos à la vie, et, béni,
Dans leur verre lavé d’éternelles rosées
Que dore le matin chaste de l’Infini

Je me mire et me vois ange ! Et je meurs, et j’aime


— Que la vitre soit l’art, soit la mysticité8, —
À renaître, portant mon rêve en diadème9,
Au ciel antérieur où fleurit la Beauté !

Mais, hélas ! Ici-bas est maître : sa hantise10


Vient m’écœurer parfois jusqu’en cet abri sûr,
Et le vomissement impur de la bêtise
Me force à me boucher le nez devant l’azur.

Est-il moyen, mon Dieu qui voyez l’amertume11,


D’enfoncer le cristal par le monstre insulté,
Et de m’enfuir, avec mes deux ailes sans plume,
— Au risque de tomber pendant l’éternité ?

Stéphane MALLARMÉ, « Les fenêtres », Le Parnasse Contemporain, 1863/66.

1. Las. Qui éprouve une fatigue physique générale ou localisée dans une partie du corps, ce
qui rend difficile ou impossible la poursuite d’une action, d’un effort. Synon. brisé, éreinté,
fourbu.
2. Fétide. [En parlant de l’odeur elle-même] Qui est nauséabond, écœurant.
3. Moribond. (Personne) qui est sur le point de mourir.
4. Hâler. Brunir. Synon. basaner, bronzer.
5. Encrasser. Salir en couvrant de crasse.
6. Nonchaloir. Littér. Synon. de nonchalance.
7. Croisée. P. méton. La fenêtre elle-même (notamment quand on la considère de l’intérieur).
8. Mysticité. Caractère de ce qui est mystique.
9. Diadème. Bandeau souvent pourvu d’une riche décoration, porté autour de la tête comme
signe de la royauté.
10. Hantise. Au fig., usuel. Idée, image ou mot qui occupe de façon obsédante l’esprit d’une
personne.
11. Amertume. Au fig. Sentiment (ou caractère propre du sentiment) mêlé de découragement
et de rancœur, éprouvé à la suite d’un échec, d’une désillusion.

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