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Vers un référentiel de formation linguistique pour les étudiants

étrangers à partir de la construction de corpus professionnels

Jean-Marc Mangiante
Université d’Artois – GRAMMATICA
jmarc.mangiante@univ-artois.fr

Terres de FLE n° 2 - 2009 pp. 19-30


Résumé : L’université d’Artois est engagée depuis un an dans un programme
d’accueil et d’accompagnement des étudiants étrangers. Pour répondre aux
besoins linguistiques des étudiants confrontés à des exigences disciplinaires
différentes, les enseignants de langue tentent de dégager les compétences
langagières transversales aux disciplines, de privilégier les types discursifs
communs à plusieurs spécialités et de réfléchir à des modalités de travail
autonome pour ce qui relève des discours spécifiques à chaque discipline
universitaire.
Cet article cible l’expression écrite, qui semble poser le plus de problème aux
étudiants inscrits dans les formations linguistiques dispensées à l’université
d’Artois. L’élaboration d’un référentiel de compétences langagières
appliquées à la formation universitaire, apparaît comme une démarche qui
peut permettre de concevoir une programmation d’enseignement commune.

1. Le contexte de l’université d’Artois

1.1. La situation de l’université

L’Université d’Artois est confrontée, comme beaucoup d’autres universités


françaises, à l’afflux d’étudiants étrangers qui représentent 10% de ses effectifs,
soit près de 1200 étudiants. Elle est engagée depuis un an dans un programme
d’accueil et d’accompagnement de ces étudiants étrangers, comportant la
création d’un service des étudiants étrangers, la mise en place de partenariats
universitaires internationaux et un dispositif de formation linguistique.

Comme la journée d’études organisée par l’UFR de lettres et la Chambre de


Commerce et d’Industrie de Paris (CCIP) à Arras, le 1er juin 2006, l’a mis en
évidence, le nombre important d’étudiants étrangers répartis au sein de toutes
les composantes de l’université d’Artois, leur hétérogénéité de niveau et de
besoins linguistiques face à des exigences disciplinaires différentes, rendent
difficile l’élaboration d’un programme de formation linguistique répondant aux
objectifs de tous les apprenants au sein de chaque classe.

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1.2. Le protocole de recherche de Grammatica

Se posent alors les questions de cibler des compétences transversales aux


disciplines, de privilégier les types discursifs communs à plusieurs spécialités et
de réfléchir à des modalités de travail autonome pour ce qui relève des discours
spécifiques à chaque discipline universitaire.

Nous nous intéresserons ici à l’expression écrite, qui semble poser le plus de
problème aux étudiants étrangers inscrits dans les formations linguistiques
dispensées à l’université d’Artois. Peut-on dégager des exigences disciplinaires
communes à plusieurs spécialités, des types de discours à lire et à produire,
qui soient transversaux ? Quelles activités pédagogiques peut-on ainsi concevoir
afin d’impliquer, en cours de langue, l’ensemble des étudiants étrangers issus
des différentes UFR ?

Dans cette optique, l’élaboration d’un référentiel de compétences langagières


appliquées à la formation universitaire, apparaît comme une démarche qui peut
permettre de concevoir une programmation d’enseignement commune.

Ainsi l’axe «  discours et didactique  » du laboratoire Grammatica, qui réunit


les enseignants de la filière FLE, a rejoint un programme de recherche destiné
à construire différents corpus dont un ensemble de discours universitaires, en
partenariat avec l’Université de Lille 3 et le laboratoire Savoirs, Textes, Langage
(groupes de chercheurs en TAL).

Le recueil des données

Un premier travail d’enquêtes est réalisé sur le terrain par des étudiants en
master 2ème année de didactique FLE, qui enregistrent les cours magistraux,
s’entretiennent avec les enseignants et des étudiants étrangers, collectent les
productions écrites des étudiants (prise de notes, devoirs, examens…) et des
enseignants (polycopiés des cours, cours en ligne, énoncés, corrections…). Ce
programme a démarré au premier semestre 2007 et a commencé par le recueil
de données écrites, il se prolonge au dernier trimestre par les entretiens
avec les professeurs et les étudiants étrangers afin de passer à la phase des
enregistrements de cours qui débutera au 1er trimestre 2008.

Cette dernière étape essentielle se tiendra dans un climat de confiance rendu


possible grâce aux contacts déjà pris qui ont permis à tous les protagonistes
concernés de prendre la mesure des enjeux du projet et des objectifs à atteindre
pour rendre plus efficace l’accueil et l’accompagnement des étudiants étrangers.

A partir de l’analyse des différents discours recueillis, nous essaierons de dégager


un référentiel de formation linguistique applicable aux étudiants étrangers,
permettant de cibler les compétences de compréhension et d’expression, écrites
dans un premier temps puis orales, transversales aux disciplines universitaires.

Cette communication rend compte des premières hypothèses qui se dégagent


de l’analyse des discours écrits collectés à ce jour et des entretiens avec les

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étudiants étrangers. Elle porte sur les exercices et examens écrits recueillis dans
les disciplines scientifiques et les sciences humaines, les devoirs d’étudiants
(partiellement, la collecte est encore en cours), les corrections des enseignants,
les cours (polycopiés ou cours en ligne). Environ une centaine de documents
ont été classés selon cette typologie afin de réaliser une première analyse et
d’émettre les premières hypothèses pour orienter le projet.

Les étudiants étrangers ciblés en accord avec le service des relations internationales
de l’université sont issus de partenariats officiels et arrivent directement de
l’étranger  : les étudiants du programme Erasmus, les étudiants chinois des
universités partenaires de l’Artois, les Yéménites boursiers du gouvernement
dans les filières juridiques...

En effet, il convient de distinguer dans le nombre d’étudiants étrangers d’une


université, la part d’étudiants venant directement de leur université d’origine
de celle des étudiants qui ont déjà étudié dans une autre université française.
On constate en effet un certain « nomadisme » universitaire chez les étudiants
étrangers (jusqu’au 2/3 dans certaines filières de l’Artois).

Enfin les réactions des étudiants sur les forums de discussions seront aussi
analysées dans le cadre du projet pour repérer leurs difficultés au sein d’une
communication moins formalisée.

2. Les exigences disciplinaires en matière d’écrits

La démarche a donc consisté à récolter et à étudier les sujets d’examens,


d’exercices et d’activités écrites proposées dans le cadre des cours de licence
et master afin de répertorier les attendus disciplinaires en matière d’expression
écrite. Le recueil porte actuellement sur deux grands blocs disciplinaires : sciences
dures et sciences humaines et reste limité aux différents sites de l’Artois. Les
documents collectés portent essentiellement sur L2, L3 et M1 où sont inscrits le plus
d’étudiants étrangers. L’objectif est de dégager des caractéristiques communes :
types de consignes, modalités d’écriture, types de discours… puis de dégager des
macro - compétences discursives transversales aux différentes disciplines au sein
de chaque bloc, puis de mettre en perspective ces macro - compétences avec
les descripteurs du CECR, et enfin dans une ultime démarche de concevoir un
référentiel de compétences langagières transversal de l’étudiant étranger.

Schéma de la démarche
Classement des productions écrites attendues selon les critères suivants

Consignes Genre textuel type discursif modalité d’écriture

Compétences transversales mobilisées

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Nous nous réfèrerons ici à la distinction selon Bronckart entre genre textuel et
type discursif. Par genre textuel, nous entendons catégoriser les textes selon
une tradition d’écriture déterminée, celle de l’université, selon des critères
de composition, d’enjeu de communication, de « tradition » disciplinaire, de
règles ou de codes d’écriture… Les types discursifs renvoient aux travaux de
JM Adam et relèvent des caractéristiques linguistiques des discours en termes
d’actes langagiers et d’intention de communication.

Les filières concernées sont AES, le droit et les sciences politiques, l’économie


publique…, les mathématiques, biologie, sciences physiques, STAPS. L’étude
des premiers documents recueillis révèle déjà un certain nombre de productions
écrites demandées aux étudiants et dont les caractéristiques sont communes à
l’ensemble des disciplines. Trois grandes catégories de productions transversales
semblent se dégager, révélant des caractéristiques linguistiques et des actes
langagiers propres :

Restitutions du cours Commentaires et synthèses Etudes de cas et simulations


Analyser une situation à partir de
Répondre à des questions qui découlent
Rédiger la définition de termes paramètres ponctuels (prévisibles
du cours
ou de notions et déviants), interpréter des
Réagir à des situations décrites,
Répondre à des questions de données et les adapter à un schéma
exprimer un avis, une réflexion,
cours étudié en cours,
argumenter et comparer
Réemployer et « instancier »

L’instanciation est un processus par lequel l’apprenant applique des paramètres


connus à une situation nouvelle (parfois synonyme de réemploi), expression
surtout utilisée par les didacticiens des mathématiques et des sciences.

Exemples de productions attendues des étudiants

■ Faculté de sciences juridiques de Douai, L2 Finances publiques


■ Définitions (restitution du cours) + corrigé attendu du professeur

- régie d’avances et de recettes : il s’agit d’une situation dans laquelle la phase


comptable de paiement des dépenses et de recouvrement des recettes se trouve
amputée. En effet, dans cette hypothèse, les opérations ne sont pas effectuées par
un comptable public dûment habilité, mais par un agent subalterne placé sous la
subordination de l’ordonnateur de la collectivité publique. Ainsi, par exemple, dans les
musées ou les piscines publiques, un fonctionnaire sera chargé de recueillir le produit des
droits d’entrée. Le comptable n’est pas totalement absent de cette procédure, dans la
mesure où il peut engager sa responsabilité, en cas de défaut de surveillance du régisseur.
Il en va de même pour le régisseur qui a décidé de sa nomination.

- transfert de crédit : on oppose les transferts de crédit aux virements. Les premiers
consistent à déplacer un montant de dépense d’un service vers un autre, à l’intérieur
du budget de l’Etat, sans en modifier la nature ni le montant. La loi organique de
2001 confirme cette possibilité (entre les différents programmes), mais en renforce la
procédure en imposant le recours à un décret et non plus un simple arrêté du ministre de
finances, après information du parlement.

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Epreuve de réflexion avec corrigé

■ En matière budgétaire, le consentement du Parlement français est-il éclairé ?


■ Exigences attendues du professeur dans ses commentaires :

- Montrer que : 1° le rôle du parlement en matière budgétaire est essentiel, eu égard aux
principes fondamentaux applicables en la matière, 2° l’ordonnance de 1959 a contribué
à amoindrir la liberté de décision du Parlement français, 3° cet état de choses doit être
nuancé compte tenu de la jurisprudence du CC relative au principe de sincérité budgétaire
et surtout de la réforme opérée par la loi organique du 1er août 2001.
- Naturellement, il ne fallait pas s’en tenir à des considérations trop générales ou au
« placage » d’une partie du cours qui n’abordait que partiellement la question.

Micro-économie (L2)

- étude des courbes d’indifférence


- 1. Quelles remarques peut-on faire sur la formulation fournie en II.1 ?
- 2. Tracer les courbes représentatives de la fonction d’utilité pour :
-a=2
-a=4
-a=6
- Commenter.

AES (M1)

- Traitez la question suivante dans le tableau prévu à cet effet:


- Dans la banlieue de LABELLEVILLE, le quartier de LAZONE a connu une nuit agitée:
les jeunes en colère ont incendié le centre social et ont attaqué les pompiers pendant
leur intervention!
- Le maire veut reprendre l’initiative pour apaiser les esprits et engager une nouvelle
politique de développement du quartier. Il veut engager le dialogue dès demain, mais
hésite entre:
- une réunion publique avec les jeunes du quartier, mais à l’hôtel de ville pour des
questions de sécurité = solution n°1;
- une réunion avec l’association gestionnaire du centre social, dernier service public
fonctionnant dans le quartier. Participent au conseil d’administration de cette
association les parents des plus jeunes enfants = solution n°2.
- Avant de prendre une décision, il vous demande une note pour apprécier les
avantages et inconvénients de chacune des deux solutions.

Merci d’indiquer simplement les avantages et inconvénients de chacune de ces alternatives en vue de
l’élaboration d’un plan de développement participatif.

■ Etude de cas :

Vous êtes chargé de l’animation d’un pays dont voici les principales
caractéristiques.

- En périphérie des Ardennes, une communauté de commune vient de se constituer. Elle


doit faire face à la fermeture prochaine du camp militaire qui a conduit à l’installation

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de 150 familles dispersées sur son territoire. A l’exception de 13 d’entre elles, la


fermeture du camp entraînera leur déménagement. L’armée s’est engagée à concourir
financièrement au plan de développement de la communauté de commune.
- La moitié du territoire est occupé par des forêts de résineux, ailleurs c’est l’élevage
qui subsiste avec difficulté. Dans l’un des bourgs, se développe une fabrication
artisanale de salaison et charcuterie qui lance une nouvelle gamme de produits à
base de gibier. Le comité régional du tourisme a lancé avec succès une promotion des
activités de chasse et pêche qui attire les amateurs parisiens les week-end….

Cours d’histoire en ligne (UFR histoire et IUP patrimoine et tourisme)

- Dans le sillage de Benjamin Franklin venu négocier une intervention militaire française
aux côtés des Insurgents américains en lutte contre le roi d’Angleterre George III,
un jeune Bostonien arrive à Paris et découvre l’une des capitales des Lumières
européennes. Il est ensuite chargé par Franklin de convaincre les élites européennes
de l’universalité des idéaux défendus par les Insurgents américains. Un voyage de
deux ans le conduira à sillonner l’Europe, au terme duquel il fait son rapport.
- Après avoir pris connaissance de cette brève biographie de son maître, Benjamin
Franklin, rédigez le rapport d’activité du jeune émissaire américain.

Ces trois types de productions classées dans le tableau précédent, correspondent


à trois macro - tâches1 transversales aux différentes disciplines, requises pour
les étudiants :

Re-produire (restituer) re-formuler re-lier (associer, apparier)

Identifier et convaincre Repérer, comparer,


associer démontrer interpréter
Recopier
Imiter
Déduire (math)

Reproduire suppose d’identifier et de nommer les objets, notions, phénomènes


étudiés selon une démarche de type analogique par laquelle l’étudiant retrouve en
quelque sorte son cours à travers l’énoncé ou les données de départ de l’exercice qui
agissent un peu à la manière de « liens hypertextes » qui le renvoient à des savoirs
acquis, partiellement ou non. C’est le cas bien sûr de la définition à rédiger.

La démarche de reformulation en revanche demande de mobiliser davantage de


savoir-faire, par lequel l’étudiant apporte nécessairement une modification dans
la formulation de ses acquis disciplinaires. Il doit altérer, modifier un discours
précédent, celui de son cours, dans le but de convaincre et d’argumenter, c’est le
cas en particulier de l’étude de cas et du commentaire. En mathématiques et en
sciences, il s’agira de démontrer, c’est-à-dire de rendre valide et de vérifier.

La démarche de relier, associer et apparier suppose enfin une réflexion et un


certain degré d’abstraction et de globalisation dans laquelle l’étudiant doit
contextualiser l’ensemble des données fournies aussi bien par son cours que
par les consignes ou les données apportées par la situation décrite. Il doit

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donc relier des connaissances, des objets, des concepts, ce qui suppose de
les repérer, les dégager au préalable, puis de les comparer, les interpréter, les
estimer, les mesurer et les analyser.

La rédaction du rapport d’activités (cours en ligne d’histoire), d’une simulation


ou encore du commentaire de texte et de la synthèse de documents relèvent de
cette démarche contextuelle.
On peut associer ces trois macro – tâches aux trois grands « savoir-faire » que
nécessite le travail universitaire selon Lucie GAUTHIER2 (2001) : savoir « GÉRER,
ANALYSER et TRANSPOSER » des connaissances. Ecrire c’est gérer des connaissances
ou des informations, les faire circuler et chercher à convaincre.

De même, cette typologie relève clairement de la démarche englobante et


transdisciplinaire, développée et prônée par Edgard Morin dans son ouvrage
Relier les connaissances  (1999), dans la mesure où les études universitaires
doivent favoriser, selon lui, une « dynamique de la transversalité » pour gérer la
complexité du monde, que nous pourrions caractériser ainsi :
Reproduire
Identifier
Et recopier
Reformuler
Etendre
Diversifier
Relier
Apparier
Créer

Trois types de mise en relation d’éléments langagiers se superposent ainsi :

- Articles – définitions, vedette : hyperonyme + hyponyme(s) en biologie notamment ;


- Relations co-référentielles : pronoms, anaphores, hyponymes, synonymes…
- Relations à la fois co-référentielles et référentielles : données du cours + extérieures
au cours, actualité, expérience personnelle, lecture.

3. Des tâches langagières requises à l’université aux compétences de


communication spécialisée

Ces trois macro - tâches dégagées plus haut font largement appel à une macro -
compétence transversale de la part de l’étudiant étranger : l’habilité à mettre
en relation des éléments issus de plusieurs systèmes différents :

- des connaissances disciplinaires apprises en cours,


- des savoirs linguistiques et culturels,
- des règles et des codes propres aux disciplines et aux écrits universitaires demandés.

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Selon Marc Souchon3 (2004), le principal problème justement des étudiants


étrangers désireux d’intégrer l’université française, est de re-lier « l’ordre de la
pensée et l’ordre des mots, dans une logique » française, alors qu’ils réagissent face
aux difficultés de leurs études par une tendance à la dissociation : au niveau des
programmes de formation (en langue générale et langue de spécialité par exemple),
des pratiques d’enseignement et de leur approche de la langue étrangère.

Par ailleurs, les macros – tâches ainsi dégagées des trois catégories de
productions écrites, annoncent déjà un certain type de discours générique  :
le type expositif4. On retrouve principalement dans les écrits universitaires
demandés aux étudiants des productions de compte-rendu, synthèses, rapports,
notes. Les étudiants doivent donc principalement développer des compétences
permettant de mettre en relation un « certain ordre de la pensée avec l’ordre
de la langue qu’ils sont en train de s’approprier» (Souchon, 2004).

Pour s’approprier ses compétences, l’étudiant doit cerner le lien qu’il entretient,
en tant que « sujet écrivant » avec le « monde de l’activité humaine » incarné par
le domaine disciplinaire, avec le langage et les différentes formes discursives.
L’objectif pour lui est de parvenir à maîtriser une « certaine unité du mot et
de la pensée ». Il pourra ainsi se rassembler en tant que locuteur pensant dans,
hors, de et vers la langue cible.

L’étudiant, pour cela, doit puiser au sein de plusieurs systèmes de données à


mettre en relation, rappelés par C. Cavalla5 (2006) : le savoir disciplinaire, la
méthodologie universitaire, le système linguistique et terminologique.

Le système disciplinaire :
Savoirs, références, discours
spécialisés

Le Système source :
Langue maternelle,
Système éducatif d’origine

Le système linguistique - cible : Le système universitaire :


Lexique courant, Méthodologie,
Syntaxe… Exigences disciplinaires

Nous pouvons ainsi dégager les premiers éléments constitutifs d’un référentiel
langagier transversal appliqué à la formation linguistique et ciblant l’expression
écrite et selon la répartition précédente par micro-tâches :

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Objectif : réalisation de
Compétences requises Productions attendues
macro - tâches langagières
Identifier les éléments clés d’une
Réponses à des questions de
partie de cours, repérer les
Reproduire, reconstituer définitions, descriptions de
structures définitoires, définir les
dispositifs et de phénomènes
objets et les acteurs spécialisés

Argumenter, comparer, classer, Commentaires de textes


Reformuler exposer, donner son point de (arrêtés, décrets…), synthèses
vue, son opinion de documents, compte-rendus
Analyser une situation, situer
dans le temps, dans le champ Documents professionnels
Relier, associer
disciplinaire, s’adapter à simulés
d’autres structures, contester

La question qui se pose naturellement quand on construit un référentiel est


celle de son éventuelle indexation sur une échelle de niveau, question d’autant
plus prégnante dans la problématique de l’accueil des étudiants étrangers. Il
convient donc de s’interroger sur le niveau de langue auquel vont se situer
ces compétences précises qu’il faudra par ailleurs affiner et confirmer en
prolongeant l’étude sur davantage de données recueillies.
Une comparaison avec le CECR pour l’expression écrite permet déjà de donner
une idée de cette indexation :

Niveaux Production écrite


C2 L’apprenant de niveau C2 peut écrire des textes élaborés, limpides et fluides, exempts
de calques de la langue maternelle, dans un style approprié et efficace, avec une structure
logique qui aide le destinataire à remarquer les points importants.
C1 L’apprenant de niveau C1 peut écrire des textes bien structurés sur des sujets complexes,
en soulignant les points pertinents les plus saillants et en confirmant un point de vue
de manière élaborée, par l’intégration d’arguments secondaires, de justifications et
d’exemples pertinents pour parvenir à une conclusion appropriée.
B2 L’apprenant de niveau B2 peut écrire des textes clairs et détaillés sur une gamme
étendue de sujets relatifs à son domaine d’intérêt en faisant la synthèse et l’évaluation
d’informations et d’arguments empruntés à des sources diverses.
B1 L’apprenant de niveau B1 peut écrire des textes articulés simplement sur une gamme
de sujets variés dans son domaine en liant une série d’éléments discrets en une séquence
linéaire.
A2 L’apprenant de niveau A2 peut écrire une série d’expressions et de phrases simples reliées
par des connecteurs simples tels que « et », « mais », et « parce que »
A1 L’apprenant de niveau A1 peut écrire des expressions et phrases simples isolées.

On constate que même en dehors du contexte universitaire, l’acte d’écrire est


associé à la tâche de « mettre en relation » : peut écrire des textes articulés
simplement sur une gamme de sujets variés dans son domaine en liant une série
d’éléments discrets en une séquence linéaire (B1) ; … en faisant la synthèse et
l’évaluation d’informations et d’arguments empruntés à des sources diverses…
(B2) ; … en soulignant les points pertinents les plus saillants et en confirmant un
point de vue de manière élaborée, par l’intégration d’arguments secondaires,
de justifications et d’exemples pertinents pour parvenir à une conclusion
appropriée (C1)…

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4. Les pratiques et modalités transversales aux disciplines

Nous avons vu ici que certaines compétences s’avèrent transversales aux


disciplines au sein du même bloc disciplinaire  : l’acte de définir ou celui de
commenter présentent de fortes similitudes au niveau des mécanismes de
référentialisation et mise en relation qu’ils nécessitent, que ce soit en droit ou
sciences sociales…

En revanche on parlera plutôt de compétences transposables à d’autres


disciplines6 (B. Rey, 1996) dès lors que l’on change de bloc disciplinaire : définir
en mathématiques consiste davantage à situer une notion par rapport à d’autres
au sein d’un raisonnement qui conditionne son existence. C’est la démonstration
mathématique qui crée les objets mathématiques et qui les définit :

Cours de M1, probabilités


Définition 4.3 Si F _ L1(P), on dit que :
1) F est équicontinue si :
(8» > 0) (9_ > 0) P (A) 6 _ =) _ZA |X| dP 6 «, 8X 2 F_;
2) F est équi-intégrable si :
Lim a!+1_ sup X2F Z{|X|>a}
|X| dP _= 0.

Définition 5.2 On dit que la suite de v.a.r. (Xn)n>1 converge en loi (ou aussi converge
en distribution) vers la v.a.r. X si :
E_f(Xn)_−−−! n!1 E_f(X)_ , 8f 2 Cb(R).

Conclusion : les perspectives de recherche dans le cadre de Grammatica


Ce premier travail de recueil des discours universitaires s’insère dans une démarche
d’analyse et d’élaboration d’un référentiel de formation linguistique universitaire
transversal aux disciplines et qui doit s’étendre à l’oral. Les prochaines étapes
programmées à partir de la rentrée 2007, sont les suivantes :
- Vérification et affinement des hypothèses avec de nouveaux recueils de documents,
réalisés par des étudiants stagiaires de M2 professionnel (en particulier, enregistrements
des cours magistraux).
- Développement du référentiel de formation linguistique consacré à l’écrit puis extension
à l’oral.
- Conception d’activités de cours en présentiel à partir du référentiel, axés sur les
compétences transversales.
- Elaboration d’une plateforme numérique de formation linguistique consacrée aux
compétences et connaissances linguistiques propres aux disciplines étudiées, dans le
cadre de l’ouverture du Centre de Ressources en Langues de l’Université d’Artois.

Un référentiel constitue un genre d’inventaire des conditions nécessaires pour


exercer une fonction particulière ou pour réaliser un projet de formation. Il se
construit à partir d’une analyse des échanges des échanges langagiers sur le
terrain dans lequel sont projetés les comportements et attitudes requises par
l’objectif à atteindre par le public concerné.

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Vers un référentiel de formation linguistique pour
les étudiants étrangers à partir de la construction de corpus professionnels

Parmi les deux types de référentiels professionnels que l’on connaît  : les
référentiels - métiers ou référentiels d’activités qui permettent de décrire
les caractéristiques d’un métier et les référentiels de compétences qui listent
l’ensemble des compétences professionnelles générales requises par un individu
pour exercer le métier, on trouve aussi les référentiels de formation qui vont
établir en amont les capacités nécessaires ou méta – compétences, à faire
acquérir durant la formation pour préparer à exercer le métier.

Le but recherché ici est d’élaborer un référentiel de formation dont l’objectif est
l’intégration universitaire des étudiants étrangers réalisé à partir de l’analyse
des situations d’enseignement universitaire auxquelles ils sont confrontés.

Dans son principe la référentialisation apparaît comme la confrontation entre la


réalité d’un métier ou d’une formation observés sur le terrain et la détermination
des conditions nécessaires à leur bonne réalisation. Il s’agit d’interpréter la
situation réelle d’exercice des activités, à partir de leur observation qui va
révéler les compétences requises par les individus. En amont, le référentiel
de formation se dégage des compétences inventoriées au sein de la phase
d’observation des activités.

La référentialisation en langues procèdera donc par une observation des


échanges langagiers en situation réelle. C’est un processus qui s’appuie sur une
analyse des besoins menée sur le terrain dont les résultats de l’observation
constituent le «  référé  »7  : recueil de discours authentiques produits ou
interprétés, descriptions des tâches langagières effectuées.

L’analyse et le classement de ces données seront ensuite transformés en


« référent », c’est-à-dire en performances attendues d’un apprenant en langue,
par compétence, selon C. Hadji (1989).

La démarche d’élaboration de référentiels langagiers peut être globalement


dégagée de celle qui permet l’élaboration d’un cours de français sur objectif
spécifique, telle que nous l’avons dégagée (Mangiante et Parpette, 2004) même
si le but en est très différent :

- Observation du contexte, lieu de pratiques et d’échanges langagiers,


- Sélection des étudiants étrangers concernés, repérage des tâches universitaires,
- Analyse des besoins
- questionnaires et grilles d’observation
- entretiens
- repérage des actes de paroles
- Collecte des données
- enregistrements des cours magistraux, TD, TP…
- recueil de documents écrits
- Analyse des données
- identification du contenu linguistique
- mise en relation avec les objectifs communicatifs
- Elaboration du référentiel.

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Références bibliographiques

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Fac linguistique, Paris, 1999.

CAVALLA C., « Réflexion pour l’aide à l’écrit universitaire auprès des étudiants étrangers
entrant en master et doctorat », in L’Accueil des étudiants étrangers dans les universités
francophones, Etudes réunies par J. GOES et JM MANGIANTE, APU 2006.

GAUTHIER L., « L’aventure universitaire », dans Michel Roy (dir.), L’université : une fois
entré, comment bien s’en sortir!, Université de Sherbrooke, Services à la vie étudiante,
2001.

GOES J. et MANGIANTE J.-M., L’Accueil des étudiants étrangers dans les universités
francophones, Artois Presses Université, Arras, 2007. (Recueil d’articles).

HADJI, Charles. 1989,6° édition 2000.L’évaluation, règles du jeu. Paris : ESF éditeur.

MANGIANTE J.-M. et PARPETTE C., Le Français sur objectif spécifique, Nouvelle collection
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MORIN E., Relier les connaissances, Le Seuil, 1999.

NUNAN D., Designing tasks for the Communicative Classroom, Cambridge University
Press, 1989.

B. REY, Les compétences transversales en question, ESF, 1996.

SOUCHON M., « FOS  : de l’ordre de la pensée à l’ordre des mots  », in Français sur
objectifs spécifiques  : de la langue aux métiers, numéro spécial du Français dans le
monde, collection Recherches et Applications, Janvier 2004.

Notes
1
Au sens de NUNAN : ensemble structuré d’activités à partir d’un support authentique, supposant
six paramètres : les objectifs, le support, les activités, les rôles de l’enseignant et des apprenants
et le dispositif.
2
L. GAUTHIER (2001), « L’aventure universitaire », dans Michel Roy (dir.), L’université : une fois
entré, comment bien s’en sortir!, Université de Sherbrooke, Services à la vie étudiante, 2001.
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