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* Cet article est issu de deux conférences données d’une part au séminaire « La Bible grecque
des Septante », à Paris, le 6 décembre 2013, d’autre part au séminaire patristique de Christ Church,
Oxford, le 4 mars 2014, à l’invitation de Mark Edwards. Cette recherche a avantageusement
profité des échanges auxquels elle a donné lieu à ces deux occasions.
1. PE, XI, 12.
2. PE, XI, 6. Nous avons étudié plus particulièrement ces deux passages (« La Préparation
évangélique d’Eusèbe et les Stromates perdus d’Origène : nouvelles considérations », Revue de
philologie, 87, 2013, p. 103-119). Cet article fait suite à une autre publication dans laquelle nous
avons essayé de montrer que la comparaison de l’Écriture et de Platon où interviennent ces deux
mentions du tétragramme (PE, XI-XII) peut être inspirée d’une œuvre d’Origène, sans doute les
Stromates (« Eusèbe de Césarée a-t-il utilisé les Stromates d’Origène dans la Préparation évan-
gélique ? », Revue de philologie, 78, 2004, p. 127-140). Cette hypothèse avait été avancée pour la
première fois par H. D. Saffrey (« Les extraits du Περὶ τἀγαθοῦ de Numénius dans le livre XI
de la Préparation évangélique », dans Studia patristica, 13, Berlin, 1975, p. 46-51).
214 SÉBASTIEN MORLET
3. Voir, dans l’appendice, les textes 5, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 19, 21, 23, 24, 26.
4. Texte 7.
5. Textes 8, 17, 26.
6. Textes 2, 4, 5, 6, 16, 18, 21.
7. Texte 16.
8. Texte 3.
9. Texte 18 (ἀνεκφωνήτῳ προσρήσει τῇ διὰ τῶν τεσσάρων στοιχείων).
10. Texte 5.
11. Texte 5.
12. Texte 9.
13. Texte 3.
14. Texte 6.
15. Texte 5.
16. Textes 19, 21.
LE TÉTRAGRAMME CHEZ EUSÈBE DE CÉSARÉE 215
17. Cette tradition est rappelée chaque fois qu’Eusèbe évoque le nom divin.
18. Texte 2.
19. Cf. texte 6. La Bible d’Alexandrie, Exode (éd. A. Le Boulluec – P. Sandevoir, Paris, 1989),
p. 292 rappelle que, si l’on peut comprendre « chose sainte du Seigneur » comme une traduction de
la formule inscrite sur l’incision, les commentateurs grecs comprennent plutôt qu’il s’agit d’une
apposition qualifiant l’inscription, toujours identifiée au tétragramme (Lettre d’Aristée ; Philon,
Josèphe, Clément, Théodoret).
20. Texte 1.
21. Texte 2.
22. Texte 1. Voir encore textes 3, 16, 17.
23. Cette étymologie est discutée. Cf. « Names of God », Jewish Encyclopedia, 9, 1905, p. 160-
165 : « The commonly accepted derivation of this name from the Hebrew root אול, ‘to be strong’,
is extremely doubtful » (p. 161). L’article plaide pour une racine signifiant « conduire », « diriger »,
mais conclut que le sens exact du nom n’est pas clair. W. Herrmann, récemment, maintient
cependant l’étymologie traditionnelle comme probable (« El », Dictionary of Deities and Demons
in the Bible, Leiden – Boston, 19992, p. 274).
24. Textes 6, 18 et 26.
216 SÉBASTIEN MORLET
Ces traditions viennent grossir le dossier déjà important des traditions juives
transmises dans l’œuvre de l’évêque de Césarée25. Certaines sont bien attestées
dans les textes rabbiniques26. La récurrence des tournures utilisées par Eusèbe
invite par ailleurs à se demander si l’évêque de Césarée ne transmet pas des termes
techniques peut-être utilisés par les juifs de Césarée. L’expression παρ’ Ἑβραίοις,
très fréquente au voisinage de ces tournures, nous l’avons vu, suggère, de même,
qu’Eusèbe attribue aux Hébreux non seulement les traditions qu’il associe au
tétragramme, mais l’usage des termes qu’il reprend. Par exemple, l’expression τὰ
τέσσαρα στοιχεῖα τὰ παρ’ Ἑβραίοις ἀνεκφώνητα ne signifie peut-être pas
seulement « les quatre lettres qui sont imprononçables chez les Hébreux », mais
aussi « les quatre lettres qui sont [dites] ‘imprononçables’ chez les Hébreux ».
De même, la tournure τὸ τετράγραμμον παρ’ Ἑβραίοις ὄνομα ne signifie
peut-être pas seulement « le nom formé de quatre lettres chez les Hébreux », mais
plus précisément « le nom [dit] ‘tétragramme’ chez les Hébreux ». En d’autres
termes, le témoignage d’Eusèbe nous informe sans doute sur un certain nombre
d’expressions juives relatives au tétragramme. On en trouverait une confirmation
dans le fait que certaines de ces expressions ont un équivalent dans la littérature
rabbinique27. Eusèbe ne transmet d’ailleurs peut-être pas seulement des traduc-
tions d’expressions sémitiques, mais des désignations grecques du tétragramme
utilisées par les juifs hellénophones.
25. Sur les traditions juives chez Eusèbe, voir, pour un court bilan, S. morlet, La Démonstration
évangélique d’Eusèbe de Césarée. Étude sur l’apologétique chrétienne à l’époque de Constantin,
Paris, 2009, p. 15-17. On regardera notamment le relevé effectué par M. J. HollerIcH à partir du
Commentaire sur Isaïe (Eusebius of Caesarea’s Commentary on Isaiah: Christian Exegesis in the
Age of Constantine, Oxford, 1999, p. 147-148). L’étude de S. KraUSS est dépassée et a besoin
d’être révisée et augmentée (« The Jews in the Works of the Church Fathers », Jewish Quarterly
Review, 5-7, 1892-1894, repris en un seul volume chez Gorgias Press en 2007). On n’a jamais,
sauf erreur, signalé l’importance d’Eusèbe concernant le tétragramme et ses usages.
26. Sur l’imprononçabilité du nom divin : Mishnah Yoma 6, 2 ; TB Sotah 38a ; TB Avodah Zarah
18a. L’exploitation exégétique du tétragramme de la part d’Eusèbe rappelle l’interprétation rabbi-
nique des noms divins, qui consiste à associer ces derniers à des attributs de Dieu. Le tétragramme
indiquerait l’attribut de pitié, tandis que le nom Elohim désignerait le caractère justicier de Dieu.
Voir sur ce point l’article « God, names of », Encyclopaedia Judaica2, VII, 1971, p. 674-685.
D’autres textes rabbiniques associent le tétragramme à l’éternité de Dieu, à cause de sa proxi-
mité avec la racine « être » (ibid., p. 163). On voit cependant que, si le propos d’Eusèbe rappelle
ces spéculations rabbiniques sur le nom divin, il ne leur correspond pas tout à fait. L’évêque de
Césarée met plutôt le nom divin en rapport avec le caractère indicible de Dieu ; il le distingue une
fois d’Elohim, mais dans un sens différent de celui des rabbins (PE, XI, 6, 20) ; et, la plupart du
temps, il ne l’oppose pas à Elohim, mais à Adonai. Eusèbe documente-t-il un état de la réflexion
juive qui n’est pas transmis dans les textes rabbiniques ?
27. L’expression τετράγραμμον ὄνομα rappelle directement l’expression rabbinique shem
ben arba otiyot. Le témoignage d’Origène, que nous évoquerons par la suite (texte 27), est encore
plus clair sur le fait que le mot « tétragramme » (τετραγράμματον, pour Origène) était le terme
technique, ou l’un des termes techniques, utilisé(s) par les juifs. Nous verrons aussi que le témoi-
gnage d’Origène est sans doute, de ce point de vue, plus fiable que celui d’Eusèbe.
LE TÉTRAGRAMME CHEZ EUSÈBE DE CÉSARÉE 217
des Hexaples. Dans les fragments de la synopse, les versions d’Aquila (troisième
colonne) et de Symmaque (quatrième colonne) donnent le tétragramme en hébreu,
mais ou bien en écriture carrée (palimpseste de Milan) ou bien sous la forme ΠΙΠΙ
(palimpseste du Caire). Dans le codex de Milan, il est parfois précédé de l’article
grec. Dans la sixième colonne (Théodotion), dans le même manuscrit, on trouve
tantôt le tétragramme en écriture carrée (avec ou sans article40), tantôt la suite
tétragramme (en carrée) + κς (au cas voulu)41. On notera que, dans son commen-
taire du Ps 90, 9, par exemple, Eusèbe cite les versions d’Aquila et de Symmaque
sans tétragramme, mais avec le mot κύριος42.
L’hypothèse la plus vraisemblable est que l’information d’Eusèbe sur l’état
du texte hébraïque remonte aux Hexaples. Nous verrons cependant qu’entre la
synopse et l’évêque de Césarée, il y a sans doute un intermédiaire de taille.
Souvent, pourtant, Eusèbe n’évoque pas précisément l’hébreu. Il écrit ainsi qu’il
a trouvé le tétragramme utilisé (κειμένην εὕρομεν), mais sans préciser dans
quel état du texte43. Ailleurs, il parle simplement de l’« Écriture » : τῆς γραφῆς
ἐπὶ τοῦ κυρίου τὸ τετράγραμμον παρ’ Ἑβραίοις ὄνομα περιεχούσης44,
ἡ θεία γραφή45. Dans ces cas, il n’y a pas de moyen de savoir a priori s’il parle
de l’hébreu ou d’une autre forme du texte.
Nous savons, de fait, que le tétragramme était parfois conservé tel quel dans
certains manuscrits de la Septante : ou bien en écriture hébraïque carrée46, en
47. C’est le cas du texte du Dodécapropheton trouvé dans le Désert de Juda (8ḤevXIIgr) : voir
The Greek Minor Prophets Scroll from Naḥal Ḥever (8ḤevXIIgr), éd. E. Tov, Oxford, 1990 ; et le
P. Oxyrh. 3522 de Job (P. J. ParSonS, The Oxyrhyncus Papyri, 50, London, 1983, p. 1-3 ; pl. I).
Origène connaît cette façon de noter le tétragramme (voir son commentaire sur le Ps 2 : texte 28
de notre appendice). Jérôme évoque lui aussi la présence des « lettres anciennes » dans certains
manuscrits grecs (« et nomen domini tetragrammaton in quibusdam Graecis uoluminibus usque
hodie antiquis expressum litteris inuenimus ») (Prologus in libro Regum, dans Biblia sacra iuxta
Vulgatam versionem, éd. B. Fischer, J. Gribomont, H. F. D. Sparks, W. Thiele et R. Weber, 1975,
p. 364, 9-10).
48. On pense en général que la Lettre 25 de Jérôme (appendice, texte 37) documente cette
transcription (S. JellIcoe, The Septuagint and Modern Study, Oxford, 1968, p. 272 n. 1). Dans
certains témoins du texte attribué à évagre (voir notre appendice, texte 29), le tétragramme est
rendu à deux reprises sous la forme ΠΙΠΙ, dans le titre et dans la citation du texte d’Ex 28, 36
(ἐκτύπωμα σφραγιδος ἁγίασμα κυρίῳ ΠΙΠΙ). Il en existe plusieurs éditions, dont celle de
P. de Lagarde, Onomastica sacra, 2e éd., Göttingen, 1887, rep. Hildesheim, 1966, p. 229-230 (voir
aussi Patrologie latine [PL] 23, 1271-1274, et la reproduction du texte transmis dans le Vat. 749,
f. 8, dans R. devreeSSe, Introduction…, planche xviii. On trouve également cette transcription
du tétragramme dans des papyrus magiques (A. HenrIcHS – K. PreISendanz, Papyri Graecae
magicae. Die griechischen Zauberpapyri, 2 vol., 2e éd., Stuttgart, 1973-1974, n° 3, l. 574).
49. Voir P. M. bogaert, « Septante », Supplément au Dictionnaire de la Bible, 12, 1996,
p. 538-692 (p. 662-663) (double yod archaïque dans le P. Oxyrh. 1107 et dans un manuscrit de
Qumrân – 4QLXXLevb, ainsi que dans les marges du Marchalianus).
50. Avec article : cf. Ps 28, 1.
51. Cf. Ps 17, 42 ; 27, 6-7 ; 28, 3. Avec article : cf. Ps 34, 27.
52. Cf. Ps 29, 3. Avec article : cf. Ps 29, 5.
53. Cf. Ps 27, 8.
54. Voir par exemple Ps 67, 18c, ou Ps 67, 23a, où il ne traduit pas le tétragramme, comme le
fait remarquer Eusèbe. Dans le Ps 109, 1, le terme ܡܪܝܐest répété deux fois.
LE TÉTRAGRAMME CHEZ EUSÈBE DE CÉSARÉE 221
55. Veteris Testamenti ab Origene recensiti fragmenta apud Syros servata quinque praemittitur
Epiphanii de mensuris et ponderibus nunc primum integer et ipse Syriacus, Göttingen, 1880 ;
Bibliothecae Syriacae a Paulo de Lagarde collectae, quae ad philologiam sacram pertinent,
Göttigen, 1892.
56. New Syro-Hexaplaric Texts, Leiden, 1968.
57. A. A. vööbUS, The Book of Isaiah in the Version of the Syro-Hexapla. A Fac-Simile
Edition of MS. St. Mark 1 in Jerusalem with an Introduction, Corpus Scriptorum Christianorum
Orientalium (CSCO) 449, Louvain, 1983, p. 30 (p. 27-30).
58. Cette information est donnée par A. A. vööbUS, ibid. On trouverait notamment cette leçon
dans le manuscrit Curzon, c’est-à-dire, vraisemblablement le manuscrit British Museum Orient.
8732 (cf. W. baarS, New Syro-Hexaplaric Texts, p. 11).
59. Ibid., p. 29, qui cite G. bardy, « Les traditions juives dans l’œuvre d’Origène », Revue
biblique, 34, 1925, p. 217-252 (p. 219f.), mais sans réelle pertinence.
60. L’attribution à Origène a été défendue à juste titre par R. devreeSSe, Introduction…,
p. 109, qui souligne le parallèle frappant avec un commentaire sur le Ps 2 attribué à Origène
(notre texte 28), et qui explique que l’abréviation du nom d’Origène (Ωργ) a pu être confondue
avec celle du nom d’Évagre et entraîner une méprise.
222 SÉBASTIEN MORLET
– Dans un texte important sur Ézéchiel (appendice, texte 30), Origène explique
que, lorsqu’il y a deux fois κύριος dans l’Écriture, il faut comprendre que l’un
traduit un tétragramme, et que l’autre traduit Adonai, qui, dans ce cas précis,
explique-t-il, sert de substitut au nom indicible pendant la lecture. La conclusion
du développement est très importante : « Donc Adonai kurios, pour celui qui a
compris ce que nous avons dit du nom indicible, ne diffère en rien de kurios,
comme nous l’avons édité. » Qu’Origène évoque ici son édition du texte scriptu-
raire, ou qu’il fasse simplement allusion à une façon ponctuelle de le citer, le
passage éclaire sa pratique éditoriale. Il paraît donc hasardeux d’affirmer sans
précaution qu’il avait conservé le tétragramme au détriment de κύριος alors
que ce texte suggère très explicitement qu’il avait édité κύριος. Mais peut-être
avait-il aussi conservé le tétragramme à côté de κύριος, comme une simple
indication (παρασημείωσις ?).
On ajoutera que, chez le Ps.-Évagre, on trouve, sous forme d’un intertitre, la
suite ΠΙΠΙ ὁ θεός. Ce genre d’association est attesté également dans les frag-
ments sur les Psaumes édités par C. Wessely. Dans ces fragments, le texte du
Ps 68, 31 présente la leçon τὸ ὄνομα τοῦ י הוהθεοῦ, là où la Septante a sim-
plement τὸ ὄνομα τοῦ θεοῦ61. C. Wessely avait déjà remarqué le parallèle avec
le Ps.-Évagre et semble avoir reconnu dans cette association du tétragramme et
de θεός (et non plus de κύριος), une façon spécifique de rendre le tétragramme.
Mais plutôt qu’une « leçon », c’est-à-dire d’un état du texte proprement dit, sans
doute s’agit-il d’une séquence associant le texte biblique à une glose. Dans le cas
du Ps.-Évagre, ὁ θεός apparaît ainsi comme une glose expliquant le tétragramme.
Inversement, dans le fragment de C. Wessely, c’est le tétragramme qui semble
gloser le mot θεοῦ. Ces deux témoins refléteraient donc moins un état du texte
qu’une exégèse particulière associant le tétragramme non plus à κύριος, qui en
est en principe la traduction dans la Septante, mais à θεός, considéré sans doute,
dans ce cas, comme le référent du tétragramme. On ne peut manquer à ce titre de
rapprocher ces deux textes d’un passage des Homélies sur Ézéchiel dans lequel
Origène écrit à propos d’Ez 14, 14 : « Le premier nom de Dieu est de quatre lettres,
ce qui se comprend sur le plan naturel (naturaliter = φυσικῶς ?) comme signi-
fiant ‘Dieu’62. » Autrement dit, pour Origène, le tétragramme exprime la nature de
Dieu en tant que tel (θεός). Nous verrons que, comme Eusèbe, c’est le caractère
indicible du nom divin qui, dans son esprit, fait de ce nom, parmi tous les noms
divins, celui qui exprime la divinité en tant que telle63.
61. Ce témoignage est d’autant plus intéressant qu’il concerne un Psaume commenté par
Eusèbe (voir appendice, textes 24-25).
62. Appendice, texte 31.
63. La référence qui est faite dans ce texte à la « nature » exprimée par le mot rappelle aussi le
développement qu’Eusèbe consacre au tétragramme dans le chapitre de la PE consacré au rapport
entre les noms et les choses (XI, 12). Nous avons montré que ce développement a sans doute
Origène pour source (voir note 1). Le passage des Homélies sur Ézéchiel en constitue une preuve
de plus.
LE TÉTRAGRAMME CHEZ EUSÈBE DE CÉSARÉE 223
64. Texte 16. Voir encore l’usage du verbe ἐπισημαίνεσθαι (texte 24). Le texte 16 contient
la seule occurrence du substantif au singulier dans toute l’œuvre d’Eusèbe. Il existe une autre
occurrence, au pluriel, en HE, VI, 24, 3, à propos des notes laissés par Origène sur le manuscrit de
ses Stromates (une souscription ? un colophon ?).
65. Le tétragramme est, de fait, désigné deux fois comme une σημείωσις (textes 3, 9). On
peut rapprocher de ce terme le verbe σημαίνειν utilisé dans l’expression τοῦ … διὰ τοῦ
τετραγράμμου σημανθέντος Θεοῦ (texte 19). Inversement, il reste théoriquement possible,
si ἐπισημείωσις a un sens technique, que σημείωσις ait la même signification…
66. Appendice, texte 29.
67. Le texte est très clair : ἡ τοῦ διαψάλματος παρακεῖσθαι παρασημείωσις
(Hypomnema sur les Psaumes, éd. C. bandt, « Das Hypomnema des Origenes zu den Psalmen
– eine unerkannte Schrift de Eusebius », Adamantius, 19, 2014, p. 395-436). On notera tout de
même que, d’après l’apparat critique, certains manuscrits donnent σημείωσις.
68. HE, I, 13 (12). L’historien affirme avoir trouvé la date du concile de Nicée dans des
παρασημειώσεις. Pour P. maraval, il s’agirait de notes marginales (Sources chrétiennes
[SC] 477, Paris, p. 165). Mais peut-être le mot, au pluriel ici, désigne-t-il dans ce contexte une
souscription ou un colophon.
69. En HE, I, 9, 3, eUSèbe évoque une παρασημείωσις dans le texte des Actes de Pilate,
indiquant l’époque du récit. Sans doute ce mot désigne-t-il un titre ou un intertitre, ou encore
une note marginale. eUSèbe emploie encore le terme dans le Contre Marcel pour désigner les
« annotations » qu’il s’apprête à proposer contre son adversaire (I, 1, 6). Le mot, ici, désigne des
commentaires brefs, mais renvoie probablement indirectement à l’annotation dont Eusèbe avait
garni son exemplaire du traité de Marcel.
224 SÉBASTIEN MORLET
scholies dans le texte biblique et que ces scholies, manifestement, avaient pour
auteur Origène74. Il est donc difficile de ne pas associer ces scholies aux notes mar-
ginales que l’on trouve dans le Marchalianus, d’autant que celles-ci correspondent
aux intérêts exégétiques de l’évêque de Césarée. Il paraît donc tout à fait possible
qu’Eusèbe ait disposé d’un texte biblique dans lequel la présence du tétragramme
était indiquée dans les marges : des exemplaires d’Origène lui-même ou des copies
de ces derniers, celles qu’il avait effectuées avec Pamphile ou d’autres.
On voit que les possibilités sont multiples et qu’il est impossible de savoir
précisément de quels états du texte témoignent les observations d’Eusèbe. La
seule consultation des Hexaples pourrait suffire à expliquer l’intégralité de sa
documentation. Mais peut-être avait-il plusieurs sources : à côté de la synopse, la
recension hexaplaire, et peut-être d’autres manuscrits de la Septante. Nous verrons
cependant qu’Eusèbe a probablement une autre source et qu’il convient, pour cette
raison, de rester prudent. S’il s’inspire de cette source, son témoignage pourrait
finalement nous renseigner davantage sur la documentation de cette dernière que
sur la sienne propre.
74. On peut mettre en lien cette remarque avec les deux gloses signalées par A. A. vööbUS
(The Book of Isaiah…, p. 30 n. 151) : ΠΙΠΙ ωρ’ (Is 21, 8) et ΠΙΠΙ ουτως ωρ’ (Is 28, 6).
75. « L’esegesi di Eusebio di Cesarea : caratteri e sviluppo », dans Le trasformazioni della
cultura nella Tarda Antichità, Atti del Convegno tenuto a Catania, Università degli Studi, 27 Sett.
– 2 Ott. 1982, I, Roma, 1985, p. 459-478.
226 SÉBASTIEN MORLET
exégèse spirituelle) ; elle est contredite à première vue par un grand nombre de
traits récurrents dans l’exégèse d’Eusèbe, tout au long de sa vie ; elle ne prend
pas en compte, enfin, la différence des genres littéraires pratiqués par Eusèbe, qui
pourrait a priori expliquer un certain nombre d’écarts entre les trois œuvres76.
La plupart des remarques d’Eusèbe sur le tétragramme interviennent dans des
commentaires sur la Genèse et l’Exode, d’une part, et sur les Psaumes, d’autre
part. Or, à une exception près, il existe une différence notable dans la façon dont
Eusèbe appréhende ces deux types de textes. Dans la Genèse, l’Exode et les
Nombres, ainsi que dans un seul Psaume, le Ps 90, il commente le tétragramme
comme une désignation du Christ. Dans les Psaumes, au contraire, à l’exception
du Ps 90, il interprète le nom divin comme une désignation du Père.
a) Première interprétation : le tétragramme désigne le Christ
La première interprétation intervient le plus souvent dans les commentaires
qu’Eusèbe consacre aux théophanies bibliques77. Comme ses prédécesseurs,
Eusèbe cite les théophanies comme des preuves de l’existence d’une seconde
personne divine. Son argument repose sur un syllogisme, la plupart du temps
implicite :
– l’Écriture dit que « Dieu » (θεός) apparaît, ce qui prouve que le personnage
n’est pas un ange, mais bien Dieu lui-même ;
– or le Dieu suprême est immuable et invisible ;
– il faut donc supposer l’existence d’un autre Dieu, inférieur au premier, qui, à la
différence du Dieu suprême, peut se rendre visible.
Il est des cas cependant où l’Écriture est moins claire et nomme le personnage
apparu non pas « Dieu » (θεός), mais « Seigneur » (κύριος). Dans ce cas, il paraît
a priori plus difficile de savoir s’il s’agit de Dieu ou de l’un de ses anges. C’est
pour résoudre l’obscurité du texte grec qu’Eusèbe renvoie au texte hébreu78.
Eusèbe sait que le mot κύριος peut traduire selon les cas un tétragramme ou
ce qu’il appelle « les lettres plus communes », c’est-à-dire ( אדניAdonai). Si c’est
76. Nous avons, en ce sens, émis quelques réserves à l’égard de sa thèse (La Démonstration
évangélique…, p. 621-622).
77. Voir, dans l’appendice, les textes 5 à 17.
78. Voir textes 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 14, 16. Recours analogue à l’hébreu en EP, II, 1, à propos
du Ps 1, 1 (ἀνήρ) : l’hébreu contenant un article non traduit en grec, on doit penser que l’Écri-
ture renvoie non pas à tout type de juste, mais au Juste par excellence, c’est-à-dire au Christ.
L’argument semble remonter à Origène (voir É. goffInet, « Recherches sur quelques fragments
du commentaire d’Origène sur le premier Psaume », Le Muséon, 76, 1963, p. 145-163 [fr. 3]). Voir
également notre étude « Origen as an Exegetical Source in Eusebius’ Prophetical Extracts », dans
Eusebius of Caesarea: Tradition and Innovations, éd. A. Johnson – J. Schott, Washington, 2013,
p. 207-237 (p. 215-216).
LE TÉTRAGRAMME CHEZ EUSÈBE DE CÉSARÉE 227
79. Texte 9.
80. Texte 13.
81. Texte 17.
82. Dans un commentaire sur Ex 34, 6 (textes 14-15), Eusèbe interprète dans le même sens
le fait que le Seigneur désigné par le tétragramme évoque un autre Seigneur nommé par deux
tétragrammes.
83. Voir, dans l’appendice, les textes 18 à 26.
84. Voir la tentative de reconstitution de G. dorIval, « Remarques sur les ‘Eklogai prophé-
tiques’ d’Eusèbe de Césarée », dans “Philomathestatos”: Studies in Greek and Byzantine Texts
Presented to Jacques Noret for his Sixty-Fifth Birthday = Études de patristique grecque et
textes byzantins offerts à Jacques Noret à l’occasion de ses soixante-cinq ans, éd. B. Janssens –
B. Roosen – P. Van Deun, Leuven, 2004, p. 203-224.
228 SÉBASTIEN MORLET
90. L’essentiel de la recherche sur les rapports d’Origène et d’Eusèbe a concerné leur exégèse
du Psautier : C. cUrtI, « L’interpretazione di Ps 67, 14 in Eusebio di Cesarea. La sua fortuna
presso gli esegeti greci e latini del Salterio », dans Paradoxos Politeia. Studi patristici in onore di
Giuseppe Lazzati, éd. R. Cantalamessa – L. F. Pizzolato, Milano, 1980, p. 195-207 ; F. carPIno,
« Origene, Eusebio e Ilario sul Salmo 118 », Annali di storia dell’esegesi, 3, 1986, p. 57-64 ;
L. tUccarI, « Eusebio e Basilio sul Salmo 59 », Annali di storia dell’esegesi, 4, 1987, p. 143-
149 ; S. morlet, La Démonstration évangélique…, p. 592-622 ; Id., « Origen as an Exegetical
Source… » ; C. bandt, « Reverberations of Origen’s Exegesis of the Psalms in the Work of
Eusebius and Didymus », dans Origeniana decima, Leuven, 2011, p. 891-905 ; Id., « Some
Remarks on the Tone of Eusebius’ Commentary on Psalms », dans Studia patristica, 66, Leuven,
2013, p. 143-149. Pour d’autres livres bibliques, voir C. Sant, The Old Testament Interpretation
of Eusebius of Caesarea, Dissertatio ad Lauream in Re Biblica apud Pontificium Institutum
Biblicum obtinendam moderatore P. A. Vaccari S. J. Scripta, Roma, 1964 (first part published
under the title The Old Testament Interpretation of Eusebius of Caesarea. The Manifold Sense of
Holy Scripture, Valletta, 1967) ; J.-N. gUInot, « L’héritage origénien des commentateurs grecs du
prophète Isaïe », dans Origeniana quarta, Innsbruck – Wien, 1987, p. 379-389 ; M. J. HollerIcH,
« Origen’s Exegetical Heritage in the Early Fourth Century: the Evidence of Eusebius », dans
Origeniana quinta, Leuven, 1992, p. 542-547 ; G. dorIval, « Un astre se lèvera de Jacob.
L’interprétation ancienne de Nombres 24, 17 », Annali di storia dell’esegesi, 13, 1996, p. 295-
353 ; S. morlet, « Le commentaire d’Eusèbe de Césarée sur Is 8, 4 dans la Démonstration
évangélique (VII, 1, 95-113) : ses sources et son originalité », Adamantius, 13, 2007, p. 52-63 ;
Id., La Démonstration évangélique…, p. 585-622.
91. Textes 27 à 31.
92. Textes 32 à 39.
93. Pour ces trois tournures, voir le texte 29.
94. Pour ces deux tournures, voir le texte 30.
230 SÉBASTIEN MORLET
(communibus litteris, dans le latin de Rufin)95, qui rappelle de très près l’expres-
sion κοινά στοιχεῖα chez Eusèbe96. La seule différence lexicale notable entre les
deux auteurs est qu’Origène, dans les textes conservés, emploie toujours le mot
τετραγράμματον, là où Eusèbe utilise τετράγραμμον97.
Les traditions qu’Origène associe au tétragramme sont les mêmes que celles
que transmet également Eusèbe : le tétragramme désignerait en propre la divi-
nité98 ; il était inscrit sur le bandeau du grand prêtre99 ; lorsque κύριος ne traduit
pas un tétragramme, il renvoie au maître par opposition à ses esclaves100. Origène
connaît cependant des traditions qui ne figurent pas chez Eusèbe. Il croit savoir
que les juifs le prononcent « Adonai »101 et que, dans les manuscrits exacts, le
tétragramme est écrit au moyen des anciens caractères hébraïques, caractères qui
seraient antérieurs à l’époque d’Esdras102.
L’ensemble de ces remarques tend à montrer que le savoir d’Eusèbe est au
moins en partie dépendant d’Origène. Sa démarche exégétique s’inscrit visible-
ment dans le sillage de celle du maître. On pourrait être tenté, pour cette raison,
de penser que, lorsqu’il mentionne le tétragramme dans l’hébreu, ou son absence,
Eusèbe n’a pas d’autre source d’information qu’un commentaire d’Origène qu’il
est peut-être en train de recopier. Il reste techniquement possible qu’Eusèbe ait
aussi profité de la documentation manuscrite dont nous avons rappelé les modali-
tés. En l’absence de parallèles précis entre son œuvre et celle d’Origène, il est en
effet impossible de dire si Origène avait mentionné le tétragramme ou son absence
là où Eusèbe le fait.
v. – l’orIgInalIté d’eUSèbe
S’il paraît possible que les mentions du tétragramme, chez Eusèbe, dérivent au
moins en partie des commentaires d’Origène, il semble cependant que sur le plan
de l’interprétation, l’évêque de Césarée ait le plus souvent rompu avec le maître.
L’interprétation christologique du tétragramme, pour commencer, ne se trouve
dans aucun des textes conservés de l’Alexandrin. Ceux-ci tendent à montrer
d’ailleurs que, dans l’esprit d’Origène, le nom divin était un nom du Père. Dans
deux textes conservés, il apparaît comme l’un des dix noms de Dieu103. Dans un
passage des Homélies sur les Nombres, Origène est tout à fait clair sur ce point :
« En écriture hébraïque, le nom de Dieu, c’est-à-dire Dieu ou Seigneur, se trouve
écrit de plusieurs manières. Il y a une manière d’écrire ‘dieu’ pour dire n’importe
quel dieu et une autre manière quand il s’agit de Dieu en personne, de celui dont il
est dit : Écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est un dieu unique (Dt 6, 4). Le nom de
ce dieu d’Israël, Dieu unique et créateur de toute chose, s’écrit par un signe formé de
lettres : les Hébreux l’appellent le tétragramme. Si donc le nom de Dieu est écrit sous
cette forme dans les Écritures, il n’y a aucun doute qu’il ne s’agisse du vrai Dieu et
du créateur du monde. Mais s’il est écrit avec d’autres lettres, c’est-à-dire en lettres
ordinaires, on ne sait pas s’il s’agit du vrai dieu ou de l’un de ceux dont l’Apôtre dit :
Bien qu’il y ait, soit au ciel, soit sur la terre, de prétendus dieux – et cela fait beaucoup
de dieux et beaucoup de seigneurs ! – malgré cela, pour nous, il n’y a qu’un seul
dieu, le Père, de qui tout vient et par qui nous sommes (1 Co 8, 5-6). Ceux qui savent
l’hébreu disent que, dans ce passage, le nom de Dieu n’est pas écrit sous la forme du
tétragramme. Question à traiter par qui le peut104. »
Même si nous possédons peu de témoignages sur l’exégèse qu’Origène consa-
crait au tétragramme, ces témoignages sont suffisamment explicites pour que
l’on soit conduit à penser que l’interprétation christologique est une innovation
d’Eusèbe. On en aurait une confirmation dans un certain nombre de passages de
l’évêque de Césarée, où celui-ci semble soucieux de repousser l’application du
tétragramme au Père :
« Penser que le nom se rapporte au Père et Dieu de l’univers est inapproprié105. »
« Si bien que l’on ne doit plus douter, si cette appellation se trouve quelque part à propos
de Dieu, qu’elle n’est pas employée uniquement à propos de la nature sans génération,
mais également à propos du Verbe qui était auprès de Dieu au commencement106. »
« Mais nous, nous avons démontré qu’il se trouve aussi à propos de la divinité du
Verbe dans un très grand nombre d’Écritures107… »
Quand on les compare aux textes d’Origène, on peine à ne pas interpréter ces
passages comme des prises de distance par rapport à l’exégèse du maître. La
deuxième citation est même tellement proche du passage déjà cité des Homélies
sur les Nombres qu’elle pourrait bien être une réécriture polémique d’un texte
d’Origène, celui-là ou un autre. L’usage du pronom de la première personne, dans
la troisième citation, tendrait à confirmer qu’Eusèbe avait le sentiment d’offrir là
une interprétation originale du tétragramme. Ces propos polémiques ne consti-
tuent donc pas seulement des attaques contre l’exégèse juive traditionnelle. Ils
témoignent probablement d’un dialogue d’Eusèbe avec son maître spirituel.
L’interprétation christologique du tétragramme, nous l’avons rappelé, est
absente des commentaires d’Eusèbe sur le Psautier, à l’exception de son commen-
taire sur le Ps 90, dans la Démonstration évangélique. Faut-il, pour cette raison,
estimer que, dans son exégèse des Psaumes, Eusèbe était en général plus fidèle à
l’interprétation origénienne du nom divin ?
La façon dont, à cette occasion, il applique le tétragramme au Père est, de fait,
plus conforme à ce qui semble avoir été l’usage du maître. En revanche, l’inter-
prétation christologique d’« Adonai », qui est, chez Eusèbe, le corollaire de son
application du tétragramme au Père, se trouvait-elle chez Origène ? Là encore, il y
a de sérieuses raisons de douter.
Le seul commentaire conservé qui puisse transmettre une telle exégèse d’Ori-
gène concerne le Ps 109, 1. Il est reproduit par Jérôme à deux reprises, dans ses
Commentarioli in Psalmos ainsi que dans ses Tractatus in Psalmos108. L’origine
de ce commentaire ne fait guère de doute. Dans les Commentarioli, Jérôme utilise,
de son aveu même, les homélies et les Tomoi d’Origène109. Le fait que, dans
ce texte, il emploie le mot grec τετραγράμματον est encore une indication de
sa source. Ce commentaire est identique à celui d’Eusèbe. Il consiste à opposer
le premier « Seigneur », indiqué par un tétragramme dans l’hébreu, au second
« Seigneur », désigné par une appellation commune (en l’occurrence, Adonai).
Hormis ce Psaume, rappelons-le, Eusèbe identifie encore « Adonai » au Christ
dans ses commentaires des Ps 67, 68 et 89. Était-ce aussi le cas d’Origène ? L’état
de conservation des commentaires de l’Alexandrin sur ces Psaumes n’est pas
très bon. Dans les quelques témoins disponibles, Origène ne commente jamais
l’emploi des noms divins dans les passages qui intéressent Eusèbe. Et il ne donne
pas toujours une interprétation christologique de ces Psaumes110. Les textes
Psalmos, cependant, Jérôme note que l’ensemble du Psaume se comprend ex persona Christi. Sur
le Ps 89, 1, le Commentaire sur Matthieu, fr. 470 ; 483 (voir encore Commentaire sur Matthieu,
series, 40) n’apporte pas d’élément. Dans le De Oratione, 2, 5 ; 4, 5, en revanche, le Psaume
est envisagé, conformément à son titre en grec, comme une prière de Moïse. À propos de ce
Psaume, le témoignage de Jérôme, dans les Commentarioli comme dans les Tractatus, n’apporte
pas d’éclairage supplémentaire pour notre enquête.
111. Texte 30.
112. PG 23, 1128, 23-36 : Τηρητέον δὲ, ὅτι ἐν τῷ, Κύριε, καταφυγὴ ἐγενήθης ἡμῖν,
τὸ Κύριε οὐ διὰ τοῦ τετραγράμμου φέρεται παρ’ Ἑβραίοις, ἀλλὰ διὰ τῶν κοινῶν
καὶ συνήθων γραφομένων στοιχείων, τῶν καὶ ἐπὶ τῆς ἀνθρωπίνης προσηγορίας
ταττομένων, εἴποτε τὸν ἐν ἀνθρώποις δεσπότην, κύριον καλοῖμεν. Κατὰ τὰ αὐτὰ
γὰρ καὶ ἐπὶ τοῦ παρόντος τὸ Ἀδωναῒ ἡρμήνευται εἰς τὸν Κύριον, τοῦ τετραγράμμου
ὀνόματος, ὃ τὴν ἀπόῤῥητον τοῦ Θεοῦ θεολογίαν σημαίνει, μὴ κειμένου κατὰ
τὴν παροῦσαν λέξιν, ἀλλὰ τοῦ δεσπότου μάλιστα εὐκαίρως ὠνομασμένου, εἰς
παράστασιν τοῦ κήδεσθαι αὐτὸν καὶ φροντίζειν τῶν αὑτοῦ οἰκετῶν, ὧν καὶ
καταφυγὴ τυγχάνει.
113. Ibid. : Καὶ ὅρα μήποτε ἐπὶ τὸν Θεὸν Λόγον ἀναφέρεται ἡ παροῦσα διδασκαλία·
οὐδὲ γὰρ μακρὰν ἀπᾴδει ἡ ἐνταῦθα φήσασα λέξις· Πρὸ τοῦ ὄρη γενηθῆναι καὶ
πλασθῆναι τὴν γῆν καὶ τὴν οἰκουμένην σὺ εἶ, ὁ Θεός· τῆς παρὰ Σολομῶνι ἐκ προσώπου
τῆς σοφίας φασκούσης, Πρὸ τοῦ ὄρη ἑδρασθῆναι, πρὸ δὲ πάντων βουνῶν γεννᾷ με·
234 SÉBASTIEN MORLET
116. Commentarioli in ps. XC, p. 127-133 Morin ; Tractatus in psalmum XC, p. 224-225
Morin. Tractatus in psalmum XC (series altera), p. 420-424 Morin. L’exégèse christologique est
proposée à la fin du commentaire des Commentarioli, avec la précision « ut plerique uolunt ».
Mais sans doute s’agit-il d’une intervention de Jérôme.
117. Voir par exemple Contre Celse, VII, 70 ; Homélies sur le Lévitique, 16, 6 ; Homélies sur
Josué, 11, 6 ; Homélies sur les Juges, 4, 2 ; Fr. sur Luc, 99 ; Homélies sur Luc, 31, p. 178 Rauer ;
Commentaire sur Matthieu, fr. 65. Le refus de l’exégèse christologique est, dans le cas de ce
Psaume, tellement récurrent et explicite qu’on peut considérer que c’était là l’exégèse constante
d’Origène. La même observation permet de douter de l’attribution à l’Alexandrin du fragment sur
Jérémie (p. 211, 19 Klostermann), qui applique le Psaume au Christ.
118. « Quod quidem dictum putauit diabolus de Saluatore accipiendum, sed excaecatus malitia
non intellexit eloquia mystica ; neque enim Saluator meus angelis indigebat, <ut non offenderet
ad lapidem pedem suum>. Calumniatur diabolus Scripturam diuinam, qui haec de Saluatore dicta
protulerit ; non de illo, sed de omnibus sanctis hoc dicitur […]. Sed et omnia, quae in hoc psalmo
scripta sunt, iustis quibusque magis quam Salvatori conueniunt » (Homélies sur les Nombres,
V, 3).
236 SÉBASTIEN MORLET
« Celui-ci était le seul assurément à avoir son Père et aucun autre comme refuge
au moment de la tentation du diable et à avoir été sauvé des rets des puissances
adverses119… »
« En effet, il lui appartenait, à lui seul, de détruire, par sa puissance divine, les
puissances passablement mauvaises du mal ainsi que leur chef à toutes, le tyran de
ce siècle120. »
Ce genre d’insistance est classique dans l’argumentation antijuive que déve-
loppe la Démonstration. Eusèbe cherche constamment à montrer que le texte
qu’il commente ne peut s’appliquer qu’à Jésus, et à aucun autre. Mais quand on
compare son commentaire avec celui d’Origène, on peut soupçonner que ces
passages sont aussi dirigés contre l’exégèse du maître. La polémique se poursuit
d’ailleurs dans le Commentaire sur les Psaumes, qui est moins directement lié à la
controverse avec l’exégèse juive :
« Mais peut-être le texte n’est-il pas un Psaume, mais une prophétie contenant des
doctrines plus profondes sur le Christ et ce qui s’accomplit en lui121. »
« Et si l’on comprend cela du Christ de Dieu, qui est ici nommé Seigneur, comme dans
d’autres passages, on ne s’écartera pas de la vérité122. »
L’exégèse d’Origène sur le v. 9, qui comporte un tétragramme en hébreu, n’est
pas conservée en grec. Mais elle est sûrement reproduite par Jérôme dans les
Tractatus. Pour résoudre la difficulté posée par ce verset difficile – parce que toi,
Seigneur, tu es mon espoir et tu as fait du Très-Haut ton refuge –, Jérôme suppose
un changement de personne, selon un procédé, dit-il, courant dans le Psautier :
« Mais à présent la personne change, et en considération du juste, il est fait cette
réponse au Seigneur : parce que toi, Seigneur, tu es mon espoir. Celui en effet qui
dit cela, c’est le juste. Tu as fait du Très-Haut ton refuge. De nouveau, la personne
change : et les Psaumes sont obscurs, pour cette raison que très souvent les personnes
changent. Alors, en effet, que le juste s’adresse au Seigneur, et dit : parce que toi,
Seigneur, tu es mon espoir, il entend du Seigneur : tu as fait du Très-Haut ton
refuge123. »
L’hypothèse d’un changement de personne permet de conserver l’exégèse
morale du Psaume : la première partie du verset (parce que toi, Seigneur, tu es
mon espoir) serait prononcée par le juste, à l’attention de Dieu ; la seconde (tu as
fait du très-Haut ton refuge), serait dite par Dieu, à l’attention du juste. Autrement
dit, le « Seigneur » et le « Très-Haut » seraient le même personnage – Dieu le Père.
Jérôme ne dit rien du fait que le tétragramme est utilisé dans la première partie du
verset. Qu’il l’ait ou non signalé, Origène devait le savoir. On le voit, l’exégèse
des Tractatus permet aussi de préserver ce qui semble avoir été l’interprétation
origénienne du nom divin, considéré comme une désignation du Père.
Eusèbe, au contraire, repousse l’hypothèse d’un changement de personne dans
le verset et préfère lire le passage d’une façon unitaire (ἑνικῶς) :
« Il dit tout dans un seul énoncé, comme à l’attention d’un être unique, et y relie
ces mots : Parce que toi, Seigneur, mon espoir, tu as fait du Très-Haut ton refuge. Il
établit très clairement que c’est le Seigneur à qui il disait tout cela. En effet, aucun
changement de personne n’intervient entre temps. Le texte a tout relié sous un seul
sens, comme à l’attention d’un être unique, et il a établi qui pouvait être ce personnage,
en l’éclairant ensuite par ces mots : Parce que toi, Seigneur, mon espoir, tu as fait du
très-Haut ton refuge. En effet, puisque toi, dit le texte, Seigneur, en qui j’ai placé mon
espoir, tu as fait du Très-Haut, c’est-à-dire le Dieu suprême, ton Père, ton refuge124. »
Le fait qu’Eusèbe précise explicitement qu’il n’y a pas de changement de per-
sonne montre, une fois encore, qu’il cherche ici à prendre ses distances vis-à-vis
d’Origène. Il préfère lire le verset comme une phrase unique, parce qu’il y voit
l’occasion d’utiliser le passage comme l’un de ces textes dans lesquels l’Écriture
paraît distinguer deux Seigneurs. Son exégèse du tétragramme est indissociable de
cette façon de lire le verset ἑνικῶς.
Le cas de ce Psaume suggère que la façon dont Eusèbe commente le tétragramme
ou son absence, dans le Psautier, est liée avant tout à sa volonté de proposer une
interprétation christologique des Psaumes. Selon les cas, et de façon tout à fait
pragmatique, Eusèbe reconnaissait le Christ ou bien dans le tétragramme ou bien
dans l’appellation « Adonai ».
conclUSIon
On connaît l’« hypothèse documentaire » défendue au xIxe s. par Julius
Wellhausen, qui supposait qu’on pouvait discerner dans le Pentateuque une source
« yahviste », où Dieu était nommé par le tétragramme, et une source « élohiste », où
il était désigné par le nom Elohim. L’exégèse ancienne des noms divins, tant rab-
binique que chrétienne, est bien sûr on ne peut plus éloignée de ces spéculations
124. Πάντα δὲ τὰ ἑνικῶς εἰπὼν ὡς πρὸς ἕνα τινὰ, ἐπισυνάπτει λέγων, Ὅτι σὺ,
Κύριε, ἐλπίς μου, τὸν Ὕψιστον ἔθου καταφυγήν σου σαφέστατα παρίσταται, ὅτι
Κύριος ἦν πρὸς ὃν ταῦτα πάντα ἐλέγετο. Μηδεμιᾶς γὰρ διαμέσου ἐναλλαγῆς
προσώπου γενομένης, συνῆψεν ὁ λόγος ὑπὸ μίαν διάνοιαν ὡς πρὸς ἕνα τὰ πάντα
παρέστησέ τε τίς ποτε ἦν οὗτος, διασαφῶν ἑξῆς καὶ λέγων Ὅτι σὺ, Κύριε, ἐλπίς μου,
τὸν Ὕψιστον ἔθου καταφυγήν σου. Ἐπειδὴ γὰρ σὺ,φησὶν, ὦ Κύριε, ἐφ’ ὃν ἐγὼ ἤλπισα,
τὸν Ὕψιστον, δηλαδὴ τὸν ἀνωτάτω Θεὸν, καὶ σαυτοῦ Πατέρα, καταφυγὴν ἔθου
σεαυτοῦ (PG 23, 1149, 1-12).
238 SÉBASTIEN MORLET
125. On pense en priorité à son usage des révisions juives de la Septante, qu’il emploie pour
servir la démonstration chrétienne, des étymologies hébraïques, ou encore d’autorités juives
comme Philon ou Flavius Josèphe.
LE TÉTRAGRAMME CHEZ EUSÈBE DE CÉSARÉE 239
réSUmé : Eusèbe de Césarée apparaît comme l’auteur chrétien de l’Antiquité qui évoque le
plus souvent le tétragramme. L’article fournit en grec et en traduction l’ensemble du dossier. Le
témoignage d’Eusèbe transmet un certain nombre de traditions juives relatives au nom divin. Il
documente également des états du texte biblique, qui ne sont pas toujours faciles à identiier, et
où le tétragramme était rendu tel quel, en hébreu. Eusèbe interprète le tétragramme d’une façon
particulière : tantôt indication du Père par rapport au Fils, tantôt indication de la divinité du
Fils par rapport aux anges. Eusèbe est ici en rupture avec l’interprétation juive, mais aussi avec
celle d’Origène, qui semble pourtant être sa source majeure. L’Alexandrin paraît en effet avoir
considéré le tétragramme avant tout, sinon exclusivement, comme un nom de Dieu en tant que
tel, c’est-à-dire du Père.
abStract: Eusebius of Caesarea appears to be the ancient Christian writer who most often
alludes to the tetragrammaton. This paper offers all the texts in Greek with translation. Eusebius
attests to a few Jewish traditions about the divine name. It also informs us about witnesses of the
biblical text – which cannot always be identiied easily – where the tetragrammaton was written in
Hebrew. Eusebius has a speciic way of interpreting the tetragrammaton: either as an indication of
the Father as opposed to the Son, or of the Son’s divinity as opposed to the angels. Eusebius here
breaks with the Jewish interpretation but also with Origen, though the latter seems to be his main
source. The Alexandrian indeed appears to hold the tetragrammaton above all, if not exclusively,
as a name of God as such, that is to say, of the Father.
240 SÉBASTIEN MORLET
Appendice
édItIonS UtIlISéeS
eUSèbe de céSarée, Commentaire sur les Psaumes, PG 23, 72-1221 ; PG 24, 9-76
– Démonstration évangélique, éd. I. A. Heikel, Griechischen Christlichen Schriftsteller (GCS)
23, Leipzig, 1913
– Extraits prophétiques, éd. T. Gaisford, Oxford, 1842
– Préparation évangélique, éd. K. Mras, GCS 43 (1-2), Berlin, 1954-1956 ; éd.-tr. É. Des Places
– G. Favrelle – J. Sirinelli – O. Zink, SC 206-215-228-262-266-292-307-338-369, Paris,
1974-1991
évagre (PS.-), Εἰς τὸ ΠΙΠΙ, éd. P. de Lagarde, Onomastica sacra, 2e éd., Göttingen, 1887,
rep. Hildesheim, 1966, p. 229-230
Jérôme, Commentarioli in Psalmos, éd. G. Morin, Corpus Christianorum Series Latina (CCL)
72, Turnhout, 1954
– Lettres, éd. I. Hilberg, Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum (CSEL) 54-55-56,
Vindobonae – Lipsiae, 1910-1912-1918
– Tractatus in Psalmos, éd. G. Morin, CCL 78, Turnhout, 1958
orIgène, Fragments sur Ézéchiel, PG 13, 768-825
– Fragments sur les Psaumes, PG 12, 1053-1686
– Homélies sur Ézéchiel, éd. W. A. Baehrens, GCS 33, Leipzig, 1925, p. 319-454
– Homélies sur les Nombres, éd. W. A. Baehrens, GCS 30, Leipzig, 1921, p. 3-285
« Si l’on parcourait le reste des lettres de l’alphabet, on trouverait que chez eux chacune a reçu
son nom pour un certain motif et en vertu d’un raisonnement ; c’est ainsi encore que la compo-
sition des sept voyelles renferme, disent-ils, la prononciation d’un nom qu’il n’est pas permis
de dire, nom que les Hébreux indiquent au moyen de quatre lettres et assignent à la puissance
suprême de Dieu, car ils se sont transmis de père en fils que c’est là chose indicible devant la foule
et qu’il n’est pas permis de prononcer. »
À propos de Gn 11, 5 (κατέβη Κύριος) et 11, 6 (εἶπεν Κύριος) ; au début du texte, mutilé,
Eusèbe paraît commenter l’absence de tétragramme derrière un emploi de Κύριος.
Commentaire : le tétragramme désigne le Verbe.
Le TM est conforme au texte évoqué par Eusèbe.
λέγων, Δέομαι, κύριε, ἐπειδὴ εὗρεν ὁ παῖς σου ἔλεος ἐνώπιόν σου, κεῖται μὲν ἐν τῷ
Ἑβραϊκῷ τὸ κύριε, ἀλλ’ οὐ διὰ τῶν τεσσάρων στοιχείων τῶν παρ’ Ἑβραίοις ἐπὶ τοῦ
ἀρρήτου ὀνόματος τοῦ Θεοῦ παραλαμβανομένων, δι’ ἑτέρων δὲ συλλαβῶν δι’ ὧν
καὶ ὁ παρ’ ἀνθρώποις ὀνομαζόμενος κύριος τῶν πρός τι τυγχάνων, οἷον οἰκέτου
κύριος, παρ’ Ἑβραίοις ἐγγέγραπται· ἀλλ’ οὐδέν γε τούτοις ἔχον παραπλήσιον τὸ
ἐπὶ τῆς τοῦ Θεοῦ αὐθεντείας διὰ τῶν τεσσάρων στοιχείων παραλαμβανόμενον
ἔν τε ταῖς ἀναγεγραμμέναις τοῦ Θεοῦ πρὸς τὸν Ἁβραὰμ ὀπτασίαις ἐμφερόμενον
σαφῶς παρίστησιν, μὴ δὲ ἄγγελον, μὴ δὲ ὀλίγῳ τοῦτον ἐπαναβεβηκυῖαν τινὰ θείαν
δύναμιν αὐτῷ κεχρηματικέναι, ἀλλ’ αὐτὸν τὸν Θεὸν, οὗ τὴν ἄρρητον ἐκφώνησιν,
αὐτὴν δὴ ταύτην κατὰ τοὺς τόπους διὰ τῶν τεσσάρων στοιχείων ἐμφερομένην,
μόνος ὁ ἀρχιερεὺς ἐπὶ τοῦ μετώπου περιέκειτο φέρων ἐπὶ τοῦ χρυσοῦ πετάλου τὸ
λεγόμενον ἐκτύπωμα σφραγίδος ἁγιάσμα[τος] κυρίου. Καὶ ὅτι γε οὐκ ἀδιάφορόν
ἐστι τῇ θείᾳ γραφῇ ἐπ’ ἀγγέλων χρῆσθαι τῇ τοιαύτῃ προσηγορίᾳ, πρόδηλον ἐκ τοῦ
σφόδρα παρατετηρημένως ποτὲ μὲν αὐτὸν τὸν Θεὸν ἢ τὸν διὰ τοῦ τετραγράμμου
δηλούμενον κύριον ὦφθαί τε καὶ κεχρηκέναι τοῖς δικαίοις ἱστορεῖν, ποτὲ δὲ ἀγγέλους
ἀναγράφειν τοὺς ἑωραμένους.
« À son sujet, l’Écriture divine dit, non seulement une première fois (Gn 12, 7), mais encore une
deuxième (Gn 17, 1) et une troisième (Gn 18, 1), le Seigneur se fit voir de lui, et pour l’appellation
Seigneur, c’est le nom imprononçable qui se trouve dans l’hébreu, lui qui, précisément, n’est
jamais employé au sujet d’une puissance angélique. En tout cas, lorsqu’il est écrit que Lot dit aux
anges qui sont venus de Sodome : je t’en prie, Seigneur, puisque ton serviteur a trouvé pitié devant
toi (Gn 19, 19), il y a bien le mot Seigneur dans l’hébreu, mais chez les Hébreux, il n’est pas écrit
au moyen des quatre lettres qui sont employées chez les Hébreux pour le nom indicible de Dieu,
mais d’autres syllabes, celles par lesquelles est désigné aussi celui qui est appelé Seigneur chez
les hommes, qui se trouve faire partie des êtres qui ont un rapport à quelque chose, comme un
Seigneur de serviteur. Mais le nom qui est employé pour désigner le pouvoir absolu de Dieu, au
moyen des quatre lettres, n’ayant rien d’avoisinant cela et se trouvant dans les apparitions de Dieu
à Abraham qui sont rapportées, le texte établit clairement que ce n’est ni un ange ni une puissance
divine un peu supérieure à un ange qui s’est révélé à lui, mais Dieu lui-même. Seul le grand
prêtre était ceint, sur son front, de sa prononciation indicible, celle même qui, dans le passage,
est indiquée par les quatre lettres, lui qui portrait sur la lamelle d’or ce qui est appelée incision de
sceau, chose sainte du Seigneur (Ex 28, 36) dans le passage. Et qu’il n’est certes pas indifférent
que l’Écriture use d’une telle appellation à propos des anges est évident du fait que, avec une
grande minutie, tantôt elle rapporte que Dieu lui-même ou le Seigneur désigné par le tétragramme
se fit voir des justes et se révéla à eux, tantôt elle relate que c’étaient des anges qui était vus. »
« Si donc cela ne semble convenir ni à une nature angélique ni à la nature très haute et sans
génération du Dieu de l’univers, la seule solution à ces questions resterait celle par laquelle, tout
en conservant, pour la substance sans génération, l’inaltérabilité, l’immutabilité et l’invisibilité,
nous appliquerions ces révélations rapportées comme étant de Dieu au Dieu Verbe, qui, nous le
croyons, de façons diverses, même avant l’Incarnation, s’est fait voir pour le salut des hommes
et a accompli les économies dont il est question dans les divines Écritures. Et il n’y a qu’à son
sujet, après le Dieu de l’univers, que nous trouvons aussi utilisée l’appellation tétragramme, car
ce concept divin, lui aussi, convient au fils unique et à l’héritier du Père. »
« Le passage et j’invoquerai dans le nom du Seigneur (Ex 33, 19) concerne l’enseignement
mystique sur le Père ; en effet, de quel Seigneur promet-il d’invoquer le nom, étant lui-même le
Seigneur désigné par le tétragramme (cf. Ex 33, 17), sinon évidemment du Père ? »
μόνης τῆς ἀνεκφωνήτου καὶ ἀρρήτου προσηγορίας τῆς τοῦ θεοῦ συντιθέναι παῖδες
Ἑβραίων εἰώθασιν.
« Et de fait, l’Écriture divine l’appelle sans détour Dieu et le nomme Seigneur, en l’honorant de
l’indication composée des quatre lettres chez les Hébreux, que les Hébreux ont l’habitude de ne
former qu’à propos de l’appellation imprononçable et indicible de Dieu. »
À propos du Ps 90, 9.
Commentaire : le tétragramme indique le Verbe.
Le TM est conforme au texte évoqué par Eusèbe.
À propos du Ps 109, 1.
Commentaire : le tétragramme désigne le Père.
Le TM est conforme au texte évoqué par Eusèbe.
248 SÉBASTIEN MORLET