Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Andrew Dalby
Salomon aurait commencé à régner sur Israël vers 970 av. J.-C. Comme le
Livre des Rois, les Chroniques, Esdras et Néhémie présentent une chro-
nologie complète depuis l’accession au trône de Salomon jusqu’à certains
événements de l’histoire assyrienne et perse qui sont datables avec certitude
par d’autres sources. On pourrait même dater son règne de façon encore
plus précise. Salomon
La date à laquelle il « se coucha avec ses pères », selon ce calcul, se situe-
rait vers 930 av. J.-C.
Outre sa sagesse et ses conquêtes, Salomon est célèbre pour avoir
construit le Temple, en sept ans. Le premier Livre des Rois indique, et parfois
affirme sans équivoque, qu’il en fit les plans et les préparatifs. Les Livres des
Chroniques, qui répètent presque mot pour mot le Livre des Rois, ajoutent
aussi une longue histoire, assez différente, selon laquelle le père de Salomon,
David, aurait rassemblé les matériaux pour construire le temple et en aurait
1
ANDREW DALBY
fait le projet ; mais Yahweh ne lui ayant pas permis de le bâtir, il aurait laissé
cette tâche à son fils (1 Ch 22-29).
La description du Temple [qu’on peut lire, quasiment dans les mêmes
termes, dans le Livre des Rois et dans les Chroniques (1 R 6-7 et 2 Ch 3-4)]
est si détaillée qu’on serait tenté de le reconstruire. Il a de fait été reconstruit
à la fin du vie siècle av. J.-C. par les Juifs revenus à Jérusalem avec l’autori-
sation du roi perse Cyrus ; il a été construit une troisième fois, à plus grande
échelle, par le roi Hérode à la fin du ier siècle av. J.-C. Ce n’est pas tout. Il en
existe plusieurs reconstitutions à petite échelle ; des architectes et d’autres
passionnés ont fait des dessins détaillés du Temple, en accord avec les des-
criptions bibliques ; des peintres l’ont représenté. Des chercheurs contem-
porains ont accepté les deux descriptions bibliques du Temple comme litté-
ralement exactes. Par exemple, Roland de Vaux, qui a mené des recherches
sur les manuscrits de la Mer Morte, a écrit dans Les institutions de l’Ancien
Testament (1958-1960), à propos des chapitres du premier Livre des Rois et
du deuxième Livre des Chroniques suscités :
un grand trône d’ivoire qu’il revêtit d’or affiné. Ce trône avait six degrés
et un dossier arrondi ; il avait des accoudoirs de chaque côté du siège.
Deux lions se tenaient à côté des accoudoirs et douze lions se tenaient
de chaque côté, sur les six degrés. [1 R 10, 18-20]
« On n’a rien fait de semblable dans aucun royaume », conclut le Livre
des Rois, en des termes qui reviennent plusieurs fois au cours de l’histoire
de Salomon.
On les retrouve, par exemple, dans le conte romantique de la visite de la
reine de Saba (une histoire que le peintre victorien Edward J. Poynter a com-
1. De Vaux R., Les institutions de l’Ancien Testament, Paris, 1958-1960 ; citation d’après
Id., Ancient Israel: Its life and Institutions, Londres, 1961, p. 313.
2
L ES SOU R C E S DU LUXE DU ROI SALOMON
Elle arriva à Jérusalem avec une suite très importante, avec des chameaux
chargés d’aromates, d’or en grande quantité et de pierres précieuses […]
Il n’arriva plus jamais autant d’aromates qu’en donna la reine de Saba au
roi Salomon. [1 R 10, 2 et 10, 10]
2. Sur ce tableau et son influence, voir Llewellyn-Jones L., « The Queen of Sheba in Western
Popular Culture », in S.J. Simpson (dir.), Queen of Sheba: Treasures from Ancient Yemen,
Londres, 2002, p. 12-30.
3. Je propose les datations suivantes pour la composition des passages bibliques cités dans
cet article : Ézéchiel, vers 575 av. J.-C. ; Genèse et premier Livre des Rois, ve siècle av. J.-C. ;
Esdras et Néhémie, ve siècle av. J.-C. (mais édités plus tardivement) ; les Chroniques, vers
300 av. J.-C.
4. Voir en particulier Finkelstein I. et Silberman N.A., The Bible Unearthed, New York,
2001 (traduction française : La Bible dévoilée, Paris, 2002).
3
ANDREW DALBY
5. Robin C., « Saba’ and the Sabaeans », in S.J. Simpson (dir.), Queen of Sheba: Treasures
from Ancient Yemen, Londres, 2002, p. 51-58.
6. Finkelstein I. et Silberman N.A., David and Solomon. In Search of the Bible’s Sacred
Kings and the Roots of Western Tradition, New York, 2006, chap. 5 (traduction fran-
çaise : Les rois sacrés de la Bible, Paris, 2006).
7. Voir e.g. Clark W.E., « The Sandalwood and Peacocks of Ophir », American Journal of
Semitic Languages and Literatures 36, 1920, p. 103-119 ; Albright W.F., « Ivory and Apes
of Ophir », American Journal of Semitic Languages and Literatures 37, 1921, p. 144-145.
4
L ES SOU R C E S DU LUXE DU ROI SALOMON
néanmoins de cet endroit que venaient de l’or, des pierres précieuses, ainsi
qu’un bois, l’almug, utilisé pour faire « des appuis pour la Maison du Seigneur
et la maison du roi, ainsi que des cithares et des harpes pour les chanteurs »
(1 R 10, 11). Traditionnellement, l’identification de l’almug est aussi douteuse
que celle d’Ophir, et celle de l’un dépend de celle qui est retenue pour l’autre8,
mais la théorie la plus probable est que l’almug est identique à l’akkadien elam-
makku, un bois précieux venant de Syrie mentionné à plusieurs reprises dans
les textes du iie millénaire av. J.-C. Une seule mention plus récente note son
usage dans le palais de Sennacherib à Ninive, à la fin du viiie siècle av. J.-C.9.
La citation ci-dessus constitue la seconde mention d’Ophir dans l’his-
toire de Salomon, bizarrement séparée de la première par l’épisode de la reine
de Saba. Voici la première mention :
8. En général, les éditions de la Bible en français, qui supposent qu’Ophir est quelque part
en Inde ou au-delà, traduisent almug par « santal ». D’après les recherches archéolo-
giques récentes, c’est un choix assez téméraire – il n’y a aucune preuve de commerce de
bois par l’océan Indien, même à l’époque classique, encore moins au xe siècle av. J.-C. –
mais cela, du moins, correspondrait bien aux derniers mots de l’auteur du Livre des
Rois : « Il n’arriva plus jamais de bois-almug, on n’en a plus vu jusqu’à aujourd’hui »
(1 R 10, 12). Seul Salomon, d’après les traducteurs, aurait été assez puissant pour recevoir
du bois depuis le sud de l’Inde. Comment lui-même ou ses marins savaient où le trouver
et connaissaient les bonnes routes de navigation n’est pas expliqué.
9. Voir von Soden W., Akkadisches Handwörterbuch, Wiesbaden, 1965, p. 196 ; le Chicago
Assyrian Dictionary, vol. E, p. 75-76 ; Kupper J.-R., « Le bois à Mari », Bulletin on
Sumerian Agriculture 6, 1992, p. 163-170, spécialement p. 163 ; Postgate J.N., « Trees
and Timber in the Assyrian Texts », Bulletin on Sumerian Agriculture 6, 1992, p. 177-
192, en particulier p. 182.
5
ANDREW DALBY
d’Aqaba. L’archéologue Nelson Glueck était sûr de l’avoir trouvée, dans les
ruines d’un fort construit au début du ier millénaire av. J.-C., sur un site appelé
aujourd’hui Tell el-Kheleifeh. Glueck a fouillé le site à la fin des années 1930
mais n’a jamais publié ses résultats. Récemment, ses découvertes et ses notes
ont été étudiées par Gary D. Pratico ; sa publication montre que les données
concernant Ezion-geber sont assez proches, mais néamoins pas assez, de ce
que l’on peut déduire de l’histoire de Salomon. Le site a été occupé à partir
de la fin du viiie siècle av. J.-C., mais pas au xe ; de plus, cette région était dans
la mouvance culturelle d’Edom et non de Juda (soulignons que le Livre des
Rois décrit par mégarde Ezion-geber comme se trouvant « en Edom »)10.
Salomon a vécu à une date trop ancienne pour avoir construit Ezion-geber ; il
n’a probablement jamais dominé la région sur laquelle la ville a été bâtie plus
tard ou, s’il l’a fait, il n’en reste aucune trace archéologique.
Il faut garder en mémoire la localisation d’Ezion-geber en considérant
les autres mentions de ce site. Le Livre des Rois dit que les activités mari-
times de Salomon ont été menées par des hommes d’expérience envoyés par
le roi Hiram de Tyr. Ce détail étrange ne serait pas en lui-même invraisem-
blable si l’on accepte l’étroite collaboration entre Salomon et Hiram, sou-
vent mentionnée dans le récit biblique ; elle a cependant troublé le rédacteur
des Chroniques. Récrivant légèrement le texte du Livre des Rois, il affirme
qu’« Hiram lui envoya par l’intermédiaire de ses serviteurs des bateaux
et des serviteurs connaissant bien la mer » (2 Ch 8, 18). Il n’est pas facile
d’admettre que Tyr a envoyé des bateaux par voie de terre à Ezion-geber :
faut-il comprendre que, selon le texte, Hiram a construit ses propres bateaux
à Ezion-geber et les a envoyés, de là, à Ophir ? Un problème plus gênant se
pose avec une référence plus tardive à Ezion-geber dans le Livre des Rois et
les Chroniques. Dans le Livre des Rois, Josaphat de Juda, au ixe siècle, est
dit avoir gouverné Edom par l’intermédiaire d’un vice-roi et fait construire
des bateaux, pour les envoyer à Ophir chercher de l’or, mais « il n’y alla pas
car les navires se brisèrent à Ezion-geber » ; Josaphat refusa de collaborer,
pour le voyage prévu, avec Akhazias d’Israël (1 R 22, 47-48). Cela aussi est
envisageable : il n’y a pas nécessairement un fort à Ezion-geber, les bateaux
peuvent s’échouer sur la côte ; et cela correspond aux données archéologiques
d’après lesquelles Edom contrôlait le Golfe d’Aqaba. Cependant l’histoire
est reformulée, avec un sens moral, dans les Chroniques :
6
L ES SOU R C E S DU LUXE DU ROI SALOMON
Tarsis, nommé dans ce passage, est aussi le dernier des lointains lieux d’ap-
provisionnement de Salomon en produits de luxe. Peut-on l’identifier ? Les
difficultés auxquelles on se heurte sont les expressions énigmatiques dans les-
quelles le nom apparaît et la diversité des biens qui en proviendraient. D’après
le Livre des Rois, Salomon aurait eu « des navires de Tarsis » sur la mer, qui
naviguaient avec ceux d’Hiram de Tyr. Tous les trois ans, grâce à cet arran-
gement, Salomon aurait reçu de l’or, de l’argent, de l’ivoire, des singes et des
paons (1 R 10, 22). Le passage est difficile à interpréter ; il faudrait plus d’infor-
mations, et on en trouve dans deux passages bibliques relativement anciens.
D’abord le Livre de la Genèse, dans l’ethnographie légendaire liée aux fils de
Noé, compte Tarsis parmi les fils de Yavân, généralement identifié à l’Ionie
et la Grèce. Les autres fils de Yavân sont « Elishah […], Kittim et Rodanim »
(Gn 10, 4, cf. 1 Ch 1, 7) et de multiples identifications ont été proposées pour ces
frères. Les plus souvent, il est admis que Kittim représente Chypre. Ensuite, le
Livre d’Ezéchiel, dans la lamentation sur Tyr, mentionne Tarsis comme four-
nisseur d’argent, de fer, d’étain et de plomb, dans une énumération détaillée et
assez convaincante des partenaires commerciaux de Tyr (Ez 27, 12).
Il y a d’autres références bibliques à Tarsis comme à un endroit lointain,
à des « bateaux de Tarsis » (e.g. Ps 48, 8) et, une fois, aux « rois de Tarsis et
des îles » (Ps 72, 10). Enfin, on peut comparer les références du Livre des Rois
avec la version des Chroniques, qui bien entendu en dérive. Comme on l’a
vu plus haut, lesChroniques présentent Josaphat, successeur de Salomon au
ixe siècle, construisant à Ezion-geber des bateaux destinés à aller à Tarsis : le
passage correspondant dans le Livre des Rois ne mentionne pas Tarsis. Dans
la version que les Chroniques donnent de l’histoire de Salomon, c’est de
Tarsis que « de l’or, de l’argent, de l’ivoire, des singes et des paons » arrivent
à Salomon tous les trois ans (2 Ch 9, 21). Un même lieu pouvant fournir de
l’or, de l’argent, de l’ivoire, des singes et des paons doit être en effet très riche.
On peut aller plus loin, cependant, si l’on considère chaque source
en particulier. Ézéchiel, au vie siècle, observateur direct du commerce du
ce siècle, servira de point de départ. Il voyait Tarsis comme un partenaire
commercial de Tyr et comme une source de métaux précieux. Le texte de la
Genèse, d’une date un peu plus tardive, semble placer Tarsis parmi les îles
méditerranéennes ou sur la côte nord de la Méditerranée et en relation avec
la Grèce. Le Livre des Rois en est contemporain, ou légèrement plus récent ;
7
ANDREW DALBY
11. Comparer avec Briquel-Chatonnet F., Les relations entre les cités de la côte phénicienne et
les royaumes d’Israël et de Juda, Louvain, 1991, p. 273-275 ; Ead., « Tarsis », Supplément
au Dictionnaire de la Bible, fasc. 77-78, 2008, p. 1-8.
12. Albright W.F., « New light on the Early History of Phoenician Colonisation », Bulle-
tin of the American Schools of Oriental Research 83, 1941, p. 14-22 ; Cintas P., « Tarsis-
Tartessos-Gades », Semitica 16, 1966, p. 1-36.
8
L ES SOU R C E S DU LUXE DU ROI SALOMON
13. Voir notamment Schulten A., Tartessos. Ein Beitrag zur ältesten Geschichte des Westens,
Hambourg, 1950 (1re édition en 1922).
9
ANDREW DALBY
10
L ES SOU R C E S DU LUXE DU ROI SALOMON
16. Tuell S.S., « The Southern and Eastern Borders of Abar-Nahara », Bulletin of the
American Schools of Oriental Research 284, 1991, p. 51-57.
17. Parker S.B., « Did the Authors of the Books of Kings Make Use of Royal Inscriptions? »,
Vetus Testamentum 50, 2000, p. 357-378 ; à comparer à Fried L.S., « The High Places
(bāmôt) and the Reforms of Hezekiah and Josiah: An Archaeological Investigation »,
Journal of the Americal Oriental Society 122, 2002, p. 437-465.
11
ANDREW DALBY
12
L ES SOU R C E S DU LUXE DU ROI SALOMON
Inutile de décrire ici le repas du Grand Roi ou les biens demandés pour
sa table. Les tablettes de Persépolis d’un côté, diverses sources grecques de
l’autre, offrent suffisamment d’informations pour une telle description et
elles ont été largement utilisées par Pierre Briant et, plus récemment, par
Suzanne Amigues19. Je soulignerai juste les grandes quantités dépensées
chaque jour, la modération et l’économie mises en œuvre par ce système, et
le nombre important de personnes qui dînaient à « la table du roi » ou, plus
exactement, recevaient leur nourriture par ce moyen. Il s’élevait à 15 000
selon les observateurs grecs (Athénée, 146c, citant Ctésias et Dinon).
Les subordonnés immédiats du roi, les satrapes des provinces perses et
les généraux de son armée dînaient selon une organisation similaire, mais à
une échelle plus modeste, si l’on peut extrapoler à partir des rares sources
sur ce point particulier (Hérodote, Histoires, 9, 82 ; Athénée, 530d, citant
Ctésias)20. À un échelon inférieur à celui des satrapes, les rois locaux de cet
empire décentralisé avaient, à leur propre échelle, leurs systèmes d’appro-
visionnement : là encore, en se fondant surtout sur des anecdotes, on a au
moins quelques informations sur les repas de Straton, roi de Sidon, et Thys,
roi de Paphlagonie (Athénée, 531a et 144e, citant Théopompe), ainsi que sur
le roi d’Égypte Tachos qui, comme Thys, était l’invité permanent du Grand
Roi (Élien, Histoire Variée, 5, 1). On a un peu plus de détails sur l’organisation
des repas d’Alexandre le Grand ; son statut passa de celui d’un souverain voi-
sin de la Perse à celui de conquérant de l’Empire et de successeur du Grand
Roi, mais ses dîners restèrent ceux d’un modeste souverain. Sauf en des occa-
sions particulières, il ne nourrissait pas plus de 60 à 70 personnes de sa suite
chaque jour (Athénée, 146c-d, citant Ephippe d’Olynthe). Ses généraux et
ses gouverneurs de province, poursuivant les pratiques des satrapes du Grand
Roi, mangeaient parfois plus somptueusement qu’Alexandre lui-même
(Athénée, 539b-540a ; Élien, Histoire Variée, 9, 3 ; Diodore, Bibliothèque,
17, 108, 4). Et, enfin, nous savons précisément comment dînait Néhémie, le
19. Briant P., « Table du roi, tribut et redistribution chez les Achéménides », in P. Briant
et C. Herrenschmidt (dir.), Le tribut dans l’Empire perse, Actes de la table ronde de
Paris (12-13 décembre 1986), Paris, 1989, p. 35-44 ; Id., Histoire de l’Empire perse. De
Cyrus à Alexandre, Paris, 1996 ; Amigues S., « Pour la table du Grand Roi », Journal
des Savants, 2003, p. 3-59.
20. Voir aussi les tablettes de Persépolis étudiées par Henkelman W.F.M., « “Consumed
before the King”. The Table of Darius, that of Irdabama and Irtaštuna, and that of
his Satrap, Karkiš », in B. Jacobs et R. Rollinger (dir.), Der Achämenidenhof (Oriens
et Occidens), Akten des 2 internationalen Kolloquiums zum Thema « Vorderasien im
Spannungsfeld klassischer und altorientalischer Überlieferungen » (Landgut Castelen
bei Basel, 23-25 mai 2007), Stuttgart, 2010, p. 667-775. Consultable en ligne à l’adresse
suivante : www.achemenet.com/document/W.HENKELMAN_310308_Consumed%
2520before%2520the%2520King.pdf.
13
ANDREW DALBY
Les provisions fournies pour les repas de Néhémie, ceux d’un gouver-
neur local, peuvent être comparées à celles du Grand Roi. On peut faire aussi
une autre comparaison, qui a d’abord été proposée, je crois, par William
Whiston, traducteur en anglais, au xviiie siècle, des œuvres de Flavius
Josèphe. En note à sa traduction du passage de Flavius Josèphe qui concerne
le premier Livre des Rois, Whiston écrit :
21. The Works of Flavius Josephus, traduit par William Whiston, Londres, 1737 (à propos de
Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques 8, 2, 4).
22. Stolper M.W., « The Governor of Babylon… », art. cit., note 15.
14
L ES SOU R C E S DU LUXE DU ROI SALOMON
Mes intentions, en rédigeant cet article, étaient très simples, comme l’indique
son titre : examiner les sources géographiques des biens de luxe de Salomon,
telles qu’elles sont mentionnées dans le Livre des Rois, parce qu’elles donnent
des indices sur le contexte dans lequel l’histoire de Salomon a été composée
– sur leurs sources culturelles, en d’autres termes. Cette enquête ne portait
pas sur l’existence réelle d’un royaume duxe siècle, où est supposée se dérou-
ler l’histoire de Salomon ; elle cherche à évaluer le témoignage littéraire du
Livre des Rois. Dans le contexte du ve siècle, les denrées quotidiennement
fournies à la table de Salomon sont bien au-dessous de celles du Grand Roi,
mais bien au-dessus de celles d’un gouverneur local. Il est supposé, comme
les subordonnés directs du Grand Roi étaient supposés le faire, maintenir
des relations avec les nations qui se trouvent au-delà de la sphère d’influence
perse : avec Saba, dont le commerce passait en fait dans le territoire perse, par
Gaza23, et avec Tartessos qui faisait, peu de temps auparavant, du commerce
avec les Phéniciens, sous domination perse. Dans le Livre des Rois, Salomon
est élevé au plus haut niveau de pouvoir concevable dans le milieu culturel du
ve siècle, inférieur seulement au pouvoir détenu par le Grand Roi lui-même :
il est devenu un strape perse.
23. Robin C., « Saba’ and the Sabaeans », art. cit., note 5, p. 19.
15