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Annales de chirurgie plastique esthétique (2016) 61, 1—9

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ARTICLE ORIGINAL

Qualité des publications en chirurgie


plastique
Quality of publications in plastic surgery

O. Mornet a, J.-L. Grolleau a, I. Garrido a, F. Bekara b, C. Herlin b,


B. Chaput a,*

a
Service de chirurgie plastique, reconstructrice, esthétique et des brûlés, CHU Toulouse Rangueil, 1, avenue
Jean-Poulhès, 31059 Toulouse, France
b
Service de chirurgie plastique, reconstructrice, esthétique et des brûlés, CHU Lapeyronie,
34295 Montpellier cedex 5, France

Reçu le 14 août 2015 ; accepté le 3 novembre 2015

MOTS CLÉS Résumé


Qualité des publications ; Introduction. — L’objectif de ce travail était d’évaluer la qualité des publications en chirurgie
Niveau de preuve ; plastique, reconstructrice et esthétique, en termes de méthodologie, de niveau de preuve,
Chirurgie plastique ; d’approbation par un comité institutionnel et selon le domaine de la spécialité.
EQUATOR Méthodes. — Nous avons sélectionné les huit revues généralistes de chirurgie plastique les
mieux cotées par leur facteur d’impact. Nous avons inclus les 40 dernières publications originales
de chaque revue, afin de couvrir au moins deux mois de publications et être le plus représentatif
possible. Seuls les articles originaux traitant de sujets humains vivants ont été sélectionnés.
Chaque article a été analysé par deux relecteurs, en cas de désaccord un auteur senior prenait la
décision.
Résultats. — Nous avons analysé 320 articles originaux, couvrant entre 3 et 17 mois de
publications. L’origine géographique de ces publications étaient l’Asie à 32,5 %, puis l’Europe
à 30 %, les États-Unis à 28,4 %, l’Amérique du Sud à 5,6 %, l’Afrique à 2,5 % et enfin l’Océanie pour
1 %. La chirurgie reconstructrice au sens large reste le domaine de spécialité le plus représenté
dans nos revues avec presque la moitié des publications, suivi par la chirurgie mammaire (24 %) et
la chirurgie esthétique (19 %). Au total, 75,6 % étaient des études rétrospectives. Près de 80 % des
études étaient de faible niveau de preuve (IV et V). Seulement 3,5 % étaient des essais
randomisés. Moins de 40 % des publications mentionnaient la validation par un comité ins-
titutionnel, et 22,6 % un consentement éclairé du patient.

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : benoitchaput31@gmail.com (B. Chaput).

http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2015.11.001
0294-1260/# 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
2 O. Mornet et al.

Conclusion. — Cette étude avait pour but d’analyser la qualité des publications en chirurgie
plastique en prenant en compte les critères de l’evidence based medicine. Ce travail a mis en
évidence que plus de la moitié des études ne mentionnaient pas l’aval d’un comité institutionnel
(comité d’éthique, CPP), et que les trois quarts des études ne précisaient pas la présence d’un
consentement éclairé. En définitive, plus de 80 % des études étaient de faible niveau de preuve.
Les revues à fort impact factor ont déjà imposé des guidelines correspondant à la méthodologie
requise pour publier des études cliniques dans leurs pages, tel que les critères EQUATOR pour le
journal PRS. Des efforts restent donc à faire pour élever le niveau scientifique des publications de
notre spécialité.
# 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary
KEYWORDS Introduction. — The objective of this study is to describe plastic surgery publications in terms of
Quality of publications; methodology, level of evidence, approval by institutional review board, method of consent, and
Level of evidence; subspecialty.
Plastic surgery; Methods. — The 8 top-ranked plastic surgery journals were selected. We manually reviewed the
EQUATOR last 40 original articles in each plastic surgery journal, to represent more than 2 months of
publications for all journals (range: 3—17 months). Only clinical original articles on human
subjects were included. Each article was read at least twice by two different reviewers to ensure
accurate data transcription, and then graded by written criteria. One of the senior authors was
asked to make a final decision in case of doubt.
Results. — Among the articles reviewed, 320 were analyzed. The geographical origin of these
publications were Asia (32.5%), Europe (30%), US (28.4%), South America (5.6%), Africa (2.5%),
and finally Oceania (1%). Reconstructive surgery remains the specialty area most represented in
the journals with almost half of the publications, followed by breast surgery (24%) and plastic
surgery (19%). A total of 75.6% were retrospective studies. Nearly 80% of the studies were of low
level of evidence. Only 3.5% were randomized trials. Less than 40% of the publications mentioned
approval by an institutional committee, and 22.6% a patient’s informed consent.
Conclusion. — This study aimed to analyze the quality of plastic surgery publications, taking into
account the criteria of Evidence Based Medicine. This work showed that more than half of the
studies did not mention an institutional review board approval (Ethics Committee), and that
three quarter of the studies did not indicate the presence of patient’s informed consent.
Ultimately, over 80% of the studies were of low level of evidence. The top-ranked journals have
already imposed guidelines corresponding to the methodology requirements to publish clinical
studies in their pages, such as EQUATOR criteria for the PRS journal. Efforts are therefore to be
done to raise the scientific level of the publications of our specialty.
# 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction était d’évaluer la qualité des publications en chirurgie plas-


tique, reconstructrice et esthétique, en termes de métho-
L’un des rôles de la recherche scientifique médicale est dologie, de niveau de preuve, d’approbation par un comité
d’améliorer la qualité des soins apportés à nos patients. institutionnel et selon le domaine de la spécialité. En défini-
L’obligation de ne proposer aux patients que des thérapeu- tive, nous avons souhaité mettre en avant la place de notre
tiques éprouvées, ayant démontré leur efficacité implique la revue au rang international et identifier les objectifs sur
nécessité de disposer de preuves de l’efficacité des théra- lesquels travailler afin d’améliorer la qualité de nos publi-
peutiques. C’est ce que l’on appelle l’evidence based medi- cations à l’avenir.
cine ou la médecine basée sur les preuves. Ainsi, lorsque l’on
réalise des études cliniques incluant des patients, certaines Méthodes
règles sont préconisées, comme l’approbation par un comité
institutionnel, la recherche du consentement du patient, une Méthodologie de l’étude
méthodologie d’étude adaptée au niveau de preuve sou-
haité. À notre connaissance, peu d’études ont été publiées Cette étude a été conduite comme une revue qualitative,
sur l’analyse de la qualité des publications en chirurgie rétrospective, de la littérature en chirurgie plastique, recon-
plastique mais ces derniers temps, ce type d’analyse devient structrice et esthétique. Nous avons appliqué la méthodo-
à la mode, surtout auprès des revues majeures de la spécia- logie des travaux de Bounes et al. [4].
lité qui souhaitent mettre en avant la qualité de leurs Afin d’établir une étude globale de la qualité des publi-
publications mais également élever le niveau scientifique cations en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique,
des travaux qu’elles font paraître [1—3]. Le but de ce travail nous avons choisi d’analyser les huit revues de chirurgie
Qualité des publications en chirurgie plastique 3

plastique généraliste les plus influentes, correspondant aux Analyse des articles
revues les mieux cotées selon leur facteur d’impact ou
impact factor (IF) respectif. Le facteur d’impact est le Le texte complet de chaque article a été récupéré et analysé
rapport entre le nombre de citations reçues par un pério- pour l’ensemble des 320 articles.
dique pendant deux ans et le nombre d’articles publiés par ce Tous les articles ont été analysés par deux relecteurs, et
périodique pendant la même période. les données ont été croisées. En cas de désaccord, un auteur
Nous avons ainsi choisi d’analyser les articles publiés dans senior (BC) prenait la décision.
les revues suivantes : Les données analysées ont été les suivantes :

 Plastic and reconstructive surgery (PRS), IF = 3,33 ;  la méthodologie de l’étude ;


 Microsurgery (MS), IF = 2,42 ;  le niveau de preuve scientifique (fourni par la revue, en
 Aesthetic surgery journal (ASJ), IF = 2,03 ; cas d’absence, l’évaluation du niveau de preuve a été
 Journal of plastic, reconstructive and aesthetic surgery réalisée selon les critères OCEBM 2011 (Oxford Centre for
(JPRAS), IF = 1,47 ; Evidence-Based Medicine) ;
 Annals of plastic surgery (ANPS), IF = 1,46 ;  la notification de l’approbation de l’étude par un comité
 Aesthetic and plastic surgery (APS), IF = 1,19 ; institutionnel (comité de protection des personnes,
 Journal of reconstructive microsurgery (JRMS), IF = 1,01 ; comité d’éthique, approbation par un comité de société
 Annales de chirurgie plastique et esthétique (ACPE), savante) ;
IF = 0,59.  la notification de la présence du consentement du
patient ;
Les IF sont ceux communiqués à la date du 15 février  la validité externe de l’étude : mono- ou multicentricité,
2015 par le site des revues. étude nationale ou internationale ;
 le lieu de l’étude (si non précisé, origine géographique du
1er auteur) ;
Sélection des articles
 le domaine de la spécialité concernée, divisée en cinq
catégories : chirurgie du sein, reconstruction (hors sein),
Afin d’être le plus représentatif, nous souhaitions couvrir au
chirurgie de la main et du membre supérieur, brûlés,
minimum deux mois complets de publication pour chaque
chirurgie esthétique.
revue incluse. Nous avons ainsi sélectionné les 40 derniers
articles originaux pour chaque revue.
Nous avons décidé d’inclure tous les articles originaux, Résultats
traitant de sujets humains vivants, dans le but d’évaluer la
méthodologie des auteurs.
Nous avons analysé 320 articles originaux en chirurgie plas-
Les articles suivant étaient ainsi exclus :
tique et reconstructrice, couvrant entre 3 et 17 mois de
publications (en fonction du nombre d’articles originaux
 études animales ;
mensuels par revue). À partir de novembre 2014, nous
 études in vitro ; sommes remontés jusqu’en juin 2013.
 études sur sujets cadavériques ; L’origine géographique de ces publications étaient l’Asie
 case report ; à 32,5 %, puis l’Europe à 30 %, les États-Unis à 28,4 %,
 revue de la littérature, méta-analyse ; l’Amérique du Sud à 5,6 %, l’Afrique à 2,5 % et enfin l’Océanie
 avis d’experts, rapports de conférence. pour 1 % (Fig. 1). Le domaine de la spécialité concerné par

Figure 1 Type d’études retrouvées.


4 O. Mornet et al.

Figure 2 Pourcentage des sous-spécialités représentées dans les publications.

l’étude est figuré sur la Fig. 2. En ce qui concerne la de l’étude, était spécifié dans 39,7 % des cas et non spécifié
reconstruction, cela comprenait la microchirurgie, la chi- dans 60,3 %. La répartition par revue se situe sur la Fig. 6.
rurgie plastique pédiatrique, les plaies chroniques et la Nous avons évalué le niveau de preuve pour chaque
reconstruction de membres excepté la main. article, on retrouve ainsi 0,95 % (n = 3) article de niveau
L’effectif moyen des études était de 404 patients par de preuve I, 3,75 % (n = 12) de niveau de preuve II, 15,9 %
étude pour une durée moyenne de l’étude de 77,7 mois (n = 51) de niveau de preuve III, 70,4 % (n = 225) de niveau de
(toutes revues confondues). preuve IV et 9 % (n = 29) de niveau de preuve V. La répartition
La répartition de ces articles en fonction de leur métho- par revue est disponible dans la Fig. 7.
dologie (design de l’étude) est illustrée sur la Fig. 3. Parmi Le consentement du patient était mentionné dans 21,6 %
les articles étudiés, on relève 75,6 % (n = 242) d’études des cas, dont 14,4 % des cas un consentement oral et 7,2 %
rétrospectives contre 24,4 % (n = 78) d’études prospectives. des cas un consentement écrit. Ce consentement n’était pas
La répartition par revue est indiquée dans la Fig. 4. On relève notifié dans 78,4 % des études.
un taux d’études randomisées de 3,4 % contre 96,6 %
d’études non randomisées. La répartition par revue est Discussion
située dans la Fig. 5. Pour 92,5 % des études celles-ci étaient
monocentriques contre 7,5 % multicentriques, dont 1,9 % L’évaluation des pratiques est une procédure en perpétuel
étaient des études internationales. développement dans notre spécialité. On souhaite évaluer
L’avis d’un comité institutionnel aussi appelé Institutional nos techniques chirurgicales, nos unités, notre niveau
Review Board (IRB) par les Anglo-saxons, pour la réalisation pédagogique. . . L’IF, le SCImago Journal Rank évalue nos

Figure 3 Origine géographique des auteurs.


Qualité des publications en chirurgie plastique 5

Figure 4 Pourcentage des études rétrospectives et des études prospectives dans les huit revues. PRS : Plastic and Reconstructive
Surgery ; MS : Microsurgery ; ASJ : Aesthetic Surgery Journal ; ANPS : Annals of Plastic Surgery ; JPRAS : Journal of Plastic,
Reconstructive and Aesthetic Surgery ; APS : Aesthetic Plastic Surgery ; JRMS : Journal of Reconstructive Microsurgery ; ACPE :
Annales de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique.

revues, le score SIGAPS, le H index nous évalue dans notre domaine. Toutefois, en chirurgie plastique à l’heure
processus de publication et maintenant il semble qu’il faille actuelle, l’origine géographique des publications est majo-
s’engouffrer encore plus loin dans la décortication de cette ritairement asiatique, quasiment à égalité avec l’Europe et
activité. La qualité intrinsèque de chaque publication néces- en troisième position, on retrouve l’Amérique du Nord. Cette
site ainsi de franchir plusieurs étapes fondamentales avant donnée semble toutefois assez variable en fonction du jour-
même d’entrer dans le vif du sujet d’un manuscrit. nal. Karri, dans ses travaux, a retrouvé une majorité d’arti-
L’ensemble de ces scores permet également de classer les cles émanant d’Europe (41,4 %) et d’Amérique du Nord
chercheurs et les praticiens en vue de l’obtention de postes (41,3 %) sur des essais randomisés publiés dans trois revues
universitaires ou de subventions. Les auteurs délaissent entre 1980 et 2004 [5]. On note donc par rapport à cette
néanmoins les revues françaises au profit des revues étude, une nette progression des articles émanant du conti-
anglo-saxonnes, mieux cotées, favorisant ainsi l’appauvris- nent asiatique.
sement de la qualité scientifique des revues à faible impact. La chirurgie reconstructrice au sens large reste le
Ce travail a pour objectif d’établir un état des lieux des domaine de spécialité le plus représenté dans nos revues
publications en chirurgie plastique, sur les huit revues avec presque la moitié des publications, suivi par la chirurgie
généralistes les plus influentes de la spécialité. Hormis les mammaire et la chirurgie esthétique qui ne cesse de se
ACPE, les sept autres revues sont éditées aux États-Unis, ce développer. L’effectif moyen par étude peut paraître très
qui témoigne bien de l’hégémonie américaine dans ce élevé, puisque nous retrouvons une moyenne de 404 patients

Figure 5 Pourcentage des essais randomisés et non randomisés.


6 O. Mornet et al.

Figure 6 Pourcentage des études ayant rapporté la présence d’un comité institutionnel ou Institutional Review Board (IRB).

inclus dans chaque étude. Cette moyenne est nivelée vers le structures hospitalières et seulement 3 % de structures
haut par quelques très grosses études incluant plus de privées. Concernant le domaine de la spécialité, on y retro-
10 000 patients à l’aide de bases de données nationales. uve des chiffres similaires à notre étude, avec une très faible
On remarque que la majorité des études publiées dans ces proportion d’articles consacrés aux brûlés (environ 1 %). On
revues sont de faibles niveaux de preuve (IV et V : 79,4 %), et note tout de même un accroissement du pourcentage d’arti-
que les études rétrospectives représentent plus des trois cles consacrés à la chirurgie esthétique et à la sénologie, ce
quarts des publications. Ces deux composantes sont en partie qui est confirmé dans l’article de Karri, qui retrouve des
liées, étant donné que les études rétrospectives, même bien données similaires à celles de notre étude [5].
menées, restent de niveau de preuve assez limité. Si l’on Concernant le niveau de preuve des articles, nous avons
compare ces données avec d’autres spécialités, on s’ape- vu qu’il est relativement limité dans cette étude puisque
rçoit qu’en médecine d’urgence les essais randomisés presque 80 % des articles analysés sont de niveaux IV et V. En
concernent moins de 10 % des études, et que plus de la 2003, Meningaud et Servant se sont intéressés à l’améliora-
moitié des publications sont des études rétrospectives [1]. tion de la qualité des publications scientifiques en chirurgie
On peut également comparer ces données au domaine de la plastique, en réalisant une grille de validation méthodo-
chirurgie maxillo-faciale, Sandhu retrouve ainsi sur plus de éthique [1]. Pour cela, ils ont adressé un questionnaire à
3200 articles étudiés, une seule méta-analyse (niveau de 40 chirurgiens plasticiens/CMF, auteurs reconnus, afin de
preuve I), et seulement 2,5 % d’essais randomisés [6]. En connaître, selon eux, les dix meilleurs critères méthodolo-
2004, Huemer et al. ont analysé la littérature sur l’année giques et éthiques pour juger de la qualité d’une publication
2002 avec les trois revues généralistes de chirurgie plastique scientifique. Il serait intéressant de savoir si, 10 ans plus
les plus lues. Son objectif était de produire un instantané de tard, les mentalités ont évolué.
la littérature sur cette période [7]. Il retrouve des données Les revues se sont engagées dans l’amélioration de la
intéressantes, notamment sur les structures d’où émanent qualité des publications, ainsi en 2011, le PRS introduit la
les publications. On y apprend que 68 % des publications pyramide des niveaux d’évidence, pour assurer un maximum
proviennent de structures hospitalo-universitaires, 29 % de de transparence et encourager les auteurs à hausser le

Figure 7 Niveau de preuve des études (en pourcentage).


Qualité des publications en chirurgie plastique 7

niveau de preuve de leurs publications. Dans son article, méthodologie. Cependant, ils retrouvent que les scores sont
Swanson compare cette pyramide avec une nouvelle également faibles dans les autres spécialités, y compris les
échelle : le Cosmetic Level of Evidence and Recommendation spécialités médicales. Ainsi, en fonction des échelles, un
Scale (CLEAR), qui à la différence de la pyramide prend en article mal conçu sur le plan méthodologique peut avoir un
compte les critères d’éligibilité, le taux d’inclusion, les « haut niveau de preuve ».
patients consécutifs. . . Il en conclut que la corrélation entre La qualité des présentations lors du Congrès annuel de
les deux systèmes est faible, et que la pyramide des niveaux l’Association européenne des chirurgiens plasticiens a été
de preuve ne permet pas de juger du niveau de preuve [8]. évaluée par Van Der Steen et al. [14]. Ils sont partis du
Avec l’utilisation de l’échelle CLEAR, 55 % des articles principe que si une communication est de qualité, elle sera
étudiés (articles de la section cosmétique du PRS) sont de suivie d’une publication. Ils ont donc référencé les commu-
niveau 4 (plus faible échelon), avec seulement trois articles nications de ce congrès entre 1995 et 1999 et ont retrouvé
sur 87 de niveau 1. que 64 % des communications ont été suivies d’une publica-
Dans leur travaux, Becker et al. font une analyse critique tion (dans 52 journaux différents), et que 89 % d’entre elles
de la qualité des articles publiés dans le PRS entre 1990 et ont été publiées dans les trois ans suivant la communication.
2010 [9]. Ils notent que seulement 2,23 % des articles sont des Les critères éthiques sont de plus en plus importants dans
essais randomisés mais ils concluent que sur 20 ans, on la recherche médicale. La déclaration d’Helsinki a défini
assiste à une augmentation du nombre d’articles originaux plusieurs règles qu’il est impératif de respecter [15]. Ainsi,
publiés chaque année, y compris en ce qui concerne les essais il faut s’attacher à rechercher le consentement éclairé de
randomisés, et une augmentation de la qualité méthodolo- tous les patients entrant dans l’étude, et pour cela leur
gique des publications. Ces données sont comparables avec apporter une information claire, loyale et appropriée. Le
nos résultats. protocole de recherche doit autant que possible disposer de
McCarthy et al. ont analysé les articles de niveau de l’aval d’un comité institutionnel (IRB) avant de débuter une
preuve I parus dans cinq revues de chirurgie plastique entre étude sur des sujets humains. Il doit également contenir une
1978 et 2009, ils en analyseront 309, ce qui peut paraître déclaration des considérations éthiques et indiquer qu’il est
relativement faible compte tenu de la durée et du nombre de en phase avec les principes énoncés dans la déclaration
revues, et qui confirme la difficulté des auteurs à produire d’Helsinki.
des études de haut niveau de preuve et en particulier en Dans notre étude, 60,3 % des publications ne mention-
chirurgie de proposer des essais randomisés [10]. naient pas de comité institutionnel. Ceci s’explique proba-
Agha et al. ont récemment étudié la qualité des études blement par le fait que la plupart des études analysées dans
observationnelles en chirurgie plastique, publiées dans les ce travail sont rétrospectives, et ainsi le consentement n’a
cinq revues les plus fortement impactées en 2013 [11]. Ils ont pas été demandé. D’autre part, dans certains articles ana-
utilisé le score STROBE, qui étudie notamment la bonne lysés, les auteurs déclaraient respecter les principes de la
description de la méthodologie. Ils ont retrouvé un score déclaration d’Helsinki (ce qui impliquerait consentement
moyen de 12,4/22, qu’ils qualifient de relativement faible et écrit et comité institutionnel) mais ne notifiaient pas clai-
en concluent que la qualité des publications en chirurgie rement la présence d’un comité institutionnel ou du consen-
plastique doit s’améliorer, et que ça constitue un véritable tement du patient. Dans ces cas, nous avons ignoré le
défi pour les auteurs de la spécialité. consentement et le comité institutionnel puisqu’ils n’étaient
Les études cliniques qui ont le meilleur niveau de preuve pas clairement notifiés. Freshwater et al. ont ainsi étudié le
scientifique restent les essais randomisés, où l’on va compa- respect des recommandations éthiques dans trois des revues
rer la thérapeutique étudiée par rapport au traitement de les mieux impactées en chirurgie plastique entre 2007 et
référence ou contre un placebo. Les considérations éthiques 2011 [2]. Ils ont analysé 155 articles dont les deux tiers
empêchent ainsi souvent de constituer un groupe témoin. En rapportaient l’approbation d’un comité institutionnel. Le
chirurgie plastique, où l’on opère souvent des organes pairs, faible taux rapporté dans ce travail est expliqué par des
le patient peut être à la fois le sujet et son témoin mais là pourcentages très variables en fonction des revues.
encore il semble compliqué de ne pas proposer la même prise Le principe des checklists que l’on retrouve au bloc a ainsi
en charge pour les deux côtés (risque d’asymétrie de résul- été appliqué aux publications avec « l’EQUATOR NETWORK »
tats). Selon Yeow et al., même si cela est compliqué, il faut récemment mis en place notamment dans le PRS [3]. À
faire progresser notre spécialité en proposant des travaux chaque type d’étude est demandé une checklist particulière,
randomisés [12]. précédemment validé par des travaux dans d’autres revues.
Les essais randomisés confèrent le meilleur niveau de Ainsi, quatre types d’échelles sont un prérequis à la soumis-
preuve, mais uniquement si ces études sont correctement sion [16—19] et permettent de confirmer qu’un auteur a bien
menées, notamment sur le plan méthodologique. En effet, rempli les critères minimums à la publication d’un travail
d’après les travaux de Veiga-Filho et al., il ne suffit pas spécifique. On retrouve les échelles CONSORT, PRISMA,
d’avoir un essai randomisé pour avoir un haut niveau de STROBE et SAMPL qui sont décrites dans le Tableau 1.
preuve [13]. Il faut s’assurer de la bonne méthodologie et À coté des revues anglo-saxonnes, les annales françaises
ainsi notamment que la randomisation soit décrite de de l’ACPE qui représente l’organe de communication de la
manière précise. En effet, si la randomisation est inadé- SoFCPRE ne font absolument pas pâle figure. De récentes
quate, les résultats ne seront pas valables. Veiga-Filho et al. publications ont déjà adopté les critères de qualité des
ont utilisé deux échelles pour mesurer la qualité des essais grandes revues [20—24] et l’innovation reste présente au
randomisés : l’échelle de Jadad et la Delphi list. Sur les sein de ses lignes. Les ACPE restent ouvertes à l’interna-
articles analysés entre 1966 et 2003, ils ont retrouvé tional avec le développement, d’une version en ligne
que 59 % d’articles étaient de faible qualité en termes de [25,26]. Il nous appartient de la faire évoluer vers le haut
8 O. Mornet et al.

Tableau 1 Guidelines EQUATOR adoptées par le Plastic and Reconstructive Surgery (PRS) en juillet 2015 [16].

Study type PRS adopted Full name Latest Website Resources


guideline version available
Randomized CONSORT Consolidated Standards 2010 http://www.consort-statement.org Checklist
controlled trials of Reporting Trials Flow Diagram
Systematic reviews PRISMA Preferred Reporting 2009 http://www.prisma-statement.org Checklist
Meta-analyses Items for Systematic Flow Diagram
Reviews and Meta-Analyses
Cohort studies STROBE Strengthening the 2007 http://strobe-statement.org Checklist
Reporting of
Case control studies Observational Studies
in Epidemiology
Cross-sectional
studies
Statistical reporting: SAMPL Statistical Analyses 2013 Guidelines
methods and and Methods in the PRS Customized
analyses Published Literature Checklist

en soumettant des articles bien construits et en respectant [6] Sandhu A. The evidence base for oral and maxillofacial surgery:
les critères internationaux tels que les EQUATOR si on veut 10-year analysis of two journals. Br J Oral Maxillofac Surg
rester dans la cour des grandes revues. 2012;50:45—8.
[7] Huemer GM, Bauer T, Gurunluoglu R, Sakho C, Oehlbauer M,
Dunst KM. Analysis of publications in three plastic surgery
Conclusion journals for the year 2002. Plast Reconstr Surg 2004;114:
1147—54.
Cette étude avait pour but d’analyser la qualité des publi- [8] Swanson E. Levels of evidence in cosmetic surgery: analysis and
cations en chirurgie plastique en prenant en compte les recommendations using a new CLEAR classification. Plast
critères de l’evidence based medicine. Ce travail a mis en Reconstr Surg Glob Open 2013;1:e66.
évidence que plus de la moitié des études ne mentionnaient [9] Becker A, Blümle A, Momeni A. Evidence-based plastic and
pas l’aval d’un comité institutionnel, et que les trois quarts reconstructive surgery: developments over two decades. Plast
des études ne précisaient pas la présence d’un consentement Reconstr Surg 2013;132:657e—63e.
[10] McCarthy JE, Chatterjee A, McKelvey TG, Jantzen EM, Kerri-
éclairé qui sont les éléments les plus essentiels à la publica-
gan CL. A detailed analysis of level I evidence (randomized
tion de travaux scientifiques chez l’homme. En définitive, controlled trials and meta-analyses) in five plastic surgery
plus de 80 % des études étaient de faible niveau de preuve. journals to date: 1978 to 2009. Plast Reconstr Surg
Nous devons nous familiariser avec les recommandations de 2010;126:1774—8.
type EQUATOR et intégrer ces notions à nos soumissions [11] Agha RA, Lee SY, Jeong KJ, Fowler AJ, Orgill DP. Reporting
futures. Des efforts sont donc à faire pour élever le niveau quality of observational studies in plastic surgery needs impro-
scientifique des publications de notre spécialité. vement: a systematic review. Ann Plast Surg 2015 [Epub ahead
of print].
Déclaration de liens d’intérêts [12] Yeow VK, Lee ST, Cheng JJ, Koh A, Wong HB, Machin D.
Randomised clinical trials in plastic surgery: survey of output
and quality of reporting. J Plast Reconstr Aesthet Surg
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. 2007;60:965—6.
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Qualité des publications en chirurgie plastique 9

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