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Revue française d’allergologie 61 (2021) 57–59

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Fait clinique

Bronchite plastique : à propos d’une observation


Plastic bronchitis: A case report
S. Marzouki ∗ , A. Hedhli , M. Mjid , Y. Ouahchi , S. Cheikhrouhou , S. Toujani , S. Merai
LR18SP02, service de pneumologie hôpital la Rabta, faculté de médecine de Tunis, université Tunis-El-Manar, Tunis, Tunisie

i n f o a r t i c l e r é s u m é

Historique de l’article : Introduction. – La bronchite plastique (BP) est caractérisée par la formation des moules épais ramifiés
Reçu le 21 mai 2020 et fortement adhérents, qui obstruent partiellement ou complètement la lumière trachéobronchique.
Accepté le 30 septembre 2020 Elle constitue une complication évolutive d’affections respiratoires et/ou cardiaques préexistantes ou
Disponible sur Internet le 7 décembre 2020
idiopathique qui se révèlent habituellement pendant l’enfance.
Observation. – Nous rapportons l’observation d’une femme, âgée de 48 ans, qui était admise pour exa-
Mots clés : cerbation de son asthme. L’imagerie thoracique a objectivé la présence d’opacités parenchymateuses
Bronchite plastique
diffuses. L’exploration endoscopique de l’arbre trachéobronchique a montré l’obstruction étendue de
Moules bronchiques
Bronchoscopie
l’arbre bronchique gauche par des moules bronchiques. L’évolution était favorable après l’ablation des
Asthme moules intra bronchiques et le traitement par corticothérapie orale.
Conclusion. – La BP est une affection rare, généralement secondaire, une maladie respiratoire ou cardiaque
chronique sous-jacente. Bien qu’habituellement de révélation précoce pendant l’enfance, la BP peut être
diagnostiquée à l’âge adulte. Le traitement repose sur l’extraction des moules par voie endoscopique et
sur le traitement de la pathologie sous jacente.
© 2020 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t

Keywords: Introduction. – Plastic bronchitis (PB) is characterized by the formation of thick branched and strongly
Plastic bronchitis adherent molds, which partially or completely obstruct the brachial lumen. It constitutes an evolutio-
Bronchial molds nary complication of preexisting or idiopathic respiratory and/or cardiac affections which usually appear
Bronchoscopy during childhood.
Asthma
Observation. – We report the case of a 48-year-old woman, who was admitted for exacerbation of her
asthma. Chest imaging has shown the presence of diffuse parenchymal opacities. Endoscopic explora-
tion of the tracheobronchial tree showed extensive obstruction of the left bronchial tree by bronchial
molds. The evolution was favorable after removal of the intrabronchial molds and treatment with oral
corticosteroid therapy.
Conclusion. – BP is a rare affection, usually secondary to an underlying chronic respiratory or heart disease.
Although usually an early onset in childhood, BP can be diagnosed in adulthood. The treatment is based
on the extraction of mules using the endoscope and on the treatment of the underlying pathology.
© 2020 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction épais, ramifiés et fortement adhérents au mur bronchique. Sa


prévalence reste inconnue et semble sous-estimée. Elle est soit idio-
La bronchite plastique (BP) est une affection rare caractérisée pathique, soit elle constitue une complication évolutive d’affections
par l’obstruction étendue de l’arbre bronchique par des moules respiratoires et/ou cardiaques préexistantes qui se révèlent habi-
tuellement pendant l’enfance. La BP atteint aussi bien l’enfant que
l’adulte, mais la plupart des cas rapportés étaient des observations
pédiatriques [1]. Nous rapportons un cas de BP chez une femme
∗ Auteur correspondant. découverte à l’âge adulte.
Adresse e-mail : sophiep34@gmail.com (S. Marzouki).

https://doi.org/10.1016/j.reval.2020.09.026
1877-0320/© 2020 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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Fig. 2. Endoscopie bronchique montrant la présence des moules bronchiques


d’aspect blanchâtre.

Fig. 1. TDM thoracique en fenêtre parenchymateuse (initiale) montrant des images


diffuses aréolaires avec des signes de surinfection.

2. Observation

Il s’agissait d’une patiente, âgée de 48 ans, aux antécédents


d’asthme sous corticothérapie inhalée depuis 6 mois, qui était
admise dans notre service pour une exacerbation d’asthme.
L’histoire de la maladie était faite par une aggravation de la
toux et des épisodes de dyspnée sifflante depuis 1 mois. Aucun
traitement n’avait été instauré. À l’admission, la patiente était
apyrétique à 37 ◦ C, polypnéique à 28 cycles/min. L’auscultation
pulmonaire a objectivé des râles sibilants au niveau des bases de
deux champs pulmonaires. Le reste de l’examen physique était
sans anomalie. La gazométrie artérielle à l’air ambiant a montré
une hypocapnie à 32 mmHg. La radiographie thoracique objecti-
vait une opacité basale gauche non rétractile avec une distension
thoracique associée un syndrome bronchique diffus. Le bilan bio-
logique montrait des leucocytes à 9,5 G/L, une CRP à 65 mg/L, des
D-dimères élevés à 1850 ug/L. Les bilans hépatique et rénal étaient Fig. 3. TDM thoracique en fenêtre parenchymateuse (de contrôle après 6 mois)
normaux. L’électrocardiogramme a révélé une tachycardie sinusale montrant la disparition des signes de surinfection avec amélioration de diffusion
à 100 battements par minute. La patiente a été alors mise sous parenchymateuse stable par rapport à la TDM initiale.

une antibiothérapie par amoxicilline-acide clavulanique associée à


des nébulisations de bronchodilatateurs. L’évolution après 48 h de Le diagnostic de bronchite plastique secondaire à un asthme
traitement était marquée par une amélioration partielle des symp- était retenu. Une corticothérapie orale par prednisone à la dose
tômes, une angiotomodensitométrie thoracique a été réalisée afin de 0,5 mg/kg/j était instituée associée à des lavages répétés et
d’éliminer une embolie pulmonaire. Cet examen a mis en évidence une extraction des moules par une nasofibroscopie bronchique.
de multiples nodules et micronodules pulmonaires (Fig. 1). L’évolution après 3 mois de corticothérapie (Fig. 3) était marquée
L’IDR à la tuberculine et la recherche de Bacille de Koch dans les par une amélioration des symptômes et une diminution de la fré-
crachats revenaient négatifs. Un bilan immunologique, comportant quence de récidive des moules.
le dosage des anticorps antinucléaires, du facteur rhumatoïde, des
anticorps anti-MPO/PR3, a été réalisé et était négatif. La sérologie 3. Discussion
aspergillaire était négative. L’endoscopique bronchique montrait
un aspect inflammatoire de tout l’arbre bronchique, associé à La BP a été précédemment identifiée par de nombreux noms,
la présence d’un matériel friable, évoquant l’aspect de moules y compris la bronchite fibrineuse, la bronchite Hoffmann et est
bronchiques obstruant la sous segmentaire de la pyramide basale maintenant uniformément appelée bronchite plastique. Il s’agit
gauche (Fig. 2). Des lavages répétés étaient réalisés au sérum phy- d’une maladie rare, de prévalence inconnue, caractérisée par la
siologique avec fragmentation et extraction des moules. La culture formation de moules bronchiques composés de mucosités épaisses
des examens bactériologiques et la recherche de BK dans le liquide et cohérentes, qui peuvent être expectorées spontanément ou
d’aspiration bronchique étaient négatives. Une étude anatomopa- nécessiter une bronchoscopie pour désobstruction [2]. Tous les
thologique était faite, montrant un matériel mucoïde mêlé à une niveaux bronchiques peuvent être atteints, en particulier les lobes
abondante nécrose fibrinoïde, infiltré par de nombreux polynu- inférieurs. La prévalence exacte de la BP demeure inconnue et
cléaires neutrophiles et éosinophiles avec présence de plusieurs semble sous-estimée. Plusieurs classifications ont été proposées
cristaux de Charcot compatible avec un moule bronchique. [3,4], dont la plus largement admise est celle de Seear et al. [5].

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Cette classification est basée sur l’étude anatomopathologique et viser à traiter l’inflammation sous-jacente. Il a été rapporté que
cellulaire des moules qui permet de classer la BP en deux types : les corticostéroïdes oraux et inhalés peuvent aider en agissant sur
la BP inflammatoire qui est caractérisée par la formation des l’inflammation et les antibiotiques macrolides sont connus pour
moules renfermant des infiltrats cellulaires importants (cellules être à la fois des médicaments immunomodulateurs et mucorégu-
épithéliales bronchiques, cellules inflammatoires), de la fibrine lateurs [7,11,12]. Des thérapies antifibrines peuvent être utilisées si
et peu de mucus et la BP acellulaire, caractérisée par des moules de la fibrine est présente. Dans la BP acellulaire, le traitement repose
qui contiennent peu de fibrine, de cellules mononuclées et du sur une correction chirurgicale d’une cardiopathie ou d’une anoma-
mucus en quantité considérable. La BP inflammatoire se déve- lie lymphatique sous jacente, associée à un traitement médical et
loppe au cours des affections respiratoires caractérisées par un diététique [13,14].
processus inflammatoire d’origine allergique (asthme, aspergillose
bronchopulmonaire allergique) ou infectieuse (mucoviscidose, 4. Conclusion
bronchectasies et infections respiratoires sévères).
Les BP acellulaires compliquent les cardiopathies cyanogènes, La BP est une affection rare, généralement secondaire à une
en particulier la tétralogie de Fallot dans les suites opératoires maladie respiratoire ou cardiaque chronique sous-jacente. Bien
(intervention de Fantan) et les péricardites chroniques constric- qu’habituellement de révélation précoce pendant l’enfance, la BP
tives associées à une hyperpression veineuse pulmonaire. [6]. En peut être diagnostiquée à l’âge adulte. Le diagnostic repose essen-
l’absence d’affection respiratoire ou cardiaque évidente, et chaque tiellement sur l’endoscopie qui constitue également un moyen
fois que la BP est d’allure idiopathique, une nouvelle classifica- thérapeutique à côté de du traitement de la pathologie sous-
tion proposée par Madsen et al. [7] a été proposée. Celle-ci est jacente.
basée sur la nature de la pathologie sous-jacente et sur l’évolution
du moule. La recherche d’une pathologie sous-jacente à la BP, Déclaration de liens d’intérêts
couplée à l’étude histologique des moules, permettrait de mieux
comprendre le mécanisme en cause et de guider les choix thé- Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
rapeutiques. Le diagnostic de la bronchite plastique est confirmé
par la récupération des moulages qui ont été crachés ou visualisés Références
au cours d’une bronchoscopie. Il n’y a pas de cytologie spéci-
fique, la récupération des moules avec étude anatomopathologique [1] Castet D, Lavandier M, Asquier E, Beaulieu F, De Lajartre AY. Moules bron-
chiques associés à des anomalies lymphatiques pulmonaires. Rev Mal Respir
confirme largement le diagnostic. Chez notre patiente, nous avons
1998;15:89–91.
rapporté la BP à l’asthme vu que la patiente était asthmatique [2] Madsen MP, Shah SA, Rubin BK. Plastic bronchitis: new insights and a classifi-
et devant l’aspect anatomopathologie des moules évoquant une cation scheme. Paediatric respiratory reviews 2005;6:292–300.
[3] Park JY, Elshami AA, Kang DS, Jung TH. Plastic bronchitis. Eur Respir J
BP d’origine inflammatoire. L’asthme et la maladie atopique sont
1996;9:612–4.
la deuxième association la plus fréquemment rapportée avec la [4] Fairshter R, Riley C, Hewlett R. Large bronchial casts. Arch Intern Med
bronchite plastique après les cardiopathies congénitales. Madsen 1979;139:522–5.
et al. [7] ont examiné les rapports publiés de bronchite plastique [5] Seear M, Hui H, Magee F, Bohn D, Cutz E. Bronchial casts in children: a proposed
classification based on nine cases and review of the literature. Am J Respir Crit
de 1965 à 2005. Sur les 22 patients signalés présentant une PB Care Med 1997;155:364–70.
avec des moules à éosinophiles, 12 cas présentaient une atopie ou [6] Brogan TV, Finn LS, Pyskaty DJ, Redding GJ, Ricker D, Inglis A, et al. Plastic bron-
un asthme. La présentation clinique initiale était fortement évo- chitis in children: a case series and review of the medical literature. Pediatr
Pulmonol 2002;34:482–7.
catrice de l’association asthme-BP devant une symptomatologie [7] Madsen P, Slah SA, Rubin BK. Plastic bronchitis: new insights and a classification
faite essentiellement par une toux chronique généralement pro- scheme. Paediatr Resp Rev 2005;6:292–300.
ductive, des épisodes de dyspnée sifflante et parfois des douleurs [8] Eberlein MH, Drummond MB, Haponik EF. Plastic bronchitis: a management
challenge. Am J Med Sci 2008;335:163–9.
thoraciques associées rarement à une fièvre [8,9]. [9] Cho YK, Oh SM, Choi WY, Song ES, Han DK, Kim YO, et al. Fatal plastic bron-
Plusieurs approches thérapeutiques ont été essayées afin de pré- chitis with eosinophilic casts in a previously healthy child. Korean J Pediatr
venir la récidive des moules. À côté de l’extraction endoscopique 2009;52:1048–52.
[10] Schultz KD, Oermann CM. Treatment of cast bronchitis with low-dose oral
du moule, le traitement de l’étiologie est primordial. Un traitement
azithromycin. Pediatr Pulmonol 2003;35:139–43.
par des corticoïdes inhalés ou par voie générale semble être plus [11] Kim YH, Choi HJ, Kim JO, Hyun MC. Plastic bronchitis in children: 2 cases. Korean
efficace sur la BP de type inflammatoire que la BP de type acellulaire J Pediatr 2009;52:832–6.
[5]. Une antibiothérapie au long cours par des macrolides à faibles [12] Rubin BK, Henke MO. Immunomodulatory activity and effectiveness of macro-
lides in chronic airway disease. Chest 2004;125(2 Suppl):70S–8S.
doses a été aussi proposée pour le traitement des BP inflammatoire [13] Manna SS, Shaw J, Tibby SM, Durward A. Treatment of plastic bronchitis in
[10]. Dans le cas de notre patiente, un traitement par corticothé- acute chest syndrome of sickle cell disease with intratracheal rhDNase. Arch
rapie inhalée, associé à une corticothérapie orale, a permis une Dis Child 2003;88:626–7.
[14] Costello JM, Steinhorn D, Mc Colley S, Mark E, Kumar SP. Treatment of plastic
amélioration des symptômes et une diminution de la fréquence bronchitis in a Fontan patient with tissue plasminogen activator: a case report
de récidives des moules. Généralement, chez les patients souffrant and review of the literature. Pediatrics 2002;109:e67.
d’asthme ou de maladie atopique et de PB type I, le traitement doit

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