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Revue de Pneumologie clinique (2012) 68, 84—90

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

MISE AU POINT

Les abcès et nécroses pulmonaires à germes banals :


drainage ou chirurgie ?
Lung abscess and necrotizing pneumonia: Chest tube insertion or surgery?

P.-B. Pagès ∗, A. Bernard

Service de chirurgie thoracique, hôpital du Bocage Central, CHU de Dijon, 14, rue Gaffarel,
BP 77908, 21079 Dijon cedex, France

Disponible sur Internet le 22 février 2012

MOTS CLÉS Résumé Les abcès pulmonaires et les nécroses pulmonaires sont des complications peu
Abcès pulmonaires à fréquentes des pneumopathies aiguës à germes communautaires depuis l’avènement des anti-
germes banals ; biotiques. Leurs prises en charge s’appuient en premier lieu sur le traitement antibiotique
Nécrose pulmonaire ; adapté aux germes documentés. Cependant dans 11 à 20 % des cas d’abcès pulmonaires, ce
Drainage ; traitement est insuffisant, et un drainage soit endoscopique, soit percutané doit être envisagé.
Chirurgie En première intention, on se dirigera vers une technique peu invasive : endoscopique ou percu-
tanée radioguidée. En cas d’échec de ces deux techniques, le drainage chirurgical percutané par
minithoracotomie sera réalisé. Dans les nécroses pulmonaires, du fait de l’obstruction conjointe
de la bronche et des vaisseaux sanguins correspondant à un segment pulmonaire, le traitement
antibiotique systémique sera peu efficace. On proposera donc en cas d’échec de celui-ci, un
drainage chirurgical percutané, surtout si la nécrose se limite à un seul lobe. Le traitement
chirurgical sera quant à lui réservé : aux échecs de la stratégie de drainage chirurgical, aux
nécroses s’étendant à plusieurs lobes.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Summary Lung abscesses and necrotizing pneumonia are rare complications of community-
Lung abscess; acquired pneumonia since the advent of antibiotics. Their management leans first of all on
Necrotizing the antibiotic treatment adapted on the informed germs. However, in 11 to 20% of the cases
pneumonia; of lung abscesses, this treatment is insufficient, and drainage, either endoscopic or per-
Chest tube insertion; cutaneous, must be envisaged. In first intention, we shall go to less invasive techniques:
Surgical drainage endoscopic or percutaneous radio-controlled. In case of failure of these techniques, a percuta-
neous surgical drainage by minithoracotomy will be performed. In the necrotizing pneumonia,

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : pb.pages@live.fr (P.-B. Pagès).

0761-8417/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.pneumo.2012.01.004
Les abcès et nécroses pulmonaires à germes banals : drainage ou chirurgie ? 85

because of the joint obstruction of the bronchus and blood vessels corresponding to a lung
segment, the systemic antibiotic treatment will be poor effective. In case of failure of this one
we shall propose, a percutaneous surgical drainage, especially if the necrosis limits itself to a
single lobe. The surgical treatment will be reserved: in the failures of the strategy of surgical
drainage, in the necroses extending in several lobes.
© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Les abcès pulmonaires


Les abcès pulmonaires constituent une complication peu
fréquente des pneumopathies aiguës à germes communau-
taires. Depuis l’avènement des traitements antibiotiques,
l’incidence des abcès pulmonaires a considérablement dimi-
nué et leur pronostic s’est amélioré [1]. Cependant dans
11 à 20 % des cas, ce traitement est insuffisant, et un drai-
nage soit endoscopique, soit percutané doit être envisagé.
En première intention, on se dirigera vers une technique
peu invasive : endoscopique ou percutanée radioguidée. En
cas d’échec de ces deux techniques, le drainage chirurgi-
cal percutané par minithoracotomie sera réalisé. De plus,
les abcès pulmonaires demeurent des complications grevées
d’une mortalité de l’ordre de 20 % [1,2]. Des facteurs prédis-
posant aux abcès pulmonaires sont bien établis : l’éthylisme,
le diabète, les pneumopathies d’inhalation, le cancer bron-
Figure 1. Scanner d’un abcès pulmonaire.
chique, les bronchectasies [3].

Définition douleur thoracique, l’altération de l’état général et la perte


de poids.
Un abcès pulmonaire est défini comme une collection de pus Deux à trois semaines après le début des symptômes,
au sein du parenchyme pulmonaire, conduisant à la forma- apparaît l’épisode de vomique : expectoration de sécrétions
tion d’une cavité occupant moins de 50 % du lobe atteint, purulentes, nauséabondes au cours d’un épisode de toux.
et caractérisée par l’existence d’une coque fibreuse péri- Elle correspond à la fistulisation de l’abcès avec l’arbre
phérique [4,5]. La contamination a lieu dans la majorité trachéo-bronchique [6]. Fréquemment, il ne survient pas
des cas par voie aérienne, rarement par voie systémique. d’épisode de vomique et les sécrétions purulentes restent
Les germes les plus fréquemment en cause, compliquant cloisonnées au sein de l’abcès.
les pneumopathies communautaires sont : Klebsiella pneu-
moniae, Staphylococcus aureus, Haemophilus influenzae et Indications du drainage et de la chirurgie
Streptococcus pneumoniae [1]. L’abcès peut être dû à un ou
plusieurs germes. La plupart des patients répondent au traitement antibio-
Sur le plan radiologique, on doit suspecter un abcès pul- tique [8], cependant selon les données de la littérature, 11 à
monaire devant une opacité ronde, à paroi fine, associée à 21 % des patients porteurs d’un abcès pulmonaire ne seront
un niveau hydro-aérique (Fig. 1). pas d’améliorés après un mois de traitement antibiotique
adapté. Ces patients doivent donc bénéficier d’un drainage
Caractéristiques physiopathologiques [7].
Différentes techniques de drainage sont décrites : le drai-
La plupart du temps, des sécrétions d’origine buccoden- nage endoscopique, le drainage percutané radioguidé et le
taires sont inhalées au cours d’un épisode d’inconscience, drainage chirurgical (Tableau 1).
contenant une grande quantité de microorganismes avec une Le drainage endoscopique est réalisé sous anesthésie
prédominance de bactéries anaérobies. Ces secrétions vont locale, chez des patients non hypoxiques (contre-indiqué en
se déposer au sein du parenchyme pulmonaire et provoquer cas d’hypoxie). La technique consiste à mettre en place,
l’infection [6]. Il n’existe pas de localisation préférentielle, par voie nasale sous bronchoscope souple, un guide dans
l’ensemble du parenchyme pulmonaire peut être touché la cavité abcédée après avoir repéré la bronche de drai-
[1,7]. nage par une bronchographie. Une fois le guide en position,
Ensuite, 24 à 48 heures après l’épisode d’inhalation, un cathéter de type pig-tail est introduit dans la cavité.
l’abcès est déjà formé, présentant un important potentiel Une injection de produit de contraste permet de visuali-
d’oxydoréduction et un pH acide favorisant la multiplica- ser la bonne position du cathéter dans la cavité abcédée.
tion des bactéries [6]. L’abcès constitué, fermé, mène au Ce cathéter permet alors l’administration d’antibiotiques
début de symptômes comme la forte fièvre, la toux, la in situ. Il s’agit d’une méthode peu invasive, réalisable en
86 P.-B. Pagès, A. Bernard

Tableau 1 Principales études sur le drainage des abcès pulmonaires.


Auteur, année Type de Nombre de Âge moyen % de % de succès % de résection
drainage patients dans le des complications du primaire de la chirurgicale
groupe traité patients groupe traité technique associée
Herth, 2005 Endoscopique 42 48,9 9,5 (4) 90 (38) 2,3 (1)
VanSonnenberg, Percutané 19 NR 21 (4) 94,7 (18) 15,7 (3)
1991
Yunus, 2009 Percutané 19 36,3 42,1 (8) 10,5 (2)
Yellin, 1985 Chirurgical 7 0 100 0
Weissberg, 1984 Chirurgical 7 0 100 0
Succès primaire : succès de la technique initialement mise en œuvre, sans complication, ni geste complémentaire. NR : Non Rapporté

Tableau 2 Type de complications rencontrées dans les principales études. Pourcentage au sein de l’effectif total.
Auteur, année Effectif % pneumothorax % hémothorax % hémoptysies % fistules % défaillances
bronchopleurales respiratoires
Herth, 2005 2 0 0 2,3 (1) 0 2,3 (1)
VanSonnenberg, 1 0 5,2 (1) 0 0 0
1991
Yunus, 2009 9 26,31 (5) 0 10,52 (2) 10,52 (2) 0

cas d’existence d’une bronche de drainage de l’abcès. Entre du pus et la rétraction de la cavité abcédée. Van Sonnen-
les mains d’un médecin expérimenté, cette technique peut berg et al. rapportent une guérison chez la totalité des
constituer une bonne alternative [7]. Herth et al. rapportent 19 patients traités pour abcès pulmonaire par voie percu-
un taux de guérison de 90 % sur une série de 42 patients trai- tanée [8] (Tableau 1). Les délais de guérison se situant
tés par voie endoscopique, après 6,2 jours de traitement entre dix et 15 jours. Yunus rapporte une série de 19 patients
en moyenne (Tableau 1). Deux patients ont nécessité une présentant des abcès pulmonaires : huit patients (42,1 %)
ventilation mécanique après la mise en place du cathéter guérirent sans complications, cinq patients (26,3 %) déve-
(Tableau 2). loppèrent un pneumothorax dont deux nécessitèrent un
Le drainage percutané radioguidé est réalisé sous anes- nouveau drainage, deux patients (10,5 %) présentèrent une
thésie locale. Il consiste à mettre en place un cathéter de hémoptysie, deux patients (10,5 %) présentèrent une fistule
drainage au sein de l’abcès pulmonaire sous contrôle scano- bronchopleurale et durent être opérés [10] (Tableaux 2 et 3).
graphique [5]. Après ponction à l’aide d’un trocart, rendu Le drainage chirurgical permet d’évacuer la totalité du
simple par la symphyse pleurale crée par l’abcès, un cathé- matériel infecté et prévient ainsi le risque de dissémina-
ter est introduit dans l’abcès. Il faut éviter un trajet du tion de l’infection dans le reste du parenchyme pulmonaire
cathéter au sein du parenchyme normal afin de limiter le [2]. Ce drainage est réalisé sous anesthésie locale par une
risque d’hémorragie et de formation de fistule broncho- courte incision. En général, il existe une symphyse pleurale
pleurale [9]. La taille du cathéter de drainage doit être en regard de l’abcès, on réalise alors une incision du paren-
suffisante pour maintenir la perméabilité de celui-ci et per- chyme pulmonaire fibrosé sur 1 cm, avant d’accéder à la
mettre l’écoulement du liquide. Le cathéter est ensuite cavité abcédée. Le drain thoracique est alors placé dans
placé en aspiration à −20 cmH2 O, facilitant l’évacuation la cavité et relié à un système d’aspiration à −20 cm H2 O,

Tableau 3 Principales études sur la prise en charge des nécroses pulmonaires.


Auteur, Nombre de Âge moyen % de patients traités % Survie % de patients dépendant
année patients des globale du respirateur
traités patients
Médicalement Chirurgicalement En En
préopératoire postopératoire
Reimel, 2006 35 0 100 91,4 (32) 68,6 (24) 11,4 (4)
Krishnadasan, 5 0 100 100 (5) 60 (3) 20 (1)
2000
Refaely, 1997 3 28,3 100 100
Penner, 1994 25 47,4 40 (10) 60 (15) 84 (21)
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Tableau 4 Interventions pratiquées pour les nécroses pulmonaires.


Auteur, année Nombre de Thoracostomie Pneumonectomie Lobectomie Segmentectomie Wedge- Débridement
patients première resection
opérés
Reimel, 2006 35 0 4 18 2 4 7
Krishnadasan, 5 0 1 3 0 1 0
2000
Refaely, 1997 3 3 2 1 0 0 0

permettant l’écoulement du pus [2] (Tableaux 1 et 4). Yel- controlatéral par les sécrétions issues de l’abcès, c’est
lin et al. rapportent un taux d’échec du traitement médical pourquoi il est recommandé de ventiler les deux poumons
des abcès pulmonaires de 14 % (sept patients) sur une série séparément [3]. La pneumopathie controlatérale étant une
de 48 patients. Ces sept patients ont évolués favorablement complication sévère du patient sous respirateur qui peut
après drainage chirurgical [11]. Au cours de l’échec du trai- être prévenue si le diagnostic est précoce. Le risque associé
tement médical, le drainage chirurgical doit être préféré à chez ces patients ventilés est l’obstruction de la canule par
la lobectomie [12]. Weisseberg rapporte une série de sept les sécrétions très épaisses provenant de l’abcès [3].
patients présentant un abcès pulmonaire, dont l’état géné- Le drainage des abcès pulmonaires doit être systéma-
ral contre-indiquait une résection de type lobectomie, qui tique, deux techniques sont possibles : soit un drainage
ont tous évolué favorablement après drainage chirurgical radioguidé par voie percutané, soit drainage chirurgical.
[12]. La résection chirurgicale des abcès qui était la pierre Le drainage percutané est la technique de choix chez
angulaire du traitement avant l’apparition des antibiotiques ces patients très fragiles [3], le drainage chirurgical sera
[13] est devenue exceptionnelle, seulement indiquée en cas réservé aux échecs du traitement percutané. La plupart du
d’échec du drainage chirurgical [14]. temps ces patients sous respirateur sont hypoxiques, contre-
indiquant la technique endoscopique de drainage [2].
Conclusion La résection chirurgicale des abcès demeure exception-
nelle, réservée :
Bien que limitée, l’analyse de la littérature, permet de • aux échecs de drainage chirurgical des abcès [14] ;
proposer une conduite à tenir devant un abcès pulmonaire • aux patients pour lesquels un sevrage du respirateur est
compliquant une pneumopathie communautaire à germes impossible [2] ;
banals résistante au traitement antibiotique. En premier • aux patients présentant une cavité abcédée dont le dia-
lieu, on proposera une technique de drainage peu invasive : mètre est supérieur à 4 cm [2].
drainage endoscopique (contre-indiqué en cas d’hypoxie) ou
drainage percutané radioguidé, techniques qui permettent Rice et al. rapportent une série de 14 patients sous
dans la majorité des cas d’obtenir une guérison. En cas respirateur, présentant des abcès pulmonaires de plus de
d’échec d’une de ces deux techniques, on se tournera alors 4 cm de diamètre : 11 patients bénéficièrent d’un drainage
vers un drainage chirurgical par mini-thoracotomie sous chirurgical et trois bénéficièrent d’une thoracostomie et
anesthésie locale. Enfin, en cas d’échec du drainage chi- d’un drainage chirurgical. L’évolution fut favorable chez
rurgical, on discutera une résection chirurgicale de l’abcès 11 patients, mais trois patients décédèrent : un seul de ces
qui est devenue exceptionnelle à l’heure actuelle. décès était lié à une complication d’un abcès pulmonaire
[17].
Le décès, chez les patients sous respirateur pour pneu-
Cas particulier des patients de réanimation
mopathies aiguës communautaires, est habituellement dû à
Chez les patients de réanimation, sous respirateur pour une défaillance multiviscérale, elle-même liée à une septi-
une détresse respiratoire après une pneumopathie aigüe cémie, à un abcès ou un empyème. Le drainage chirurgical
à germes communautaires, la découverte d’un abcès pul- des abcès pulmonaires a montré qu’il pouvait permettre de
monaire se fait le plus souvent de façon fortuite sur la résoudre ces défaillances multiviscérales [2].
radiographie pulmonaire. En effet, un infiltrat pulmonaire
non résolutif sous traitement antibiotique, chez un patient
fragile sous respirateur, doit systématiquement faire suspec- Les nécroses pulmonaires
ter un abcès pulmonaire [3].
Les germes en cause identifiés sont : K. pneumoniae, La nécrose pulmonaire est une complication peu fréquente
S. pneumoniae, Pseudomonas aeruginosa et S. aureus des pneumopathies bactériennes. Il s’agit d’un proces-
[15,16]. sus inflammatoire conduisant à l’obstruction conjointe
Un scanner thoracique confirmera le diagnostic [3]. Chez de la bronche et des vaisseaux sanguins d’un segment
les patients présentant un abcès pulmonaire, en plus du pulmonaire. Du fait de l’obstruction des vaisseaux, le
traitement antibiotique adapté, on réalisera alors un drai- traitement antibiotique systémique est inefficace, condui-
nage percutané, associé à la mise en place d’une canule sant à une destruction progressive du segment pulmonaire
de ventilation à double lumière. En effet, le principal correspondant, et au risque de voir se constituer une fis-
risque chez ces patients est la contamination du poumon tule bronchopleurale et une hémoptysie massive [18]. On
88 P.-B. Pagès, A. Bernard

Caractéristiques physiopathologiques
Les micro-organismes les plus fréquemment rencontrés
sont : dans plus de 50 % des cas, K. pneumoniae ; puis,
par ordre de fréquence : S. pneumoniae, H. influenzae,
P. aeruginosa [2,7].
Sur le plan physiopathologique, les caractéristiques sont
les suivantes [18,15] :
• le processus se développe avec prédilection dans le lobe
supérieur droit, puis le lobe supérieur gauche ; ensuite,
sont touchés les lobes inférieurs et rarement le lobe
moyen ;
• la lésion initiale se caractérise par l’apparition d’une
vascularite touchant à la fois les vaisseaux bronchiques
et pulmonaires, conduisant à une thrombose extensive à
l’ensemble des vaisseaux pulmonaires à destinée du lobe
Figure 2. Scanner d’une pneumopathie nécrosante. Notez les infecté, ainsi qu’aux vaisseaux bronchiques : ce proces-
zones de nécrose ne prenant pas le contraste (flèches). sus thrombotique semble lié à cette vascularite localisée
induite par les agents infectieux, qui provoquent une
proposera donc en cas d’échec du traitement antibiotique, altération de l’endothélium vasculaire responsable de
un drainage chirurgical percutané, surtout si la nécrose se l’activité procoagulante ;
limite à un seul lobe. Le traitement chirurgical sera quant à • à la différence d’une embolie pulmonaire où la circulation
lui réservé : aux échecs de la stratégie de drainage chirurgi- bronchique est maintenue, dans la gangrène pulmonaire,
cal, aux nécroses s’étendant à plusieurs lobes. l’ensemble de la circulation pulmonaire, y compris la
circulation bronchique, est thrombosée, aboutissant à
Définition l’infarctus pulmonaire ;
• l’architecture du poumon infecté est maintenue au départ
On distingue deux entités très proches : les nécroses pulmo- du processus, puis doucement évolue vers la liquéfaction.
naires et les gangrènes pulmonaires.
Les pneumopathies nécrosantes se caractérisent par une
consolidation du parenchyme pulmonaire, associée à des Caractéristiques radiologiques
micro-abcès et une absence de perfusion sanguine au scan-
Penner et al. ont décrit la séquence radiologique du proces-
ner [4] (Fig. 2 et 3).
sus pathologiques conduisant au diagnostic [15] :
Les gangrènes pulmonaires se caractérisent par une perte
• consolidation du lobe accompagnée d’un élargissement du
de perfusion sanguine d’une partie d’un lobe pulmonaire,
lobe avec bombement extérieur de la scissure ;
la nécrose centrale touchant plus de 50 % du lobe atteint,
• apparition, au sein du lobe consolidé, de lacunes qui vont
et est associée à une obstruction centrale des vaisseaux et
ensuite grandir pour former une large cavité ; le lobe pul-
de la bronche. On retrouve de plus grandes cavités au sein
monaire atteint devient « flottant » au sein d’une cavité
desquelles flottent des débris nécrotiques [4].
liquidienne, voire même mobile ;
Les facteurs de risques de voir se développer une gan-
• occasionnellement, un croissant gazeux peut être visua-
grène pulmonaire sont les mêmes que ceux de voir se
lisé, détaché du parenchyme pulmonaire viable.
développer une pneumopathie à germes communautaires :
insuffisance respiratoire chronique, diabète, alcoolisme,
De plus, on note une sténose serrée sur la bronche ven-
dénutrition [15].
tilant le lobe affecté.

Indications du drainage et de la chirurgie


Au cours du processus infectieux de gangrène pulmonaire, la
disparition du flux sanguin dans le lobe infecté, ainsi que la
sténose bronchique expliquent la faible efficacité du traite-
ment antibiotique et l’absence d’expectoration de matériel
nécrotique [19].
La prise en charge médicale initiale passe par une sur-
veillance scanographique régulière. En effet, le scanner
semble pouvoir prédire la probabilité d’échec du traitement
médical, et peut être utilisé pour le suivi évolutif de ces
infections, afin de déterminer s’ils progressent, sont stabili-
sés ou régressent [4]. Ces patients doivent donc bénéficier,
toutes les 48 à 72 heures, d’un scanner qui, en fonction de
Figure 3. Scanner d’une gangrène pulmonaire du poumon droit leur évolution clinique, doit permettre d’apprécier la néces-
associée à un épanchement pleural droit. sité d’une prise en charge chirurgicale [4].
Les abcès et nécroses pulmonaires à germes banals : drainage ou chirurgie ? 89

Il existe cependant une controverse concernant les indi- un bon nombre de cas, la résection chirurgicale permet de
cations et les délais de prise en charge chirurgicale des traiter la pathologie infectieuse pulmonaire sous-jacente et
nécroses pulmonaires infectieuses [20]. En effet, les don- ainsi le sevrage ventilatoire. Cette résection ne peut pas
nées de la littérature sont limitées et il semble difficile être pratiquée chez des patients instables : ceux-ci doivent
d’émettre des recommandations. Cependant, les principaux bénéficier dans un premier temps d’un drainage chirurgi-
auteurs proposent une prise en charge similaire : cal ou radioguidé. Cette démarche apparaît bénéfique pour
• on commencera par pratiquer un suivi radiologique régu- réaliser dans un second temps une résection parenchyma-
lier, ainsi qu’un suivi scanographique régulier si une cavité teuse sous contrôle, même si un certain nombre de patients
nécrotique est visible initialement ; nécessitent toujours d’être ventilés [4]. En effet, les candi-
• un traitement médical associé à de la kinésithérapie dats au traitement chirurgical sont les patients chez lesquels
intensive sera proposé si, au scanner, la bronche de drai- persistent des signes infectieux mais ne nécessitant pas le
nage de la cavité est ouverte [15] ; recours à des amines vasopressives au moment de la chirur-
• le drainage percutané sera réalisé si le scanner montre gie [4].
que la bronche de drainage est occluse ou très sténo- Cependant, ces résections pulmonaires peuvent égale-
sée [7] ; de même, si la nécrose se limite à un seul lobe, ment être pratiquées même dans les cas où les patients sont
un drainage chirurgical percutané est souvent suffisant hautement dépendants du respirateur, avec des résultats
pour améliorer l’état clinique du patient [18] ; cependant, acceptables [19]. Sur le plan technique, ces patients sup-
ce drainage percutané semble associé à un taux élevé portant mal l’exclusion pulmonaire, l’intervention pourra
d’échec, et à une augmentation des complications dans être réalisée avec une canule simple lumière. On peut éga-
les cas de nécroses pulmonaires [19] ; lement avoir recours à des « bloqueurs » afin d’affaisser le
• le traitement chirurgical sera, quant à lui, réservé aux poumon à opérer, de faciliter l’exposition et de limiter le
échecs de la stratégie de drainage chirurgical [7] et aux risque d’aspiration controlatérale [4].
nécroses s’étendant à plusieurs lobes [20]. Enfin, les patients qui présentent une atteinte parenchy-
mateuse bilatérale et qui sont dépendants du respirateur
Pour certains auteurs, la résection chirurgicale d’emblée ont un pronostic plus sombre et une plus grande probabilité
semble trop radicale. Refaely et al. proposent un traitement de rester dépendants du respirateur. Dans ce sous-groupe,
en deux temps : le premier temps consiste en une thora- à moins qu’il y ait une preuve évidente d’infection pulmo-
costomie, associée à un traitement médical optimal, pour naire, il est préférable de s’abstenir d’avoir recours à la
assécher la cavité nécrosée ; dans un second temps, une chirurgie. Néanmoins, chez ces patients ventilés persistent
semaine plus tard, est réalisée la résection chirurgicale du de bons candidats pour une résection chirurgicale, s’il existe
parenchyme nécrosé [21]. une preuve que le processus de nécrose pulmonaire est la
Dans ce contexte infectieux, au cours de la résection source la plus probable du sepsis persistant [4].
chirurgicale, le moignon bronchique doit être systématique-
ment renforcé avec du tissu viable pour réduire le risque
et la sévérité d’une fistule bronchopleurale postopératoire Déclaration d’intérêts
[4,19]. De plus, les patients chez lesquels il persiste une
cavité résiduelle après résection peuvent bénéficier de la Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
mise en place d’un système d’irrigation de cette cavité. En relation avec cet article.
effet, cet espace résiduel est à risque d’empyème : des stra-
tégies telles que l’irrigation constituent une technique de
prévention ou de traitement de cet espace résiduel [4,19]. Références
Les lésions pulmonaires périphériques se trouvant au
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