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Visite de l’église Sainte-Odile de Paris

Article
Zoé Le Bacquer

Ce mois-ci, l’OPR vous propose de découvrir l’église Sainte Odile, dans le 17e
arrondissement de Paris. L'édifice est remarquable pour de nombreux points. Érigé au
XXème siècle, il marque les débuts de la démocratisation du béton armé dans les
édifices religieux. Il est aussi un lieu d’innovation pour les nombreux artistes qui y ont
travaillé. On note par exemple l’impressionnant clocher de 72 mètres, le plus haut de la
capitale. Un élément dont vous avez certainement déjà aperçu la silhouette. Son
ornementation intérieure contraste avec la sobriété apparente en extérieur. Inscrite au
monument historique en 2001 l'église présente toutes les marques d'un univers
symbolique catholique mêlé à l’innovation contemporaine.

En 1934 le cardinal et archevêque de Paris, Monsieur Verdier, aussi surnommé le


“cardinal des chantiers”, entreprend sa construction qui s'étend de 1935 à 1946. Le curé
de la paroisse voisine de Saint-François-de-Sales, Monsieur Eugène Loutil dit Pierre
L’Hermitte l’aide dans les démarches. C’est à lui que revient la décision de l'église à la
protectrice des aveugles et la sainte patronne de l'Alsace, Odile. Honorant ainsi sa région
natale. Le chantier avance sous la direction d’un jeune architecte de 31 ans, Jacques
Barges, bercé par l'influence des églises romanes du sud de la France. Les motifs et les
motifs de ses décors se tournent eux aussi vers les premiers temps de l'église comme
vous pourrez le constater à l'intérieur de l'édifice.

Le plan de l'église est tout à fait atypique et plutôt asymétrique. La nef est jouxtée d’un
côté de trois chapelles et de l’autre de trois larges baies percées par des vitraux
monumentaux. Les trois coupoles couronnant le tout symbolise la Trinité. Son ossature
en béton armé fait d’elle l’une des premières églises parisiennes à en être constitués. En
effet, ce nouveau matériau inventé au XXe n'a longtemps pas été perçu comme digne
pour un édifice religieux. Afin d’y remédier, l'architecte pare les murs intérieurs de
l'édifice de motif de brique et l'extérieur d’un revêtement de grès tout droit importé
d’Alsace. En habillant le monument, Jacques Barges répond à l'attention de tous et se
différencie de ses contemporains.
La façade d'entrée est englobée dans un sobre et élégant décor sculpté de la main
d’Anne-Marie Roux-Colas. Il illustre l'arrivée de la sainte au Ciel, accompagné de la
Vierge, Odile bénit par le Père et couronnée par le Christ dans une mandorle. Autour
d’eux des anges jouent de la musique et chantent des louanges. Puis Au pied de la
patronne alsacienne, trois anges présentent ces accomplissements. La règle de la
communauté monastique qu’elle a fondée après avoir recouvert la vue. La maquette de
l'église s'élève sur le mont Sainte Odile et la crosse d'abbesse. Afin de rehausser les
couleurs du tympan, Auguste Labouret orne les manteaux et le ciel de cabochons et
d'étoiles de verre.

Une fois parvenue dans l'unique nef vous remarquerez les trois grandes baies presque
entièrement percées de vitraux. Elles sont l'œuvre de François Décorchemont. La
verrière centrale honore sainte Odile présentée au milieu de la lancette principale. Deux
scènes de sa vie sont illustrées notamment le moment où elle recouvre la vue et celui où
elle décide de l'érection de son monastère. Les autres verreries racontent
l'évangélisation de la Gaule. L’une présente au centre Saint Michel terrassant le démon
et entourée de Jeanne d’Arc à qui il rend visite dans une autre saynète. La dernière rend
honore l’archange Raphaël et les saints évangélisateurs de l'ère mérovingienne. On note
la présence de Saint-Denis, de sainte Radegonde ou encore de Clovis au moment de son
couronnement. Cet ensemble de plus de 300m2 est l'unique percée de lumière de
l'édifice avec les ouvertures au niveau des coupoles. Le maître-verrier met au point une
nouvelle technique, celle du verre moulé allier au ciment puis assemblé au plomb. La
différence ? Les teintes ne sont pas juxtaposées, mais mêlées entre elles. Choses
surprenantes, aucune ombre colorée n’est projetée sur le sol. Les coloris sont d’autant
plus étincelants, que certains verres ont été recuits au cristal.

Le chœur est lui aussi abondamment décoré. Le céramiste Robert Barriot y a travaillé
quinze ans durant. Au même titre que le maître verrier, son large panel chromatique est
innovant. Il use pour cela d’émaux sur cuivre repoussé au marteau dont il est un des
grands representant contemporain. Le registre inférieur évoque les sept églises de
l'apocalypse. Elles sont interrompues par des colonnes au sommet desquelles sont
perchées à 3,17 mètres de haut les 24 vieillards l’apocalypse. L’émailleur a même logé
cinq ans dans le clocher avec sa famille. Ces œuvres innombrables ont fait l’objet d’une
exposition en 1991 au Château Marie de Tourrettes sur Loup, le succès est tel que ses
enfants décident l’année suivante de fonder une Association. Elle prendra le nom
d’Association Robert Barriot Arts-et-Feu. Aujourd’hui elle propose des conférences, des
initiations et des ateliers avec des maitres émailleurs reconnu. Dernièrement, l’église
Sainte-Odile a mis à l’honneur son travail en investissant dans un nouvel éclairage du
retable. Des journalistes et des spécialistes du patrimoine se sont empressés ce mardi 3
mai pour l’admier.

Le maître autel est tout aussi surprenant, le céramiste Auguste Labouret a développé un
décor de paons et de feuillages exécuté avec des dalles de verre éclaté au marteau. La
lumière est alors fragmentée en de multiples teintes allant de l’or au jaune en passant
par le vert. Enfin comme pour couronner l’ensemble, le retable est émaillé et orné de
cristal. Il s’agit là d'un des chefs- d'œuvre de l’art sacré dont vous pourrez admirer la
qualité. Ce foisonnement ornemental contraste fortement avec l'extérieur de l'édifice.
Pourtant l’immense clocher semble en annoncer la monumentalité.
La tour octogonale est élevée en briques roses par Jacques Barges tandis que les 23
cloches proviennent de la fonderie PACCARD d’Annecy-le-Vieux. Toutes portent un
nom, et bien sûr, la plus monumentale des trois grosses cloches se prénomme Odile.
Bien que, ces dernières ont été achevées dès 1941 elles ne furent installées qu’en 1949 en
raison de la Seconde Guerre mondiale. En effet, elles restèrent cachées dans des
tonneaux près de chartres par peur qu'elles ne finissent fondues en boulet de canon par
l'ennemi. Les vitraux avaient eux aussi été démontés et cachés durant la guerre.

L’OPR vous propose donc de découvrir ce chef-d'œuvre architectural et artistique de


l’entre-deux-guerres. Un témoignage remarquable de la créativité de ces maîtres
architecte, sculpteure, céramiste et verrier dans un édifice du XXe siècle en périphérie

de Paris.
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