Institut Groupe CDG

webinaire

Repenser 08
l’économie
novembre
2022

sociale
& solidaire
au Maroc

Compte rendu du webinaire

L’économie sociale et solidaire (ESS) au Maroc, longtemps marginalisée, devient un
pilier central qui permet à travers ses missions d’intérêt général d’orienter l’activité
vers une économie plus inclusive, créatrice de richesse tout en étant en accord avec 3

les principes d’équité et de justice sociale. Elle permet ainsi de faciliter l’insertion
des personnes vulnérables à la vie économique et sociale et de dynamiser le tissu
économique des territoires.

Afin d’améliorer le potentiel de ce secteur, il s’agit de passer d’une logique de

subsistance à une logique d’entrepreneuriat créatrice de valeur et d’emplois.
Soucieuse de stimuler ce pilier de l’économie, la Commission spéciale sur le modèle
de développement a établi un diagnostic en émettant les constats suivants :
1. Le tissu des acteurs existants souffre de difficultés classiques, qui sont
amplifiées en raison de la taille des acteurs et d’un environnement faiblement
stimulant
2. L’économie sociale est régie par une gouvernance et un cadre légal et
réglementaire fragmentés qui génèrent un isolement et un manque de
cohérence d’ensemble

A partir de ces constats, le rapport de la Commission spéciale sur le modèle de

Repenser l’économie sociale & solidaire au Maroc

développement a formulé un certain nombre de recommandations dont, notamment ,
l’intégration de l’économie sociale aux politiques économiques et la délégation
des services publics à ses acteurs, la mise en place d’une gouvernance adéquate
au caractère stratégique et transversal de l’économie sociale et à son ancrage
territorial et la mise en place d’un cadre légal et réglementaire ouvrant la voie à la
pleine reconnaissance et au développement de l’économie sociale au Maroc.

Il est donc question de structurer l’activité et de soutenir son développement afin

d’en faire une vraie source de création de valeur et d’emploi tout en se donnant les
moyens de l’encadrer légalement.

Le soutien au développement passe nécessairement par la facilitation de l’accès

aux financements et leur diversification, par la professionnalisation des acteurs
dans le but de renforcer la soutenabilité de leur business model et plus globalement
par l’impulsion d’une dynamique d’ensemble claire et cohérente. C’est ainsi que la
culture entrepreneuriale et l’innovation sociale pourront prendre forme.

Le webinaire est un moment d’échanges et il est l’occasion pour les panélistes de

formuler des messages forts à l’égard du potentiel que revêt l’ESS tout en exposant
les contraintes qui doivent être levées pour libérer les énergies et faire évoluer
l’écosystème de manière encadrée et structurée pour en faire une source de
création de richesses.
Biographies
des intervenants
 5

Sanaë Alami Afilal

Chargée de Mission auprès de la Direction Générale du Groupe OCP
et Coordinatrice des travaux d’OTED

Sanaë Alami Afilal, EMBA, possède 360 stakeholders» à l’UM6P et

une expertise professionnelle de coordonne les travaux d’OTED
plus de 30 années en marketing (territorial empowerment and
et relations publiques, en cabinets developpment) qu’elle a contribué

Repenser l’économie sociale & solidaire au Maroc

conseil et en grandes entreprises. à fonder, une initiative citoyenne
Elle a également travaillé tout qui œuvre, au Maroc, pour
au long de sa carrière sur des un développement territorial
questions de développement participatif, inclusif et durable.
territorial et de responsabilité
sociale des entreprises. Depuis
2013, elle est chargée de mission
auprès de la Direction Générale du
Groupe OCP. Elle est également
formatrice en «Communication
 Bouchra Rahmouni
Responsable du laboratoire d’innovation sociale - UM6P et Professeure
titulaire et coordinatrice de la recherche sur la diversité à Africa
Business School - UM6P

Bouchra Rahmouni est titulaire d’un Depuis 25 ans, elle allie recherche,
doctorat en économie internationale pédagogie et conseil pour promouvoir
de l’Université Mohammed V Rabat, l’autonomisation économique des
sous la supervision du professeur femmes et l’entrepreneuriat social en
Michael Huberman de l’Université Afrique.
de Montréal au Canada. Elle est
professeure de géoéconomie,
d’internationalisation des entreprises
et d’entrepreneuriat social.

Dr. Rahmouni dirige le laboratoire

d’innovation sociale de l’Université
polytechnique Mohammed VI (UM6P).
Elle est professeure internationale
affiliée à l’Université de New York
(département d’ingénierie des risques
financiers) aux États-Unis, professeure
invitée à l’Université Holy Spirit au
Liban et professeure émérite de
géopolitique à Grenoble Ecole de
Gestion en France. Elle est également
professeure invitée à l’Institut de
commerce international et de droit
de l’Université nationale de Pusan en
Corée du Sud.

Amina Kchirid
Enseignante chercheure et Présidente de CIRA-ESS
Amina Kchirid est Professeure de
l’Enseignement Supérieur à la Faculté
des Sciences Juridiques Economiques
et Sociales Ain Chock, Université
Hassan II et Présidente Fondatrice
du CIRA-ESS, Centre d’Incubation et
de Recherche-Action en Economie
Sociale et Solidaire.
Elle est également Directrice
Fondatrice du Laboratoire de
Recherche en Economie de
Développement et Gouvernance des
Organisations, LAREDGO.
Amina Kchirid possède une expérience
professionnelle d’une trentaine
7
d’années en matière d’expertise, appui
technique aux projets de renforcement
des compétences, ingénierie de
formation, formation de formateurs,
Repenser l’économie sociale & solidaire au Maroc
accompagnement des équipes et
des structures, avec des institutions
publiques, privées et des institutions
internationales.
Elle a à son actifs plusieurs
publications dans le domaine de
l’économie sociale et solidaire,
notamment son dernier ouvrage,
intitulé « L’innovation Sociale », pour
une Économie Inclusive et Durable,
publié en 2021.
 Ahmed Benabadji
Fondateur & Président de « Open-Village »
Diplômé de l’EDHEC, d’un Mastère en
management de projets à l’ESCP et
d’un MBA au MIT, Ahmed Benabadji
a dirigé des entreprises industrielles
et commerciales et a fondé des
startups technologiques en France et
au Maroc. Au travers du Transilience
Institue qu’il dirige, il est engagé dans
la réflexion sur les thématiques de
développement humain et territorial.
II est membre du comité scientifique
de la chaire de l’École Centrale de
Casablanca « Émergences collectives
et développement inclusif » où il
enseigne l’Entreprenariat Social et
Solidaire. Il est aussi co-fondateur et
président de l’association Open Village,
qui anime un réseau d’entraide de
communautés rurales sur la voie d’un
développement socio-économique
autonome et durable.
 Modérateur
9

Aziz Boucetta
Directeur de publication du portail d’information PanoraPost.com

Ancien banquier et fort d’une Monsieur Boucetta est aussi

longue expérience dans le monde enseignant de géopolitique
de l’information où il a, notamment, à l’université Mundiapolis de
assuré la direction commerciale Casablanca.

Repenser l’économie sociale & solidaire au Maroc

de nombreux supports de presse
écrite (TelQuel, al Massae, Akhbar Enfin, de 1997 à 2003, il a été maire
Alyoum), Aziz Boucetta fonde, adjoint de la ville de Marrakech.
en 2014, Panorapost.com, un
portail indépendant et généraliste
d’informations et d’analyses dont il
assure la direction de la publication.

Il intervient, également, dans

l’audiovisuel où il présente le Debrief
sur la chaîne Medi1TV et il est
chroniqueur à Luxe Radio.
Contextuali-
sation
et questionnement
L’économique social et solidaire Malgré ces avancées, le diagnostic
11

(ESS) étant considérée comme un dressé par la Commission spéciale sur

moyen d’insertion des personnes
vulnérables dans le tissu économique
et social, un soutien à la dynamisation
des territoires et la contribution à
l’atténuation de leurs disparités et
surtout un renforcement du passage
d’une économie de subsistance à une
logique entrepreneuriale suscitant la
création de richesse et la promotion
de l’emploi, il serait opportun de se
demander : Qu’est-ce que l’économie
sociale et solidaire ?
le modèle de développement reste
critique.
Dans ce cadre, il serait opportun de se
poser les questions suivantes :
Qu’est-ce donc que cette économie
sociale et solidaire dont on parle de
plus en plus souvent ?
Comment fonctionne-t-elle ?
Dans quelle mesure est-elle,

Repenser l’économie sociale & solidaire au Maroc

Pour le sociologue, Jean François
Draperi, ce sont des personnes qui
se regroupent pour réaliser un projet
social, culturel, économique en vue de
répondre à des besoins collectifs.
réellement créatrice de richesse et
accélératrice d’inclusion ?
Comment l’articuler avec l’économie
marchande ?

Afin de quantifier le secteur, bien que Comment la repenser ?

l’ESS soit d’abord inscrite dans la
qualité du travail fourni, il est possible
d’avancer qu’il comptait 12.000
coopératives en 2012 et 13.882 en
2014, avec 400.000 adhérents. En
2019, l’effectif des coopératives est
doublé, avec 27.262 unités, et celui
des adhérents passe à 563.000
personnes. Pourquoi ce bond ?
D’abord, grâce à l’engagement de la
population locale, mais aussi à travers
l’accompagnement des acteurs
étatiques, de la société civile et des
organisations internationales.
Synthèse
des propos et principaux
enseignements
On parle d’économie sociale et
solidaire (ESS) au Maroc depuis près
de 50 ans. Aujourd’hui, celle-ci est à
l’ordre du jour puisqu’elle est citée par
le rapport sur le Nouveau Modèle de
Développement. Elle est considérée
comme un pilier central qui permet
d’orienter l’activité économique vers
des pratiques responsables envers
l’environnement et la société.
Eu égard à l’importance de cette
thématique, l’Institut Groupe CDG a
organisé, le 08 novembre 2022, un
webinaire sous le thème : « Repenser
l’économie sociale et solidaire au
Maroc », lequel a connu la participation
de :
Sanaë Alami Afilal, Coordinatrice des
travaux d’OTED
• Bouchra Rahmouni, Directrice du
Laboratoire d’Innovation Sociale
et du CoopLab de l’UM6P
• Amina Kchirid, Enseignante
chercheure et Présidente de CIRA-
ESS
• Ahmed Benabadji, Fondateur du
Transilience Institute et Président
de l’association «Open Village»
Dans un premier temps, il a été
question de lever la confusion qui
existe entre ESS et entreprenariat
social et solidaire. Ces deux concepts
sont certes liés mais doivent être
gouvernés de manière différente.
L’économie marchande a tendance à
survaloriser la figure de l’entrepreneur,
car c’est celui-ci qui crée de la valeur.
L’ESS est une économie qui crée et
qui partage une valeur sociale. Selon
Ahmed Benabadji, « on va être dans
13
des comportements de coopération
plutôt que de compétition et une
recherche de bien-être collectif et non
de profit ; on a des soucis d’équité,
de pratiques démocratiques et
écologiques ».
Pour Amina Kchirid, « l’économie
sociale et solidaire est une économie
qui conjugue efficacité économique
et impact social, confronte intérêt
individuel et intérêt collectif ; une
économie transverse ; c’est aussi
une économie de proximité, une
économie qui va répondre à des
besoins auxquels l’Etat ne peut
Repenser l’économie sociale & solidaire au Maroc
pas répondre et qui n’intéressent
pas le secteur privé. Ce sont des
activités économiques et sociales
qui vont interagir sur l’intérêt général
en étant dans des groupements,
soit de personnes physiques, soit
de personnes morales et qui vont
travailler sur la question de l’inclusion
économique, sociale et financière, sur
les problématiques de l’équité, de la
justice sociale ».
Bouchra Rahmouni considère que
l’ESS se démarque de l’entrepreneuriat
social et solidaire notamment, sur
la base de deux critères que sont
la gouvernance et la lucrativité.
L’ESS privilégiera la gouvernance
démocratique et une lucrativité
limitée. L’entrepreneur social peut
opter pour un statut de coopérative,
d’association, de fondation ou pour
celui d’une société commerciale. Il peut
être une initiative privée individuelle ou
collective alors que l’ESS est toujours
une initiative collective. Sur le terrain,
plusieurs acteurs entreprenants sont
animés par la volonté de changer
l’image de la coopérative perçue
comme une structure de subsistance
et qui font preuve d’innovation pour
répondre à des besoins peu ou mal
satisfaits.
Les discussions ont également permis
de définir les principales conditions
pour que l’ESS soit forte et créatrice de
valeur :
• L’ESS est une économie « locale »
et constitue un levier de
développement des territoires.
Elle contribue à la création
d’emplois à travers l’insertion
des personnes en situation de
précarité De ce point de vue,
elle peut aisément contribuer
à réduire les inégalités et les
collectivités territoriales ont un
rôle à jouer dans l’encouragement,
le financement et le soutien des
circuits courts.
• L’ESS ne doit pas être considérée
comme une économie qui ne sera
sollicitée qu’en temps de crise
afin de résoudre des problèmes
sociaux ;
• L’ESS est une alternative à
l’économie informelle car elle
permet de drainer des activités
vers le secteur formel, comme l’a
démontrée la mise en place du
statut de l’auto-entrepreneur ;
• Il est nécessaire de réfléchir et
développer des mécanismes de
financement spécifiques ;
• Il est important de former, de
sensibiliser, d’accompagner les
acteurs de ce pan de l’économie ;
• Il faut réfléchir au développement
de mécanismes d’évaluation pour
mesurer les impacts des fonds
investis dans les projets ;
• Afin de stimuler et encadrer l’ESS,
il est nécessaire de mettre en
place un cadre juridique issu d’une
concertation des bénéficiaires et
en tenant compte des spécificités
de territoires ;
• Il serait opportun de suivre les
évolutions du secteur à travers
des observatoires et partager
l’information avec tous les acteurs
de l’écosystème.
Selon Sanae Alami Afilal, les territoires
ont des avantages comparatifs
naturels, des savoir-faire ancestraux ;
ce sont des vrais producteurs de
richesse et ceci est le cœur et la base
de l’ESS. Il n’est pas question que les
territoires s’adaptent aux politiques
publiques mais plutôt l’inverse. Mme
Alami propose que chaque province
présente un plan de développement
de son économie sociale et solidaire
établi, non pas par un cabinet, mais
par une concertation avec l’ensemble
des acteurs privés et publics sur le
terrain et rendre obligatoire ce plan de
développement provincial de l’ESS.
Compte
rendu
Question le financement, la régulation, les
processus de création ou d’émergence
17

introductive de marchés et les modalités

socioculturelles par lesquelles on
définit la valeur.
Chacun en sa position
et sa fonction a L’ESS est une économie qui crée et
partage une valeur sociale, différente
une définition de de la valeur financière et économique
l’Economie Sociale que produit et partage l’économie
marchande.
et Solidaire. Quelle
est votre définition et Aussi, au niveau de l’ESS on est dans
des comportements de coopération
comment lever cette plutôt que de compétition et une
confusion persistante recherche de bien-être collectif et non
de profit ; on a des soucis d’équité,

Repenser l’économie sociale & solidaire au Maroc

entre d’un cote de pratiques démocratiques et
écologiques.
l’économie sociale et
solidaire et de l’autre
« L’ESS est une économie qui crée
l’entrepreneuriat social
et partage une valeur sociale,
différente de la valeur financière
et solidaire ?
et économique que produit et
Ahmed partage l’économie marchande. »
Benabadji
Il faut lever la confusion qui existe Amina
entre l’économie sociale et solidaire
(ESS) et l’entrepreneuriat social et
Kchirid
solidaire. Ces deux concepts sont Il y a plusieurs concepts, notamment
certes liés mais doivent être étudiés l’économie sociale, l’économie sociale
et gouvernés de manière différente. et solidaire, l’entrepreneuriat social et
La confusion est issue du fait que l’innovation sociale.
l’économie marchande a tendance à
survaloriser la figure de l’entrepreneur L’ESS est née dans les années 80, au
car il est celui-ci qui crée de la valeur. moment des crises économiques car
Or, la définition de l’économie dépasse elle conjugue l’efficacité économique
l’entrepreneuriat et comprend et l’impact social.
d’autres compartiments qui sont
parfois plus importants, notamment
Les concepts d’entrepreneuriat social
et d’innovation sociale sont apparus
plus tard.
Les frontières entre ces concepts se
trouvent principalement au niveau
des valeurs et des mécanismes de
gouvernance.
L’ESS est une économie qui conjugue
l’efficacité économique et l’impact
social, confronte l’intérêt individuel
et l’intérêt collectif ; une économie
transverse, touchant tous les celui d’une société commerciale. En
secteurs ; une économie de proximité,
une économie qui va répondre à des
besoins auxquels l’Etat ne peut pas
répondre et qui n’intéressent pas le
secteur privé. Ce sont des activités
économiques et sociales qui vont
interagir sur l’intérêt général en
étant dans des groupements soit
de personnes physiques, soit de
personnes morales et qui vont
travailler sur la question de l’inclusion
économique, sociale et financière, sur
les problématiques de l’équité et de la
justice sociale.
Néanmoins, ces concepts se
rejoignent sur le fait qu’ils créent tous
de la valeur avec un impact social et
sociétal.
« L’ESS est une économie qui
conjugue l’efficacité économique
et l’impact social, confronte
l’intérêt individuel et l’intérêt
collectif. »
Bouchra
Rahmouni
L’ESS se démarque de
l’entrepreneuriat social et solidaire
notamment, sur la base de deux
critères que sont la gouvernance
et la lucrativité. L’ESS privilégiera la
gouvernance démocratique et une
lucrativité limitée. L’entrepreneur
social, en termes de statut, peut
opter pour un statut de coopérative,
d’association, de fondation ou pour
termes d’initiative, elle peut être
individuelle ou collective alors que
l’ESS est toujours une initiative
collective.
Au lieu de lever la confusion, il est
possible d’établir une connexion entre
un acteur de l’ESS et un entrepreneur
social. On peut dire qu’un acteur de
l’économie sociale et solidaire est un
entrepreneur social dans le sens où les
deux c’est-à-dire l’entrepreneur social
ou l’acteur de l’ESS vont incarner cette
volonté de s’attaquer à des enjeux
sociétaux ou à des problématiques
environnementales et aussi générer
de l’impact. Tous les deux vont fonder
leur activité sur un business model
hybride socio-économique avec la
création d’une valeur sociale et d’une
utilité sociale.
Sur le terrain, plusieurs acteurs
entreprenants sont animés par la
volonté de changer l’image de la
coopérative perçue comme une
structure de subsistance et font
preuve d’innovation pour répondre à
des besoins peu ou mal satisfaits et Par ailleurs, il faudrait intégrer
créer des emplois. également l’innovation car l’ESS 19

innove par essence grâce à

« L’ESS se démarque de l’expérience sur le terrain.
l’entrepreneuriat social et solidaire
« En tant qu’acteur sur le terrain,
notamment, sur la base de deux
il est souhaitable, au lieu de parler
critères que sont la gouvernance
de définition, de parler de finalité
et la lucrativité. »
et de valeur. »

Sanaë Ahmed
Alami Afilal Benabadji
En tant qu’acteur sur le terrain, il Qu’est-ce que
est souhaitable, au lieu de parler de
définition, de parler de finalité et de l’Economie Sociale et
Solidaire et en quoi

Repenser l’économie sociale & solidaire au Maroc

valeur. En termes de finalité, l’ESS
est une économie qui est au service
de l’homme et non du profit comme peut-elle constituer
l’économie capitaliste. une forme de modèle
Au niveau des valeurs, l’ESS est basée de développement
sur l’utilité sociale, l’équité, le partage, complémentaire au
la coopération, la mise en commun, la
gestion du commun et la préservation modèle national élaboré
de l’environnement.
en 2021 ?
Au Maroc, comme dans le reste concrètement,
du monde, l’ESS prend ses racines
dans les traditions ancestrales et comment cela
se préoccupe de la préservation de fonctionne ?
l’environnement, qui est aujourd’hui un
sujet incontournable. La réponse à la question « en quoi
l’ESS peut faire partie concrètement
Il est important d’ajouter à ces d’un modèle de développement ou
éléments deux caractéristiques être complémentaire au modèle
à savoir l’ancrage local issu des de développement national ? »
communautés et le contenu culturel, comprend plusieurs niveaux auxquels
fruit de cet ancrage local, qui correspondent des approches
participent beaucoup à l’émergence politiques différentes.
d’une nouvelle forme d’ESS. Au niveau le plus bas, l’ESS est
considérée comme une économie
des « pauvres » et des entreprises
qui ne peuvent entrer en compétition
avec les entreprises prospères et qu’il
s’agit d’aider à se « débrouiller » avec
des activités qui sont plus ou moins
formelles, subventionnées ou taxées.
Cette conception est la plus répandue
et il faut la combattre.
Le deuxième niveau consiste à
considérer l’ESS comme une économie
réparatrice des inégalités et des
externalités négatives causées par
l’économie marchande. L’économie
est alors dotée d’une valeur sociale
et écologique mais qui ne l’empêche
pas d’être dans une logique de marché
c’est à dire avec de la concurrence, de
la recherche d’efficacité économique
et de la rentabilité. Dans cette
situation, l’Etat délègue ses fonctions
sociales ou de protection sociale. Ce
modèle peut réussir comme dans le
cas du Groupe SOS en France, qui est
en train de s’installer au Maroc et qui
a bâti sa stratégie sur le fait d’être un
genre d’adjoint de l’État sur un certain
nombre de fonctions sociales que
l’État n’est pas capable de remplir.
A ce niveau, l’ESS est considérée
comme un levier de développement
territorial car on est dans une
économie locale et ses activités sont
inscrites dans un circuit court et sont
liées entre elles par un tissu social. Ce
modèle convient au développement
territorial en comparaison avec les
stratégies de filières qui consistent à
« plaquer » une filière qui provient de
l’extérieur.
Enfin le plus haut niveau d’ambition
est celui de considérer l’ESS comme
un modèle de développement à
part entière et qui opère par un
renversement de la valeur dans le
sens où nous vivons dans une illusion
dans laquelle tout doit fonctionner
au service de l’économie, notamment
le social, le politique et l’écologie.
Or, nous oublions que même si
l’économie marchande détient une
place importante, elle n’est qu’un petit
aspect de notre existence. D’autres
aspects participent à notre bonheur
tels que la santé, l’accès à l’eau,
l’alimentation saine, l’amitié et la
spiritualité.
Le problème est que la valeur argent
n’est pas commensurable avec la
valeur bonheur. De ce fait, l’ESS peut
être l’endroit où il serait possible de
rassembler ces deux valeurs et où
l’argent peut être utilisé pour la bonne
cause c’est-à-dire le bien-être et le
mieux vivre ensemble.
Cette distinction des niveaux est
importante car elle permet d’établir
un prisme élargi de l’ESS en tant
que modèle de développement et
générer ainsi chez les décideurs des
réflexions et des décisions politiques
qui dépassent la simple question des
statuts et de la fiscalité.
« Le problème est que la valeur
argent n’est pas commensurable
avec la valeur bonheur. De ce fait,
l’ESS peut être l’endroit où il serait
possible de rassembler ces deux
valeurs et où l’argent peut être
utilisé pour la bonne cause c’est-
à-dire le bien-être et le mieux vivre
ensemble. »
Amina Il faut également ajouter l’inclusion
Kchirid
Comment l’Economie
Sociale et Solidaire
peut-elle être créatrice
de valeur et comment
peut-elle contribuer a
la croissance du PIB au
Maroc ?
Le modèle économique qui règne
depuis des années connaît des
limites suites aux différentes crises
notamment celles de 2008, 2010
et celle du covid 19. Aujourd’hui
beaucoup de chercheurs pensent
qu’on doit se diriger vers un modèle
économique qui intègre aussi bien
la performance économique que la
performance sociale et écologique,
piliers de l’ESS. Cette dernière est
également une économie de proximité,
une économie de territoire et une
économie qui valorise les initiatives
locales.
Au Maroc, quatre régions contribuent 21
à environ 70 à 75% du PIB et l’ESS,
par sa transversalité et en touchant
tous les secteurs, peut être un outil
de réduction des inégalités dans les
territoires par la valorisation des
initiatives locales. Dans ce cadre, les
collectivités territoriales ont un rôle
à jouer dans l’encouragement, le
financement et l’appui technique aux
initiatives locales. Il s’agit d’encourager
les circuits courts permis par le modèle
de l’ESS.
sociale, financière et économique
d’une partie de la population
Repenser l’économie sociale & solidaire au Maroc
qui n’est pas créatrice de valeur.
L’accompagnement du secteur de
l’informel pour se structurer et se
formaliser peut être un outil de
développement d’une économie dans
laquelle plusieurs métiers peuvent se
structurer et devenir plus fort.
Concernant la contribution de l’ESS
au développement du PIB, on peut
distinguer les volets quantitatif et
qualitatif tels que la cohésion sociale,
le bonheur et la qualité de la vie au
quotidien.
« Au Maroc, quatre régions
contribuent à environ 70 à 75% du
PIB et l’ESS, par sa transversalité
et en touchant tous les secteurs,
peut être un outil de réduction
des inégalités dans les territoires
par la valorisation des initiatives
locales. »
Bouchra • Le Cooplab Academy dont la
Rahmouni
Que fait le COOPLAB
UM6P en matière
de réflexion et
de recherche de
croissance, quel est
son prolongement
en Afrique et quel
est son lien avec le
programme Mourafaqa
et les 12 régions du
Maroc, dans le cadre
du nouveau modèle de
développement (NMD) ?
Le Cooplab UM6P pourrait être défini
à travers les aspects capitalisation
et innovation. La capitalisation parce
qu’on capitalise sur l’expérience de la
fondation OCP et l’innovation car on
se base sur l’expertise scientifique
et technique de l’UM6P en matière
d’accompagnement des coopératives.
Il est un laboratoire d’expertise et de
soutien au tissu coopératif marocain
mais aussi un centre de compétences
grâce à l’aspect innovation dont
le but est d’améliorer et accélérer
l’intégration de l’innovation dans le
secteur coopératif marocain et ce à
travers quatre branches, qui sont :
finalité est la formation et le
renforcement des capacités.
Il a donné naissance au
programme Mourafaka, en
partenariat avec le ministère
du tourisme, de l’artisanat, de
l’économie sociale et solidaire
et l’Office Du Développement
De La Coopération (O.D.C.O.).
Mourafaka est un programme
d’accompagnement de jeunes
coopératives sur les 12 régions du
Maroc.
• Le Cooplab Links est une
plateforme de partage du savoir
et d’expertise à travers le peer
learning ainsi que les bonnes
pratiques et les opportunités
d’affaires. Dans ce cadre, il y a le
programme Rawabit qui permet
le peer learning et l’échange
d’expertise.
• Le Cooplab Growth est la branche
qui accompagne en termes
de business development et
encadre des programmes tels
que Lalla Al Moutaaouina, la
génération solidaire et d’autres
programmes en collaboration
avec nos partenaires, le ministère
du tourisme, de l’artisanat, de
l’économie sociale et solidaire et
l’O.D.C.O. Une plateforme portant
sur l’Afrique a été mise en place
et démontre l’implication de la
branche dans le continent.
• Le Cooplab thinking initie la
réflexion et la réflexivité à travers
des forums tels que le forum
des coopératives, tenu le mois
de juillet et accompagné de side
events.
A travers ces quatre branches, le
Cooplab développe une double
capacitation, mot clé dans le nouveau
modèle de développement. Il
s’agit d’une part d’une capacitation
intrinsèque à travers tous ces
programmes qui permettent de
travailler en collaboration avec les
coopératives et d’autre part d’une
capacitation de transposabilité qui
permet de répliquer et non pas
dupliquer une méthodologie et un
modèle réussi. Les méthodologies
sont coconstruites avec les parties
prenantes en profitant de leur
expertise via un autodiagnostic, des
diagnostics collectifs et une évaluation
de la chaîne de valeur. Cette démarche
inductive permet de renforcer la
compétence des coopératives.
Par ailleurs, une fois le projet lancé,
il est répliqué en procédant à une
adaptation du modèle en prenant en
considération les caractéristiques et
les spécificités de chaque territoire et
communauté.
Ainsi, le but ultime est de faire
émerger une nouvelle génération
d’entrepreneurs sociaux innovants qui
vont structurer ou aider à structurer
les acteurs de l’ESS tout en s’appuyant
sur le potentiel du territoire.
« Le Cooplab UM6P pourrait
être défini à travers les aspects
capitalisation et innovation. »
Sanaë
23
Alami Afilal
Sur la base des
définitions apportées,
des perspectives
présentées et de
l’expérience pratique
décrite, comment
de votre point
de vue repenser
collectivement
Repenser l’économie sociale & solidaire au Maroc
l’Economie Sociale et
Solidaire ?
Repenser collectivement l’ESS ne
devrait pas être juste un but mais un
mécanisme constant car l’ESS est un
concept vivant et on ne peut pas le
repenser qu’une seule fois.
L’ESS ne peut pas être analysée
qu’à travers le point de vue de la
gouvernance et de la réglementation
en supposant que les valeurs de base
sont toujours présentes. Par exemple,
les coopératives de l’huile d’argan
et leurs modèles de développement
durable renvoient l’image d’une
femme rurale émancipée. Or, en
réalité, dans cette filière les femmes
héritent les taches les plus ingrates.
Pour remédier au biais de l’analyse
de l’ESS à travers l’angle de la
gouvernance et la réglementation,
il s’agit de s’interroger sur ce que
veulent réellement les bénéficiaires
en se basant sur la concertation avec
les acteurs internes et en établissant
une différence entre l’adhérent, le
président et le reste des membres.
Cette intelligence collective qui permet
de repenser l’ESS ne doit omettre
aucun intervenant afin de ne pas
dénaturer la réflexion.
Il faut également tenir compte de
la vision des jeunes et recourir à
l’interdisciplinarité pour affiner la
compréhension de l’ESS.
« Repenser collectivement l’ESS ne
devrait pas être juste un but mais
un mécanisme constant car l’ESS
est un concept vivant et on ne peut
pas le repenser qu’une seule fois. »
Amina développement. A ce niveau, les
Kchirid
Quelles sont les
mesures a prendre, en
matière de politiques
publiques pour
stimuler l’émergence
des organisations de
l’Economie Sociales et
Solidaire au Maroc ?
Le cadre juridique est important car il
permet de définir la composition de
l’ESS qui peut différer selon les pays.
Ce travail a été effectué par des pays
tels que l’Equateur, la Bolivie, la France
et le Portugal.
Afin de construire une ESS forte et
non pas une économie sollicitée
uniquement en période de crise
ou pour résoudre des problèmes
sociaux, l’Etat dispose de plusieurs
mécanismes comme les banques,
les institutions de micro-crédit,
les agences de développement, le
programme de l’INDH, l’Agence de
Développement du Digital et tous les
ministères. Il s’agit alors de créer une
convergence dans les programmes car
on a l’impression que tout le monde
fait de l’ESS et de ce fait, elle est
difficilement quantifiable.
Par ailleurs, il faudrait implémenter
cette économie dans les territoires
afin qu’elle devienne un levier de
collectivités territoriales ont un grand
rôle à jouer.
En troisièmement lieu, il faut
développer des mécanismes
de financement spécifiques aux
organisations de l’ESS qui ne
disposent pas forcément d’une
garantie.
Aussi, pour avoir une ESS forte, il faut
sensibiliser, former et présenter des
solutions sous forme de livrables
parce que le champ est vide dans ce
domaine. Le Centre d’Incubation et
de Recherche-Action en Economie
Sociale et Solidaire (CIRA-ESS)
travaille dans ce sens et peut être
considéré comme un instrument de
politique publique. Ce centre comporte
une partie incubation et une partie
recherche action et est le fruit d’un
partenariat entre le ministère chargé
du secteur, l’Université Hassan II et
l’incubateur « INCO Scholar ».
Il est également important de
développer des mécanismes
d’évaluation qui sont peu utilisés pour
mesurer l’impact des fonds investis
pour financer les projets ESS.
Enfin, il est nécessaire effectuer un
suivi de l’impact de cette économie
et de son développement à travers
des observatoires régionaux sur les
territoires. Un observatoire de l’ESS
est en cours de création à Casablanca
afin de suivre le développement de ce
secteur, informer, élaborer et partager
des études avec les acteurs de
l’écosystème.
Concernant le cadre réglementaire,
une première réflexion a été menée
par le ministère chargé du secteur
entre 2014 et 2015. Un nouveau texte
est en cours d’élaboration.
Le cadre juridique permettra de définir
les contours de l’ESS, les politiques qui
s’en suivent ainsi que le volet fiscal.
« Le cadre juridique est important
car il permet de définir la
composition de l’ESS qui peut
différer selon les pays. »
Ahmed
25
Benabadji
Que recommanderiez-
vous, concrètement,
pour mettre en
place un modèle de
développement
« mixte », ou comment
conjuguer/articuler
l’économie marchande
néolibérale avec
Repenser l’économie sociale & solidaire au Maroc
l’Economie Sociale et
Solidaire ?
Il est important de faire cohabiter
ces deux systèmes c’est à dire cette
économie marchande néolibérale
et l’ESS afin d’éviter des conflits
engendrés par la concurrence.
L’articulation entre ces deux
économies est à définir car le Maroc
est en train d’établir son modèle d’ESS
qui doit être issu des expériences sur
le terrain.
Dans ce cadre, Transilience Institute
réfléchit à la création de plateformes
hybrides qui rassembleraient
l’économie marchande et l’ESS c’est-
à-dire des personnes qui poursuivent
une valeur économique et financière
et des personnes à la recherche
d’une valeur plutôt sociale qui permet
de résoudre un certain nombre de
problématiques sociales. L’Institut a « Grâce à des plateformes
constaté qu’il était possible de faire
cohabiter les deux économie. Ceci peut
hybrides, rassemblant l’économie
être illustré par le cas d’un fournisseur marchande et l’économie sociale
de système photovoltaïque qui ne et solidaire, on aura un système
peut intégrer le marché des pompes à gagnant-gagnant avec une valeur
eau destinées aux petites installations
agricoles à cause de la concurrence. économique et une valeur sociale
Parallèlement, à la campagne, se et écologique. »
trouvent des jeunes qui ont terminé
leurs études et sont à la recherche
d’une activité. Il s’agit dans ce cas Bouchra
de créer une plateforme à travers Rahmouni
laquelle l’entreprise et l’État forment
ces jeunes pour leur donner la capacité
commerciale et technique pour Quels sont vos
pouvoir commercialiser et mettre en recommandations en
œuvre des systèmes photovoltaïques.
matière de prospective
Il est à noter qu’en Inde, des femmes en Economie Sociale
ont été formées et sont devenues des
techniciennes du photovoltaïque. et Solidaire, tant en
interne, au Maroc,
Ainsi, ces jeunes peuvent devenir des
commerciaux et des installateurs pour qu’en externe,
cette entreprise qui pourrait accéder essentiellement
au marché local.
dans la profondeur
Par ailleurs, ces jeunes formés et
sensibilisés peuvent participer à la
continentale ?
protection des ressources hydriques à
Concernant les recommandations
l’intérieur de ces territoires.
en termes de prospective, il est
important de mettre en place toutes
Grâce à des plateformes hybrides,
les mesures d’accompagnement
rassemblant l’économie marchande et
ainsi que le cadre pour une nouvelle
l’économie sociale et solidaire, on aura
génération d’acteurs de l’ESS, qui vont
un système gagnant-gagnant avec
chercher l’impact dans la performance.
une valeur économique et une valeur
En termes d’impact, on peut
sociale et écologique.
présélectionner des attributs de valeur
tels que le renforcement du réseau
de valeur, le développement des
personnes, la valorisation, l’innovation, Grande Muraille Verte. On recourt
27

l’excellence, la qualité, la légitimité à la même méthodologie appliquée

des parties prenantes, l’éducation au Maroc à savoir la capacitation de
financière pour le respect du budget et transposabilité tout en l’adaptant aux
le retour sur investissement. territoires africains.

En termes de performance, il s’agit « En termes de performance,

de préciser que cette dernière est
constituée de cinq composantes il s’agit de préciser que cette
dont deux sont structurelles et trois dernière est constituée de cinq
facilitatrices. composantes dont deux sont
Les deux composantes structurelles
structurelles et trois facilitatrices.
seraient, d’une part en termes de Les deux composantes
gouvernance c’est-à-dire une sorte de structurelles seraient, d’une
collaboration fluide sur la base de la part en termes de gouvernance
formalisation et d’autre part en termes

Repenser l’économie sociale & solidaire au Maroc

de leadership participatif basé sur c’est-à-dire une sorte de
l’intelligence collective. collaboration fluide sur la base de
la formalisation et d’autre part en
Les trois composantes facilitatrices
seraient en termes de ressources termes de leadership participatif
humaines, de process et de ressources basé sur l’intelligence collective.
technologiques. Les trois composantes
Sur le terrain, les acteurs manifestent
facilitatrices seraient en termes de
une appétence et une volonté par ressources humaines, de process
rapport aux institutions et aux centres et de ressources technologiques.»
qui les accompagnent.

Une autre recommandation concerne

la mesure d’impact et à ce niveau
l’université peut jouer un rôle dans la
définition de la matrice de maturité
et de la grille d’évaluation qui
permettraient de mesurer l’impact
pluridimensionnel.

Concernant l’Afrique, dans le cadre

de l’ESS, nous accompagnons des
chaînes de valeurs telles que la
noix de cajou, le sel et l’arachide
et travaillons également avec la
Sanaë En changeant d’angle de vue, on peut
Alami Afilal
Dans une logique
territoriale, quelles
sont les actions/
politiques que peuvent
mener ou favoriser les
responsables à tous les
échelons territoriaux
pour promouvoir
l’Economie Sociale et
Solidaire ?
Ce ne sont pas les territoires qui
doivent s’adapter à un modèle issu
d’une politique publique mais plutôt
la politique publique doit prendre en
compte les spécificités du territoire et
garantir un développement réellement
tourné vers le bien-être des citoyens
locaux.
Les territoires ont des avantages
comparatifs très clairs en matière
de capital naturel et immatériel, des
savoirs faire uniques et éprouvés
ainsi qu’une réelle technicité dans la
préservation de l’environnement.
Les territoires sont les vrais
producteurs de richesses et disposent
d’un capital humain qui ne demande
qu’à s’inscrire dans des projets qui
vont les faire avancer.
se demander ce que peut apporter
le territoire à l’ESS. Au niveau des
territoires, la gouvernance est très
fragmentée. Dans ce cadre, OTED
essaie de jouer le rôle de catalyseur et
de tiers-lieux pour réunir l’ensemble
des acteurs.
Par ailleurs, les territoires
réfléchissent actuellement à un certain
nombre d’aménagements territoriaux
et s’ils n’intègrent pas la dimension
d’économie sociale et solidaire, ils
peuvent aboutir à des projets qui
ne fonctionnent pas. Ceci est le cas
du tourisme où il y a eu des projets
orientés vers le touriste alors qu’ils
devaient privilégier les projets de vie
des populations locales pour donner
lieu à un tourisme bien implanté, riche
et pérenne.
Actuellement, il y a de nombreuses
opportunités sur les territoires
au niveau du capital naturel et
immatériel mais aussi en matière
des programmes de l’État dans
l’éducation, la santé et la mobilité.
Pour promouvoir l’ESS, il s’agit
d’abord de procéder à un changement
de « mindset » et ensuite il
faudrait réfléchir aux modes
d’accompagnement.
Actuellement, OTEC travaille sur la
filière de la laine. Si on prend l’exemple
d’un territoire qui a un grand cheptel,
il peut vendre la viande mais il dispose
également de tout le savoir-faire
qui existe sur la laine, très prisée
29

à l’échelle mondiale. A ce niveau, il

faut accompagner le territoire en lui
donnant accès au marché mondial
par exemple en travaillant avec les
laboratoires pour le traitement de la
laine et l’utilisation des colorants. Ce
cheptel fournit également des os qui
peuvent être utilisés par l’artisanat et
créer de la valeur comme en Inde.

Enfin, le point sur lequel il faut insister

est que la valeur créée par le territoire
doit rester et être fructifiée dans le
territoire.

Repenser l’économie sociale & solidaire au Maroc

« Ce ne sont pas les territoires
qui doivent s’adapter à un
modèle issu d’une politique
publique mais plutôt la politique
publique doit prendre en compte
les spécificités du territoire et
garantir un développement
réellement tourné vers le bien-
être des citoyens locaux ».
Conclusion
Amina Ahmed
Kchirid Benabadji
Afin de promouvoir l’ESS, il faut Pour promouvoir l’ESS, il faudrait
sensibiliser, former et accompagner recréer du collectif à l’intérieur des
parce qu’il y a des incompréhensions territoires dans une perspective de
et une méconnaissance du sujet. développement autonome c’est-à-
dire fondé sur leurs ressources et leur
Bouchra capabilité.
Rahmouni
A l’École centrale, on travaille sur ces
Les mots clés sont confiance et phénomènes d’émergence c’est-à-dire
valorisation. Il faut redonner confiance ces collectifs locaux qui prennent en
aux acteurs de l’ESS et les valoriser en main leur propre destin en utilisant
les sensibilisant au fait qu’ils jouent un leurs ressources et à partir de là créer
rôle très important dans ce troisième des ESS territoriales et locales.
pilier de l’économie, pourvoyeur
d’emplois au Maroc, aux côtés des Le débat juridique est certes important
secteurs public et privé. mais une partie de la gouvernance
est réglée à partir du moment où ces
Sanaë activités restent sous la supervision du
Alami Afilal territoire.

Pour encourager l’ESS, il faudrait que

chaque province fournisse un plan
de développement de son ESS, non
pas élaboré par un cabinet mais par
une concertation et un travail avec
l’ensemble des acteurs aussi bien
académiques que privés ou publics
et rendre obligatoire ce plan de
développement provincial de l’ESS.
Institut Groupe CDG