Vous êtes sur la page 1sur 99

Mémoire de fin d’étude en Architecture

E
G
A
YS
PA
E
D
ET
RE

R
EU
TU

UT
C
U UX ITE

'A
A A H

D
IS DE RC

IT
sous la direction de Caroline Mazel architecte DPLG
RO

enseignante à l’ÉNSAPBX, chercheur au laboratoire


UM R 'A
O BO E D

Profession, architecture, ville et environnement (PAVE),


D
T S DE UR

Patrice Godier docteur en sociologie est enseignant à


E

l’ENSAPBX, chercheur au laboratoire PAVE


RI
PE

Adrien Gonzalez Architecte DPLG, doctorant en


SU

architecture/urbanisme avec PAVE


LE

EN
A

UM
N
TIO

C
A

O
N

D
LE
O
EC

1
Almudena Bricogne
EC
O
LE
N
A
TIO
N
A
D LE
O
C SU
UM PE
RI
EN E
T S DE UR
O BO E D
UM R 'A

2
IS DE RC
A A H
U UX ITE
D C
RO TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier mes directeurs de mémoire,


Caroline Mazel, Patrice Godier et Adrien Gonzalez pour
leur confiance dans ce sujet et leur précieux conseils et
suggestions qui m’ont permis de mener à bien ce projet.

Un grand merci tout particulier à Yves Raibaud qui a pris

E
G
le temps de répondre à mes questions et s’est intéressé

A
à mon travail en apportant de nombreuses réponses à mes

YS
interrogations (qui sont toujours multiples...!) et qui a

PA
été une référence pour moi à travers ses conférences et ses

E
connaissances sur le genre.

D
ET
Je remercie également Laura Van Puymbroeck pour son aide

RE

R
rapide et sa collaboration à mes réflexions à travers son

EU
TU
mémoire.

UT
C
U UX ITE

'A
Enfin je remercie Emilie Chambon, Akim Giroux, Marianne
A A H

D
Labastie, Léa Billot et Aurélie Gispalou pour leur patience
IS DE RC

IT
RO

et nos discussions sur le sujet.


UM R 'A
O BO E D

D
T S DE UR
E
RI
PE
SU
LE

EN
A

UM
N
TIO

C
A

O
N

D
LE
O
EC

3
E
G
A
YS
«La rue assourdissante autour de moi hurlait.

PA
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,

E
Une femme passa, d’une main fastueuse

D
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;

ET
Agile et noble, avec sa jambe de statue.

RE

R
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,

EU
TU
Dans son oeil, ciel livide où germe l’ouragan,

UT
C
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
U UX ITE

'A
Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
A A H

D
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
IS DE RC

IT
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?
RO
UM R 'A

Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard ! jamais peut-être !


O BO E D

Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,


T S DE UR

Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !»


E
RI
PE

Charles Baudelaire, A une passante


SU
LE

EN
A

UM
N
TIO

C
A

O
N

D
LE
O
EC

4
Ce mémoire, par son origine extrêmement
subjective, s’appuie sur un constat,
une expérience personnelle.
Cette expérience m’a permis de
m’interroger, d’observer et de
comprendre des phénomènes que je ne
voyais pas de manière évidente.
Ainsi l’anecdote qui suit est le
point de départ de ma réflexion.

E
G
A
Lors d’un après-midi libre, je

YS
pars comme souvent avec Alexandre,

PA
mon acolyte de glisse, à la découverte

E
de la ville et d’endroits insolites.

D
Bordelais d’origine, il décide de me

ET
faire découvrir la caserne Niel sur

RE

R
la rive droite, un de ses endroits

EU
TU
favoris. Il ne me donne pas plus

UT
C
d’information quant au lieu, à part
U UX ITE

'A
qu’il s’agit d’une ancienne caserne
A A H

Belisle en friche. D
IS DE RC

IT
RO
UM R 'A

Curieuse, je le suis dans son itinéraire. L’entrée du


O BO E D

site est au fond d’une rue de nouveaux logements ; il


faut escalader un grillage à poule pour accéder à son
T S DE UR

« bijou ». Ça ne m’effraie pas, étant habituée à franchir


E
RI

des barrières, des portails et des grilles pour atteindre


PE

des lieux dont on ne soupçonne pas l’existence. L’obstacle


SU

franchi, je découvre un bâtiment désaffecté, cassé, un


vrai squat recouvert de tags, au sol jonché d’objets
LE

EN

divers. Mais il faut marcher plus loin pour atteindre le


A

UM
N

dit « écrin ». Nous arrivons alors sur une allée ponctuée


TIO

de vestiges de casernes, d’immenses hangars où il ne reste


C

parfois que le squelette métallique. Plus on avance, plus


A

O
N

des bruits de vie, des paroles, des sons de billes qui


D
LE

claquent parviennent à nos oreilles. Des bruits discrets


O

de spray. Je comprends alors que l’endroit est le quartier


EC

général des taggeurs bordelais et que je me trouve dans un


vrai musée du tag. Je passe sans m’en rendre compte tout
l’après-midi dans ce lieu surprenant et agréable malgré son
aspect délaissé,« sale » et sombre. Quelques jours plus
tard, je suis seule, il pleut, chacun est occupé. On est
passé à l’heure d’hiver alors il reste deux petites heures
avant qu’il fasse nuit. J’ai à nouveau l’envie d’aller me
balader en ville.

5
Je repense à la caserne, mais mon esprit ne l’envisage pas
et je pars comme à mon habitude me perdre vers le quartier
Saint-Pierre, où j’ai fini par connaître les moindres
ruelles.
J’y repense un peu plus tard. En fait, malgré mon désir
d’arpenter à nouveau le sol de la caserne, je ne l’ai
jamais envisagé seule en tant que femme. J’ai préféré
m’orienter vers un lieu familier, rassurant et proche de
mon logement.

E
G
Ce réflexe en réalité inconscient soulève bien des choses.

A
YS
PA
La ville de Bordeaux, comme toute ville en France et

E
plus largement dans le monde occidental, est accessible

D
par tout le monde ; je veux dire par là, par l’homme comme

ET
par la femme. L’espace urbain est un espace égalitaire qui

RE

R
appartient à tous, que chacun est libre de s’approprier

EU
TU
dans le respect que chacun connaît.

UT
C
Mais cette liberté est relative, puisque malgré l’accès
U UX ITE

'A
illimité de la ville, beaucoup de ses morceaux restent
A A H

D
inconnus pour certains. Et en particulier pour beaucoup
IS DE RC

IT
de femmes. Il est difficile sur ce sujet de ne pas tomber
RO
UM R 'A

dans des généralités ou des raccourcis; et c’est bien


O BO E D

le danger. Néanmoins, si l’on s’appuie sur le livre du


géographe bordelais Guy di Méo, « Les murs invisibles », on
T S DE UR

peut commencer à envisager l’hypothèse selon laquelle la


E

femme n’aurait pas le même accès à la ville que l’homme.


RI
PE

Chaque endroit est sujet à des stigmatisations de la part


SU

de chacun, des images, des symboles de manière à créer des


repères uniques à tous. Nous avons tous besoin d’avoir ces
LE

EN

« endroits de référence » de façon à se situer dans la


A

société. « La ville est la cristallisation de la société »


UM
N
TIO

explique Chantal Callais, architecte DPLG, docteur en


C

histoire de l’architecture.
A

Cela signifie-t-il que les lieux sont codés ? Connotés pour


N

telle ou telle personne ? Sont-ils alors pratiqués par


LE

un « style » d’usager, de tel âge et de telle catégorie


O
EC

sociale ?

Je souhaite préciser ma pensée et me positionner en tant


que femme, qui ait « refusé » d’aller dans un endroit,
qui me suis mise des barrières. Si les lieux sont codés
de sens, d’appartenance à un groupe, alors sont-ils aussi
codés sexuellement ?
Guy di Méo, l’affirme et parle même chez les femmes de
barrières « mentales », similaires à celle que j’ai eu
concernant la caserne.

6
Dans son ouvrage Les murs invisibles, il s’interroge sur
l’appropriation de l’espace urbain, en particulier par la
femme. Il détecte la présence de ces « parois de verre »
souvent mentales qui font de la ville un espace officiellement
ouvert et accessible à tous quel que soit le « genre » mais
qui, officieusement, dans les faits, n’est pas pleinement
et de manière absolue, vécue de manière similaire par les
hommes et les femmes.
Il parle de ces « no woman’s land » où, sans obstacles

E
G
réels, matériels, les femmes elles-mêmes se restreignent et

A
n’envisagent pas d’aller ! Je m’appuierai donc principalement

YS
sur son travail lors de mon mémoire.

PA
E
Quelles sont ces limites conscientes ou parfois

D
inconscientes ?

ET
RE

R
Précisons que l’exercice de cette recherche n’a pas pour

EU
TU
but de poser un distinguo simpliste entre homme et femme et

UT
C
tomber dans une énumération d’inégalités et de lieux communs.
U UX ITE

'A
L’intérêt est de comprendre les paramètres générateurs de
A A H

barrières à la ville chez les femmes. D


IS DE RC

IT
Cette problématique nous porte inéluctablement sur la
RO
UM R 'A

question du genre, différente de celle du sexe à proprement


O BO E D

parler. Je ne peux étudier le cas du groupe « femme » sans


évoquer la nuance du genre.
T S DE UR
E

Ainsi, chez un même groupe de femmes, les barrières peuvent-


RI
PE

elles varier en fonction du genre exprimé ? Et la pratique


SU

de la ville en est-elle modifiée ?


Enfin, l’insécurité et le paramètre de la nuit sont deux
LE

EN

énormes points sensibles sans aucun doute responsables


A

aussi de ces barrières. Néanmoins la nuit reste un mythe,


UM
N
TIO

un imaginaire souvent lié à une peur automatisée. Mais


C

qu’en est-il vraiment sur le terrain ? Comment les barrières


A

se présentent-elles ? Existe-t-il une différence flagrante


N

entre mobilité le jour et la nuit ? Ainsi, je tâcherai de


LE

savoir si ces barrières sont mouvantes. Enfin,qu’en est-il de


O
EC

la ville pour les hommes? J’essayerai de me vivre la ville


«au masculin» afin de saisir les nuances d’intéractions qui
peuvent exister avec les autres en ville.

7
Table des matières
Introduction 5

I) L’accès à la ville chez la femme : libérateur 10


mais autocensuré.

1) La femme et la ville : une rencontre ancienne 11

E
mais contrainte

G
A
YS
1.1 La femme, un pilier familial spectatrice de la 11
vie urbaine et publique.

PA
E
1.2 Emancipation désirée et contrainte : déclencheur

D
19
de l’arrivée de la femme dans plusieurs mondes

ET
RE

R
2) Le genre et l’insécurité : deux paramètres 25

EU
TU
actuels de mutation de la mobilité féminine

UT
C
U UX ITE

'A
2.1 Le genre, une identité instable 25
A A H

D
IS DE RC

IT
2.2 Un genre de politique publique
RO

33
UM R 'A
O BO E D

2.3 La psychose de l’insécurité façonné par la 40


nuit : autocensure à la mobilité en ville
T S DE UR
E
RI
PE

II) Bordeaux, ville aux deux visages : exploration 43


SU

et recherche de barrières spatiales


LE

EN
A

UM
N

1) Présentation d’un parcours de nuances 44


TIO

1.1 Bordeaux le jour, des quartiers aux frontières


A

44
N

culturelles et sociales
D
LE
O

1.2 La nuit, créateur de barrières mentales 50


EC

1.3 Zoom sur la place Saint Michel et les quais : 61


analyse et constats des mobilités genrées

2) La ville au masculin : Découverte d’une nouvelle 78


pratique urbaine

Conclusion et analyse du travail de Laura Van 88


Puymbroeck

8
En quoi l’accès et la mobilité dans la ville, restent-
ils limités chez les femmes aujourd’hui, victimes et
complices de leurs barrières invisibles ?

Le cas de la métropole des bordelaises.

E
G
Je vais m’appuyer dans un premier temps, sur les

A
travaux de Guy Di méo1, Sylvette Denèfle2 et Annie Dussuet

YS
(maître de conférence spécialisée sur le genre) pour

PA
connaître l’histoire de la présence de la femme dans la

E
ville (particulièrement à Bordeaux), son évolution, sa

D
représentation et tenter de mieux comprendre pourquoi les

ET
femmes se créent elles-mêmes leurs barrières de villes.

RE

R
Je préciserai et approfondirai cette approche sociologique

EU
TU
en abordant le thème encore flou du Genre.

UT
C
Enfin, j’aborderai le mythe de la nuit, facteur de mutation
U UX ITE

'A
du vécu de la ville, de ses pratiques ainsi que des mobilités
A A H

chez les femmes. D


IS DE RC

IT
RO
UM R 'A

Dans un deuxième temps, je tenterai de remettre en question


O BO E D

les hypothèses sur lesquelles je m’appuie en explorant moi-


même un parcours bien spécifique qui traverserait tout le
T S DE UR

centre Bordelais . Ce circuit passerait par les différents


E

quartiers de « Bordeaux-centre » fréquentés (ou pas), par


RI
PE

les femmes. Il s’agira alors d’analyser mon parcours avec


SU

l’appui de la première partie et l’ouvrage de Guy di Méo


afin d’établir la présence de barrières propres aux femmes
LE

EN

de façon informelle, sans tomber dans des généralités.


A

Puis des entretiens engagés avec des bordelaises d’âge,


UM
N
TIO

de catégorie sociale et de lieu de résidence différents,


C

rencontrées dans le tramway, ou dans un café me permettront


A

d’étayer mon propos. Ces entretiens auront pour but de


N

connaître leurs pratiques urbaines et ainsi en les analysant,


LE
O

d’en tirer des informations supplémentaires sur les limites


EC

invisibles de la ville chez les femmes et leur mobilité.

1 DI MEO G., 2011, Les murs invisibles. Femmes, genre et géographie sociale, Paris,
Armand Colin, coll. Recherches
2 SYLVETTE DENEFLE, 2004 Femmes et villes, Presses universitaires François-Rabelais

9
I) L’accès à la ville chez la femme,
libérateur mais autocensuré.

Cette première partie porte un regard sur le paradoxe qui


existe entre le processus libérateur de l’installation de
la femme dans les centres-villes,(élément émancipateur de

E
la cellule familiale, réductrice) et le maintien d’une

G
pratique urbaine pas entièrement libre, autocensurée et qui

A
YS
semble pourtant être acceptée par tous. Ce paradoxe très

PA
fort nous amène à comprendre que les barrières à la ville
ne sont plus « basiques » comme autrefois mais bien plus

E
D
complexes. Elles relèvent sans doute chez les femmes, du

ET
temps, du genre, de la psychologie, la stigmatisation ou
encore de la peur. Mais la ville, elle aussi, exprime en

RE

R
retour les limites à ses citadines à travers les lieux, les

EU
TU
équipements sexués.

UT
C
U UX ITE

'A
Où se situent les failles d’une entente ?
A A H

D
IS DE RC

IT
RO
UM R 'A
O BO E D

D
T S DE UR
E
RI
PE
SU
LE

EN
A

UM
N
TIO

C
A

O
N

D
LE
O
EC

10
1)Ville et femmes : une rencontre ancienne mais
contrainte

1.1 La femme pilier familial, spectatrice de la vie


urbaine et publique?

Pour connaître la place qu’occupe les femmes dans la


ville, et précisémment dans Bordeaux, il s’agit finalement

E
G
de savoir d’abord ce que représentait la ville à travers

A
les temps, et ce qui s’y passait.

YS
Depuis l’Antiquité, le Moyen-âge et jusqu’à aujourd’hui,

PA
la ville, le monde urbain, différent du rural, est le

E
lieu de commerce par excellence, d’échange monétaire; un

D
centre artisanal, où se croisent les gens de toutes les

ET
classes sociales. C’est alors le lieu du travail et de la

RE
consommation.

R
EU
TU
J’ai donc décidé tout d’abord de regarder dans le temps

UT
C
la relation qu’entretenait les femmes à la ville et plus
U UX ITE

'A
preécisément au travail, de manière à mieux saisir les
A A H

D
mutations qui ont lieu aujourd’hui et pouvoir m’y appuyer
IS DE RC

IT
pour mon étude.
RO
UM R 'A

Le but n’est pas de revenir de manière précise sur le


O BO E D

travail des femmes depuis l’Antiquité, ce qui nécessiterait


certainement une thèse, mais peut-être de nuancer l’idée
T S DE UR

commune de la femme assignée à l’espace privée et absente


E

de l’espace public.
RI
PE
SU
LE

EN
A

UM
N
TIO

C
A

O
N

D
LE
O
EC

11
D’un point de vue général, si l’on revient rapidement au
début du XXeme siècle, la ville semble bien être le lieu du
travail, du commerce et par extension le lieu de la sociabilité
masculine comme en témoigne souvent les photographies
de Robert Doisneau dans les bistrots de Paris en 1950.

E
G
A
YS
PA
E
D
ET
RE

R
EU
TU

UT
C
U UX ITE
Il est vrai que les femmes s’occupaient plus généralement

'A
de l’espace dit privé excepté dans les catégories modestes
A A H

D
IS DE RC

et les ménages de commerçants. Ainsi, la femme se rendait


IT
RO

en ville essentiellement dans le but de consommer (courses,


UM R 'A
O BO E D

marché)dans les ménages moyens et non dans un intérêt de


D

travail.
T S DE UR

Comme le dit Karine Le Sager Diouf1 , « les villes


E

traditionnelles se sont globalement développées pour


RI

répondre aux besoins de l’économie urbaine en s’appuyant


PE

sur les structures familiales traditionnelles et sur les


SU

idées généralement acceptées sur la différence de rôle


LE

entre les sexes ».


EN
A

Cette période que j’évoque, représente à la fois le temps


UM
N

de l’émancipation de la femme (que nous verrons plus tard)


TIO

et le décalage encore fort avec le statut de l’homme. L’idée


A

de la femme épouse-mère, absente de la ville, trouble et


N

fausse en réalité l’importance et la présence que la femme


LE

a pu avoir dans l’espace public.


O

Nous avons tous l’image de la femme, avant sa « libération »


EC

dans les années 1970, confinée dans la bulle domestique,


élevant les enfants, s’occupant de son mari, avec peu de
vie sociale et encore moins de vie professionnelle. Mais
si l’on revient bien avant les années 50 à 70, on se rend
compte que le travail des femmes en dehors de la maison,
rémunéré ou non, est extrêmement ancien.

1 Urbaniste de l’agglomération de Tours. Colloque Femmes et villes en 2004

12
Il est intéressant de s’appuyer sur le thèse de Chantal
Voluzan1 pour comprendre de manière générale, l’évolution
des conditions des femmes en France et donc supposer celle
des bordelaises.
Voluzan revient sur plusieurs périodes.

Elle explique qu’au Moyen-Age le modèle de la famille type

E
n’existe pas encore. Pas plus que le sentiment familial.

G
En fait, l’enfant à proprement parlé n’existe pas puisqu’il

A
est considéré comme un « petit » adulte. Il n’y a pas

YS
à travers la famille de fonction éducative primaire ni

PA
de séparation entre vie professionnelle et vie privée,

E
sociale.

D
La famille produit, vend,et est un commerce à part entière.

ET
Il faut comprendre que le maison ne représente pas le lieu

RE

R
de l’intimité et que de la même manière, la femme, la mère,

EU
TU
n’a pas de rôle maternel évident comme plus tard. Tant dans

UT
C
la production que dans la reproduction, le « rôle » féminin
U UX ITE

'A
n’est pas encore naît.
A A H

D
IS DE RC

IT
On retrouve facilement les femmes dans des métiers spécifiques
RO
UM R 'A

(paysannes, couturières, domestiques, commerçantes).


O BO E D

Elles n’ont cependant pas accès aux métiers politiques et de


l’administration. Néanmoins, les marchés, pôles essentiels
T S DE UR

de la vie économique d’une ville, d’une région ou d’une


E
RI

seigneurie, sont des lieux de forte concentration féminine


PE

autant à travers la vente que la consommation.1 Certains


SU

métiers sont même exclusivement réservés aux femmes comme


le travail de l’or et de la soie, deux denrées rares et
LE

EN

recherchées.
A

UM
N

Ce qui est essentiel de préciser, c’est que même si la femme


TIO

au moyen-âge est très visible dans la ville et a son rôle


C

dans l’espace public, elle exerce très majoritairement un


A

O
N

travail non rémunéré (vente de produit crées par son mari


D
LE

en ville, aide à la culture des champs en rural).


O

Cet élément montre que malgré sa présence, elle ne participe


EC

souvent pas à un enrichissement propre, n’exerce pas


une tâche « gratifiée » mais agit dans le don, pour « la
famille ». Elle «ne fait pas la ville» de manière économique
et tangible.

1 Thèse Chantal Voluzan « différence des sexes et espace de vie »


(1986)
2 http://www.histoire-des-femmes.com/

13
Par conséquent on comprend par là que sa présence physique
dans la ville, son investissement, n’a pas de valeur directe.
Si ce n’est qu’elle est visible et travaille comme l’homme.
La majorité des femmes mariées représentent, pour leur
époux, une main-d’œuvre gratuite et souvent de qualité.
Elles n’ont pas le droit de vendre pour leur propre compte,
donc en leur propre nom, sauf en cas de veuvage.
De même, le monde du petit commerce alimentaire est un monde
très majoritairement féminin. Petit et grand commerce sont

E
G
deux choses différentes où la femme, dans le second cas, ne

A
trouve pas encore sa place. Précisons que la présence des

YS
femmes en ville, et les travailleuses, sont représentées

PA
par les classes basses, populaires. Alors que la vocation

E
de la femme médiévale moyenne et riche est orienté vers

D
un but : le mariage et la maternité. L’apprentissage, le

ET
savoir, la lecture, la couture relèvent finalement d’un

RE

R
ordre plus domestique.

EU
TU

UT
C
Il est important également de savoir que la nuit au Moyen-
U UX ITE

'A
Age est le sol des périls en particulier pour les femmes.
A A H

D
Dans les villes, les rues étroites constituent de véritables
IS DE RC

IT
coupe-gorge propices aux rixes, aux homicides.1 Prostitution,
RO
UM R 'A

adultères et viols ne se font pas rares. Ainsi, la femme


O BO E D

n’a déjà plus de libertés en ville lorsque la nuit tombe,


les dangers étants omniprésents.
T S DE UR
E

l’Ancien Régime est paradoxalement marqué par une entrée


RI
PE

plus massive des femmes dans le travail en ville mais


SU

une assignation de plus en plus forte à des métiers


sexués. Les explications ne serait-elles pas d’ordre
LE

EN

anthropologique ?
A

L’omniprésence des femmes dans le secteur alimentaire dans


UM
N
TIO

la France d’Ancien Régime souligne la fonction nourricière


C

qui leur est traditionnellement assignée.2


A

O
N

D
LE
O
EC

1 La nuit au Moyen-Age, Jean Verdon, éditions Perrin, 1998


2 http://framespa.univ-tlse2.fr/actualites/christine-dousset-commerce-et-travail-
des-femmes-a-l-epoque-moderne-en-france-32136.kjsp

14
Leur place importante dans le commerce des vêtements
et du linge renvoie à leur proximité avec les soins du
corps, transposée à l’extérieur de la maison.1 Les femmes
travaillent dans la boutique, mais sont exclues des
corporations.2
La revente, les métiers de l’habillement et la prostitution
assigne à ce moment là les femmes à des fonctions de
ménagères, servantes et reproductrices.3

E
Aussi, les filles se forment rarement comme « apprentisses »

G
et sont donc dépourvues d’un savoir-faire qui pourrait leur

A
permettre de s’intégrer ensuite facilement dans le monde

YS
artisanal qui reste alors largement masculin.

PA
Plus le temps avance et plus les métiers semblent se

E
cloisonner, se spécialiser. Les inégalités sociales sont

D
alors présentées comme des lois de la nature. De la même

ET
façon la hiérarchie entre homme et femme reposerait sur

RE

R
des fondements naturels et sur des traditions religieuses

EU
TU
bibliques.

UT
C
U UX ITE

'A
A A H

D
IS DE RC

IT
RO
UM R 'A
O BO E D

D
T S DE UR
E
RI
PE
SU
LE

EN
A

UM
N
TIO

C
A

O
N

D
LE
O
EC

1 Commerce et travail des femmes à l’époque moderne en France, DOUSSET-SEIDEN


Christine
2 Une corporation est une réunion d’individus, une organisation sociale, reconnue par
l’autorité politique, regroupant tous les membres d’une même profession, ayant son
propre règlement, ses privilèges.
3 Nicole Pellegrin , Sabine Juratic Femmes, villes et travail en France dans la
deuxième moitié du XVIIIe siècle, 1994

15
Lors des lumières, le temps n’est plus Biblique,
mais « éclairé » par la croyance dans le progrès.
Néanmoins, la condition de la femme n’en est elle, pas
plus « éclairé »... Voltaire rédige un essai intitulé
« Femmes soyez soumises à vos maris » paru en 1759 et
1768.
Même les femmes éduquées restent en public dans la
retenue. Emilie du Châtelet, la femme des « lumières » est
physicienne.

E
G
Elle se rend au café Gradot, célèbre café littéraire

A
(situé quai des Écoles), interdit aux femmes. Elle est

YS
alors obligée de se déguiser en homme afin de participer

PA
aux conversations de ses amis. On note à cette époque-là

E
l’entrée des femmes dans la connaissance, le savoir (des

D
sciences et d ela littérature) mais toujours exclusivement

ET
dans le milieu bourgeois et aristocratique. Cet accès au

RE

R
savoir ne s’accompagne pas encore d’une pratique claire.

EU
TU

UT
C
Cette division sexuelle du travail est perturbée par la
U UX ITE

'A
révolution industrielle avec l’irruption massive des femmes
A A H

dans le salariat des manufactures.1 D


IS DE RC

IT
C’est à la fin des temps modernes que le sentiment familial
RO
UM R 'A

apparaît. Il s’accompagne de la séparation des espaces


O BO E D

publics et privés à travers les politiques hygiénistes.


T S DE UR

Cette séparation est presque exacerbée puisqu’on assiste


justement à la multiplication des pièces divisées par usage
E
RI

(salon, cabinet, chambre...), comme une gradation du public


PE

vers l’intime. « La division par sexe paraît être dans


SU

l’ordre des choses (…) dans la maison par exemple, dont


toutes des parties sont sexuées. » 2
LE

EN
A

De même, de manière générale (classes moyennes et populaires)


UM
N

le logement devient alors le lieu d’affection entre époux,


TIO

parents et enfants.
C
A

O
N

D
LE
O
EC

1 Commerce et travail des femmes à l’époque moderne en France, DOUSSET-SEIDEN


Christine
2 Pierre Bourdieu : « La domination masculine » p21

16
D’ailleurs l’enfant connaît une toute nouvelle attention de
soin et d’éducation. C’est à ce moment là que le sentiment de
promotion conjugal correspond à une dévalorisation du rôle
de la femme, surtout dans la petite et haute bourgeoisie.
A l’époque, le secteur économique est structuré verticalement
et de manière très nette.
Les inégalités hommes/femmes et les rapports de pouvoir
y sont particulièrement visibles. Les femmes y sont
parfaitement intégrées mais sont massivement présentes aux

E
G
échelons les plus bas. Produire, transformer la ressource

A
première en une richesse est donc un fonction masculine.

YS
Les ouvrières, artisanes, commerçantes sont reléguées,

PA
après leur journée de travail, à l’économie invisible du

E
ménage et investies socialement du rôle de «régulatrice

D
des déviances possibles de leur mari».1 La seule présence

ET
des femmes en ville la nuit, est celle des prostituées...

RE

R
EU
TU

UT
C
U UX ITE

'A
Au début du capitalisme, il y a une
A A H

séparation claire des tâches de D


IS DE RC

IT
production et reproduction sociale qui
RO
UM R 'A

s’ancrent spatialement.
O BO E D

L’automatisation de la famille
(reproduction économique et idéologique)
T S DE UR

va de paire avec l’automatisation du


E

logement. L’accès aux technologies se


RI
PE

démocratise et les rapports de rôle


SU

hommes/femmes de la bourgeoisie d’hier


se diffusent, se répandent alors dans
LE

EN

toutes les classes sous une autre


A

forme.
UM
N
TIO

La sphère privée, jadis domaine des


C

bourgeoises et aristocrates( éducation,


A

transmission de savoir et de bonne


N

conduite par les mères), devient


LE

l’espace assumé de la femme moyenne.


O
EC

1 http://www.liberation.fr/societe/2013/03/07/dans-la-rue-meme-pas-peur_887012

17
Le capitalisme amène la consommation et l’individu aux
centres des intérets.
La maison devient un lieu à part entière très clairement
séparé du lieu de travail. Le lieu de détente, de loisir et
d’amour. La femme par sa consommation et son investissement
dans cet espace, peut participer au «meilleur vivre» de
la famille et ce modèle est largement diffusé par la
publicité.
Parallèlement, elles deviennent des «chefs de maison»,

E
G
en faisant preuve d’autorité. La maison devient une

A
assignation consentie et populaire. Chacun a maintenant

YS
accès aux produits, aux technologies et à la machinisation,

PA
la production en serie, la mobilité...

E
Ainsi, l’assignation à la «maison» de la part de la femme,

D
ne se fait plus dans un soucis d’éducation par les mères,

ET
mais de manière automatique.

RE

R
Dans cet espace privé, la femme endosse alors un rôle

EU
TU
essentiel : femme au foyer.

UT
C
Son rôle bien alors bien défini est celui du parent affectif.
U UX ITE

'A
Et ceci se justifie par un « déterminisme biologique ».
A A H

D
Le père représente la production et la mère le don (lié
IS DE RC

IT
au sexe : donner la vie). Mais ce statut lui confère
RO
UM R 'A

une discrétisation des tâches accomplies, l’empêchant


O BO E D

d’apporter directement à la société et de s’y faire une


place au sein de l’espace public. L’ économie capitaliste
T S DE UR

qui généralise certes le travail féminin, ne permet pas


E

encore une émancipation puisque le travail reste subalterne


RI
PE

et sous payé.1
SU

Parallèlement,la femme a officiellement accès à l’éducation,


LE

EN

la culture. En 1897, l’Ecole des Beaux Arts s’ouvre pour


A

elles mais il faudra attendre 1924 pour que les programmes


UM
N
TIO

scolaires soient identiques.


C

La ville devient le lieu de ressource et de consommation


A

mais les loisirs restent proches du domicile ou concernent


N

la maison (jardinage, peinture, lecture).


LE
O
EC

Aujourd’hui, le système « logement – famille - rôle féminin »


explose et modifie les pratiques sociales. Le modèle de la
femme du début du capitalisme n’est plus du tout le même et
cela s’explique par plusierus évènements.

1 Commerce et travail des femmes à l’époque moderne en France


Journée d’étude sur « Nouvelles approches historiques du travail » – Framespa, équipe
production, 14/04/05 - Christine Dousset

18
1.2 Emancipation désirée et contrainte : déclencheur
de l’arrivée de la femme dans plusieurs mondes

Comme on a pu le voir, la représentation de la femme dans


les centres-ville a évolué dans le temps. L’entrée dans le
monde du travail et la liberté de consommation sont des
éléments émancipateurs de la condition féminine.
La ville, espace démocratique par excellence, devient par

E
la suite le socle des revendications politiques des femmes.

G
La conscience politique émerge et le mouvement féministe

A
YS
apparaît.
Tout d’abord, le début d’une émancipation implicite

PA
coïncide avec la fin de l’Ancien Régime. Olympe de Gouges

E
réclame l’égalité politique entre hommes et femmes dans sa

D
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne qui

ET
stipule dans son article 1: «La femme nait libre et égale

RE

R
à l’homme en droits». Elle est guillotinée deux ans plus

EU
TU
tard.

UT
C
De même, des femmes veulent pouvoir exercer les mêmes
U UX ITE

'A
professions que les hommes (avocat ou médecin par exemple)
A A H

D
et être éligibles (mouvement des suffragettes, constitué
IS DE RC

IT
surtout de femmes issues de la bourgeoisie).
RO
UM R 'A

Le XIXe siècle et l’après-guerre amènent avec eux les


O BO E D

fumées des usines et la disparition progressive du travail


à domicile. La femme obtient le droit de vote le 20 avril
T S DE UR
E

1945
RI
PE

La deuxième vague de féminisme


émerge dans le sillage de l’ouvrage
SU

de Simone de Beauvoir, Le deuxième


LE

EN

sexe (publié en 1949). Toute cette


A

évolution est appuyée dans les années


UM
N
TIO

68 par les mouvements féministes


C

qui revendiquent un désir d’égalité


A

et d’émancipation.
N

D
LE
O
EC

En 1907 ,une nouvelle loi stipule que la femme a le droit


de disposer de son salaire. Ce n’est qu’en 1983, que la loi
Roudy sur l’égalité professionnelle est votée.
En somme, cette rencontre libérée entre femme-travail-
ville correspond donc à la fois à une demande, un besoin de
main d’oeuvre dans la production, mais aussi à un désir et
une conscience politique. La ville représente le sentiment
d’une femme plus libre, loin de la préoccupation foyer /
famille, époux/ménage.

19
De plus, depuis quatre à cinq décennies, le modèle
traditionnel de la famille dont on a parlé précédemment
a décliné, laissant place à la famille monoparentale,
recomposée etc...1 D’où la nécessité nouvelle, pour les
femmes qui élèvent leurs enfants seule, de travailler !
Car ce phénomène s’est effectivement accompagné de l’entrée
massive de la femme dans le monde du travail rémunéré et
de l’émancipation de sa pratique de la ville comme lieu
de travail comme de loisir (multiplication de boutiques de

E
G
prêt-à-porter, de salons de thé etc..).

A
YS
Di Méo note qu’en 2007 le nombre de femmes actives s’élève à 89

PA
238 contre 81 873 hommes actifs. Cependant, ce chiffre reste

E
faussé par la proportion énorme de femmes exerçant un travail

D
à mi-temps. (5680 hommes pour 12 497 femmes, plus du double!)1

ET
Finalement, le pourcentage de femmes qui exerce un emploi

RE

R
réel à temps plein à Bordeaux en 2007 est de seulement

EU
TU
54,3%.

UT
C
Ceci s’explique aussi par le nombre dominant de femmes à
U UX ITE

'A
la retraite et d’étudiantes en études supérieures. Mais
A A H

D
ces chiffres révèlent aussi que la difficulté à accorder un
IS DE RC

IT
emploi à responsabilités aux femmes persiste et maintient
RO
UM R 'A

la ville du travail sous un angle toujours masculin.


O BO E D

Seuls 17 % des métiers, sont mixtes, au sens où la proportion


d’hommes (ou de femmes) y est comprise entre 40 % et 60 %.
T S DE UR

En somme, les métiers sont toujours autant «sexués».2


E

99 % des salariés des établissements d’accueil des jeunes


RI
PE

enfants sont des femmes. (Capacité affective supérieure


SU

avec l’enfant?)
L’OCDE3 en 2012, note que « le partage plus équitable du
LE

EN

travail rémunéré et non rémunéré entre les femmes et les


A

hommes implique une évolution des normes, des cultures, des


UM
N
TIO

mentalités et des attitudes ».


C
A

O
N

Notre mode économique de production, incarné par le sexe


LE

fort, ne se serait-il pas longtemps appuyé sur le travail


O

gratuit du sexe dit faible?


EC

1 DI MEO G., 2011, Les murs invisibles. Femmes, genre et géographie sociale, Paris,
Armand Colin, coll. Recherches
2http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/archives/CGSP_
Stereotypes_filles_garcons_web.pdf
3 Organisation de coopération et de développement économiques

20
La mixité des métiers peut-elle faire évoluer les normes
professionnelles et assouplir les stéréotypes chez les
jeunes?

Car une telle présence chez les femmes du travail à temps


partiel montre que la gestion famille – travail est
difficilement gérable. Ceci modifie-t-il d’ors et déjà l’usage
de la ville ? Ou du moins cette assignation persistante
à des «rôles» sexués n’induit-il pas des manières d’être

E
G
homme et femme en ville?

A
YS
PA
E
D
ET
RE

R
EU
TU

UT
C
U UX ITE

'A
A A H

D
IS DE RC

IT
RO
UM R 'A
O BO E D

D
T S DE UR
E
RI
PE
SU

L’article du Sud Ouest « Où vont les femmes »1 explique que


LE

malgré l’arrivée de la femme dans l’espace public, celle-


EN
A

ci reste toujours aussi présente dans celui du privé, la


UM
N

maison.
TIO

En fait, comme le précise Annie Dussuet, « l’investissement


C
A

de l’espace public par les femmes ne s’est pas accompagné d’un


N

mouvement symétrique des hommes vers l’espace privé ».


LE

Ainsi, aujourd’hui les femmes (de Paris et de provinces)


O

doivent gérer le temps de la ville et du travail, avec celui


EC

du « logis ». Ce nouveau paramètre induit forcément un


usage de l’urbain différent. Guy di Méo parle d’usage plus
« intense ». Car il prend en compte la notion de temps et donc
une pratique de la ville souvent ultra fonctionnelle.
« Elles sont hyperactives, elles font les courses, du
shopping, elles courent beaucoup et toujours en suivant
les mêmes itinéraires. Les fourmis ? Non, les femmes dans
la ville ». 1

1 Où vont les femmes - Sud Ouest - 02/07/2011


21
Cette double gestion d’usages, l’espace privé (pour les
tâches domestiques) et l’espace public (pour les tâches
professionnelles et les loisirs) engendre des déplacements
réguliers créant une ritualisation. C’est la création de
lieux familiers pour chaque usager qui leur y attache un lien
personnel, affectif, onirique. Les femmes comme les hommes en
pratiquant un lieu les confrontent à une expérience concrète
et ainsi se représentent de manière unique une organisation
urbaine. Jacqueline Coutras rajoute « qu’à travers les

E
G
pratiques par lesquelles elles scandent et spécifient leurs

A
YS
déplacements, les personnes marquent leur appartenance

PA
sociale, elles se reconnaissent à elles-mêmes et aux autres. »

E
Ce qui est plutôt surprenant c’est que depuis cinquante ans,

D
l’image de la femme a explosé et semble aujourd’hui presque

ET
dominer même si l’on est encore dans un système andocentré.

RE

R
Selon moi, elle endosse maintenant trois «rôles». Elle

EU
TU
est un travailleur dans la ville (tâche gratifiée), elle

UT
C
est un consommateur dominant (femme omniprésente dans la
U UX ITE

'A
publicité), et elle est (parfois) une mère et un élément
A A H

principal de l’équilibre familial. D


IS DE RC

IT
De plus, l’ espérance de vie plus longue pour les femmes
RO
UM R 'A

entraîne une hausse de la démographie féminine qui devient


O BO E D

supérieure à celle des hommes.


Aujourd’hui la femme est partout, elle est libérée en droit
T S DE UR

par rapport à l’homme mais aussi par rapport au groupe


E

«femme». Le clivage qui pouvait exister dans le passé entre


RI
PE

la femme riche cultivée consommatrice dans l’espace public


SU

mais assignée au logis et la femme plus modeste, travailleuse


en ville, tend à s’atténuer, s’apaiser. La division n’est
LE

EN

plus aussi franche et les femmes investissent la ville à


A

des intensités différentes mais la pratiquent maintenant de


UM
N
TIO

manière similaire. Où se situent les nuances?


C
A

O
N

D
LE
O
EC

22
Comment expliquer que l’image de la femme soit partout
(publicité en ville,image qui participe à une émancipation)
mais que sa présence physique en ville soit limitée, dessinée
par des itinéraires ou se résume à la consommation? Et est-
ce le cas?

L’usage de la ville est sans nul doute différent d’une femme

E
à l’autre. La nuance réside-t-elle dans la fréquentation

G
des quartiers?

A
YS
la pratique d’un quartier à une valeur identificatoire dont

PA
il est important de parler brièvement.
Au delà de la question de l’insécurité ou du genre qui créent

E
D
ou ouvrent des barrières comme nous le verrons, l’usage

ET
des espaces comme marque d’une appartenance à un groupe
est évidente à rappeler. Une femme aura d’autant moins

RE

R
le réflexe de traverser un endroit qu’elle associe à une

EU
TU
catégorie différente de la sienne. Face à sa vulnérabilité

UT
C
plus grande d’insécurité dans la ville, la recherche
U UX ITE

'A
de repères est encore plus forte que chez les hommes.
A A H

D
IS DE RC

Avant donc de tenter de voir ce qui crée des barrières


IT
RO

de manière spécifique aux femmes, il s’agit d’identifier le


UM R 'A

facteur « social » comme déjà une barrière à part entière !


O BO E D

D
T S DE UR

La femme cummulerait-elle à la fois la barrière sociale


E

et la barrière du genre? Le genre n’est-il pas un critère


RI

social oublié?
PE
SU
LE

EN
A

UM
N
TIO

C
A

O
N

D
LE
O
EC

23
EC
O
LE
N
A
TIO
N
A
D LE
O
C SU
UM PE
RI
EN E
T S DE UR
O BO E D
UM R 'A

24
IS DE RC
A A H
U UX ITE
D C
RO TU
IT
Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe
RE
D «On ne naît pas femme, on le devient.»
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
2) Le genre et l’insécurité : deux paramètres de
mutations de la mobilité féminine

Il s’agit maintenant de cibler l’étude sur des paramètres


particuliers qui agissent chez la femme lors de ses
déplacements en ville. En effet, à l’aide de la partie
précédente nous avons pu constater une évolution de sa
présence au sein de l’espace public et une libération de

E
G
son image à travers la ville par plusieurs médias.

A
Néanmoins, cet espace aujourd’hui pratiqué par tous, reste

YS
cloisonné et par extension, non utilisé de manière illimitée

PA
par la femme. Au delà de la différence de pratique homme-
femme, il existe aussi des nuances de pratiques chez chaque

E
D
femmes! La variable du genre et le paramètre de la nuit

ET
serait alors deux

RE

R
EU
TU

UT
C
U UX ITE

'A
A A H

D
IS DE RC

IT
2.1 Le genre, une identité instable
RO
UM R 'A
O BO E D

Si ce mémoire analyse
T S DE UR

l’appropriation de la ville par


les femmes, sans tomber dans une
E
RI

étude de généralités, il s’agit


PE

bien sûr de décortiquer alors ses


SU

différentes facettes. Lorsque


LE

nous parlons de Genre, de quoi


EN
A

parlons-nous réellement? (l’homme


UM
N
TIO

et la femme?)
Cette notion, bien différente de
C
A

celle du sexe est la nuance entre


N

chaque femme et par extension


LE

entre chaque être.


O

Le sexe est biologique. On naît


EC

mâle, femelle, ou les deux,


comme l’hermaphrodisme qui est
un phénomène biologique où les
deux caractères (mâle et femelle)
s’expriment simultanément.
Mais la notion de genre est beaucoup
Frida Kahlo plus complexe et se façonne à
posteriori du sexe biologique.

25
En effet en 1972, Ann Oakley (sociologue britannique) définit
sur le plan féministe le concept de genre : «Le mot sexe se
réfère aux différences biologiques entre mâles et femelles :
à la différence visible entre leurs organes génitaux et à
la différence entre leurs fonctions procréatives.
Le genre, lui, est une question de culture. Il se réfère à
la classification sociale en masculin et féminin».

Comme expliqué en introduction, à l’instar du phénomène

E
G
d’hermaphrodisme, le genre n’est pas seulement binaire

A
(féminin-masculin) mais il est une matrice qui exprime à

YS
des degrés différents une masculinité et une féminité en

PA
chacun.

E
D
Car comme le dit Ann Oakley, le genre est culturel et donc

ET
parfaitement évolutif. Il correspond à une manière d’être,

RE

R
d’agir, de se vêtir et de ressentir les choses. D’ailleurs,

EU
TU
cette matrice peut selon moi évoluer selon la situation, les

UT
C
personnes fréquentées, l’endroit et les périodes de la vie
U UX ITE

'A
de chacun. C’est un curseur qui bougerait perpétuellement.
A A H

D
L’ambiguité naît dans le fait que « les organes sexuels
IS DE RC

IT
objectif qui fondent la féminité et masculinité engendrent
RO
UM R 'A

sa représentation ».1
O BO E D

La réalité biologique que nous prenons comme une donnée


irréfutable nous interdit de penser le genre comme un
T S DE UR

processus.1 Le genre est perçu comme le sexe,à un état


E

définitif de la personne et ses comportements avec les


RI
PE

autres. Pourtant, il n’est pas du tout figé, ou séparé en


SU

deux cases, mais justement indescriptible car brassé d’une


multitude d’éléments variables.
LE

EN

«Une femme est une femme mais n’est pas qu’une femme et
A

UM
N

n’est pas femme de la même manière que toutes les femmes.»


TIO

déclare Françoise Collin commentant Hannah Arendt.


C
A

O
N

D
LE
O
EC

1 DI MEO G., 2011, Les murs invisibles. Femmes, genre et géographie sociale, Paris,
Armand Colin, coll. Recherches

26
La dimension constante du genre (celui des femmes en
l’occurrence) réside certes dans un référent sexuel,
mais aussi, et sans doute plus encore, dans toutes les
déclinaisons politiques, idéologiques et culturelles.
Or, on observe que ces déclinaisons produisent et signalent
inlassablement des dissymétries sociales et des effets de
domination. En somme, derrière la réalité circonscrite du
sexe, le genre exprime une grande diversité sociale.
Il s’agit avant tout de situations sociales et de comportements

E
G
sociaux séparables d’une condition strictement sexuelle.

A
Le genre est donc le contraire d’une stigmatisation

YS
attachée à un sexe particulier, sous l’empire obsédant de

PA
l’hétérosexualité.1

E
D
Judith Butler rappelle qu’il ne faut pas considérer le genre

ET
comme un état statique mais plutôt comme une dynamique

RE

R
identitaire souple et transformable « susceptible de

EU
TU
proliférer au delà des limites imposées par l’apparente

UT
dualité des sexes ».
C
U UX ITE

'A
Sigmund Freud inspirée par Wilhem Fliess va jusqu’à dire que
A A H

D
chaque être humain naît bisexuel mais devient monosexuel au
IS DE RC

IT
terme du développement psychologique. Ils parlent là non
RO
UM R 'A

pas de pratiques, qui correspondent à un autre référentiel


O BO E D

mais bien d’une bisexualité innée psychique. C’est donc


l’idée que chaque être humain naît masculin et féminin et à
T S DE UR

travers son intégration sociale, exprime un genre à divers


E
RI

degrés.
PE
SU
LE

EN
A

UM
N
TIO

C
A

O
N

D
LE
O
EC

1 DI MEO G., 2011, Les murs invisibles. Femmes, genre et géographie sociale, Paris,
Armand Colin, coll. Recherches

27
Par conséquent, chaque femme est d’un genre unique et
exprime à des degrés différents, une part de masculinité
et de féminité. Mais tout comme Guy di Méo, je souhaite
voir dans ce mémoire l’expression du genre du point de
vue social, comme l’appréhension et l’usage spécifique d’un
espace.

E
G
A
YS
PA
E
D
ET
RE

R
EU
TU

UT
C
U UX ITE

'A
Charlotte Hym – Caserne Niel
A A H

D
IS DE RC

IT
RO
UM R 'A
O BO E D

En fait, il est intéressant de rendre compte du fait que


T S DE UR

hommes et femmes n’ont pas le même accès à la ville mais


E

qu’entre femmes également la même chose se répète.


RI

Le genre, tout comme le statut social et l’âge, est un


PE

critère qui va modifier la manière de vivre la ville, d’une


SU

femme à une autre. Jacqueline Coutras dit très justement


LE

que « les lieux et pratiques des personnes se chargent de


EN
A

sens et acquièrent une capacité identificatoire ».


UM
N

Ainsi, même un lieu peut acquérir un caractère plus ou


TIO

moins masculin ou féminin et rester accessible à tous ! On


A

parlera de lieux sexués (féminin, masculin ou mixtes).


N

Mais si le paramètre du genre était binaire, statique,


LE

alors les hommes et les femmes pratiqueraient des espaces


O

séparés !
EC

Or, ce n’est pas le cas. Il existe donc une nuance. Ces


espaces sexués n’induisent- ils pas tout de même une manière
d’être, dans la pratique ? Ne sont-ils pas implicitement
accessible à « un genre » de personnes ?
Prenons l’exemple de cette fameuse caserne Niel avant sa
réhabilitation. C’est un ancien équipement qui aujourd’hui
est investi par le tag, art de la rue avant tout masculin.
Quand on y va, on croise une ou deux femmes mais rarement
plus.

28
Tout l’après-midi, l’espace est envahi par les hommes,
jeunes taggeurs, skateurs ou simples visiteurs.
L’endroit laissé à l’abandon, assez noir et sale est pourtant
empli de charme.
C’est un musée à ciel ouvert où l’association Darwin a créé
sur le site un hangar dédié aux skateurs amateurs et ouvert
à tous. Cet espace est donc genré de manière plus masculine.
Et c’est clairement un espace qui repousse les femmes, ne
les attire pas alors qu’il est surprenant. D’ailleurs, il

E
G
est amusant de remarquer le style qu’adopte les femmes qui

A
viennent taguer, skater et regarder leur manière d’être

YS
et de se vêtir. C’est comme si on ne pouvait pas entrer

PA
tranquille, sans réfléchir, juste pour voir, sans adopter

E
les « codes » du lieu. Jacqueline Coutras rajoute que «

D
les lieux porteurs de règles ne sont donc pas accessibles

ET
à tous, ni sexuellement neutres ».

RE

R
En fait, l’espace public serait divisé en une multitude

EU
TU
d’espaces masculins, féminins et mixtes, tout comme les

UT
C
parcours selon Guy di Méo. Et ces lieux afficheraient
U UX ITE

'A
implicitement des règles pour entrer.
A A H

D
IS DE RC

IT
Annie Dussuet rajoute qu’ « au sein même de l’espace public,
RO
UM R 'A

hommes et femmes ne se répartissent pas de façon aléatoire,


O BO E D

mais reconstituent au contraire des territoires sexués ».


Si les espaces sont sexués, faut-il alors adopter les codes
T S DE UR

de ce « sexe dominant » pour le traverser?


E
RI
PE

Je repense à cette fille que j’ai croisé à la caserne Niel.


SU

D’un point de vue extérieur, je me souviens seulement d’un


baggy sombre, un sweet à capuche sur son tee shirt et des
LE

EN

cheveux attachés. Tout cela m’interroge sur le vêtement qui


A

UM
N

est un des nombreux critères qui fondent le genre. Bourdieu


TIO

développe d’ailleurs une théorie sur l’l’habitus(issu du mot


C

habit?)1. Il correspondrait selon lui, à la manière d’être


A

O
N

de chacun, d’agir, de se vêtir et qui exprimerait de manière


D
LE

consciente ou inconsciente le caractère, la personnalité,


O

la classe sociale dans un espace de sociabilité défini.


EC

1 Habitus : système de goûts ou de dispositions acquis commun à un ensemble d’agents


qui donne une même signification à l’ensemble de leur pratique. Au delà, c’est aussi
un système de définition du monde, reposant sur des catégories à peu près cohérentes et
socialement construites. La combinaison de ces catégories rend le monde ainsi socialisé
lisible et sensé pour l’agent, qui trouve dans cette cohérence la justification de ses
pratiques, qui naturalisée, rentrent dans la logique de l’évidence (« C’est comme ça
«).

29
Ce bagage en chacun nous permettrait en somme de se
socialiser dans un lieu. Je préciserais même que c’est
l’hexis corporelle1 qui est en lien étroit avec l’expression
du genre. La manière d’agir, de penser,de se tenir, de
s’habiller... Je me questionne alors sur l’importance que
dégage en terme de code un vêtement, la tenue du corps
dans un espace x. La confusion sur la notion de genre ne
serait-elle pas le résultat d’un raccourci avec la question
vestimentaire ?

E
G
Cette femme qui est allée pratiquer une activité masculine

A
dans un lieu masculin n’a-t-elle pas adopté par ses vêtements,

YS
son attitude, des codes masculins pour se fondre dans le

PA
lieu ? N’a-t-elle pas inconsciemment enfilé un uniforme? Ou

E
adapté son hexis corporelle?

D
Les hommes adopteraient-ils des codes particuliers

ET
lorsqu’ils pratiquent les parcs, les salons de thé (lieux

RE

R
plus considérés comme « féminins »).

EU
TU

UT
C
U UX ITE

'A
A A H

D
IS DE RC

IT
RO
UM R 'A
O BO E D

D
T S DE UR
E
RI
PE
SU

Si comme le dit Yves Raibaud, professeur de géographie à


Bordeaux III, spécialiste du genre, les femmes sont égales
LE

EN

aux hommes mais pas aussi libres en ville, par où faut-il


A

UM
N

commencer pour abolir les murs? Ce phénomène binaire du


TIO

genre est-il le résultat d’une éducation trop cloisonnée?


C

Tu es une fille, tu es plus sensible, tu joueras à la maman,


A

O
N

tu t’occuperas d’une poupée, tu danseras. Tu es un garçon,


D
LE

tu as de l’énergie tu feras du sport, tu te dépenseras, tu


O

joueras au super-héros.
EC

1 Hexis corporelle : liée à l’habitus, l’hexis corporelle est un ensemble de dis-


positions pratiques corporelles, manières de se tenir, de parler, de marcher… Ces
manières, naturalisées dans la logique de l’habitus, renvoient métaphoriquement à
la logique catégorique de l’habitus et deviennent par là des manières durables de
sentir et de penser. L’hexis corporelle est dans cette perspective l’habitus fait
corps. Autrement dit, ces dispositions corporelles ne sont pas naturelles, mais so-
cialement construites, font sens et tiennent leur logique du contexte social et du
système des représentations qui les construisent.
30
Robert Brannon, psychologue, expose en 1976 un script
masculin qui correspondrait à l’éducation véhiculée chez
le garçon.1

Elle se constituerait en quatre points.

-Soit un chef : Compétition, performance y compris sexuelle.


Etre à la hauteur, défier l’autorité.

E
G
-Soit un chêne vigoureux:
: Refus de perdre la face, montrer

A
YS
qu’on a pas peur.

PA
-Si tu me cherches tu me trouves : Savoir se battre, exprimer

E
la force et l’agressivité face au danger ou prendre des

D
risques pour ne pas être dominé.

ET
RE

R
-On est pas des gonzesses:
: Se démarquer des filles/femmes et

EU
TU
avoir le dessus sur elles. Faire corps avec le groupe des

UT
C
garçons ou des hommes (les pères, la fameuse fraternité) et
U UX ITE

'A
ne pas considérer les femmes comme «paires».
A A H

D
Se démarquer des homosexuels ou intellectuels supposés
IS DE RC

IT
effeminés.
RO
UM R 'A
O BO E D

Ces définitions qui peuvent paraître caricaturales sont en


fait des notions si ancrées dans les mentalités collectives
T S DE UR

qu’elles ne sont pas perçues ou peu critiquées, contestées.


E
RI

Cette éducation de la compétition et de la prise de risque


PE

induit notamment une pratique des loisirs différente.


SU
LE

EN
A

UM
N
TIO

C
A

O
N

D
LE
O
EC

1 Conférence masculinités - Yves Raibaud - Bordeaux 3

31
Par ailleurs, la compétition sportive est surtout masculine.
Les loisirs « sérieux » (notamment la lecture) sont surtout
féminins. Les filles adoptent plus tôt que les garçons
les consommations, pratiques et usages de la culture
adolescente. Quant aux transgressions (choix de pratiques
contraires aux normes), elles sont plus faciles pour les
filles (les garçons devant notamment surmonter le soupçon
d’homosexualité).
En effet, la présence d’un garçon à une activité considérée

E
G
comme féminine peut induire des comportements teintés d’une

A
homophobie sous-jacente.

YS
Derrière le travail sur la parité, apparaissent donc les

PA
notions de tolérance et de respect des différences.1

E
D
Finalement, oser pratiquer une activité dite de «l’autre

ET
sexe», c’est rendre maléable son genre, c’est se donner

RE

R
accès à de nouveaux territoires mais c’est prendre le risque

EU
TU
d’être en marge. Le raccourci entre genre et orientation

UT
C
sexuelle est très rapide et il est lié à la confusion
U UX ITE

'A
justement entre sexe et genre.
A A H

D
Cependant, les institutions culturelles comme sportives
IS DE RC

IT
persistent dans l’illusion de la mixité ou des goûts et
RO
UM R 'A

compétences « naturels » des filles et des garçons.


O BO E D

D
T S DE UR
E
RI
PE
SU
LE

EN
A

UM
N
TIO

C
A

O
N

D
LE
O
EC

1 http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/archives/CGSP_
Stereotypes_filles_garcons_web.pdf

32
2.2 Un genre de politique publique

A l’âge de la prépuberté (12ans environ), Yves Raibaud


explique que les filles disparaissent de manière automatique
des domaines de loisirs comme le sport. Cela s’explique
souvent à deux dimensions.

Elles n’aiment pas le foot par exemple, considèrent que


c’est un sport de garçons, que ce n’est pas pour elles

E
G
(autocensure).

A
Ou alors, ce retrait peut être crée par une pression

YS
potentielle des parents qui ont peur qu’elles se blessent,

PA
qui ne veulent pas les laisser aller seules dans des stades

E
,des espaces trop masculins ou répètent eux-mêmes le schéma

D
«ce n’est pas pour des filles» (croyances
croyances de genre, phobie

ET
du viol de l’agression sexuelle).

RE

R
EU
TU
Au delà des parents, les écoles ont également une part

UT
C
de responsabilité. Toutes les instances de «culturation»,
U UX ITE

'A
la famille, le collège, sont des lieux qui alimentent ces
A A H

schèmes de masculinité hégémonique. D


IS DE RC

IT
RO
UM R 'A

Avant donc de parler de politiques andocentrées, il faut


O BO E D

rappeler que l’éducation, NOS éducations occidentales se


réfèrent à un socle normatif lui-même encore patriarcal.
T S DE UR

Ce socle véhiculé par la famille, crée des schémas chez


E

chacun induisant des besoins, ou des règles pour vivre en


RI
PE

société, in cite. Les politiques sont finalement des réponses


SU

aux besoins sociétaux, aux citoyens. La famille et par


extension la société semble déterminer ce que représente
LE

EN

une femme et un homme et ce dont ces deux êtres ont besoin.


A

Ainsi, un garçon est un être qui a besoin de se dépenser


UM
N
TIO

jeune, puisqu’en pleine croissance. La question du corps


C

et de l’effort est essentielle. La femme elle doit lire,


A

se cultiver, s’occuper. L’expression des schèmes inculqués


N

crée-t-elle des masculinités et féminités ?


LE
O
EC

«Les masculinités en réalité ne sont pas fixes,elles le sont


lorsque l’on agit. On devient homme en répétant des actions
dites masculines.» 1

1 Conférence masculinités - Yves Raibaud - Bordeaux 3

33
On retrouve toujours les mêmes équipements au milieu d’une
cour; les garçons sur un terrain de foot, de basket et
les filles trop souvent sur le côté à regarder, éviter les
ballons et jouer entre copines. Ainsi, l’école conforte les
inégalités entre les filles et les garçons.
Or, en tant que lieu d’éducation à la citoyenneté et aux
valeurs républicaines, l’école doit œuvrer, de manière
volontariste, à accroître l’égalité entre les filles et
les garçons.1

E
G
Les pistes de course, les gymnases ou les salles de dessin

A
se font trop rares. Filles et garçons se séparent très

YS
jeunes et le restent à l’âge adultes.

PA
Est-il possible alors d’agir sur un socle si enraciné?

E
D
Car la ville, la cité, est faite d’une multitude d’équipements

ET
sportifs publics(citystade, skatepark, stades...)qui

RE

R
finalement après les cours de récréation, sont à nouveau

EU
TU
destinés aux hommes. Ces lieux qui sont à la vue de tous,

UT
C
s’imprégnent d’une charge sexuelle et deviennent des
U UX ITE

'A
micros systèmes, des bulles presque hermétiques qui sont
A A H

D
compliquées à traverser en tant que femme. N’y aurait-il
IS DE RC

IT
pas un travail culturel à faire pour que les hommes fassent
RO
UM R 'A

des loisirs vus comme féminins? Et inversement?


O BO E D

Le travail doit-il se faire en amont sur l’incitation à


la prise de risque des filles, sur la création d’activités
T S DE UR

hybrides ou de plus en plus mixtes?


E
RI
PE

On pourrait avoir l’impression que les femmes sont beaucoup


SU

plus libres qu’avant et qu’elles ont accès aujourd’hui à


tout mais on remarque qu’en réalité les espaces mixtes
LE

EN

disparaissent de plus en plus et que les activités se


A

cloisonnent. «Les filles et garçons choisissent des lieux


UM
N
TIO

stéréotypés (danse/foot) ou pratiquent des loisirs neutres


C
A

mais qui en compétition séparent les sexes. (basket,


O
N

volley)»2
Il faut savoir que 2/3 des loisirs mis en place par les
LE

pouvoirs publics sont pour les garçons et leur budget est


O
EC

trois fois plus important selon Yves Raibaud.


En France, les jeunes filles âgées de 12 à 17 ans sont
plus nombreuses que les garçons à n’avoir jamais fait de
sport en dehors des cours obligatoires d’éducation physique
(14% contre 8% pour les garçons)et à avoir abandonné sans
reprendre d’aucune activité physique (26% contre 15%).

1 http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/archives/CGSP_
Stereotypes_filles_garcons_web.pdf
2 Yves Raibaud - Genre et urbanisme : “La ville est un espace de loisir pour les
homme- Les Inrocks- 30/03/2014
34
Ainsi, pour ces derniers, l’activité physique semble
fréquemment résulter de la volonté de se dépasser, de se
mesurer aux autres ou encore d’expérimenter des sensations
fortes. Aux femmes, correspondent davantage l’entretien
du corps, le soin de l’apparence physique, le contrôle du
poids ou encore la préservation de la santé. Il y aurait
alors deux visions différentes du sport.

E
G
A
YS
PA
E
D
ET
RE

R
EU
TU

UT
C
U UX ITE

'A
A A H

D
IS DE RC

IT
RO
UM R 'A
O BO E D

D
T S DE UR
E
RI
PE

La ville rend libre mais c’est aussi le lieu de tous


SU

les périls. En fait l’égalité ne s’exprime pas que par


LE

le droit mais par les faits, les actions. « On n’a pas


EN
A

d’équipements équivalents pour les jeunes filles à ceux que


UM
N

la puissance publique construit pour les garçons » précise


TIO

Edith Maruéjouls dans sa thèse sur l’usage de la ville par


C
A

la femme.
N

« Les skateparks et citystades instituent, dans l’indifférence


LE

générale, la présence des mâles dans la rue » continue


O

Yves Raibaud. Elles n’ont pas l’insouciance des hommes.1


EC

Les femmes sont en apparence partout, dans les rues les


boutiques, les parcs et les bus.; en fait, nulle part.
En effet, les femmes ne stationnent pas partout, elles sont
en mouvement perpétuel. D’ailleurs, les femmes immobiles
dans la rue représentes symboliquement les prostituées
rappelle Edith Maruéjouls.

1 Marie-Christine Bernard Hohm. Comment rendre la ville aux femmes ?


Télérama - 19/06/2014

35
Pourquoi ce désintérêt de la collectivité pour les activités
dites féminines (gym, danse…) ?

Et pourquoi le sport serait-il un loisir masculin ? Qui


l’a dit ? Edith Maruéjouls exprime une théorie que je
soutiens. Selon elle, c’est la compétitivité qui rendrait
le sport masculin. L’idée à nouveau d’affronter l’autre,
de vaincre (ou perdre : prise de risque?) serait un aspect
du sport attribué à l’homme.

E
G
A
YS
« Il faut sortir du sport performance qui exclut toute idée

PA
de mixité. S’il redevient un loisir, on arrivera à faire
jouer les filles et les garçons »

E
D
Il est intéressant de voir les réponses données par les

ET
pouvoirs publics concernant la création qu’équipements

RE

R
essentiellement masculins.

EU
TU
Ces derniers réfutent le sujet du genre, déclarant qu’il

UT
C
est important avant tout de répondre aux besoins et accès
U UX ITE

'A
des classes populaires aux loisirs gratuits. Ils préfèrent
A A H

D
parfois répondre qu’il s’agit de «canaliser la violence
IS DE RC

IT
urbaine dans des activités positives» sans jamais préciser
RO
UM R 'A

le sexe des incriminés bien évidemment.


O BO E D

Ils rajoutent que « les filles sont plus mûres, elles savent
mieux s’occuper, elles préfèrent rester chez elles ». Les
T S DE UR

technocrates, urbanistes et politiciens, répètent donc dans


E

leurs propositions de villes, et leurs argumentaires, les


RI
PE

mêmes schémas binaires.


SU
LE

EN
A

UM
N
TIO

C
A

O
N

D
LE
O
EC

36
Or la démarche aboutit à une hypersocialisation des
garçons par le sport et les cultures urbaines valorisant
toujours le modèle d’une masculinité hégémonique.
Les activités comme le foot ou le skate sont considérées
comme plus importantes économiquement et symboliquement.
«Imaginez un équipement public pour 43 000 femmes !» lance
Yves Raibaud

En réalité, si l’on regarde bien, les gestionnaires des

E
G
politiques publiques, les urbanistes notamment, sont en

A
grande majorité des hommes et agissent en fonction des

YS
idées qu’ils ont des femmes.

PA
L’installation par les politiques publiques d’équipements

E
représentés encore comme masculins (skate-parks sur les

D
quais, terrains de basket sur st Michel) entraîne la

ET
formation de territoires «réservés» qui poussent les femmes

RE

R
à s’autopriver l’accès. « Ca n’est pas fait pour moi ».

EU
TU

UT
C
D’abord d’un point de vue non identificatoire. La femme
U UX ITE

'A
ne se reconnaît pas dans cette pratique ou ce lieu, ne
A A H

D
s’y sent pas bien, car pas représentatif de sa personne,
IS DE RC

IT
de ses intérêts. Ensuite par crainte, appréhension et
RO
UM R 'A

stigmatisation.
O BO E D

Enfin, le vice est poussé à tel point que les déplacements


sont Par exemple, la pratique du vélo est majoritairement
T S DE UR

masculine (60 % d’hommes), en particulier quand il pleut ou


E

la nuit (jusqu’à 80%).1


RI
PE
SU
LE

EN
A

UM
N
TIO

C
A

O
N

D
LE
O
EC

1 http://www.lumieresdelaville.net/2014/03/25/une-ville-faite-pour-les-gar-
cons-par-yves-raibaud-geographe/

37
La présence d’une femme dans un espace d’hommes peut être
ressenti comme un facteur anxiogène, un danger potentiel.
L’absence « connue » de femme ((stigmatisation spontanée)
dans cet espace est un repère en moins. Pour autant, cela
ne signifie pas que l’endroit est plus dangereux. Néanmoins
la femme anticipe et finit par se créer ses barrières. Ceci
nous amène sur la question de l’insécurité en lien étroit
avec la pratique de la ville de nuit.
De plus, le CNRS de Bordeaux qui a mené des études sur ces

E
G
questions de genre, constate que les mêmes inégalités se

A
retrouvent dans le mode de gestion de la ville. Ainsi, la

YS
présence des femmes aux postes clés est faible, qu’il s’agisse

PA
des élus ou des personnes qui pensent et construisent la

E
ville de demain : les architectes, urbanistes, directeurs

D
des services d’équipement et concepteurs des programmes

ET
urbains sont presque exclusivement des hommes.

RE

R
EU
TU

UT
C
Le CNRS de Bordeaux qui a mené des études sur ces questions
U UX ITE

'A
de genre, constate que les mêmes inégalités se retrouvent
A A H

D
dans le mode de gestion de la ville. Ainsi, la présence
IS DE RC

IT
des femmes aux postes clés est faible, qu’il s’agisse
RO
UM R 'A

des élus ou des personnes qui pensent et construisent la


O BO E D

ville de demain : les architectes, urbanistes, directeurs


des services d’équipement et concepteurs des programmes
T S DE UR

urbains sont presque exclusivement des hommes


E
RI
PE

En voilà un autre problème. Finalement, la ville est faite


SU

par, et pour les hommes dans une société où la croyance


globale considère le skate trop dangereux pour une fille.
LE

EN
A

UM
N
TIO

C
A

O
N

D
LE
O
EC

38
Néanmoins, on remarque aujourd’hui une évolution de la
politique. Certes, le corps élu n’est toujours pas composé
d’autant de femmes que d’hommes mais la prise en compte
du prisme « genre » commence à se développer. La mise en
place d’un « gender budgeting » consiste à évaluer les
budgets publiques sous l’angle du genre pour rééquilibrer
les dépenses en faveur des femmes.

Il s’agit d’éviter que l’action publique ne contribuent

E
G
au renforcement des stéréotypes et cela passe aussi par

A
l’invention notamment d’équipements moins sexués.

YS
Gui di Méo parle de contrôle politique, de dépendance et

PA
de domination qu’exerce un ordre de valeurs et pressions

E
familiales et patriarcales.

D
ET
Il s’ensuit donc que la femme se connaît et se choisit non

RE

R
en tant qu’elle existe pour soi mais telle que l’homme la

EU
TU
définit.1 Il existerait alors selon moi une manière générique

UT
C
d’être femme et homme dans l’espace public, avec les
U UX ITE

'A
autres, qui serait maintenue notamment de manière encore
A A H

inconsciente par les politiques. D


IS DE RC

IT
Il consiste à faire endosser et même incorporer par les
RO
UM R 'A

femmes et autres individus dominés (gays, lesbiennes, bi et


O BO E D

transsexuels) les causes supposées et socialement établies


de leur apparente infériorité, ou tout au moins de leur
T S DE UR

différence. Les causes supposées de cette dissymétrie


E

reçoivent la qualification de naturelles ou bienséantes : les


RI
PE

femmes partageant massivement la conviction de l’obligation


SU

d’une retenue particulière, dans leurs comportements


publics, liée à leur appartenance de sexe. Le genre se
LE

EN

charge d’un contenu politique idéologique.


A

UM
N
TIO

N’y a-t-il donc pas un combat à faire sur tous les fronts?
A

Education,politiques publiques et adaptation du genre.


N

Au lieu d’être un critère de séparation le genre ne peut-


LE

il pas être au contraire le passeport d’entrée de certains


O
EC

lieux ? Si chacun considère que le schéma binaire féminin/


masculin n’existe pas vraiment alors les lieux seraient-ils
plus mixtes?

1 Simone de Beauvoir, deuxième sexe 1929

39
2.3 La psychose de l’insécurité façonné par la nuit :
autocensure à la mobilité en ville

Si le genre peut être une porte


d’entrée vers une liberté d’accès
à l’espace, alors l’insécurité
est bien un mur.

E
En effet, cette notion, n’est elle

G
pas au coeur du problème? Même

A
YS
si des nuances d’usages en ville
existent entre homme et femme de

PA
jour, celles-ci semblent prendre

E
beaucoup plus d’importance lorsque

D
le soleil se couche. La ville

ET
semble se verrouiller.

RE

R
L’insécurité est un large thème en

EU
TU
effet qui relie plusieurs notions

UT
C
aux degrés différents.
U UX ITE

'A
A A H

D
IS DE RC

IT
RO
UM R 'A
O BO E D

D
T S DE UR
E
RI
PE
SU

« Parmi les peurs nocturnes, rurales et urbaines, le loup


LE

EN

est omniscient, focalisant à la fois la peur de l’ennemi


A

et celle du charognard. Ce climat d’insécurité favorise la


UM
N
TIO

création dans l’imaginaire médiéval d’une vision démoniaque


C

d ela nuit : bêtes horribles, incubes (démons lubriques),


A

succubes (diablesses), loups-garous. Les gens croyaient à la


N

manifestation des morts revenant sous une forme physique. (…)


LE

C’est aussi l’exhortation des frustrations diurnes à travers


O
EC

la recherche du plaisir festif (délinquance, violence,


alcoolisation, abus divers, conduites d’excès...)
La nuit agit alors comme la soupape d’une cocotte-
minute permettant d’évacuer les surpressions acumulées
à travers la vie sociale diurne pour mieux l’affronter
quotidiennement »1

1 Jean Noël Berguit, l’Histoire de l’homme à travers la nuit.

40
Comme on a pas le voir lors du parcours, la ville change de
visage de nuit. Elle entre dans une nouvelle dimension où les
éléments sont plus flous, les gens moins nombreux, sans parler des
symboles et représentations que porte la nuit depuis toujours.
Yves raibaud explique de manière très juste que «les femmes
adoptent des stratégies comme ne pas sortir, porter certains
vêtements, éviter ertains quartiers.» Ces stratégies mises
en place sont le résultat direct de la phobie du viol
(véhiculée par les médias) et du phénomène d’harcèlement

E
G
de rue qui s’exprime à différents degrés.

A
Pour cette partie je me suis essentiellement basée sur le

YS
mémoire de Laura Van Puymbroeck, étudiante en géoraphie

PA
à Bordeaux II, qui a étudié de manière pointilleuse ce

E
phénomène sur la ville de Bordeaux.

D
ET
RE

R
Harcèlement: Enchaînement d’agissements hostiles dont la

EU
TU
répétition affaiblit psychologiquement la personne qui en

UT
la victime.» (wikipédia)
C
U UX ITE

'A
Soumettre quelqu’un à de continuelles pressions,
A A H

D
IS DE RC

sollicitations.(Larousse)
IT
RO
UM R 'A
O BO E D

Laura évoque dans son travail la notion de banalité, de


quotidienneté du phénomène.(«ancré dans notre société,
T S DE UR

inoffensif»)
E
RI

Mary Le Vaillant explique que «le harcèlement de rue est


PE

revenu sous une autre forme. Dans les années 60-70 dès
SU

qu’une fille était pubère elle se faisait siffler. On y


LE

entendait une sorte d’hommage populaire, aujourd’hui c’est


EN
A

plus agressif»
UM
N

Les femmes intègrent très jeune que la rue représente


TIO

le danger. Elles se déplacent moins, ne stationnent pas,


C
A

restent en mouvement.D’après le mémoire de Mari Lagan,


N

étudiante en sociologie, l’ ENVEFF ((enquête nationale


LE

sur les violences envers les femmes en France) relèverait


O

davantage d’agressions au sein des sphères privées qu’en


EC

ville chez les femmes. Alors pourquoi la peur de la rue


est-elle cultivée auprès du sexe féminin ?
Le danger imaginé de la ville la nuit est-il surmontable
par les hommes et pas les femmes ? La nuit est-il aussi un
espace-temps au masculin?

41
Guy di Méo parle lui de « sentiment d’insécurité » qui
se présente sous deux dimensions : réelle et perçue.
La nuit transforme la ville qui passe d’un espace
libérateur à un terrain de discriminations sociales.
Comme l’explique Jacqueline Coutras, « ce problème est
d’autant plus invisible que les femmes ont intériorisé
comme norme le fait que les villes soient inadaptées à leur
besoins Guy di Méo parle lui de « sentiment d’insécurité »
qui se présente sous deux dimensions : réelle et perçue.

E
G
La nuit transforme la ville qui passe d’un espace

A
libérateur à un terrain de discriminations sociales.

YS
Comme l’explique Jacqueline Coutras, « ce problème

PA
est d’autant plus invisible que les femmes ont

E
intériorisé comme norme le fait que les villes soient

D
inadaptées à leur besoins et peu sécurisées. »

ET
En effet, il ressort des entretiens menés par S. Denefle,

RE

R
que les femmes interrogées trouvent naturel de ne pas

EU
TU
devoir sortir la nuit, sans questionner cet état de fait.

UT
C
U UX ITE

'A
«Est-ce pour des raisons économiques, voire écologiques,
A A H

D
IS DE RC

ou parce qu’ils imaginent les femmes au foyer le soir,


IT
RO

que les pouvoirs publics ont récemment décidé d’éteindre


UM R 'A

l’éclairage public entre minuit et 5 heures du matin


O BO E D

pour 5 000 communes de France ?» ajoute Yves Raibaud.


Pourquoi nombre de lieux festifs et nocturnes sont-ils construits
T S DE UR

sans toilettes ? Parce que la nuit est un espace jugé masculin.


E
RI
PE

Marlène Lieber, professeur à l’institut des études sur


SU

le genre, rajoute que «les femmes subissent des rappels


LE

à l’ordre sexués, des petits actes qui n’ont rien de


EN
A

grave mais qui leur rappellent sans cesses qu’elles


UM
N

sont des proies potentielles dans l’espace public»


TIO

Si l’on en croit les statistiques, les hommes sont les


A

O
N

plus susceptibles d’être victimes d’agression dans cette


D
LE

même sphère publique. Et pourtant, des études montrent


O

qu’ils sont trois fois moins nombreux que les femmes à


EC

déclarer éprouver un sentiment d’insécurité. La peur des


femmes dans l’espace public n’est donc pas directement la
résultante de la réalité mais une construction sociale,
sociologique et historique érigée pour asseoir le pouvoir. 1

1 Chris blache ex-conseillère d’eva joly, activiste du groupe féministe


la barbe et pascale lapalud cofondatrice de l’association genre et ville
- Libération - Dans la rue, même pas peur !- 7 MARS 2013

42
Afin de mettre en perspective les propos abordés dans cette
première partie, j’ai voulu consacrer une part importante
du mémoire à l’expérimentation, au travail de terrain.
Ainsi, ce qui suit est la retranscription synthétisée des
parcours réalisés durant l’année en femme et en homme.

E
G
A
YS
PA
E
D
ET
RE

R
EU
TU

UT
C
U UX ITE

'A
A A H

D
IS DE RC

IT
RO
UM R 'A
O BO E D

D
T S DE UR
E
RI
PE
SU
LE

EN
A

UM
N
TIO

C
A

O
N

D
LE
O
EC

43
EC
O
LE
N
A
TIO
N
A
D LE
O
C SU
UM PE
RI
EN E
T S DE UR
O BO E D
UM R 'A
IS DE RC
A A H
U UX ITE
D C
RO TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
Illustration Betty Bone pour Télérama.
E
44
EC
O
LE
N
A
T
II) Bordeaux, ville aux IO
deux visages : exploration et recherche de barrières
N spatiales
A
D LE
O
C SU
UM PE
EN RI
J’ai choisi de tester moi-mêmeT la ville
D EURen tant que femme, afin d’essayer de comprendre un
peu mieux où s’installent les limitesSO dans E
E l’espace urbain. Mes limites? Je me suis basée sur
un parcours assez aléatoire qui traverserait
UM R 'A D
BO les différents quartiers de Bordeaux de manière
justement à ne pas les fragmenter entre eux et éviter les généralités. Néanmoins, Bordeaux
reste une ville faite de quartiers aux caractéristiques
IS DE RC bien différentes (population, image et
symbolique, architecture, activités) ce qui amènera
A A desHréponses à mes questionnements diverses.
De plus, j’ai voulu parcourir des espaces en général
ITE
U UX«connus» par tous, des places, des cours,
D C
R
des rues importantes de Bordeaux plutôt que des passages, des ruelles, qui sont parfois aussi,
il est certain, des lieux évités. Le but était de meOmettre dans
TU une position d’intéraction avec
les autres pratiquants de la ville, plutôt que passer
IT par desRErues «résidentielles» , certes
parfois plus anxiogènes puisque «éteintes» d’activités la
D nuit. E
'A TD
UT
EU E
R PA
YS
A
G
E
45
EC
O
1) Présentation d’unL parcours de nuances au féminin
E
N
A
TIO
1.1 Bordeaux le jour, des quartiersN aux frontières culturelles et sociales
A
D LE
O
Je voudrais rapidement présenter
C les Squartiers
UP sans narrer dans le détail le parcours de jour
U
puisqu’il est vrai que je n’ai pas M ressentiER de limites ou de gêne en les traversant excepté sur
les quais au skatepark, partie sur ENlaquelleIEje reviendrai. Je reviendrai aussi sur Saint Michel
où ce sont des détails qui me sont apparus
T S DE etURqui révèlent des pratiques surprenantes.
Le fait que je ne développe par le parcours montre déjà que la nuit, est un paramètre
qui change tout. UM R 'A D
O BOdeE jour
IS DE RC
Je commence par le quartier des Chartrons, Apasse A H
U
par la chambre des commerces et me faufile dans une
UX IT
D EC
rue étroite pour tomber sur la rue Notre-Dame. Les RO TU
vieux meubles et tableaux innondent les trottoirs.
Je m’arrête acheter un sandwich chez un traiteur T D
I RE
italien que je paie une fortune! L’activité y est 'A ET
faible et la population aisée. Le quartier m’a paru UT D
un peu déconnecté du reste de la ville et la présence EU E
de nombreux espaces verts, de parcs lui confèrent R PA
un aspect «noble» et chic. C’est le quartier de la YS
promenade, de la belle architecture. Le calme est A
l’adjectif qui me viendrait pour décrire l’endroit. G
Calme et agréable. Presque endormi de jour.
E
46
EC
C’est en arrivant
O
vers
les Grands-Hommes qui le rythme s’accélère. Je m’enfonce vers Saint-
LE
Pierre. C’est un quartier qui représente le lieu que je fréquente le plus régulièrement depuis
N
quatre ans. Il est l’ancien quartier des négociants et a donc toujours connu la richesse même
A
s’il a été fortement dégradé au XIXème siècle. En plus, la politique de sauvegarde de Bordeaux
TIO
lui a redonné un certain cachet. Aujourd’hui, il s’est considérablement embourgeoisé et symbolise
N
le quartier bohème , « artiste ». Ses habitants sont essentiellement des retraités, des cadres
A
D
supérieurs et des étudiants issus de familles aisées. En somme une catégorie sociale élevée. Le
LE
O
tramway ne passe pas au cœur du quartier et on y accède à pied ce qui le rend plus intime.
C SU
UM PE
Son architecture de l’hôtel particulier avec balcon et de la pierre ravalée, lui confère un
RI
EN E
caractère pittoresque mais élégant. Lorsque je m’y promène, il se dégage de ces rues pourtant
étroites une forme de chaleur et de sécurité. Les boutiques de prêt-à-porter « haut de gamme »
T S DE UR
semblent fleurir de partout, tout comme les petits bars « branchés » sur les places. Le quartier
O BO E D
est tout aussi vivant la nuit. UM R 'A
Les lampadaires s’allument sur les places et les terrasses sont envahies. Le but est de repartir
IS DE RC
sur le terrain de manière plus objective et d’observer les pratiques, la présence des femmes, ce
A A H
qu’elles font, si elles consomment, se promènent ou s’arrêtent à un endroit prendre un café, et
U UX ITE
D
quel endroit. Le but est aussi de regarder quels âges se brassent, quelles catégories sociales
C
se mêlent en me basant approximativement sur l’habitus1 du sociologue Bourdieu (« la manière
RO TU
d’être, de se vêtir, apparence... »). Ces explorations se feront de jour et de nuit. J’ai limité
IT RE
D
le premier site à la rue du Parlement qui donne sur la Rue Saint-Catherine,et englobe la place
'A ET
du Parlement, la Place Camille Jullian jusqu’à la place Saint-Pierre et ses ruelles.
1 « principe générateur (et unificateur) de pratiques reproductrices des UTstructuresDobjectives » (Pierre Bourdieu et
Jean-Claude Passeron, 1987) EU E
R PA
YS
A
G
E
47
EC
Le parcours continue par
O le quartier Saint-Michel. C’est un endroit que j’ai découvert il y a
LE
seulement un an et que je moins bien mais qui m’a marqué par son identité. Il apparaît
Nconnais
très mixte et semble brasser une ancienne population immigrée bien ancrée, avec une nouvelle
A
plus aisée, de cadres supérieurs
TIO et étudiants.
La consommation est « de proximité » avec la présence du marché des Capucins et de petits
commerces familiaux. Notons que A
N j’ai commencé le mémoire avant que les travaux de la place
soient réalisés. Aujourd’hui,
D le projet L est terminé et il faudra un temps pour analyser ce que
la transformation du lieu aO induit Esur l’usage. Le pavage y est plus froid, la place est plus
C
«propre» mais nettement moins U
SU
chaleureuse...
PE
M RI
On retrouve à nouveau la journée Eles terrasses
la menthe. C’est un bout de Bordeaux
N D EU au soleil où l’on peut se poser boire un thé à
bulle. Mais le soir, seuls les restaurants
T à part,
E », REune
sont encore allumés. Le quartier est S«O mort sombre, et peu éclairé et semble donc beaucoup
BO Denglobe la place Saint-Michel ainsi que l’axe
moins agréable à traverser. Le périmètreU exploré
menant au cours Victor Hugo et celui aboutissant
M RD au'ARMarché des Capucins. J’ai choisi ensuite de
traverser, la place de la Victoire avec sesIS deuxEbranches importantes, la rue Sainte-Catherine
(jusqu’au Cours Victor Hugo) et le cours de la A C
A Marne H
(jusqu’au marché des Capucins) qui ont des
usages différents de nuit et de jour.
U UX ITE
D C
RO TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
48
EC
O
La place de la VictoireL représente pour moi un repère que j’ai fréquenté de temps en temps en
première année d’études Epour la bibliothèque «Harry Potter» de psychologie la journée et les
N
bars comme «le Break» pour Asortir le soir. Mais il est vrai que je ne me pose en fait jamais
à la victoire. C’est tout auTImieux un point de rendez-vous mais je n’y reste jamais vraiment.
C’est un espace connu de tous Oqui génère par sa morphologie et la présence du tramway en plein
N
milieu, un grand brassage de personnes très différentes en terme d’âge,de sexe et de catégorie
A
D
sociale. Quand le tram annonce Victoire,
LE c’est un flot de gens qui dégouline et sort de la rame.
Je pense que c’est le lieu Ole plus connu
C
une image plus jeune et populaire.
SU de Bordeaux. Le repère un peu de tous. Le site dégage
UM PE
Mais qui y reste vraiment ? Les femmes IE
EN se Rposent-elles à la Victoire ?
D
TS E R U
La place est faite de manière particulière E
Bpuisqu’elle est entourée d’un axe routier important.
De jour, il y règne du bruit, une certaine O D
O effervescence
UM R 'A constante et une excitation. L’ambiance
y est bien différente qu’à Saint-Pierre. Les bars sont beaucoup plus étalés, proches de la route
et moins intimistes que dans le cœur historique.
IS DE RC
Cet endroit semble toute la journée « grouiller A »Ade monde
U U HI et pourtant le soir, il est désert.
Ceci est d’autant plus marquant dans la rue Sainte-Catherine. Les boutiques de prêt-à-porter
D X TEC
« cheap » innondent les rez-de-chaussées de la rue Rla plus passante qui demeure éteinte toute la
nuit. Le contraste est flagrant. L’activité de nuit O se déplace
TU sur le cours de la Marne et part
vers les quais. IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
49
EC
O
J’ai voulu explorer un Lendroit particulièrement évité dans de nombreuses villes:
E
le quartier de la gare. Bordeaux connaît une stigmatisation concernant ce quartier qui se situe
N
proche de Belcier (quartierA victime d’une grande pratique de la prostitution)et accueille une
population souvent modeste. JeTIOprends le cours da la marne de jour pour accéder plus tard aux
quais.
Il est 15h et le cours est agréable.
N La première portion Victoire-Capucins est ponctuée de lieux
A
D
de restauration, de superettes et coiffeurs
LE ouverts. Je passe devant la place André Meunier (à
l’époque sans les travaux O du parkingS sous terrain). J’arrive à identifier au loin une petite
C
cabane en bois avec des gens autour sur
UP des chaises. Je m’approche voir et constate que c’est
U M
une guinguette solidaire de quartier où Eles prennent un café et peuvent jouer à des jeux
de société. Chaleureux et surprenant.
RI gensquelques
EN Il manque arbres pour que la place soit vraiment
D EU
plaisante. Je continue le chemin et Tcroise beaucoup de voyageurs tirant une énorme valise.
Le cours est une zone de transit avecSbeaucoup E REde circulation routière et piétonne vers la gare
Saint Jean, c’est assez marquant. Les feux
O BOsemblent
U D compacter les voitures contre les bus et
ennuyer tout le monde. L’arrivée devant M la gare
'A un point ìmportant où je ressens des flux
dans tous les sens. Une fourmilière. Même la I
RD estR
S terrasse Cdu café le Levant est pleine.
A EA H
Direction les quais. Nous sommes samedi après-midi,
U UXaprès ITE la gare, je pars comme beaucoup de
D
fois sur les quais pour me rendre au skatepark. Il Rfait beau, C je rattrape les terrains de sport,
O
endroit où je ne vais habituellement jamais, peut être toujours
TU trop pressée d’aller skater.
Il y a un grand espace de beach-volley divisé en trois
IT terrains, RE je m’y arrête puisque je sais
que Julia, une copine y est allée jouer. Je la vois, elle
D E
'A me faitT signe directement de venir.
J’hésite, n’étant pas certaine de mes talents de volleyeuse, D par entrer sur le terrain
UT puis finis
en déposant mon skate et en marchant dans le sable en sa direction. EU Il Ey a alors cinq filles, dont
deux qui regardent, pour une quinzaine de garçons mais ce n’est Rpas gênant.
PA Très vite l’ambiance
est très accueillante, on ne connaît pas les gens et ils proposent de rejoindre YS leur équipe pour
jouer ensemble. A
Je me retrouve avec quatre garçons qui me font une place dans leur équipe. J’affronte G mon amie
E
et le groupe qu’elle vient aussi de rencontrer! Elles sont deux filles de l’autre côté du filet.
50
EC
O
A côté, ça joue plus physique, deux équipes de garçons. Je passe un excellent moment malgré mes
LE
lacunes en service...Je décide de partir. Je passe devant les terrains de foot ou plutôt devant
une nuée de garçons. Ca à l’air
N chouette pourtant, ils crient tous! Mais je risque d’être intrus.
A
Le miroir d’eau est noir de monde.TIO Nous sommes en avril, les couleurs changent et la température
en fait de même. J’ai devant moi un panel de gens de sexes, d’âges de culture et de situations
sociales toutes différentes. Une A
N hétérogénéité étonnante. Certains jouent avec l’eau, d’autres
s’assoient sur les marches L
D pour parler mais tous se mélangent. Je remarque beaucoup de femmes
entre amis ou en famille, avec O leursE Senfants..
C UP
Et puis je me mets à rouler, à M
U balancer ma ER jambe gauche pour me propulser. C’est fou comme les
gens regardent quand on est une fille EN et queIEl’on fait du skate. Comme surpris! Du moins, ils le
remarquent. J’arrive au skatepark et UR sont déjà partout. Un skatepark c’est un peu
T SlesDEgarçons
une arène. On affronte personne en skate, E
O Bcontrairement à un terrain de foot. Juste la chute,
le risque. Mais il règne toujours une sorte O
de
UM R 'A D
tension impalpable voilé par l’idée d’une réelle
pratique urbaine «cool». J’hésite toujours avant de rentrer et passer les barrières. J’observe.
Peut-être qu’il y a une autre fille qui tente IS les RC
D rampes. Et cette fois encore je suis seule,
E
j’attends qu’il y ait moins de monde. C’est Ale show. A HTout le monde s’arrête pour regarder le
spectacle et les garçons faire des «figures». C’est
ITE
U UX peut-être cela finalement la réponse sur
D C
les équipements sexués masculins. Ils sont visibles.
1
R La visibilité/invisibilité des espaces
est-elle liée au genre? Admettons que les femmesO fassent U
T de manière générale des activités
I
spécifiques comme la gymnastique, le yoga, le théâtre,T la musique,
RE la natation.
Sont-elles visibles lorsqu’elles le pratiquent? Faut-il'Ainstaller
D ET plus d’équipements gratuits
visibles? (exemple d’équipements de musculation et d’exercices D en libre accès sur les
quais de Rosario, Argentine).
UT physiques
. Ou bien rendre plus visible des E
activités cachées, cloisonnées?
EU
R P A
YS
A
1 Entretien avec Yves Raibaud G
E
51
EC
1.2 La nuit, créateur de
O barrières mentales
LE
N
A
De manière à ce que les évènements
TIO rencontrés de
nuits ne soient pas anecdotiques N ou soient l’unique
fruit du hasard, j’ai voulu réaliserA les parcours
D
plusieurs fois dans les quartiers (au
LE moins deux fois)
O
pour voir si certaines expériences Sse répétaient.
C
Le témoignage qui suit, est donc un assemblage
UP des
multiples parcours réalisés de M
U nuit, queERj’ai réuni
en un témoignage unique. EN IE
D
T S E UR
Nous sommes le mercredi 8 mai, il est O 21h53B je Epars.
Il fait bon. J’ai attendu que le soleil D
UMseORcouche
pour que la nuit se réveille. Je marche depuisDchez
'A
RC
moi, Gambetta, pour attraper le tramway. Dedans E
IS déjà,
peu de femmes ; seules du moins. Je regardeApar U
Ala H
UX IT
fenêtre les images défiler. Tiens ! Du monde au Grand D EC
théâtre, un cours de danse en plein air ! Amusant. RO
J’essaie durant le trajet de me sortir de l’esprit
TU
cette « mission » pour laquelle je me déplace. Mais T
I RE parcours
je ne cache pas mon appréhension. Pourquoi ? Je ne
D
'A ET arrêts
sais pas répondre. Je tente de me mettre dans la UT D évenements :
peau d’une fille qui ne connaîtrait pas Bordeaux et E entretien, drague
légère, drague
EU
voudrait se promener de nuit comme n’importe qui. R PA
lourde
( Absurde ?) Rien que cette phrase sonne étrange YSA sensations :
comme si se promener seule en étant une femme, sans hésitation, gêne,
objectif particulier qui plus est le soir, relevait G appréhension,
de la bizarrerie. E stress, peur
2ème phase :
52 Grands Hommes -
Cours Victor Hugo
EC
O « CAPC Musée d’art contemporain » me dit
LE
la jeune femme du tram - je sors.
N Je passe par la chambre des métiers des
A
TIO chartrons, là où j’avais découvert de
jour, ce passage et l’escalier vert.
N Cette place toute ouverte et vaste qui
A
D LE m’avait parue si mystérieuse et douce à la
O fois, me paraît tout à coup beaucoup trop
C SU
mystérieuse et pas très rassurante ! Et
UM PE
RI devant mon escalier vert, les problèmes
EN E commencent puisque je sens une réticence
T S DE UR à traverser le passage. Pas de lumières
O BO E D mais j’y vais. Je débouche sur la rue
UM R 'A Notre Dame qui comme de jour est presque
vide mais très éclairée.
IS DE RC
A A HUn passage lumineux ! La rue du village.
U UX Malgré
ITE son aspect désert je ressens une
D C , ou du moins, pas la moindre
RO chaleur
crainte
TU à sillonner son sol. Je passe les
IT galeriesRE d’arts et les antiquaires en
Dsifflotant.E
'A TD
UT
N’a-t-on (et surtout!) une
stigmatisation
R P
EU pas Eaussi
de chaque
A lieu ? Un préjugé
inévitable sur chaqueYS endroit ? Je suis
déjà venue ici de jour.A Je sais alors que
G
c’est l’allée des antiquaires, la rue des
E
bobos, le village des gens « aisés ».
53
EC
O
Ma tranquillité n’est-elle
LE pas liée à l’étiquette
du quartier ? Les chartrons n’étaient-ils pas
N
pourtant, un quartier populaire il y a de ça un
A
siècle? TIO
Je vais jusqu’au bout de cette voie si propre
N
qu’elle semble avoir été lavée au Akarcher, et dont
les pavés brillent sous mes
D pas. J’entends
LE de la
musique. O
C SU
Il y
P
Ah, j’arrive enfin sur la place Udes Chartrons.
a du monde en terrasse ! On le sent,
M c’estERle début
des soirées d’été. EN IE
D
40+
T S E UR
Je croise quelques trentenaires et quadragénaires
mais se sont les plus jeunes ici. Je reste
BO E D
O quelques
UM R 'A
instants devant l’entrée de la soirée argentine
et observe ces dames toutes accompagnées par
D RC
IS leur
A EA H
cavalier. On se croirait dans un tableau de Toulouse
Lautrec, à tous flotter en rond sous ce chapiteau
U UX ITE
métallique. Il s’agit clairement d’un bal ! IlR
D C
règne une douceur, le sentiment d’une vie simple O TU
et facile ici. C’est son visage pittoresque qui le
IT RE
rend encore plus chaleureux. Comme une peinture.
D
'A ET
On a l’image du bistrot éclairé l’été. On se sent UT D
vraiment à part, en dehors de Bordeaux. Je l’avais EU E
remarqué de jour mais là, de nuit l’effet est R PA
encore plus fort. YSA
Le bruit et la vie n’est concentrée que sur cette
petite place. Autour, c’est le silence le plus G
absolu. Eplace des Chartrons
54
EC
O
Je me pose juste devant Ll’entrée de la soirée salsa pour écrire un peu. J’y reste un petit temps,
tranquille à les regarder.E
Je croise le regard d’un des
N organisateurs sans doute, qui sortait fumer sa cigarette.
A
Il s’approche presque immédiatement
TIO vers moi, intrigué, et me demande avec le sourire ce que
je fais à cette heure-ci à écrire . Je lui explique, brièvement l’histoire du mémoire. Amusé,
N
il me dit que je peux rentrer danser. Mais le parcours est encore long alors je le salue et
A
continue ma balade nocturne.D Une jeune
LE fille seule, à l’arrêt, en ville à ving-deux heures peut
donc surprendre. O
C
Je passe vers la place Paul Doumer,
SU
déserte.Je ne m’y arrête pas et décide de repasser par le
rue d’Aviau, sous ce velum végétal
UM qui Pm’avait
ER paru de jour si doux. Je m’y étais même arrêté
pour un croquis. EN IE
T S DE UR
O BO E D
UM R 'A
IS DE RC
A A H
U UX ITE
D C
RO TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
55
EC
O
LE
N
A
TIO
N
A
D LE
O
C SU
UM PE
RI
EN E
T S DE UR
O BO E D
UM R 'A rue d’Aviau 22h

IS DE RC
Mais Alà, la
A Hn’a plus du tout le même visage.
U Urue
D X ITEC
Le mail d’arbres est noir comme un tunnel et seules les
rues qui le O
R bordent sont
TU faiblement éclairées, comme par
des loupiotes.IT Je continue
RE de marcher mais le passage
D
est tout sauf agréable. L’endroit est éteint. Il n’est
'A
absolument pas traversé
ET
même par les voitures,comme
U
endormi. Cette rue est T D
E l’une des plus riches de
EU pourtant
Bordeaux mais la résultante de mon
PAcorps dans l’espace est
R
stressante. Une allée large pas éclairéeY ni fréquentée.
J’entends le gling-gling du tramwaySA au loin sur le cours
Verdun où tout à coup le bruit la G lumière et la vie
rue d’Aviau 15h reviennent. E
56
EC
Je traverse Tourny pour
O me diriger vers le
LE
marché des grands-Hommes. personne
mais le bruit des axes alentours
NIl n’y eta des gens
A
s’installe dans la rue. La Tnotion
IO de bruit
est un paramètre à prendre en compte. Il est
N
un indicateur supplémentaire de nuit,
A lorsque
l’on ne perçoit pas toutD de loin. LE Il peut
être rassurant ou au contraire
O l’indice
C
situation qu’on ne veut pas rencontrer.
SU d’une
UM PE
RI
L’endroit est ponctué tout le long Ede vitrines
N E
éclairées. T S DE UR
Ces boîtes à lumière participent à accentuer
O B ED
l’aspect « commode » de la rue. Même Us’ilO
ne s’y passe rien, finalement l’endroit n’est M RD 'AR
pas repoussant et les mannequins habitent la IS E C Grands Hommes 22h30
rue. A A H
U U I
D X TEC
RO TU
Il est 22h30 et je croise essentiellement des hommes IT seuls.REEn fait, je ne rencontre pour
l’instant aucune femme, sauf une, à vélo. D
'A ET
Où sont les femmes le soir? UT D
Je traverse le cours de l’Intendance et me retrouve sur la rue EU Porte EdeP Dijeaux emportée par le
flot soudain des gens et du bruit. L’espace est saturé, un vrai RboulevardAoù les femmes marchent
seules librement ou entre amies, comme une évidence. YS
Les lampadaires installés tous les dix mètres éclairent la pierre et participent A transformer
le lieu en un vrai couloir lumineux, un passage urbain serein où tout le monde G està chez soi.
E
57
EC
O
Je ne me pose à ce Lmoment-là aucune sorte
E
de question, c’est une ballade La rue
N nocturne.
change alors de nom, elle devient Saint-Rémi
A
et je prend à droite, en direction
TIO de la place
du Parlement. Là, l’effet de masse est encore
plus fort puisqu’il ne s’agit plus
N d’une rue.
A
Les flux s’apaisent, les gens
D se posentLE et je
me retrouve face à mille etO unes terrasses.
population est plutôt jeune, de
C SU La
20 à 30 PEans,
un équilibre entre étudiants et M
U jeunes actifs.
A priori il y a autant de femmes que
RI
EN d’hommes.E
Je remarque une attention toute particulière
T S DE UR
accordée au vêtement. C’est plutôt chic. O Ou BduO E D
moins «branché». UM R 'A
Je vois des tenues habillées, de sortie. IS DE RC
Je continue rue Saint-Pierre. Les terrassesA A H
s’étalent à nouveau et envahissent le passage
U UX IT
D parcours
EC
à tel point qu’il ne reste qu’un petit mètre RO arrêts
cinquante pour se faufiler. A croire que tout
TU
évenements :
Bordeaux s’est donné rendez-vous ici. Une
IT entretien,Rdrague
E
concentration d’individus dans un vide si
Dlégère, dragueE
'A
lourde
étroit. Il surgit dans mon esprit à nouveau U
sensations :
TD
l’image du village. Un peu comme aux Chartrons hésitation,
TE gêne, E
mais plus effervescent, plus dynamique et appréhension,
UR PA
stress, peur
bruyant. Depuis Saint-Rémi,la sensation de 2ème phase : Y
Grands Hommes -
chaleur et de communauté s’exacerbe un peu
SA
plus. La promiscuité se fait plus forte. Cours Victor Hugo G
E
58
EC
Ici, je croise des bars
O mais aussi beaucoup de restaurants où l’âge de fréquentation bouge,
LE
il est parfois un peu plus
monde.
N élevé, entre 30 et 40 ans. Les femmes sont partout et avec tout le
A
Je me sens bien, mieux encoreTI qu’aux Chartrons, peut-être parce que je connais.
O
Je suis libre dans un endroit que je maîtrise. Serait-ce causé par l’éclairage abondant de
l’espace, sa morphologie étroite,
N la présence de femmes, l’âge des gens qui l’occupe, leur
A
statut ? D LE
O
C SU
Pratiquerait-on des lieux qui nous
PE
UM ressemble
EN RI ?
D EU
Je quitte Saint-Pierre, direction S T E RE
Saint-Michel que je connais moins. Je O BO D
traverse la place Fernand Lafargue qui U M RD 'AR
est très calme, on est que mercredi IS E C
mais je sais bien que c’est le fief A A H
des étudiant les jeudis soirs. C’est U UX ITE
en haut de la rue Saint-James que D C
ce sont réunis les jeunes ce soir.
RO TU
Ils discutent autour d’une bière, se IT RE
rassemblent devant le Vintage Bar, D
20-30 'A ET
et +
lieu un peu branché aux consommations
peu chère et donc par extension,
UT D
« squat à étudiant ! » depuis qu’il EU E
R PA
a ouvert il y a un an.
YS
A
rue St Pierre
G
Ph Sud Ouest
E
59
EC
Un peu moins de
O
femmes visibles, mais l’espace
LE
est très éclairé et pas désagréable.
N
J’ arrive sur le cours Victor Hugo. Je m’arrête
A
un peu après la grosse cloche et là, je ne croise
TIO
que des hommes, seuls ou en groupe. Il est 23h20
N
et une bande de trois garçons passent devant moi
A
D
mais de l’autre côté de la route, sur le trottoir
LE
O
d’en face. L’un d’eux m’interpelle de loin et
C
me crie son numéro ; je le regarde, lui souris
SU
UM PE
poliment en hochant la tête. Ils rient. RI
A peine cinq minutes plus tard, je m’arrête et
E
EN
sors mon carnet pour écrire des observations
T S DE UR
Cours Victor Hugo
O BO E D
UM R 'A
quand j’entends un bruit derrière moi. Le son
IS métallique
D RC se fait de plus en plus proche, et un
homme me passe devant en trottinette en chantonnant
A EA etH il s’amuse alors à me tourner autour ;
je ne peux pas bouger, j’attends qu’il ait U terminé
UX son ITE numéro. Deux tours et il finit par
m’interpeller. D C
RO TU
«- Hey, salut. T’écris quoi comme ça ? Ca va bien pour IT toi ? Tu
RE rentres de soirée ? »
Je lui réponds oui, que je prends des notes pour un travail
D mais que je rentres chez moi, lui
expliquant que je suis fatiguée. ' A E
Il me répond que « c’est dommage » (de?) et me souhaite une D
UT bonne Tsoirée.
EU E
R
Des scènes comme celle-là deviennent habituelles, normales, intériorisées.
PA Le cours Victor Hugo
étant grand, éclairé, passant (en terme de voiture)et représentant un endroit YS que je connais, je
ne peux pas dire avoir été stressée par la situation mais plus légèrement dérangée.A Néanmoins,
si l’on reporte la même scène dans une rue étroite, sombre et déserte, mes sensations
G auraient-
elles été les mêmes ?
E
60
EC
O
LE
N
A
En fait, comme on l’a vu plus tôt, le harcèlement
de rue existe à différents degrés.
TIO
N
Or, la limite entre une interpellation banale comme
A
je l’ai vécu, et une agression ou un harcèlement
D LE
sexuel est mince. Et l’espace-temps a son rôle
O
prédominant. C SU
Il ne s’agit pas là d’alimenter une psychose ou
UM PE
encore de dire que les hommes deviennent une RI
ENE
menace pour les femmes de nuit, mais simplement
de comprendre que quelque soit la rencontre, la
T S DE UR
drague lourde et le harcèlement sont alimentés par
O BO E D
la même peur : la phobie du viol, de l’agression
UM R 'A
sexuelle. On ne peut jamais faire de généralités,
IS DE RC
une situation peut déraper, devenir stressante par
A A H
mille paramètres (réaction de l’interlocuteur, U UX ITE
D
réaction de la passante, provocation, non-réponse, C
personnalité de l’interpellée etc..) mais quoiqu’ilRO TU
en soit, l’espace de la scène induit directement IT RE
une position face à la situation, une réaction et D
une sensation (anxiogène, gênante, agaçante...). 'A 3ème phase
ET : Cours Victor Hugo - Victoire
UT D
EU E
R PA
Je note en tout cas que le cours Victor Hugo est une charnière dans la ville.Y Un passage assez
A
radical qui marque la fin de Saint-Pierre et une disparité des femmes dans Sl’espace.
Je descends en direction de la rue des Faures qui m’amènera à Saint-Michel. G
E
61
EC
O
Et là c’est de plus enL plus hallucinant. Je réalise d’abord que tous les bars ouverts ou
E
commerces sont tenus uniquement par des hommes et ensuite qu’il n’y a pas le moindre signe de
N
femmes lorsque j’arrive surAla place. Je croise ensuite un groupe de deux filles qui traversent
l’endroit, mais ne s’arrêtentTIpas et je remarque qu’une serveuse travaille dans le bar tabac d’à
O
côté. Je longe la place par la rue périphérique au lieu de circuler au milieu, afin de partir en
repérage :
N
A
Il y a bien une femme iciDqui boit Lun mange en terrasse ce soir!?
Je me retrouve à défiler sous
O les lampadaires
E verre oujuste devant les terrasses « masculines ».
C
Le moment n’est pas très agréable
SU
UM alors PE que j’ai fait la même chose à Saint-Pierre et que
personne ne me dérange ou ne m’interpelle. R Mais je ne me sens pas à l’aise, c’est comme ça.
Surtout quand je longe La flèche, Eun PMU barIE tabac bondé d’hommes. Il n’y a pas une seule femme
comme si c’était interdit et un fond
N deDmatch
T S E UR de foot à l’intérieur du bar arrive jusqu’à mon
oreille. C’est impressionnant comme l’endroit et à quel point on se sent intrusive,
UM R 'A D
O BO Erepousse
étrangère. Ils me regardent tel un extraterrestre. La situation est dérangeante et à la fois
drôle. Je tombe sur deux femmes au Rizana un peu plus loin, un restaurant marocain, mais plus
une seule par la suite. Plus je me rapprocheISdes Capucins
D RC et plus je vois d’hommes qui s’emparent
de l’espace. A EA H
U UX ITE
D C
RO TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
62
EC
O
LE
N
1.3 Zoom sur la place Saint Michel et les quais : analyse et constats des mobilités genrées
A
TIO
N
A
D LE
O
C SU
UM PE
RI
EN E
T S DE UR
O BO E D
UM R 'A
IS DE RC
A A H
U UX ITE
D C
RO TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
63
EC
J’ai décidé de zoomer et
O m’attarder sur deux espaces aux morphologies et pratiques différentes
LE
afin d’affiner l’étude sur « féminine ». J’ai fait le choix de m’arrêter sur la
place Saint-michel et sur A
Nlala mobilité
porte de bourgogne et les quais (city stades, miroir d’eau et
skatepark). TIO
Tout d’abord la place Saint-michel car elle représente un espace public emblématique du quartier
N
populaire de Bordeaux. La présenceAde l’église la sépare en deux parties aux ambiances distinctes
D
(place réelle et grand parking au dos).
LE
Un terrain de basket contreOl’église apporte aussi une diversité d’usages. C’est un lieu où l’on
consomme,ou l’on s’arrête.
C SU
UM PE
RI
EN E
T S DE UR
Ensuite, le lieu est à la rotule entre quais
E côté gare, le cours Victor Hugo qui est une
artère importante et le marché des capucins
O lesBquiO
UM R est D un équipement potentiellement fréquenté par
'A
les femmes.
Enfin, la dimension culturelle est évidemment
D
IS un critère RC qui a motivé mon choix. Le quartier est
E
composée d’une grande population d’origine maghrébine.
A A Il
U U HI s’agissait pour moi de confronter deux
lieux aux identités fortes mais différentes afin de D voir X siTEla par le prisme de la culture,
de l’identité d’un lieu et de ses usagers, avait une RO attitude C femme,
nouvelle dans sa pratique.
Afin d’avoir un bref historique du quartier je me suis à nouveau
TU penché sur le travail de Guy di
I T R
Méo qui regarde à la loupe chaque quartier bordelais àDtravers Eson écrit Les Murs Invisibles.
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
64
EC
O
Saint Michel est un Lquartier qui à partir des
E
années 40-50 à la particularité d’accueillir des
N
populations immigrées et pauvres. (d’origine d’abord
A
ibérique portugaises puis maghrébine
TIO et aujourd’hui
subsaharienne et des pays de l’est)
Selon di Méo la population étrangère
N représenterait
A
20% des résidents mais la D population
LE se brasse de
jour comme de nuit. Il parleO de territoire de vie
C
communautaire qui s’organise U autour P
SU
des marchés
commerces ethniques, d’échanges M licitesER ou non.
Il explique que le soir le quartier EN s’anime IE par
D
la présence également de jeunes, deT « bobosUR» qui
investissent le lieu de plus en plusSO E
à l’image
B E Dde
Saint-Pierre. L’effervescence de la nuitU quiOtouche
les quais de Paludate finit par englober le M quartier
RD 'AR
Saint Michel et Sainte Croix. IS E C
A A H
U UX ITE
D C
RO TU
En fait, contrairement à Saint-Pierre qui
s’embourgeoise, les deux quartiers offrent eux T
I RE
encore une mixité sociale et la possibilité d’une
D
'A ET
consommation abordable pour les étudiants. Néanmoins, UT D
il parle d’un quartier controversé concernant les EU E
femmes. « Leur plaisir se partage entre, d’une part, R PA
le plaisir d’y savourer la différence culturelle, YSA
voire un certain exotisme, et d’autre part une
certaine crainte plus ou moins verbalisée. G
E
65
EC
C’est cette concentration
O d’hommes souvent seuls, appartenant
LE
à des cultures où le statut de la femme n’est pas jugé
N 1
acceptable par la majorité des A Françaises qui les gênent. »
(port de voile? libertés de sortiesTIO le soir?)
Il est vrai à en voir les photos que le quartier est marqué
d’une masculinisation inhabituelle.
N Même en pleine après-
A
midi, je traverse la rue Ddes Faures LE et je passe devant le
O
Rihad, salon de coiffure uniquement masculin puis devant La
C
Colombe, un bar restaurant marocain
SU
où ilP n’y a pas une seule
femme. Et les mêmes situation se
UM répètent.ER
EN IE
Les hommes ressemblés essentiellement entre Deux UR
T S E participeraient-
ils inconsciemment à la construction d’un O mur E qui
prive les femmes d’une circulation décontractée?UM R 'A D
BOd’interdit
Même les salons de thé sont pratiqués par ISquelques
D RCfemmes
et souvent de catégorie «bobo». Le seul endroit A EA où Hj’ai
pu remarquer la présence des femmes d’origine
U Usouvent
D
maghrébine, c’était sur la place lors des marchés etRbrocantes
X ITEC
ou au marché des capucins ainsi que quelque unes O dans les U
T
restraurants. IT RE
D
'A ET
La culture est-il un facteur de pratiques genrées où hommes D
et femmes agiraient dans des espaces séparés?
UT
EU E
1 DI MEO G., 2011, Les murs invisibles. Femmes, genre et géographie so- R PA
ciale, Paris, Armand Colin, coll. Recherches YS
A
G
E
66
EC
J’en suis à me poser la
O question tant le lieu est
L
au masculin. Le quartierE reste bien évidemment très
N
agréable à traverser ou pour s’y poser dans la
A
journée, mais l’importance duTmasculin
IO m’a simplement
frappé.
N
Il reste pour certaines femmes interrogées par Gui di
A
D
Méo, un lieu de prédilection. LE
Di Méo relève trois formes O de vision
C SU et vécus de
Saint-michel par les femmes. U
D’abord les BOBOS qui amènent unM
P
discours Etouchant au
populisme, à la diversité humaine EN« on seRIEcroirait
même dans un autre pays, les gens UR zens,
chaleureux ». E
T S Dsont
O BO E D
«J’affronte ma peur latente, mais je reste tout de
UM R 'A
même prudente ; j’évite de m’y pomener seule à I S 2heures
D RC
du matin par exemple ! » Pauline A EA H
U UX ITE
D
Une deuxième catégorie de femmes voient Saint michel RO commeCunTU quartier spectacle, ressource.
Elles le fréquente par intermittence (marché, puces)I et moments RE bien précis. Raisons frivoles
touchant à l’exotisme. Et une troisième forme de femmes l’apprécient sa qualité architecturale,
TD
et sa situation dans la ville. 'A Epour
T
Enfin, si l’on regarde ensuite les retour que le sociologue UT a Dpu récolter en entretien,
l’appréciation négative de Saint-Michel, comme les autres quartiers E
évités à Bordeaux, suivrait
un schéma assez précis. D’abord elle serait liée à la laideur des
EU
R P
lieux, Aleur saleté, leur côté
sombre qu’elles associent à un caractère dangereux, à une insécurité potentielle. Y S Un quartier
mal « famé ». Et ensuite, ce serait une masculinisation abondante comme onAl’a dit plus haut,
qui repousserait les femmes.
G
E
67
EC
Si l’on revient
O
sur le parcours on se rend compte que le
LE
lieu finalement même majoritairement investi par les hommes
N
est en réalité très agréable de jour. Il est vrai que le
A
marché le matin et les terrasses l’après-midi apportent
TIO
à cet espace un aspect très accueillant et propose des
N
temporalités diverses. Contrairement à la morphologie du
A
D
quartier Saint Pierre qui est nettement plus fractionné en
LE
O
micro parties (place du parlement, place saint pierre, rue
C SU
du pas saint georges...), Saint michel est beaucoup plus
UM PE
regroupé et complètement ouvert. Les bars, salons de thé,
RI
restaurants s’étalent et regardent la basilique. La place
EN E
se compose de petits commerces, de lieux de restaurations,
T S DE UR
du terrain de basket et d’un espace suffisamment grand pour
O BO E D
accueillir des concerts, installations (marché, brocante).
UM R 'A
Ainsi les usages semblent plus variés qu’à saint pierre ou
les Chartrons. IS DE RC
A A H
Pourtant ce panel de rythmes de jour disparait la nuit en
U UX ITE
même temps que les femmes. Il ne reste plus que les bars.
D
Ces remarques permettent d’établir déjà des schémas des C
RO TU
limites féminines.
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
68
Stigmatisation d’un lieu
EC = Esthétique et morphologie du lieu :
création de lieux fantômes propreté , lumière, étroit/ouvert, présence
O
LE de femmes
N
A
TIO
N
A
D LE
O
C SU
UM PE
RI
EN E
T S DE UR
O BO E D
UM R 'A
IS DE RC
A A H
U UX ITE
D C
RO TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
Phobie du viol, harcèlement 69 Présence abondante d’équipements masculins,
Absence de lieux mixtes = Surreprésentation
sexuel, drague lourde, insulte
des garçons et création de lieux «réservés»
EC
O
LE
N
A
TIO
N
A
D LE
O
C SU
UM PE
RI
EN E
T S DE UR
O BO E D
UM R 'A
IS DE RC
A A H
U UX ITE
D C
RO TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
70
EC
O
LE
N
A
TIO
N
A
D LE
O
C SU
UM PE
RI
EN E
T S DE UR
O BO E D
UM R 'A
IS DE RC
A A H
U UX ITE
D C
RO TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
71
EC
O
L’étude des quais m’est Lvenue à l’idée en faisant le parcours. Je me suis rendue compte finalement
E
que les quartiers des Chartrons, de Saint-Pierre était moins intéressants en terme de disparité
de pratiques entre hommes et
N femmes. Ce sont des espaces qui restent relativement mixtes même
A
si les déplacements peuvent Têtre
IO différents. Les quais au contraire m’ont semblé être un lieu
qui accueille énormément de personnes de jour et qui surtout réunit, rassemble, toutes formes
N
de classes sociales (par le biaisApar exemple du Miroir d’eau de Michel Corajoud, « équipement
D
prétexte » universel et nouveau symbole
LE fort de Bordeaux).
O
Néanmoins, c’est un lieu bipolaire,
soleil se couche. Un désert, U
C SUqui de nuit se vide, semble abandonné dès lors que le
une « zone PE interdite » comme dans le film Stalker de Tarkovski.
L’effervescence qui règne dansMles équipements s’éteint en même temps que les
lampadaires qui bordent la piste de
RI Carl’après-midi
EN promenade. l’endroit n’est pas éclairé de nuit. Ou très
D EU
faiblement. Est-ce bien un hasard si T S l’usage n’existe plus ? Pourtant il pourrait être très
agréable de se promener de nuit le long de E
E la Rgironde ou encore boire un verre face au fleuve.
Cette dualité m’intéresse particulièrement
O BO et
UM R 'A D
je voudrais m’y appuyer pour voir où sont les
femmes à ces moments-là.
IS DE RC
A A H
U UX ITE
D C
RO TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
72
EC
Je sors à nouveau ce soir.
O C’est le dernier parcours, celui des quais
LE
et de la gare. Nous sommes le mercredi 10 décembre et il est 21h56
N
lorsque je m’engage sur le Acours de la Marne depuis la Victoire. Je
remarque la présence de séquences.
TIO
La portion victoire – capucins est assez hétérogène en terme de
fréquentation et profite encore de
N
A l’effervescence et l’attractivité
de la place. Je compte lorsD de monLEpassage 7 femmes pour 12 hommes.
Les lieux de restauration O illuminent Sle cours de part et d’autre de
la route. Plus j’avance et plus
C le cours
U
UP semble s’éteindre.
Les commerces se font rares et M l’éclairage
ER faible.
Entre le marché des Capucins et Ela place IAndré
femmes pour 17 hommes.
N D EU Meunier je compte 3
T
Les hommes sont dans des bars mais la Srue
O
EelleRest déserte.
Je m’arrête devant un bar où le match est
BO E D quasiment
diffusé. L’idée de rentrer
UM R 'A
et boire un verre, juste pour voir,
me traverse l’esprit. Je longe la place Meunier,
IS DEpasRCun chat et
m’engage vers la gare. A A H
U UX ITE
D C
RO TU
Je peux repérer au loin sur le trottoir les silhouettes IT d’un groupe
RE d’hommes, ils parlent assez
D
fort et je commence à entendre leur conversation. Je passe devant E et c’est à ce moment-là que
'
la discussion pourtant vive, s’interrompt, pour reprendreA quelquesT secondes plus tard, une fois
que je suis un peu plus loin. Le malaise du moment était presque
UT D
déjàE imaginé bizarrement. J’en
souris.
EU PA
R YS
A
G
E
73
EC
O
LE
N
A
TIO
N
A
D LE
O
C SU
UM PE
RI
EN E
T S DE UR
O BO E D
UM R 'A
IS DE RC
A A H
U UX ITE
D C
RO TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
Zoom sur les quais
E
74
EC
Il important pour moi de
O préciser à ce niveau là du mémoire ma pensée. Après avoir parcouru le
L
secteur de la gare et desEquais de nuit, j’ai eu un recul sur mon travail et me suis rendue compte
N
effectivement que ces endroits
A là n’étaient quasiment pas du tout investis par les femmes.
Et pour certains paramètres que
TI je comprends. Il ne s’agit pas de déplorer l’absence de femmes
à certains endroits mais bienO de comprendre pourquoi les appropriations sont différentes et
N Mais je fais par ce travail avant tout un constat.
comment elles pourraient bouger. A
C’est un sujet qui toucheDà l’individuel,
LE à la personnalité ; en l’occurrence de chaque femme.
O
Il est donc finalement impossible de le montrer comme un problème. Je veux dire par là qu’il y a
C SU
des femmes pour qui la drague Ulégère ouP lourde ne dérange pas plus que cela dans le vécu d’un
lieu, et d’autres que ça dérange.M Il existe
ER certaines femmes qui ne vont pas à tel ou tel endroit
tout simplement parce qu’elles n’en
EN ont pasIEenvie, qu’il n’y a rien qui les attire là-bas. Parce
D Uou
qu’il n’y que des hommes, ou pas deT femmes, R parce que ce qu’on y propose n’est pas à leur
S
goût !Et il y en a d’autres qui y vontO! E E
On ne peut rien changer aux goûts de chacun
BOcomme
UM R D'Aon ne peut forcer une appropriation.
Ce travail est donc délicat puisqu’il se situe dans un « entre ».
L’objectif n’est pas de dire qu’il faut palierIS àDEdesRbarrières spécifiques aux femmes, (qu’elles
subissent malgré elles, par appréhension d’unA espace A CdûH à la phobie du viol ou à l’obligation
d’une retenue dans la ville etc...) pour finalement
U conclure
UX IT et projeter qu’elles pourront aller
partout et iront partout. Car c’est impossible. R
D EC
Mais c’est plutôt de saisir la nuance dans l’existence O TU
du choix induit par un espace. D’une
mobilité parfois implicitement contrainte. Je tiens en IT réalité RàEclarifier cette réflexion puisque
le soir du parcours, un match du Real Madrid était diffusé E
D dans Bordeaux.
'A TD
UT
EU E
R PA
YS
A
G
E
75
EC
O
Ce détail peut-être futile
LE modifie en fait la ville. Les quatre bars devant lesquels je suis
passée étaient complètement envahis par les hommes. Pas une seule présence de femme excepté à
N
la victoire où quelques filles
A occupaient les terrasses toujours accompagnées d’un ami. S’il
est compliqué de revenir surTI les éducations et les stéréotypes (à savoir que les femmes ne
O
s’intéressent pas autant au sport que les hommes), il n’en va pas moins que, par extension,
N
elles sont donc moins présentes, visibles dans des lieux qui se prêtent à représenter le sport.
A
Or, le sport est je croisDbeaucoup Lplus
E important dans nos sociétés que ce que l’on pourrait
O
penser. Il est partout. Prétexte de communion, d’échange et de partage : de socialisation.
C SU
également qu’il y ait des endroits où les hommes
P
Par ailleurs, je considère qu’ Uil est important
M
se rassemblent, tout comme les femmes. JeERpense simplement qu’il y a un manque de lieux mixtes,
neutres, qui décloisonneraient par EN toucheIEla ville et surtout montreraient de manière plus
D Uinvestir
récurrente, évidente, que les femmesT peuvent l’espace pleinement. Il est très compliqué
alors d’établir des vérités. La seule OS chose
E qu’on
RE puisse
BO D faire, c’est supposer et répondre par
des nouveautés, des hybridations. UM R 'A
L’espace peut sans doute essayer de bousculer IS les RC
D habitudes des usages. La caserne Niel qui est
E
aujourd’hui réhabilitée, propose un panel d’activités
A A etHmélange les usages (bureaux artistiques,
commerce biologique, skatepark, café...). Même si
U cetUX espace
ITE est aujourd’hui connoté «BOBO » il
D
n’en reste pas moins un melting-pot des genres et Rdes âges. C
Reprenons le parcours. O TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
76
EC
O
J’arrive en face de la gare. J’admets me sentir un
LE
N
peu moins sereine en peu de temps mais sans me sentir
A
non plus en danger. La gare me montre un tout nouveau
TIO
visage. Tout est sombre, tout est éteint, mort et
N
froid. Il n’y pas de bruit pas de vie et je ne
A
retrouve plus la dynamique du voyage de jour qui
D LE
m’avait tellement plu. Je sens une légère appréhension
O
C
à l’idée de commencer à m’engager dans les petites
SU
rues en sachant qu’il n’y a personne, qu’on approche
UM PE
des 23 heures et que je n’ai plus de batterie! RI
EN E
C’est à ce moment-là que je croise le regard de deux
hommes qui marchent dans la même direction que moi.
T S DE UR
Un des deux me sourit et parle à son ami en continuant
O BO E D
de me regarder, la situation n’est pas très commode;
UM R 'A
du moins j’ai connu plus agréable. IS DE RC
J’essaie de ne pas faire attention à eux mais j’aimerais
A A Hbien savoir au fond ce qu’ils racontent.
U UX ITE je ne peux m’empêcher de me retourner
Au moment de prendre la toute petite rue CazaubonDà gauche,
pour regarder s’ils sont toujours près. Ils sont juste
RO à côté,C regardent fixement,
encore. C’est presque ironique. Alors je m’arrête sous le lampadaire,
TU marchentneetm’engage pas dans la
I R
ruelle, sors mon carnet et note ce qui se passe. Ca me Tpermet de Em’occuper aussi et ne plus faire
D
attention à eux. Les voir partir. Peut être une forme'Ade prétexte, ET d’occupation rassurante.
Quoiqu’il en soit ils continuent leur chemin et le type se retroune
UT tout
D le long vers moi jusqu’à
en avoir assez de son petit jeu. EU E
Je passe devant le conservatoire désert, sec, sombre et traverse R les Plignes
A de tram, puis la
route énorme de la rocade, pour enfin arriver à la promenade le long de laY Garonne et atteindre
les terrains de sport.
SA
G
E
77
EC
O
LE
N
A
TIO
N
A
D LE
O
C SU
UM PE
E
Personne, excepté un groupe de garçons
N sur
RI
Edes
T D UR scooters à l’intérieur du terrain de foot.
Je continue la ballade nocturne mais S E
l’ambiance
E est vraiment étrange. Je suis seule. Cette
O B
promenade inondée de gens toute la journée est d’un D glauque toute à coup frappant. De faibles
éclairages, aucunes activités et l’absence UM de O gens'A rendent les quais de l’eau peu rassurants,
fades et endormis. Pourtant la fraîcheur, les D
Rbruits
IS E RCdu flot et les lumières de la rive droite
comme de petites loupiotes sont les ingrédients A Ad’unHdécor nocturne idéal. Je repense à ce
moment-là aux quais de Rosario, en Argentine,Uque Uj’ai ITinvestit jour et nuit durant six mois
d’Erasmus. Il n’y a pour but de faire de comparaison, D X leEC contexte était différent. Néanmoins,
j’ai pu observer là-bas que les quais le long de l’eau RO étaient TU très fréquentés même la nuit. Par
les hommes comme les femmes. Les usages changent, les IT bars et Rrestaurants ouvrent et regardent
le fleuve pendant que les éclairages s’allument sur toute E
D la promenade et le «playon» (plateforme
béton accueillant passants, skate, roller, spectacle, vélo). 'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E

ballade, repos restaurants, parillas Culture, musées sport, spectacle


EC
O Je ne croise pas un couple qui aurait eu l’idée d’aller
LE se promener ici ni une seule femme. Décidément. Seulement
N quelques joggueurs ou promeneurs courageux tout de même.
A J’atteints les Quinconces et décide de retraverser. Là,
TIO
c’est le jour et la nuit. Je passe devant une série de gens,
N de terrasses sous les lumières abondantes. Ca rit, ça boit,
A
D LE ça mange, ça échange.
O Les quais de la ville semblent absorber toute l’attraction
C SU
et faire une ombre aux quais de l’eau... J’ai ce sentiment
UM PE
qu’ils seraient séparés en deux. La ligne de tram, l’immense
RI
voie routière sont des fractures qui participent aussi à
EN E
séparer les deux quais. Ainsi je réalise que les lieux à usage
T S DE UR
libre et «gratuit» (les quais par exemple), c’est-à-dire
O BO E D
sans un rapport à la consommation ou à usage spécifique(la
UM R 'A
ballade,l’urbanité aléatoire...)de nuit, semblent ne pas
être appropriés par les femmes.
IS DE RC
A A H
U UX ITE
D C
RO TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
EC
2) La ville au
O
masculinL : Découverte d’une nouvelle pratique urbaine
E
N
A
Nous sommes le mardi 14 octobre 2014. Je sors de la séance de mémoire
TIO
pleine d’envie. Depuis que j’ai visionné cet interview d’Eric Macé
N
tout mon champs de vision semble s’être ouvert. Je vois le mémoire
A
D
d’une toute autre manière et je suis maintenant obstinée par le fait
LE
O
de parcourir la ville au masculin. Beaucoup trop curieuse de trouver
C SU
des réponses surprenantes, je rentre dans le centre de Bordeaux et vais
UM PE
directement dans le magasin de déguisement de Musée d’aquitaine, le
RI
seul que je connaisse. J’achète de la barbe synthétique et de la colle
EN E
à visage et rentre chez moi. On verra bien ce que ça donne.
T S DE UR
Devant l’ordinateur je me mets à faire mon rapport de stage mais
O BO E D
impossible de me concentrer, il faut que j’essaie mon matériel. Est-
UM R 'A
ce que je serais crédible ? Je laisse mon travail en cours et me
travestis. IS DE RC
A A H
U UX ITE
D C
RO T
Si l’on s’appuie sur la définition du GEST (Groupe d’EtudeU Sur la
Transindentité), la transidentité résulte d’un décalage
IT vécu entre
RE le
sexe physiologique et le genre psychosocial. Elle peut
D
'A s’affirmer
ET à
tout âge et génère le plus souvent un conflit intérieur maisU surtout D un
malaise social, la personne concernée ne pouvant se reconnaîtreTE dansE
les rôles et apparences traditionnellement attribués aux hommes UR et aux PA
femmes. YS
Ce questionnement identitaire n’est ni un choix, ni une orientation A
sexuelle, ni une pathologie. Ils’exprime de façons diverses : G
transgendérisme, transvestisme, transsexualisme… E
80
EC
O Je sors en ville homme mais je suis une femme. Je
LE
me sens très bien avec cette situation mais je me
N rends compte que j’occupe une nouvelle place dans
A
TIO l’espace, avec les autres. Je pars en skate, habits
larges, bonnet et aussi fou que cela puisse paraître,
N je me mets à balancer mes épaules, à avoir beaucoup
A
D LE plus confiance en skate et à vraiment bien rouler.
O Pour dissimuler mon secret, je dois jouer un rôle,
C SU
pourtant les gestes et l’attitude masculine me viennent
UM PE
naturellement ! Je maintiens fermes mes mâchoires et
RI
croise les gens cette fois à pied. J’arrive enfin Musée
EN E
d’aquitaine, je fonce vers le magasin de déguisement.
T S DE UR
Et là,le vendeur ne me reconnaît pas.
O BO E D
« Jeune
UM R 'A
homme ? » Je l’ai vu trois heures avant pour lui
I S les
acheter
D poils
E
RC synthétiques ! C’est le serpent qui se
mort laA queue
A ! La
U
mets à parler
U HI situation est ironique et drôle. Je me
Xet ilTE finit par comprendre mais le moment
D
était beaucoup oublier. Je rachète de la
RO trop Cfort
colle et cours terminer
TU lepour
déguisement chez Akim.
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
81
EC
O
Akim est un ami qui apporte énormément dans ma réflexion sur le genre, particulièrement pour
LE
cette partie expérimentale.
En effet, il est en transition
N
A depuis maintenant plus de deux ans. Il est simplement passé de
Anouk à Akim. Son expérience Ttransgenre
IO me nourrit et m’ouvre les yeux sur les rapports sociaux.
Lorsqu’il me raconte son histoire, il m’aide à comprendre à quel point le positionnement social
et donc l’interaction des individus
N
A dans l’espace se charge d’une multitude de paramètres
complexes. D LE
La rue, la place appartiennent O à tous,
autres. Des individus de classe
C SUà des individus uniques et finalement inconnus les uns des
UMsociale, PE de genre, d’âge différents. Les lieux impriment leur
passage physique de manière imperceptible.
La ville s’imprègne des traces des
RI qui la parcourent. C’est alors que Saint Pierre
EN individusEU
devient le quartier BOBO, Saint-Michel T S DleE quartier
RE populaire, la victoire le quartier jeune
etc... Lorsqu’on traverse un lieu et que l’on
O BO D croise quelqu’un, on s’identifie. On se positionne.
Homme/ femme, jeune/ âgé et par extensionUmasculin/féminin. Cette identification est « mentalisé »
au sens, admis par tous. M RD 'AR
Tout le monde se place. La pratique, l’usage, C
IS l’interaction du corps dans l’espace le charge de
codes et de sens. A EA H
sociétales deviennent visibles,
« Par leurs spatialités, d’une variété infinie, D
U lesUXsubstances
ITE
1 C
leur existance se cristallise » RO TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
1
E
Michel Lussault, Images (de la ville) et politique territoriale, Revue de géographie de Lyon, 1998

82
EC
Emmanuel Jurand (chercheur
O au CNRS) dans son texte Genre et espace explique que « dans l’espace
LE
public urbain, la présence des corps sexués est elle-même créatrice d’une norme
relative au genre. C’est une A
N différentielle
boucle de rétroaction ». La ville en plus d’être l’espace d’expression
des rapports sociaux contribue TIOà rendre évident des rapports de sexes dissymétriques. Je longe
cette rue en tant que femme de trente ans mariée, je traverse cette place en tant qu’homme de
vingt ans célibataire étudiant etc..
N
A Toujours dans un rapport binaire.
D LE
Si je parcours alors la ville O habillée
C SUet travestie en homme que se passera-t-il ?
UM PE
Car la ville change continuellement, EN elle RseIE transforme se renouvelle. « Les relations sociales
qui s’organisent dans l’espace ne T sont D pasURstatiques, elles sont stables et donc donnent
1 S
l’impression d’une permanence. » explique O
E Hélène Guetat-Bernard. Traverser des lieux faits de
codes, c’est exister dedans en tant qu’individu
BO E D qui
UM R 'A les accepte. Comme un contrat inconscient.
Et la charge « sexuelle », du genre, a son importance. Akim m’explique que depuis sa transformation,
depuis qu’il est un homme et socialement considéré I D
S E commeRC homme, on ne l’interpelle plus du tout
de la même manière ou pour les mêmes raisons A dans Al’espace
Mais ce rapport binaire m’interroge.
U U HI public.
D X TEC
RO
1 GUETAT-BERNARD H., 2011, Développement rural et rapports de genre, Mobilité
TU et argent au Cameroun, Rennes, Pres
Pres-
ses Universitaires de Rennes IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
83
EC
O
Si l’on se place en tantL qu’ homme ou femme lorsqu’on
sort en ville, que l’onE endosse son genre féminin
ou masculin, alors il devrait
N y avoir deux manières
A
de vivre l’espace. Or, il TyI a un nombre infini de
O
pratiques, au moins autant qu’il y a de citoyens
N
en ville. On en revient alors à Ala première partie
traitée. Le genre n’est D pas le sexe,
LE le genre est
social, il est une manière O d’être, deS penser, d’agir
dans un espace-temps. Il est
C donc Utrès variable
d’une personne à une autre (le sexe
UM étantPElui, commun
à toutes les femmes, communs à tous
RI
EN les hommes.)
EU
Les symboles culturels participent à cette
mais « ce sont bien les concepts normatifs, E qui
T S Dconstruction
RE leur
donnent sens, en proposent des interprétations
O B
1 'A
légitiment».
UM ORetDles
La construction de l’identité sexuée suppose
D
IS ainsi, RC
A A H E
dans le même temps, de réfléchir aux «interactions,
2
c’est-à-dire aux problèmes d’ordre et de désordre
U »UX ITE
Je m’explique.
D C
RO TU
1 J.Scott, Gender: A Useful Category of Historical Analysis
1988
IT RE
D
'A ET
2 BISILLIAT, J. et VERACHUUR, C., Le genre : un outil nécessaire, UT D
introduction à une Problématique, Paris, Harmattan, 2000 EU E
R PA
YSA
G
E
84
EC
Ce socle normatif social,
O ce florilège de codes qui existe partout, résonne comme un règlement
L
en ville. Je crois que Eles femmes ne vivent pas la ville comme les hommes pour des raisons
N
d’insécurité que nous avons Avu, mais surtout, qu’il existe des schémas, des façons bien précises
« d’être femme », en ville etTI partout ailleurs. Hélène Guetat-Bernard en parle d’ailleurs lors
O
d’un séminaire à Lyon. Elle se questionne sur « ce que doivent et peuvent dire et faire les
N
femmes et les hommes, mais aussi Acomment et pourquoi les normes sont parfois transgressées ou
contournées ». D LE
O
C SU
PE
Cette notion de limite dans le schéma
UM normatif est je pense, à la base des problèmes
R homme/femme
et des incompréhensions liés au Esujet du Igenre. Il s’agit de deux modèles aux contours bien
dessinés dans les mentalités. Ainsi,
N D EU
« hybride » (transgenre, femmes aux
T S un profilREqui serait
pratiques masculines/ hommes aux pratiques E féminines etc..)ne rentrerait pas dans le cadre
normatif. En somme, être une femme et avoir
O Bune
U O D
attitude d’homme ou bien pratiquer un lieu codifié
au masculin c’est transgresser à la règle M
'A
; ou Rdu moins, c’est se soumettre aux lois masculines.
Si donc des femmes s’interdisent de parcourir IS DEdesRC lieux, alors d’autres se l’autorisent et
repoussent ces limites mentales et invisibles. A A H
U UX ITE
D C
RO TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
85
EC
O
Enfin, Hélène Guetat-BernardLE ajoute que « les relations entre les hommes et les femmes, comme les
constructions identitaires et les territorialités qui leur sont liées, ne sont pas statiques
1
N
mais ancrées dans des dynamiques sociales. Elles sont soumises aussi aux imaginaires. »
A
TIO
Expérimenter le genre masculin poussé à l’extrême en étant une femme, me situer en dehors de cet
état binaire crée par nous tous, mental
N et social, était la meilleure façon de me rendre compte
A
des inégalités spatiales D quand bien LE même il en existe. C’était l’occasion aussi de me rendre
compte de la place que j’occupe O par rapport aux autres.
Revenons au parcours.
C SU
PE
Il est 21h17 je sors à nouveau, il
UM fait nuit suis plus à l’aise. L’idée ce soir serait d’aller
dans un endroit où peu de femmes E passent, un
RI jelieu à la forte présence masculine.
Je veux voir ce qu’il se passe quand
N D EU
T S on Eose Rtraverser un espace masculin. Je prends le cours
Victor Hugo, personne ne voit rien, je OsuisBOun Ejeune homme. Je regarde les gens, insiste, mais
la communication visuelle,l’échange par Ule regard D est beaucoup moins évident.
1 GUETAT-BERNARD H., 2011, Développement rural et Mrapports
RD de'Agenre, Pres-
ses Universitaires de Rennes IS E RC Mobilité et argent au Cameroun, Rennes, Pres
A A H
U UX ITE
D C
RO TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
86
EC
O
Une femme me croise et Lrépond pendant un temps à mon regard. Aurait-elle compris le canular ?
Je traine, il est 21h34.E Je m’arrête à Saint-michel et m’installe sur un banc, juste à côté du
N sont installées en terrasse. Quatre exactement.
bar-tabac. Quelques femmes A
A ma droite, à quelques mètres,
TIO un groupe de huit à dix hommes assis sur un banc et leurs
scooters. Ça varie, ils partent, reviennent. Je vais rester un moment ici alors je me dirige au
N
tabac acheter un paquet de cigarettes. Ils sont trois au bar, c’est une femme qui se retourne
A
derrière le comptoir et meD demandeLEce que je veux. C’est la première fois que je m’exprime de
tout le parcours et je sensOle stressS monter. Ma voix me trahit ; je ne réussis pas à la faire
plus grave. La femme me sert,
C intriguéeUP et je pars un peu tendue. Je finis ma cigarette et
U
reviens au tabac lui demander ;Mil faut queER je sache si elle m’avait repéré.
EN IE
D
Je reprends ma voix , me présente, Tlui explique UR le but de mon déguisement, qu’il s’agit d’un
S
mémoire et pendant que je parle elle me E
vivement :
O scotche,
BO E Dme regarde interloquée et finit par me répondre
UM R 'A
« Mais voilà ! Je savais qu’il y avait quelqueIS chose
D RdeCbizarre. J’ai pas pensé directement à une
femme mais y’avait quelque chose qui allait pas. A ETuA H
U UXn’aurais
ITE pas parlé, tu étais un homme. »
J’ai au moins ma réponse. Ne pas parler et observer.
D C
RO
Je retourne sur mon banc, à côté du groupe d’hommes. Ils parlent
TU un peu fort, se cherchent mais
I
ne me dérangent pas. Je décide de rester à l’arrêt surT la place E
Rsans rien faire de spécial, sans
consommer. Chose que je n’avais encore jamais fait... C’est
D
'A plutôtETagréable en fait! Je crayonne
un peu en fumant. UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
87
EC
O
LE
N
A
Il est 22h passés, les femmes qui traversent la
TIO
place pour l’instant sont toujours par deux,
N
A
accompagnées ou en couple. Elles passent au
D
milieu de la place qui est maintenant presque
LE
O
entièrement ouverte après les travaux ; mais pas
par les rues périphériques.
C SU
UM PE
Le temps passe, les terrasses se vident et les RI
femmes disparaissent du tableau peu à peu.ENE
Le tabac ferme et je me retrouve seule sur ce
T S DE UR
banc à côté de la bande. O BO E D
UM R 'A
IS DE RC
Le temps qui avance dans la nuit pèse un peu plus
A
A sur mon inquiétude. Une bagarre
éclate au bar à quelques mètres derrière moi, deux
D T
U UXmaHIconscience,
hommes E interviennent apaiser les tensions.
Je regarde autour, il est 22h47 et je crains d’êtreROla seule C femme infiltrée à cet instant. Dix
TU
minutes plus tard, j’assiste enfin à une scène intéressante. jeune femme de 30ans environ ,
passe devant le banc du groupe et deux garçons se lèvent
IT pourUne
D E
Rvenir l’aborder. Il se mettent à
marcher à côté d’elle durant quelques secondes. Je n’entends
'A ce qu’ils ET lui disent mais elle leur
sourit, leur répond se retourne et continue sa route. UT D
Les deux garçons restent au milieu de la place, parlent. EU E
Une autre fille arrive, plus jeune, tête baissée, ils ne la loupent pas.
R PA J’arrive à entendre
un bout d’échange : « Salut tu fais quoi ? » (…) C’était bien le week-end YS ? Eh oh ! » et elle
continue également son chemin sans répondre, bénéficiant de sifflements et de Aregards de toute la
G
bande. Les garçons retournent sur le banc. Ils se tapent la main et cinq d’entre eux partent en
scooter. Il n’en reste plus que quatre.
E
88
EC
O
LE
Vers 23h10, à nouveau deux jeunes filles, amies, passent
N
ensemble et cette fois les quatre garçons les sifflent mais
A
ne se déplacent pas. Je vois dans le coin de l’oeil qu’un
TIO
des garçons se rapproche de moi. C’est le moment le plus
N
anxiogène de la soirée. Il ne faut surtout pas que je me
A
D
fasse démasquer. Et ce que je crains arrive. Il me parle.
LE
O
Je me tourne, fais mine de ne pas entendre avec mon casque
puis le retire. C SU
UM PE
-« Ouai mon pote qu’est ce que tu fais là depuis deux heures,
RI
EN E
tu cherches un truc à acheter ou quoi ? Moi j’ai s’tu veux
pas trop cher !»
T S DE UR
O BO E D
Je prends la voix la plus caricaturale que je peux et lui
UM R 'A
répond : « Nan c’est cool mec, j’ai d’jà fumé merci »
IS DE RC
Il me tape amicalement le genou et rétorque : «A Ok c’est
A Hcool
mon pti gars, salut!»
U UX IT
D
Ce micro échange peut paraître anodin mais il représente
EC
à
RO
ce moment-là un événement fort, puissant dans ma tête et mon TU
corps. Il me faut un temps pour me calmer et écrire ceIT qu’il RE
D
vient de se passer. J’admets avoir eu peur mais tout ça 'est
A
très vite dépassée par l’euphorie. Je suis restée deux heures
ET
U D
sans bouger, immobile, sans pratiquer d’usage spécifique,TE E
dans un lieu investi à ce moment-là essentiellement par des U PA
hommes. J’ai été interpellé d’une toute nouvelle manière,
R YS
bien loin de celle qu’ont connu les quatre jeunes femmes. A
Pourtant, j’ai croisé les mêmes hommes, dans le même espace- G
temps. E
89
C’est avec regret que je termine le mémoire sans avoir eu
le temps de réaliser les entretiens avec les bordelaises.
Cette ultime partie m’aurait permis dans un troisième temps
après théorie et étude de terrain, d’avoir une dernière
version et vision du phénomène.
Afin de prendre du recul sur mes parcours et ne pas tomber
dans un exercice entièrement autobiographique sans aucune
valeur de comparaison, j’ai préféré m’appuyer brièvement
sur le travail de mémoire de Laura Van Puymbroeck (étudiante

E
G
en géographie) sur le sujet du harcèlement de rue.

A
Ce sujet ne traite pas tout à fait le thème de la ville

YS
et du genre sous le même angle et cible sur la nuit et

PA
la notion d’insécurité. Néanmoins il permet de connaître

E
les barrières d’autres femmes et ainsi de pouvoir dégager

D
certains grands enjeux. Laura interroge elle, seulement

ET
les étudiantes considérant que ce sont les femmes qui

RE

R
investissent le plus la rue de nuit ( pas d’enfants?)

EU
TU
et les plus touchées par l’harcelement de rue. Par ses

UT
C
entretiens avec 170 étudiantes, elle met en place un système
U UX ITE

'A
de cartographie (annexes 1 2 et 3) montrant les lieux
A A H

D
évités par ces étudiantes, ceux où elles déclarent avoir
IS DE RC

IT
subi une aggression verbale ou sexuelle et ceux où elles
RO
UM R 'A

ont connu de la drague lourde. Elle relève la présence de


O BO E D

«lieux fantômes» (Saint Michel).


Ces lieux craints mais où dans les chiffres, la proportion
T S DE UR

de violences relevée est faible. Des lieux censurés.


E

Le paramètre de l’insécurité est souvent façonnée par


RI
PE

la potentielle violence masculine qui peut s’exercer en


SU

ville.
Et puis la nuit est un thème en soi. L’espace urbain
LE

EN

devient le socle de manifestations brutales et grossières


A

du sexe dans l’espace. Ainsi la nuit au féminin devient


UM
N
TIO

plus anxiogène qu’érotique.


C
A

Il est compliqué de réaliser une conclusion et surtout


N

d’apporter une réponse à la problématique que je me suis


LE

posée. Cette étude empirique qui n’est basée par définition


O
EC

sur aucuns résultats scientfiques est donc difficilement


présentable sous forme d’une série de réponses ou conclusions.
Elle amène plus sur des interrogations nouvelles. L’intérêt
du genre, en tant que mot et que chose, comme le dit
Gui Di Méo, tient surtout à sa capacité essentielle de
dénaturaliser les catégories de sexe, celle du masculin
et du féminin, ainsi que les identités que ces catégories
véhiculent.

90
Le genre est un terme générique qui s’applique à des
situations très différenciées et toujours changeantes.
Lorsque je parle du groupe «féminin» rien n’est définitif
dans la ville à travers ce regard d’une «condition féminine».
La variable et la marge de manoeuvre est considérable, rien
qu’entre l’habitus que j’ai pu adopté lors des parcours
et celui des autres femmes. Mes observations ont posé des
hypothèses, des questionnements.
Néanmoins la dimension du genre m’a en tout cas permis de

E
G
mettre en lumière certaines choses que j’ignorais et de

A
révéler des constantes autour des variables féminines.

YS
PA
Notamment celle du contrôle politique et d’une certaine

E
façon de faire la ville par un type de politiques publiques

D
basées sur des valeurs et pressions familiales patriarcales.

ET
L’exemple de l’équipement sportif a été pour moi révélateur.

RE

R
Cette culture du sport spectacle au masculin partout, est

EU
TU
loin d’être anodine et n’est pas un détail. Je refuse de

UT
C
croire en le fait que les femmes et les hommes aurait
U UX ITE

'A
naturellement des capacités innés à pratiquer tel ou tel
A A H

D
activité tant que la notion de force pur n’est au centre. Ou
IS DE RC

IT
même à avoir des goûts prédéterminés. Je reste persuadée que
RO
UM R 'A

la notion d’intérieur/extérieur, invisibilité/visibilité


O BO E D

des équipements (et en général) sont des notions genrées et


intériorisées. De plus, l’urbanité libre et gratuite, qui
T S DE UR

n’induit aucune consommation me semble également genrée.


E

Les femmes pratiqueraient de manière récurrente certaines


RI
PE

formes d’urbanité gratuite (promenade entre amis, parcs avec


SU

enfants...)et les hommes d’autres (skatepark, citystades,


panier de basket, traîner, stationner entre amis, courir,
LE

EN

tags...). La culture urbaine est une culture masculine.


A

UM
N
TIO

Ensuite, il faut bien comprendre que le genre n’est qu’un


C

outil et un paramètre de plus parmi bien d’autres dans la


A

O
N

ville. D’autres variables et déterminants sociaux rentrent


D
LE

en compte dans les représentations, les comportements et les


O

pratiques des femmes. L’urbanité, et les barrières mentales


EC

se modifient avec l’âge, les capitaux sociaux, économiques,


culturels et spatiaux (itinéraires récurrents).
L’urbanisme et le renouvellement des aménagements urbains
participent aussi à embellir, clarifier les lieux et ainsi
modifie les limites.

91
Belcier est un quartier connu pour sa grande prostitution,
c’est aussi un quartier qui va connaître un bouleversement
radical avec la création d’un écoquartier et l’arrivée
de nouvelles populations. Les usages vont se modifier, la
fréquentation s’étendre. La politique urbaine et l’urbanisme
détiennent également le pouvoir de repousser les murs, de
les tenir à distance, voire de les gommer.
La création aussi de nouveaux transports (tram) gomme les
stigmates du passé.

E
G
Les femmes sont attachées au beau, au propre. Refuser le

A
sale et le laid n’est-il pas socialement plus acceptable

YS
que d’admettre qu’une potentielle force ou violence brutale

PA
(masculines et sexuelles, dominatrices) spacialisée les

E
menacent ?

D
La vision qu’elles se font du beau n’est elle pas elle

ET
aussi liée au genre?

RE

R
La caserne niel jadis en friche, sale, musée du tag et

EU
TU
squat, n’est-elle pas depuis sa réhabilitation un melting

UT
C
de genres? Un repère pour les familles le dimanche?
U UX ITE

'A
N’oublions non plus la gestion simultanée de l’espace privé
A A H

D
et public encore évident chez les femmes questionnant la
IS DE RC

IT
notion de temps et induisant des parcours «itinéraires».
RO
UM R 'A
O BO E D

Enfin, l’expérimentation du travestissement même si je


n’ai pu le réaliser que deux fois, a été une découverte
T S DE UR

hors norme. Arpenter la ville dans une «nouvelle enveloppe


E

sociale» c’était aussi me sentir une nouvelle personne


RI
PE

face aux autres. J’ai pu être abordée même en mouvement


SU

lorsque j’étais femme alors que je suis restée deux heures


immobile seul en homme avant que l’on vienne me parler.
LE

EN

Un contact très amical presque fraternel de surcroît.


A

Ainsi, j’ai compris que les limites étaient poreuses et


UM
N
TIO

sensibles et qu’il existait une nuance. Je ne ressors


C

pas de ce travail l’existance de territoires entiers qui


A

seraient évités, détournés par les femmes car dangereux,


N

masculins, ou juste stigmatisés.(même s’il en existe pour


LE

certains). J’ai plutôt appris que toutes les femmes et les


O
EC

féminités vivaient des territorialités. Certaines, assez


ciblées. Et que parfois des paramètres pouvaient troubler,
gêner, modifier ou empêcher leur urbanité libre, aléatoire.
Du moins, si l’aléatoire existe toujours...

92
EC
O
LE
N
A
TIO
N
A
D LE
O
C SU
UM PE
RI
EN E
T S DE UR
O BO E D
UM R 'A

93
IS DE RC
A A H
U UX ITE

ANNEXES
D C
RO TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E
Localisation de la drague lourde envers les étudiantes
de Bordeaux

GRAND PARC SAINT LOUIS

TIVOLI

E
G
JARDIN PUBLIC

A
YS
CROIX DE SEGUEY

PA
E
D
QUINCONCES

ET
CROIX BLANCHE

RE

R
EU
TU

UT
C
U UX ITE

'A
JUDAIQUE SAINT CHRISTOLY
A A H

MERIADECK
D
IS DE RC

IT
RO
UM R 'A
O BO E D

ORNANO
T S DE UR

SAINTE
CROIX
E
RI
PE
SU

MARNE
LE

EN

SAINT JEAN
A

SOMME
SAINT NICOLAS
UM
N
TIO

GARE
C
A

O
N

Nombre total de citations du lieu sur 170 étudiantes


LE
O
EC

Entre 5 et 10

Entre 15 et 20

Entre 25 et 30
Laura Van Puymbroeck
94
Agressions verbales et physiques liées au genre à
l’encontre des étudiantes de Bordeaux

GRAND PARC SAINT LOUIS

E
TIVOLI

G
A
YS
JARDIN PUBLIC

PA
CROIX DE SEGUEY

E
D
ET
QUINCONCES

RE

R
CROIX BLANCHE

EU
TU

UT
C
U UX ITE

'A
A A H

JUDAIQUE SAINT CHRISTOLY


D
IS DE RC

IT
MERIADECK
RO
UM R 'A
O BO E D

D
T S DE UR

ORNANO SAINTE
E
RI

CROIX
PE
SU

MARNE
LE

EN
A

UM
N

SAINT JEAN
TIO

SOMME
SAINT NICOLAS
C

GARE
A

O
N

Nombre total de citations du lieu sur 170 étudiantes


LE
O
EC

Entre 5 et 10

Entre 10 et 15

Entre 20 et 35
Laura Van Puymbroeck
95
Lieux évités par les étudiantes à Bordeaux

GRAND PARC SAINT LOUIS

TIVOLI

E
G
JARDIN PUBLIC

A
YS
CROIX DE SEGUEY

PA
E
D
QUINCONCES

ET
CROIX BLANCHE

RE

R
EU
TU

UT
C
JUDAIQUE SAINT CHRISTOLY
U UX ITE

'A
A A H

D
MERIADECK
IS DE RC

IT
RO
UM R 'A
O BO E D

ORNANO
T S DE UR

SAINTE
CROIX
E
RI
PE

MARNE
SU
LE

SAINT JEAN
EN
A

SOMME
SAINT NICOLAS
UM
N

GARE
TIO

C
A

Nombre total de citations du lieu sur 170 étudiantes


O
N

D
LE

Entre 5 et 10
O
EC

Entre 15 et 20

Entre 25 et 30

Entre 35 et 40
Laura Van Puymbroeck
96
Bibliographie

• Les murs invisibles , Guy Di Méo


• Femmes et villes, Colloque 2004 Denèfle Sylvette
• Travaux de femmes, Annie Dussuet
• Différence des sexes et espace de vie, Chantal Voluzan
Femmes et organisation de l’espace 1978-1979

E
G
• Usage de la ville par le genre Aurba

A
• La femme, avenir de la ville ? Marion Segaud

YS
Métropolitiques, 4 mars 2011

PA
• La domination masculine, Pierre Bourdieu

E
• Trouble dans le genre, Judith Butler

D
• Sociologie du genre, éditions Armand Colin, Isabelle

ET
Clair

RE

R
• TELERAMA 3359 28/05/14

EU
TU
• Histoire des Femmes en Occident (16è - 18è siècles)

UT
C
- Michelle Perrot et Georges Duby (dir.), collection
U UX ITE

'A
Perrin, 2002
A A H

• Crocodiles, Thomas Mathieu, 2014 D


IS DE RC

IT
RO
UM R 'A

• Emission RMC 17/07/13


O BO E D


• http://pufr-editions.fr/villes/femmesetvilles
T S DE UR

• http://projetcrocodiles.tumblr.com/
E

• http://www.internationalcamp.org/spip.php?article299
RI
PE

• http://lecafedesvallees.free.fr/index.php?post/CAFÉ-
SU

FRAPPÉ3
• http://www.cclj.be/article/39/285
LE

EN

• http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-
A

theorie-du-genre-vole-en-eclat-125590
UM
N
TIO

• http://www.systerofnight.net/religion/html/3_essais_
C

theorie_sexuelle.html
A

• http://www2.dijon.inra.fr/cesaer/fichiers/pagesperso/
N

laferte/Geneses61.pdf
LE
O

• http://www.penserlespace.com/geographie-regionale/
EC

habiter-son-quartier-en-france/
• http://www.metropolitiques.eu/spip.php?page=print&id_
article=105
• http://www2.cdu.urbanisme.developpement-durable.gouv.
fr/cdu/DATAS/annales/coutras.htm
• http://www.perspectivist.com/politics/la-ville-au-
feminin
• http://www.perspectivist.com/politics/la-ville-au-
feminin.

97
• http://rue89.nouvelobs.com/2014/08/05/centre-ville-
bordeaux-vu-les-jeunes-femmes-253916
• http://www.liberation.fr/societe/2013/03/07/dans-la-
rue-meme-pas-peur_887012
• http://iresmo.jimdo.com/2011/12/11/histoire-
th%C3%A9ories-et-actualit%C3%A9-du-mouvement-
f%C3%A9ministe/
• http://www.druide.com/enquetes/un-espace-ou-une-espace
• http://acreor.hypotheses.org/75

E
G
• http://f-origin.hypotheses.org/wp-content/blogs.

A
dir/355/files/2011/06/s%C3%A9minaire-CRGA-11-mai-2011-

YS
Lyon.pdf

PA
• http://www.coe.int/t/dg4/epas/publications/Manuel2_

E
Egalite_homme_femme_dans_le_sport.pdf

D
• http://www.histoire-pour-tous.fr/dossiers/95-moyen-

ET
age/1569-la-condition-des-femmes-au-moyen-age.html

RE

R
• http://www.histoire-des-femmes.com/article-le-travail-

EU
TU
des-femmes-des-classes-pauvres-et-moyennes-de-la-

UT
C
societe-des-16e-17e-et-18e-siecles-dependance-ou-
U UX ITE

'A
independance-51743998.html
A A H

• http://framespa.revues.org/57 D
IS DE RC

IT
• http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/
RO
UM R 'A

article/hes_0752-5702_1994_num_13_3_1708
O BO E D

• http://www.blog-emploi.com/les-femmes-d-avenir-vues-
il-y-a-100-ans/
T S DE UR

• http://www.clio-cr.clionautes.org/la-place-des-femmes-
E

dans-l.html#.VJgYoor0Dfg
RI
PE

• http://www.regardsdefemmes.com/Documents/
SU

Manifestations/Interventions/Rdf_Intervention_
Lumieres_source_feminisme.pdf
LE

EN

• http://next.liberation.fr/sexe/2014/06/03/les-males-
A

sont-en-rues_1032848
UM
N
TIO

• http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/08/21/
C

les-femmes-ont-un-usage-reduit-de-l-espace-
A

public_4474241_3224.html
N

• http://www.lumieresdelaville.net/2014/03/25/une-ville-
LE
O

faite-pour-les-garcons-par-yves-raibaud-geographe/
EC

L’imprimerie A. Bergeret de Nancya édité une série de


clichés en 1902, « Femmes de l’avenir »,

98
EC
O
LE
N
A
TIO
N
A
D LE
O
C SU
UM PE
RI
EN E
T S DE UR
O BO E D
UM R 'A
IS DE RC
A A H
U UX ITE
D C
RO TU
IT RE
D
'A ET
UT D
EU E
R PA
YS
A
G
E

Vous aimerez peut-être aussi