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Predication obsèques

5.05 Accompagnement pastorale

Chère Madame W, chère famille, sœurs et frères en Christ,

Celui que vous avez aimé et chéri durant de longues années, votre frère et oncle
Marcel, vous a quitté après un long temps de souffrance à laquelle vous avez
communié jusqu’au bout. Malgré son handicap et la lourdeur de
l’accompagnement, vous vouliez le garder dans un cadre familial où il avait le
soutien affectif nécessaire pour son équilibre et son bonheur. Vous avez beaucoup
donné ; beaucoup supporté ; beaucoup sacrifié par amour pour lui et parce que
votre conscience morale vous dictait cette ligne de conduite. Vous étiez là pour lui
jusqu’au bout ; jusqu’à l’impossible ; jusqu’à la limite de vos possibilités.
Et maintenant qu’il n’est plus, vous prenez tout doucement et douloureusement la
mesure de votre abnégation, de vos sacrifices ; de tout ce qu’impliquait ce lourd
accompagnement dont vous ne sortez pas indemne !

Vous êtes vidés en même temps que vous êtes écrasés sous le poids que vous avez
porté durant tant d’années pour donner avec générosité de cœur à votre frère et
oncle, le confort matériel et affectif dont il avait besoin pour vivre. Et la perte de
votre cher défunt ouvre une plaie profonde, provoque une déchirure douloureuse en
vous-mêmes en même temps qu’elle signifie pour vous le début d’un processus
apaisement, d’un soulagement dû, non pas tant au fait que cet accompagnement
s’arrête, qu’au fait que les souffrances qui l’ont accablé et rongés ces dernières
semaines soient enfin achevées. Car c’était devenu insupportable pour vous
d’assister, impuissantes, à cette dégradation physique accompagnée d’intenses
douleurs de votre frère et oncle.

Par moment le désespoir vous gagnait et vous craigniez de n’avoir pas assez de
force pour continuer à porter et à supporter tout cela. Mais quand donc, ce tunnel
noir dans lequel vous étiez engagés aux côtés de votre cher défunt allait-il
s’arrêter ? Non seulement il fallait se battre contre la maladie mais encore – et
c’était le plus dure – il fallait constamment se battre contre l’incompréhension et
l’incohérence du monde médical et pour le bien-être de Marcel dans cet univers
hospitalier qui porte parfois bien mal son nom.
Bref, de cette épreuve vous sortez vidées, épuisées, anéanties ; ne sachant plus
vraiment ce que cela signifie que de vivre ; d’avoir des projets, des désirs et des
espérances. 
Vous avez tant donné que vous vous êtes oubliés, vous et votre famille. Et si
aujourd’hui vous voulez être fidèles à la mémoire de Marcel, il faut vous tourner
vers les vivants, vers ceux qui sont à vos côtés et qui vous aiment ; vers ceux qui
ont patiemment accompagné et respecté votre engagement auprès de votre frère et
qui aujourd’hui vous tendent la main pour écrire avec eux une nouvelle page de vie.
Car c’est bien cela qui vous attend aujourd’hui ; un nouveau défi qui consiste à
vous poser pour réapprendre progressivement à vivre ; à souffler pour retrouver peu
à peu goût à la vie ; à vous accorder le temps de vivre, le droit de vivre ; à exister
enfin pour vous-mêmes ; à vous retrouver, à être à l’écoute de vous-mêmes pour
trouver ce qui vous permettra de vous reconstruire. Et peut-être qu’il vous faudra
apprendre à accueillir et recevoir l’amour et l’attention d’autrui plutôt que de
vouloir toujours et encore donner. Car à force de donner sans s’accorder le temps
de recevoir, on s’appauvrit, on se vide, on devient une terre aride, on n’existe plus. 
C’est dans ce contexte que j’aimerais vous transmettre l’invitation que le Christ
vous adresse aujourd’hui : « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés et
je vous donnerai du repos »

C’est à la rencontre que le Christ invite par ces mots. Dans notre chagrin, notre
souffrance, il ne s’agit pas de s’enfermer, de rester seul, de se perdre mais
d’accepter de déposer, de lâcher prise et d’accepter de recevoir ce que nous-mêmes
ne pouvons ou ne voulons pas nous accorder : le repos, le calme, la paix intérieure
qui nous permet de nous retrouver.
Le Christ, mieux que quiconque, sait que nous avons besoin de recevoir une parole
qui nous vient d’ailleurs, d’un autre que nous-mêmes et qui nous donne le droit de
reconnaître notre fatigue, de dire notre détresse, d’avouer notre souffrance, d’oser
exprimer nos limites.

En disant, « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés et je vous donnerai
du repos » le Christ ne nous dit de nous débarrasser, d’oublier, mais de le partager
avec lui pour en alléger la charge et y chercher, avec lui, un sens, une profondeur,
une richesse, un enseignement et un dynamisme pour notre vie. 
Par cette parole, le Christ nous invite à partager avec lui, dans la prière et le silence
intérieur, tout ce qui nous épuise et nous préoccupe, tout ce qui limite notre souffle
et brise notre énergie, tout ce qui nous fait trébucher et nous inquiète ; il nous invite
à nous tourner vers lui et à tout remettre entre ses mains ; à faire halte pour aller au
calme ; à recevoir de lui une parole qui libère de toute crainte et de tout sentiment
de culpabilité qui voudraient nous assaillir dans nos moments de fragilité ; à
accueillir et accepter l’apaisement et la paix du cœur que lui seul peut donner et qui
nous rendent capable de nous retrouver et de discerner ce qui est bon pour nous.
« Venez à moi » dit le Christ à vous qui, aujourd’hui êtes un peu perdu dans
l’écheveau du passé et face à l’inconnu de l’avenir où il s’agit pour vous de tisser
de nouveaux liens et d’écrire une nouvelle page de vie avec ceux qui sont autour de
vous. Et probablement que beaucoup de questions vous taraudent en ce moment :
Suis-je encore capable de vivre ? Vais-je retrouver goût à la vie ? Saurais-je à
nouveau me réjouir de la vie et prendre du temps pour vivre le bonheur au
quotidien avec ceux qui m’aiment ?
« Venez à moi » dit le Christ. Je ne sais pas si vous sentez, vous aussi la force et la
tendresse, qui émanent de cette invitation ; si vous devinez comme moi qu’auprès
de lui est la source de vie à laquelle vous avez besoin d’abreuver votre cœur brûlé
par tant d’abnégation et de sacrifice ; si vous percevez la compassion et l’amour,
qui accompagnent cette parole qui, comme une main tendue, veut vous tirer
délicatement hors du tunnel, vers des prés d’herbe fraîche, au calme près de l’eau
afin de ranimer vos forces comme le confesse le psalmiste dans le psaume 23 ?

« Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés et je vous donnerai du repos »
dit le Christ.
Aujourd’hui plus que jamais, acquiescez à cette invitation ! Allez à lui dans la
prière et déposez devant lui tout ce qui vous accable, vous blesse et vous
préoccupe : votre tristesse, vos craintes pour demain, votre lassitude et vos soucis,
votre manque d’appétit pour la vie et votre sentiment de ne plus savoir vous réjouir
de la vie.
Il peut vous aider. Il veut vous aider et, fidèle à ses promesses, il vous soutiendra et
vous aidera à guérir de vos blessures.
Certes, votre douleur et votre fatigue ne s’effaceront pas comme dans un rêve ou
dans un conte de fée ; mais en vous tournant vers le Christ vous allez à la source de
la vie ; vers celui qui veut et peut étancher votre soif de consolation, d’amour et de
paix intérieure.
Dans le silence de la prière, dites-lui combien vous êtes fatigués et chargés ;
combien vous vous sentiez vidés et anéanti par cette douloureuse expérience ;
combien vous vous sentez démunis et désemparés en pensant aux jours à venir. Et
faites lui confiance pour aujourd’hui et pour demain ; croyez qu’il vous écoute et
vous vient en aide.
Car il l’a promis : « je vous donnerai du repos !»

Amen

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