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1. La Turquie a-t-elle vocation à intégrer l'Union européenne ?
Document 1 : Depuis la demande d'adhésion turque en 1987, les négociations se poursuivent.
Caricature autrichienne, mars 2005.
Novembre 2007 Dans son rapport annuel, la Commission estime que les négociations devraient prendre entre 10 à 15 ans.
Mai 2007 N. Sarkozy, élu président de la République est favorable à “une association étroite, sans aller jusqu'à l'adhésion”.
Décembre 2006 Fermeture de 8 chapitres de négociation, la Turquie refusant d’appliquer à Chypre le protocole dit d’Ankara.
3 octobre 2005 Début effectif des négociations.
1999 Conseil européen d'Helsinki. La Turquie obtient le statut de candidat.
1997 Conseil européen du Luxembourg. La Turquie est écartée comme candidate potentielle à l’Union.
1993 Le Conseil européen de Copenhague définit les critères préalables à toute adhésion (État démocratique, libre
concurrence, etc.), ce qui ouvre la porte à la candidature de la Turquie.
1990 Début de l’union douanière Turquie-UE. La Turquie est jusqu’à aujourd’hui le seul pays qui est membre de
l’union douanière sans être membre de l’UE.
1987 Dépôt formel de candidature pour une adhésion à l’UE = Candidature officielle de la Turquie.
12 septembre 1980 Putsch militaire en Turquie. Les négociations entre la Turquie et la CEE sont suspendues.
12 juillet 1963 Accord d'association CEE-Turquie.
31 juillet 1959 Première demande d’association de la Turquie avec la Communauté économique européenne (CEE).
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Document 3 : Le Monde.fr | 29.01.2014 Par Hélène Sallon
En visite officielle à Ankara les 27 et 28 janvier, le président français François Hollande ne pouvait se soustraire à la
question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne (UE), dont les négociations sont bloquées depuis trois ans. Après la
répression par les autorités turques du mouvement de contestation de la place Taksim d'Istanbul au printemps 2013 et à cinq
mois d'élections européennes qui s'annoncent comme un désastre pour le Parti socialiste, le sujet est délicat.
En soi, cette visite, la première d'un chef d'État français depuis 1993, constitue un signal de relance pour la Turquie, au
moment où elle traverse une crise politique sans précédent. Mais le président Hollande s'est contenté d'acter que l'entrée de la
Turquie dans l'UE « sera en France de toute manière soumise à référendum», lors d'une conférence de presse avec son
homologue turc, Abdullah Gül. Une éventualité qui ne devrait pas se présenter sous son mandat ni pendant le suivant.
Un processus lancé en 2005
Officiellement candidate depuis 1999, la Turquie a obtenu, le 3 octobre 2005, l'ouverture des négociations avec l'UE en vue de
son adhésion. Le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, arrivé au pouvoir avec l'AKP (islamo-conservateur) en 2002, a lancé un
vaste chantier de réformes politiques et économiques dans l'espoir d'entrer dans l'Union.
Depuis 2007, la Turquie a reçu 4,8 milliards d'euros de l'Union européenne (685 millions d'euros par an) pour faciliter son
adaptation aux critères européens. L'instrument d'aide de pré-adhésion (IAP) de la Commission vise à soutenir l'édification
d'institutions démocratiques et d'une économie de marché, une amélioration de la capacité administrative, le développement régional
et rural, etc.
Sur les 35 chapitres des négociations, treize ont été ouverts et un seul a jusqu'ici pu être bouclé. Les autres chapitres ont été
bloqués soit par la France soit par Chypre, dont la partie nord est occupée depuis 1974 par les troupes turques. Aucun nouveau thème
n'a ainsi été abordé depuis juin 2010.
Le désir turc d'Europe
« La Turquie a choisi l'Europe et l'Occident comme modèle de civilisation depuis deux siècles et s'en est inspiré pour son
entreprise de modernisation politique, économique et culturelle lors de la fondation de la république turque par Atatürk dans
les années 1920 », explique Nicolas Monceau, maître de conférence à l'université de Bordeaux. Son entrée dans l'UE, vu
comme l'aboutissement de ce processus, serait un succès politique majeur pour les dirigeants turcs.
Ces derniers ont fait de l'intégration européenne un axe central de la politique étrangère turque depuis l'accord d'association
avec l'UE en 1963. La Turquie, membre de l'OTAN, a intégré depuis la plupart des institutions de l'Europe : le Conseil de
l'Europe, l'OCDE... et a passé un accord sur une union douanière avec l'Union en 1996.
Les arguments intégrationnistes vus d'Europe
Pour ses partisans, l'intégration de ce pays de 75 millions d'habitants, 17e PNB mondial, à l'UE devrait « consolider et
renforcer les échanges économiques entre la Turquie et l'Union européenne, qui constitue l'un de ses principaux partenaires
commerciaux », note M. Monceau. Sur le plan politique, les intégrationnistes estiment que l'entrée de la Turquie renforcerait
la puissance de l'Europe et que « l'intégration de ce pays majoritairement musulman serait un signal fort en faveur du dialogue
et du rapprochement avec le monde musulman », ajoute le spécialiste.
« De manière générale, si l'on reprend les débats menés au sein de l'UE ces dix dernières années, les institutions
européennes ont soutenu la volonté de mener les négociations d'adhésion avec la Turquie jusqu'au point le plus lointain voire
même l'adhésion. Ce fut la position en particulier de la Commission européenne qui a adopté une position généralement
modérée, prudente, pour encourager les réformes et ne pas fermer la porte. Les États membres ont été, eux, plus divisés en
fonction de leur conjoncture politique et de leurs opinions publiques », analyse M. Monceau.
Les réticences européennes
Parmi les États membres, plusieurs arguments sont avancés contre l'intégration turque. Le refus de la Turquie de
reconnaître la République de Chypre, Etat membre de l'Union, constitue le principal point de blocage. « La signature par
Ankara en 2005 du protocole d'Ankara étendant l'Union douanière aux dix nouveaux États membres de l'UE, mais en refusant
de reconnaître la République de Chypre, a bloqué les négociations », indique Nicolas Monceau.
Sur le plan économique, l'entrée de la Turquie dans l'UE fait craindre un flux migratoire conséquent en Europe. Sur le plan
politique, « certains considèrent que du fait de son poids démographique, la Turquie aurait un rôle trop important dans les
institutions européennes et notamment au Parlement européen. La question de sa loyauté à l'UE est posée », ajoute M.
Monceau. D'autres craignent, par ailleurs, que les enjeux géopolitiques posés à la Turquie, qui partage des frontières avec
l'Iran, l'Irak, la Syrie et la Géorgie, ne deviennent aussi le problème de l'Europe.
L'insuffisance des réformes économiques et politiques, notamment sur le plan du respect de l'État de droit et des droits de
l'homme, notamment des femmes et des minorités, est aussi un argument de taille. « Les évolutions récentes, notamment les
dérives autoritaires du premier ministre Erdogan, inquiètent les dirigeants européens », indique M. Monceau. Le principe de
conditionnalité de l'adhésion à des réformes est utilisé par l'UE pour encourager Ankara à harmoniser ses normes
démocratiques et ses règles de gouvernance économique.
Finalement, le poids des opinions publiques européennes, majoritairement défavorables à l'intégration de la Turquie, pèse
dans la décision. Un sondage IFOP, publié récemment, révélait que 83 % des Français se déclaraient majoritairement hostiles à
son entrée.
Le blocage franco-allemand
Paris s'est longtemps montré bienveillant devant l'ambition turque d'intégrer le marché commun, malgré les débats
politiques intenses qu'elle suscite au sein de la classe politique. Le ton a changé radicalement avec les élections européennes
de 2004, marquées par une poussée des mouvements populistes, hostiles à l'entrée de la Turquie musulmane dans le « club
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chrétien ».
La France sous le président Nicolas Sarkozy et l'Allemagne de la chancelière Merkel ont bloqué l'ouverture de cinq
nouveaux chapitres de négociations qui auraient rendu inéluctable l'adhésion de la Turquie à l'UE : politique régionale,
politique agricole commune, union économique et monétaire, dispositions institutionnelles et dispositions financières. Toutes
deux ont proposé un « partenariat privilégié » comme alternative à l'adhésion, une option balayée par Ankara.
Cap à l'est ?
La frustration des Turcs face à ce blocage les a conduits à se tourner vers l'est. Fin janvier, le premier ministre Erdogan a
ainsi suggéré que son pays pourrait privilégier, faute de progrès avec les Européens, un rapprochement avec l'Organisation de
coopération de Shanghaï, emmenée par la Chine, la Russie et les républiques d'Asie centrale.
« Les menaces de rupture avec l'UE seraient un coup de bluff de la part des dirigeants turcs. Il n'est pas dans l'intérêt de la
Turquie sur le plan, économique, politique et militaire de s'éloigner de l'UE et des États-Unis », estime Nicolas Monceau.
L'échec de la politique de « bon voisinage » mise en œuvre sur le plan régional par la Turquie depuis 2007, notamment sur les
dossiers arménien, syrien et égyptien, incite par ailleurs Ankara à réaffirmer son ancrage européen.
Avec la visite de François Hollande et la relance du processus, le discours s'est apaisé. « Pour nous, l'Union européenne est
un objectif stratégique. Mais même si nous arrivons à mener les négociations jusqu'au bout, cela ne veut pas forcément dire
qu'il y aura adhésion », a indiqué le président Abdullah Gül, lors de la visite de François Hollande.
La relance du processus
Après trois ans de statu quo dans les négociations, la France a levé, en novembre 2013, son blocage sur le chapitre
consacré aux politiques régionales, « pour sortir de l'impasse ». La nécessité de renouer le dialogue avec la Turquie s'est
imposée, en France comme en Allemagne, compte tenu de la répression violente du mouvement de contestation parti de la
place Taksim.
François Hollande souhaite des relations plus apaisées avec la Turquie, afin d'utiliser le levier de l'adhésion pour exprimer
des exigences en matière d'indépendance de la justice, de respect de l'État de droit et des droits de l'homme. Le président
français a une nouvelle fois exhorté la Turquie à faire son « travail de mémoire » sur le génocide de centaines de milliers
d'Arméniens par l'empire ottoman en 1915.
« La relance des négociations doit permettre de détendre un peu les discussions stratégiques avec les Turcs, qu'il s'agisse de
la Syrie, de l'OTAN, de leur rôle dans la Méditerranée, d'énergie ou d'immigration », justifie également un diplomate.
La Turquie et l'UE ont ainsi signé le 16 décembre un accord sur l'immigration clandestine, par lequel Ankara s'engage à
accepter le retour sur son territoire des migrants clandestins partis de Turquie et expulsés par les Européens. En contrepartie,
l'UE a accepté de garantir dès 2017 la libre entrée des ressortissants turcs sur son territoire.
Quelle perspective à long terme ?
Ankara réclame désormais le déblocage des quatre autres volets gelés par Nicolas Sarkozy. A Paris, comme à Bruxelles, on
considère que certains chapitres sont impossibles à ouvrir en raison du manque de réformes constaté à Ankara. Et l'on attend
l'assouplissement de certaines lois antiterroristes, considérées comme liberticides, dans le contexte des pourparlers engagés
avec la minorité kurde.
Souhaitant faire levier pour garantir la poursuite des réformes de démocratisation en Turquie, la Commission a demandé
aux 28 États membres de dégager la voie à l'ouverture de deux autres chapitres portant sur les droits fondamentaux, la justice,
la liberté et la sécurité.
Quoi qu'il en soit, estime Nicolas Monceau, « la perspective de l'entrée de la Turquie dans l'UE a été reléguée au second
plan ». « Elle n'est plus aujourd'hui un enjeu prioritaire. Les élections européennes pourraient toutefois donner lieu à une
nouvelle irruption de la question turque dans la campagne comme cela avait été le cas en 2004 et 2009. »
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"le cadre légal pour les affaires de terrorisme et de crime organisé est appliqué si largement qu'il conduit à des violations
récurrentes du droit à un procès équitable et des libertés d'expression, de réunion et d'association", note le rapport. La torture,
les prisons, la situation des minorités font également l'objet de critiques, tout comme la question arménienne.
La situation s'est encore dégradée depuis la réforme judiciaire engagée en janvier 2014 et qui a menée à une véritable
purge au sein de la police et de la justice. L'Union européenne a critiqué cette mesure, faisant part de son inquiétude quant à la
séparation des pouvoirs en Turquie.
La Turquie et les critères économiques
Les critères économiques à satisfaire : le pays doit être doté d'une économie de marché viable et doit être capable de faire
face aux forces du marché et à la pression concurrentielle à l'intérieur de l'Union.
Où en est la Turquie aujourd'hui ?
Après des années de croissance à 5 % du PIB, et même à 8 % en dépit d'une récession en 2009, l'économie turque montre
des signes d'essoufflement. En 2012, la croissance est tombée à 2,2 %. En 2013, elle enregistre un taux de croissance de 3,7 %
(premier semestre), contre le 0,3% de la zone euro (deuxième trimestre).
La Turquie et l'acquis communautaire
Le critère de l'acquis communautaire est l'aptitude à assumer les obligations découlant de l'adhésion, et notamment à
souscrire aux objectifs de l'Union politique, économique et monétaire.
Où en est la Turquie aujourd'hui ?
Selon le rapport de la Commission européenne "Stratégie d'élargissement et principaux défis 2012-2013", la Turquie doit
encore déployer d'importants efforts en vue de se conformer aux normes les plus élevées qui soient en matière de démocratie
et de droits de l'homme. Les travaux en cours sur une nouvelle Constitution sont l'occasion d'essayer d'y parvenir.
Le gel de chapitres de négociations
Depuis début 2010, les négociations d’adhésion n’ont pas pu progresser. 13 chapitres de négociations (sur un total de 35)
ont été ouverts et un seul provisoirement clôturé. En 2013, un 14ème chapitre a été ouvert, concernant la politique régionale.
La Commission européenne et la Turquie ont adopté en mai 2012 un "agenda positif" pour tenter de trouver des raisons
d'envisager avec optimisme la poursuite des négociations d'adhésion du pays à l'UE. Cet agenda prévoit notamment une
concertation accrue sur les grands sujets de politique étrangère, une meilleure coopération dans le domaine de l’énergie, ainsi
que des discussions directes entre la Commission et Ankara pour permettre un alignement progressif des normes turques sur
les normes européennes
Cependant, les relations sont aujourd'hui au point mort. En effet, la Turquie refuse toujours d'appliquer à la République
chypriote, dont elle ne reconnaît pas l'existence légale, le protocole dit d'Ankara, conclu en 2005 lors de l'ouverture des
pourparlers avec l'Union européenne.
Ce protocole prévoit l'extension de l'union douanière Turquie-UE aux dix nouveaux États membres. La Turquie, exigeant
au préalable la fin de l'isolement et de l'embargo qui touche la République turque de Chypre du Nord, interdisait encore
récemment aux navires et avions chypriotes grecs l'accès à ses ports et aéroports. Les pourparlers menés sous les auspices du
secrétaire général de Nations unies en vue de trouver une solution globale à la question chypriote sont dans l'impasse depuis le
printemps 2012.
L’UE bloque ainsi 8 chapitres à cause du non-respect par la Turquie de ses obligations au titre du protocole d’Ankara et 9
autres sont bloqués par les États membres.
Le débat
Enjeux de l'adhésion
L'ouverture des négociations avec la Turquie en 2004 correspond à un tournant historique pour le projet européen. En effet,
si l'élargissement aux pays de l'ex- union soviétique s'est fait non sans douleur, leur adhésion n'a pas suscité les vives réactions
qui entourent la candidature turque.
Pourquoi ? Car les enjeux liés à l'entrée de la Turquie relèvent à la fois de l’ordre historique, démographique, religieux et
géopolitique. Le moment où jamais donc, pour l'Union de s'interroger sur son avenir.
Rapide tour d'horizon des points brûlants du débat.
La Turquie n’est pas l’Europe ?
Au-delà des préoccupations purement géographiques (quelles frontières pour le continent européen ?), c'est surtout la
nature du projet européen qui est mis en question avec l'éventuelle adhésion turque. La construction européenne, est- ce une
histoire commune et une proximité géographique, ou au contraire un projet à vocation universaliste, rapprochant les peuples
autour de valeurs et d'institutions ?
Fragilité économique
Si l'économie turque continue d'afficher une forte croissance, d'importants déséquilibres extérieurs et pressions
inflationnistes demeurent toutefois les menaces les plus sérieuses pour la stabilité macroéconomique du pays. Taux élevé de
corruption, chômage, dette publique, opacité… Certains s'inquiètent du montant des aides économiques, transferts et prêts
qu'il faudra accorder à la Turquie. D'autres au contraire soulignent son fort potentiel économique, notamment lié à sa
croissance démographique, et estiment que l'Union européenne en sortirait gagnante.
La Commission réfléchit à des moyens de répondre aux préoccupations de la Turquie dans le cadre de l'union douanière, au
sujet notamment des accords de libre-échange conclus par l'UE avec des pays tiers. Dans le même temps, elle souligne qu'il
serait souhaitable de moderniser l'union douanière et nécessaire de trouver une solution aux différends commerciaux qui
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entravent les échanges entre la Turquie et l'UE.
La Commission a demandé à la Banque mondiale d'évaluer le fonctionnement de l'union douanière, dans le but ultime de la
moderniser.
La question religieuse
La Turquie est un état laïc : sa constitution prévoit qu'aucune réforme constitutionnelle ne peut porter atteinte à la laïcité.
Pourtant, et même si l'islam ne constitue pas une nouveauté sur le territoire européen, la question religieuse est souvent mise
en avant dans les débats. Si la Turquie entrait aujourd’hui en Europe, l’islam deviendrait la troisième religion de l’Union,
derrière les catholiques et les protestants.
Poids démographique et impact sur les institutions européennes
Avec 75 millions d'habitants aujourd'hui, quel serait le poids politique de la Turquie dans les institutions européennes ? La
question en fait grimacer plus d'un. Avec 96 députés au Parlement européen, la Turquie viendrait rejoindre les "grands pays"
d'Europe (Allemagne, Italie, France, Royaume Uni). On imagine la réaction des "petits pays" qui verraient leur poids au
Parlement s'affaiblir. Se pose également la question de la pondération des voix au Conseil. Le Traité de Lisbonne prévoit un
système de double majorité dans lequel toute décision doit être approuvée par au moins 55 % des États membres, représentant
au moins 65 % de la population. Avec sa population, la Turquie disposerait d'un pouvoir politique et de blocage non
négligeable. Une population qui en terme de flux migratoires constitue également pour certains une crainte, pour d'autres une
opportunité.
Enjeux géopolitiques
Par sa position intermédiaire entre l’Occident et les pays arabo-musulmans, la Turquie est un allié stratégique non négligeable
pour l'Union Européenne. En outre, son armée, reconnue pour sa grande efficacité, est la plus importante dans l'OTAN après celle
des États-Unis. Certains voient dans la constitution d'une zone de paix et de prospérité avec la Turquie une chance pour les régions
transfrontalières instables. D'autres craignent au contraire qu'en devenant partie prenante dans les conflits de cette région, l'Union
européenne perde sa capacité de conciliation.
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Mais le Premier ministre est aussi l'homme du retour du voile pour les femmes à l'université, dans un pays de tradition laïque. Et
cela, au risque d'irriter des opinions européennes plutôt fermées à l'entrée de la Turquie dans l'UE, comme en France, en Allemagne
ou en Autriche.
Un paradoxe qui s'explique par la satisfaction de la base électorale de son parti, l'AKP (islamisme modéré). Soutenu par des
citoyens plutôt modestes et aux valeurs conservatrices, Erdogan doit leur donner des gages... même s'ils entrent en contradiction
avec la feuille de route européenne. "Il joue l'inclusion symbolique, par la religion ou un ultranationalisme, auprès d'une population
qui n'est pas aussi bien incluse économiquement que les classes moyennes supérieures", commente Jean-François Pérouse.
Encore cinquante ans de négociation ?
La Turquie, du haut de ses 75 millions d'habitants, reste un morceau de taille que les 27 (bientôt 28 avec la Croatie) doivent
digérer. Le choc d'absorption se joue donc dans les deux sens, et à l'heure où l'Europe patine, il est clair que l'entrée de ce géant ne
fait pas partie des priorités des gouvernements continentaux. Côté turc, l'Europe fait d'ailleurs moins rêver qu'avant : en crise,
divisée, si ce n'est pas encore l'enfer, elle est loin désormais d'incarner la terre promise. "La Turquie a désormais un solde migratoire
positif vis-à-vis de l'Allemagne, comme le Maroc avec l'Espagne, c'est dire...", souligne Hélène Flautre.
"L'honneur et la respectabilité internationale de la Turquie sont tout de même en jeu, rappelle Jean-François Pérouse. Et, pour les
minorités en tout genre, l'accès à l'Europe est la plus forte garantie de protection et de respect de leurs droits." Dans les médias turcs,
on évoque désormais 2023 comme date éventuelle d'une adhésion définitive. Une hypothèse un brin optimiste, même si elle serait un
beau symbole pour fêter les cent ans de la République de Turquie.
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Document 7 : Liens vidéos
- LET’S TALK: Pour ou contre l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne? 15'48''
http://europarltv.europa.eu/fr/player.aspx?pid=a80252ff-2e89-4c14-aaf1-9492a844528f
- LA TURQUIE ET L'UNION EUROPÉENNE - CENGIZ AKTAR 1 h 02' 03''
http://www.canal-u.tv/video/universite_de_tous_les_savoirs/la_turquie_et_l_union_europeenne_cengiz_aktar.5168
- Michel Rocard, ancien Premier ministre et député européen, nous dit pourquoi il est pour l'entrée de la Turquie au sein de
l'Union européenne. 5'
http://www.dailymotion.com/video/x7g2s5_pour-l-integration-de-la-turquie-da_news
- Mise en ligne le 18 nov. 2008. Sylvie Goulard, présidente du Mouvement européen France, nous dit pourquoi elle est contre
l'entrée de la Turquie au sein de l'Union européenne. 2'19''
http://www.youtube.com/watch?v=qU7pRqa7kEo
- Toute l'Europe en débat n°36 : le point sur la situation en Turquie. Entretien avec Hélène Flautre, eurodéputée (Verts/ALE)
présidente de la Délégation UE-Turquie au parlement européen, et Kayhan Karaca, journaliste turc correspondant en France
pour la chaîne NTV-CNBC.
http://www.dailymotion.com/video/x11j2id_toute-l-europe-en-debat-n-36-le-point-sur-la-situation-en-turquie_news
Document 8 : L'Union européenne et la Turquie en chiffres depuis 2016 (Eurostat, banque mondiale, etc.)
Turquie France Allemagne RU UE Valeur - UE Valeur + UE
Population (en milliers) 78 700 66 627 82 175 65 110 513 188 0, 433 504 (Malte) 82 175 (All.)
PIB (millions $) 720 000 2 829 192 3 852 556 2 848 755 18 812 000 9 316 (Malte) 3 852 556 (All.)
PIB/hab (en $) 19 618 37 728 41 267 44 118 37 676 8 807 (Rou.) 103 187 (lux.)
IDH 0,759 0,888 0,916 0,907 0,824 0,782 (Bulgarie) 0,944 (Norvège)
Taux de chômage (en%) 10,1 9,7 4,1 4,7 8,3 3,7 (Rép. tchèque) 27,2 (Grèce)
% pop° active agricole 23 3 1,6 1 2,85 0,7 (RU, Belgique) 7,9 (Roumanie)
Dépenses militaires (%/PIB) 2,1 2,1 1,2 1,9 1,5 0,5 (Irlande, Lux.) 2,4 (Grèce)
Document 9 :
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Document 10 :
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Document 11 : http://www.touteleurope.eu/les-politiques-europeennes/elargissement/synthese/etat-des-lieux-des-
negociations-d-adhesion-a-l-union-europeenne.html
Pays associé aux Communautés européennes depuis 1963, la Turquie a déposé sa candidature en 1987 mais n'a été reconnue
"pays candidat" qu'en 1999 lors du Conseil européen d'Helsinki. L'UE estimait jusqu'alors que ce pays ne remplissait pas les critères
politiques et institutionnels. Le 6 octobre 2004, la Commission européenne a jugé que la Turquie avait finalement fourni les efforts
nécessaires pour satisfaire suffisamment aux critères de Copenhague. Le Parlement européen est parvenu à la même conclusion le 15
décembre 2004.
Ainsi, les chefs d'État ou de gouvernement réunis en Conseil européen les 17 et 18 décembre 2004 ont proposé d'ouvrir les
négociations d'adhésion à condition que la Turquie adopte certaines réformes et signe le protocole étendant l’Union douanière aux 10
nouveaux États membres. 17 ans après le dépôt de sa candidature, les négociations d'adhésion ont débuté le 3 octobre 2005.
Désaccord sur Chypre
Depuis 1974, la Turquie occupe le nord de l'île et refuse de reconnaître le gouvernement de Nicosie, le seul à être reconnu par la
communauté internationale. En juillet 2005, lors de la signature de l’accord étendant l'Union douanière entre la Turquie et l'UE aux
dix nouveaux États membres, les autorités turques ont tenu à préciser qu'à travers ce texte elles ne reconnaissaient pas la République
de Chypre, pourtant membre de l'UE depuis le 1er mai 2004. L'UE a indiqué, quant à elle, qu'Ankara aura l'obligation de reconnaître
la partie chypriote dans le courant des négociations. Le Conseil des ministres européens des Affaires étrangères a finalement décidé
en 2006 de suivre la recommandation de la Commission européenne en suspendant les discussions avec Ankara sur 8 des 35
chapitres de négociation, en raison du refus turc d'ouvrir ses ports et aéroports aux navires et avions en provenance de Chypre.
Une lente progression
16 des 35 chapitres ont été ouverts à ce jour, le dernier en date (ouvert en juin 2016) concernant les dispositions financières et
budgétaires. Parmi eux, seul le chapitre "Science et recherche" a été provisoirement clos. Opposée à l'adhésion de la Turquie comme
l'Allemagne et l'Autriche, la France dirigée par Nicolas Sarkozy a, de son côté, bloqué l'ouverture de 5 chapitres qui pourraient
conduire directement à l'adhésion. En revanche, c'est le gouvernement socialiste français qui s'est prononcé en faveur de la levée du
blocage du chapitre n°22 sur la politique régionale.
Dans son rapport annuel publié en octobre 2012, la Commission européenne a regretté le manque d'effort fournis par Ankara
pour normaliser ses relations avec l'Arménie et la République de Chypre. Elle déplore notamment qu'au cours du second semestre
2012, la Turquie n'ait assisté à aucune réunion présidée par la présidence chypriote du Conseil. Afin de normaliser ses relations
bilatérales avec Chypre, la Commission presse la Turquie de mettre en œuvre l'accord d'union douanière conclu avec l'UE en 2005
(protocole d'Ankara).
La Commission a également insisté sur les progrès restant à faire concernant l'application des critères politiques, des droits de
l'Homme et de la protection des minorités. Les inquiétudes de la Commission portent plus particulièrement sur les libertés de culte,
d'expression et de réunion.
Après la suspension des négociations début 2013, en réaction aux répressions des manifestations par le régime de Recep Tayyip
Erdogan, les Vingt-Huit ont décidé l’ouverture d’un nouveau chapitre (politique régionale) en novembre 2013. En octobre 2014, la
France, soutenue par la Commission européenne, s'est dite favorable à l'ouverture de deux nouveaux chapitres.
Accord migratoire et coup d'État
Suite au sommet UE-Turquie du 29 novembre 2015 autour de la crise migratoire, le processus d'adhésion a été relancé. Le 14
décembre, le chapitre politique économique et monétaire a été ouvert. La Commission européenne s'est engagée à travailler en vue
de l'ouverture de nouveaux chapitres au premier trimestre 2016, ce qui a été le cas avec l'ouverture du chapitre 33 en juin.
A la suite de la tentative de coup d'État avortée de la part d'une partie de l'armée turque en juillet 2016, l'Union européenne s'est
inquiétée des représailles du gouvernement envers les putschistes, notamment d'un possible rétablissement de la peine capitale
(abolie en 2004, justement dans le cadre de la candidature à l'UE).
Document 12 : http://www.courrierinternational.com/article/turquie-leurope-va-t-elle-se-debarrasser-de-lembarrassant-erdogan
Le coup d’État manqué du 15 juillet a donné lieu à de vastes purges dans l’armée et la fonction publique. Pour les journaux
européens, il est temps que l’Union européenne remette en cause ses accords avec une Turquie de moins en moins démocratique.
Vendredi 15 juillet, alors qu’à Ankara et à Istanbul des militaires tentaient de prendre le pouvoir, “l’Europe, l’Otan et les États-
Unis ont longuement retenu leur souffle, avec espoir”, relate De Standaard. “Mais dès que l’échec du coup d’État est apparu évident,
ils ont dû bon gré, mal gré, se ranger derrière Erdogan ‘au nom de la démocratie’.”
Le putsch manqué n’a donc pas signé la fin du pouvoir de plus en plus autoritaire de Recep Tayyip Erdogan (président depuis
2014 et précédemment Premier ministre, depuis 2003) – au contraire. Et visiblement, ce n’est pas non plus la fin de ses accords avec
l’Occident, lequel est “condamné à travailler avec un Erdogan encore plus intraitable”, poursuit le journal belge néerlandophone.
“Revanchard, irascible, autoritaire, obstiné : le président Erdogan était tout cela” bien avant la tentative de coup d’Etat, écrit The
Daily Telegraph.
Or le pouvoir d’Erdogan est considérable, comme le pointe la Süddeutsche Zeitung : “La Turquie a peut-être besoin de ses
partenaires internationaux, mais ce sont eux, surtout, qui ont besoin d’elle.” Et de fait, comme l’explique De Standaard, “Erdogan
provoque l’Otan et les États-Unis au sujet de l’usage de ses bases militaires”, utilisées dans le cadre des frappes contre l’État
islamique. Et il “tient l’Europe en otage avec le drame syrien de l’asile”, puisque dans le cadre d’un accord scellé en mars 2016,
l’Union européenne lui a délégué le contrôle des flux migratoires à sa frontière avec la Grèce contre une enveloppe de 6 milliards
d’euros, la levée des visas pour les Turcs voyageant dans l’UE, et la reprise des négociations sur l’adhésion d’Ankara à l’UE.
Jusqu’où va la realpolitik ?
Si, depuis sa première demande d’adhésion en 1987, une relation s’est nouée au fil du temps entre l’UE et la Turquie, c’est aussi
sur la base d’un postulat “qui aujourd’hui vacille”, explique La Repubblica : l’idée que les négociations et le dialogue permettraient
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progressivement de renforcer la démocratie et de freiner les élans autoritaires du pouvoir turc.
Avec l’échec du coup d’État et la répression qui s’ensuit, cette théorie s’effondre. “L’UE assiste avec inquiétude à ce nouveau
tournant autoritaire en Turquie”, écrit La Voz de Galicia. Très vite, près de 9 000 fonctionnaires du ministère de l’Intérieur ont été
limogés, d’après l’agence de presse Anadolu, et 7 543 personnes, dont 6 038 militaires, ont été placées en garde à vue dans le cadre
de l’enquête, a indiqué le Premier ministre Binali Yildirim lundi 18 juillet. Quant au président, il avait évoqué la veille le
rétablissement de la peine de mort pour les putschistes.
“Jusqu’où va la realpolitik ?”, s’interroge De Standaard.
“Comment se comporter avec un président qui a un jour comparé la démocratie à un bus, la réduisant à un moyen de transport
que l’on était libre de prendre comme d’en sortir ?”, se demande de son côté Stefan Kornelius, qui dirige le service étranger de la
Süddeutsche Zeitung.
Pour lui, il est temps de clarifier nos relations avec cet allié si peu fiable. Et les Etats européens doivent se montrer fermes :
Si l’opposition est trop faible, les médias bâillonnés et les élites trop effrayées, il faudra – quand les militaires auront regagné
leurs casernes – que quelqu’un rappelle au gouvernement turc qu’il existe des limites. […] Il serait plus que jamais temps
d’exprimer les intérêts des alliés de la Turquie : les valeurs et principes de l’État de droit, aussi abstraits ces concepts puissent-ils
paraître.”
Ces questions doivent être discutées par le conseil des ministres des Affaires étrangères de l’UE qui se réunit à Bruxelles ce 18
juillet. Mais le gouvernement allemand a fait savoir, dès la mi-journée, que le rétablissement de la peine de mort marquerait “la fin
des négociations sur l’adhésion” d’Ankara à l’UE. Publié le 18/07/2016
Document 13 : Turquie. Pourquoi Erdogan reste si populaire, Courrier international, publié le 09/12/2016,
http://www.courrierinternational.com/notule-source/al-monitor
Malgré son autoritarisme, la répression qu’il mène depuis des mois, ses violations des libertés et l’essoufflement de
l’économie, le président turc jouit toujours d’une popularité croissante.
Depuis son arrivée au pouvoir en novembre 2002, le président turc Recep Tayyip Erdogan a remporté toutes les
élections auxquelles il s’est présenté, en renforçant presque à chaque fois son soutien populaire. Mais si l’on fait un bilan
de son action, on constate que son image et sa politique ne présentent pas la même régularité.
Si ses dix premières années au pouvoir ont été marquées par une politique réformiste, les cinq dernières ont connu
une orientation de plus en plus autoritaire. D’où cette question fondamentale qui revient sans cesse : comment Erdogan
parvient-il à conserver son soutien et à remporter de nouvelles victoires électorales tout en étant accusé d’autoritarisme
et en projetant une image aussi peu démocratique ? Erdogan continue sa vague répressive L’autoritarisme d’Ankara a
manifestement atteint un sommet au lendemain de la tentative de coup d’État du 15 juillet dernier. Le bilan des quatre
derniers mois est éloquent : la répression contre des responsables politiques kurdes et l’opposition progressiste —
parallèlement à l’élimination des putschistes, à la suspension des libertés et aux initiatives visant à établir une hégémonie
politique sur l’État et un système de justice arbitraire — ont atteint des niveaux sans précédent ; A cela il faut ajouter une
approche résolument sécuritaire de la question kurde, un positionnement régional ferme, marqué par des interventions
militaires, et une économie de plus en plus fragile. Le soutien populaire d'Erdogan s'en est-il ressenti ?
Selon les sondages d'opinion (….), l'AKP atteint 53 % soit 3,5 points de que lors des dernières élections générales, il
y a un an (2015). (…) Comment est-il possible que ce virage autoritaire s'accompagne d'un gain de popularité pour ses
responsables ? Deux facteurs expliquent ce paradoxe.
Le premier (…) tient incontestablement à la fonction historique d'Erdogan et à la transformation sociale qu'il incarne.
Il est en effet le seul conservateur à avoir réussi à renverser le modèle républicain kémaliste (d'Atatürk). Sous l'influence
d'Erdogan, les valeurs religieuses et les milieux qui les portent, marginalisés par le modèle républicain fondateur, sont
revenus au centre du système politique. Les milieux conservateurs sont devenus les égaux des laïques en termes de
droits culturels, de pouvoir économique et de représentation politique. Cette évolution consacre une aspiration à l'égalité
vieille d'un siècle, et c'est ainsi que les Turcs conservateurs conçoivent la démocratie. Erdogan est parvenu à consolider
cette évolution en constituant une nouvelle classe moyenne. S'appuyant sur des conditions économiques favorables, il a
fait passer la classe moyenne turque de 21 % de la population en 2002 à 41 % en 2011. Par ailleurs, les politiques
d'Erdogan ont eu un effet positif sur le pays dans son ensemble. Le droit turc est devenu plus démocratique, s'alignant
sur les critères de Copenhague fixés par l'UE, et les libertés ont vu leur champ d'application élargi.
Le deuxième facteur (…) concerne une vague sociale de nationalisme et de repli, renforcée par les troubles politiques
de ces dernières années. A partir de 2013, la tendance libérale amorcée parmi les conservateurs turcs a commencé à
faiblir, laissant place à un courant antilibéral. Quand les « printemps arabes » ont cédé face aux mouvements islamistes
et que la confrontation entre l'islam et l'Occident s'est durcie, l'inquiétude vis-à-vis de l'Occident et de ses valeurs s'est
réveillée en Turquie. Dans le même temps, une vague de violence a frappé le pays. Dans l'année écoulée, 17 attentats à
la bombe ont fait près de 300 morts parmi les civils. En ce qui concerne le problème kurde, l'échec du processus de
règlement du conflit [avec la Turquie] a décrédibilisé le dialogue politique, et la guerre en Syrie a eu une incidence de
plus en plus importante sur la vie politique turque via les Kurdes de Syrie [vécus comme une menace pour la Turquie].
(…) Dans le sillage de ces événements, le climat politique s'est orienté vers l'obsession de la sécurité et l'autoritarisme.
Ainsi, une autre caractéristique sous-jacente de la droite turque – le goût du pouvoir et de l'ordre – a commencé à se
manifester. Ali Bayramoglu
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Document 14 : Turquie. Adhésion de la Turquie à l'Union européenne : où en est-on ?
Dès 1964, la Turquie se lie aux Communautés européennes par un accord d'association. En 1995, une union
douanière est créée entre l'UE et Ankara. La Turquie dépose sa candidature en 1987, mais n'est reconnue "pays candidat"
qu'en 1999.
En 2004, la Commission européenne et le Parlement européen jugent que la Turquie a finalement fourni les efforts
nécessaires pour satisfaire aux critères de Copenhague. Les chefs d'État et de gouvernement, réunis en Conseil européen,
proposent donc d'ouvrir les négociations d'adhésion à condition qu'Ankara adopte certaines réformes et signe le
protocole étendant l’union douanière aux 10 nouveaux États membres de l'UE.
18 ans après le dépôt de sa candidature, les négociations d'adhésion débutent le 3 octobre 2005. En juin 2019, le
Conseil de l'UE considère cependant qu'elles sont "au point mort".
Désaccord sur Chypre : un pas en avant, trois pas en arrière
Depuis 1974, la Turquie occupe le nord de l'île de Chypre et refuse de reconnaître le gouvernement de Nicosie, seul à
être reconnu par la communauté internationale. En juillet 2005, lors de la signature de l’accord étendant l'Union
douanière entre la Turquie et l'UE aux dix nouveaux États membres, les autorités turques précisent donc qu'à travers ce
texte, elles ne reconnaissent pas la République de Chypre, pourtant membre de l'UE depuis le 1er mai 2004.
L'UE indique quant à elle qu'Ankara aura l'obligation de reconnaître la partie chypriote lors des négociations. Et en
2006, le Conseil Affaires étrangères décide finalement de suspendre les discussions avec Ankara sur plusieurs chapitres
de négociation, en raison du refus turc d'ouvrir ses ports et aéroports aux navires et avions en provenance de Chypre.
Dans son rapport annuel publié en octobre 2012, la Commission européenne regrette également le manque d'efforts
fournis par la Turquie pour normaliser ses relations avec l'Arménie. Bruxelles insiste aussi sur les progrès à faire
concernant l'application des critères politiques, des droits de l'Homme et de la protection des minorités. Les inquiétudes
de la Commission portent plus particulièrement sur les libertés de culte, d'expression et de réunion. Début 2013, les
négociations sont suspendues en réaction aux répressions des manifestations par le régime de Recep Tayyip Erdoğan.
Elles reprennent lentement en novembre de la même année, les Vingt-Huit décidant finalement d'ouvrir le chapitre
sur la politique régionale. Mais aujourd'hui, après 14 ans de négociation, seuls 16 des 35 chapitres sont ouverts, le
dernier en date (ouvert en juin 2016) concernant les dispositions financières et budgétaires. Parmi eux, seul le chapitre
"Science et recherche" est provisoirement clos.
Accord migratoire et coup d'État ; gel des négociations
Après le sommet UE-Turquie du 29 novembre 2015 autour de la crise migratoire (un accord est signé en 2016 sur la
prise en charge des migrants), le processus d'adhésion est relancé. Le 14 décembre, le chapitre "Politique économique et
monétaire" est ouvert. La Commission européenne s'engage à travailler en vue de l'ouverture de nouveaux chapitres au
premier trimestre 2016, ce qui est le cas avec l'ouverture du chapitre budgétaire en juin.
A la suite d'une tentative de coup d'État en Turquie en juillet 2016, l'Union européenne s'inquiète toutefois à nouveau
des représailles orchestrées par le gouvernement, et notamment d'un possible rétablissement de la peine capitale (abolie
en 2004, justement dans le cadre de la candidature à l'UE).
Les relations entre l'UE et Ankara se dégradent au gré du durcissement du régime turc, certains ressortissants
européens étant par ailleurs eux aussi victimes de la répression.
En octobre 2017, les Européens chargent la Commission de "réfléchir à l'opportunité de réduire et réorienter les fonds
de pré-adhésion, compte tenu de la situation dans le pays". En juin 2018, le Conseil de l'UE indique qu'aucun nouveau
chapitre ne peut être ouvert actuellement.
Mais alors que les Européens semblent désormais privilégier un partenariat, la Turquie persiste officiellement à
vouloir entrer dans l'Union.
Les perspectives d'adhésion s'éloignent
Dans son rapport annuel rendu en 2019, la Commission européenne assure que "la Turquie reste un partenaire clé de
l'Union européenne". Après une interruption de trois ans, le Conseil d'association UE-Turquie se réunit de nouveau en
mars 2019. "Il y a eu un dialogue de haut niveau sur les transports en janvier 2019 et un dialogue économique de haut
niveau en février 2019. Des discussions techniques ont été engagées pour la reconnaissance mutuelle de quelques
indications géographiques de produits agricoles. L'accord migratoire UE-Turquie de mars 2016 continue de produire des
résultats...", énumère notamment la Commission.
Mais Bruxelles rappelle que les réformes pour adhérer à l’UE n'ont pas été réalisées, et que "les graves
préoccupations de l’UE quant à la dégradation de l’état de droit, des droits fondamentaux et du pouvoir judiciaire n’ont
pas été prises en compte". Après l'expiration de l'état d'urgence décrété dans le pays en juillet 2016, une loi a notamment
été adoptée pour maintenir "de nombreux éléments de l'état d'urgence".
En juin 2019, le Conseil de l'UE note donc "que la Turquie continue de s'éloigner un peu plus encore de l'Union
européenne". "Les négociations d'adhésion avec la Turquie sont par conséquent au point mort".
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QUI ? (principaux protagonistes QUOI ? (en quoi consiste...)
concernés, favorables ou non) OÙ ?
QUAND ?
TURQUIE
européenne ou non,
doit intégrer l'UE ou pas
FACTEURS d'INTEGRATION (arguments favorables à...) ? FACTEURS d'EXCLUSION (arguments hostiles à...) ?
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2. Les différentes conceptions de l'Europe : quel(s) projet(s) politique(s) pour
l'Europe ?
Document A : Europe et souveraineté des Etats. Edgard Morin, Alternatives économiques, 1999
La construction européenne s'est faite sans nier les États en faisant traiter un certain nombre de problèmes par des instances
communes, c'est-à-dire en dépassant non pas l'État national, mais son absolutisme. C'est donc une fausse querelle d'opposer
l'Europe des patries à l'Europe supranationale. [...] Dans les faits, la souveraineté des États a toujours été relative. Mais
renoncer à l'idée qu'elle n'est pas absolue semble bien difficile, surtout en France où le culte de l'État est au fondement de
notre démocratie républicaine. Cette impossibilité de dépasser l'absolutisme de la souveraineté de l' État national, qu'on a pu
mesurer à l'échec de la Communauté européenne de défense, a conduit à faire passer la construction européenne par le
méandre économique, sous la forme d'un marché commun, puis du marché unique et maintenant de l'euro. Ce n'est que très
tard, avec les années 1990, qu'on a découvert la totale débilité de l'Europe sur tous les autres plans. Ainsi la guerre dans l'ex-
Yougoslavie, partie intégrante de l'Europe, laisse les États européens totalement hagards et impuissants.
Document C : Pour une fédération d'Etats-nations. Discours de Lionel Jospin, Premier ministre français (1997-2002), 28
mai 2001 à Paris.
Je ne sépare pas la France de l'Europe. Comme tant d'autres Européens convaincus, je désire l'Europe mais je reste attaché
à ma Nation. Faire l'Europe sans défaire la France -ni aucune des autres nations européennes : tel est mon choix politique.
Ainsi, je fais mienne la belle idée de " fédération d'États-nations ".
" Fédération " : voilà un mot qui présente les apparences de la simplicité et les attraits de la cohérence, mais qui recèle en
réalité une diversité de sens. Pour certains, ce terme signifie un exécutif européen qui tirerait sa légitimité du seul Parlement
européen. Cet exécutif aurait le monopole de la diplomatie et de la défense. Dans ce nouvel ensemble, les États actuels
auraient le statut des Länder allemands ou des États fédérés américains. La France, comme d'ailleurs d'autres nations
européennes, ne saurait accepter un tel statut ni cette conception de la " fédération ".
Si, en revanche, on entend par " fédération " une démarche progressive et maîtrisée de partage ou de transfert de
compétences au niveau de l'Union, alors on se réfère à la " fédération d'États-nations ", selon la formule forgée par Jacques
DELORS. C'est là une notion à laquelle je souscris pleinement.
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aujourd'hui à la croisée des chemins. Il est encore temps de choisir entre intégration fédérale et coopération interétatique.
Hélas, le chemin apparemment choisi est bien celui d'un État fédéral [...]. Il suffit de regarder autour de nous pour constater
que le monde évolue dans un sens rigoureusement inverse à celui de l'Europe. Certes, l'hyperpuissance américaine d'une part,
le poids croissant des pouvoirs trans-étatiques d'autre part, donnent parfois l'illusion d'une fin générale de la souveraineté
étatique. Pourtant, plus que jamais, le monde reste fait d'États souverains. La souveraineté, loin d'être une survivance, est au
contraire l'horizon indépassable des relations internationales.
Discours du député Philippe de Villiers à l'Assemblée nationale dans le cadre du débat sur l'élargissement de l'UE, 25 et 26
novembre 2003.
Document E : La vision britannique de l'Europe. Sylvain Kahn, Géopolitique de l'UE, Armand Colin, 2007.
L'Europe à l'Anglaise repose sur deux principes fondamentaux de la culture britannique, ainsi que sur une constante de sa
diplomatie :
Le premier principe, c'est la priorité accordée à la défense des libertés individuelles (...), ce qui interdit la justice arbitraire
et pose les garanties juridiques d'une justice indépendante avec la Bill of rights et l'Habeas corpus (...). La tradition “libérale”
anglaise est d'abord une tradition politique, avant d'être déclinée sur le registre économique.
Le second principe est celui d'un attachement et d'un soutien indéfectible à la politique étrangère des États-unis
d'Amérique. [...] Les dirigeants britanniques, depuis 1945, sont convaincus que la proximité historique qui lie le Royaume-uni
et les EUA est la garantie la plus fiable de défense (...) de l'État de droit et de la démocratie. D'une certaine façon, les
dirigeants britanniques ont trouvé dans la politique américaine depuis 1945, un prolongement de leur action passée. [...]
Cependant, cette culture politique n'a pas secrété comme en France ou aux EUA, la croyance en une mission universaliste ou
en une destinée manifeste. [...]
A cela, s'ajoute une constante de la diplomatie britannique : le souci qu'aucune puissance du continent ne prennent
durablement l'ascendant sur ses voisins. En langage diplomatique, cela peut se nommer une politique soucieuse de l'équilibre
des forces et d'une harmonie entre les nations. [...] Ainsi, les dirigeants britanniques ont cherché à favoriser sur le continent
une multiplicité d'États, s'équilibrant les uns les autres.
Donc une Europe, zone de libre échange, sans politiques communes, une Europe des nations, conforme à ses intérêts
nationaux. Méfiante à l'égard de tout fédéralisme et de toute tentation supranationale, et enfin une Europe qui lui réserve un
traitement spécifique, distinct des autres États.
Document F : La conception française de l'Europe (D'après M. Fouchet, La République européenne, Belin, 2000.)
La conception française est d'abord politique. L'Europe à la française, espace de “réincarnation” de la grandeur
perdue, a pour fonction de garantir et amplifier la puissance nationale qui ne peut plus s'épanouir seule, comme au temps
de Richelieu, Napoléon, Clemenceau ou De Gaulle. L'Europe “idéale” de la France est d'abord un projet de puissance.
Cette ambition va de pair avec la recherche d'un monde multipolaire où l'Europe devrait, grâce à ses initiatives
diplomatiques et à sa monnaie, reprendre autant d'influence qu'autrefois. L'Europe rêvée à Paris reste une Europe des
États nationaux : le Parlement européen y est moins crucial, croit-on, que les parlements nationaux. C'est aussi une
Europe dirigée par les grands pays.
Document G : Une vision du projet géopolitique européen allemand. D'après M. Foucher, La République européenne, Belin,
2000.
L'Europe idéale de l'Allemagne est d'abord une union économique animée par une économie libérale – et sociale- de
marché. Ce libéralisme est régulé par les négociations des acteurs (patronat, syndicats, etc.) tandis que l' État ne dédaigne
pas de protéger des secteurs de l'économie et de la société. Dans l'idéal, l'Europe est un État fédéral, et non une
fédération d'États, avec une forte décentralisation et un système de péréquation financière qui assure un rééquilibrage
entre les différentes régions européennes. Le modèle de l' État-nation souverain est présenté comme “démodé”.
Document H : L'Europe libérale et atlantiste des nouveaux Etats membres D'après A. Marès, Europe centrale, la mélancolie
du réel, éd. Autrement, coll. CERI, 2004
Si Berlin, Vienne, Paris ou Londres ont été à des moments divers des capitales politiques ou culturelles de “l'entre-deux-
meules” pris entre les pressions germaniques et russo-soviétiques, l'Amérique du Nord, une de leurs terres d'émigration
privilégiées, est devenue aussi constitutive de leur identité. Le mythe d'une Amérique salvatrice a été réactivé par
l'effondrement du bloc soviétique. A contrario, le souvenir des accords de Munich (1938), l'immobilisme de l'armée française
derrière la ligne Maginot (1939-1940), la présence du géant allemand recomposé, les déchirements de l'Europe du Sud-Est
dans les années 1990 ont contribué à renforcer la conviction que, beaucoup plus que la construction européenne, la puissance
nord-américaine est en fait le seul garant crédible de leur sécurité. Aussi, l'Europe apparaît-elle davantage comme un espace
socio-économique de prospérité que comme un projet politique. Aucun souffle politique, des craintes (immigration,
concurrence), une absence de modèle socio-économique clair, une incapacité à mener une politique étrangère ou militaire
communes sont autant d'éléments qui ont favorisé ce penchant atlantiste.
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