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Valentine Palmer Vernon. Dommages moraux : l’éveil français au 19e siècle. In: Revue internationale de droit comparé.
Vol. 67 N°1,2015. pp. 7-21;
doi : https://doi.org/10.3406/ridc.2015.20473
https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_2015_num_67_1_20473
Résumé
Dans un discours devant la Société de Législation Comparée l’auteur essaie d’exposer l’histoire et
l’évolution du dommage moral en droit français. Quant à la réparation des dommages moraux, la
France fut le premier régime libéral en Europe. Ce développement a pris son «éveil » et achevé
son essor au dix-neuvième siècle. L’évolution est assez singulière, inspirée en partie par la
pratique des Parlements de l’ancien régime, bien que son développement moderne dérive d’une
interprétation introspective du Code civil. La principale réalisation de la France est de placer les
préjudices matériels et moraux sur un plan d’égalité, tant en matière de responsabilité délictuelle
que de responsabilité contractuelle.
R.I.D.C. 1-2015
DOMMAGES MORAUX :
L’ÉVEIL FRANÇAIS AU 19ème SIÈCLE
*
Thomas Pickles Professor of Law and Co-Director, The Eason-Weinmann Center for
International and Comparative Law, Tulane University. Remarques présentées devant l’Assemblée
Générale de la Société de Législation Comparée, le 10 juill. 2014 à Paris.
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1
V. V. PALMER (ed.) The Recovery of Non-Pecuniary Loss in European Contract Law,
Cambridge University Press, (forthcoming) 2015.
2
L’usage a suivi les courants intellectuels qui ont distingué l’homme moral et l’homme
physique. V. A.-J. PERNETY, La connaissance de l’homme moral par celle de l’homme physique,
Berlin, 1756 ; P.-J.-B. CABANIS, Rapports du physique et du moral de l’homme, 2 vols., Crapelet,
1805 ; H.-E. BEAUNIS, « La douleur », 27ème Revue Philosophique de la France, 1889, pp. 251-
261.
3
Cité in Y. CHARTIER, La réparation du préjudice dans la responsabilité civile, Dalloz,
1983, p. 152.
V. V. PALMER : DOMMAGES MORAUX. L’ÉVEIL FRANÇAIS AU 19ème SIÈCLE 9
4
V. N. JANSEN, « Trapped in categories : On the history of compensation for immaterial
damage in European contract law », in V. V. PALMER (ed.), supra note 1.
5
Official Advisory Opinion, Baden Civil Code, cité dans H. STOLL, « The Consequences of
Liability : Remedies », 11 IECL, 1983.
6
ALR (1794) I.6. §123.
7
ALR (1794) II.6. §119.
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8
ALR (1794) I.6. §111. Les gens nobles n’ont pas d’action civile pour la même raison
exprimée par le législateur du Code de Baden : c’est honteux et scandaleux de faire de la souffrance,
de l’honneur ou des émotions, de simples choses.
9
Ni l’art. 1142 du C. civ. qui parle de manière générale d’inexécution, ni l’art. 1149 qui parle
de perte, ni même l’art. 1382 qui fait référence au dommage, n’incluent ou n’excluent
nécessairement les dommages moraux. H. et L. MAZEAUD, A. TUNC, Traité théorique et pratique
de la responsabilité civile, 6ème éd., Paris, vol. 1, 1965, pp. 424-425. V. aussi L. RIPERT, « La
réparation du préjudice dans la responsabilité délictuelle », Paris, Dalloz, 1933, p. 32. Il est possible
que le tribun J .D. L. TARRIBLE en 1802 ait envisagé la protection des dommages moraux dans la
grande généralité des art. 1382 et 1383 du C.C.. Il a dit « Cette disposition embrasse dans sa vaste
latitude tous les genres de dommages et les assujettit à une réparation uniforme qui a pour mesure la
valeur du préjudice souffert… Tout est déclaré susceptible d’une appréciation qui indemnisera la
personne lésée, des dommages quelconques qu’elle a éprouvé » cité dans A. DORVILLE, De
l’intérêt moral dans les obligations, 1901, p. 76.
10
H. et L. MAZEAUD, A. TUNC, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile,
préc., pp. 397-398. GUYOT, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle,
canonique et bénéficiale, 1ère éd., Paris, J. Dorez (-Panckoucke), 1775-1783, vol. 3, p. 158.
11
J. DOMAT (1625-1696), Les lois civiles dans leur ordre naturel, le droit public et « Legum
delectus », Livre III, Titre V, Section II, XIII.
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12
V. F. DAREAU, Traité des injures, 2 vols., Paris, Nyon 1785 ; M. FOURNEL, Traité de la
séduction, considérée dans l’ordre judiciaire, Paris, 1781.
13
V. J.-M. CARBASSE et B. AUZARY-SCHMALZ, « La douleur et sa réparation dans les
registres du Parlement médieval » (XIIIe-XIVe siècles) in B. DURAND, J. POIRIER, J.- P. ROYER, éd., La
Douleur et le Droit, PUF, 1997, pp. 429-430.
14
Déc. du 3 avr. 1683, cit. in A. DORVILLE, De l’intérêt moral dans les obligations, Paris,
1907, p. 40.
15
A. DORVILLE, De l’intérêt moral dans les obligations, Paris, 1907, pp. 39-40.
16
A. DORVILLE n’avait pas le moindre doute sur le fait que la jurisprudence des parlements
de l’Ancien Régime soit l’ancêtre des développements du droit prétorien moderne : « Il n’est pas
vrai que la jurisprudence française a innové lorsqu’elle a timidement dessiné dans le premier quart
de ce siècle l’évolution qui devait aboutir à la reconnaissance du principe de réparation pécuniaire
du préjudice moral. Loin d’innover, elle ne faisait que s’inspirer des décisions de notre ancienne
jurisprudence », A. DORVILLE, De l’intérêt moral dans les obligations, Paris, 1907, p. 32. V. aussi
H. et L. MAZEAUD, A. TUNC, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile, préc., p.
410.
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17
V. AUBRY et RAU, t. 4, §§ 445-445, 4ème éd., 1871.
18
Arrêt Baget, Cass. Ch. Réu., 15 juin 1833, Sirey 1833, I, 458.
V. V. PALMER : DOMMAGES MORAUX. L’ÉVEIL FRANÇAIS AU 19ème SIÈCLE 13
19
Arrêt Baget, Cass. Ch. Réu., 15 juin 1833, Sirey 1833, I, 458, concl. DUPIN.
20
En réalité il ne s’agit pas de la toute première décision de justice à avoir accordée des
dommages moraux en vertu des dispositions du C. civ. sur la responsabilité délictuelle. Bien avant,
des fiancées éconduites avait reçu des dommages et intérêts pour le préjudice immatériel découlant
de la rupture d’une promesse de mariage sous l’art. 1382 du C. civ. V. C.A. Toulouse, 2e Ch., 8
mars 1827, S. 1827, 2, 343 ; C.A. Colmar, 1er mars 1825, D. 1825, 2, 153.
21
Mais la jurisprudence ne cache pas les signes des éléments répressifs. Par ex., le montant de
l’indemnité non pécuniaire généralement admis est influencé par le degré de la culpabilité du
défendeur. Ainsi S. ROWAN commente : « This practice of increasing the quantum of damages
where the defendant acts in bad faith is unspoken and is only made possible because the assessment
of damages is at the discretion of courts of first instance and appeal courts ». V. French Report dans
V. V. PALMER (ed.), The Recovery of Non-Pecuniary Loss in European Contract Law, Cambridge
Univ. Press 2015, p. 360. Il devient difficile d’expliquer comment la négligence, par rapport à la
mauvaise foi ou à l’intentionnalité de l’acte du défendeur est une raison de la réduction ou de
l’augmentation du dommage du plaignant.
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22
AUBRY et RAU, Cours de droit civil français, vol. 4, 4ème éd., Marchal et Billard, Paris,
1871 ; LAROMBIÈRE, Théorie et pratique des obligations, vol. 5, n° 27, 1869 ; F. LAURENT,
Principes de droit civil français, 1893, 5ème éd, § 522.
23
É.-A.-T. GRELLET-DUMAZEAU, Traité de la diffamation, de l’injure et de l’outrage,
Riom, E. Leboyer, 1847, vol. 2, n° 863-864.
24
V. E. LABROUSSE et F. BRAUDEL, Histoire économique et sociale de la France, t. 3,
1789-1880, Paris, P.U.F., 1976, pp. 241-273 ; H. SEE, Economic and Social Conditions in France
during the 18th Century, translated by E.-H. ZEYDEL, Batoche Books, Kitchener, 2004, pp. 86-94.
25
Le premier journal à grand tirage est né à Londres au début du 19ème siècle : The Times.
Leurs développements furent facilités par l’arrivée des rotatives à haute cadence pour l’impression
et l’utilisation des chemins de fers pour la distribution. En France, Le Figaro fut fondé en 1826 et
eut le plus grand tirage.
26
R.-E. MENSEL, « « Kodakers lying in wait » : Amateur photography and the right of
privacy in New York, 1885-1915 », American Quarterly, 43(1), (1991), pp. 24-45.
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27
G. RESTA, « The New Frontiers of Personality Rights and the Problem of
Commodification : European and Comparative Perspectives », Tulane European and Civil Law
Forum 2011, pp. 33-35; C. DEROBERT-RATEL, « Le droit de la personne sur son image à l’aube
de la photographie », RRJ 2005-1.
28
Élisabeth Rachel Félix (1821-1858), également connue sous le nom de Rachel ou
Mademoiselle Rachel fut une grande tragédienne, réputée à travers toute l’Europe pour ses
interprétations des tragédies classiques de Corneille, Racine et Voltaire.
29
Trib. civ. de la Seine, 1ère Ch., 16 juin 1858, D. 1858, III, 68.
30
Trib. civ. de la Seine, 1ère Ch., 16 juin 1858, D. 1858, III, 68.
31
La photographie prise du Prince Otto Eduard Leopold von Bismarck sur son lit de mort, à la
suite d’une intrusion commise à raison de pot-de-vin versé à des domestiques, fut une autre affaire
retentissante de ce type.
32
Pour une introduction à la terminologie française v. PERREAU, « Les droits de la
personnalité », RTDC, 1909, 501.
33
J. GANOT, La réparation du préjudice moral, th. Paris, 1924, pp. 82-83.
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34
PLANIOL et RIPERT, Traité pratique de droit civil Français, t. VII, par P. ESMEIN,
L.G.D.J., 1954, n° 551.
35
C.A. Nancy, 8 mars 1893, S. 1893, 2, 103.
36
A. DORVILLE, De l’intérêt moral dans les obligations, Paris, 1907, pp. 97-99.
37
Dès 1837, la Ch. Crim. de la C. cass. reconnu à l’époux victime d’adultère le droit à
recevoir réparation sur le motif que le champ d’application des art. 1382 du C. civ. et 1 et 3 du
Code d’Instruction ne se limitaient pas aux seuls dommages matériels. Crim., 22 sept. 1837, S. 1838,
331.
38
La question était alors de savoir si les juges n’allaient pas trop loin en accordant réparation
au propriétaire d’un chien (600 frs) ou d’un cheval (1500 frs) pour la mort de celui-ci. A. WEILL et
F. TERRÉ, Droit Civil : Les Obligations, Précis Dalloz, n° 612.
39
C.A. Aix, 6 mai 1872, D. 1873, 2, 57. F. LAURENT, Principes de droit civil français,
vol. 20, 1893, 5ème éd., p. 569 ; T. HUC, Commentaire théorique et pratique du Code civil, vol. 8,
Paris, Librairie Cotillon, F. Pichon, 1892, p. 547 ; Cette décision fut confirmée par la C. de cass.
dans son arrêt du 13 fév. 1923 qui reconnut qu’un enfant dont le père était mort tué par un cheval
avait subi un préjudice touchant la profonde affection qu’il avait pour son père et desservait donc
des dommages sous l’art. 1382 du C. civ. H. CAPITANT, F. TERRÉ, Y. LEQUETTE, Les grands
arrêts de la jurisprudence civile, vol. 2, 12ème éd., 2008, n° 183.
V. V. PALMER : DOMMAGES MORAUX. L’ÉVEIL FRANÇAIS AU 19ème SIÈCLE 17
pas d’un quelconque soutien apporté par leur enfant 40 . En outre, cette
responsabilité vis-à-vis de la famille du défunt étend l’octroi de dommages
et intérêts pour préjudice moral à une catégorie de demandeurs beaucoup
plus large. Et avec le temps le cercle est élargi à des personnes au-delà des
liens de sang, par exemple beau-frère, belle-famille, fiancé de la victime.
Même le concubin se voit finalement reconnaître le droit à recevoir des
dommages et intérêts pour un préjudice résultant d’une perte d’affection41.
40
A. SOURDAT, Traité général de la responsabilité ou de l’action en dommages et intérêts
en dehors des contrats, Cosse, Marchal et Billard, Paris 1872, vol. 1, n° 33.
41
Cass. Ch. Mixte, 22 fév. 1970, Bull. Ch. Mixte n° 1, D. 1970, 201, note COMBALDIEU.
42
A. DORVILLE, De l’intérêt moral dans les obligations, Paris, 1907 ; J. GANOT, La
réparation du préjudice moral, th. Paris, 1924, pp. 82-83.
43
B. WINIGER, H. KOZIOL, B. A. KOCH, R. ZIMMERMANN (dir.), Digest of European
Tort Law, vol. 2, Essential Cases On Damage , De Gruyter éd., 2011 ; H. STOLL, Consequences of
Liability : Remedies, chap. 8, vol. 11, in International Encyclopedia of Comparative Law, éd. A.
Tunc, Tubingen, 1983, n° 40.
44
M. CANNARSA, « Compensation for Personal Injury in France », Université Jean Moulin-
Lyon 3, Università del Piemonte Orientale,
http://www.jus.unitn.it/cardozo/review/2002/cannarsa.pdf.
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45
V. supra note 39
46
V. Trib. Seine, 9 janv. 1879, S. 1881, 2, 21. La victime d’un accident a souffert durant 23
jours avant de décéder. Le tribunal considéra que le préjudice subit avant le décès aurait pu être
indemnisé si une action avait été intentée au nom du défunt avant sa mort. V. aussi trib. Toulouse,
17 avr. 1902, S. 1905, 2, 81, note LACOSTE. Dans une autre affaire en 1887, un passager qui se
blessa en tentant de descendre d’un train après que celui-ci ait dépassé le quai de la gare. La
compagnie de train fut déclarée responsable sur la base d’une inexécution du contrat de transport et
d’une violation des dispositions du C. civ. en matière de responsabilité délictuelle (obligée ex
contractu et ex delicto). Selon la C. A. d’Aix en Provence, elle était tenue de réparer « tout
préjudice » « depuis le plus léger inconvénient éprouvé jusqu’aux lésions plus ou moins graves et
leurs conséquences », C.A. Aix, 12 déc. 1887, S. 1888, 2, 138. La peine et la souffrance étaient sans
aucun doute inclues dans cette formule très large.
47
F. GIVORD, La réparation du préjudice moral, th. Grenoble, 1938 ; Nîmes, 13 mars 1855,
D.P. 1856, 2, 161 ; C. A. Paris, 9 déc. 1921, Gaz. Pal. 1922, 1, 686 ; C. A. Paris, 13 janv. 1926,
Gaz. Pal. 1926, 1, 351.
48
C.A. Paris, 5ème Ch,, 9 déc. 1921, Gaz. Pal. 1922, 1, 686.
V. V. PALMER : DOMMAGES MORAUX. L’ÉVEIL FRANÇAIS AU 19ème SIÈCLE 19
49
C.A. Paris, 1ère Ch., 4 juill. 1865, D. 1865, 2, 201.
50
F. GIVORD, La réparation du préjudice moral, th. Grenoble, 1938, p. 83.
51
Selon WEILL et TERRÉ, les créanciers en matière contractuelle cherchaient à obtenir des
dommages moraux moins fréquemment qu’en matière délictuelle, et la jurisprudence ex contractu
fut dans un premier temps moins audacieuse, même si plus tard elle évoluera dans un sens libéral.
A. WEILL et F. TERRÉ, Droit Civil : Les Obligations, Précis Dalloz, n° 391.
52
A. WAHL, Précis théorique et pratique de droit commercial, Société du Recueil Sirey,
Bordeaux, 1922, pp. 428-436. Peu après le début du siècle, la C. cass., dans un revirement de
jurisprudence, abandonna son ancienne position selon laquelle la responsabilité vis à vis du passager
sous l’art. 1382 était de nature extracontractuelle, pour consacrer la nature contractuelle de cette
obligation de sécurité, Cass. civ., 21 nov. 1911, S. 1912, 1, 73 ; Cass. civ., 27 janv. 1913, S. 1913, 1,
177 ; Cass. civ. 21 avr. 1913, S. 1914, 1, 5.
53
E. LABROUSSE et F. BRAUDEL, Histoire économique et sociale de la France, t. III,
1789-1880, Paris, P.U.F., 1976, Fig. 26, p. 296, illustrant le réseau ferroviaire en 1878.
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54
J. GANOT, La réparation du préjudice moral, th. Paris, 1924, pp. 113-114.
55
F. GIVORD, La réparation du préjudice moral, th. Grenoble, 1938, p. 86.
56
H. STOLL, « Consequences of Liability : Remedies », chap. 8, vol. 11 in International
Encyclopedia of Comparative Law, ed. by André TUNC, Tubingen, 1983. STOLL note alors que
seul le Luxembourg et la Belgique ont atteint un niveau semblable. Néanmoins il apparaît que le
large concept espagnol de dommage non pécuniaire se soit selon toute vraisemblance étendu au
domaine contractuel. MARTIN-CASALS et RIBOT, in B. WINIGER, H. KOZIOL, B. A. KOCH,
R. ZIMMERMANN (dir.) Digest of European Tort Law, vol. 2, Essential Cases On Damage, De
Gruyter (éds), 2011, p. 630.
57
B. STARCK, H. ROLAND, L. BOYER, Droit civil, Obligations, 1. Responsabilité
délictuelle, 4ème éd., Litec, 1991, n° 1437.
V. V. PALMER : DOMMAGES MORAUX. L’ÉVEIL FRANÇAIS AU 19ème SIÈCLE 21
entendu quelques cas dans la riche jurisprudence du XXème siècle ont été
l’objet de controverses et de critiques importantes : par exemple l’affaire du
cheval Lunus, électrocuté dans sa stalle58 ; ou l’affaire de la princesse de
Broglie défigurée par une lotion pour la peau et par conséquent incapable de
porter une robe décolletée dans la société 59 . Récemment, la Cour de
cassation est allée encore plus loin en déclarant en des termes lapidaires que
les sociétés également pouvaient subir un préjudice moral et par conséquent
intenter, sur ce fondement, une action en responsabilité délictuelle ou
contractuelle pour obtenir des dommages et intérêts60. La décision est peut-
être surprenante pour ceux qui ont défini le dommage moral comme une
souffrance ou une atteinte aux émotions ou sentiments. Évidemment les
sociétés n’ont pas de nerfs, de sentiments, d’émotions, ni d’âme, ni héritiers.
Elles ne souffrent pas dans le sens classique. L’application aux sociétés
montre clairement que la notion est toujours difficile à saisir et résiste à
toute définition.
58
Cass. civ. 1ere, 16 janv. 1962, D. 1962, 199, note RODIÈRE.
59
Trib. Civ. de la Seine, 11 oct. 1937, Gaz. Pal. 1937, 2, 722. F. CHABAS voit dans cette
décision l’origine de la notion de « préjudice d’agrément », F. CHABAS, « Cent ans de
responsabilité civile », La Gazette du Palais, n° 236, 23/08/2000.
60
Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-1028.