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Démocratie participative et réforme


du système de la décentralisation au
Maroc
Mostafa YAHYAOUI

La communication publique participative à l’ère de la régionalisation avancée

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CONST IT UT ION MAROCAINE


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adil dahbi

Et ude Bonne gouvernance économique des CT VF


Ayoub EL BAKHT I
Référence. La communication publique participative à l’ère de la régionalisation avancée, Publication de
l’Université Hassan II de Casablanca (Mars 2019), ISBN : 978-9920-36-995-4, pp. 18-51

Intitulé de l’article:
Démocratie participative et réforme du système de la décentralisation au Maroc : Lecture critique
des lois organiques de la région et des communes (111.14 et 113.14)
Auteurs :
Souad RAJEB, Professeur du droit public, FSJES- Mohammedia
Email. souadrajeb@gmail.com
Mostafa YAHYAOUI, Professeur de la Géographie Sociale et la Sociologie Politique, FLSH-
Mohammedia
Email. mostafayahyaoui@gmail.com

Résumé :
Cette intervention propose une réflexion sur les entrées pour une meilleure application des
dispositions de la constitution de 2011 relative à la démocratie participative dans le cadre de la
réforme de la décentralisation.
Il s’agit d’une lecture critique des lois organiques des régions (111/14) des provinces et
préfectures (112/14) et des communes (113/14) en application de l’article 146 de la constitution.
Notre propos, à travers ce travail, est de faire une lecture croisée entre quatre textes référentiels.
L’étude de l’appréhension de la participation par les règles supra-légales, c'est-à-dire par la
constitution marocaine et par les conventions internationales, notamment les traités de droits de
l’homme (la déclaration internationale des droits de l’homme, le Pacte International relatif aux
droits civils et politiques et la déclaration sur le droit au développement), s’imposant à
l’ensemble des pouvoirs publics y compris le législateur, met en exergue son développement sur
le terrain des droits fondamentaux.
La contrainte pesant sur les pouvoirs publics quant à la prévision de mécanismes de participation

1
est variable et permet d’identifier les degrés de la participation.
La volonté « fébrile » de la réforme de la décentralisation d’utiliser les potentialités ouverte par
le texte constitutionnel réfléchit un climat d’hésitation et une forte désynchronisation des acteurs.
Cet environnement est la conséquence des lectures multiples de la vision du changement
démocratique, et de sa portée politique, économique et sociale.
La question de la réforme de la décentralisation au Maroc à l’épreuve de l’exigence
constitutionnelle de la démocratie participative nécessite la prise en charge de quatre
opportunités. Elles constituent alors des entrées pour appréhender les dessins politiques de cette
composante de la démocratie directe.
Plan :
Introduction
1. La confrontation des principes constitutionnels autour de la mise en œuvre de la
démocratie participative

2. Les entrées de la réforme de la décentralisation dans les deux lois organiques sur la
région et la commune (111.14 et 113.14)

3. Recommandations à la lumière des opportunités ouvertes par la constitution de 2011 sur


la démocratie participative
Conclusion

Introduction
Cet article propose une réflexion sur les entrées pour une meilleure application des dispositions
de la constitution de 2011 relative à la démocratie participative dans le cadre de la réforme de la
décentralisation.
Il s’agit d’une lecture critique des lois organiques de la région et des communes émanant du
ministère de l’intérieur en juin 2014 en application de l’article 146 de la constitution.
Notre propos, à travers ce travail, est de faire une lecture croisée entre quatre textes
référentiels. L’étude de l’appréhension de la participation par les règles supralégales, c'est-à-dire
par la constitution marocaine1 et par les conventions internationales, notamment les traités de
droits de l’homme (la déclaration internationale des droits de l’homme, le Pacte International
relatif aux droits civils et politiques2 et la déclaration sur le droit au développement3),
s’imposant à l’ensemble des pouvoirs publics y compris le législateur, met en exergue son
développement sur le terrain des droits fondamentaux.
La contrainte pesant sur les pouvoirs publics quant à la prévision de mécanismes de participation
est variable et permet d’identifier les degrés de la participation.
La volonté « fébrile » du projet de réforme de la décentralisation d’utiliser les potentialités
ouverte par le texte constitutionnel réfléchit un climat d’hésitation et une forte désynchronisation
des acteurs. Cet environnement est la conséquence des lectures multiples de la vision du
changement4 démocratique, et de sa portée politique, économique et sociale.

11
Il s’agit notamment des articles 1,12, 139 et 8 concernant la participation citoyenne dans le suivi et l’élaboration
des programmes de développement.
2
Notamment l’article 25
3
Adoptée par l'Assemblée générale dans sa résolution 41/128 du 4 décembre 1986
4
Fortement conditionnée par des obstacles politico-culturels.

2
La question de la réforme de la décentralisation au Maroc à l’épreuve de l’exigence
constitutionnelle de la démocratie participative nécessite la prise en charge de quatre
opportunités. Elles constituent alors des entrées pour appréhender les dessins politiques de cette
composante de la démocratie directe.
Précision conceptuelle
La participation est une notion imprécise, d’autant plus difficile à définir que les procédés se sont
multipliés et les domaines concernés enrichis : enquête publique, débat public, concertation,
referendum…
Les techniques foisonnent et les participants au processus décisionnel susceptibles d’être visés
sont divers : l’individu peut être associé à l’action publique comme titulaires de droits ou
d’intérêts propres, en tant « qu’acteur intéressé », mais aussi comme « garant et protecteur d’une
valeur collective », en tant qu’ « acteur désintéressé »5.
Eu égard à cette hétérogénéité des formes de participation, une distinction s’impose.
Notre travail part, donc, de l’utilité de la différenciation entre deux représentations de la
participation civile dans la chose publique.
Une démarche politique qui puise ses fondements de la « démocratie participative » et une
démarche « managerielle » puisant ses fondements dans les « approches participatives ».
La « démocratie participative » relèverait alors d’un choix politique constitutionnellement
contractualisé au Maroc.
Plusieurs idées relatives à la théorie politique semblent être à la base du développement de la
participation de l’individu : l’idée de la démocratie directe ; celle de formation des citoyens à la
démocratie ; celle de la stabilisation et de l’apaisement du public ou encore celle de la protection
des droits fondamentaux (selon cette théorie, la participation assurerait la protection des droits
fondamentaux de l’individu, en contrôlant l’exercice du pouvoir et en évitant les décisions
arbitraires.)6
Au Maroc, le principe de participation a été consacré, au niveau constitutionnel, dans plusieurs
dispositions, mais également au niveau conventionnel. La Déclaration universelle des droits de
l’homme (1948) dispose que toute personne « a le droit de prendre part à la direction des
affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants
librement choisis. » (Article 21).
La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (1989), que le Maroc a ratifié, a
affirmé divers droits civils et politiques pour tous les individus jusqu’à 18 ans, comme le droit de
participer: « Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit
d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant
dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. »
Cette consécration supralégale, suppose une consécration normative généralisée. Elle s’impose à
l’ensemble des pouvoirs publics, y compris le législateur, et met en exergue son développement
sur le terrain des lois organiques.

5
E.Garcia de Enterria, « Principes et modalité de la participation à la vie administrative », dans F.Deléprée.(dir), la
participation directe du citoyen à la vie publique et administrative (Travaux des XIIème Journées d’études
juridiques Jean Dabin), op.cit.,p.257 ; M.Prieur, « Le droit à l’environnement et les citoyens : la participation »,
Rev.jur.env.1998,p.403.
6
C.Haagen Jensen, « Participation à la gestion d’institutions pédagogiques et sociales », dans Conseil de l’Europe,
affaires juridiques (dir.), Formes de participation du public à l’élaboration des actes législatifs et administratifs_
Actes du 7ème colloque de droit européen, Strasbourg, Ed.Conseil de l’Europe 1998., pp.75

3
L’« approche participative» quant à elle, est une simple démarche « managerielle »7 reposant
sur des mécanismes de participation et des outils d’encouragements de la participation civile
dans la production des politiques publiques.
Au Maroc, les expériences foisonnent, associant le citoyen, sous des formes institutionnelles les
plus diverses, au développement (Initiative pour le développement humain, et la charte de
développement durable…).
A ces instances participatives, seront confiée des missions de nature très différentes, allant de la
simple information des habitants, à la cogestion de certains dossiers, en passant par la
consultation.
C’était le cas, lors de l’Initiative nationale de développement humain (INDH), du diagnostic
participatif, qui autorisait la population concernée à identifier l’action ou le projet les affectant.
La vague d’expériences, la plus récente, (INDH), a vu mettre en place, dans le sillage du
développement humain des comités de pilotages mixtes (comite local de développement humain-
CLDH-, comité préfectoral de développement humain-CPDH-, comité régional de
développement humain-CRDH-).
D’autres expériences similaires, dans le cadre de « L’Agenda 21 » ont marqué la gestion locale.
Il est important alors de faire la distinction entre les deux représentations de la participation
citoyenne- civile (politique et managériales) dans le cadre de la conciliation entre les finalités
politiques et les moyens de mises en œuvre des dispositions constitutionnelles de la démocratie
participative.
2. La confrontation des principes constitutionnels autour de la mise en œuvre de la
démocratie participative
La réforme de la décentralisation à l’épreuve de la constitution de 2011 est porteuse d’un coût
politique, en termes d’intégration de ces mécanismes dans les circuits de la démocratie
territoriale, en fonction de deux aléas :
- D’un côté, assurer les intérêts politiques et légitimes, et le statut territorial des conseils
élus (structures de la démocratie représentatives),
- D’un autre côté assurer la participation civile des citoyens et de la société civile dans le
processus de la décision locale (représentation sociale de la démocratie participative).
La question de la remise en cause de la division traditionnelle des rôles politiques exacerbe les
antinomies entre un texte constitutionnel « exagérément « optimiste » sur les possibilités
d’avènement d’une « politique délibérative »8 et une réforme de la décentralisation,
« exagérément » pessimiste quant à la participation politique des citoyens ordinaire.
Les conflits d’intérêt entre la légitimité représentative des conseils élus et la légitimité populaire
de la participation citoyenne génèrent un conflit de mise en application entre:
D’une part, le principe constitutionnel de Libre administration des collectivités territoriales.
Et d’autre part, les principes constitutionnels (1) de l’indivisibilité de la nation dans les droits et
les obligations, (2) de l’effectivité de la liberté, de l’égalité des citoyennes et des citoyens, ainsi
que de leur participation dans la vie publique et (3) de la protection des droits constitutionnels.

77
M. Blanc « L’invention de la démocratie locale », in Vie quotidienne et Démocratie. Pour une sociologie de la
transaction sociale, l’Harmattan, 1994, p267 et s.
8
. J.Habemas. Droit et démocratie. Entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1997, chapitre VIII

4
La confrontation de ses différends principes met en exergue l’ambivalence de l’interprétation des
dispositions constitutionnelles relatives à la démocratie participative.
Une interprétation restrictive : au regard de cette interprétation appuyée sur le Principe de
Libre administration, tous les mécanismes de la participation civile dans les affaires locales,
hormis les pétitions et le droit à l’information, relèveraient du « management » administratif.
Cette participation « non codifiée » au niveau central serait maîtrisée et exclusivement régulée
par les conseils élus, au niveau local, de manière autonome dans le cadre du principe
constitutionnel de libre administration comme prévu dans l’article 136 de la constitution. Cette
interprétation est prise en charge dans les lois organiques relatives à la réforme de la
décentralisation.
Une interprétation extensive : la participation y est connotée positivement. Elle autorise la
« dévolution du pouvoir » à la société civile en tant qu’acteur « non institutionnel » et
« désintéressé »9.
Elle part du principe que les dispositions constitutionnelles relatives à la démocratie participative
est un choix politique – non managérial-contractualisé socialement comme l’un des quatre piliers
du système constitutionnel.
La participation civile dans les affaires locales est alors considérée comme un droit
constitutionnel, en continuité de deux autres principes constitutionnels :
- Le Principe de l’indivisibilité de l’Etat dans les droits et les obligations et le Principe
de l’effectivité de la liberté, de l’égalité des citoyennes et des citoyens, ainsi que de
leur participation dans la vie publique prévus dans le préambule et les articles 1 et 6 de
la constitution.
Ces principes prévoient l’égalité et l’égalité des chances entre les citoyens dans la
jouissance des droits constitutionnels sans différenciation ou distinction territoriale (y
compris le droit à la participation dans la vie publique).
- Et le Principe de la protection des droits constitutionnels qui interdit aux autorités
publiques de prendre toute décision ou disposition juridique ou administrative en
contradiction avec la constitutionnalité de ces droits, et leur généralisation à tous les
citoyens et les collectivités sans distinction.
La participation influence les autorités normatives à travers un niveau d’exigence variable.
Cette interprétation extensive de la reconnaissance constitutionnelle de la démocratie
participative se construit autour de quatre opportunités :
- 1ère opportunité se construit dans le sillage de l’interprétation politique du préambule et
de l’article 1 de la constitution;
- 2ème opportunité se construit autour de l’interprétation de l’article 12 de la constitution ;
- 3ème opportunité vise à capitaliser les bonnes pratiques enregistrées pendant les quinze
dernières années de la participation citoyenne des associations dans les différents
programmes publics de développement ;
- 4ème opportunité concerne la mise à profit des mutations post printemps démocratique.
a- Première opportunité :
9
E. Garcia de Enterria, « Principes et modalité de la participation à la vie administrative », dans F.Deléprée.(dir), la
participation directe du citoyen à la vie publique et administrative (Travaux des XIIème Journées d’études
juridiques Jean Dabin), op.cit.,p.257 ; M.Prieur, « Le droit à l’environnement et les citoyens : la participation »,
Rev.jur.env.1998,p.403.

5
La volonté de reconnaitre la participation comme principe pilier de l’Etat y est alors affirmée.
De même, la démocratie participative étant, reconnu, constitutionnellement, comme deuxième
pilier du régime politique du royaume, suppose que soit fixé par des lois organiques, un
déplacement significatif des frontières séparant les protagonistes du jeu politique local10. Ces lois
devraient déconstruire la division traditionnelle des rôles politiques en inventant des mécanismes
susceptibles de transiter de la gestion de la chose publique locale : d’un Etat reconnaissant la
légitimité ultime de la participation traditionnelle. Cette dernière dépendrait du temps électoral et
des sécrétions de la majorité commandée par la démocratie représentative à un Etat conciliant
cette légitimité et la légitimité de la participation civile puisée de la démocratie horizontale.
Dans ce cadre deux voix semblent s’ouvrir :
La première part du principe que la participation de l’individu aux décisions publiques est
reconnue comme découlant de certains droits fondamentaux. Le développement du principe de
participation au sein des droits fondamentaux soulève la question de sa généralisation et, par
ricochet celle d’un critère, au sein des droits fondamentaux, qui pourrait imposer aux pouvoirs
publics d’organiser des mécanismes de participation. Les obligations pesant sur les pouvoirs
publics de prévoir des mécanismes de participation ont trouvé une large place au sein des droits
de troisième génération en raison de leur technique particulière de protection. Dépassant
l’opposition classique « droits-liberté » et « droits-créances », ils se présentent avant tout comme
des droits de participation. Le droit à l’environnement, par exemple, droit appelant l’intervention
des hommes, c’est-à-dire un droit d’accès à l’information, de participation au processus
décisionnel, est particulièrement topique à cet égard. Pour autant, ces obligations d’information
préalable et de participation ne recouvrent pas l’ensemble des droits de troisième génération et
ne sauraient se limiter à ceux-ci car les techniques de protection des droits ne sont attachés ni à
leur objet, ni à leur historicité11.
La deuxième voix se fonde sur la participation des citoyens en dehors du temps électoral comme
prévu par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans son article
25 : « …Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à
l'article 2 et sans restrictions déraisonnables: De prendre part à la direction des affaires
publiques, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis;… »12
La participation citoyenne, dépassera alors l’exercice du droit électoral et du choix des
représentants, de temps en temps à un droit au développement.
Elle est, alors projetée comme une valeur politique, à charge pour les pouvoirs publics
d’identifier les critères permettant de varier matériellement l’intensité normative de l’exigence de
participation.
Il s’agit donc de participer le citoyen à la vie publique, à travers d’une part, le droit de participer
à la décision et d’autre part d’influencer la prise de décision au niveau territorial en fonction des
besoins du droit au développement.
Dans ce cas, la reconnaissance juridique des rôles de la démocratie participative et de ces
mécanismes de concertation et décisionnels, relèverai d’un choix politique contractualisé
socialement comme l’un des quatre fondements du régime constitutionnel du royaume. Les
droits y afférant sont relevé au rang de droits constitutionnels, comme le stipule l’Article

10
Autorité politique, administration, associations, citoyens.
11
Voir à cet égard, D.Rousseau, « Les droits de l’homme de la troisième génération », dans Doit constitutionnel et
droits de l’homme, Aix-en-Provence, Economica et PUAM, 2007 PP 125-137
12
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à
l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966 ; il est entrée en vigueur:
le 23 mars 1976

6
premier de la constitution du Royaume: « Le Maroc est une monarchie constitutionnelle,
démocratique, parlementaire et sociale. Le régime constitutionnel du Royaume est fondé sur la
séparation, l’équilibre et la collaboration des pouvoirs, ainsi que sur la démocratie citoyenne et
participative, et les principes de bonne gouvernance et de la corrélation entre la responsabilité
et la reddition des comptes.(…) »
b- Deuxième opportunité :
La seconde opportunité se construit autour de l’interprétation de l’article 12 de la constitution «
(…) Les associations intéressées à la chose publique, et les organisations non gouvernementales,
contribuent, dans le cadre de la démocratie participative, à l’élaboration, la mise en Œuvre et
l’évaluation des décisions et des projets des institutions élues et des pouvoirs publics.
Ces institutions et pouvoirs doivent organiser cette contribution conformément aux conditions et
modalités fixées par la. (…) »
Selon ces dispositions, la démocratie participative serait le cadre institutionnel de la concertation
entre les institutions élues et les services publics, d’une part, et les associations et les ONG,
d’autre part.
En combinant cette conception avec les dispositions des articles 113, 614, 1315, 1416, 1817, 1918,
2719, 3120, 3321, 15422, 13623, 13924, 15525, 15626, 15727, 15928 et de 160 à 170 de la constitution,

13
…Les associations intéressées à la chose publique, et les organisations non gouvernementales, contribuent, dans
le cadre de la démocratie participative, à l’élaboration, la mise en Œuvre et l’évaluation des décisions et des
projets des institutions élues et des pouvoirs publics…
14
…Les pouvoirs publics Œuvrent à la création des conditions permettant de généraliser l’effectivité de la liberté et
de l’égalité des citoyennes et des citoyens, ainsi que de leur participation à la vie politique, économique, culturelle
et sociale…
15
… Les pouvoirs publics Œuvrent à la création d’instances de concertation, en vue d’associer les différents
acteurs sociaux à l’élaboration, la mise en Œuvre et l’évaluation des politiques publiques…
16
… Les citoyennes et les citoyens disposent, dans les conditions et les modalités fixées par une loi organique, du
droit de présenter des propositions en matière législative. Un ou plusieurs groupes de la Chambre parlementaire
concernée peut parrainer ces motions et les traduire en propositions de loi, ou interpeller le gouvernement dans le
cadre des prérogatives conférées au Parlement.
17
… Les pouvoirs publics Œuvrent à assurer une participation aussi étendue que possible des Marocains résidant à
l’étranger, aux institutions consultatives et de bonne gouvernance créées par la Constitution ou par la loi.
18
L’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social,
culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi
que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume et ce, dans le respect des
dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume. L’Etat marocain Œuvre à la réalisation de la
parité entre les hommes et les femmes. Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes
formes de discrimination.
19
Les citoyennes et les citoyens ont le droit d’accéder à l’information détenue par l’administration publique, les
institutions élues et les organismes investis d’une mission de service public. Le droit à l’information ne peut être
limité que par la loi, dans le but d’assurer la protection de tout ce qui concerne la défense nationale, la sûreté
intérieure et extérieure de l’Etat, ainsi que la vie privée des personnes, de prévenir l’atteinte aux droits et libertés
énoncés dans la présente Constitution et de protéger des sources et des domaines expressément déterminés par la
loi.
20
L’Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales Œuvrent à la mobilisation de tous les moyens à
disposition pour faciliter l’égal accès des citoyennes et des citoyens aux conditions leur permettant de jouir des
droits …
21
Il incombe aux pouvoirs publics de prendre toutes les mesures appropriées en vue de :
Étendre et généraliser la participation de la jeunesse au développement social, économique, culturel et politique du
pays,..
22
Les services publics sont organisés sur la base de l’égal accès des citoyennes et citoyens, de la couverture
équitable du territoire national et de la continuité des prestations. Ils sont soumis aux normes de qualité, de
transparence, de reddition des comptes et de responsabilité, et sont régis par les principes et valeurs démocratiques
consacrés par la Constitution

7
cette forme de démocratie : « constitue le cadre institutionnel, permettant aux citoyens et
citoyennes, aux associations, ONG, marocains résidents à l’étranger et autres acteurs sociaux
de s’inscrire dans la vie politique économique, sociale et culturelles, et de tout ce qui se
rapporte à la protection de la dignité humaine, les droits de l’homme, les libertés civiles, la
parité entre les hommes et les femmes, de l’intégration des jeunes et des catégories sociales dans
une situation précaire, dans la lutte contre la corruption, la bonne gouvernance, l’accès à
l’information et services publics et la reddition des comptes.
Cette participation se réalise à travers la coopération, le dialogue, la consultation et la
concertation avec les institutions élues, les pouvoirs publics dans le cadre de l’élaboration, de
l’exécution du suivi et de l’évaluation des politiques publiques et des programmes de
développement ; elle se réalise également à travers le droit de présenter des propositions en
matière législative, des motions traduites en propositions de loi concernant la vie publique. »29
La participation influence, donc, les autorités normatives à travers un niveau d’exigence
supralégale. Son appréhension par la constitution marocaine et par les conventions
internationales, notamment les traités des droits de l’homme, exige de l’ensemble des pouvoirs
publics, y compris le gouvernement, lors de l’élaboration des projets de lois organiques sur la
réforme de la décentralisation la prise en compte de trois considérations :
- La prévision des mécanismes de participation ;
- L’identification des échelons de la participation aux décisions locales ;
- La détermination des rôles et obligations des acteurs dans l’élaboration, l’exécution, le
suivi et l’évaluation des projets et programmes de développement territorial.
Dans ce cadre, il est nécessaire de noter que la participation civile selon les expériences et la
littérature internationale autour des droits civils et le droit au développement ont dégagé une
échelle selon le degré d’emprise de l’individu sur le processus décisionnel et le plus ou moins
grand partage du pouvoir qui en résulte.
La « participation consultation » impose aux pouvoirs publics de recueillir l’avis de l’individu
avant la prise de décision.
La « participation concertation » requiert des pouvoirs publics une élaboration en commun de
la décision avec les individus ou leurs représentants. Au niveau le plus élevé de l’échelle.

23
L’organisation territoriale du Royaume repose sur les principes de libre administration, de coopération et de
solidarité. Elle assure la participation des populations concernées à la gestion de leurs affaires et favorise leur
contribution au développement humain intégré et durable.
24
Des mécanismes participatifs de dialogue et de concertation sont mis en place par les Conseils des régions et les
Conseils des autres collectivités territoriales pour favoriser l’implication des citoyennes et des citoyens, et des
associations dans l’élaboration et le suivi des programmes de développement.
25
Les services publics sont organisés sur la base de l’égal accès des citoyennes et citoyens, de la couverture
équitable du territoire national et de la continuité des prestations. Ils sont soumis aux normes de qualité, de
transparence, de reddition des comptes et de responsabilité, et sont régis par les principes et valeurs démocratiques
consacrés par la Constitution. Leurs agents exercent leurs fonctions selon les principes de respect de la loi, de
neutralité, de transparence, de probité, et d’intérêt général.
26
Les services publics sont à l’écoute de leurs usagers et assurent le suivi de leurs observations, propositions et
doléances. Ils rendent compte de la gestion des deniers publics conformément à la législation en vigueur et sont
soumis, à cet égard, aux obligations de contrôle et d’évaluation.
27
Une charte des services publics fixe l’ensemble des règles de bonne gouvernance relatives au fonctionnement des
administrations publiques, des régions et des autres collectivités territoriales et des organismes publics.
28
Les instances en charge de la bonne gouvernance sont indépendantes. Elles bénéficient de l’appui des organes de
l’Etat. La loi pourra, si nécessaire, créer d’autres instances de régulation et de bonne gouvernance.
29
Voir dans ce cadre, la Charte Nationale de la démocratie participative, Dialogue National sur les nouvelles
prérogatives constitutionnelles de la Société Civile, 2013, http://hiwarmadani2013.ma

8
La « participation codécision » consiste en un partage du pouvoir décisionnel dont les pouvoirs
publics n’auraient plus le monopole.
Cette participation codécision habilite ainsi la société civile à jouer des rôles déterminants en tant
participant au développement, à la production de la richesse, et la satisfaction des libertés et la
réalisation des projets démocratiques.
Le non développement de la participation codécision dans les textes de la réforme de la
décentralisation ne s’explique nullement par le choix constitutionnel. Le Maroc ayant fait un pas
très avancé en la matière en faisant le choix constitutionnel d’une démocratie représentative dans
laquelle peuvent prendre place des mécanismes de codécision. Aussi les formes de participation
ne peuvent être comprises exclusivement, comme de simples compléments à la démocratie
représentative.
« Les expérience internationales ont démontré qu’une meilleure prise en compte, par les élus,
des besoins et attentes des citoyens dépendrai, étroitement de la faculté de ces derniers à faire
écouter leurs voix dans l’entre deux saisons électorales.( … ) Beaucoup d‘études ont également
démontré que le recul des taux d’abstention est intimement lié au fait de faire participer les
électeurs directement aux projets sociaux. »30

c- Troisième opportunité :
Cette opportunité vise à capitaliser les bonnes pratiques enregistrées pendant les quinze dernières
années de la participation citoyenne des associations dans les différents programmes publics de
développement.
Le Maroc ayant réalisé un pas important dans l’évolution de cette participation horizontale dans
la vie publique, et de la mise en œuvre des politiques publiques ainsi que de leur suivi.
De ce processus émergent deux périodes topiques de cette évolution.
1ère étape (2001-2004) : caractérisée par l’institutionnalisation des circuits de financement des
associations. Parmi les plus importants textes, la circulaire du 1er ministre n°2003-07 datant du
27 juin 2003 relative au partenariat pluriannuel entre l’Etat et les associations. Il s’agit de l’appui
des associations et le renforcement de leurs capacités en matière de montage des projets de
proximité.
2ème étape (2005-2015): caractérisée par le discours royal du 18 mai 2005 portant sur l’Initiative
nationale de développement humain (INDH). Cette politique sociale horizontale a eu
l’exclusivité d’ouvrir pour la première fois la porte à la participation des associations dans la
production du développement à travers une vision construite sur la participation, la
contractualisation et la reddition des comptes.
d- Quatrième opportunité :
Elle concerne la mise à profit des mutations post mouvement du 20 février et notamment celles
concernant les changements culturels à propos des rapports individus et institutions étatiques. En
effet, depuis, s’est développé une prise de conscience des citoyens et des composantes de la
société civile de la nécessité d’exprimer un mécontentement relatif à la gestion de l’Etat de
l’épisode de la transition vers la démocratie….

30
Rapport de la commission consultative de la régionalisation 2011, Livre II, p.23,
http://www.regionalisationavancee.ma

9
L’Etat est appelé dans le cadre de la réforme de la décentralisation d’anticiper les dangers liés à
la proximité sociale et les déficits de l’encadrement politique des partis politiques dans les
espaces fragiles, en développant des capacités institutionnelles capable de mettre en œuvre les
circuits de la participation civile dans la décision locale en fonction d’une vision du
développement construite autour de la solidarité et de l’égalité des chances et de la cohésion
sociale, comme précisé dans l’article 8 de la déclaration sur le droit au développement : « 1. Les
Etats doivent prendre, sur le plan national, toutes les mesures nécessaires pour la réalisation du
droit au développement et ils assurent notamment l'égalité des chances de tous dans l'accès aux
ressources de base, à l'éducation, aux services de santé, à l'alimentation, au logement, à l'emploi
et à une répartition équitable du revenu. Des mesures efficaces doivent être prises pour assurer
une participation active des femmes au processus de développement. Il faut procéder à des
réformes économiques et sociales appropriées en vue d'éliminer toutes les injustices sociales.
2. Les Etats doivent encourager dans tous les domaines la participation populaire, qui est un
facteur important du développement et de la pleine réalisation de tous les droits de l'homme.»31
2. Les entrées de la réforme de la décentralisation dans les deux lois organiques sur la
région et la commune (111.14 et 113.14)
A partir de cette appréhension des opportunités ouvertes de part la reconnaissance
constitutionnelle de la démocratie participative et des nouveaux rôles de la société civile, il est
légitime de questionner les lois organiques sur la commune et la région tels que présentés par le
ministère de l’intérieur en juin 2014 ? Le projet de réforme de la décentralisation a-t-il
suffisamment pris en charge ces quatre entrées ?
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de s’arrêter sur les entrées de la réforme de la
décentralisation dans ces deux lois organiques. Il en ressort un éventail de remarques :
- L’élargissement de la marge de manœuvre des conseils élus dans la décision.
L’émancipation de ces derniers par rapport à la tutelle administrative du ministère de
l’intérieur, quoique n’ayant toujours pas atteint les seuils requis, autorise, nonobstant, ces
conseils à prendre l’initiative au niveau du développement, de la coopération et de la
participation. Les articles 3 et 4 de la loi organique sur la
région stipulent: « L’organisation régionale repose sur le principe de libre
administration, qui attribue, à la région, dans les limites de ses compétences, le pouvoir
d’exécuter ses délibérations et décisions… »
« L’organisation régionale repose sur les principe de la solidarité et de la coopération
entre les régions, et entre les régions et les collectivités territoriales fondée sur la
concertation et la contractualisation».
- L’amélioration de la bonne gouvernance au sein des conseils élus, notamment au niveau
des conflits d’intérêt, la transparence des décisions et l’information des citoyens. Les
articles 244 et 245 du projet de loi organique sur la région précisent : « Les affaires de la
région sont gérées dans le respect des règles de la bonne gouvernance relative à la libre
administration comme stipulé dans cette loi organique. Il s’agit, notamment, de celles
consolidant la suprématie du droit et consacrant les valeurs démocratiques, la
moralisation (…) le respect du droit à l’information et les droits des citoyens et
citoyennes aux services publics, et la reddition dans l’exercice des pouvoirs et
attributions de la région, de ses conseillers et de son président ».

31
la déclaration sur le droit au développement adoptée par l'Assemblée générale dans sa résolution 41/128 du 4
décembre 1986

10
L’article 245 précise, quant à lui, la nécessité du respect des règles de la gouvernance, par
le conseil régional, son président et les établissements publics dépendant de la région.
Des dispositions sont alors prises pour veiller au respect : «(…) de la transparence des
délibérations du conseil, et des dispositions relatives à la démocratie participative (…) »
- La mise en place de nouveaux mécanismes de la solidarité sociale et de la coopération
entre les régions selon des indicateurs de l’équité, de la cohésion nationale dans la
distribution des richesses comme stipulé dans les articles 225 à 237 du projet de loi
organique sur la région. En effet se fondant sur l’art 142 de la constitution, projet de loi
prévoit la création, au profit des régions, d’un fond de mise à niveau sociale destinée à la
résorption des déficits en matière de développement humain, d’infrastructures et
d’équipements.
Ce fond de solidarité interrégionale visant une répartition équitable des ressources en vue
de réduire les disparités entre les régions. Il s’agit de soutenir les régions subissant des
contraintes de développement résultant des disparités dues à la concentration des
richesses, la croissance inéquitable et les disparités géographiques et démographiques.32
- Le transfert de certaines compétences de l’Etat aux régions et l’élargissement de ses
attributions dans la production du développement territorial et le développement de ses
ressources financières. En effet, les articles 6 et 180 du projet de loi organique consacrent
le principe de subsidiarité tel que prévu dans l’art 140 de la constitution de 2011. Sur la
base de ce principe, les régions ont des compétences propres, des compétences partagées
avec l’Etat et celles qui leurs sont transférables par ce dernier.
- Le recours à l’approche de la programmation pluriannuelle et la gestion accès sur les
résultats dans l’établissement du budget. Selon le projet de loi organique sur la région et
la commune,33la programmation budgétaire s’étale sur trois ans.
- L’interprétation restrictive, par des lois organiques relatives à la région et la commune,
des dispositions constitutionnelles sur la démocratie participative et des rôles que peut
jouer la société civile. Les deux lois ont adopté le principe de la libre administration des
collectivités territoriales dans l’organisation des mécanismes de la participation directe
des citoyens et associations dans la gestion de la chose locale. Ces deux textes,
considèrent que l’organisation de ces mécanismes, hormis les pétitions et le droit à
l’information, sont du ressort des conseils élus, et ont renvoyé l’organisation des
procédures à leurs règlements intérieurs34.
Il ressort, en conséquent, de l’ensemble de ces remarques que la réforme de la décentralisation
sur le volet de la démocratie représentative a élargi l’approche territoriale du développement de
sorte à adapter les politiques publiques à la réalité spatiale locale sans conditionner cet
élargissement par l’instauration d’outils participatifs uniformes à toutes les collectivités
territoriales dans la prise de la décision locale et l’élaboration des politiques de développement
territorial.
Cette nouvelle forme d’expression politique au niveau local, ambitionnant l’association des
citoyens au pouvoir local, sous des formes institutionnelles diverses est alors pensée selon le bon
vouloir du représentant local -en application du principe de libre administration -

32
Pp.43-44-45
33
Selon l’article 186 de loi organique sur la région et l’article 148 de la loi organique relative aux communes
(113.14)
34
Article 35 de loi organique sur la région et l’article 23 de la loi organique relative aux communes (113.14)

11
Cette vision renforce la légitimité représentative des conseils élus, et ignore la grandeur de la
mission de la constitution de 2011 qui considère la conformité du droit à la volonté
générale comme un critère décisif dans le processus de transition démocratique au Maroc. Cette
vision est alors restreinte et incomplète à quatre niveaux :
- Au niveau de la priorisation des intérêts consensuels, de la synergie des moyens et des
ressources entre l’Etat et les conseils élus dans le cadre d’une vision binaire de la prise de
la décision locale.
Entre des citoyens placés en demeure de s’approprier les miettes d’un gouvernement
local essentiellement représentatif et des politiques peu enclines à s’exposer au risque
d’un dialogue démocratique véritable, la démocratie participative locale ne serait alors
qu’une illusion.
- Au niveau du contrôle à priori du coût politique et de l’espace social de la participation
des citoyens et citoyennes et organisation de la société civile, et ce en réduisant le degré
d’emprise de l’individu sur le processus décisionnel territoriale et la diminution du seuil
de mise en œuvre de la consultation, du dialogue et de la concertation publique. Ces
mécanismes relèveraient alors plutôt de la liberté d’expression institutionnalisée que de
l’idée de participation.
- Au niveau du manque d’anticipation de l’utilité de la création d’une instance consultative,
chargée de l’égalité des chances et du genre social, indépendamment de l’échec de
l’expérience de cette instance dans le mandat communal actuel. La réforme de 2009 de la
charte communale, quoique prévoyant cette instance, cette dernière ne sera nullement
prise en compte par les conseils élus.35
- C’est également le même constat au niveau de l’échec du choix de l’option de l’approche
participative en se fondant sur le principe de la libre administration des conseils élus dans
la programmation et l’exécution des programmes communaux de développement
(PCD)36.
C’est également le cas de la rareté des expériences communales réussies au niveau de la
participation des associations de quartiers comme prévue dans l’article 38 de la charte
communale.
Pour préciser ces données, nous allons nous arrêter sur la représentation des deux lois, des
dispositions constitutionnelles relatives à la démocratie citoyenne et participative.
Les lois organiques relatives à la région et aux communes ont réservé respectivement les titres
IV37 et III38 aux instruments participatifs de la consultation et la concertation. Pour ce faire, le
projet de loi se basera exclusivement sur l’article 139 de la constitution sans s’arrêter sur aucun
autre référent. Le projet de loi fera fi des potentialités ouvertes par le texte constitutionnel,
notamment par le paragraphe 3 de l’article 12.
Ce qui réduira les mécanismes de la participation dans le projet de loi à la consultation et la
concertation39 et à la présentation de pétitions40 et l’instauration d’une instance consultative
propre à l’égalité des chances et du genre social41.

35
Article 14 de la charte communale 1976
36
Article 36 de la charte communale 1976
37
6 articles de l’article 81 à 86 de la loi organique relative à la région (111.14)
38
6 articles de l’article 42 à 47 de la loi organique relative aux communes (113.14)
39
Article 81 de la loi organique relative à la région (111.14) et l’article 42 de la loi organique relative aux
communes (113.14)

12
Ceci étant, si la libre administration des conseils élus prend en charge des mécanismes de la
démocratie participative, ceci portera le risque d’émancipation et d’autonomisation par rapport à
un ordre territorial contraignant (les institutions élues) au niveau de la mise en œuvre du rôle de
l’Etat dans la protection des droits des citoyens et associations de la société civile résultant des
dispositions constitutionnelles sur la démocratie participative.
3. Recommandations à la lumière des opportunités ouvertes par la constitution de 2011 sur
la démocratie participative:
A partir de ce qui a été développé plus haut, nous considérons que ces deux lois organiques, ont
procédé à une interprétation restrictive des dispositions constitutionnelles relatives à la
démocratie participative, et aux nouvelles prérogatives de la société civile. Ces lois sont, à notre
sens incomplet et nécessitent des ajustements en faveur de l’implication citoyenne dans la chose
locale hormis le vote électoral. Ceci dit nous proposons la batterie de recommandations
suivantes :
Recommandation 1 :
Prend en charge l’opportunité offerte par l’article 12 de la constitution de 2011. Nous suggérons
l’énoncé du principe de la participation citoyenne des associations locales dans les dispositions
générales des lois organiques des collectivités territoriales. Elles constitueront, alors, le cadre
institutionnel de la participation citoyenne dans la vie locale et la garantie de l'expression de sa
diversité.
A cet effet, nous proposons de reformuler le titre du chapitre introductif dans les deux textes de
lois organiques, objet de la présente étude, à travers une conjonction du Principe de Libre
Administration et du Principe de la Participation Citoyenne. Nous proposons la stipulation
suivante :
« Dispositions générales : Libre administration de la « commune » ou la « région » et
Participation citoyenne ».
Et pour mieux appréhender l’implication citoyenne des associations dans la vie locale, il serai
judicieux d’insérer l’expression suivante à la fin de l’article sur la libre administration :
« La « commune » ou la « région » associe en partenariat, le cas échéant, à la réalisation des
projets de développement économique, social et environnemental, les associations locales et les
organisations non gouvernementales à caractère communautaire dans le respect de l’équité du
genre et la représentation des jeunes et des personnes en situation d’handicap. »
Recommandation 2 :
La révision du mode de gestion des communes et de la région, de sorte à faire participer, à titre
consultatif, les associations locales et les organisations de quartiers et de proximité sociale dans
le suivi et l’évaluation des services publics.
Dans ce cadre, nous proposons que le conseil élu puisse créer des comités consultatifs portant sur
les questions d'intérêt communal (concernant tout ou partie du territoire de la collectivité). Ces
comités consultatifs comprennent paritairement, les représentants des associations locales et les
représentants du conseil élu.
Chaque comité est présidé par un représentant du conseil élu, désigné par le président de la
collectivité.
40
Articles 82 à 85 de la loi organique relative à la région (111.14) et les articles 44 à 47 de la loi organique relative
aux communes (113.14)
41
Article 86 de la loi organique relative à la région (111.14) et article 43 de la loi organique relative aux communes
(113.14)

13
Ces comités peuvent être consultés par le président de la commune sur toute question ou projet
intéressant les services publics et équipements de proximité et entrant dans le domaine d'activité
des associations membres du comité. Ils peuvent par ailleurs transmettre au président de la
collectivité toute proposition relevant de l'intérêt général objet de cette institutionnalisation.

En relation avec cette logique de concertation, nous suggérons d’assurer une représentation
conséquente des associations locales dans :
- La commission consultative des services publics locaux pour l'ensemble des services
publics ; il s’agit aussi bien de ceux gérés par un tiers dans le cadre d’un contrat de
délégation de service public ou de ceux exploités sous forme de régie dotée de
l'autonomie financière ;
- La commission technique chargée du diagnostic et de l’élaboration du programme
d’action régional prévue dans les dispositions de gestion du Fond de la Qualification
Sociale
- La commission chargée de l’octroi des subventions aux associations.
C’est le cas également de la représentation des associations professionnelles et des associations
d’animation sociale concernant la création et la gestion des équipements communaux de
proximité.
Dans le même sens, nous proposons d’ajouter un article indépendant spécifique à l’organisation
d’une conférence annuelle au niveau de chaque arrondissement ouverte à toutes les associations
de quartiers œuvrant dans ce territoire. Le rôle de cette commission est d’arrêter, d’une manière
concertée, le cadre général de la distribution équitable des ressources budgétaires affectées à
l’arrondissement.
Recommandation 3 :
Partant de la volonté affichée d’assainissement à travers l’obligation de transparence et
l’interdiction du conflit d’intérêts, nous recommandons d’interdire aux associations dont sont
membres les conseillers élus, leurs conjoints, leurs descendants et ascendants directs, de
bénéficier des subventions de la collectivité dont ils sont représentés.
Recommandation 4 :
Proposition d’une stipulation expresse sur la prise en compte du genre social, de la représentation
des jeunes et des personnes en situation d’handicap dans la composition de toutes les instances
de la gouvernance sous l’autorité des conseils élus.
Recommandation 5 :
Pour protéger le droit à la participation citoyenne/ civile, et l’organisation de ses mécanismes
d’exercice au niveau de la démocratie territoriale, il est utile de réviser les lois organiques sur les
communes et la région ; il serait plus opportun de déterminer les conditions de mise en œuvre de
cette participation par un décret d’application plutôt que par les règlements internes des
communes et des régions.
Ceci étant, il est nécessaire de réviser les dispositions de la section relative aux « Mécanismes
participatifs du dialogue et de la consultation », de sorte à ne pas résumer la fonction des
pétitions, prévues dans les articles 15 et 139 de la constitution de 2011, à un simple recours
ouvert aux citoyens et citoyennes et les associations de la société civile devant les conseils
territoriaux.

14
Pour éviter que l’idée de participation, revête uniquement une dimension symbolique et qu’elle
relève plutôt de la « liberté d’expression institutionnalisée », il est nécessaire de la doter d’une
force de proposition. Cette dernière serait à même d’actionner la participation des citoyens dans
l’élaboration, l’exécution et le suivi des politiques publiques ; ce qui suppose que :
- les citoyens, les citoyennes et les associations soient fondés à en réclamer le respect par
les pouvoirs publics et les conseils élus, faute de quoi ces derniers devront motiver leur
rejet des pétitions. Il s’agit de dépasser la logique verticale des institutions publiques,
comme l’on peut déduire des dispositions proposées dans les deux lois, objet de la
présente étude.
- la possibilité du recours, des auteurs des pétitions, devant la juridiction spécialisée en cas
de rejet de la pétition, par les pouvoirs publics et des conseils élus, à travers une
consécration juridique.
Recommandation 6 :
La révision des dispositions proposées pour le partenariat des collectivités territoriales avec les
organisations de la société civile de sorte à permettre à toutes les catégories des associations,
selon le Principe de l’Egalité des Chances, de contracter avec ces collectivités au lieu de limiter
l’accès aux seuls organismes non gouvernementaux à utilité publique.
Recommandation 7 :
La priorisation des besoins de l’intégration socio-économique des femmes, des jeunes, des
personnes en situation d’handicap et des personnes en situation de précarité dans le programme
d’action communal ou le programme de développement régional prévu par les deux lois
organiques, objet de la présente étude.
Recommandation 9 :
La considération des subventions accordées aux associations comme dépense obligatoire pour
toutes les collectivités territoriales y compris la région.
Recommandation 10 :
La dispense des associations des droits de timbres pour le compte des collectivités.
Recommandation 11 :
La révision des mesures proposées pour l’accès des habitants et les associations à l’information
et aux documents administratifs. En se basant sur l’article 27 de la constitution de 2011, ce droit
doit être accompagné de la possibilité de photocopier les documents accessibles au public.
Conclusion
Comme il est démontré ci-dessus, la conciliation entre les finalités politiques et les mécanismes
de gestion de la démocratie participative au Maroc ouvre la porte à deux interprétations opposées
des dispositions constitutionnelles de cette forme de démocratie horizontale directe :
Une interprétation restrictive : au regard de cette interprétation, tous les mécanismes de la
participation civile dans les affaires locales, hormis les pétitions et le droit à l’information,
relèveraient du « management » administratif. Cette participation serait maîtrisée et
exclusivement régulée par les conseils élus, au niveau local, de manière autonome dans le cadre
du principe constitutionnel de libre administration comme prévu dans l’article 139 de la
constitution. Cette interprétation est prise en charge dans les deux lois organiques.

15
Une interprétation extensive : la participation y est connotée positivement. Elle autorise la
« dévolution du pouvoir » à la société civile en tant qu’acteur « non institutionnel » et
« désintéressé »42.
Elle part des principes de l’effectivité et de l’indivisibilité de l’Etat dans les droits et les
obligations prévus dans le préambule et les articles 1 et 6 de la constitution et le principe de la
protection des droits constitutionnels qui interdit aux autorités publiques de prendre toute
décision ou disposition juridique ou administrative en contradiction avec la constitutionnalité de
ces droits, et leur généralisation à tous les citoyens et les collectivités sans distinction.
L’interprétation positive des ces principes supposent que la démocratie participative consiste,
avant tout, à la préservation du lien social et le renforcement de la cohésion sociale, et ne peut
atteindre ses objectifs politiques et constitutionnels sans la reconnaissance de sa légitimité
populaire et civile. La nécessité de mettre en œuvre ses rôles d’intermédiation dans la géographie
de proximité qui est devenu avec les transformations sociales accélérées un enjeu majeur dans le
processus de renforcement de la légitimité de l’Etat et de ses institutions territoriales43.
Conçu comme un remède à la crise de la gouvernance représentative, la démocratie participative
vient en renfort et non en substitut de la démocratie représentative issue du suffrage universel.
Ce qui suppose la mobilisation des mécanismes de participation civile dans la chose publique,
dépassant, dans certains cas la simple échelle de la consultation et la concertation à l’échelle de
la codécision.
Bibliographie :
Textes juridiques
Charte communale du 1976, dahir portant loi n° 1-76-583 du 30 Septembre 1976 relatif à
l'organisation communale (B.O. 1er octobre 1976) abrogé par dahir n° 1-02-297 du 25 3 octobre
2002 portant promulgation de la loi n° 78-00 portant charte communale (B.O du 21 novembre
2002)
Constitution du 2011, dahir n°1-11-91 du 29 juillet 2011 portant promulgation du texte de la
constitution (BO n°5964 bis du 30 juillet 2011)
Déclaration sur le droit au développement adoptée par l'Assemblée générale dans sa résolution
41/128 du 4 décembre 1986
Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l'Assemblée générale dans sa
résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948
Loi organique n°111.14 relative aux régions promulguée par le dahir n° 1-15-83 du 7 juillet 2015
(BO n°6440 du 18 Février 2016)
Loi organique n°112.14 relative aux préfectures et provinces promulguée par le dahir n° 1-15-84
du 7 juillet 2015 (BO n°6440 du 18 Février 2016)
42
E. Garcia de Enterria, « Principes et modalité de la participation à la vie administrative », dans F.Deléprée.(dir), la
participation directe du citoyen à la vie publique et administrative (Travaux des XIIème Journées d’études
juridiques Jean Dabin), op.cit.,p.257 ; M.Prieur, « Le droit à l’environnement et les citoyens : la participation »,
Rev.jur.env.1998,p.403.
43
La Banque Mondiale considère la reddition sociale comme entrée à la participation de la société civile après les
élections. Pour vérifier que les politiciens ont honoré leurs engagements ; elle permet aux personnes marginalisée
traditionnellement de contrôler les politiques publiques.
Dans le même sens, la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) dispose que toute personne « a le droit
de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de
représentants librement choisis. » (Article 21).

16
Loi organique n°113.14 relative aux communes promulguée par le dahir n° 1-15-85 du 7 juillet
2015 (BO n°6440 du 18 Février 2016)
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté et ouvert à la signature, à la
ratification et à l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16
décembre 1966
Rapports officiels
Charte Nationale de la démocratie participative, Dialogue National sur les nouvelles prérogatives
constitutionnelles de la Société Civile, 2013, http://hiwarmadani2013.ma
Rapport de la commission consultative de la régionalisation 2011, Livre II, p.23,
http://www.regionalisationavancee.ma
Articles
BLANC Maurice., « L’invention de la démocratie locale », in Vie quotidienne et Démocratie.
Pour une sociologie de la transaction sociale, l’Harmattan, 1994
GARCIA DE ENTERRIA Eduardo., « Principes et modalité de la participation à la vie
administrative », dans F. Deléprée .(dir), la participation directe du citoyen à la vie publique et
administrative (Travaux des XIIème Journées d’études juridiques Jean Dabin), 1986
HABEMAS Jürgen., Droit et démocratie : Entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1997
JENSEN Claus Haagen., « Participation à la gestion d’institutions pédagogiques et sociales »,
dans Conseil de l’Europe, affaires juridiques (dir.), Formes de participation du public à
l’élaboration des actes législatifs et administratifs, Actes du 7ème colloque de droit européen,
Strasbourg, Ed. Conseil de l’Europe 1998
PRIEUR Michel., « Le droit à l’environnement et les citoyens : la participation »,
www.rev.jur.env, 1998

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