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Eric Agrikoliansky
Paris Dauphine University
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Agrikoliansky Eric. B. Manin, Principes du gouvernement représentatif. In: Politix, vol. 10, n°38, Deuxième trimestre 1997. pp.
160-166;
doi : 10.3406/polix.1997.1676
http://www.persee.fr/doc/polix_0295-2319_1997_num_10_38_1676
Cécile Blatrix
Centre de recherches politiques de la Sorbonne
Université Paris I
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B. Manin s'inscrit en effet dans une tradition qui fait de l'étude des textes
et plus généralement de la pensée politique sa focale principale. Son étude,
surtout à propos de l'esprit des institutions, porte ainsi essentiellement sur
la pensée des théoriciens du gouvernement représentatif qui sont souvent
les acteurs de sa construction (les philosophes politiques classiques, les
pères fondateurs de la Constitution américaine, les constituants français,
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naturelle du pays sera élue. [...] Seul un petit nombre de marchands, les
plus fortunés et les plus ambitieux, seront probablement représentés par
l'un des leurs - parmi les marchands, peu sont des personnages assez
éminents pour attirer l'attention des électeurs dans une représentation si
réduite». Les fédéralistes, partisan de la définition de vastes
circonscriptions, expriment la même «intuition». Pour J. Madison, par
exemple, «les grandes circonscriptions favorisent manifestement les
candidats attachés au droit de la propriété», i.e qui sont eux-mêmes les plus
fortunés.
L'étude des débats américains sur le vote donne donc à voir les principes qui
fondent le choix de ce dispositif. Dispositif qui remet symboliquement le
choix des gouvernants entre les mains du Peuple, le vote constitue
indissociablement un instrument garantissant la distinction d'une élite. La
technique du vote par cette dualité constitue donc un point «d'équilibre
argumentatif» dans la mesure où elle permet d'incorporer et de concilier des
aspirations antagonistes. Celles des citoyens qui réclament (ou réclameront
ensuite) une participation accrue aux affaires publiques et celles des élites
traditionnelles qui, tout en concédant cette participation, mesurent
l'avantage que leur confère la dimension aristocratique de l'élection. Le
succès de cette technologie de dévolution du pouvoir ne relève donc ni d'un
hasard historique ni de forces qui échappent à la conscience des acteurs,
mais tient à sa double qualité qui cristallise les intérêts divergents de
groupes sociaux aux intérêts opposés.
On perçoit ici la portée de cette analyse pour une histoire générale des
formes de construction des institutions politiques. Les études récentes sur
le vote en France mettent en effet l'accent sur les facteurs historiques et
contextuels qui expliquent le développement des techniques électorales
modernes. Dans ce cadre, l'acculturation à l'élection est le fruit de processus
sociaux complexes qui permirent, en France à la fin du XIXe siècle, à la fois
la mobilisation électorale des citoyens et l'investissement dans la
compétition électorale des agents en lutte pour la conquête du pouvoir.
Sans contredire ces analyses mais en les complétant, le travail B. Manin
révèle qu'il existe une condition supplémentaire qui était nécessaire à la
réussite du vote : sa dualité qui le rend acceptable tant par les élites
traditionnelles que par les nouveaux prétendants au pouvoir. L'auteur
montre ainsi que l'étude des dispositifs institutionnels ne peut se fonder sur
l'hypothèse de leur totale malléabilité. Certes, les hommes font les
institutions, mais les techniques dont ils usent ne sont pas des coquilles
vides de sens qui seraient déformables à l'infini. L'élection porte en elle-
même les conditions de sa propre réussite. Forme de légitimation du pouvoir
qui renvoie par son histoire au principe de consentement, elle offre un
cadre propice à la coordination d'attentes sociales divergentes.
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Éric Agrikoliansky
Université Strasbourg II
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