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Université de Béjaia – Faculté des SHS – Département des SIC

Master 1 – Presse imprimée et électronique


Module : Genres journalistiques dans la presse imprimée – assuré par M. CHAMI, Docteur en SIC

Cours 5 : L'enquête

L'enquête fait partie des « grands » genres d'information comme le reportage et l'ITW, plus
complets, qui exigent beaucoup de méthode, de rigueur et de métier. L'enquête est une démarche
démonstrative qui cherche à répondre à une/des question (s), éclaircir un objet controversé.
Si le reportage montre, l'enquête démontre. Le sujet du reportage est un spectacle. Le sujet de
l'enquête est un problème. Il y a enquête dès que le journaliste entreprend de répondre à une
question en allant chercher les réponses à la source.
Dans ce genre d'écriture journalistique le fond prime sur la forme. C'est l'un des genre les plus
rigoureux qui n'admet pas l'approximation. Il est plus complexe que le reportage, car il ne suffit
fait pas de rapporter et de décrire des scènes observées, entendues ou ressenties, mais aussi de
l'informer de l'invisible, de l'inaudible et de la face caché de l'objet de l'enquête. L'enquête est un
genre journalistique particulièrement exigeant, qui peut requérir des qualités de sociologue...et de
détective.

Par définition l'Enquête : « est un article ou série d'articles informatifs sur des thèmes
politiques, économiques ou sociaux, réalisés à partir d'une documentation écrite et auprès des
intéressés eux-mêmes, en vue d'aboutir à une conclusion démonstrative » (J. de Broucker)
Il s'agit de « découvrir la vérité » ou de « faire le point » sur une question, une situation, une
personne ou un groupe de personnes.
Sa réalisation passe par la réunion d'une documentation complète et récente sur la question
abordée, d'organiser avec rigueur les informations recueillies, de les vérifier. C'est un travail de
fond. Généralement, l'enquête est formée de différents articles placés côte à côte, parfois rédigés
par plusieurs auteurs. C'est pour quoi l'enquête est assimilé à un dossier.

Plan de l'enquête
Reportages, commentaires, encadrés, interviews et articles plus ou moins longs peuvent
constituer les divers éléments d'une seule enquête. Certaines enquêtes tellement complexes, elles
sont publiées sur plusieurs numéros, sous forme de série (exemple : affaire panama papers,
logiciel pégasus...)
L'enquête journalistique s'approche de l'enquête académique, même si le journaliste n'a pas ni le
temps, ni les moyens de l'enquêteur universitaire.
Ce plan, quant au fond, s'apparente beaucoup à celui de la démonstration scientifique :
Problème —> hypothèse —> vérification —> conclusion.
On retrouve cette structure sous des formes diverses :
Situation -> causes -> solutions possibles -> solutions préconisées
Conflit -> arguments des uns -> arguments des autres -» les faits -» l'avis des spécialistes -> qui
a raison.
Si cette charpente doit exister, elle doit cependant, dans l'enquête journalistique, demeurer
invisible, habillée qu'elle est par toutes les ressources de l'écriture.
Alors, l'intuition du journaliste tend à palier ces contraintes en cherchant « the right (wo) man in
the right place »
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Les thèmes d'enquête doivent être percutants, révélateurs d'un intérêt public et ne ressort pas
forcément de l'actualité immédiate.
L'enquête est caractérisée par la confrontation : des opinions et des faits entre eux. C'est pourquoi
sa démarche est également semblable à celles de l'enquête judiciaire et de la recherche
scientifique.

Une enquête peut se faire en quelques heures, en quelques coups de téléphone – comme elle
peut se faire pendant plusieurs semaines et mois de travail à plein temps.
Dans l'activité d'un journaliste, les questions - les sujets d'enquête – surgissent dix fois par jour, à
l'occasion d'un fait d'actualité, petit ou grand.
Le journaliste enquêteur peut soulever un vrai problème d'intérêt public, en révélant des
informations inédites sur des sujets multiples.

La démarche de l'enquête journalistique


Elle peut être décomposer en cinq étapes :
- Poser la bonne question, la formuler clairement, sur un vrai problème (c'est l'angle de l'enquête)
- Faire le point des connaissances sur la question (documentation) ;
- Formuler des hypothèses de travail, sans en écarter aucune à priori ;
- Vérifier les hypothèses sur le terrain, en allant aux sources ;
- Aboutir à une conclusion.
Une enquête digne de ce nom ne peut négliger aucune de ces étapes, et en particulier la
quatrième. Trop de prétendues « enquêtes » ne sont que des compilations de documentation sur
le sujet. D'autres ne sont que des spéculations (articles d'« idées ») sans vérification
expérimentale. D'autres encore ne sont que des démonstrations partisanes d'une conclusion pré-
arrêtée.
Au départ d'une enquête, le journaliste doit savoir ce qu'il cherche, non ce qu'il veut prouver.
Les hypothèses sont nécessaires pour commencer sa recherche, doivent constamment être
confrontées avec les faits.

Dans tous les cas, même si l'idée de départ était juste, la vérification sur le terrain mettra au jour
des informations qui la corrigeront ou la nuanceront. Comme tout article, l'enquête se rédige en
fonction du message essentiel qui est, ici, la conclusion de l'enquête. Et c'est ce message
qui ordonnera le plan du papier.

Un papier d'enquête n'est pas un exposé froid et abstrait. Il doit fourmiller d'exemples, de
témoignages, de choses vues illustrant les étapes de la démonstration.

L'enquête fait appel non seulement à toutes les qualités professionnelles du journaliste, mais aussi
à toutes les ressources de l'écriture journalistique, comme le reportage, l'interview, le portrait...
Une enquête importante peut même justifier un éditorial. En ce sens, on peut dire que c'est le
genre des genres.
Le talent du journaliste est de découvrir et de faire découvrir au lecteur ce qui se cache bien
souvent derrière le personnage public.

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Une bonne enquête repose sur :


- Une bonne question : C'est l'essence de l'enquête. Chaque enquête a une question subsidiaire
qui taraude l'esprit des observateur et que tout le monde se pose. C'est souvent liées au
"pourquoi, comment".
- Un premier fil à tirer : le journaliste dans son enquête s'intéresse aux zones sombres qui fait
l'objet d'enquête. Pour trouver son premier fil à tirer de la "pelote", le journaliste adopte la
méthode de l'historien ; une lecture documentée sur le sujet qui l'intrigue, identifications des
témoins et acteurs potentiels, prise de notes ; dates et moments clés de l'évènement.
Dresser une série de questions controversantes, sans réponses…Tout ça renvoi à un canevas de la
problématique à résoudre.
- Une toile à tisser : Une fois que le premier fils est tiré, le journaliste doit passer à un niveau
plus supérieur pour cerner son sujet ; Le délimiter et le traiter en prenant le temps nécessaire.
Par exemple, prendre attache avec les personnes susceptibles d'apporter des éclaircissements,
d'ouvrir de nouvelles pistes et nous mènent vers d'autres sources...
Cette exploration de l'objet de l'enquête pousse le journaliste à trier, sélectionner les informations
qu'il avait recueillies, croiser les données et vérifier les chiffres, amasse les preuves
documentaires, témoignages et établir une chronologie des évènements et des acteurs impliqués.
- Passer à l'attaque : une fois que la toile est bien tissée, le journaliste doit adopter la stratégie
de l'araignée.
Quand l'entêté/personne qui fait l'objet d'enquête s'avère présumée, l'enquêteur, au nom des
principes journalistiques et de déontologie, doit boucler son enquête en donnant la parole à
l'accusé/présumé...en lui demandant des explications sur les révélations de l'enquête.
Et comme il s'agit d'enquête, le journaliste sait très bien que son interlocuteur ne lâchera pas
aussi facilement le morceau.
Donc, il doit demander un rendez-vous à son sujet, de préférence par écrit pour laisser une trace.
Bien sûr comme indiqué dans la démarche de l'interview.
Dans ce cas de figure, le journaliste doit rester vague dans son message sur l'objet réel de sa
démarche pour ne pas soulever des soupçons.
Dans le cas où, la rencontre aurait lieu, le journaliste doit rapporter les réponse de son
interlocuteurs avec professionnalisme.
Le cas contraire, le journaliste est tenu d'informer le public de refus l'interlocuteur de le recevoir.
Dans les deux cas, le journaliste doit rester impartial.
- Une argumentation incontournable : Si l'enquête journalistique est bien menée, sa
rédaction serait plus facile. Car, l'écrit ne fera que reprendre les faits, témoignages, preuves et
révélations dans un enchaînement logique qui ne laisse pas la place au doute et à l'approximation.
Pour agrémenter l'enquête, le journaliste rajoute des éléments relatifs à ses observations de
terrains, et aux histoires entendues qui renforcent les thèses avancées, mais sans se basculer
dans la distraction. L'enquête comme signalé plus haut impose de la rigueur et du sérieux dans
l'écrit. Les jugements de valeurs, alors, sont à écarter.

La construction du papier
Elle doit rester invisible. Vous ne faites pas un rapport policier, sociologique ou universitaire.
Même si l'enquête a une portée pédagogique, cette dimension ne doit pas apparaître
manifestement. Le style sera toujours concret et vivant.
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Le journaliste aura donc la charge de réunir tous les faits qui permettront d'emporter l'adhésion
générale par la qualité des preuves recueillies, l'impartialité de son témoignage et l'exhaustivité de
sa recherche. Dans la pratique, bien sûr, les choses ne sont pas si simples. Mais toute déontologie
est un idéal. A chacun, en conscience, de faire son métier.
- Ce n'est pas parce que l'un a raison que les autres ont tort.
Dans un débat, si l'opposant a tort, cela ne signifie nullement que nous ayons raison : on peut
avoir tort tous les deux. Ou raison sur deux plans différents.
- L'alternative est féconde. Existe-t-il d'autres explications possibles pour le même résultat ? II
faut donc imaginer, devant un fait que l'on vous rapporte, d'autres explications éventuelles que
celles que le témoin vous donne.
- L'origine de l'information et la compétence de l'informateur sont déterminantes. Vous avez tous
lu, dans la presse, les journalistes proclamer les chiffres des victimes de la décennie noire : « Ils
étaient 200 000 selon les organisations des droits de l'homme, et 20 000 selon les pouvoirs
publics. »

Assurez-vous aussi que les sources que vous contactez sont bien les mieux indiquées pour vous
répondre. Mais il vous faudra souvent les vérifier, les recouper avec d'autres sources. Ce dont
vous pouvez au moins être sûr, c'est qu'elles vous livrent le point de vue de l'organisme interrogé.
Généralement, les enquêtes complexes nécessitent plus d'un journaliste enquêteur afin de
partager le travail et les missions.
Néanmoins, cette méthode peut poser un problème dans le suivi de l'ensemble de l'enquête.
D'où l'importance de la coordination et de la désignation d'un meneur de l'équipe.

Les difficultés et les limites de l'enquête :


En revanche, il y a lieu de souligner les difficultés et les limites de ce genre journalistique, qui
nécessite plus d'investissements ; en temps, en moyens, en protection contre la prise du risque
(représailles, problème de justice, menace de mort...).
Au-delà de sa complexité, l'enquête exige plus d'habileté, de méthode, de capacité d'analyse et de
maîtrise des aspects traités.
L'enquête engage aussi la responsabilité non seulement du/des journaliste(s) enquêteur (s), mais
aussi de toute la rédaction/ l'organe de presse. Certaines rédactions prévoient leur enquête
plusieurs semaines et mois avant leur publication. D'autres ont carrément un service qui s'occupe
des enquêtes/reportages.
Si vos témoins vous demandent de vérifier leur déclarations avant la publication de l'enquête,
vous pouvez faxer que leur interventions entre guillemets, sans le commentaire (personnel) qui
les habillera. De plus, ce genre de pratique doit se faire avant l'interview/l'échange et jamais
après. Mais, on est tenu toujours par les clauses de l'entente. Après c'est trop tard, malvenu, et
même parfois malhonnête.

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