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Abstract
This article aims to understand the factors that may contribute to the success of the digital transformation of
business. To do this, we conducted a qualitative survey, using interviews, of five representative companies.
Thus, and through the comparison between the analysis of the verbatim of the survey results and the conclusions
of the literature review consulted, we have identified an alignment between the theoretical indicators that
measure perception and the success factors evoked by the authors, and the statements made by company
representatives around the same questions. The results essentially revealed a positive attitude of the interviewees
towards the implementation of the digital transformation embodying three dimensions: technological,
organizational, and human. We also note that the success of the digital transformation depends mainly on
endogenous factors (qualified personnel, lack of funds, support from the leader, acceptance of the technology,
etc.) and an exogenous factor related to state support.
Résumé
L’objectif de ce papier est de comprendre les facteurs susceptibles de contribuer au succès des projets de la
transformation numérique des entreprises. Pour cela, nous avons mené une enquête qualitative, à l’aide
d’entretiens, auprès de six entreprises dont la représentation s’est avérée très riche. Ainsi, et à travers le
rapprochement entre l’analyse des verbatims des résultats de l’enquête et les conclusions de la revue de la
littérature consultée, nous avons dégagé un alignement entre les indicateurs théoriques qui mesurent la
perception et les facteurs du succès évoqués par les auteurs, et entre les déclarations des représentants des
entreprises autour des mêmes interrogations. Les résultats ont révélé essentiellement une attitude positive des
interviewés vis-à-vis de l’implémentation de la transformation numérique incarnant trois dimensions :
technologique, organisationnelle et humaine. Nous constatons également que le succès de la transformation
numérique dépend principalement des facteurs endogènes (personnel qualifié, manque de fonds, soutien du
dirigeant, acceptation de la technologie, etc.) et un facteur exogène lié au soutien étatique.
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1. Revue de littérature
1.1. La transformation numérique, essai de définition
Au début, les mots numérisation et digitalisation évoquaient la même signification, mais
aujourd’hui, la numérisation a un autre sens que digitalisation. La numérisation est le fait de
convertir des informations en numérique (ex. scanner des papiers en PDF). Elle consiste à
transformer un élément matériel en format numérique, grâce à des technologies. La
digitalisation comprend en plus l’intégration des technologies digitales dans l’ensemble de ses
activités et d’en créer d’autres et se diversifier. Elle consiste surtout à repenser toute
l’organisation d’une entreprise, aussi bien au niveau des échanges humains (travail
collaboratif), qu’au niveau des outils. C’est une véritable mutation de l’entreprise, qui lui
permet de s’adapter aux nouvelles réalités de son environnement et, en particulier, des attentes
de ses clients. Par conséquent, la numérisation est un passage préalable à la digitalisation. Elle
en représente une dimension parmi d’autres. La numérisation a principalement un aspect
technique, la digitalisation est davantage culturelle et organisationnelle, déclenchée par la
numérisation.
Depuis 2000, l’expression « Digital transformation » prend une envergure de plus en plus
prégnante du fait de la vitesse de son développement (Patel et McCarthy, 2000). Ce contexte
invite les entreprises à repenser leurs stratégies pour pouvoir s’adapter aux nouveaux
comportements des consommateurs ou encore pour tirer profit des technologies en termes
d’innovation ou de productivité (Reyre Isabel, Lippa Marc, 2015).
Certains la caractérisent comme étant “des changements induits par les technologies
numériques dans tous les aspects de la vie humaine” (Stolterman et Fors, 2004). Les seconds
estiment de façon plus provocante que “la transformation digitale, c’est l’exploitation
radicale des possibilités d’Internet” ou encore “the use of technology to radically improve
performance or reach of enterprises” (Westerman et al, 2011). Selon Ettien et Peron, (2019),
la transformation digitale c’est aussi identifier, mobiliser et organiser les ressources pour aller
d’un point à un autre. Cette définition a été également évoquée par Germain (2006), dans son
ouvrage « Management des nouvelles technologies et e-transformation » de la façon suivante :
« De façon métaphorique, l’e-transformation est cette énergie de changement initiée par la
dynamique d’internet, les potentialités des technologies de l’information et de la
communication, et la volonté des hommes dans un univers d’entreprise marqué par la
convergence numérique ». Bos (2018) la définit comme étant « l’adoption des compétences
technologiques facilement accessibles qui transforme la réactivité de l’organisation face aux
changements du marché ». Elle consiste à conduire le changement des business modèles et de
l’écosystème d’une organisation en s’appuyant sur les techniques numériques.
Entre les définitions qui préconisent qu’elle désigne les possibilités de connexion continue
qu’offre les technologies numériques, et celles qui la perçoivent comme la capacité à utiliser
le maximum des nouvelles technologies par les organisations, la transformation numérique
apparait comme un concept encore protéiforme dont les acceptions diffèrent entre
universitaires et praticiens.
Par ailleurs, la transformation numérique ne peut pas se résumer seulement par l’adoption
intensive des nouveaux outils et technologies de l’information et de la communication
(NTIC). C’est une action plus profonde qui touche toutes les dimensions de l’entreprise :
technologique, organisationnelle et culturelle. Dans ce sens, Blague (2014) affirme qu’elle
« remet en question les modèles économiques, les chaînes de valeur, l’environnement
concurrentiel, les organisations et leur fonctionnement, les métiers, les modes de travail et de
collaboration des hommes et des femmes, la vie quotidienne des salariés ». Comme il est
résumé dans le tableau ci-dessous, la transformation numérique est souvent décrite comme
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Les recherches sur les facteurs de succès des projets montrent qu'il est tout simplement
impossible d'en obtenir une liste exhaustive et adéquate pour tous les projets. Les facteurs de
succès diffèrent d'un projet à un autre compte tenu par exemple de l'envergure, de l'unicité ou
de la complexité des projets (Lavagnon, et al. 2009).
Depuis la fin des années 1960, les chercheurs en gestion de projet tentent de comprendre et
surtout, déterminer quels sont les facteurs clefs qui mènent à la réussite d'un projet. La
définition de ce concept varie selon les auteurs, nous citerons celle énoncée par Leidecker et
Bruno (1984), citée et traduite par Rajaobelina, Durif et Ricard (2007). Les facteurs clés de
succès sont vus comme des « caractéristiques, conditions ou variables qui, lorsqu'elles sont
correctement suivies, maintenues et gérées, peuvent avoir un impact significatif sur le succès
d'une firme dans un secteur donné ». Ainsi, ils peuvent être définis comme étant des « leviers
sur lesquels le gestionnaire de projet peut s’appuyer pour accroître les chances de succès du
projet (Lavagnon, 2004).
Concernant, les facteurs clés de succès des projets, la recherche a d'abord focalisé l'attention
sur les aspects du contrôle de projet en mettant l’accent sur le triptyque « coût-qualité-délai ».
C'est à Slevin et Pinto (1986), cité par Lavagnon, (2004), que revient le mérite d'avoir proposé
une base scientifique de 10 facteurs clés de succès : la mission du projet, le soutien de la
direction générale, la planification et les échéanciers, l'écoute des clients, le personnel, les
tâches techniques, l'approbation du client, le pilotage et la rétroaction, la communication et la
gestion des problèmes. À ces 10 facteurs plus ou moins « contrôlables » par l'équipe de projet,
Pinto et Slevin (1988b) ajoutent 4 facteurs réputés extérieurs au processus d'implantation du
projet et donc incontrôlables par l’équipe : les compétences du chef de projet, le pouvoir et les
enjeux politiques, l'environnement et l'urgence. Plus tard, la classification de Selvin et Pinto
(1988b) sera reprise et adaptée par O'Shaughnessy (2006a). En comparant les travaux de Pinto
et Selvin, (1988b) et de O'Shaughnessy, 2006a), il s'est avéré que chaque facteur clefs de
succès, cités précédemment, est spécifique à une étape bien précise du cycle de vie du projet.
Le Tableau ci-dessous présente les facteurs clefs les plus influents et importants pour chacune
des phases du cycle de vie d'un projet.
Tableau 2. Principaux facteurs clefs de succès
Facteurs clefs de succès
Cycle de vie d'un Slevin et Pinto (1988 b) O 'Shaughnessy (2006a)
projet
Phase 1 : 1. La mission du projet 1. La mission du projet
Conception et 4. L'écoute des clients 2. Le soutien de la haute direction
évaluation du projet 4. Communication continuelle avec
le client à différentes étapes du projet
5. Les ressources humaines
6. L'expertise technique
7. Doter l'organisation de processus
de méthodologie et de standards de
gestion de projet
8. La communication avec les
principales parties prenantes du
projet
9. S'assurer de la capacité
organisationnelle à entreprendre le
projet
Phase 2 : 1. La mission du projet 3. Planification des activités
2. Le soutien de la direction 4. Communication continuel le avec
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l'environnement interne ; les facteurs relatifs au dirigeant et à l'équipe de projet et enfin les
facteurs relatifs au projet.
Westerveld (2003) de son côté, démontre le lien entre les critères, les facteurs clef de succès
et le type de projet et en conclut que pour chaque type de projet il faut établir un mix de
critères et de facteurs clefs de succès spécifiques. Il identifie également sept groupes des
facteurs clefs de succès : leadership et l'équipe, la politique et stratégie, le management des
parties prenantes, les ressources, les contrats, la gestion de projet et enfin les facteurs
externes.
Plus tard, Hyvari (2006) reprendra la même typologie de Belasri et Tukel (1996). Il regroupe
dans un premier temps les principaux facteurs clefs trouvés dans la littérature en fonction de
leur lien avec le projet, l'organisation, l'environnent externe, le gestionnaire et enfin les
membres de l'équipe de projet. Par la suite, il détermine les facteurs les plus critiques de
chaque groupement. Il en ressort par exemple, que l'engagement, les habiletés à coordonner et
le leadership sont des facteurs critiques qui se rapportent aux gestionnaires. Pour l'équipe de
projet, il s'agit de l'engagement, la communication et les expériences techniques. En ce qui
concerne le projet lui-même, les principaux acteurs sont les buts et l'objectif clair,
l'engagement des uti1isateurs et les ressources financières et matérielles. Les principaux
résultats de la recherche sont présentés au tableau ci-dessous.
Dans le tableau ci-dessous, nous comparons entre les facteurs clefs de succès retenus par
Belasri et Tukel (1996) et Hyvari (2006). Deux des auteurs les plus cités lorsqu’il s’agit des
critères de mesure du succès des projets ou des facteurs de succès.
Tableau 3. Comparaison des facteurs clés de succès
Belasri et Tukel (1996) Hyvari (2006)
Facteurs se - Habilité à déléguer l'autorité - Engagement
rapportant au - Habileté à négocier - Habileté à coordonner
gestionnaire de - Habiletés de coordination - Leadership
projet. - Perception de son rôle et - Compétences
responsabilité - Gestion situationnelle
- Compétences - Habileté de déléguer l'autorité
- Engagement - Gestion du changement
- Perception de son rôle et
responsabilités
- Confiance
-Avoir une expérience passée
pertinente
- Résolution de conflits
- Habileté à négocier
- Gestion des contrats
- Autre communication
Facteurs se - Connaissance technique - Engagement
rapportant à - Compétences en - Communication
l'équipe de communication - Expérience techniques
projet - Sources de difficultés - Pilotage et rétroaction
- Engagement - Gestion des conflits
-Autre compétences (scope) connues
par les membres.
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digitalisés, etc. » (Weelite). Une autre personne interrogée évoque qu’il s’agit d’informatiser
toutes les procédures de travail habituelles « la transformation numérique pour nous c’est le
fait de transférer toutes les procédures qui se faisaient d’une façon manuelle vers des
plateformes digitales, ou en utilisant des outils digitaux ou les outils informatiques. »
(Univers Startup et Entrepreneur). « Digitaliser la gestion des flux de l’information et des flux
physiques dans une entreprise » (IPSEN) est une autre forme citée par un interviewé.
Globalement, c’est un phénomène qui résulte en un changement profond dans les pratiques et
les habitudes.
L’analyse des résultats nous a également révélé que même si la transformation numérique
peut prendre différentes formes, tous nos interlocuteurs sont d’accord sur son caractère
obligatoire « pour mieux être productif, pour optimiser le temps et pour s’aligner avec ce qui
se fasse à l’échelle internationale, aussi pour mieux s’organiser » (Weelite). Sans doute les
outils digitaux sont utiles pour l’entreprise, aujourd’hui je trouve que ce n’est pas un luxe
mais c’est une utilité qui est purement absolue. Elle procure un avantage concurrentiel « un
avantage concurrentiel très important » (Orange). C’est une obligation indispensable pour
rester compétitive sur le marché (Soglama).
En effet, la transformation digitale offre plusieurs opportunités aux entreprises,
notamment« une forte visibilité sur le web » affirme le représentant de Soglama. La
transformation digitale permet aux entreprises d’explorer de nouveaux marchés, mais
également de renforcer sa position sur les marchés traditionnels, affirment les responsables
d’ISPN et de Voiture au Maroc. L’entreprise devienne « plus attractive et plus accessible,
ainsi qu’optimiser le temps de travail », selon l’interlocuteur d’Univers startups et
entrepreneurs. La digitalisation offre aussi l’occasion de réduire ses charges et d’augmenter le
retour sur investissement (ROI) « La transformation digitale permet aux entreprises de
réduire leurs coûts, ainsi d’avoir un retour sur investissement plus détaillé » (Orange et
Weelite).
Pour décrire des exemples de projets qui ont été conduits par les entreprises en vue de réaliser
la transition digitale, tous nos interlocuteurs évoquent la mise en place d’un ERP comme un
passage obligatoire de leur transition numérique. «Par exemple, tous ce qui est facturation à
univers startup et entrepreneurs ne se fait plus maintenant en utilisant Excel. Aujourd’hui,
nous sommes passés à un outil digital qui relève de la transformation digitale qui est
entièrement un ERP » (Univers startup et entrepreneurs). Une personne interrogée a parlé du
lancement de concepts audiovisuels sur les réseaux sociaux «cette solution nous permet
d’appliquer les principes de l'inbound marketing. C’est une stratégie marketing visant à faire
venir le client à soi plutôt que d'aller le chercher avec les techniques de marketing
traditionnelles) (Weelite). Deux interviewés évoquent que l’utilisation des réseaux sociaux
témoigne de leur volonté à se digitaliser « on ne peut pas parler d’une transformation digitale
si on n’a pas des outils digitaux, c'est-à-dire l’utilisation des réseaux sociaux » (Univers
startup et entrepreneurs). Tandis que notre interlocuteur d’Orange Maroc évoque des outils
tels que : les solutions Google, e-CRM (Electronic Costumer Relationship Management), e-
réputation et les outils d'organisation du travail comme Ando.
3.2. Les facteurs de succès de la transformation numérique
Nos résultats empiriques nous ont révélés que la transformation numérique repose sur
plusieurs facteurs différents mais complémentaires et dont l’absence peut être obstacle.
Deux autres personnes interviewées ont mis en exergue « la volonté des dirigeants » d’investir
dans la transformation digitale, « en général, les dirigeants voient que ça n’aura pas d’impact
et que c’est seulement de l’argent perdu …aussi ça ne permet pas de garder la confidentialité
des process utilisés, des recettes et de la manière.» (Univers Startup et entrepreneurs). La
volonté du dirigeant renvoie automatiquement au style de management dans l’entreprise. Un
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management fondé sur une confiance partagée entre le dirigeant et ses collaborateurs, et une
confiance en la technologie, selon les responsables d’IPSEN et d’Orange Maroc. La
digitalisation a impacté positivement les pratiques du management. Généralement, elle
demande une refonte des pratiques habituelles et l’adoption de nouvelles pratiques. Grâce au
digital les décisions sont justes et les employés sont plus efficaces, nous dit le responsable
d’Univers startups et entrepreneurs. Deux autres personnes interviewées nous parlent d’un
changement de la culture de l’entreprise (Weelite et Soglama). Ce qui nous fait savoir que la
réussite d’un projet de transformation numérique est davantage humaine que technique.
Nos interlocuteurs nous également ont affirmé que l’ère du numérique engendre certainement
de nouveaux comportements, « certainement une bonne partie des collaborateurs seront
obligés de changer leurs habitudes de travail » (Weelite). Donc « l’acceptation de se
digitaliser » par les collaborateurs est primordiale. Pour cela, la transformation digitale des
outils internes des entreprises doit apporter un véritable confort ergonomique et pratique,
« lorsque nous conceptualisations une application, l’expérience utilisateur est au cœur de nos
réflexions » (Univers Startups et entrepreneurs). Dans cette perspective, tous nos
interlocuteurs insistent sur l’importance de la conduite du changement comme levier de
succès des projets de numérisation. Elle permet à l’entreprise de rencontrer des résistances
chez les utilisateurs des nouvelles technologies (Weelite).
En outre, nos résultats nous ont révélé deux catégories de compétences dont les entreprises
ont besoin pour réussir leur transformation numérique, techniques et humaines. Pour les
compétences humaines, notre interlocuteur d’IPSN met l’accent sur l’ouverture d’esprit chez
les dirigeants, et sur la proximité, l’écoute et la compréhension des collaborateurs. Deux
autres personnes que nous avons interviewées ont mis l’accent sur la capacité de résilience de
l’entreprise et des employés (IPSN, Weelite). Pour réussir sa transformation numérique, le
DSI (directeur du système d’information) constitue le pivot, affirment tous nos interlocuteurs.
Son rôle est de s’assurer que les solutions choisies soient non seulement fiables mais
également compatibles avec les besoins de ses collaborateurs. Pour les compétences
techniques, nos interlocuteurs insistent sur le rôle important de la formation en parallèle à
l’investissement en nouvelles technologies de l’information et de la communication, « elle
permet de maximiser l’utilisation des outils digitaux et avoir un bon retour sur
investissement » (Voiture au Maroc). «Les entreprises doivent avoir un ensemble de
compétences : des compétences techniques en digital, en marketing digital et en expérience
client », affirme de responsable d’Orange Maroc. Cependant, si les compétences techniques
sont difficilement accessibles, les entreprises peuvent recourir à la sous-traitance, selon le
représentant d’Weelite.
Il ressort également de nos résultats qu’une forte propension au risque peut se traduire par un
coût plus élevé, susceptible de limiter l’investissement des entreprises en numérique. Dans ce
sens, tous nos interlocuteurs invoquent le risque de rupture du service rendu qui est souvent la
conséquence des pannes consécutives du système. « Lorsque les pannes techniques se
multiplient, le risque de rupture de services augmente. Si on ne tient pas compte de ça, notre
image risque de perdre son attrait, de causer de la frustration et d’éloigner les clients », nous
affirme le responsable de Weelite. En même temps, deux parmi ces personnes ajoutent le
risque lié à la cybersécurité (le risque d’être piraté ou le risque de fuite de l’information)
comme facteurs décisifs. La sécurité est l’un des principaux défis posés par la technologie du
numérique. Le responsable d’Orange Maroc nous fait savoir que « Le risque pour la
cybersécurité augmente en raison des vulnérabilités causées par l’incapacité à sécuriser une
technologie qui évolue constamment et en absence de mises à jour ». Il ajoute que
« l’évolution constante des technologies de l’information accélère l’obsolescence des
systèmes ».
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Par ailleurs, trois de nos interlocuteurs ont affirmé que la réussite d’un projet de digitalisation
nécessite d’avoir à priori « une vision claire du projet et une bonne planification ». L’absence
d’une vision et d’un programme claire peut entrainer des coûts très élevés pour les entreprises,
nous fait savoir le responsable de « Voiture au Maroc ». La transformation numérique est un
investissement très coûteux et durable, parce qu’il y a toujours du nouveau, il mérite d’être
bien réfléchi, nous font savoir nos interlocuteurs (Soglama et Orange Maroc).
Parmi les autres facteurs de réussite des projets de transformation numérique les plus cités par
les personnes interviewées, sans être le plus important, on trouve : les ressources financières.
Le manque de fonds pour financer le projet de transformation pourrait représenter un risque
de son abandon prématuré. Les problèmes de financement interviennent surtout en phase de
conception et de démarrage des projets. Ce résultat a été relevé par les six personnes
rencontrées « Se digitaliser c’est important. Mais ça demande de l’argent, parce qu’on a
besoin de renouveler nos outils et nos méthodes, de former les collaborateurs... et si on n’a
pas l’argent nécessaire, on ne peut rien faire » (Weelite). Les résultats ont révélé également
que les personnes interviewées ne font pas de distinction entre le manque de fonds et le coût
du projet. Les deux facteurs sont étroitement liés. Les résultats suggèrent que « les coûts
élevés » peuvent avoir un effet négatif sur la propension des entreprises à investir dans la
technologie du numérique. Ainsi, les entreprises qui considèrent comme excessif le coût
risque de présenter une propension plus faible pour la transformation numérique.
En ce qui concerne le soutien de l’État à la transformation numérique des entreprises, toutes
les personnes que nous avons rencontrées n’y sont pas totalement satisfaites, « il y a pas mal
de discours et de promesses mais les soutiens de l’état sont très faibles … » (Orange Maroc).
Pour eux, même si le Plan « Maroc Digital 2020 » a réussi à pallier certaines difficultés et
apporter quelques soutiens aux entreprises, il est loin de satisfaire les besoins des entreprises.
Par exemple, jusqu’à aujourd’hui le Maroc n’a pas réussi à dissuader les cerveaux marocains
de quitter le pays. Des compétences qu’il a formées mais à qui il ne fait rien pour les inciter à
faire carrière au Maroc, nous fait savoir le représentant de Voiture au Maroc. Pour
accompagner les entreprises dans leur transformation numérique, l’apport de l’État doit aller
dans plusieurs sens. Un soutien financier pour combler le coût excessif de la numérisation,
selon le représentant de Weelite, en proposant des programmes de formation et
d’accompagnement, en créant des labelles dédiés aux entreprises qui ont réussi leur
transformation digitale, selon les interlocuteurs d’Orange et d’Univers startups et
entrepreneurs.
Par rapport à d’autres pays, nos interlocuteurs affirment que la comparaison du Maroc avec
des pays étrangers est certes importante, mais il faut la faire en prenant en compte les
spécificités de chaque pays et de chaque secteur « la pêche elle est très en retard même pour
l’agriculture, l’hôtellerie… À part les entreprises du digital, du secteur bancaire et du
télécom, tout le reste des secteurs sont en retard … Certaines organisations publiques ont
également franchi un long chemin dans le numérique (ministère de la justice, ministère de la
finance, ministère d’aménagement… » (Soglama). Selon tous nos interlocuteurs, « on est en
retard par rapport au pays occidentaux. Par rapport à l’Afrique on est un précurseur, et par
rapport aux pays nord-africains (Tunisie) on est sur le même niveau de compétences »
(Orange Maroc).Toutefois, il y a aujourd’hui toute une dynamique autour de la digitalisation
soutenue par la bonne volonté de l’État.
4. Discussion des résultats
D’après les résultats obtenus, toutes les entreprises enquêtées considèrent la transformation
numérique comme un levier essentiel à leur vie. Certaines mettent l’accent sur le changement,
dans les procédures et les démarches managériales, induit par l’utilisation des outils
informatiques pour définir la transformation numérique. Ces résultats sont conformes à ceux
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déjà trouvés par Stolterman et Fors (2004). D’autres préfèrent parler de la modernisation, dans
l’exécution du travail, causée par l’intégration de l’automatisation et de la robotisation dans
leurs chaînes de production. Ce résultat renvoie à celui déjà trouvé par Bos (2018). Certains
considèrent la transformation numérique comme étant la possibilité d’une entreprise à rendre
l’ensemble des services informatisés. Ceci rappelle la définition selon laquelle la
transformation numérique est le fait d’exploiter radicalement les possibilités d’Internet
(Dudézert, 2018). Par ailleurs, la majorité des personnes rencontrées assurent que la
transformation digitale n’est plus un luxe mais elle est une obligation pour toutes entreprises.
Les résultats obtenus montrent également que la transformation numérique se joue sur deux
fronts. Le premier est technologie, c’est-à-dire que la digitalisation passe d’abord par un
investissement en nouvelles technologies et outils du digital : cloud, plateforme, ERP, réseaux
sociaux, DATA, intelligence artificielle, automatisme… Certes c’est un préalable important,
mais il est insuffisant. Parce que le succès du projet repose surtout sur des facteurs plus de
type « Soft » que « Hard ».
Les résultats escomptés de la transformation sont multiples, mais qui se résument en deux
catégories : financières et commercialles. Comme il a été avancé, les entreprises qui se
lancent dans des projets de digitalisation, visent dans un premier lieu à réduire leurs charges et
à augmenter leurs rendements. Cet objectif est atteint grâce à l’optimisation des processus et
le gain du temps que permet la numérisation. Ceci va dans le sens de ce qu’a été déjà trouvé
par des auteurs tel que (Reyre et Lippa, 2015 ; Deloitte, 2017 ; Isaac et Pouyat, 2018 ;
Okamba, 2018, Dudézert, 2018). En outre, nos résultats montrent que la technologie du
numérique permet aussi d’avoir un retour sur les investissements et une forte compétitivité.
Par ailleurs, la question du retour sur investissement (ROI) est totalement illusoire quant à la
dimension culturelle de l’entreprise. Dans ce cas, une approche par activité serait plus
judiciable qu’une approche par les coûts. Ce qui nous amène à se demander “qu’est-ce que je
risque si je ne fais pas” au lieu de se dire “combien ça rapporte si je fais”. Le ROI c’est bien
mais le RONI (return on non investment) peut aussi aider à prendre une décision efficace.
L’autre visée de la transformation numérique est plutôt de type commercial. En effet, elle
permet à l’entreprise de s’engager sur de nouveaux marchés. Grace aux outils informatiques
et à l’intelligence artificielle, les entreprises pourront un jour anticiper les besoins des clients.
La digitalisation peut également aider les entreprises à détracter leurs clients pour optimiser
leurs offres commerciales. Certaines affirment que le choix du numérique est surtout lié aux
avantages en termes de communication commerciale : plus de visibilité sur le web, possible
personnalisation de l’offre... Ces résultats confirment ceux déjà trouvé par Alexandre (2017).
Pour cela, le rapport établi par le cabinet McKinsey (2014) propose que la transformation
numérique favorise l’innovation, la créativité. Ces derniers volets ont un impact sur la vision
stratégique des décideurs. Dans ce sens, on peut dire que la transformation numérique favorise
ce qu’on appelle « l’Inbound marketing », c’est-à-dire exploiter les opportunités, et
« l’Outbound marketing », qui veut dire explorer de nouvelles opportunités. Le schéma ci-
dessous résume ces propos :
Figure 1. Les outputs du succès des projets de transformation numérique
Source : Auteurs
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Parmi les facteurs de succès des projets de transformation numérique les plus importants, on
trouve :
- Le soutien du dirigeant et la confiance. Globalement, un style de management fondé sur la
confiance et le partage peut induire une perception positive des coûts de la transformation
numérique et ainsi favoriser le lancement ou la réussite des projets de numérisation. Ces
résultats sont conformes à ce que nous avons trouvé dans la littérature (Kerravala, 2017 ;
OCDE, 2019). Dans ce cas, on peut dire que les entreprises qui considèrent que le coût de la
transformation est trop élevé ont tendance à ne pas se transformer. Viennent s’ajouter le
caractère disruptif des projets de transformation numérique et le manque du soutien du top
management, augmentant l’incertitude quant au succès de la transformation numérique et par
conséquent accroissant la perception des coûts qui lui sont inférés. Ceci est confirmé par les
travaux de Belasri et Tukel (1996) et de Hyvari (2006).
- Le « manque de personnel qualifié » est présenté comme un levier important du succès de la
transformation numérique des entreprises. Par conséquent, les entreprises, qui font face à des
situations tels que le manque de personnel qualifié, ont moins de propension à vouloir investir
dans le numérique. Plusieurs études (IACE, 2016 ; Euan D. 2016 ; Philippe Dulbecco et al.
2018 ; Schilliger et Steiger, 2018, Dudézert, 2018) soutiennent ces résultats et défendent la
thèse selon laquelle le manque de personnel qualifié peut être un sérieux obstacle au
développement du processus de numérisation. Il est aujourd’hui reconnu dans la littérature
que pour réaliser des innovations réussies les entreprises doivent combiner de manière
efficace des compétences de natures différentes. Dans ce cas, les entreprises doivent combiner
des compétences techniques utiles pour l’usage des nouvelles technologies avec des savoir-
être nécessaires pour accepter de changer et en faire un style de vie. Au Maroc, la fuite des
nouveaux diplômés vers l’étranger, la politique publique d’emploi et le manque du soutien du
politique aggravent la situation et rendent la transformation numérique à long terme une
action incertaine.
- La « propension au risque » est un autre levier évoqué par les personnes interviewées. La
cybersécurité et le risque de rupture du service (Irréversibilité) sont en effet des
problématiques récurrentes des technologies du numérique. En effet, l'appréciation du risque,
que peut avoir un dirigeant, se caractérise soit par un goût ou une volonté avérée pour investir
dans des projets de transformation numérique. Par conséquent, lorsque la perception du risque
l’emporte sur les avantages perçus de la transformation, cela diminue la propension au risque
et engendre un parti pris évident pour le statu quo. Ceci a déjà été mentionné par Bounfour
(2017) et Schöpfel (2020). Par exemple, le marché mondial des logiciels de cybersécurité
devrait ainsi connaître une forte croissance dans le futur. En effet, la fuite de l’information ou
le risque de se voir pirater n’encouragent pas les entreprises à se doter d’un projet de
transformation numérique. La transformation numérique va de pair avec de nouvelles
vulnérabilités et des défis croissants en matière de sécurisation de chaînes entières de création
de valeurs. Si le monde du travail gagne en souplesse et en efficacité, il devient aussi
potentiellement de plus en plus vulnérable. Toutefois, la propension au risque est en partie
une question d'appréciation. Pour cela, les entreprises sont tenues d'adapter en permanence
leurs stratégies. Par ailleurs, la gestion du risque ne saurait être assurée que dans le cadre
d'une approche globale. Il faut mettre en place des contre-mesures techniques,
organisationnelles, sociétales, politiques et légales. Une stratégie de gestion du risque
intégrale doit comprendre des efforts en matière d'identification précoce, de résilience et de
gouvernance. Cependant, il ne faut surtout pas penser la gestion du risque dans une dimension
uniquement organisationnelle ; il est essentiel également d'intégrer la dimension nationale et
internationale dans l'élaboration de la stratégie.
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- Nos résultats nous ont également montrés que la transformation numérique conduit souvent
vers une transition des usages et des modes de fonctionnement qui s’accompagne par des
résistances au changement: la peur de ne pas maîtriser les nouvelles technologies, d’être
dépassé; un questionnement sur la place de chacun dans la relation client omnicanale
(concurrence des médias digitaux perçue par les collaborateurs), le choc frontal entre les
nouveaux modes de collaboration et de communication engendrés par les réseaux sociaux et
les anciens styles de management très verticaux (marqués par le command & control). C’est la
raison pour laquelle nos résultats empiriques ont mis en exergue « l’acceptation des
technologies » comme facteur principal de succès. Ce qui oblige les entreprises à prévoir des
programmes d’accompagnement au changement. Ces résultats vont dans le sens de ceux déjà
trouvés dans la littérature (Frimousse et Peretti, 2017 ; Pouyol, 2017).
- Les résultats de notre enquête ont révélé également que « la capacité de financement » est un
autre facteur souvent associé à la propension des entreprises à vouloir investir dans la
technologie du numérique et, par conséquent, être un levier de réussite de la transformation
numérique. Dans le cas contraire, nous pouvons dire que face à la rareté des sources de
financement, les entreprises ont une propension réduite à vouloir se numériser. Les résultats
obtenus sont similaires à ceux d'autres recherches, où le manque de financement est un
obstacle important à la transformation numérique (McKinsey ; OCDE, 2018). Le rôle majeur
des contraintes financières est en ligne avec la perception du système financier national qui
privilégie les projets sûrement rentables et où le capital risque est moins fréquent. Il est aussi
en ligne avec la taille des entreprises. Ce constat a été déjà mis en avant par Munier (2002).
Pour lui les PME n’ont pas les capacités financières suffisantes pour pouvoir financer leurs
activités de manière autonome ni le pouvoir de marché qui leur facilitent l’accès financements
externes. Dans ce cas, la coopération ou le crowdfoundig compensera la perception des
contraintes à la transformation numérique. Ainsi la coopération est un atout précieux pour
faire face aux défis de la transformation numérique.
- La transformation numérique n’est pas qu'une affaire d’outils et de technologies, elle est une
révolution dans les modèles d’affaires et opérationnels, centrée autour d’une vision partagée
et cohérente. À ce titre, elle remet en cause les fondements de l’entreprise, afin d’accroître son
intelligence collective et, au final, sa performance. Pour cela, notre investigation empirique
nous a aussi montré qu’« adopter une vision » globale se traduisant par une démarche
rationnelle est un levier de succès des projets de digitalisation. Pour cela, il faut penser leur
transformation numérique en prenant en compte leurs relations avec l’écosystème. Ce qui
confirme le caractère stratégique de la transformation numérique. Ce qui confirme les travaux
d’Auvray (2017). Transformer une entreprise nécessite deux ingrédients essentiels : une
vision et un engagement des dirigeants pour que le changement se produise à tous les niveaux.
Par Conséquent, une transformation numérique réussie dépendra plus que jamais de l’humain.
- Le soutien de l’État est le dernier facteur évoqué par nos interlocuteurs du succès des projets
de transformation numérique. En effet, il y a un consensus dans la littérature sur le rôle de
l’état à aider et accompagner les entreprises pour franchir l’ère du digital. Pour accompagner
les ambitions entreprises, le Maroc a lancé, en 2016, la stratégie Maroc Digital 2020, pour
accélérer la transformation numérique du pays avec comme objectifs la mise en ligne de 50%
des démarches administratives, la réduction de la fracture numérique de 50% et la connexion
de 20% des PME marocaines (Harraou 2019). Cette stratégie vise, également, de positionner
le Maroc en tant que hub numérique régional avec une relance stratégique forte du BPO sur
l'Europe et un positionnement en tant que hub numérique en Afrique francophone. Pour
garantir une mise en œuvre efficiente de cette stratégie, une agence dédiée à l’économie
numérique et au e-gouvernement a été créée. Malgré toutes ces actions, les professionnels
perçoivent qu’elles sont insuffisantes pour répondre à leurs besoins qui changent et évoluent
en perpétuité.
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Source : Auteurs
Conclusion
Dans cette recherche, nous avons essayé, d’abord, de comprendre l’attitude des responsables
d’entreprises envers la transformation numérique, ensuite de connaître leur perception des
barrières qui peuvent les dissuader à se dématérialiser et à abandonner un projet
d’investissement en technologie du numérique. Ces informations pourraient être d’une grande
utilité pour la création des conditions de leur dynamisme et de leur croissance. Pour atteindre
nos objectifs, nous avons mené une enquête qualitative à l’aide d’un guide d’entretien. Sous
l’effet de saturation, notre enquête a été menée auprès de six entreprises marocaines.
Les résultats ont révélé une attitude positive vis-à-vis de la transformation numérique, ceci
conformément à ce que nous avons trouvé dans la littérature. Une attitude qui cache une
motivation latente susceptible d’augmenter si on dispose d’une vision et on arrive à élaborer
des programmes ciblés. C’sest un concept qui incarne parfaitement trois dimensions
largement mise en lumière dans des recherches antérieures : technologique, organisationnelle
et humaine.
En outre, la perception des obstacles est déterminante dans la décision de lancer ou
abandonner un projet de transformation numérique. Dans la poursuite de leur transformation
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numérique, les entreprises font face à un certain nombre d'obstacles liés aux coûts élevés du
projet, aux problèmes de financement, à la disponibilité d’un personnel qualifié et à la sécurité
des données. Dans ce cas, réaliser un audit interne pour identifier ses besoins en matière de
digitalisation, définir une vision et mettre en place un programme d’accompagnement au
changement des collaborateurs dans l’entreprise, seraient des facteurs clés de succès. La
numérisation de l’entreprise est aussi une aventure humaine et elle ne peut en aucun cas être
envisagée de façon isolée. Elle doit s’intégrer dans la stratégie globale de l’entreprise. En ce
qui concerne le problème du financement, la coopération pourrait être une solution. Mais le
manque de programmes étatiques efficaces prenant en compte les intérêts des petites
entreprises et l’absence de culture favorable au digital pourrait aggraver la situation et
décourager les entreprises à vouloir se digitaliser et créer les conditions de leur continuité.
Notre étude fait ressortir surtout des complémentarités entre les obstacles sans donner une
idée sur la nature de la cause ni de l’effet. Tout ce que notre analyse suggère c'est que ces
obstacles apparemment indépendants font partie d'une même problématique. Une solution à
l'un de ces obstacles va probablement requérir une solution à l'obstacle qui lui est
complémentaire. Bien que les obstacles internes importent pour les décideurs, car ils aident à
comprendre la capabilité des entreprises, les obstacles externes quant à eux peuvent fournir un
terrain pour une intervention politique et pour la mise en place de programmes nationaux,
voire locaux, d’accompagnement des entreprises à se digitaliser. Les actions de soutien à la
transformation numérique ne correspondent pas toujours aux besoins des entreprises ou qui
correspondent à une catégorie (les grandes) et excluent une autre (les petites). Dans ce cas,
développer des programmes de soutien efficaces et efficients permettant d’éliminer sinon
réduire les obstacles à la transformation digitale en assistant ces entreprises à réduire le risque
économique et financier et d’orienter les programmes de formation vers l’amélioration de la
qualification du personnel et ses compétences. Dans ce sens, l’état peut intervenir auprès des
opérateurs de télécom pour les inciter à renforcer l’infrastructure. Globalement, le numérique
doit préalablement être un service public de base. En amont, le rôle de l'État est bien de
concevoir et mettre en œuvre une réglementation adaptée à l'environnement numérique pour
protéger les personnes, les biens et les transactions. En aval, son rôle est surtout d’assurer la
disponibilité en compétences humaines adaptées. L’État est le seul garant de l’inclusion
numérique. En soutenant certains et en laissant de côté certains, l’État serait une source de
fracture numérique territoriale car les entreprises se situant dans des territoires isolés et mal
connectés ressentent une situation de décrochage, où la transition numérique est vécue comme
une menace. L’État a également un rôle à jouer pour lutter contre l'illéctronisme. En fait, il
faut repenser la transformation numérique des entreprises comme étant un facteur de
compétitivité, nationale et internationale.
De notre point de vue, nous sommes conscients du caractère réducteur du choix
méthodologique que nous avons fait. Tout d’abord, les difficultés d’accès au terrain ont limité
nos efforts de triangulation méthodologique. En effet, la progression des investigations
empiriques nous a amené à identifier plusieurs pistes d’approfondissement et de prolongement
de nos conclusions analytiques. Néanmoins, cela supposait des itérations, retours plus
fréquents sur le terrain ou l’accès à d’autres sources de données, ce qui n’était pas toujours
possible compte tenu de notre position et de la disponibilité des acteurs du terrain. Les limites
méthodologiques du présent travail ont également trait à sa validité externe. Comme nous
l’avions indiqué dans la méthodologie de recherche, l’échantillon des entreprises contactées
ne saurait prétendre à une quelconque représentativité au sens statistique du terme. Notons, à
cet égard, que la notion d’échantillon représentatif n’a guère de sens dans le cadre d’un
phénomène émergent comme la transformation numérique, notamment dans la perspective
d’un pays en développement. Il serait donc risqué de faire des généralisations à partir de cas
particuliers. Le but de ce travail de recherche n’était pas forcément de donner des réponses
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concrètes mais d’essayer de contribuer, même si d’une façon limitée aux problématiques
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