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The island of Groix lived a tremendous adventure thanks to the solidarity, the tenacity
and the courage of its inhabitants. While the main activity, the coast fishing collapsed, at Groix
as on all the coast, they knew how to distance themselves by perceiving and by quickly
adapting themselves to a new activity, the fishing of tuna.
It brought work and prosperity on the island, feeding all the groisillonnes families, so
much that Groix became, between the end of the XIXth century and the beginning of the XXth
century, the first fishing port of tuna for the Atlantic facade. To do so, they had to adapt their
tools, to invent an united system for their purchase of sailboats and an association of mutual
insurance.
Regrettably for groisillons, war, competition of the steam fishing boats, use of new
methods and new equipment for fishing, marking the beginning of the overfishing, the
impoverishment of the traditional funds of fishing, and a mismanagement of their port
facilities will ring the end of this time of prosperity....
Keywords :
Mots-clés :
Remerciements
Introduction
Conclusion
Bibliographie et sources
Je tiens à remercier tous particulièrement les groisillons qui ont eu la patience de lire
ce mémoire et de relever ou corriger les éventuelles erreurs, ainsi que tous mes lecteurs
d'avant la finition de ce mémoire.
Je remercie chaleureusement mon père, André Stéphant, qui m'a beaucoup aidé en
confrontant son expérience personnelle d'ancien naviguant sur les Dundees aux divers sources
et informations que j'ai collectées.
Enfin, je remercie mon tuteur de mémoire, Noël Dinoir, pour ses conseils, ses
corrections et surtout sa patience.
Groix, petite île 14,82 km², longue de 8 km sur 3, est située au large de Lorient, à 3
miles de la côte, à la latitude 47°38'Nord et la longitude 003°28'Ouest. Formée de nombreux
vallons et bordée de falaises abruptes, elle a porté en son sein, dans ses 34 villages, une
population de marins qui a su exploiter la mer pour devenir, au début du XX ième siècle, le plus
grand port thonier de la façade Atlantique: en 1911, l'île comporte 5 500 habitants, dont 1 770
hommes naviguent sur des bateaux de pêches.
Le Docteur Lejanne, que son métier a emmené à beaucoup fréquenter l'île et ses
habitants, décriera les Groisillons ainsi:
« La population est remarquable par sa force physique et son énergie morale: les hommes
avec leurs larges épaules, leur poitrine développée, leur cou épais, leur muscles saillants et
leur barbes fournies sont doués pour la plupart d'une constitution athlétique. »
Rivalité de marin pêcheur oblige, ils sont alors considérés comme les plus chicaniers
de la Bretagne Sud, on les nomme Chikourien Groai (chiqueurs de Groix), ce à quoi ils
répondent en nommant les marins pêcheurs côtiers Patouir-lear (pattes de cuir). Avec le temps
le terme Chikourien disparaît et on les nomme Grec ou Grek, en rapport avec la Grek, célèbre
cafetière groisillonne et leur consommation proverbiale de café.
Ce mémoire de fin d'étude montre comment les Greks ont réussi l'exploit de passer de
la pêche saisonnière à la pêche hauturière, devenant le premier port thonier d'Europe, mais
aussi les mécanismes qui ont fait péricliter cette activité.
Très abondant sur les côtes groisillonnes, la pêche aux maquereaux n'a jamais été une
grosse source de revenue, elle restera donc, même aujourd'hui, peu exploitée.
Le maquereau est surtout présent en grosse quantité l'été, époque où on le pêche à la ligne et
où il n'a que très peu de valeur à l'époque, le poisson ne supportant pas le transport.
Au printemps il arrivait qu'on le pêche au filet.
Le long de l'île les espèces pêchées sont de la langouste, du homard,, du crabe et des
crevettes tout au long de l'année. Toutefois, cette pêche s'intensifie du mois de mai au mois
d'octobre, période ou leur corps est le plus plein et ou ils s'aventurent en eau moins profonde.
Cette pêche s'effectue principalement à l'aide de casiers et de filets. A l'époque, elle n'est pas
suffisamment rémunératrice pour être l'activité de pêche principale.
Dès lors, dès le début du XIX ième siècle, les Belle-îlois abandonnent peu à peu cette
pêche pour en laisser le monopole aux Groisillons.
Une fois la concurrence Belle-îloise écrasée, on décide de se lancer encore plus
activement dans le cabotage à la sardine, tout d'abord sur des bateaux creux, puis la flottille
évolue à cause des impératifs du cabotage de la sardine en vert: la nécessité d'aménagement
permanent pour les équipages et le besoins de bateaux rapides au tonnage élevé: les premières
chaloupes pontées sont achetées.
De plus en plus de commerçants spéculant sur le cours de la sardine et les différences
de prix selon les points de vente sur le littoral font leur apparition:
Ils seront nommer les Sardiniers, par opposition aux pêcheurs.
La zone de pêche des dragueurs de Groix, d'abord limitée au Bank Vras, s'étend peu à
peu à tout le golfe de Gascogne.
La grande drague est, à l'origine, un filet en forme de sac, maintenu ouvert par une
grande perche, lestés par deux blocs de pierres amarrés à la perche.
L'ouverture du chalut se compose alors de deux bourrelets, le bourrelet inférieur, en
contact avec le fond sableux, appelé bourrelet trainard, lesté par une chaîne ou et corde de
plomb et le bourrelet supérieur, maintenu en position haute par une corde de liège.
Les origines de la pêche au chalut sont très incertaines, sans doute avant le XIX ième
siècle, alors qu'il est beaucoup plus simple de placer l'apparition de la grande drague sur le
littoral Atlantique de la France.
Les groisillons ne sont pas en reste, dans l'optique de pouvoir utiliser toute l'année
leurs chaloupes pontées, utilisées à la belle saison pour la pêche à la sardine, ils vont tenter
l'expérience de la grande drague au large de Groix, sur des fonds propices au chalutage, que
l'on appelle le Banc ou Bank Vras (le grand banc) vers 1850.
Ces fonds réunissent les conditions idéales: ils sont situés à une distance très proche de
Groix et de la côte et on trouve les espèces recherchées en nombre suffisant, pour que l'on
n'ait pas à craindre de les voir, un jour trop proche, disparaître.
Un nouveau problème surgit alors: presque aucun groisillon n'est assez riche pour
pour se procurer les fonds nécessaires à l'investissement pour le matériel de cette pêche. Une
solution toute naturelle, mais pourtant presque inédite à cette échelle dans le milieu de la
pêche en découlera tout naturellement, la création d'associations d'armateurs pour réunir les
capitaux.
Cette idée d'association sera très largement et rapidement appliquée à tous les
armateurs de Groix. Les retours sur investissement permettent de racheter d'autre bateaux
rapidement et ainsi d'élargir la flottille très rapidement. Les groisillons obtiennent ainsi le
premier rang parmi les pêcheurs de la côte ouest.
La population valide de Groix pêche alors sur toute l'étendue du littoral, à bord de
chaloupes pontées de 20 à 40 tonneaux. Sur ces chaloupes on compte alors des équipages de 6
à 8 hommes.
Il devient dur alors de connaître précisément le nombre d'embarcations exploitées par
des groisillons, en effet toutes ne renouvellent pas leurs immatriculations au quartier maritime
de Groix:
En 1868 on dénombre 108 chaloupes armées à Groix et environ une quarantaine ayant
des équipages groisillons armés à La Rochelle ou au Salbes-d'Olonne.
Plus rapidement que prévu, le « Banc » s'épuise, les chaloupes pontées groisillonnes
se mettent en quête de nouveau terrains de pêches adaptés à la grande drague:
Quelques uns passent alors la saison dans les cardinaux
Le plus grand nombre d'embarcation met le cap au sud, dans le golfe de Gascogne, de
l'île d'Yeu aux côtes espagnoles.
Depuis déjà des siècles en France, les marins pêcheurs basques pratiquaient
traditionnellement la pêche au Germon, imités ensuite par les pêcheurs de l'île d'Yeu. Les
marins Islais commencèrent d'abord autour de leur île puis ont rapidement investi tout le golfe
de Gascogne, avec de petites unités destinées au cabotage.
Entre 1850 et 1855, des pêcheurs de l'île de Ré embauchèrent des marins pêcheurs de
l'île d'Yeu sur des leurs embarcations. Ils leur firent alors connaître les techniques et méthodes
qu'ils utilisaient alors pour la pêche au thon. Les marins de l'île d'Yeu, qui fréquentaient le
port des Sables-d'Olonne, en firent de même avec les pêcheurs de Groix rencontré là-bas, et
ces derniers ramenèrent ce savoir sur leur île.
Il faut voir dans la pêche au thon, à l'époque, une promesse de prospérité pour tous les
armateurs capables d'y envoyer au moins une unité: les progrès de la fabrication des
conserves alimentaires laissent alors préjuger du potentiel de la vente, et non plus seulement
de la vente locale, du poisson.
La pêche au thon se propage très rapidement dans les mœurs des marins Greks, qui
découvrent ainsi un nouveau moyen de compenser la pêche à la sardine, alors de moins en
moins rentable et de moins en moins abondante.
Le vif succès remporté par la pêche au thon à Groix est tel que, vers 1870, la flottille
groisillonne est trop petite pour pouvoir accueillir tous les marins de l'île. En plus,
l'inscription maritime encourage discrètement cette nouvelle industrie, comme nous pouvons
le voir dans ce courrier de l'inscription maritime de Groix, daté du 7 août 1879:
Le passage des thons débute en juillet dans le golfe de Gascogne et c'est à ce moment
et à cette période que la pêche est la plus productive. Vers fin juillet, les thons prennent route
vers le Nord Ouest, alors la pêche commence dans l'Ouest de l'île d'Yeu et au Sud Ouest de
Belle-île.
Grâce au mécénat de Marie-Louise Lemonnier, qui aida aussi pour la création d'une
école "Anne de Bretagne" pour les filles, une autre pour les garçons, une maison pour les
maîtres, un théâtre et la chapelle de Plaz-ar-C'horn à Locronan un orphelinat de la marine à
Pornic et une station de sauvetage en mer à Primelin, le 10 mai 1895, la première école de
pêche et de navigation de France fut créée, à Groix, par un instituteur à la retraite: Victor
Guillard, instituteur pourvu du brevet supérieur et professionnel d'hydrologie, chevalier du
mérite agricole et ex-membre du conseil départemental de l'instruction publique.
Avec le temps, l'idée d'apprendre les rudiments de navigation se propage et gagne les
groisillons, mais seulement les jeunes. Il ne sera pas rare, jusqu'en 1920/1930 de voir les
vieux patrons faire faire le point quotidien par le novice ou un jeune matelot
En 1893, les types de bateaux qui alternent la pêche au thon et la pêche à la grande
drague, ou au chalut, sont des dundees, d'un tonnage moyen oscillant entre 35 et 40 tonneaux
pour une valeur entre 16 000 et 17 000 Francs, ou des chaloupes pontées d'une moyenne de
31 tonneaux pour une valeur moyenne de 10 000 Francs. La valeur du train de pêche et du
chalut est alors de 2 000 Francs et la valeur des tangons et des lignes à thons de 100 Francs.
Un dundee (prononcé dindé) est un cotre à tapecul, avec un arrière en cul de poule
dont le grand mât est toujours à pible (d'une seule pièce). Bateau d'origine Anglo-saxonne,
l'origine de son nom est incertaine. Il vient peut-être du port de Dundee, du Nord Ouest de
l'Écosse, ou alors serait une francisation de Dandy, qui caractériserait la finesse et la beauté de
ses traits.
En 1907, c'est une période faste pour les groisillons, on relance les constructions de
nouveaux dundees de façon intensive, près de 15 par an. Les tonnages sont de plus en plus
fort et le prix moyen des navires augmente à 20 000 Francs tout gréé. Le prix du thon atteint
des sommets, à 230 Francs la douzaine, sachant que le prix rémunérateur tourne alors autour
de 40 à 60 Francs la douzaine.
Pour bien démontrer qu'il ne s'agit pas ici d'une légende mais de faits réels, largement
entretenus par la mémoire collective, voici un tableau chiffré, provenant d'un rapport de
l'inscription maritime de la fin de l'année 1910 et d'un rapport des ponts et chaussés du 31
août 1910, qui le prouve sans équivoque:
Les principaux acheteurs de germon sur l'île, qui seront et resteront le soutien
indispensable de cette industrie de pêche, ce sont les conserveries. La première conserverie de
thon fondée sur l'île est la maison Jégo. La date de sa création est toutefois incertaine, en effet
selon la fédération nationale des conserveurs de produits de la mer, elle aurait vu le jour en
1860 alors que le papier à entête de la maison Jégo nous indique que sa création remonte à
1864.
En 1878, il y a à Groix 130 chaloupes pontées et environ 120 chaloupes non pontées.
Une fois la session de pêche terminée, les armateurs des ces voiliers sont alors obligés de les
amener passer l'hiver sur le continent.
Il y a, à cette époque, différents ports sur Groix, mais aucun d'entre eux n'offre un abri
suffisamment sûr.
Le port de Locmaria est tout d'abord pressenti pour hiverner les navires de pêches, par
beau temps la baie s'y prête parfaitement, mais on préférerait trouver un abri sous terre, c'est à
dire sur la côte nord.
Ainsi la plage de Locmaria ne peut servir que par beau temps au nettoyage des
bateaux.
Cette étude de choix du site provient des archives des Ponts et Chaussées, du rapport
de l'ingénieur du 13 septembre 1879 nommé « Création d'un port refuge à Port-Tudy (île de
Groix) ».
Le site à choisir devra pouvoir abriter de 120 à 130 chaloupes de 8 à 15 mètres de long
et 2 à 3 mètres de large, ce qui limite déjà grandement les choix, la falaise de schiste de 20 à
30 mètres bordant une bonne partie de l'île ne laisse que peu de possibilités, dont la plupart ne
sont que des criques mal abritées et peu profondes. Le site ne pourra pas se trouver sur la côte
sud, à cause de son exposition. Les ports de Port-Melin et Port-Lay sont abandonnés d'office,
leurs alentours sont encombrés de roche qui s'oppose au louvoyage et rendent les travaux trop
coûteux.
Pour pouvoir disposer le nombre de bateaux de l'île, alors très important, dans un
espace aussi restreint, les ponts et chaussées n'ont qu'une seule alternative: créer un abri
disposant d'un calme absolu.
Le choix est donc fait d'établir des bassins complètement abrités, communiquant avec la
mer uniquement par l'intermédiaire d'un avant port amortissant l'agitation extérieure.
Le port de l'époque servira alors à former un des bassins et un bassin d'environ la même
superficie suffirait alors à abriter tout le matériel.
Aspect du port avant le départ de la flottille, on y voit les deux bassins abrités et, au deuxième
plan à droite, l'avant port.
En 1890, les premiers travaux de Port-Tudy s'achèvent: ils ont, jusqu'alors, coûté plus
d'un million de francs-or. Le conducteur des travaux, Daumas, dans un rapport des Ponts et
Chaussées du 31 janvier 1890 reconnaîtra lui même l'échec de la refonte du port:
« Le môle nord est pris, en raison de sa direction, en écharpe par la houle qui est nord-
ouest.
A basse mer sur les 40 premiers mètres, elle déferle jusqu'à hauteur de parapet, sans
déverser par dessus, puis court le long de l'ouvrage. Arrivée au musoir, elle pivote et entre
dans l'avant-port en donnant des différences de 2 mètres au maximum à l'entrée.
A partir de la mi-marée, la houle déferle par dessus le parapet sur 60 mètres environ à
partir de l'origine.
La houle qui entre dans le bassin de l'est prend le long de ce môle une direction nord-
ouest/sud-est et donne à l'entrée du port actuel des dépressions de 1 m à 1,50 m environ; ce
qui cause dans le bassin de l'est et le port actuel un courant très violent, lors du retrait de la
lame. »
Les années qui suivirent, les Ponts et Chaussées tentèrent, avec des organeaux et des
tonnes d'amarrages, d'assurer un abri correct à Port-Tudy, toutefois le problème n'est pas là: le
ressac entre et les accidents s'accumulent, ainsi que les naufrages DANS ou DEVANT le
port:
Port-Tudy dans les années 1950. on voit ici la prolongation de 115m de la jetée du nord-ouest,
effectuée en 1935, réduisant enfin les effets du ressac (on voit sur la photo le pivotement de la
houle autour du musoir). Trop tard, le port est déjà quasiment vide.....
« Au mois de février, quand les tempêtes ne sont plus à craindre et que le poisson,
paraît-il, sort de la roche où il se cachait, arrivent 7 ou 8 vapeurs anglais qui se cantonnent
aux environs des bouées de Rochebonne. Manœuvrant rapidement et par tous les temps, ils
enlèvent d'énormes quantités de poisson. Comme ils sont d'accord, l'un d'eux se détache -à
tour de rôle- pour aller porter en Angleterre la pêche de tous, puis il revient travailler avec la
bande.
J'ai vu que de riches armateurs français ont aussi l'idée de faire construire des navires à
vapeur pour la pêche au chalut.... Je crois qu'il serait imprudent d'entrer dans cette voie. Les
premiers chalutiers à vapeur réussiront peut-être, mais s'il y en avait un grand nombre, le
métier serait vite perdu. On ne peut pas être jour et nuit, été comme hiver, à chasser le poisson
du fond sans qu'à la fin le gibier ne disparaisse. »
Les vapeurs de pêche français sont alors équipés de chalut à perche, ou grande drague,
et font déjà une concurrence sensible aux voiliers. Ils peuvent travailler par tout les temps,
alors que le calme oblige les voiliers à chômer. Du fait de leur grande taille, ils peuvent avoir
sans difficulté deux trains de pêche complets: un en travail et l'autre au raccommodage. Le
treuil à vapeur hisse la drague seule, épargnant cette corvée à l'équipage. Ils ramènent
tellement plus de quantité de poisson que leur cours s'effondre, au grand dam des voiliers.
Depuis 1893, les chalutiers anglais utilisent déjà cet engin, et c'est en 1898, soit 5 ans
après, que les chalutiers à vapeur rochelais vont se mettre à utiliser l'otter-trawl, ou le chalut à
panneaux divergents.
L'utilisation de l'otter-trawl par des compatriotes sur leurs propres lieux de pêche fait
naître un mouvement de protestation chez les groisillons, alors en grande majorité parmi les
dragueurs de l'Atlantique. En juin 1898, ils envoient une pétition adressée au ministre de la
Marine, M. Lockroy et écrite le 20 mai 1898:
1°- Il dévaste le fond de la mer, à cause de son développement exagéré. Il capture une
quantité de poisson telle que nos meilleurs fonds de pêche seront avant longtemps épuisés.
2°- Il cause un encombrement considérable dans les criées, au point que les pêcheurs
voiliers ont de la peine à s'assurer leur tour pour la vente de leurs poissons
3°- Il a excité et excitera encore -on le prévoit malheureusement!- de graves désordres, de
la part de ceux qu'il va ruiner
4°- Il ruine la pêche à voiles, puisqu'un seul vapeur muni de cet engin capture autant de
poisson que 8 voiliers ensembles. Il ruine, par contre-coup, toutes les industries qui se
rattachent à la pêche à voiles: charpentier, voiliers, forgerons, etc. Cette ruine des bateaux-
voiliers ne profitera pas aux consommateurs, puisque les frais d'exploitation sont aussi
considérables pour un seul vapeur que pour 8 voiliers ensemble.
5°- La ruine de la pêche à voiles entrainera fatalement l'abandon d'une profession qui ne
procurerait plus aux pêcheurs les ressources nécessaires à leur exigence: abandon qui sera
funeste au recrutement de la Marine de l’État....
Non seulement cela mais la guerre de 1914-1918 va asséner un coup fatal contre les
dragueurs, dont les lieux de pêches sont truffés de mines ennemies: en hiver 1915 il reste
encore 40 dundees qui arment à la drague, on en comptera seulement 11 en 1916.
Fuyant les champs de mines, les équipages Groisillons tentent de retourner draguer les
fonds de Groix et les Cardinaux. Mais ces fonds de pêche, inexploités depuis longtemps, ne
sont pas aussi bien connus qu'autrefois, et beaucoup, perdant leur train de pêche, doivent
désarmer.
Malgré la fin des hostilités, l'armement à la grande drague ne recrutera pas plus d'un
dixième d'une flotte qui diminue d'année en année...
En 1914, année faste pour les pêcheurs de thon groisillons, malgré la chute du
chalutage à voile, les chantiers de construction avaient lancé 18 dundees neufs. Cette année
là, plus de 300 dundees de l'île prennent la mer les premiers jours de juillet, mais au retour de
la seconde tournée, une nouvelle terrible s'abat: le 3 août 1914, l'Allemagne déclare la guerre
à la France.
La mobilisation gagne Groix, sur 1680 inscrits maritimes actifs, environ 40% sont
mobilisés dans les 6 premiers mois de la guerre. Les dundees, inutiles alors, sont désarmés et
mouillés sur les anses de Port-Louis et Kernevel.
La guerre bloque aussi les équipages encore sur l'île. L'inscription maritime va alors
tenter de relancer l'activité, en relançant les conserveries et en proposant de remplacer les
repas de viande des troupes des places fortes de Lorient par du poisson frais, en particulier du
thon, et permet ainsi à 42 thoniers de reprendre la mer.
Par la suite, les marins pêcheurs recevront l'autorisation spéciale de quitter le front
pour pouvoir pratiquer, l'été, la pêche au thon.
Pendant les 18 premiers mois de la grande guerre, Groix vit au ralenti, mais la flottille
thonière continue à faire vivre l'île.
III.4) L'après-guerre
Jusque dans les années 30, le thon est pêché, tué et stocké sur le pont comme décrit
précédemment. Malgré les précautions prises, le problème de conservation de thon à bord se
pose toujours. Pendant la campagne de 1926, qui ne connaîtra pas un déchet particulièrement
exceptionnel, chaque bateau à perdu en moyenne 220 thons, jetés à la mer, jugés impropres à
la consommation. En plus de ceux-ci, 100 thons apportés à l'usine sont en moyenne trouvés
avariés lors de la coupe. L'Austerlitz accuse à lui seul une perte de 1 200 thons pendant cette
même saison. On arrive à une perte de 240 000 thons pour l'ensemble de la flottille, soit une
perte de 12 millions de francs, correspondant à la valeur, à cette époque, de 100 dundees
neufs, barre en main.
La dégradation du thon est liée à 6 causes principales:
-La chaleur,
-Le vent,
-La rosée,
-La brume,
-L'orage,
-La durée des sorties en mer.
Ainsi, quand le temps menace, la seule alternative pour le patron est de parvenir au
plus vite à gagner la terre, dans un port de vente.
Un essai de navire comportant une chambre froide de conservation de thon est faîte
sur le Flibustier du patron Jacques Raude en 1931. C'est un succès, le bon état de conservation
du thon par le froid est donc établi, mais on préfèrera l'embarquement de glace dans un
compartiment spécialement aménagé et nommé la glacière.
Au dire des gourmets, le thon y perdrait de sa saveur, mais on voit disparaître
définitivement la crainte d'une perte de pêches entières dues aux conditions météorologiques.
Dans cette étude, on voit clairement que les groisillons ont su partir de rien pour créer
la plus puissante flotte de navire thoniers à voile de tout le littoral Atlantique. Ce qui a été à
l'origine leur faiblesse, leur pauvreté, a été leur force, les obligeant à chercher d'autre moyens
de revenus et à créer des infrastructures inédites jusqu'alors dans tous les autres ports, comme
les associations d'armateurs ou encore les associations d'assurance mutuelle et même l'école
de pêche, qui ont permis un essor beaucoup plus rapide.
Aujourd'hui encore, sur Groix, une forte tradition maritime est omniprésente, il existe
encore une petite flotte de bateaux de pêche côtière, et beaucoup de jeunes se tournent vers
des métiers de la mer, que ce soit la pêche ou la marine marchande.
Il reste un seul dundee de Groix, construit aux Sables-d'Olonne en 1934, qui est
actuellement en cours de rénovation, le Biche.
Dominique Duviard, "Groix - L'île des thoniers: chronique maritime d'une île bretonne 1840 -
1940", Éditions des 4 Seigneurs, Grenoble, 1978
Michel Goulletquer, "Groix. Une petite île… une grande histoire", Édition AGC Librairie
principale Ile de Groix, 2004.
Société des Amis du Musée de Groix (SAMG): Parutions " HATOUP le cahier de l'île de
Groix "
Photographie d'un lettre de la maison Jégo sur son papier à entête P19