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Complément de cours de Chimie de l’Eau Pr M.

STITOU

Dioxyde de carbone dissous (CO2 libre)

Les eaux dont le pH est compris entre 4,5 et 8,3 contiennent le plus souvent du dioxyde de
carbone à une concentration non négligeable et donc mesurable. Le dioxyde de carbone est en
équilibre avec les ions hydrogénocarbonate comme indiqué au chapitre consacré aux équilibres
calcocarboniques. La connaissance de la concentration du CO2 libre est souhaitable pour effectuer
les calculs des conditions d’équilibre calcocarbonique.Toutefois, compte tenu des risques d’erreur
liés à cette mesure, une détermination attentive et soignée du pH, réalisée sur le site de
prélèvement peut dans bien des cas, être préférable. La concentration du CO2 libre pourra ensuite
être calculée soit à l’aide d’abaques soit par voie informatique.

■ Principe du dosage

Le dosage du CO2 libre consiste à neutraliser la première fonction de cet acide pour former des
ions hydrogénocarbonate à l’aide d’une solution titrée de carbonate de sodium ou de soude selon
les réactions suivantes :
H2CO3 + CO32- 2HCO32–
H2CO3 + OH– HCO3– + H2O
Cette réaction est complète lorsque le pH final est voisin de 8,3. En effet, la valeur du CO 2 libre
est en toute rigueur donnée par l’expression:
CO2libre = [H2CO3] + [H3O+] – [CO32-] – [OH-]
Cette expression s’annule lorsque:
[H2CO3] + [H3O+] = [CO32-] + [OH-]
[H3O +] et [OH-] étant négligeables lorsque le pH est voisin de 7 ou 8, l’expression devient :
[H2CO3]= [CO32-]
Cette condition est obtenue lorsque pH = (pK1 + pK2)/2

Dans cette expression pK1 et pK2 sont les cologarithmes des deux constantes de dissociation de
l’acide carbonique et sont égaux respectivement à 6,3 et 10,2 à 25 °C (voir chapitre sur les
équilibres calcocarboniques) On utilise généralement la phénolphtaléine comme indicateur de fin
de dosage qui passe de l’incolore au rose violet au voisinage de pH 8,3. Deux méthodes sont
proposées dans la norme française : le dosage direct ou le dosage en retour. Compte tenu des
risques de perte de CO2 pendant la mesure, il est recommandé de n’utiliser la méthode directe que
si l’eau ne contient que très peu de CO2 libre (moins de 10 mg. L-1). Quelle que soit la méthode
choisie, il est impératif de réaliser cette mesure sur le site de prélèvement et immédiatement après
la prise d’échantillon. En effet lors du transport de l’échantillon, l’eau peut échanger du CO2 avec
l’atmosphère et peut, dans la plupart des cas, en perdre même si l’échantillon est placé dans un
flacon totalement rempli d’eau et donc sans bulle. D’autre part, l’élévation du pH de l’eau
résultant de l’ajout de soude ou de carbonate de sodium et l’accroissement concomitant de la
concentration en carbonate entraînent un déplacement des équilibres calcocarboniques conduisant
à la précipitation de carbonate de calcium. Cette précipitation s’accompagne d’une augmentation
de la concentration en CO2 libre de l’eau selon la réaction :

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2HCO3- + Ca2+ CaCO3 + H2CO3

Pour réduire les risques d’erreur liée à cette précipitation, on devra réduire la concentration en
calcium ou masquer cet ion :
- Soit en introduisant dans l’échantillon des résines échangeuses d’ions (sous forme sodique) qui
échangeront le calcium pour du sodium.
- Soit en ajoutant à l’échantillon une solution de tartrate de sodium et de potassium qui
complexera le calcium pendant la durée du dosage. Ainsi les résultats du dosage ne seront
interprétables que si l’on prend un certain nombre de précautions pendant le prélèvement pour
limiter les risques de perte de CO2 et si l’on effectue un prétraitement apte à réduire les risques de
précipitation de carbonate de calcium.

Réactifs

– Solution d’hydroxyde de sodium environ 0,025 N (pour le dosage direct) (solution I).
– Solution de tartrate de sodium et de potassium (pour le dosage direct) :
Tartrate double de sodium et de potassium 66 g
Eau déionisée q.s.p. 1 000 cm3
– Solution d’hydroxyde de sodium environ 0,025 N et de tartrate (pour le dosage en retour)
(solution II) :
Tartrate double de sodium et de potassium 66 g
Solution d’hydroxyde de sodium 0,05 N 500 cm3
Eau déionisée q.s.p. 1 000 cm3
– Solution alcoolique de phénolphtaléine à 1 %.
– Solution d’acide chlorhydrique 0,1 N.
– Résines cationiques sodiques :
On peut utiliser des résines cationiques en phase sodique telles que celles qui sont mises en oeuvre
dans les adoucisseurs. Les résines doivent être préalablement régénérées en les disposant dans une
colonne en verre ou en plastique et en faisant percoler une solution saturée de chlorure de sodium.
Elles sont ensuite rincées par passage d’eau déionisée afin d’éliminer l’excès de chlorure de
sodium. Elles seront ensuite stockées humides dans un flacon en polyéthylène.

■ Mode opératoire

Prélèvement

Le dosage étant réalisé dans une éprouvette graduée munie d’un bouchon (éprouvette en verre et
bouchée avec un bouchon rodé ou éprouvette en plastique muni d’un bouchon), le prélèvement
sera directement effectué dans cette éprouvette. Sur un plan d’eau libre (lac, rivière, bassin…)
plonger l’éprouvette graduée de 250 cm3 dans l’eau en veillant à limiter la formation de remous ou

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de bulles afin de réduire les pertes de CO2. Remplir l’éprouvette jusqu’à environ 200 cm3 et noter
le volume exact (X).
À un robinet qui sera muni préalablement d’un tube en plastique souple, disposer rapidement
l’éprouvette graduée sous le robinet de manière à ce que le tube plonge jusqu’au fond de celle-ci.
Laisser couler l’eau jusqu’à ce que le volume de l’éprouvette ait été renouvelé environ trois fois.
Puis retirer l’éprouvette et ajuster grossièrement le volume à 200 cm3 et noter le volume exact (X).

Dosage direct

Introduire 10 cm3 de la solution de tartrate double de sodium et de potassium dans l’échantillon


disposé dans l’éprouvette graduée ou environ 20 cm3 de résines cationiques, puis 6 à 8 gouttes de
la solution de phénolphtaléine et obturer l’éprouvette. Agiter en retournant doucement
l’éprouvette. Introduire ensuite à l’aide d’une burette graduée la solution d’hydroxyde de sodium
(solution I). Après chaque ajout refermer l’éprouvette et agiter en retournant doucement
l’éprouvette. Répéter l’opération jusqu’à ce que la coloration rose apparaisse dans tout le volume
de l’échantillon. Soit V1 le volume d’hydroxyde de sodium introduit.
Vérifier la concentration de la solution d’hydroxyde de sodium utilisée en ajoutant à l’échantillon
après la première mesure, 10 cm3 de la solution d’acide chlorhydrique 0,1 N et procéder de
nouveau au dosage jusqu’à l’apparition de la coloration rose. Soit V2 le volume de solution
d’hydroxyde de sodium introduit.

Dosage en retour

Introduire un volume V = 10 cm3 de solution d’hydroxyde de sodium 0,025 N et de tartrate


(solution II) dans l’échantillon d’eau disposé dans l’éprouvette graduée. Si l’eau contient plus de
50 mg de CO2 par litre, doubler cette quantité (V = 20 cm3). Ajouter 6 à 8 gouttes de la solution de
phénolphtaléine et obturer l’éprouvette graduée et reboucher. Homogénéiser en retournant
lentement l’éprouvette. La solution doit prendre une teinte rose. Dans le cas contraire opérer avec
une quantité d’hydroxyde de sodium plus grande (V = n.10 cm3). Titrer alors à l’acide
chlorhydrique 0,1 N jusqu’à décoloration. Soit V1 le volume d’acide 0,1 N introduit. Faire un essai
à blanc en ajoutant à l’échantillon précédent, le même volume (V) de solution d’hydroxyde de
sodium et de tartrate que celui utilisé pour le dosage. Soit V2 le volume d’acide 0,1 N utilisé

– Méthode alternative

On peut aussi réaliser le dosage en remplaçant l’ajout de 10 cm3 de solution de tartrate double de
sodium et de potassium par une introduction de 20 cm3 de résines cationiques sodiques dans
l’échantillon. Les ions calcium ayant été remplacés par des ions sodium, la précipitation de
carbonate de calcium est alors très peu probable pendant tout le temps nécessaire au dosage. On
réalisera alors le dosage comme précédemment en utilisant la solution d’hydroxyde de sodium
0,025 N (solution I)

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Expression des résultats

Dosage direct

La concentration (C) de la solution d’hydroxyde de sodium est donnée par le deuxième dosage:
C = (0,1*V2)/10= V2/100
Le nombre (N) de milliéquivalents de CO2 libre présents dans l’échantillon est :
N = C*V1 = V1*V2/100
La masse moléculaire de CO2 étant 44 et le volume de l’échantillon étant de X cm3, la
concentration en CO2 libre de l’eau analysée est, en milligrammes.L-1 :
CO2libre = 44*N*1000/X =44(V1*V2/100)*1000/X =440(V1*V2/X).
V1, V2 et X étant exprimés en cm3.

Dosage en retour

Calculer la différence V2–V1 = A.


La concentration de la solution d’acide chlorhydrique étant 0,1 N, 1 cm3 de cette solution
correspond à 0,1 milliéquivalent. Ainsi, dans l’échantillon le nombre N de milliéquivalent de CO2
libre est égal à : N =A/10
La masse moléculaire de CO2 étant 44 et le volume de l’échantillon étant de X cm3, la
concentration en CO2 libre de l’eau analysée est, en milligrammes.L-1 :
C = 4400 CO2libre = 44.N*1000/X =4400*A/X
A et X sont exprimés en cm3.

Remarques

– La précision de ce dosage est de l’ordre de 1 mg. L-1.


– Un pH-mètre, associé ou non à un appareil de titrage automatique, peut être utilisé pour le
dosage (pH 8,3).
– Un début de précipitation de CaCO3 peut parfois avoir lieu lors de l’ajout de la solution
d’hydroxyde de sodium et de tartrate avant que le calcium ne soit complexé, en raison de la forte
basicité de cette solution. L’utilisation de résines cationiques telle qu’indiquée comme méthode
alternative est conseillée pour le dosage du CO2 libre dans les eaux dures.
– En présence d’une quantité notable de produits ammoniacaux, la phénolphtaléine se transforme
en diimidophtaléine dont la solution alcaline est incolore.
– La norme française ne prévoit pas l’utilisation d’un complexant ou de résines permettant de
masquer ou d’éliminer le calcium. Elle prévoit d’autre part l’utilisation de carbonate de sodium
pour le dosage. L’ajout de carbonate à une eau contenant du calcium entraîne une précipitation de
CaCO3 importante qui fausse le résultat.

Méthode de référence
NF T 90-011 (Février 2001). Qualité de l’eau – Dosage du dioxyde de carbone dissous.

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