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De l'art de la reconnaissance au livre jaune 

: le
renseignement militaire britannique, 1902-1915
Jim Beach
Dans Guerres mondiales et conflits contemporains 2008/4 (n° 232),
pages 105 à 127

Article
La deuxième guerre d’Afrique du Sud a débouché sur une période d’introspection 1
et de réforme au sein de l’armée britannique. Cet article explore la façon dont
l’armée a adapté sa doctrine en matière de renseignement opérationnel, entre ce
con lit et le déclenchement de la Première Guerre mondiale. En procédant de la
sorte, il explore l’émergence du renseignement militaire « moderne ». Il aboutit à la
conclusion que cette période a perfectionné le « modèle de reconnaissance »
préexistant en matière de recherche de renseignement, et qu’il a fallu le choc de la
guerre de tranchées pour réellement transformer la discipline.

Dans son étude sur l’histoire du renseignement, Je frey Richelson suggérait que le
renseignement avait connu une révolution pendant la Première Guerre mondiale [1].
Cela re lète clairement le changement d’échelle, l’intensité, la durée et l’e ficacité
destructrice de la guerre entre 1914 et 1918. En e fet, certains ont a firmé qu’une
« révolution dans les a faires militaires » s’était produite pendant ce con lit [2]. Le but
que se fixe cet article n’est pas de valider ou de réagir à cette interprétation, mais il
est clair que la guerre a transformé la conduite de la pratique du renseignement en
général, et du renseignement militaire en particulier [3]. Dans certains cas, le lien est
assez direct. Christopher Andrew l’a dit dans son étude du renseignement militaire ;
le besoin en renseignements de la guerre totale « accroissait régulièrement la
demande de renseignements militaires et la taille des organes d’analyse du
renseignement » [4]. Mais comme d’autres l’ont fait remarquer, ce changement
organisationnel n’est pas apparu soudainement en 1914. Si l’on s’en tient au
renseignement militaire de la fin du XIXe siècle, John Ferris a fait l’observation
suivante :
« L’accroissement du renseignement militaire devint la partie spécialisée et
permanente d’équipes élaborées et e ficaces, collectant régulièrement et évaluant
toutes formes de renseignements pour aider à la prise de toutes sortes de
décisions. Le renseignement se bureaucratisa. En cela, on peut dire qu’il devint
[5]
moderne. »

Par conséquent, l’émergence de services de renseignements militaires permanents 2


n’a pas, en elle-même, constitué la naissance du renseignement militaire moderne.
Michael Handel et John Ferris ont montré les autres développements qui, pris tous
ensemble, ont fait de la période 1914-1945 la période cruciale de transition. Ils ont
remarqué que le processus décisionnel stratégique devenait de plus en plus
dépendant du renseignement, tandis que de multiples sources apparaissaient
(spécialement les écoutes) avec pour résultat d’aboutir à ce que le renseignement
devienne un significatif multiplicateur de force. Ferris apporte néanmoins un
important démenti, en notant que la manière de considérer le renseignement avait
été façonnée par les doctrines en évolution pendant le XIXe siècle [6].

Cet article va explorer le début de cette période transitoire en matière de pratique du 3


renseignement, en utilisant l’exemple de l’armée britannique. Il insistera sur
l’évolution de ce qu’on appellerait aujourd’hui la doctrine du renseignement
opérationnel [7]. Le service de renseignement stratégique de l’armée de terre à
Londres n’est pas étudié. En lien avec les observations plus générales formulées par
Ferris, les structures du renseignement du War O fice sont apparues à la fin du
XIXe siècle et sont restées relativement stables pendant la période que nous
examinons [8]. On ne peut dire la même chose des pratiques en matière de
renseignement sur le front où les expériences de la seconde guerre d’Afrique du Sud
(1899-1902) provoquèrent des mutations rapides dans la manière de récolter les
renseignements de contact. L’article commence par un examen de ce qu’ont retenu
les Britanniques de leurs combats contre les Boers. Il aborde ensuite la manière dont
le renseignement et la reconnaissance ont été conceptualisés par ceux qui s’en
occupaient avant la Première Guerre mondiale. Il termine en explorant la manière
dont la doctrine de renseignement britannique s’est adaptée en vue de répondre aux
nouvelles demandes de la guerre de tranchées en 1914-1915. En examinant cette
période formative et ses précédents immédiats, il devrait être possible de formuler
quelques remarques générales à propos des conclusions premières de Handel et
Harris, lesquelles portaient sur la transition vers un renseignement militaire
« moderne ».

LES LEÅONS DE LA VELDT EN MATIERE DE


RENSEIGNEMENT
Le traité de Vereening de mai 1902 mit fin aux combats en Afrique du Sud. Après 4
deux ans et demi de guerre conventionnelle puis de guérilla, le gouvernement
britannique avait dépensé 230 millions de livres sterling [9], déployé 450 000 soldats
(britanniques ou de l’Empire) et perdu 22 000 soldats, tués en soumettant les
républiques Boers au Transvaal et à l’État libre d’Orange [10]. Ainsi que David French
l’a fait remarquer, lorsque la Grande-Bretagne entra en guerre en octobre 1899, elle
comptait sur « un con lit court, peu coûteux et victorieux » ; ce qu’il advint fut une
lutte prolongée, de plus en plus féroce, qui « révéla des faits alarmants sur la
vulnérabilité de la Grande-Bretagne en tant que puissance mondiale » [11]. La période
d’introspection stratégique qui s’ensuivit se focalisa sur une réforme de l’armée de
terre [12], mais jeta également les fondations du futur organe de décision stratégique,
comme le Committee of Imperial Defence (Comité de défense impérial) [13].

Le renseignement occupa une part significative de cette période de ré lexion. Bien 5


que le Bureau de renseignement stratégique d’avant guerre fût disculpé de ses
prévisions par la « Commission royale pour la guerre en Afrique du Sud » créée
ultérieurement, le travail des services de renseignement de l’armée sur le théâtre
d’opérations fut critiqué, particulièrement pour ce qui se rapportait aux premières
défaites, lors de ce qui devint la Semaine Noire [14]. Étant donné le faible nombre
d’o ficiers traitant de renseignement au début de la guerre, ce jugement n’est pas
une surprise [15]. Mais cela était aussi symptomatique d’un échec plus large du
système. Jusqu’en 1899, et comme Thomas Fergusson le souligne :

« La négligence en temps de paix, par l’armée britannique, de son système de


renseignement du champ de bataille n’avait pas a fecté de façon notable ses
performances au combat en outre-mer. Au cours des nombreuses campagnes et
con lits entre la guerre de Crimée et celle d’Afrique du Sud, les besoins en
renseignements tactiques des forces britanniques furent, de manière générale,
[16]
satisfaits par le même système qui avait su fi entre 1815 et 1854. »

Les arrangements ad hoc qui avaient fonctionné pour Wellington, Raglan et Wolesley 6
au XIXe siècle étaient inadaptés aux nouvelles conditions de la guerre au XXe siècle.
Au sein de l’armée de terre britannique, le Field Intelligence Department – qui avait
évolué entre 1900 et 1902 – avait fourni un nouveau paradigme en matière de
fourniture de renseignements du champ de bataille. Pour simplifier, les républiques
Boers et leur guérilla ultérieure représentaient des cibles complexes et di ficiles à
atteindre, en termes d’acquisition du renseignement ; ainsi, un système plus
sophistiqué et plus formalisé était nécessaire pour les vaincre.

En matière d’organisation, la réforme la plus significative (pendant la phase 7


conventionnelle de la guerre) fut l’a fectation d’un o ficier de renseignement à
chaque colonne indépendante, plutôt qu’à chaque quartier général divisionnaire [17].
Un tel système n’était pas nouveau, puisque l’armée des Indes avait déjà institué un
système d’a fectation similaire [18]. Cette prolifération croissante d’o ficiers fit du
renseignement un facteur plus significatif dans le processus de prise de décision
opérationnelle, mais la vitesse de cette expansion signifiait également que ces
o ficiers avaient une petite expérience du renseignement, voire aucune. Lorsque le
con lit fut entré dans sa phase de guérilla prolongée (de juin 1900 à mai 1902), les
Britanniques poussèrent les réformes plus avant, avec un nouveau système basé sur
une répartition géographique préétablie des structures de renseignement. Des
districts et des sous-districts furent créés et on a fecta à chacun d’eux des o ficiers de
renseignement, de manière à apporter leur soutien aux o ficiers de renseignement
appartenant aux colonnes qui opéraient dans leur région. Une fois encore, ce
progrès accrut la moisson de renseignements. À la fin de l’année 1900, le Field
Intelligence Department possédait 30 o ficiers permanents et 250 subordonnées
blancs ; à la fin de la guerre, il en avait respectivement 132 et 2 300 [19]. La majeure
partie de ce développement fut conduite par le lieutenant-colonel David Henderson,
directeur du renseignement militaire avant octobre 1900 [20]. Le fait que Henderson
resta longtemps à son poste lui permit de régulariser et de codifier le travail du Field
Intelligence Department sur le long terme : il insista sur la création d’un service
permettant de rassembler des informations sur les uniformes, rendit systématique
l’emploi des di férents systèmes d’écoute ; formalisa les termes et les conditions
d’emploi de ses employés irréguliers et mit de l’ordre dans les dépenses du
département, en mettant en place un système central de comptabilité [21]. Pour
employer une phrase de John Ferris, il bureaucratisa son organisation de
renseignement et, de cette manière, il la rendit moderne. Mais ce fut probablement
le retour d’expérience d’après guerre qui contribua le plus au développement du
renseignement britannique au XXe siècle.

En octobre 1904, l’État-Major général publia Field Intelligence, its Principles and Practice 8
que Henderson avait écrit [22]. Il était évident, en lisant la préface du livre, qu’il devait
être utilisé comme un manuel o ficiel pour tout travail de renseignement, et qu’il
avait été rédigé grâce à l’ « expérience pratique » acquise par le Field Intelligence
Department en Afrique du Sud. Comme devait le dire plus tard le lieutenant-colonel
James Edmonds, le livre était « bourré de détails pratiques sur le travail d’un service
de renseignement en temps de guerre » [23]. Un mois plus tard, ce manuel était
complété par la publication d’une brochure intitulée Regulations for Intelligence Duties
in the Field (Règlement pour le service de renseignement en campagne) [24]. Thomas
Fergusson a déjà décortiqué les deux manuels [25]. Alors que Field Intelligence est
rédigé sur un mode didactique mais accessible, Regulations est plus formel. Ils
définissent clairement les responsabilités du personnel s’occupant du
renseignement, clarifient l’emploi du personnel irrégulier, et établissent des
procédures détaillées pour justifier des dépenses en matière de renseignement. Bien
que les Regulations ne soient pas signées, la coïncidence de leur publication avec
Field Intelligence fait qu’il est très probable que leur auteur soit aussi Henderson [26].
Au sein de l’armée de terre britannique, tous deux servirent à fonder la doctrine du
renseignement avant la Première Guerre mondiale.
On peut donc dire que la guerre en Afrique du Sud a servi de modèle à Henderson en 9
matière de renseignement opérationnel. Les clés doctrinales étaient d’abord que les
analyses, échafaudées grâce aux renseignements obtenus, devaient être conduites
par des o ficiers renseignement de métier, au sein des états-majors de chaque
formation indépendante. Ces o ficiers devaient envoyer des rapports réguliers, sous
un format standard, aux unités subordonnées et aux états-majors supérieurs.
Deuxièmement, que les ressources en renseignement, à la fois humaines et
financières, devaient être administrées de manière centrale par un chef du
renseignement au Grand État-Major. Troisièmement, que chaque personnel
supplémentaire devait être recruté et contrôlé par un corps de renseignement, créé
temporairement pour la durée de la campagne [27]. Quatrièmement, qu’une liaison
locale, que les travaux des interprètes, des topographes et des membres du contre-
espionnage devaient être inclus dans une synthèse renseignement. Cinquièmement
et peut-être le fait le plus significatif, c’était que – bien que les dossiers de
renseignements devaient inclure les rapports d’interrogatoire de prisonniers et
l’analyse des documents capturés, le rapport des agents secrets et des services
d’interception radio – la reconnaissance de cavalerie et le travail des informateurs
devaient rester le moyen essentiel de se renseigner. Comme Henderson
l’écrivait dans l’introduction du chapitre de Field Intelligence portant sur la
reconnaissance :

« La reconnaissance est la méthode [d’acquisition d’information] la plus


importante ; la sûreté d’une armée n’est pas immédiatement menacée par un
service secret ine ficace, une population hostile, ou un manque de prisonniers,
[28]
mais tout défaut en matière de reconnaissance est presque toujours fatal. »

Le chapitre portant sur la reconnaissance était, sans surprise, celui qui venait en 10
premier par rapport à ceux qui étaient consacrés aux autres sources de
renseignement. Il s’opposait au gabarit doctrinal selon lequel l’armée britannique
préparait les guerres futures grâce au renseignement opérationnel.

RENSEIGNEMENT ET RECONNAISSANCE

À la di férence du renseignement stratégique, où de nombreux exemples de travaux 11


de renseignement émanant du War O fice avant la Première Guerre mondiale ont
survécu pour donner à l’historien une idée du travail réalisé en interne [29], il ne
subsiste que des traces fragmentaires des travaux de l’armée portant sur le
renseignement opérationnel. Les indications les plus évidentes de ce travers sont les
e forts littéraires ultérieurs de Henderson. Il écrivit un court livre intitulé The Art of
Reconnaissance (L’art de la reconnaissance) qui fut la première fois publié en 1907 par
John Murray, un éditeur civil de livres militaires. Une seconde édition, une année
plus tard, suggère un relatif succès commercial, de même que sa réédition en 1911.
Dans son chapitre introductif, Henderson réa firme la primauté de la
reconnaissance en matière de collecte du renseignement :

« La reconnaissance est habituellement comprise comme le moyen d’acquérir du


renseignement sur l’ennemi, ou sur le pays, par l’observation individuelle [par...]
des combattants en uniforme. C’est principalement grâce à la reconnaissance que
le chef s’e force de vérifier sur le terrain l’importance numérique, la disposition et
les mouvements de son ennemi... L’autre moyen de s’approprier l’information
nécessaire est constitué par les informations de seconde main, récupérées grâce
aux déclarations des prisonniers, des habitants, et l’utilisation du service secret. La
[30]
reconnaissance est le plus important de tous ces moyens.

Le livre continue en analysant des exemples historiques de reconnaissances réussies, 12


les procédures à respecter pour diverses formes de reconnaissances lointaines à
mener par des rideaux de cavalerie ou des éclaireurs isolés ; il fait aussi de multiples
suggestions concernant l’emploi de cyclistes, du camou lage, de la navigation et de la
transmission des informations précises. Alors que Field Intelligence et Regulations for
Intelligence Duties in the Field fournissaient aux o ficiers d’état-major des conseils en
matière d’organisation, Art of Reconnaissance était un manuel pratique destiné aux
o ficiers servant sur le front [31]. Un exemple de sa prolifération à ce niveau peut être
trouvé dans le journal d’un jeune o ficier du Bedfordshire Yeomanry qui nous informe
que son chef utilisa le livre pour la préparation d’un exercice de reconnaissance
en 1912 [32].

La publication de la première édition de The Art of Reconnaissance en juillet 1907 13


survenait peu de mois après qu’un cours intitulé « Renseignement et
reconnaissance » fut conduit par le quartier général du Commandement de l’Est
dans (et autour de) Douvres. Le détail de son format, de son contenu, de son emploi
du temps, de ses participants fut publié par le War O fice, probablement pour
répandre un exemple de ce qu’aujourd’hui on appellerait « un exercice pratique
profitable » et pour encourager l’imitation. Cependant, cette publication est peut-
être due au sens de la mise en valeur personnelle du directeur du cours, le colonel (et
plus tard général Sir) Aylmer Hunter-Weston [33]. L’année suivante, un cours
similaire fut mené et fut également l’objet d’un rapport détaillé [34]. Si l’on accepte que
ce soit uniquement ce qu’on apprend qui fonde la doctrine militaire, la survivance de
ces documents permet de pénétrer parfaitement la conception du renseignement
opérationnel au sein de l’armée de terre britannique lors de la période transitoire
allant du Veldt sud africain aux tranchées de France et de Flandres.

Le cours de 1907 était prévu pour entraîner un groupe de huit jeunes o ficiers qu’on 14
estimait « avoir montré une aptitude spéciale pour des tâches d’état-major en
matière de renseignement » [35]. Bien que le premier cours ne montrait pas
implicitement l’objectif, le second le faisait. Il expliquait qu’il était envisagé qu’en cas
de guerre ces o ficiers seraient « sélectionnés pour servir d’assistants aux o ficiers de
l’État-Major général, chargés des travaux en renseignement ». L’exigence du cours
illustre par conséquent une des imperfections du renseignement britannique en
Afrique du Sud et montre comment l’armée pensait y remédier. En 1903, le Comité
Hardwicke, alors qu’il enquêtait sur les structures internes de l’équipe
renseignement du War O fice, souleva la question de savoir si, en matière de
renseignement, l’expérience était une condition préalable et nécessaire pour
accomplir avec succès des tâches de renseignement sur le terrain [36]. Bien que les
témoins, interrogés par le comité, aient donné des avis divergents, il y avait
consensus sur l’idée qu’en matière de renseignement se familiariser au travail était
souhaitable, sinon essentiel. Bien que la rotation des postes d’o ficiers ayant suivi
l’école d’état-major fournirait un entraînement aux postes importants du temps de
guerre, il y avait encore besoin d’entraîner et d’a fecter leurs subordonnés. C’est pour
cette raison que les cours comportaient un certain nombre d’évaluations permettant
d’établir un rapport formel et commenté, jaugeant la capacité de chaque individu à
travailler dans le renseignement.

Cette relation entre les cours et l’a fectation des o ficiers est corroborée par d’autres 15
sources. En 1908, le colonel Comte Gleichen dit, en audience :

« Les o ficiers qui assistent aux périodes renseignement, et qui montrent une
aptitude particulière pour le travail pendant celles-ci, sont repérés par le War
O fice afin d’être désignés comme o ficiers renseignement pour les campagnes
[37]
futures. »

De façon similaire, le Training and Manœuvre Regulations (Règlement d’entraînement 16


et de manœuvres) de 1909 remarquait l’existence de cours « pour entraîner des
o ficiers sélectionnés, issus des régiments, aux travaux préliminaires en matière de
travail en renseignement, de manière à ce qu’en temps de guerre ils soient aptes à
être a fectés à l’État-Major général pour l’assister e ficacement dans ce domaine » [38].
Le lien entre l’entraînement et les expériences tirées de la guerre en Afrique du Sud
est manifeste dans un commentaire du commandant de l’École d’état-major en Inde
qui parlait dans un exposé de « la médiocrité des o ficiers de renseignement » en
Afrique du Sud et par conséquent de la nécessité d’une formation adaptée en temps
de paix [39]. Il est également clair que des cours similaires furent dispensés à la fois en
Afrique du Sud et en Inde [40].

Une analyse du contenu et des emplois du temps des cours dispensés par le 17
commandement de l’Est révèle un certain nombre d’aspects intéressants. Field
Intelligence et Regulations for Intelligence Duties in the Field de Henderson sont – sans
surprise – en tête de la liste des ouvrages que les élèves étaient censés avoir assimilés
avant de commencer les cours. Le reste de la liste était composé majoritairement de
guides pratiques, destinés à réaliser des croquis d’observation, à formater ou
transcrire les rapports de renseignements prévus dans les King’s Regulations
[« Règlements (signés par le roi) »] [41]. Une fois le cours entamé, les élèves étaient
instruits au moyen d’un mélange de conférences et de cas concrets. Les emplois du
temps pour les stages de 1907 et 1908 peuvent être consultés en annexes 1 et 2. Les
conférences étaient faites principalement par des experts vacataires qui servaient
soit au War O fice comme o ficiers de renseignement, soit qui avaient occupé cette
fonction par le passé. Le commandant George Cockerill vint par exemple exposer
« l’organisation du service secret » [42]. De la même manière, les colonels William
Robertson et Georges Milne vinrent parler de leurs expériences en matière de
travaux de renseignement [43]. Mais la majeure partie du cours était consacrée au
travail pratique, exécuté dans les régions alentour. Les élèves étaient briefés sur le
scénario et conduisaient ensuite des reconnaissances (de jour et de nuit), dressaient
des croquis panoramiques ou « organisaient l’élément renseignement d’une petite
colonne » [44]. Il semble qu’ils conduisaient également l’interrogatoire simulé d’une
grande variété d’individus, au rang desquels figuraient des commis, des dames, des
aéronautes, des étrangers, des employés de banque et des bohémiens. Mais, pour
répondre aux objectifs que se fixe cet article, l’aspect plus intéressant est sans doute
le point d’orgue du cours. Près des deux tiers du cours de 1907 est consacré à la
reconnaissance plutôt qu’au travail en renseignement. En 1908, la balance s’était
in léchie avec seulement un tiers des heures dévolues à la reconnaissance. La raison
de ce changement est expliquée dans le rapport du cours de 1908 :

Il y a tellement de travail à faire en matière de renseignement pendant le mois que


dure le cours que c’est une erreur de passer du temps à enseigner des sujets tels
que [...] le travail élémentaire en matière de reconnaissance, celui-ci pouvant tout
[45]
aussi bien être enseigné aux o ficiers dans leurs garnisons .

Cela éclaire peut-être sur la nature de la relation existant entre le concept ancien et 18
reconnu de la reconnaissance, et la fonction nouvelle constituée par la pratique du
renseignement. L’o ficier de renseignement stagiaire devait d’abord maîtriser l’art
ancien. Il devait d’abord bien collecter le renseignement, avant de devenir un
analyste ou l’organisateur d’un service de renseignement.

D’autres documents disent aussi quelque chose sur la conceptualisation du 19


renseignement et de la reconnaissance dans la période de l’avant-guerre. L’index du
premier manuel doctrinal de l’armée, le Field Service Regulations de 1909 [46], ne
possède pas d’entrée pour « renseignement ». Au lieu de cela, il possède un chapitre
intitulé « Informations » qui commence avec l’observation suivante : « L’information
qui arrive à propos et qui concerne le dispositif ennemi et qui contient des éléments
topographiques sur le théâtre d’opérations est l’un des facteurs essentiels de succès à
la guerre. » Il continue en dressant une liste des sources possibles d’information.
L’ordre dans lequel est établi cette liste est intéressant et suggère un classement
prioritaire ; d’abord viennent les cartes et les rapports d’avant guerre, puis la
reconnaissance. Après cela, vient le service secret, puis l’interrogatoire des
populations locales, les écoutes téléphoniques ou télégraphiques (par branchement
filaire), les documents capturés et, enfin, les prisonniers ou les déserteurs. Un
paragraphe souligne l’importance qu’il y a pour un o ficier de l’État-Major général à
transmettre les documents, mais il n’est pas fait mention d’une quelconque équipe
d’o ficiers de renseignement. Le reste du chapitre traite en profondeur des
di férentes formes de reconnaissance. Un autre document, le Sta f Manual - War
(Manuel d’état-major pour le temps de guerre) de 1912, traitait de l’organisation
interne des quartiers généraux, particulièrement du Grand Quartier général (GHQ)
de toute force déployée [47]. Il montre également qu’on avait perçu la fonction
renseignement pendant la période de l’avant-guerre. Fait intéressant, « l’information
sur l’ennemi » apparaît comme étant le principal travail des membres de la section
« Opérations » [48]. Cependant, l’importance de leur coopération avec leurs collègues
de la section « Renseignement » est soulignée. Pour ce qui a trait à la reconnaissance,
les commandants de cavalerie étaient autorisés à conduire leurs propres patrouilles
particulières si le besoin s’en faisait sentir, mais chaque mission émanant du GHQ
devait être « suggérée » par l’équipe renseignement. Au sein de l’équipe
renseignement, il existait une sous-section I(a) qui « classifiait et collationnait toutes
les informations sur l’ennemi » émanant de multiples sources. Ses o ficiers devaient
travailler à l’intérieur de la section « Opérations » par assurer « la continuité de
l’observation sur les mouvements de l’ennemi ». Leur attention devait
principalement être dirigée vers :

« [...] tout mouvement tournant ou enveloppant [de l’ennemi], la position et la force


de ses réserves, la concentration de forces pour l’attaque, l’approche de renforts, et
les signes annonçant le manque de munitions, la tendance à la retraite, ou
[49]
l’hésitation à avancer » .

Ces dispositions sont intéressantes. La section « Opérations », grâce à son contrôle 20


des avantages apportés par la reconnaissance, est la première à fournir des
renseignements sur l’ennemi. Par conséquent, la section « Renseignement » existe
pour évaluer ces informations, après avoir ajouté ses propres éléments émanant de
sources secondaires, telles que le service secret et l’interrogatoire des prisonniers [50].
La place de la fonction renseignement est par conséquent minorée par le rendement
de la reconnaissance ; dans le cadre de ce stage, cette fonction est plus
« intéressante » que « fondamentale » à étudier, au sens « moderne » suggéré par
Handel et Ferris.

Les développements ultérieurs relatifs au renseignement avaient besoin de se 21


conformer à ce paradigme de la reconnaissance. Le plus évident d’entre eux fut
l’émergence de l’aviation militaire, après la formation du Royal Flying Corps en
avril 1912 [51]. La nouvelle organisation se positionna elle-même très rapidement
comme un moyen de reconnaissance capable d’augmenter le travail d’un rideau de
cavalerie en e fectuant des missions très en profondeur au-dessus du territoire tenu
par l’ennemi [52]. Au cours d’un épisode connu, la reconnaissance aérienne agit
comme un multiplicateur de force significatif au moment des manœuvres annuelles
de l’armée en septembre 1912 [53]. Cet emploi de l’aéronef fut encouragé et intégré
dans le cadre doctrinal existant par David Henderson. Dans ses fonctions
successives d’inspecteur général des forces armées (1907-1912), de directeur de
l’entraînement militaire (1912-1913) et, enfin, de directeur général de l’aéronautique
militaire (1913-1914), il se fit le champion de l’aviation militaire [54]. De manière plutôt
symbolique, il ajouta aussi un chapitre à The Art of Reconnaissance pour inclure la
reconnaissance aérienne. Cette troisième édition fut publiée en 1914. D’une façon
plus o ficielle, les éditions ultérieures de Field Service Regulations spécifiaient que les
aéronefs étaient devenus les « moyens principaux » pour mener la reconnaissance
stratégique, mais par opposition – à cause des restrictions dans leur emploi liées aux
intempéries – ils constituaient un moyen de « renforcer » la cavalerie plutôt que de la
« remplacer » [55].

Bien sûr, les suppositions sur la reconnaissance et le renseignement étaient 22


échafaudées dans le cadre de supputations plus larges, faites sur un con lit futur,
particulièrement sur le théâtre européen [56]. La guerre russo-japonaise avait renforcé
la croyance en la prédominance de l’action o fensive et le mode de pensée de l’armée
britannique n’était pas di férent de celui de ses alliés européens et de ses adversaires.
Le « modèle de reconnaissance » convenait à la guerre de mouvement qu’on
envisageait de faire en France et en Belgique. Dans un feuillet qui avait
probablement été distribué au cours « Renseignement et reconnaissance » du
commandement de l’Est déjà mentionné [57], le lieutenant-colonel James Edmonds du
War O fice soulignait ses attentes en termes de renseignement dans le cadre d’une
guerre européenne. À la tête du MO5, Edmonds était le concepteur de la plupart des
préparatifs à la guerre dans le domaine du renseignement [58]. Ses opinions avaient
donc valeur d’ordres. En remarquant que, lors des con lits coloniaux récents, la
plupart des e forts en matière de recherche de renseignements avaient consisté à se
dépenser « pour recueillir des informations topographiques, lesquelles auraient pu
être disponibles au commencement de la guerre », il prédisait ceci :

« Dans une guerre européenne, on peut s’attendre à être dotés de bonnes cartes,
avec des manuels décrivant l’organisation, la tactique, les uniformes et les
caractéristiques de notre ennemi, et d’autres décrivant avec minutie le théâtre de la
guerre... En fait, le département renseignement devra, dans une large mesure,
utiliser l’information recueillie dès le temps de paix plutôt que l’acquérir. »

Il continuait en suggérant que, parce que les ordres de bataille des armées 23
étrangères étaient « rarement modifiés », il fût à espérer qu’au cours d’une guerre
européenne le travail principal du département renseignement consisterait à obtenir
des informations sur l’emplacement et les mouvements des forces ennemies [59].

Les dossiers constitués avec des informations se rapportant aux positionnements 24


des troupes représentaient la priorité évidente, et l’on pouvait supposer, en
observant les autres préparatifs de collecte des renseignements, que ces derniers
seraient apportés par des moyens de reconnaissance ; avec, en premier lieu, la
cavalerie. Le premier exemple est le critère de recrutement pour l’Intelligence Corps.
Le Field Intelligence de Henderson avait envisagé que ces hommes opéreraient en
avant d’un rideau de cavalerie [60], et ainsi il n’était pas étonnant que sur les
formulaires d’engagement, il était demandé d’avoir une « connaissance de la
topographie de la France, de la Belgique ou de l’Allemagne », et si, oui ou non, on
savait monter à cheval [61]. Deuxièmement, il y a les préparatifs e fectués par le
service secret [62]. Ils se concentraient sur la frontière nord-ouest, de même que sur le
sud et l’est de la Belgique [63]. Les manuels détaillaient la topographie, et la probable
coopération des civils belges (en matière de fourniture d’informations) serait mise à
profit afin d’établir des synthèses de renseignements pour la Force expéditionnaire
britannique (BEF). Des éclaireurs et des agents infiltrés étaient également prévus.

Au final, si l’on s’en tient aux préparations d’avant guerre, cet article n’a pas 25
l’intention d’entrer dans le débat en cours sur la conceptualisation de la cavalerie
dans l’armée britannique d’avant 1914 [64]. Néanmoins, il semble que si l’on examine
de plus près l’utilité de la cavalerie, ou encore son emploi comme un moyen o fensif,
son rôle dans la reconnaissance lointaine a probablement été sous-estimé. Field
Service Regulations établissait que « la capacité à bouger rapidement et à couvrir de
longues distances dans des délais relativement courts donne à la cavalerie le pouvoir
d’obtenir des renseignements et de combiner l’attaque et la surprise pour en tirer le
meilleur avantage » [65]. Il est intéressant de constater que la collecte des
renseignements est mentionnée avant l’action o fensive.

LE RENSEIGNEMENT DANS LA GUERRE DE POSITION

Le début de la campagne sur le front occidental à la fin de l’été et à l’automne 1914 26


confirma de bien des manières les supputations de l’armée britannique [66]. La
reconnaissance par la cavalerie et l’aviation fournit plusieurs mises en garde sur
l’avance allemande [67], tandis que des o ficiers de l’Intelligence Corps furent
dépêchés d’urgence (à motocyclette plutôt qu’à cheval), e fectuant des liaisons et des
missions de reconnaissance [68]. Malheureusement pour le service secret, son réseau
d’agents fut démantelé et ses mémentos, réalisés avec un si grand soin, furent
rendus obsolètes par l’avance rapide de l’armée allemande au travers de la Belgique
et des Ardennes. Mais c’était une guerre de mouvement, et les informations sur les
emplacements de troupes, fournies par la reconnaissance, représentaient ce dont on
avait le plus besoin [69]. À la fin de l’année 1914, le front s’était néanmoins immobilisé.
Les tranchées, et l’impasse qu’elles représentaient, devenaient omniprésentes. Cela
constituait un sérieux défi pour les conceptions de l’armée britannique en matière de
reconnaissance et de renseignement. Pour dire les choses simplement, la cavalerie –
 qui avait été à l’origine du « modèle de reconnaissance » prévalant sur tout – se
retrouvait privée de toute mission significative de renseignement. Dès lors, l’armée
dut s’adapter aux nouvelles conditions : la reconnaissance de cavalerie se mua en
observation de la ligne de front ; l’observation aérienne fut systématiquement
remplacée par la photographie aérienne ; les o ficiers de l’Intelligence Corps
devinrent plutôt des analystes que des organes de recherche ; et peut-être le fait le
plus significatif, les infimes changements dans le dispositif linéaire de l’adversaire,
plutôt que les informations sur sa répartition dans l’espace, devinrent les indicateurs
clés de son intention stratégique. De cette façon, le renseignement militaire
britannique prit cet aspect que nous pourrions qualifier de « moderne ».

La nature statique de la guerre de tranchées signifiait que la question n’était plus : 27


« Où est l’ennemi ? », mais : « Que fait-il ? » Ce besoin en renseignement conduisit au
développement d’un dispositif d’observation le long de toute la ligne tenue par les
Britanniques [70]. Au lieu du rideau de cavalerie, on trouvait une série de postes
d’observation, connus sous la dénomination OPs (pour Observation Posts), tenus
principalement par l’infanterie et l’artillerie ou, dans des circonstances particulières,
par des observateurs d’élite appartenant aux Éclaireurs de Lovat. Dans les premiers
temps, la qualité du système britannique était loin d’être parfaite. Afin d’identifier
les changements subtils dans l’état d’esprit germanique qui pouvaient trahir une
menace, des replis ou des attaques, l’observation avait besoin d’être continue et
transmise e ficacement tout au long de la chaîne de commandement. Bien qu’au
niveau tactique on y parvînt assez rapidement, ce ne fut pas avant l’hiver 1916-1917
qu’un système d’entraînement standard pour les observateurs permit aux
Britanniques de profiter pleinement de cette source de renseignements. Bien
entendu, il y avait tellement d’éléments à récupérer par l’observation que, si la
cavalerie était supposée rechercher l’information de manière agressive, on attendait
de l’infanterie qu’elle lance des raids dans les tranchées ennemies [71]. Ces opérations
remplissaient à elles seules une fonction de renseignement vitale, puisqu’elles
permettraient d’identifier définitivement les unités allemandes dans les tranchées
d’en face [72].

Tandis qu’au contraire, durant les premières phases de la guerre, les troupes 28
allemandes marchant sur les routes françaises et belges pouvaient aisément être
identifiées depuis l’habitacle d’un avion, cela devint éminemment plus di ficile à
partir du moment où elles s’enterrèrent et devinrent plus sensibles au besoin de
soustraire leurs activités à ce genre d’observation [73]. Pendant toute la guerre, le
Royal Flying Corps continua à mener des « vols de reconnaissance dans la
profondeur », jusqu’à plusieurs centaines de miles, en portant son e fort sur la
surveillance du trafic ferroviaire, à la fois pour fournir des indications sur les
mouvements stratégiques, et sans doute surtout pour corroborer les rapports des
services secrets, réalisés grâce aux nouveaux réseaux d’agents [74]. Cependant,
l’observation visuelle réalisée à partir d’un habitacle d’avion fut remplacée par la
photographie aérienne qui permettait un examen plus parfait de ce que l’avion avait
survolé. En raison des limitations techniques caractérisant les appareils
photographiques de l’époque, la qualité de leur production progressa plutôt
lentement ; au cours de l’hiver 1917-1918, la photographie aérienne était sans nul
doute devenue la principale source de renseignements visant à prédire toute
tentative germanique de portée tactique [75].

Les ajustements apportés au rôle de l’Intelligence Corps montrent également le 29


changement dans le paradigme du renseignement [76]. À partir du moment où le
front s’était rigidifié, le rôle des éclaireurs, en avant de la cavalerie, disparut. Au
cours de l’hiver 1914-1915, ils firent, dans une large mesure, des « petits boulots » au
profit du GQG ; ils s’occupèrent de créer une organisation de laboureurs avec des
Belges afin de creuser des tranchées. Néanmoins, la nature implacable du con lit
généra une demande de renseignements au niveau du BEF. Avec une armée de plus
en plus nombreuse et une pénurie d’o ficiers d’état-major entraînés, l’Intelligence
Corps se trouva lui-même déployé le long du front, dans tous les états-majors
jusqu’au niveau corps de troupe, et en fin de compte jusqu’au niveau divisionnaire.
Bien que beaucoup d’entre eux fussent engagés dans ce que nous appellerions
aujourd’hui la mise en œuvre des écoutes et l’analyse des images, la plupart
utilisèrent leurs connaissances en langue pour conduire des interrogatoires et agir
comme des collationneurs et des analystes de renseignements émanant de sources
diverses. Bien que l’intégration de ces renseignements dans la prise de décision
opérationnelle soit ostensiblement la mission des o ficiers de renseignements au
sein des états-majors qui les employaient, les o ficiers de l’Intelligence Corps
formaient le fondement du système. Cela contrastait avec le simple rôle d’auxiliaire
qui avait été envisagé dans le « modèle de renseignement de Henderson ».
L’Intelligence Corps contenait un éclectique – et souvent assez excentrique –
mélange d’o ficiers, dont beaucoup avaient été recrutés directement dans le milieu
civil. S’attacher leurs talents (tout en préservant la discipline militaire et son
décorum), voilà qui représentait un défi considérable pour l’armée. Par conséquent,
il n’est pas étonnant que le précédent, constitué par la guerre en Afrique du Sud, ait
été suivi d’e fets, puis que l’Intelligence Corps ait été dissous à la fin du con lit.

Pendant la guerre, l’armée britannique était trop occupée à se battre pour écrire des 30
manuels de doctrine en matière de renseignement, à la façon de ceux rédigés avant
guerre. Bien que quelques instructions tardives organisent les procédures [77], il n’y a
pas de documents du style de Field Intelligence qui exposent des considérations
doctrinales en matière de renseignement. En e fet, il semblerait que, dans de
nombreux cas, le travail en termes de renseignement fût conduit di féremment au
sein des armées composant le BEF. Cependant, il est possible de déceler un thème
commun dans leur travail ; la surveillance logique et soignée de l’ordre de bataille
allemand à tous les niveaux, des états-majors de divisions au GHQ [78]. Si, jusqu’à la
fin de 1914, la reconnaissance fournissait les fondations souterraines sur lesquelles
reposait le renseignement britannique, à partir de 1915 ce travail représenta son
équivalent. On se concentra plus sur l’organisation des unités que sur leur
localisation. La prédiction de 1908 de James Edmonds, selon laquelle l’ordre de
bataille de l’ennemi changerait rarement, fut démentie au fur et à mesure que la
guerre traînait en longueur, et l’armée allemande, comme celle de tous les
belligérants, adapta sa posture et ses structures en fonction des nouvelles formes de
la guerre. À la fin de la guerre, le BEF serait doté d’une pléthore de manuels et de
travaux de référence sur son adversaire [79]. Ils devinrent les outils essentiels des
analystes britanniques du renseignement travaillant sur l’ordre de bataille
germanique [80].

On peut situer le point de départ de la création de ces travaux de référence dans les 31
lettres du capitaine (plus tard général de brigade) Edgar Cox, un jeune o ficier de
renseignement servant au GHQ en 1914 et 1915 [81]. Au milieu de janvier 1915, Cox fut
chargé de « créer un nouveau répertoire des unités allemandes qui a ficherait leur
composition », mais ce ne fut qu’à la mi-mars qu’il en termina la rédaction [82]. Le
résultat final de ses travaux fut récapitulé dans un manuel intitulé German Forces in
the Field (Les forces allemandes en campagne) et qui fut distribué du BEF au GQG
français [83]. Il fut d’abord désigné Livre jaune, à cause de la couleur de sa couverture.
Salué pour s’apparenter au « travail d’un bénédictin » par un o ficier supérieur
français travaillant dans le renseignement [84], il fut réédité six fois avant l’armistice,
et devint la pierre angulaire de la bibliothèque renseignement de l’armée
britannique [85]. Bien que l’apparition de ce document ne soit pas un fait remarquable
en soi, le fait qu’on en décide la création en janvier 1915 coïncide avec l’avènement de
la guerre de tranchées et il représente un changement dans la mentalité de l’équipe
renseignement du GHQ ; on a considéré l’armée allemande comme une organisation
dont il fallait comprendre le fonctionnement, plutôt que de savoir où elle était située.
En prenant du recul, il est également clair que la production de German Forces in the
Field était au centre de l’établissement de la réputation de Cox comme meilleur
expert militaire britannique sur l’armée allemande [86]. Cela amena à sa rapide
promotion, d’abord à Londres en 1916 où il dirigea le renseignement stratégique
contre les Puissances centrales au War O fice, ensuite en France au début de 1918 au
GHQ, où il dirigea l’équipe renseignement [87]. Le fait qu’il n’ait jamais joué un rôle
dans la chaîne du renseignement du champ de bataille, ou qu’il n’ait jamais
collationné de renseignements (ni même organisé de tels e forts), rend cet
avancement encore plus remarquable. Si le Livre jaune annonçait le début de
l’abandon du « modèle de reconnaissance » en matière de renseignement, sa carrière
pendant la guerre démontre aussi l’émergence d’une nouvelle sorte d’o ficier de
renseignement – un o ficier qui était d’abord un analyste plutôt qu’un organisateur
et qu’un collectionneur comme avant la guerre.

REFLEXIONS

Ainsi qu’il l’a été clairement dit au début, cet article se voulait exploratoire. Par 32
conséquent, ses conclusions sont provisoires et se prêtent à des investigations plus
approfondies. Comme d’autres l’ont déjà fait remarquer, le contenu de Field
Intelligence et de Regulations for Intelligence Duties in the Field illustre le lien très clair
entre l’expérience de l’armée britannique en Afrique du Sud et sa doctrine du
renseignement avant la Première Guerre mondiale. L’expérience de la guerre contre
les Boers donna aux Britanniques le goût du combat au XXe siècle et des besoins en
renseignements qu’il occasionnait. L’Afrique du Sud conduisit à un changement
majeur, mais finalement ce fut plus une amélioration du « modèle de
reconnaissance » du XIXe siècle qu’un saut révolutionnaire vers un renseignement
militaire moderne dont l’articulation a été mise en évidence par Handel et Ferris.
Étant donné les supputations en vigueur sur la guerre future, il est di ficile
d’imaginer Henderson poussant ses réformes doctrinales plus avant. Le « modèle de
reconnaissance » semble avoir fourni une raison d’être significative à la cavalerie et
le remplacer par une conception plus « moderne » de la fonction renseignement
aurait probablement rencontré d’insurmontables barrières institutionnelles. Cela
renforce peut.être aussi l’opinion de Ferris relative à la conception attardée du
XIXe siècle en matière de renseignement.

Il fallut par conséquent le choc de la Première Guerre mondiale et les demandes de la 33


guerre de tranchées pour e facer le statu quo. Quand la guerre de mouvement
s’acheva, il en fut de même pour la domination de la reconnaissance à l’intérieur du
système de renseignement. La redéfinition de la pratique du renseignement,
expérimentée par l’armée britannique à partir de l’hiver 1914-1915, représenta la
première véritable étape dans l’évolution d’un renseignement militaire moderne. Les
o ficiers de renseignement (à la fois o ficiers d’état-major et membres de
l’Intelligence Corps) devinrent un engrenage vital de la machine décisionnelle. La
conceptualisation de leur travail et la perception collective de leurs intentions firent
aussi qu’ils quittèrent le statut de contributeurs auxiliaires au renseignement fourni
par la cavalerie, pour pratiquer de plein droit une importante discipline au sein de
l’état-major. L’intégration de multiples sources d’information, lesquelles se
croisaient pour surveiller les changements subtils dans la posture de l’armée
allemande, devint impérative pour le renseignement opérationnel.

Au final, une question intéressante que l’on peut se poser est de savoir si – sans 34
l’impulsion donnée par la guerre en Afrique du Sud – les Britanniques auraient fait
ce demi-pas vers le renseignement militaire « moderne », représenté par le « modèle
de Henderson ». Ces développements ont-ils conduit la Grande-Bretagne à pratiquer
le renseignement en 1914 avec une tête d’avance, ou lui ont-ils permis de se mesurer
avec leurs rivaux continentaux ? La réponse à cette question nécessitera une
approche plus comparative que celle réalisée dans le cadre de cet article.

(Traduction d’Olivier Lahaie.) 35


ANNEXE 1. — Cours « renseignement et reconnaissance », commandement de l’Est,
avril 1907
(NB. — Les termes en français figurant entre parenthèses dans le tableau ont été ajoutés
par le traducteur)
ANNEXE 2. — Cours « renseignement et reconnaissance », commandement de l’Est,
avril 1908
(NB. — Certains termes en français, figurant dans le tableau suivant et qui
n’apparaissaient pas dans l’annexe 1, ont été ajoutés par le traducteur)

Notes

[1] Je frey Richelson, A Century of Spies : Intelligence in the Twentieth Century, Oxford,
Oxford University Press, 1995, p. 47.

[2] Jonathan Bailey, « The First World War and the Birth of Modern Warfare », in
MacGregor Knox et Williamson Murray, The Dynamics of Military Revolution, 1300-
2050, Cambridge, Cambridge University Press, 2001 ; Colin Gray, Strategy for
Chaos : Revolutions in Military A fairs and the Evidence of History, Londres, Frank Cass,
2002, p. 170-221.

[3] « Le renseignement militaire se consacre d’abord aux forces armées de l’ennemi ou
à ses possibilités », d’après Jonathan House, Military Intelligence, 1870-1991 : A
Research Guide, Westport, Greenwood, 1993, p. 3.

[4] Christopher Andrew, « The nature of military intelligence », in Keith Neilson et


B. J. C. McKercher, Go spy the Land : Military Intelligence in History, Westport,
Praeger, 1992, p. 3.

[5] John Ferris, avant-propos du livre de Stephen Harris, British Military Intelligence in
the Crimean War, 1854-1856, Londres, Frank Cass, 1999, p. XIX.

[6] Michael Handel, « Intelligence and military operations », in Michael Handel (ed.),
Intelligence and Military Operations, Londres, Frank Cass, 1990, p. 5 ; id.,
« Intelligence in historical perspective », in Keith Neilson et B. J. C. McKercher, Go
spy the Land : Military Intelligence in History, Westport, Praeger, 1992, p. 187 ; John
Ferris, Intelligence and Strategy : Selected Essays, Londres, Routledge, 2005, p. 281.
[7] Le renseignement opérationnel peut se définir ainsi : « Mission de renseignement
spécifique apportant directement une aide aux opérations en cours ou en cours de
planification. » Il di fère du renseignement stratégique qui, lui, « se focalise sur les
menaces de sources internes (nationales) ou externes (supranationales) » (UK Joint
Doctrine & Concepts Centre, Joint Warfare Publication 2-00 : Joint Operational
Intelligence, août 1999).

[8] Thomas Fergusson, British Military Intelligence, 1870-1914 : The Development of a


Modern Intelligence Organization, Frederick, University Publications of America,
1984, p. 15-71. Voir aussi : William Beaver, The Development of the Intelligence Division
and its Role in Aspects of Imperial Policy Making, 1854-1901, non publié, D.Phil.,
University of Oxford, 1976.

[9] L’équivalent de 17 millions de livres en 2006 ; hhhhttp:// wwww. measuringworth.


com(consulté le 2 mai 2008).

[10] Edward Spiers, The Late Victorian Army, 1868-1902, Manchester, Manchester
University Press, 1992, p. 306-329 ; Christopher Saunders, Ian Smith, « Southern
Africa, 1795-1910 », in Andrew Porter (ed.), The Oxford History of the British Empire,
vol. III : The Nineteenth Century, Oxford, Oxford University Press, 1999, p. 617.

[11] David French, The British Way in Warfare, 1688-2000, Londres, Unwin Hyman, 1990,
p. 155.

[12] Edward Spiers, « The Late Victorian Army, 1868-1914 », in David Chandler et Ian
Beckett (eds), The Oxford Illustrated History of the British Army, Oxford, Oxford
University Press, 1994, p. 205-214 ; id., « Between the South African War and the
First World War, 1902-1914 », in Hew Strachan (ed.), Big Wars and Small Wars : The
British Army and the Lessons of War in the Twentieth Century, Londres, Routledge,
2006, p. 21-35.

[13] W. S. Hamer, The British Army : Civil-Military Relations, 1885-1905, Oxford, Clarendon
Press, 1970, p. 174-222 ; Halik Kochanski, « Planning for War in the final years of
Pax Britannica, 1889-1903 », in David French et Brian Holden Reid (eds), The British
General Sta f : Reform and Innovation, 1890-1939, Londres, Frank Cass, 2002, p. 22-25.

[14] Fergusson, British Military Intelligence, p. 169.

[15] Ibid., p. 147-152.

[16] Ibid., p. 138.

[17] Ibid., p. 155.

[18] Report on Intelligence Department, juillet 1900, WO108/270, National Archives (NA).

[19] Report on Field Intelligence, du 29 novembre 1900 jusqu’à la cessation des hostilités


(13 juin 1902), WO32/8112, NA.

[20] Richard Smith, « Henderson, Sir David (1862-1921) », Oxford Dictionary of National
Biography, hhttp:// www. oxforddnb. comconsulté le 2 mai 2008.

[21] Fergusson, British Military Intelligence, p. 159-160.

[22] David Henderson, Field Intelligence, its Principles and Practice, Londres, HMSO, 1904.
Bien que la préface du chef de l’état-major général soit datée du 29 avril 1904, la
date d’impression du livre (figurant en bas de la page) montre qu’il a été publié en
octobre de cette même année.
[23] Le renseignement dans le cadre d’une guerre européenne, janvier 1908, IV/1, Papiers
Edmonds, Liddell Hart Centre for Military Archives (LHCMA). Edmonds devint
plus tard un des historiens britanniques o ficiels de la Première Guerre mondiale.

[24] War O fice, Regulations for Intelligence Duties in the Field, Londres, HMSO, 1904 ;
Library of Congress.

[25] Fergusson, British Military Intelligence, p. 174-181.

[26] Le fait que Field Intelligence ait un auteur désigné est inhabituel pour un manuel de
doctrine de l’armée de terre britannique. Habituellement, ces publications de
l’état-major général sont anonymes. On peut penser que la réputation, acquise par
Henderson en Afrique du Sud, était censée accroître l’impact de cette nouvelle
doctrine.

[27] D’autres éléments sur l’Intelligence Corps figurent dans Jim Beach, « Intelligent
civilians in uniform : The British expeditionary force’s intelligence corps o ficers,
1914-1918 », in War & Society, vol. 27 (1), 2008, p. 1-22.

[28] Henderson, Field Intelligence, p. 8.

[29] Consulter aussi l’imposante étude portant sur les renseignements transmis par les
attachés militaires et navals à Berlin avant 1914 dans Matthew Seligmann, Spies in
Uniform : British Military & Naval Intelligence on the Eve of the First World War, Oxford,
Oxford University Press, 2006.

[30] David Henderson, The Art of Reconnaissance, 2e éd., Londres, John Murray, 1911, p. 9-
10.

[31] The Art of Reconnaissance, qui insiste sur les petites unités, semble en premier lieu
avoir été destiné aux o ficiers. Cela contraste avec les astuces individuelles,
contenues dans le livre écrit par Robert Baden-Powell à la même époque : Aids to
Scouting for NCOs and Men ( « Conseils pour l’éclairage, à destination des sous-o ficiers et
des hommes de troupe » ) de 1899, lequel devait évoluer en 1908 vers Scouting for Boys (
« L’éclairage pour les garçons » ), texte fondateur du mouvement mondial scout : Tim
Jeal, Baden-Powell, Londres, Hutchinson, 1989, p. 361-362 et 390-397.

[32] Journal, 25 mai 1912, D/He/11, Papiers Headlam, Durham County Record O fice.

[33] hhttp:// www. firstworldwar. bham. ac. uk/ nicknames/ hunterweston.


htmconsulté le 9 mai 2008.

[34] War O fice, Report on Eastern Command Intelligence and Reconnaissance Course,
avril 1907, Londres, HMSO, 1907 ; id., Report on the Eastern Command Intelligence and
Reconnaissance Course, avril 1908, Londres, HMSO, 1909, Acc. No. 2082, Intelligence
Corps Museum (ICM).

[35] Leurs grades s’échelonnaient de sous-lieutenant à jeune commandant, mais la


moitié étaient capitaines. Ils provenaient de l’infanterie (3), de l’artillerie (3), de la
cavalerie (1) et du génie (1). Le cours de 1908 comptait seulement 7 o ficiers, mais
leurs grades et leurs armes d’origine étaient similaires.

[36] Minutes of Evidence in [Secret] 7606/1290, Permanent Establishment of the Mobilisation


and Intelligence Division, Rapport du comité de Lord Hardwicke, mars 1903,
WO32/6922, NA. Ce document est commenté par Fergusson in British Military
Intelligence, p. 170-171.
[37] Colonel comte Gleichen, Lecture on Intelligence Duties in the Field, 15 mars 1908,
WO106/6151, NA.

[38] War O fice, Training and Manœuvre Regulations, Londres, HMSO, 1909.

[39] Brigadier-General Thompson Capper, Rapport de la conférence des o ficiers d’état-major


tenue à Agra, 1909, No. 89h, Papiers Haig, National Library of Scotland (NLS).

[40] Rapport de la conférence des o ficiers d’état-major tenue à Rasul, 15-17 décembre 1910, 1911,
No. 89f, Papiers Haig, NLS.

[41] Annexe III, « Instructions pour la préparation des journaux d’état-major et des
rapports de renseignement au War O fice », in The King’s Regulations and Orders for
the Army, Londres, HMSO, 1901, p. 391-396.

[42] Le futur Brigadier-General G. K. Cockerill, sous-directeur du renseignement


militaire au War O fice pendant la Première Guerre mondiale.

[43] Les futurs Field-Marshals W. R. Robertson et G. F. Milne, chefs du Grand État-
Major impérial entre 1916 et 1918 et entre 1926 et 1933.

[44] Le cours comprenait aussi un certain nombre de démonstrations relatives à la


défense côtière. Il est probable que ces séances avaient été inclues du fait de la
proximité et de la disponibilité des installations, comme de l’intérêt du
commandement de l’Est pour de tels sujets, plutôt qu’en raison de leur rapport
avec le travail dans le domaine du renseignement.

[45] War O fice, Report on the Eastern Command Intelligence and Reconnaissance Course,
avril 1908, Londres, HMSO, 1909, Acc. No. 2082, ICM.

[46] War O fice, Field Service Regulations, Part I : Operations, Londres, HMSO, 1909.

[47] War O fice, Sta f Manual - War (Provisional) (provisoire), Londres, HMSO, 1912.

[48] Ibid., section 28.

[49] Ibid., section 36.

[50] Ibid., section 25.

[51] Le Royal Naval Air Service fut créé au même moment afin de répondre aux besoins
aériens de la Royal Navy.

[52] Les développements se rapportant à l’aviation et à la reconnaissance sont résumés


in John Morrow, The Great War in the Air : Military Aviation from 1909 to 1921,
Washington, Smithsonian Institute Press, 1993, p. 1-57 ; Terrence Finnegan,
Shooting the Front : Allied Aerial Reconnaissance and Photographic Interpretation on the
Western Front – World War I, Washington, National Defense Intelligence College
Press, 2006, p. 7-13.

[53] Le rôle des aéronefs au cours de ces manœuvres (ou d’autres) est examiné très
largement in Andrew Whitmarsh, « British army manœuvres and the development
of military aviation, 1910-1913 ”, in War in History, vol. 14 (3), p. 325-346.

[54] Fergusson, British Military Intelligence, p. 173.

[55] Cette citation est extraite de War O fice, Field Service Regulations, Part I : Operations,
Londres, HMSO, 1914. Le règlement d’emploi des aéronefs est inséré dans l’édition
révisée de 1912 de Whitmarsh, « Military Aviation », p. 334.

[56] L’exposition historique classique est contenue dans Michael Howard, « Men
against fire : Expectations of war in 1914 », in Steven Miller et al. (eds), Military
Strategy and the Origins of the First World War, Princeton, Princeton University Press,
1991, p. 3-19.

[57] Edmonds apparaît dans l’emploi du temps du cours parce qu’il prononce une
conférence qui porte le même titre.

[58] Son travail est résumé dans Andrew Green, Writing the Great War : Sir James
Edmonds and the O ficial Histories, 1915-1918, Londres, Frank Cass, 2003, p. 28-34.

[59] Edmonds Papers, Intelligence in European Warfare, janvier 1908, IV/1, LHCMA.

[60] Henderson, Field Intelligence, p. 10.

[61] C. W. Bell Service Record, WO339/108146, NA.

[62] Connu pendant la Première Guerre mondiale sous l’appellation de MI1c, il devint
plus tard le MI6 et est aujourd’hui o ficiellement désigné Secret Intelligence Service.
Pour cette période, consulter : Alan Judd, The Quest for C : Mansfield Cumming and the
Founding of the Secret Service, Londres, Harper Collins, 1999, passim.

[63] Jim Beach, British Intelligence and the German Army, 1914-1918, thèse non publiée,
Université de Londres, 2005, p. 42-45.

[64] On trouve cette perspective conventionnelle dans Brian Bond, Doctrine and Training
in the British Cavalry, 1870-1914, in Michael Howard (ed.), The Theory and Practice of
War, Londres, Cassell, 1965, p. 95-125. Une théorie révisionniste est exposée dans
Gervase Phillips, « The obsolescence of the arme blanche and technological
determinism in British military history », War in History, vol. 9 (1), 2002, p. 39-59. La
quatrième édition de la thèse, très souvent citée, de Stephen Badsey, Doctrine and
Reform in the British Cavalry, 1880-1918, Aldershot, Ashgate, 2008, fournit également
des éléments cruciaux.

[65] War O fice, Field Service Regulations, 1re partie : Operations, Londres, HMSO, 1909,
chap. 1.

[66] Dennis Showalter, « Manœuvre warfare : The Eastern and Western fronts, 1914-
1915 », in Hew Strachan (ed.), The Oxford Illustrated History of the First World War,
Oxford, Oxford University Press, 1998, p. 39-46 ; David Stevenson, 1914-1918 : The
History of the First World War, Londres, Allen Lane, 2004, p. 44-60 ; Ian Beckett, The
Great War, 2e éd., Londres, Longman, 2007, p. 70-74.

[67] Bien qu’il semblât que le GHQ soit hésitant à accepter les informations fournies ;
cf. Nik Gardner, Trial by Fire : Command and the British Expeditionary Force in 1914,
Westport, Praeger, 2003, p. 42.

[68] J. Beach, Intelligent Civilians in Uniform, passim.

[69] Hew Strachan a, en e fet, avancé l’idée que l’incapacité allemande à collecter et à
communiquer ce type de renseignements avait contribué à l’essou lement de leur
o fensive de manière significative. Hew Strachan, The First World War, vol. I : To
Arms, Oxford, Oxford University Press, 2001, p. 232-234.

[70] J. Beach, British Intelligence, p. 21-22.


[71] Ibid., p. 33.

[72] Ce besoin semble avoir été négligé par les historiens, plus intéressés par un autre
e fet de ce travail qui était celui d’entretenir l’agressivité parmi les troupes ;
cf. Tony Ashworth, Trench Warfare, 1914-1918. The Live and Let Live System, Londres,
Macmillan, 1980, p. 97, 182-183.

[73] J. Beach, British Intelligence, p. 70-73.

[74] Ibid., p. 65-69.

[75] Ibid., p. 77.

[76] J. Beach, Intelligent Civilians in Uniform, passim.

[77] Par exemple : Second Army, Instructions for Intelligence Duties, 28 mars 1916 et [2e éd.],
1er mai 1917, AWM25/423/4, Australian War Memorial.

[78] J. Beach, British Intelligence, p. 147-153.

[79] Quelques exemples : MI2(c), Foot Artillery Index to the German Forces in the Field
(Mémento sur l’artillerie à pied allemande en campagne) révisé en mai 1916,
WO33/751 ; id., Foot Artillery Index to the German Forces in the Field (Répertoire des
unités d’artillerie à pied dans l’armée allemande en campagne), décembre 1916,
WO33/803 ; id., The German Forces in the Field (Les forces allemandes en campagne),
Composition of Army Corps & Divisions (Infantry & Field Artillery Regiments only) with
parallel index (Composition des corps et divisions de l’armée allemande ; régiments
d’infanterie et d’artillerie de campagne, avec index), juin 1916, WO33/762 ; MI3(c), Index to
The German Forces in the Field (Sector troops) (Répertoire des forces armées
allemandes en campagne ; troupes de secteur), février 1918, WO33/857, NA.

[80] J. Beach [introduction de la réédition de], The German Army Handbook of 1918,
Barnsley, Frontline Books, 2008.

[81] J. Beach, Brigadier-General Edgar Cox (1882-1918), Oxford, Oxford Dictionary of


National Biography, http:// www. oxforddnb. com.

[82] Imperial War Museum (IWM), Papiers Cox, Lettres à sa femme, 13 janvier
et 19 mars 1915.

[83] CDS 355 / Ia/1000, German Forces in the Field, mars 1915, IWM.

[84] IWM, Papiers Cox, Lettres à sa femme, 6 mai 1915.

[85] Cox révisa complètement son manuel en octobre 1915 : IWM, Papiers Cox, Lettres à
sa femme, 27 octobre 1915. Éditions ultérieures : MI2(c), The German Forces in the Field,
révisée en mai 1916 [première révision], WO33/752 ; id., The German Forces in the
Field, avril 1917, WO33/819, NA ; MI3(c), The German Forces in the Field, 5e révision,
octobre 1917, Joint Services Command and Sta f College Library ; id., The German
Forces in the Field, 6e révision, avril 1918, RG24/21995, Library & Archives Canada.

[86] J. Beach, British Intelligence, p. 117-120.

[87] Cox se noya le 26 août 1918. Les preuves, rassemblées à l’époque, font fortement
penser à un accident, mais la thèse d’un suicide, causé par le stress et la surcharge
de travail, ne peut être totalement écartée ; J. Beach, Edgar Fox.
Résumé

FrançaisDe l’art de la reconnaissance au livre jaune : le renseignement militaire


britannique, 1902-1915
Le 23 juin 1917, le Tribunal militaire italien condamnait à la prison à perpétuité, par
contumace, Rudolph Gerlach, prélat bavarois, camérier secret du pape Benoît XV et
personnage haut en couleur. Il était accusé d’espionnage au profit des Empires
centraux et d’avoir financé les milieux neutralistes. Il était aussi soupçonné d’être
complice du sabotage de deux navires de guerre italiens qui coûta la vie à plus de
700 marins. Le tribunal fit en sorte de mettre explicitement hors de cause le Saint-
Siège. Car, au-delà de la stricte dimension militaire, cette a faire reposait la
lancinante « question romaine » en suspens depuis la prise de Rome par les Italiens,
en 1870. Or il fallait éviter à tout prix tout ce qui pût remettre en cause le fragile
équilibre italo-Vatican qui s’était instauré.

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Plan
LES LEÅONS DE LA VELDT EN MATIERE DE RENSEIGNEMENT

RENSEIGNEMENT ET RECONNAISSANCE

LE RENSEIGNEMENT DANS LA GUERRE DE POSITION

REFLEXIONS
Auteur
Dr.  
Jim Beach

Université de Salford.

Mis en ligne sur Cairn.info le 22/01/2009


https://doi.org/10.3917/gmcc.232.0105

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