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CHAPITRE 1

Introduction

1.1 Cadre général


Les colonnes à bulles sont des réacteurs mettant en œuvre l’absorption par un liquide d’une
espèce initialement présente en phase gazeuse, par dispersion de cette phase gazeuse au sein
de la phase liquide sous forme de bulles. Une ou plusieurs réactions chimiques, ou encore la
précipitation d’un composé, peuvent se dérouler au sein de la phase liquide.
Les colonnes à bulles possèdent de nombreuses applications dans les industries chimiques,
agroalimentaires, pharmaceutiques ou de l’environnement [1, 2]. Elles trouvent par exemple
une place dans les procédés de production de carbonate et de bicarbonate de soude ou d’eau
oxygénée, dans les procédés de production d’eau potable (ozonation), dans les procédés de
récupération de gaz carbonique (CO2 ) ou de valorisation d’effluents de l’industrie de l’alumi-
nium, dans les procédés de traitement des eaux (aération), dans les fermenteurs ou dans les
procédés de culture de cellules animales (réacteur de type air-lift).
L’optimisation du fonctionnement de ces colonnes à bulles n’est pas aisée. En effet, il y
a un grand nombre de paramètres qui peuvent influencer leur fonctionnement et elles sont le
siège d’une multitude de phénomènes complexes et couplés, qui se déroulent sur une vaste
plage d’échelle de longueur [3], comme par exemple :
– le transfert de matière gaz - liquide (10−6 m) ;
– le transfert de quantité de mouvement gaz - liquide (10−5 m) ;
– les phénomènes de coalescence - rupture de bulles (10−5 à 10−2 m) ;
– le mélange du liquide par les bulles (10−2 à 10 m).

L’optimisation des colonnes à bulles peut se faire par une approche empirique. Cependant,
cette approche atteint rapidement ses limites et son pouvoir prédictif est faible.

Une approche nettement plus performante pour l’optimisation d’une unité est la création
d’un modèle mathématique [2]. Cette approche, qui offre un pouvoir prédictif beaucoup plus
important, passe par la description et la modélisation mathématique des phénomènes qui y
prennent place, en particulier des transferts de matière entre les phases [4]. Le modèle peut
alors être utilisé pour rechercher les valeurs optimales des paramètres de conception et de
fonctionnement de cette unité.
1 . Introduction 6

Toutefois, la modélisation de ces réacteurs polyphasiques est un travail complexe, notam-


ment en raison des interactions à petites échelles entre phases, qui peuvent avoir des effets
profonds sur les propriétés macroscopiques (écoulements des fluides, mélanges, concentrations,
. . .) et sur les règles de montées en échelle et de conception de ces réacteurs [2].

Une approche résolument moderne est l’approche dite "multi-échelles". Elle consiste à
prendre en compte, de manière séquencée, les différents phénomènes prenant place aux diffé-
rentes échelles de temps et d’espace et plus particulièrement à leurs interactions entre eux. Le
recours à cette approche est une des tendances actuelles dans l’évolution du génie des procé-
dés pour faire face aux enjeux économiques et environnementaux de demain [5, 6]. L’approche
multi-échelles connaît un succès croissant, ce qui est reflété par le nombre de plus en plus
important de publications dans le domaine du génie chimique [7] ou dans d’autres domaines
(biologie, écologie, physique, . . .) [8].
Dans cette approche, les différentes échelles de longueur auxquelles les phénomènes de
transport prennent place sont modélisées successivement, à partir de la plus petite. Elle permet
de prendre en compte la complexité issue des couplages entre la chimie-physique, les transferts
entre phases et l’hydrodynamique [5].
Les modèles développés selon l’approche multi-échelles sont des outils performants de
conception et d’optimisation des colonnes à bulles. Ils nécessitent néanmoins une compréhen-
sion profonde des phénomènes de transport s’y produisant.
Malheureusement, beaucoup de phénomènes se déroulant en colonnes à bulles sont encore
aujourd’hui mal connus et donc difficiles à décrire, que ce soit à l’échelle d’une bulle ou à
l’échelle des interactions entre bulles.
Parmi ceux-ci, nous avons notamment le couplage entre transfert de matière et réaction
chimique [9, 10].
A l’échelle des bulles, des phénomènes tels que la coalescence des bulles [11, 12, 13], et
la rupture des bulles de grande taille (ayant la forme de calottes sphériques) [12, 14, 15]
prennent place. Les bulles d’un diamètre de quelques millimètres (de forme ellipsoïdale) [16]
ont également une dynamique particulière.
Au niveau des interactions, nous pouvons également citer les phénomènes "collectifs", c’est-
à-dire liés à l’influence des bulles voisines sur les capacités de transfert de matière et de quantité
de mouvement d’une bulle [17], l’interaction entre les mouvements d’ensemble du liquide et
des essaims de bulles à une échelle macroscopique (plus de 10 cm) [18], ainsi que le mélange
de la phase liquide par des bulles de grande taille [19].
De surcroît, si une phase solide est dispersée dans le liquide, cette phase solide peut éga-
lement influencer la coalescence des bulles [20].

Ce travail, réalisé en collaboration avec la société Solvay, porte sur l’étude et la modéli-
sation des phénomènes de transfert de matière entre phases, couplés à des réactions
chimiques, prenant place au sein d’une colonne à bulles de production de bicarbo-
nate de sodium raffiné. Il poursuit une démarche multi-échelles, en allant de l’échelle des
interfaces (échelle microscopique) à l’échelle du réacteur industriel (échelle macroscopique).
L’association, d’une part, d’études sur le réacteur à l’échelle industrielle ou réduite (pilote)
et, d’autre part, des études plus fondamentales sur des dispositifs de laboratoire, permet de
développer une meilleure compréhension du fonctionnement de l’appareil et d’en construire un
modèle mathématique détaillé.
Figure 1.1: Schéma du procédé de production du bicarbonate de soude brut.
1 . Introduction 7

1.2 La production du bicarbonate de sodium


1.2.1 Introduction
Le groupe Solvay est le premier producteur mondial du bicarbonate de sodium, avec sept
usines de fabrication en Europe et une aux États-Unis [21]. Le bicarbonate de sodium, éga-
lement appelé bicarbonate de soude, est un solide cristallin blanc de composition chimique
NaHCO3 .
Ses utilisations sont très nombreuses. Il est utilisé aussi bien pour l’alimentation humaine
et animale, comme produit d’entretien (détergent, absorbeur d’odeur) ou encore comme agent
neutralisant, que dans plusieurs processus industriels, ou encore dans diverses applications
pharmaceutiques (comprimés effervescents) et paramédicales (hémodialyse). Il est également
utilisé dans les systèmes d’épuration des fumées utilisant le procédé NEUTREC développé par
la société Solvay.
Le bicarbonate de sodium raffiné est commercialisé par Solvay sous la marque
BICARr. Selon le degré de pureté, on distingue le bicarbonate de soude brut (BIB) et le
bicarbonate de soude raffiné (BIR). Ce dernier est produit à partir de bicarbonate de soude
brut.

1.2.2 Production du bicarbonate de soude brut


Le procédé de production du bicarbonate de soude brut est représenté schématiquement
à la figure 1.1. Il est produit à partir de chlorure de sodium (NaCl) et de calcaire (CaCO3 )
[22, 23].
Le NaCl est mis en solution dans de l’eau ; il s’y dissocie complètement. Un gaz contenant
de l’ammoniac (NH3 ) est bullé dans cette solution et l’ammoniac s’y dissout.
Le CaCO3 , quant à lui, est calciné dans un four à chaux qui produit de la chaux vive
(CaO) solide et du dioxyde de carbone (CO2 ). La chaux est mélangée à de l’eau pour former
un lait de chaux.
Le CO2 produit par calcination est alors bullé dans la solution liquide basique. Cette opé-
ration est réalisée au sein de colonnes à bulles de grande taille, appelées colonnes BIB. Leur
hauteur est d’environ 25 m et leur diamètre est d’environ 3 m.
Il en résulte un transfert de CO2 de la phase gazeuse vers la phase liquide. En phase liquide,
le CO2 participe à des réactions chimiques produisant du NaHCO3 :

2NH3 + CO2 ,(1) → NH2 COO− + NH+


4 (1.1)

3 + NH3
NH2 COO− + H2 O → HCO− (1.2)
Na+ + HCO−
3 → NaHCO3 ,(s) (1.3)
Ces réactions sont exothermiques et produisent une grande quantité de chaleur, c’est pour-
quoi les colonnes BIB sont équipées de systèmes de refroidissement.
Lorsque la concentration en Na+ et HCO− 3 dépasse une certaine valeur critique, appelée
produit de solubilité, le bicarbonate précipite suivant la réaction (1.3). La suspension obtenue
est filtrée et le bicarbonate de soude brut est obtenu.
Le filtrat est alors mélangé au lait de chaux. Une distillation de ce mélange permet une
régénération du NH3 , qui est ainsi recyclé.
Figure 1.2: Schéma du procédé de production du bicarbonate de soude raffiné.
1 . Introduction 8

1.2.3 Production du bicarbonate de soude raffiné


Le bicarbonate brut doit être raffiné car il contient une impureté : l’ion NH+
4 . Le procédé
de production du bicarbonate de soude raffiné est représenté schématiquement à la figure 1.2.
Le bicarbonate brut est mis en solution et cette dernière subit un bullage à la vapeur d’eau.
Le NH3 étant soluble dans la vapeur d’eau, il est progressivement éliminé de la solution.
En solution, un équilibre existe entre le carbonate de sodium (Na2 CO3 ) et le bicarbonate.
La réaction globale est :
Na2 CO3 + CO2 + H2 O  2NaHCO3 (1.4)
Le CO2 étant lui aussi soluble dans la vapeur d’eau, cette purification a pour effet d’ap-
pauvrir la solution en bicarbonate. En effet, le CO2 entraîné par le bullage est éliminé de la
solution, ce qui a pour conséquence de déplacer l’équilibre de la réaction (1.4) vers la gauche,
transformant le NaHCO3 en Na2 CO3 .
La saumure obtenue après purification contient un mélange de carbonate et de bicarbonate
de sodium. La concentration en carbonate est de trois à quatre fois supérieure à la concentration
en bicarbonate (en g de composé par kg de solution). Un mélange d’azote et de dioxyde de
carbone (N2 -CO2 ) est alors bullé dans cette solution.
Cette injection est réalisée au sein de colonnes à bulles appelées colonnes BIR. Le CO2
étant soluble dans l’eau, il est transféré de la phase gazeuse vers la phase liquide. Au sein du
liquide, il participe à des réactions chimiques. Il en résulte un enrichissement de la solution en
bicarbonate, l’équilibre (1.4) étant fortement déplacé vers la droite. Du bicarbonate de soude
raffiné est produit par la réaction de précipitation (1.3). La suspension obtenue est alors filtrée
en sortie de colonne.

1.2.4 Description d’une colonne BIR


Les colonnes BIR sont des colonnes à bulles de grande taille. Elles sont de forme cylindrique,
mesurent environ 20 m de hauteur et ont un diamètre de 2,5 m. Leur grande taille est destinée
à maximiser le nombre de moles de CO2 transférées du gaz vers le liquide par unité de temps.
Contrairement aux colonnes BIB, le fonctionnement des colonnes BIR peut être considéré
comme isotherme, l’exothermicité des réactions et de l’absorption du CO2 étant compensée
par l’endothermicité de l’évaporation de l’eau [22]. Ceci a été confirmé par des mesures de
température à différents endroits de la colonne. La température est à peu près la même partout,
bien que ces colonnes ne soient pas équipées de systèmes de refroidissement.
Un schéma d’une colonne BIR, située sur le site de Dombasle (France), est présenté à la
figure 1.3. Bien que la conception des colonnes BIR ne soit pas unique, la colonne de Dombasle
est représentative des colonnes du groupe Solvay.
La solution aqueuse de carbonate et bicarbonate de soude est injectée par le haut de la
colonne, tandis que le mélange gazeux N2 -CO2 est injecté par le fond et est dispersé dans le
liquide sous forme de bulles.
Cette colonne est équipée dans le bas de deux jambes de recirculation, générant une circu-
lation de liquide permettant une mise en suspension efficace du solide dans le bas de la colonne
(la vitesse moyenne de sédimentation du solide est de 2 cm/s).
Une série de plateaux équipe la partie supérieure de la colonne. Ceux-ci sont destinés à
limiter le rétromélange entre les phases, défavorable au transfert gaz-liquide du CO2 .
Le liquide entrant dans les jambes de recirculation entraîne du gaz avec lui. Par conséquent,
un tube de dégazage est installé sur le dessus de chaque jambe de recirculation, ce qui permet
Figure 1.3: Représentation schématique d’une colonne BIR.

Figure 1.4: Représentation de l’évolution de la concentration d’une espèce dans un réacteur piston (à
gauche) et dans un réacteur parfaitement mélangé (à droite).
1 . Introduction 9

au gaz entraîné d’être en partie évacué des jambes. Ce gaz est réintroduit dans la partie centrale
de la colonne quelques mètres plus haut, juste en-dessous du plateau le plus bas.
La sortie de la suspension est située au bas d’une des jambes de recirculation, tandis que
le mélange gazeux N2 -CO2 résiduel est évacué par le sommet de la colonne.

Les caractéristiques de leur conception leur confèrent un fonctionnement particulier, qui


peut être qualifié d’"hybride" entre le réacteur piston et le réacteur parfaitement mélangé [23].
Pour rappel, un réacteur piston est un réacteur idéal dans lequel le liquide se déplace comme
un piston. Chaque tranche de liquide progresse sans interaction avec les autres. Le mélange
axial est donc nul, tandis que le mélange radial, au sein d’une tranche, est parfait. Un réacteur
parfaitement mélangé, par contre, est un réacteur dans lequel il y a un mélange homogène au
niveau moléculaire, les concentrations n’évoluent pas avec le temps et les concentrations de
sortie sont les mêmes que celles dans le réacteur. Ces deux types de réacteurs idéaux, ainsi que
le profil d’évolution de la concentration, sont représentés schématiquement à la figure 1.4 [24].
Les compositions de l’entrée et de la sortie de la colonne BIR, ainsi que les courbes de
solubilité du système eau-NaHCO3 -Na2 CO3 , sont représentées dans le diagramme de la figure
1.5. Dans ce diagramme, la concentration en carbonate se trouve en abscisse tandis que la
concentration en bicarbonate se trouve en ordonnée.
Si la colonne se comportait comme un réacteur piston, il y aurait une évolution continue
des concentrations depuis l’entrée jusque la sortie, comme représenté sur le diagramme de la
figure 1.6. Ce type d’évolution est favorable au transfert gaz-liquide de CO2 . Par contre, il est
défavorable du point de vue de la précipitation. En effet, les concentrations passent alors dans
le domaine favorable à la formation d’une autre espèce cristalline, appelée sesquicarbonate de
soude (Na2 CO3 .NaHCO3 .2H2 O). A partir du moment où cette espèce apparaît, il n’y a plus
de formation de l’espèce NaHCO3 , même si les couples de concentrations retournent dans le
domaine du bicarbonate.
Par contre, si les concentrations évoluaient comme dans un réacteur parfaitement mélangé,
il y aurait une discontinuité entre les concentrations à l’entrée et celles dans le réacteur, comme
représenté à la figure 1.7. Ce type d’évolution est favorable du point de vue de la précipitation,
puisque les concentrations ne passent pas par le domaine du sesquicarbonate. Par contre, elle
est défavorable du point de vue du transfert de matière.
La structure étagée de la colonne BIR lui confère donc un comportement intermédiaire
entre le réacteur piston et le réacteur parfaitement mélangé. Les concentrations en carbonate
et bicarbonate de soude évoluent approximativement comme représenté à la figure 1.8. D’une
part, les jambes de recirculation dans la partie inférieure induisent un parfait mélange du liquide.
D’autre part, les plateaux dans sa partie supérieure tendent à générer un écoulement de type
piston.
Plus le nombre de plateaux est important, plus la colonne aura un comportement de type
piston (favorable au transfert gaz-liquide). Dès lors, il existe un nombre optimum de plateaux,
favorisant le transfert sans être pénalisant du point de vue de la précipitation du NaHCO3 .

1.3 Objectifs
Malgré leur grande taille et la présence éventuelle de plateaux dans la partie supérieure,
la vitesse de transfert gaz-liquide du CO2 reste l’étape limitante du procédé. En effet, le gaz
en sortie de colonne est encore riche en CO2 (environ la moitié du CO2 est transféré). Bien
Figure 1.5: Diagramme phase du système eau-NaHCO3 -Na2 CO3 et concentrations d’entrée et de
sortie de la colonne BIR [23].

Figure 1.6: Evolution théorique des concentrations en NaHCO3 et en Na2 CO3 dans un réacteur piston
[23].
1 . Introduction 10

que le mélange gazeux sortant de la colonne soit réutilisé, une quantité importante de CO2
est relâchée dans l’atmosphère. Or, la pression écologique sur les émissions de gaz à effet de
serre devient de plus en plus contraignante. En outre, comme mentionné précédemment, la
production de ce CO2 est réalisée par calcination du calcaire. Ce processus, très énergivore,
représente la majeure partie des consommations énergétiques du procédé.
De surcroît, les nouvelles applications du bicarbonate de soude raffiné exigent une amélio-
ration toujours croissante de la pureté et de la granulométrie du produit.
Une meilleure compréhension des phénomènes se déroulant dans la colonne est donc néces-
saire pour avoir une meilleure maîtrise du procédé. Or, la compréhension fine du fonctionnement
de ces colonnes est difficile, essentiellement en raison du couplage entre plusieurs phénomènes
physiques et chimiques complexes : écoulement triphasique et transfert gaz-liquide du CO2
couplé à des réactions chimiques, dont une réaction de précipitation. De plus, les différentes
interactions à petite échelle entre les phases vont déterminer les propriétés macroscopiques et
le fonctionnement global de la colonne.
Les différentes optimisations successives qui ont été apportées aux colonnes BIR l’ont été
de manière essentiellement empirique mais, pour les différentes raisons qui viennent d’être
énoncées, cette approche a atteint aujourd’hui ses limites.
L’objectif appliqué de ce travail consiste donc en l’étude des transferts de matière
au sein des colonnes BIR et la modélisation mathématique de ces colonnes.

Un tel modèle permettrait de déterminer les conditions opératoires nécessaires pour at-
teindre un objectif donné ou de prédire quels seraient les produits de sortie obtenus pour des
conditions opératoires données. En permettant ainsi de réaliser des expériences virtuelles, il
pourrait être utilisé comme outil d’optimisation, afin d’accroître le rendement de production
ou de réduire le coût énergétique de fonctionnement ainsi que la consommation des ressources
et les émissions de CO2 . De plus, il pourrait également servir d’outil de dimensionnement pour
la construction de nouvelles colonnes, en déterminant, par exemple, le nombre optimum de
plateaux.

Cet objectif appliqué est supporté par trois blocs d’étude fondamentale, répartis dans deux
volets, dont les résultats vont alimenter la modélisation macroscopique de la colonne BIR.
Volet 1 : Ce volet est consacré à l’étude du transfert gaz-liquide du CO2 et comprend les
deux blocs suivant :
1. la modélisation du couplage entre les réactions chimiques et le transport du
CO2 en phase liquide par les processus de diffusion et de convection ;
2. l’étude expérimentale du transfert gaz-liquide de CO2 par interférométrie de
Mach-Zehnder.
Une comparaison des résultats expérimentaux avec des simulations des modèles dévelop-
pés dans le premier bloc est également réalisée.
Volet 2 : Ce volet, comprenant le troisième bloc, présente une contribution à l’étude des
cinétiques de précipitation du NaHCO3 . Trois outils sont développés et sont utilisés
de façon combinée sur des mesures expérimentales.
Figure 1.7: Evolution théorique des concentrations en NaHCO3 et en Na2 CO3 dans un réacteur
parfaitement mélangé [23].

Figure 1.8: Evolution approximative des concentrations en NaHCO3 et en Na2 CO3 dans une colonne
BIR [23].
1 . Introduction 11

1.4 Méthodologie et descriptif


Dans ce travail, la modélisation d’une colonne BIR est réalisée selon l’approche dite de
modélisation en compartiments. Celle-ci a été développée et validée au cours du travail de
thèse de Benoît Haut, dans lequel un premier modèle à compartiments a été proposé [22]. Par
rapport à ce dernier, le modèle développé dans ce travail présente de nombreuses améliorations
et propose, notamment, des développements dans l’élaboration des expressions quantifiant les
différents transferts et en se reposant sur des bases plus fondamentales (plus physiques).
Ce travail s’inscrit dans un projet de grande ampleur entre la société Solvay et l’Université
Libre de Bruxelles. Il est réalisé en collaboration avec Aurélie Larcy, du service Transferts,
Interfaces et Procédés (TIPs), et Vanessa Gutierrez du service Matières et Matériaux.
Le travail d’Aurélie Larcy est consacré à l’étude de la morphologie et de la dynamique des
bulles ainsi qu’aux échanges prenant place au sein de la phase gazeuse, tandis que le travail
de Vanessa Gutierrez consiste en l’étude expérimentale de la précipitation du bicarbonate de
soude raffiné dans un cristallisoir à cuve agitée.

Le chapitre 2 est consacré au premier bloc de travail, dans lequel sont développés plusieurs
modèles du couplage entre le transfert de matière depuis une bulle de gaz et les réactions
chimiques en phase liquide auxquelles participe le CO2 dans une colonne BIR. Les paramètres
physico-chimiques de ces modèles sont calculés à partir de corrélations trouvées dans la litté-
rature.
Dans un premier temps, des modèles sont développés en utilisant les approches unidi-
mensionnelles (1D) classiquement rencontrées dans la littérature. Ensuite, des modèles plus
complets sont développés en utilisant une approche bidimensionnelle (2D) axisymétrique et
comparés avec les modèles 1D.
De plus, une décomplexification d’un modèle de transport est réalisée dans le but d’une
utilisation dans le modèle de colonne BIR. Une expression simplifiée quantifiant le transfert
bulle-liquide de CO2 est donc développée et comparée aux modèles tenant compte de l’en-
semble des phénomènes.

Le chapitre 3 comprend le deuxième bloc, avec le développement et l’utilisation d’un dis-


positif expérimental destiné à étudier qualitativement et quantitativement le transfert du CO2 .
Le transfert gaz-liquide de CO2 et les réactions qui en découlent sont susceptibles de
modifier la masse volumique du liquide au voisinage de l’interface. Ce transfert est réalisé dans
une cellule expérimentale constituée d’un matériau transparent. Une photographie de cette
cellule est présentée à la figure 1.9.
Les variations de masse volumique du liquide dans la cellule, provoquées par le transfert
de CO2 , sont observées à l’aide d’un interféromètre de Mach-Zehnder. Un algorithme de
traitement d’images permet de reconstituer le profil d’évolution de la masse volumique sur
base des images obtenues avec l’interféromètre.
Les résultats expérimentaux sont comparés à des résultats de simulations obtenus avec un
des modèles 1D développé au chapitre 2. De cette comparaison, il apparaît qu’une mauvaise
estimation de la valeur de certains paramètres physico-chimiques apparaissant dans les équa-
tions de ce modèle conduit à des écarts significatifs entre les variations de masse volumique
observées et celles simulées.

C’est pourquoi une méthode d’estimation paramétrique est également développée afin
Figure 1.9: Photographie de la cellule expérimentale.

Figure 1.10: Représentation de l’agencement des blocs de travail et des interactions.


1 . Introduction 12

d’identifier les valeurs numériques de ces paramètres physico-chimiques sur base des résul-
tats expérimentaux.

Le troisième bloc est présenté au chapitre 4. Dans ce chapitre, nous apportons une contri-
bution à l’étude des cinétiques de précipitation du NaHCO3 dans un cristallisoir à cuve agitée.
Trois outils sont développés.
Le premier outil est une table de calcul, réalisée avec le logiciel Excel, synthétisant pour
chaque expérience l’ensemble des résultats obtenus. Le second outil est un ensemble de si-
mulations de l’écoulement au sein du cristallisoir par mécanique des fluides numérique (Com-
putational Fluid Dynamics, CFD) pour différentes conditions d’agitation, afin d’obtenir une
caractérisation des propriétés globales et locales de l’écoulement du liquide. Le troisième outil
est une nouvelle méthode d’estimation des cinétiques de germination et de croissance des cris-
taux de NaHCO3 à partir des résultats expérimentaux. Ces cinétiques s’obtiennent sur base
de mesures de masse de cristaux produits dans le cristallisoir à cuve agitée. Ces cristaux sont
répartis par des tamis selon leur taille dans différents intervalles de taille et la masse de cristaux
contenue dans chaque intervalle est mesurée.
Enfin, ces trois outils sont utilisés de façon combinée pour estimer les influences de la
fraction massique de solide et de l’agitation sur la cinétique de germination secondaire du
NaHCO3 à partir des résultats expérimentaux obtenus par Vanessa Gutierrez. L’objectif final
de son travail est d’obtenir des expressions permettant de quantifier le transfert liquide-solide
et de décrire les caractéristiques granulométriques de la phase solide obtenue.

La synthèse de l’ensemble des études est également réalisée dans ce travail, dont le résultat
final est le développement d’un modèle global de colonne BIR. Ce point est développée au
chapitre 5, reprenant l’approche de modélisation en compartiments, validée au cours du travail
précédent [22], regroupant les trois blocs d’études réalisées dans ce travail et les travaux
d’Aurélie Larcy et de Vanessa Gutierrez.
Les équations modélisant les différents phénomènes sont présentées, ainsi que la méthode
utilisée pour résoudre ces équations. Des simulations des équations du modèle sont réalisées
et discutées. Les résultats des simulations sont également comparés à des mesures effectuées
sur une colonne BIR.

La conclusion générale de ce travail, ainsi que les perspectives qui s’en dégagent, dont
quelques pistes d’optimisation du modèle de colonne BIR, sont exposées au chapitre 6.

Un schéma de l’assemblage des blocs de travail et des interactions avec les autres travaux
est présenté à la figure 1.10.

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