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EXTRAIT
ISSU DE L’OFFRE
Chimie verte
RÉSUMÉ
Cet article aborde les principes de mise en œuvre de l’oxydation hydrothermale, les conceptions développées à la fois pour
exploiter les propriétés remarquables de l’eau supercritique vis-à-vis de la minéralisation des déchets organiques et pour gérer
les difficultés induites par le fonctionnement de procédés continus sous pression et température. Il résume quelques notions
de base sur la réaction de combustion dans l’eau supercritique, et le comportement des charges salines. Il promeut l’apport de
la mécanique des fluides numérique dans l’étude et l’extrapolation industrielle de ces procédés, pour lesquels le fort couplage
entre chimie et thermohydraulique reste un sujet de développement.
ABSTRACT
This article gives an overview of the principles for implementing hydrothermal oxidation technology, and the designs
developed to make use of the remarkable properties of supercritical water in the mineralization of organic waste, and to
manage difficulties induced by the operation of these processes under pressure and temperature conditions. It summarizes
some basic notions on the reaction of combustion in supercritical water, and the behavior of salt loads. It promotes the
contribution of computational fluid dynamics to the study and industrial scale-up of these processes, where the strong
coupling between chemistry and thermohydraulics is an area of development.
1. Propriétés de l’eau
Pression (MPa)
supercritique 730 322
164
aux performances
1 00 0 kg.m–3
40 100
de l’oxydation Domaine
Supercritique
hydrothermale
Aux conditions normales de pression et de température, un Point critique (PC) (Tc = 647 K ; Pc = 22 MPa)
corps pur peut se trouver sous les trois états classiques : solide, 20
liquide ou gaz. L’étude du diagramme de phase (figure 1) met en
évidence, à l’extrémité de la courbe de coexistence liquide-gaz, la Solide
présence d’un point singulier appelé « point critique ». 40 kg.m–3
Liquide
Un fluide est dit « supercritique » si la température et la pres-
PT Gaz
sion sont simultanément supérieures à la température critique 0
et à la pression critique. Les coordonnées du point critique de 273 473 673 873 973
l’eau sont Pc = 22,1 MPa et Tc = 647 K (221 bar / 374 °C).
0 °C = 273,15 K Température (K)
L’eau voit ses propriétés thermodynamiques et de transport modi- Figure 1 – Diagramme de phase (pression, température) de l’eau pure
fiées lors du passage du point critique. Les propriétés physiques de
l’eau supercritique ont des caractéristiques intermédiaires entre celles
de l’eau liquide et celles de la vapeur d’eau (tableau 1). Le diagramme tique est ainsi un milieu réactionnel très favorable au développe-
de phase donné figure 1 met également en évidence quelques ment de réactions de combustion entre des composés organiques
courbes d’isodensité dans le domaine supercritique de l’eau. et un oxydant tel que l’oxygène, ce milieu permettant un mélange
intime et efficace de ces réactifs, et une réaction spontanée, quanti-
L’article Gazéification de biomasse en eau supercritique [J 7 010]
tative, et non limitée notamment par les transferts de masse aux
donne plus de détails sur les propriétés physico-chimiques de l’eau
interfaces. Ainsi, dès les premiers développements dans ce domaine,
supercritique.
des rendements de minéralisation de matières organiques égaux ou
Des études des diagrammes de phase des systèmes aqueux supérieurs à 99 % ont été établis, pour la quasi-totalité des composés
binaires ont été réalisées avec l’eau et les composés suivants : CO2, ou des déchets organiques étudiés, dans des temps de réaction
N2, O2, dans des domaines allant jusqu’à 200 MPa et 450 °C [1]. extrêmement brefs (typiquement de l’ordre de la minute).
Dans tous les cas, au-delà du point critique de l’eau, le mélange est
monophasique, indiquant une solubilité en toute proportion. Il en L’échauffement isobare fait également apparaître des évolutions
est de même pour tous les composés organiques. L’eau supercri- rapides au voisinage de la température critique de l’eau. Ces varia-
tions des principales caractéristiques de l’eau en fonction de la tempé-
rature à la pression de 25 MPa sont illustrées figure 2. Quand la
température et la pression augmentent, la constante diélectrique
Tableau 1 – Ordres de grandeur relatifs décroît fortement. Elle passe de la valeur de 80, sous les conditions
de la masse volumique, de la viscosité normales de pression et température, à moins de 10 au-dessus du
dynamique et du coefficient d’autodiffusion point critique [2]. L’eau présente alors des propriétés de solvatation
proches de celles d’un solvant organique. À 25 MPa, le produit ionique
Masse Viscosité Coefficient de l’eau augmente quant à lui d’une valeur d’environ 10–14 mol2.kg–2 à
volumique dynamique d’autodiffusion 25 °C, à une valeur maximale de 10–11.mol2.kg–2 entre 200 et
ρ (kg.m–3) η (Pa.s) D (m2.s–1) 300 °C, pour chuter à moins de 10–23 mol2.kg–2 à 550 °C. Les espèces
ioniques dissociées dans l’eau aux températures ambiantes deviennent
Gaz 1 10−5 10–5 insolubles dans l’eau supercritique.
Par exemple, CaCl2, qui a une solubilité maximum de 70 % mas-
Fluide
100-800 10–4-10–5 10–8 sique dans l’eau à basse température, voit celle-ci diminuer à 3 ppm
supercritique à 25 MPa et 550 °C.
Liquide 1 000 10–3 10–9 Le développement de la technologie des procédés d’oxydation
hydrothermale (OHT) dans l’eau supercritique entrepris depuis
1 000 100
initiation/formation des radicaux, propagation, puis terminaison/
Viscosité dynamique (10–6 Pa.s)
Constante diélectrique
600 60 posé organique à traiter, provoquant la formation d’intermédiaires
500 50 réactionnels de masse molaire de plus en plus faible pouvant se
recombiner par la suite. À titre d’exemple, les réactions d’addition
400 40 d’oxygène forment des radicaux peroxy ROO• :
300 30
200 20
Ces radicaux peroxy peuvent :
100 10
– soit capturer un atome d’hydrogène pour former des hydro-
0 0 peroxydes ;
273 373 473 573 673 773 873 973 1073
Température (K) – soit attaquer les fonctions alcools, cétones, aldéhydes ou acide
carboxyliques ;
Figure 2 – Propriétés de l’eau supercritique en fonction de la tempé-
rature à 25 MPa
– soit se recombiner ;
plusieurs décennies passe par une mise en œuvre de procédés
sous pression endurants, valorisant l’efficacité et la polyvalence
de la combustion dans l’eau supercritique, tout en maîtrisant à la Des réactions de scission peuvent également se produire pour
fois les dégagements thermiques très intenses et localisés dans former d’autres intermédiaires réactionnels ou d’autres radicaux
le milieu réactionnel, et les implications de la précipitation des pouvant réagir selon le mécanisme précédemment évoqué :
charges salines dans ce même milieu.
À retenir
Ces réactions se poursuivent jusqu’à aboutir à la formation
– L’eau supercritique possède des propriétés thermodyna- d’intermédiaires réactionnels stables (acide acétique par exemple)
miques et de transfert de matière intermédiaires entre celles puis in fine à du CO2 et de l’eau.
des liquides et celles des gaz.
– De par ses propriétés, il s’agit d’un milieu réactionnel per- Exemple parmi les principales étapes d’oxydation du benzène
mettant un mélange intime et efficace entre réactifs, sans limi- (figure 3) :
tation de transferts de matière. Cette approche a notamment été utilisée pour décrire aussi bien
– L’eau supercritique est un solvant favorable à l’oxydation, les mécanismes d’oxydation de composés simples (H2, CO, CH4,
permettant des réactions quantitatives avec des rendements CH3OH, C2H5OH, phénol) [4] que le mécanisme de décomposition du
supérieurs à 99,9 % dans des durées extrêmement courtes (de squelette polystyrénique d’une résine échangeuse d’ions [5] lors de
l’ordre de quelques secondes). son oxydation hydrothermale.
2. Mécanismes réactionnels
de l’oxydation
hydrothermale
Dans les conditions opératoires de l’oxydation en eau supercri-
tique, l’eau se comporte comme un gaz dense apolaire de faible
constante diélectrique. Comme l’eau supercritique ne peut conte-
nir d’espèces chargées, les réactions entre les réactifs sont radica-
laires et non ioniques comme à l’état ambiant. Les réactions
élémentaires sont similaires à celles qui se dérouleraient pour une
combustion, dans les conditions de pression et de température de
l’oxydation hydrothermale [3]. L’eau sert à la fois de milieu réac-
tionnel, mais participe également à l’oxydation comme réactif.
Elle réagit avec l’oxydant pour former des radicaux HO• et HOO•
très réactifs vis-à-vis des molécules organiques :
L’ensemble des radicaux formés vont, par un mécanisme de Figure 3 – Schéma réactionnel de l’oxydation du benzène en conditions
réactions en chaîne, aboutir à l’oxydation totale de ce composé, hydrothermales
Température (°C)
Température (°C)
600 Solide-Vapeur 600 Solide-Vapeur
constitutif du réacteur) permet de conserver généralement des ren- (S+V)
(S+V)
dements de conversion supérieurs à 99 %. 500 500
V+L
400 400
Liquide
À retenir
300 (L) 300
– Au-delà du point critique, l’eau se comporte comme un gaz 200 200 Liquide-Solide
dense apolaire de faible constante diélectrique. Liquide-Solide Liquide
(L+S)
– Dans ces conditions, les mécanismes réactionnels sont 100 (L+S) 100 (L)
radicalaires.
– En plus de son rôle de solvant, l’eau est une source de 0 0
radicaux hydroxyles et peroxyles, trés réactifs envers les com- 0 20 40 60 80 100 0 20 40 60 80 100
posés organiques. % massique NaCl % massique Na2SO4
– Le mécanisme d’oxydation est une suite de réactions a sel de type I b sel de type II
d’attaque, de recombinaison, de scission, jusqu’à la formation
de CO2 et d’eau, et éventuellement d’espèces réfractaires
stables. Figure 4 – Diagrammes de phase à 25 MPa d’un sel de type I (NaCl)
et d’un sel de type II (Na2SO4) (d’après [8])
L’apparition de dépôts de sels dégrade le bon fonctionnement KF, RbF, CsF ; LiCl, LiBr, LiI ; LiF, NaF
des réacteurs d’oxydation hydrothermale, par la diminution des NaCl, NaBr, NaI
transferts de chaleurs aux parois, à cause de l’encrassement, par
l’apparition de corrosion entre la couche saline et la paroi interne, CaCl2, CaBr2, CaI2 ; SrCl2, SrBr2 ; CaF2 ; SrF2 ; BaF2
néfaste à la tenue mécanique des équipements sous pression, et BaCl2, BaBr2
par le colmatage, entraînant des difficultés de régulation de la
pression opératoire pour des réacteurs opérant en continu [7]. Le
mécanisme de dépôt des sels issus de l’oxydation de déchets K2CO3, Rb2CO3 Li2CO3, Na2CO3
contenant des hétéroatomes est une combinaison de l’effet des
conditions opératoires hostiles et de la nature desdits sels. La Rb2SO4 ; Na2SeO4 Li2SO4, Na2SO4, K2SO4, KLiSO4
solubilité, le diagramme de phase de chaque espèce (des
exemples de diagrammes de phase à 25 MPa sont présentés K2SiO3 Li2SiO3, Na2SiO3
figure 4) et les modes de nucléation sont parmi les points clés
pour la compréhension de ce mécanisme. K3PO4 Li3PO4, Na3PO4
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