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Fractionnement de la matière
organique pour la caractérisation
des eaux usées urbaines
■ M.C.L. DA SILVA1, S. PONTVIANNE1, M.N. PONS1

Mots clés : boues activées, caractérisation des eaux usées, fractionnement de la DCO, eaux usées

1. Introduction particulaire/inerte/biodégradable) [HENZE, 1992] et


pour connaître leurs évolutions en fonction du
L’intensification des activités humaines liées à temps. Le fractionnement de la matière organique des
l’accroissement de la population et au développement eaux usées, mesurée et exprimée par la demande chi-
économique entraîne une augmentation de la pollu- mique en oxygène (DCO), a été développée initiale-
tion des masses d’eau continentale. Le respect des ment pour caractériser l’eau urbaine [EKAMA et al.,
normes de rejet des effluents doit permettre d’amé- 1986 ; ORHON et al., 1997 ; SPERANDIO et PAUL,
liorer cette situation notamment dans les zones 2000]. Actuellement, on trouve également dans la lit-
sensibles. De nombreux efforts ont été entrepris pour térature quelques travaux qui traitent du fractionne-
l’optimisation de la conception et du fonctionnement ment d’eaux usées industrielles [ORHON et al.,
des installations de traitement des eaux usées en 1995 ; ANDREOTTOLA et al., 1997 ; ORHON et al.,
utilisant notamment des modèles. La famille de 1999 ; BABAN et al., 2004 ; BOURSIER et al., 2005].
modèles ASM (Activated Sludge Model) a été déve- Dans les deux cas, il n’existe pas de protocole simple
loppée dans le cadre de l’IWA (International Water et normalisé pour mesurer toutes les fractions de la
Association). Elle est la plus connue et aussi la plus DCO et de l’azote organique [STRICKER, 2000]. Les
utilisée pour les systèmes à boues activées [GER- principales méthodes reposent sur l’utilisation de
NAEY et al., 2004 ; SIN et al., 2005]. Ces modèles réacteurs aérés pendant 20 à 30 jours, sur la mesure
sont compacts et constituent un élégant résumé de de la demande biologique en oxygène ultime, sur la
l’état de la compréhension des phénomènes biolo- respirométrie avec différents rapports entre les quan-
giques mis en jeu [HENZE et al., 2000]. Leur étalon- tités de pollution et de biomasse utilisée et sur la
nage est cependant nécessaire pour chaque applica- séparation physico-chimique (coagulation et filtra-
tion. Cela demande plusieurs étapes, dont la caracté- tion à plusieurs niveaux de porosité). Cette dernière
risation des eaux usées et la détermination des méthode est certainement la plus aisée à mettre en
cinétiques et de la stœchiométrie des réactions oeuvre, mais elle ne peut pas aborder la question de la
biologiques. biodégradabilité.
De nombreuses méthodologies ont été développées
En prenant l’exemple du modèle ASM1, qui est l’un
pour la caractérisation des eaux usées, en termes des
des plus employés, la DCO totale est divisée en une
différentes fractions qui les composent (soluble/
fraction organique inerte et une fraction organique
biodégradable. Les polluants inertes sont apportés par
l’eau usée ou sont issus de la lyse bactérienne. Ils ne
1 Laboratoire des Sciences du Génie Chimique, CNRS-ENSIC-INPL.
1, rue Grandville BP 451 54001 Nancy cedex France. sont pas biodégradables et traversent le procédé sans
(Mél. : louren14@ensic.inpl-nancy.fr ; modification. Si les composés inertes solubles se com-
steve.pontvianne@ensic.inpl-nancy.fr ;
pons@ensic.inpl-nancy.fr) portent comme des traceurs dans la station, les com-

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Fractionnement de la matière organique pour la caractérisation des eaux usées urbaines

Figure 1. Décomposition de la DCO en variables du modèle ASM1

posés particulaires sont piégés dans les boues. Les lation Model 1 ou BSM1 [COPP, 2001] est de
polluants biodégradables sont des substrats de crois- quelques pour-cents :
sance pour les bactéries. On les sépare en deux caté- Xs/DCO = 53,9 ± 3,2 %,
gories selon leur cinétique de dégradation. Les sub- Ss/DCO = 17,4 ± 2,6 %,
strats rapidement assimilables passent à travers la Si/DCO = 8,5 ± 2,5 %
membrane cellulaire et sont immédiatement utilisés, et Xi/DCO = 12,8 ± 3,1 %
alors que les substrats lentement dégradables doivent (la biomasse complète cette composition). Pour
subir au préalable une étape d’hydrolyse enzymatique évaluer expérimentalement cette variabilité on a
limitante. La figure 1 schématise cette décomposition. donc développé un test miniaturisé de fractionne-
ment sur plusieurs réacteurs parfaitement agités en
L’objectif de ce travail est d’étudier la possible variabi- parallèle.
lité de ce fractionnement en fonction du temps. Elle
a déjà été mise en évidence par temps de pluie 2. Matériels et méthodes
[STRICKER, 2000]. Comme on va le voir dans la Le protocole utilisé est proche de celui de [STRIC-
suite, la méthode utilisée pour déterminer les frac- KER, 2000], combinant séparation par filtration et
tions est longue et elle est donc le plus souvent test de biodégradabilité. Après caractérisation des
appliquée sur des échantillons moyens collectés sur eaux usées en utilisant des méthodes classiques et des
24 h ou ponctuels. Sa meilleure connaissance par méthodes alternatives (spectroscopie UV-visible et
temps sec permettrait en particulier d’affiner le pilo- fluorescence), on a réalisé des tests de biodégrada-
tage des installations. En effet, une dénitrification tion en incubant des échantillons d’eau usée brute et
efficace exige un équilibre entre les nitrates et la filtrée.
pollution soluble rapidement biodégradable. On est
souvent obligé de compléter cette dernière par un 2.1. Prélèvement et échantillonnage
apport externe, par exemple sous forme de méthanol. Les échantillons d’eau usée à caractériser ont été
On pourrait mieux l’ajuster si l’on connaissait effecti- prélevés par temps sec sur la station d’épuration du
vement le fractionnement de la matière organique et Grand-Nancy après l’étape de dégrillage, au niveau
à quel moment la pollution soluble rapidement du bac de dessablage. Le dessableur, fortement
biodégradable est la plus disponible. La variabilité mélangé par un système d’aération est alimenté par
journalière que l’on peut calculer sur l’eau usée un mélange composé d’eaux usées urbaines, de
virtuelle qui alimente le modèle Benchmark Simu- substances provenant du curage de fosses septiques

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Hydrologie urbaine

et des eaux d’exhaure provenant du traitement des


boues (digestion, élutriation et centrifugation). Les
eaux d’exhaure sont injectées régulièrement (toutes
les 30 min environ). La station a une capacité de
350 000 EH et reçoit les eaux usées des vingt com-
munes composant la communauté urbaine, ce qui
correspond à environ à 100 000 m3.j-1 [LE BONTÉ,
2003]. Nous avons utilisé un préleveur automatique
sur 24 h avec une période d’échantillonnage de 1 h.
Le volume prélevé à chaque déclenchement est de
800 ml. Pour constituer les échantillons placés dans
le système de réacteurs, on a regroupé ces échan-
Figure 2. Le système de petits réacteurs utilisé
tillons quatre par quatre pour obtenir des échan-
tillons regroupés sur 4 h. Ensuite des aliquotes,
filtrés ou non, ont été placés dans des petits réacteurs mide. On ensemence les réacteurs avec environ
(500 ml) cylindro-coniques, aérés par le fond avec de 0,5 ml de boues activées provenant de l’étage biolo-
l’air humide. gique de la station. Une aliquote de chaque échan-
tillon moyen a été de plus filtrée sur disques en acé-
2.2. Analyses tate de cellulose à 0,45 μm pour mesurer la fraction
Sur chaque échantillon moyen ont été mesurés la de- initiale inerte carbonée. Ce seuil de coupure est
mande chimique en oxygène (méthode Hach nº 435), usuellement admis pour la détermination de la DCO
l’ammonium (méthode Nessler Hach n° 8038), la tur- soluble. L’évolution de la DCO dans les réacteurs peut
bidité en unité FTU et les matières sèches. La de- être représentée selon la figure 3.
mande biologique en oxygène à 5 jours (DBO5) a été Les échantillons filtrés à 1,20 μm placés dans les sys-
obtenue par la méthode manométrique (système tèmes F sont utilisés pour déterminer le rendement
Oxytop placé dans une enceinte thermostatée à cellulaire apparent (␳a) pour chaque échantillon. On
20°C). La caractérisation spectroscopique a été peut le calculer à l’aide de la relation (1) :
réalisée avec une aliquote des échantillons moyens ␳a = Yh.f’p (1)
filtrés (filtre à papier 7μm). Les spectres UV-visible où Yh est le rendement cellulaire des bactéries hété-
ont été obtenus par balayage dans la gamme 200- rotrophes (g DCO formé.g DCO oxydé-1) et fp est la
600 nm sur un spectrophotomètre Secomam Anthe- fraction de la biomasse produisant de la matière par-
lie Light. Les spectres de fluorescence synchrone ticulaire inerte selon le concept de respiration endo-
(⌬␭ = 50 nm) ont été obtenus sur un spectrofluori- gène (sans dimension). Après environ 21 jours
mètre Hitachi F-2500. (temps suffisant pour minéraliser la matière orga-

2.3. Fractionnement de la matière organique


carbonée
Les échantillons moyens sont homogénéisés manuel-
lement puis une aliquote est placée dans les réacteurs
d’eau brute (B). Le reste des échantillons moyens est
filtré sous vide en cascade (filtre en papier 7 μm puis
filtres en fibre de verre 1,2 μm). Ces échantillons sont
placés dans les réacteurs d’eau filtrée (F). La figure 2
présente le système de petits réacteurs (volume uni-
taire = 500 ml) utilisé dans cette étude. Les réacteurs
Figure 3. Évolution de la DCO dans les réacteurs entre le prélèvement
sont maintenus à 20°C et sont aérés par de l’air hu- initial et final

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Fractionnement de la matière organique pour la caractérisation des eaux usées urbaines

nique), on peut obtenir la valeur du rendement Si. Selon [ORHON et ARTAN, 1994], la production
apparent pour chaque réacteur F qui contient l’échan- de Sp dans les boues activées n’est pas significative
tillon filtré : devant Si pour une boue développée sur une eau usée
urbaine à au moins 20°C.
␳a = DCOT (tf) – DCOF1,2(tf) (2)
DCOF1,2(t0) – SI On peut calculer toutes les fractions de la DCO à
où DCOT(tf) est la mesure de la DCO totale dans partir des expressions données dans le tableau I.
le réacteur F au dernier jour de la manipulation Comme la concentration de la biomasse ajoutée dans
(mg DCO.l-1), DCOF1,2(tf) est la valeur de la DCO le système est très faible en termes de matière orga-
soluble (filtré à 1,20 μm) dans le réacteur F au nique carbonée (⌬DCO = 7 mg DCO.l-1), on consi-
dernier jour de la manipulation (mg DCO.l-1), dèrera donc à la fin de la manipulation que les frac-
DCO F1,2(t0) est la valeur de la DCO soluble (filtré à tions Xb et Xp produites sont très faibles et peuvent
1,20 μm) dans le réacteur F au premier jour de la être négligées pour obtenir les variables d’état dans le
manipulation (mg DCO.l-1) et SI est la quantité de bilan de DCO initiale et finale.
DCO inerte soluble (mg DCO.l-1). Le suivi du système a été observé par l’évolution de
Cette méthode repose donc sur les hypothèses sui- la dégradation de la DCO. Après stabilisation de la
vantes. valeur de cette dernière, on a réalisé toutes les ana-
❶ La filtration à 0,45 μm permet une séparation lyses sur les échantillons des réacteurs B et F.
acceptable entre Ss et Xs. Par conséquent, on consi-
dère que la valeur de la DCO sera égale aux concen- 3. Résultats
trations des fractions soluble inerte et rapidement
biodégradable (DCOF0,45 = Ss + Si). Le fonctionnement du système est illustré par les ré-
❷ La fraction de biomasse vivante dans l’eau usée sultats obtenus durant deux campagnes réalisées par
peut être incluse dans la fraction soluble lentement temps sec, la première en juin (été et fin de week-
biodégradable (Xs). end) et la seconde en novembre (automne et jour
❸ Le rendement de croissance cellulaire f’p.yh a la ouvré) 2005.
même valeur à la fin du test dans les deux réacteurs
(couple brute-filtrée). 3.1. Caractérisation globale
❹ La filtration à 1,20 μm permet une séparation Les principales caractéristiques des échantillons ini-
acceptable entre Si et Xi. Dans la littérature, les don- tiaux sont présentées dans le tableau II. On observe
nées concernant la granulométrie de Si sont indiquées une grande variabilité des paramètres mesurés pour
comme variant entre 1 nm [LEVINE et al, 1985] et chaque échantillon.
moins de 1,20 μm [WENTZEL et al, 1999]. Pour la campagne de juin 2005, les échantillons ont
❺ La production de produits microbiens solubles été prélevés entre un dimanche soir et le lundi soir
inertes (Sp) dans les réacteurs est négligeable devant suivant. On observe que les échantillons prélevés en

Variable d’état Description Formule


DCOT(t0) Fraction de la matière organique carbonée totale initiale DCOT(t0) = Ss + Si + Xs + Xi
DCOT(tf) Fraction de la matière organique carbonée totale finale DCOT(tf) = Si + Xp + Xi
Si Fraction de la matière organique carbonée soluble inerte Si = DCOF1,2(tf)
Ss Fraction de la matière organique carbonée rapidement
Ss = DCOF0,45(t0) – Si
biodégradable
Xi Fraction de la matière organique carbonée inerte
Xi = DCOT(t0) – (Si + Ss + Xs)
particulaire ou insoluble
Xs Fraction de la matière organique carbonée particulaire
Xs = (DCOT (t0) – DCOT(tf)/(1 – ρa) – Ss
lentement biodégradable
Tableau I. Expressions mathématiques pour la détermination des différentes fractions carbonées
(cas du modèle ASM1)

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Hydrologie urbaine

fin de matinée (9 h - 12 h) et pendant l’après-midi (à 254 nm) et les nitrates (à 205 nm). En fluorescence
(13 h - 16 h) sont les plus concentrés. L’échantillon synchrone, des molécules de type tryptophane
5 h - 8 h a été le moins concentré pour tous les para- (␭exc = 280 nm et ␭em = 330 nm) forment une large
mètres sauf pour la matière sèche. Pour la campagne bande : son intensité de fluorescence peut être utilisée
de novembre 2005, les échantillons ont été prélevés comme une mesure alternative, rapide et n’utilisant
entre un jeudi après-midi et le vendredi après-midi pas de réactif, de la concentration en azote organique
suivant. A la différence de l’été, les échantillons les dissous [BAKER et al , 2003 ; PONS et al., 2004].
plus concentrés (concernant les analyses de DCO to- Les figures 4a, 4b, 4c et 4d représentent l’évolution au
tale et soluble, d’ammonium et de turbidité) sont cours du temps de la DCO totale dans les réacteurs B
ceux prélevés pendant l’après-midi (15 h -18 h), le et F pour chaque campagne. La DCO totale diminue
soir (19 h -22 h) et la nuit (23 h - 2 h). L’échantillon par dégradation de la fraction dégradable puis se sta-
7 h - 10 h a été le moins concentré pour la DCO to- bilise après environ 15 jours. Cette période est un peu
tale et soluble mais sa DBO a été la plus forte. Confor- plus longue que celle rapportée dans la littérature qui
mément à des études sur la variabilité d’eaux usées indique une stabilisation de la DCO vers le 10e jour.
urbaines réalisées précédemment, ces horaires cor- La figure 4d présente le suivi des réacteurs F pour la
respondent aux charges organiques les plus élevées campagne de novembre et on observe une augmen-
par temps sec. tation anormale des valeurs de la DCO pour quelques
De manière générale, et à l’exception de la matière sèche échantillons (19 h - 22 h, 23 h - 2 h, 7 h - 10 h et
totale, les valeurs moyennes des différents paramètres 11 h - 14 h) en fin d’expérience. Cela est peut-être dû
obtenues pour l’été et l’automne sont voisines. à l’incertitude associée à l’analyse de la DCO notam-
ment pour les valeurs plus faibles. La reproductibi-
3.2. Variabilité du fractionnement de la matière lité de cette technique est assez limitée dans cette
organique carbonée gamme de concentration car des écarts d’environ
Le suivi du système de réacteurs B et F a duré 21 30 % peuvent être observés [LA PARA et al, 2000]. À
jours. La DCO totale permet de suivre la dégradation la fin de l’expérience, on a trouvé des valeurs très
de la matière organique globale, alors que la spectro- faibles de la matière organique carbonée, notamment
scopie UV-visible permet de suivre la DCO soluble pour les réacteurs F et leurs échantillons filtrés.

Paramètres
Échantillon
DCO totale DCOsoluble DBO5 Ammonium Turbidité Matières sèches
(mg .l-1) (mg.l-1) (mg.l-1) (mg.l-1) (FTU) (mg .l-1)
J ui n (ŽtŽ et fi n d e w eek-en d ) 2 0 0 5
17 h - 20 h 439 119 150 38,1 69 893
21 h - 0 h 401 128 150 41,9 80 1 007
1h-4h 453 119 ND 39,6 66 741
5h-8h 169 68 60 34,5 35 849
9 h - 12 h 513 121 180 53,8 106 1 154
13 h - 16 h 618 126 ND 47,6 126 855
Moyenne 432 114 135 42,6 80 917
No v emb re (auto m ne et jo ur o uvrŽ) 2 0 0 5
15 h - 18 h 610 110 20 44,9 141 800
19 h - 22 h 542 108 20 40,5 187 1 200
23 h - 2 h 548 113 20 41,3 139 1 400
3h-6h 357 74 ND 34,2 101 2 200
7 h - 10 h 222 69 60 49,9 142 1 800
11 h - 14 h 464 101 ND 26,5 65 2 200
Moyenne 457 96 30 39,6 194 1 600
*ND : non déterminé.
Tableau II. Caractéristiques initiales de chaque échantillon moyen d’eau usée analysée

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Fractionnement de la matière organique pour la caractérisation des eaux usées urbaines

Figure 4. Evolution de la DCO totale au cours du test de fractionnement dans les réacteurs contenant de l’eau
usée brute (B : a et c) et filtrée (F : b et d) (campagne de juin : a et b ; campagne de novembre : c et d)

Les figures 5a et 5b présentent les résultats obtenus carbonée particulaire inerte et lentement biodégra-
pour le fractionnement de la matière organique dable (Xi et Xs) et la fraction de la matière organique
carbonée pour les campagnes réalisées. On s’aperçoit carbonée soluble inerte (Si).

d’une importante variation entre les valeurs de Si on fait la comparaison entre les deux campagnes,
chaque échantillon. Cela a été observé principale- on observe que les fractions biodégradables sont les
ment pour les fractions de la matière organique plus importantes dans tous les échantillons : elles

Figure 5. Fractionnement de la matière organique carbonée par les campagnes de juin (a) et de novembre (b) 2005

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représentent environ 80 % en moyenne de la DCO d’eau filtré respectivement pour la campagne de


totale. Néanmoins, dans la campagne d’automne, on novembre 2005. Les différences entre les spectres
a observé une valeur minimale de la fraction biodé- tiennent à la fois en leur composition et en leur
gradable d’environ 55 % pour l’échantillon 7 h - 10 h. concentration. Pour mieux visualiser l’effet de dilu-
La fraction inerte observée dans les deux campagnes tion de la pollution, les spectres ont été normalisés,
varie de 5 à 40 % et présente des différences impor- de telle sorte que l’aire sous chaque spectre soit égale
tantes suivant la campagne : pour celle de juin, la à 1. La présence de points isobestiques [POUËT et
valeur moyenne est égale à 15 % et pour celle de al., 2004] permet de mieux voir les différences de
novembre, elle est d’environ de 22 %. Ce résultat composition, car les spectres normalisés sont suppo-
pour la campagne de novembre est à rapprocher des sés être représentatifs de la même quantité de matière
valeurs obtenues pour les matières sèches des échan-
absorbante (sous l’hypothèse que les espèces pré-
tillons bruts. Les valeurs les plus fréquemment trou-
sentes aient la même absorptivité). Pour les échan-
vées dans la littérature (tableau III) sont d’environ de
tillons d’eau brute, un échantillon, celui correspon-
70 à 86 % pour les fractions biodégradables et de 14
dant à la tranche 7 h -10 h, se distingue des autres
à 30 % pour les fractions réfractaires (valeurs
dont les spectres normalisés se superposent. Les dif-
moyennes). On observe une grande variabilité sui-
férences entre les spectres, qu’ils soient directs ou
vant les auteurs. Cela est notamment le cas pour la
normalisés, provenant des échantillons filtrés sont
fraction de matière organique soluble inerte (Si). Par
faibles. Cela confirme l’importance des matières par-
contre, les valeurs rapportées pour la fraction soluble
ticulaires retenues lors de la filtration. Pour les
rapidement biodégradable (Ss) sont voisines (mini-
spectres des échantillons bruts et filtrés en fin de test
mum égal à 8 % et maximum de 25 %). On observe
que la fraction particulaire lentement biodégradable de biodégradabilité, on observe nettement la présence
(Xs) est la plus élevée. Nos valeurs coïncident avec d’un pic vers 218 nm, qui est dû aux nitrates formés
ces ordres de grandeur. à partir de l’ammonium et de l’azote organique pré-
sents dans les échantillons initiaux. Les spectres nor-
malisés n’apportent guère d’information supplémen-
Fractionnement de la DCO (%) taire par rapport aux spectres directs, la différence de
Référence
Si Xi Ss Xs composition étant due principalement à des teneurs
EKAMA (1986) 5 ---- 20 62 différentes en nitrates dans les réacteurs en fin d’expé-
HENZE (1992) 20 - 25 ---- 20 ----
rience. La figure 8 montre les différentes valeurs d’ab-
ORHON (1997) 15 44 8 ----
sorbance à 254 nm (A254) observées sur les échan-
SPÉRANDIO (1997) ---- ---- 8,5 48
tillons d’eau brute et filtrée en début (figure 8a) et en
IWA, cité par [STRICKER, 2000] 10 15 25 45
BSM1, d’après [COPP, 2001] 8,5 12,8 17,4 53,9 fin (figure 8b) du test de biodégradabilité en no-
STRICKER (2000) 10 10 25 55 vembre 2005. Les échantillons d’eau filtrée présen-
Tableau III. Données de la littérature pour le fractionnement de tent une absorbance initiale beaucoup plus faible que
la DCO pour l’eau usée urbaine
les échantillons non filtrés. Si l’échantillon brut de la
plage horaire 15 h - 18 h présente à la fois la plus forte
DCO totale et la plus forte absorbance A254, il n’y a
3.3. Analyses spectroscopiques
pas de relation linéaire entre ces deux paramètres
Les méthodes spectroscopiques ont été utilisées en
parallèle des tests de biodégradabilité. Elles permet- pour les autres tranches horaires. Cela reflète des dif-
tent de suivre rapidement certains traits de la com- férences de composition des échantillons, notamment
position d’un échantillon. Les figures 6a et 6b présen- en ce qui concerne la fraction particulaire. À la fin du
tent les spectres UV-visible obtenus au début du test test de biodégradabilité, les absorbances à 254 nm
de biodégradabilité pour les réacteurs d’eau brute et sont très faibles pour l’ensemble des échantillons.

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Fractionnement de la matière organique pour la caractérisation des eaux usées urbaines

Figure 6. Spectres UV-visible directs (a et b) et normalisés (c et d) des échantillons d’eau brute (a et c) et filtrée (b et d) pour la
campagne de novembre 2005 au début du test de biodégradabilité

Figure 7. Spectres UV-visible directs (a et b) et normalisés (c et d) des échantillons d’eau brute (a et c) et filtrée (b et d) pour la
campagne de novembre 2005 à la fin du test de biodégradabilité

Les différences observées sur les teneurs finales en gueur d’onde d’excitation et la longueur d’onde
nitrates sont liées aux teneurs initiales en azote d’émission, la bande correspondant à une lon-
ammoniacal et en azote organique. La fluores- gueur d’onde d’excitation centrée sur 280 nm est
cence permet de suivre l’évolution d’une partie de représentative d’un ensemble de molécules simi-
cet azote organique, notamment celui lié au méta- laires au tryptophane et issues en grande partie de
bolisme humain. Dans le spectre de fluorescence l’urine. La seconde bande est liée notamment à la
synchrone d’un échantillon d’eau usée domestique présence d’acides humiques et fulviques dans la
obtenu pour une différence de 50 nm entre la lon- matière organique dissoute.

TSM numéro 11 - 2007 - 102e année | 79


Hydrologie urbaine

Figure 8. Absorbance à 254 nm (A254) pour les échantillons bruts et filtrés en début (a) et en fin (b) du test de biodégradabilité
pour la campagne de novembre 2005

Figure 10. Fluorescence de type tryptophane (Fluo T) et azote ammonia-


cal des échantillons d’eau brute et filtrée pour la campagne de
novembre 2005
Figure 9. Spectre de fluorescence synchrone (SF50) obtenue sur un
échantillon d’eau usée domestique

La figure 10 montre qu’effectivement les échantillons indiquant une contribution forte de la pollution
bruts et filtrés de la plage horaire 7 h - 10 h sont particulaire. La dégradation progressive de l’azote
riches en azote ammoniacal et en composés de type organique au cours du test de biodégradabilité est
tryptophane. En milieu de journée, la fluorescence illustrée par la décroissance de la fluorescence de type
de type tryptophane « soluble » diminue fortement tryptophane, à la fois sur les échantillons bruts et sur
alors que celles des échantillons bruts restent élevées, les échantillons filtrés, comme le montre la figure 11.

Figure 11. Évolution de la fluorescence de type tryptophane pendant le test de biodégradabilité pour les échantillons d’eau usée
brute (a) et filtrée (b) pendant la campagne de novembre 2005

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Fractionnement de la matière organique pour la caractérisation des eaux usées urbaines

4. Conclusions et perspectives tage de permettre de suivre plusieurs échantillons en


parallèle, son inconvénient réside dans les volumes
Les expériences de fractionnement biologique de la limités utilisés, ce qui conduit à adopter une straté-
DCO réalisées sur un système miniaturisé ont permis gie de suivi adaptée. À ce titre, les méthodes d’ana-
d’observer une certaine variabilité des échantillons lyses spectrophotométriques (alternatives) utilisables
moyens horaires analysés. On a observé d’autre part sur de faibles volumes et ne nécessitant pas de réactifs
des différences entre les deux saisons (l’été / week end ont donné de bons résultats préliminaires et permet-
et l’automne / jour ouvré). La fraction biodégradable tent de compléter les informations fournies par les
compose au moins 80 % de la valeur moyenne alors méthodes globales classiques.
que la fraction inerte correspond à environ 19 %.
Suite à ces expériences, le nombre de réacteurs a été Remerciements
multiplié par deux afin d’affiner l’analyse de la varia- Ce projet bénéficie du soutien du Programme Al␤an
bilité au cours de la journée. Si ce système a l’avan- et du GEMCEA.

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TSM numéro 11 - 2007 - 102e année | 81


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Résumé
M.C.L. DA SILVA, S. PONTVIANNE, M.N. PONS. niacal, de demande biologique en oxygène
Fractionnement de la matière organique pour (DBO), de teneurs en matières sèches et de
la caractérisation des eaux usées urbaines turbidité. Ces mesures sont complétées par
Afin d’évaluer s’il existe une variabilité tem- des analyses spectroscopiques (UV-visible et
porelle, à l’échelle de la journée, des diffé- fluorescence synchrone) La mise en œuvre du
rentes fractions organiques (soluble/inso- système est illustrée par deux essais, réali-
luble, biodégradable/non biodégradable) qui sés en été en en automne. Les fractions bio-
composent les eaux usées urbaines, des tests dégradables représentent au moins 80 % de
de biodégradation en réacteur fermé ont été la pollution et la part d’inerte est d’environ
effectués. Un système de miniréacteurs 19 %. Ces expériences de fractionnement de
aérés, fonctionnant en parallèle et contenant la DCO réalisées sur un système miniaturisé
des échantillons d’eau usée brute et filtrée, a ont pu mettre en évidence une certaine varia-
été conçu. La demande chimique en oxygène bilité journalière des échantillons, avec des
(DCO) a été mesurée pendant cette période variations des fractions insolubles, le fraction-
sur chaque échantillon. Ont été déterminées nement de la partie biodégradable étant, lui,
également les valeurs initiales d’azote ammo- à peu près constant.

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