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Fractionnement de la matière
organique pour la caractérisation
des eaux usées urbaines
■ M.C.L. DA SILVA1, S. PONTVIANNE1, M.N. PONS1
Mots clés : boues activées, caractérisation des eaux usées, fractionnement de la DCO, eaux usées
posés particulaires sont piégés dans les boues. Les lation Model 1 ou BSM1 [COPP, 2001] est de
polluants biodégradables sont des substrats de crois- quelques pour-cents :
sance pour les bactéries. On les sépare en deux caté- Xs/DCO = 53,9 ± 3,2 %,
gories selon leur cinétique de dégradation. Les sub- Ss/DCO = 17,4 ± 2,6 %,
strats rapidement assimilables passent à travers la Si/DCO = 8,5 ± 2,5 %
membrane cellulaire et sont immédiatement utilisés, et Xi/DCO = 12,8 ± 3,1 %
alors que les substrats lentement dégradables doivent (la biomasse complète cette composition). Pour
subir au préalable une étape d’hydrolyse enzymatique évaluer expérimentalement cette variabilité on a
limitante. La figure 1 schématise cette décomposition. donc développé un test miniaturisé de fractionne-
ment sur plusieurs réacteurs parfaitement agités en
L’objectif de ce travail est d’étudier la possible variabi- parallèle.
lité de ce fractionnement en fonction du temps. Elle
a déjà été mise en évidence par temps de pluie 2. Matériels et méthodes
[STRICKER, 2000]. Comme on va le voir dans la Le protocole utilisé est proche de celui de [STRIC-
suite, la méthode utilisée pour déterminer les frac- KER, 2000], combinant séparation par filtration et
tions est longue et elle est donc le plus souvent test de biodégradabilité. Après caractérisation des
appliquée sur des échantillons moyens collectés sur eaux usées en utilisant des méthodes classiques et des
24 h ou ponctuels. Sa meilleure connaissance par méthodes alternatives (spectroscopie UV-visible et
temps sec permettrait en particulier d’affiner le pilo- fluorescence), on a réalisé des tests de biodégrada-
tage des installations. En effet, une dénitrification tion en incubant des échantillons d’eau usée brute et
efficace exige un équilibre entre les nitrates et la filtrée.
pollution soluble rapidement biodégradable. On est
souvent obligé de compléter cette dernière par un 2.1. Prélèvement et échantillonnage
apport externe, par exemple sous forme de méthanol. Les échantillons d’eau usée à caractériser ont été
On pourrait mieux l’ajuster si l’on connaissait effecti- prélevés par temps sec sur la station d’épuration du
vement le fractionnement de la matière organique et Grand-Nancy après l’étape de dégrillage, au niveau
à quel moment la pollution soluble rapidement du bac de dessablage. Le dessableur, fortement
biodégradable est la plus disponible. La variabilité mélangé par un système d’aération est alimenté par
journalière que l’on peut calculer sur l’eau usée un mélange composé d’eaux usées urbaines, de
virtuelle qui alimente le modèle Benchmark Simu- substances provenant du curage de fosses septiques
nique), on peut obtenir la valeur du rendement Si. Selon [ORHON et ARTAN, 1994], la production
apparent pour chaque réacteur F qui contient l’échan- de Sp dans les boues activées n’est pas significative
tillon filtré : devant Si pour une boue développée sur une eau usée
urbaine à au moins 20°C.
a = DCOT (tf) – DCOF1,2(tf) (2)
DCOF1,2(t0) – SI On peut calculer toutes les fractions de la DCO à
où DCOT(tf) est la mesure de la DCO totale dans partir des expressions données dans le tableau I.
le réacteur F au dernier jour de la manipulation Comme la concentration de la biomasse ajoutée dans
(mg DCO.l-1), DCOF1,2(tf) est la valeur de la DCO le système est très faible en termes de matière orga-
soluble (filtré à 1,20 μm) dans le réacteur F au nique carbonée (⌬DCO = 7 mg DCO.l-1), on consi-
dernier jour de la manipulation (mg DCO.l-1), dèrera donc à la fin de la manipulation que les frac-
DCO F1,2(t0) est la valeur de la DCO soluble (filtré à tions Xb et Xp produites sont très faibles et peuvent
1,20 μm) dans le réacteur F au premier jour de la être négligées pour obtenir les variables d’état dans le
manipulation (mg DCO.l-1) et SI est la quantité de bilan de DCO initiale et finale.
DCO inerte soluble (mg DCO.l-1). Le suivi du système a été observé par l’évolution de
Cette méthode repose donc sur les hypothèses sui- la dégradation de la DCO. Après stabilisation de la
vantes. valeur de cette dernière, on a réalisé toutes les ana-
❶ La filtration à 0,45 μm permet une séparation lyses sur les échantillons des réacteurs B et F.
acceptable entre Ss et Xs. Par conséquent, on consi-
dère que la valeur de la DCO sera égale aux concen- 3. Résultats
trations des fractions soluble inerte et rapidement
biodégradable (DCOF0,45 = Ss + Si). Le fonctionnement du système est illustré par les ré-
❷ La fraction de biomasse vivante dans l’eau usée sultats obtenus durant deux campagnes réalisées par
peut être incluse dans la fraction soluble lentement temps sec, la première en juin (été et fin de week-
biodégradable (Xs). end) et la seconde en novembre (automne et jour
❸ Le rendement de croissance cellulaire f’p.yh a la ouvré) 2005.
même valeur à la fin du test dans les deux réacteurs
(couple brute-filtrée). 3.1. Caractérisation globale
❹ La filtration à 1,20 μm permet une séparation Les principales caractéristiques des échantillons ini-
acceptable entre Si et Xi. Dans la littérature, les don- tiaux sont présentées dans le tableau II. On observe
nées concernant la granulométrie de Si sont indiquées une grande variabilité des paramètres mesurés pour
comme variant entre 1 nm [LEVINE et al, 1985] et chaque échantillon.
moins de 1,20 μm [WENTZEL et al, 1999]. Pour la campagne de juin 2005, les échantillons ont
❺ La production de produits microbiens solubles été prélevés entre un dimanche soir et le lundi soir
inertes (Sp) dans les réacteurs est négligeable devant suivant. On observe que les échantillons prélevés en
fin de matinée (9 h - 12 h) et pendant l’après-midi (à 254 nm) et les nitrates (à 205 nm). En fluorescence
(13 h - 16 h) sont les plus concentrés. L’échantillon synchrone, des molécules de type tryptophane
5 h - 8 h a été le moins concentré pour tous les para- (exc = 280 nm et em = 330 nm) forment une large
mètres sauf pour la matière sèche. Pour la campagne bande : son intensité de fluorescence peut être utilisée
de novembre 2005, les échantillons ont été prélevés comme une mesure alternative, rapide et n’utilisant
entre un jeudi après-midi et le vendredi après-midi pas de réactif, de la concentration en azote organique
suivant. A la différence de l’été, les échantillons les dissous [BAKER et al , 2003 ; PONS et al., 2004].
plus concentrés (concernant les analyses de DCO to- Les figures 4a, 4b, 4c et 4d représentent l’évolution au
tale et soluble, d’ammonium et de turbidité) sont cours du temps de la DCO totale dans les réacteurs B
ceux prélevés pendant l’après-midi (15 h -18 h), le et F pour chaque campagne. La DCO totale diminue
soir (19 h -22 h) et la nuit (23 h - 2 h). L’échantillon par dégradation de la fraction dégradable puis se sta-
7 h - 10 h a été le moins concentré pour la DCO to- bilise après environ 15 jours. Cette période est un peu
tale et soluble mais sa DBO a été la plus forte. Confor- plus longue que celle rapportée dans la littérature qui
mément à des études sur la variabilité d’eaux usées indique une stabilisation de la DCO vers le 10e jour.
urbaines réalisées précédemment, ces horaires cor- La figure 4d présente le suivi des réacteurs F pour la
respondent aux charges organiques les plus élevées campagne de novembre et on observe une augmen-
par temps sec. tation anormale des valeurs de la DCO pour quelques
De manière générale, et à l’exception de la matière sèche échantillons (19 h - 22 h, 23 h - 2 h, 7 h - 10 h et
totale, les valeurs moyennes des différents paramètres 11 h - 14 h) en fin d’expérience. Cela est peut-être dû
obtenues pour l’été et l’automne sont voisines. à l’incertitude associée à l’analyse de la DCO notam-
ment pour les valeurs plus faibles. La reproductibi-
3.2. Variabilité du fractionnement de la matière lité de cette technique est assez limitée dans cette
organique carbonée gamme de concentration car des écarts d’environ
Le suivi du système de réacteurs B et F a duré 21 30 % peuvent être observés [LA PARA et al, 2000]. À
jours. La DCO totale permet de suivre la dégradation la fin de l’expérience, on a trouvé des valeurs très
de la matière organique globale, alors que la spectro- faibles de la matière organique carbonée, notamment
scopie UV-visible permet de suivre la DCO soluble pour les réacteurs F et leurs échantillons filtrés.
Paramètres
Échantillon
DCO totale DCOsoluble DBO5 Ammonium Turbidité Matières sèches
(mg .l-1) (mg.l-1) (mg.l-1) (mg.l-1) (FTU) (mg .l-1)
J ui n (t et fi n d e w eek-en d ) 2 0 0 5
17 h - 20 h 439 119 150 38,1 69 893
21 h - 0 h 401 128 150 41,9 80 1 007
1h-4h 453 119 ND 39,6 66 741
5h-8h 169 68 60 34,5 35 849
9 h - 12 h 513 121 180 53,8 106 1 154
13 h - 16 h 618 126 ND 47,6 126 855
Moyenne 432 114 135 42,6 80 917
No v emb re (auto m ne et jo ur o uvr) 2 0 0 5
15 h - 18 h 610 110 20 44,9 141 800
19 h - 22 h 542 108 20 40,5 187 1 200
23 h - 2 h 548 113 20 41,3 139 1 400
3h-6h 357 74 ND 34,2 101 2 200
7 h - 10 h 222 69 60 49,9 142 1 800
11 h - 14 h 464 101 ND 26,5 65 2 200
Moyenne 457 96 30 39,6 194 1 600
*ND : non déterminé.
Tableau II. Caractéristiques initiales de chaque échantillon moyen d’eau usée analysée
Figure 4. Evolution de la DCO totale au cours du test de fractionnement dans les réacteurs contenant de l’eau
usée brute (B : a et c) et filtrée (F : b et d) (campagne de juin : a et b ; campagne de novembre : c et d)
Les figures 5a et 5b présentent les résultats obtenus carbonée particulaire inerte et lentement biodégra-
pour le fractionnement de la matière organique dable (Xi et Xs) et la fraction de la matière organique
carbonée pour les campagnes réalisées. On s’aperçoit carbonée soluble inerte (Si).
d’une importante variation entre les valeurs de Si on fait la comparaison entre les deux campagnes,
chaque échantillon. Cela a été observé principale- on observe que les fractions biodégradables sont les
ment pour les fractions de la matière organique plus importantes dans tous les échantillons : elles
Figure 5. Fractionnement de la matière organique carbonée par les campagnes de juin (a) et de novembre (b) 2005
Figure 6. Spectres UV-visible directs (a et b) et normalisés (c et d) des échantillons d’eau brute (a et c) et filtrée (b et d) pour la
campagne de novembre 2005 au début du test de biodégradabilité
Figure 7. Spectres UV-visible directs (a et b) et normalisés (c et d) des échantillons d’eau brute (a et c) et filtrée (b et d) pour la
campagne de novembre 2005 à la fin du test de biodégradabilité
Les différences observées sur les teneurs finales en gueur d’onde d’excitation et la longueur d’onde
nitrates sont liées aux teneurs initiales en azote d’émission, la bande correspondant à une lon-
ammoniacal et en azote organique. La fluores- gueur d’onde d’excitation centrée sur 280 nm est
cence permet de suivre l’évolution d’une partie de représentative d’un ensemble de molécules simi-
cet azote organique, notamment celui lié au méta- laires au tryptophane et issues en grande partie de
bolisme humain. Dans le spectre de fluorescence l’urine. La seconde bande est liée notamment à la
synchrone d’un échantillon d’eau usée domestique présence d’acides humiques et fulviques dans la
obtenu pour une différence de 50 nm entre la lon- matière organique dissoute.
Figure 8. Absorbance à 254 nm (A254) pour les échantillons bruts et filtrés en début (a) et en fin (b) du test de biodégradabilité
pour la campagne de novembre 2005
La figure 10 montre qu’effectivement les échantillons indiquant une contribution forte de la pollution
bruts et filtrés de la plage horaire 7 h - 10 h sont particulaire. La dégradation progressive de l’azote
riches en azote ammoniacal et en composés de type organique au cours du test de biodégradabilité est
tryptophane. En milieu de journée, la fluorescence illustrée par la décroissance de la fluorescence de type
de type tryptophane « soluble » diminue fortement tryptophane, à la fois sur les échantillons bruts et sur
alors que celles des échantillons bruts restent élevées, les échantillons filtrés, comme le montre la figure 11.
Figure 11. Évolution de la fluorescence de type tryptophane pendant le test de biodégradabilité pour les échantillons d’eau usée
brute (a) et filtrée (b) pendant la campagne de novembre 2005
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Résumé
M.C.L. DA SILVA, S. PONTVIANNE, M.N. PONS. niacal, de demande biologique en oxygène
Fractionnement de la matière organique pour (DBO), de teneurs en matières sèches et de
la caractérisation des eaux usées urbaines turbidité. Ces mesures sont complétées par
Afin d’évaluer s’il existe une variabilité tem- des analyses spectroscopiques (UV-visible et
porelle, à l’échelle de la journée, des diffé- fluorescence synchrone) La mise en œuvre du
rentes fractions organiques (soluble/inso- système est illustrée par deux essais, réali-
luble, biodégradable/non biodégradable) qui sés en été en en automne. Les fractions bio-
composent les eaux usées urbaines, des tests dégradables représentent au moins 80 % de
de biodégradation en réacteur fermé ont été la pollution et la part d’inerte est d’environ
effectués. Un système de miniréacteurs 19 %. Ces expériences de fractionnement de
aérés, fonctionnant en parallèle et contenant la DCO réalisées sur un système miniaturisé
des échantillons d’eau usée brute et filtrée, a ont pu mettre en évidence une certaine varia-
été conçu. La demande chimique en oxygène bilité journalière des échantillons, avec des
(DCO) a été mesurée pendant cette période variations des fractions insolubles, le fraction-
sur chaque échantillon. Ont été déterminées nement de la partie biodégradable étant, lui,
également les valeurs initiales d’azote ammo- à peu près constant.