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Il n’est pas rare d’entendre des personnes dire qu’elles n’ont pas le temps.

Or
celles-ci ont déjà pris le temps de dire qu’elles ne l’avaient pas. Le temps est en
effet un phénomène auquel nous ne pouvons-nous soustraire et tout ce que
nous faisons ou disons s’effectue forcément dans le temps. Toutefois, on ne
peut le saisir ou le toucher et il est fuyant, c’est-à-dire qu’il passe ; c’est pour
cela qu’on en distingue trois périodes : le passé, le présent et l’avenir. Ainsi,
puisqu’il file nous avons sans cesse l’impression paradoxale de ne pas posséder
ce temps puisque nous arrivons déjà trop tard. Quelle est donc cette
perception du temps que nous avons et qui fait que nous disons souvent que
nous ne l’avons pas alors qu’il est partout ? Comment, par une attitude,
pourrions-nous être en phase avec lui, tandis qu’il file ? Tout le problème est
donc de savoir si “avoir” le temps est la bonne formulation : a-t-on le temps au
sens de vouloir s’y soumettre ou au sens de se l’approprier et d’en faire un
moyen de devenir l’individu que l’on est ?

Beaucoup d’hommes trouvent que clairement, que pour eux il manque de


temps. C’est un paradoxe alors que dans la société actuelle les hommes sont
devenus multitâches. Alors, l’impression de manquer de plus de temps
qu’avant parait assez étrange. En effet, nous pouvons réaliser beaucoup plus de
chose dans le même temps imparti qu’avant. Les humains font alors des choses
sans y être. On a pu le voir grâce à la mécanisation des tâches. Elles ont permis
de mettre en évidence que le rapport de l’action et du temps a changé par
rapport aux époques. L’homme de maintenant est dans la poiesis la plus totale
en étant a rien. En effet, « il veut le café mais ne veut pas prendre le temps de
moudre le grain ». Ainsi, l’homme « ne sait pas comment les choses se font ».
Pour George Simondon « le drame est une garantie ». Il montre l’image de la
garantie d’un objet ou l’on ne sait pas ce qu’on en fait réellement. Dans notre
époque, on voit de plus en plus de burn-out. Pascal et Montaigne ont su
montrer que pour beaucoup de personne « ne rien faire c’est perdre son
temps ». Cependant, dans l’essai de l’expérience de Montaigne, pour lui, plutôt
que de se rendre multitâche l’homme veut se rendre toujours disponible.
En se rendant toujours disponible, l’homme ne doit jamais laisser aucun instant
de sa vie au hasard. Pour beaucoup d’humain savoir que la mort existe est
motivant. Il est vrai, que si la mort n’était pas présente l’homme n’agirait pas. Il
faut voir la mort comme un « point final » mais qui n’interrompt aucun
moment de notre vie. C’est grâce a cette mort que nous pensons à vivre. Alors,
celui qui a peur d’être interrompu par la mort ne fait que de vivre. Celui qui a
une vie incorporée par lui est dans l’existence. Pour Epiarne la mort est
exclusive, elle commence qu’après la vie (lettre à Méricée). Pour beaucoup
d’humains, le rapport qu’ils ont aux sentiments les ramènent à des
évènements. Pour les stoïciens on ne peut être qu’avec des évènements. Le
réchauffement climatique en est le parfait exemple. L’influence de l’Homme
sur cette terre est telle qu’il est en train de changer l’ère de la planète. Les
humains sont pour la plupart incapable de dater leur ère. Nous n’avons pas le
temps face au réchauffement climatique. Si beaucoup se moquent de
l’écologie, elle repose malgré tous sur un problème de temps. Nous faisons
aussi une transition énergétique qui tôt ou tard aurait dû être faite. Ainsi, les
gens deviennent de plus en plus égoïstes à cause du temps. La notion du
rapport au temps, à l’événement, peut être vu aussi par le musicien, Joe
Bousquet, poète blessé lors de la guerre de 1914 a pu être l’exemple de la
notion de quasi causalité. La quasi causalité est le fait d’être la quasi cause de
son malheur. C’est-à-dire, pour Joe Bousquet le fait d’avoir été blessé
grièvement lors de la guerre lui laisser le temps de créer le jazz manouche. En
effet, étant resté couché toute sa vie lui a permis de trouver le temps
d’inventer des poèmes dans le temps perdu. Pour lui, « sa blessure existait
avant lui, et il est né pour l’incarner ». Il montre alors le fait de repousser le
destin. Il ne veut pas dire que c’était écrit mais plutôt dire qu’il ne peut que
l’accepter dorénavant.
Pour beaucoup, le temps peut être divisé en trois parties. Ainsi, Pascal
Chabot dans son livre « autour le temps essaie de chonosophie » va parler de 5
notions de temps qu’il ressent dans le monde repris sur les trois notions des
grecs. La première notion de temps est le destin. C’est le temps de Victor Hugo
« il faut que l’herbe pousse et que les enfants meurent ». Ce temps est du pur
aion, temps de la nature. Le destin est alors aion pur. On retrouve chez pascal
chabot le temps de progrès. C’est un temps que l’on date de 1930 à 1932,
naissance de la science moderne. Descartes, lui, mettra en avant le propre de
la science. Pour lui, « il faut que l’Homme deviennent comme le maitre est le
processeur de la nature ». Ainsi, il ne sert à rien d’avoir des connaissances
anatomiques si on ne s’en sert pas dans le médical. C’est le temps de chronos.
L’hyper temps, lui, est le temps que nous vivons en ce moment. Celui d’une
hyper activité au gré de laquelle « une minute ne contient jamais assez de
secondes ». Le temps d’un accomplissement multi taches au fil duquel
précisément l’accomplissement ne prend jamais le temps. Temps de la poiesis
exacerbée et radicale, peut être jusqu’au manque complet de sens. C’est
chronos qui étrangle complètement aion et Kaïros aussi. Puis, le délai prend en
compte, selon par Chabot, cette façon assez contemporaine de vivre le temps
comme compte à rebours. Elle n'est pas vraiment nouvelle si l'on fait mention à
la notion d'apocalypse, mais le délai auquel nous sommes confrontés aujourd'hui
est scientifique, pas religieux. Nous sommes là dans chronos. Enfin l'occasion
est ce qui doit continuer selon Chabot le régime de temporalité préconisé par la
philosophie : trouver le moment opportun.
Réconcilier finalement dans une dimension du temps qui se situe en surplomb de
toutes les autres dimensions dont on perçoit bien à quel point elles sont
problématiques. Evidemment chacune et chacun reconnaît ici le kairos.
Les philosophes grecs se sont appuyés sur trois notions de temps, comme on a
pu le voir, qui avaient été reprise par pascal chabot. Ces trois notions permettent
de définir le temps. Aïon était le temps cyclique, infinie, imperceptible tel le
mouvement du soleil ou celui des saisons. Alors, les grecs avaient une pensée
cyclique. La fertilisation des champs va s’opposer à aïon, elle est typiquement
humaine. On dérègle la nature. Pour les grecs, il n’y a pas de création du monde.
Chronos lui est le temps social, linéaire. C’est un temps que nous pouvons
mesurer grâce a des unités d’intervalles réguliers et égaux. Enfin, Kaïros lui est
le temps de l’occasion opportune. C’est-à-dire, le temps intuitif, l’instant où il
est venu d’attaquer, d’opérer… le moment d’avoir une intuition juste tel le
Général de Gaule qui a eu du Kaïros lors de l’appelle du 18 Juin. C’est le temps
de la juste décision. « Une vie heureuse ne serait une vie remplie de Kaïros ». Le
temps trouvé par joë Bousquet d’inventer le jazz manouche est grâce au Kaïros
ou il a trouvé le temps de jouer de la guitare autrement. Ce temps est alors un
moment de grâce, on essaye de percevoir qu’il y a de l’infini dans le fini.
Alors, l’éthique du stoïcisme vis-à-vis de l’instant à travers aïon, temps
cosmique, affirme qu’il ne dépend pas de soi qu’un instant soit mais plutôt qu’il
dépend de soi d’accepter que cet instant soit. Il n’est alors nullement nécessaire
de se résigner a ce que cet événement soit, d’où la difficulté de la tâche et
l’acceptation d’aïon depuis chronos. Chronos peut être un temps ne définissant
pas que les hommes, car les autres espèces animales, eux, vivent presque
uniquement dans l’aïon afin de desservir des besoins primaires, reproduction ou
de la survie. L’humain, se créer dans chronos et doit construire en lui quelque
chose de surhumain pour « devenir » dans aïon. Chez le philosophe Nietzsche le
surhomme est un homme capable de s’élever moralement et de maitriser ses
instincts par l’amour du destin. Pour lui, « ce qui ne nous tue pas nous rend plus
fort », voit par cette citation qu’un surhomme doit être capable de se surpasser
au-delà des obstacles. Dans « ainsi parlait Zarathoustra » Nietzsche évoque la
caractéristique du surhomme, qui est l’innocence. Il crée alors de nouvelle
valeur sans regrets ni fierté et vit chaque instant comme si c’était le dernier. Il
n’est alors pas du tout dans chronos. Cela qualifie donc particulièrement l’enfant
selon le philosophe, troisième métamorphose après le lion et le chameau dans
son œuvre. Les trois « animaux » cohabitent en nous. Dans notre époque le lion
(révolte contre les idéaux) doit laisser la place à l’enfant (innocence du devenir).
Il va falloir alors être humain trop humain. Il faut vivre aïon dans chronos ;
trouver kaïros dans chronos : c’est l’idée de la fatalité d’un retour des instants.
Cela définie bien l’éternel retour selon Nietzsche, chaque instant n’a d’autre
raison d’être que de revenir a lui-même. Nous n’avons pas un temps linéaire
mais plutôt cyclique. Pour Philipe Rançon l’éternel retour amène à une idée
dépassable. Ainsi, Nietzsche suit Spinoza dans la façon de penser. L’éternel
retour avec le rasoir d’ockhame ne demande pas de principe. Le subterfuge de
Penelope nous rappel ce que nous venons d’expliquer. Son subterfuge est de
tisser pour tisser. Penelope est alors là en pleine praxis elle tisse pour tisser et
non tisser pour gagner de l’argent qui serait là de la poiesis. La poiesis reflète la
mécanisation des tâches de notre monde actuel. La praxis est alors tisser juste
pour le plaisir de tisser. Penelope essaye alors de trouver de l’Aion en tissant.
C’est pour elle être dans l’acte. En outre, faire plaisir a quelqu’un d’autre est de
la poiesis. Elle est la simple définition de comment rater notre vie, il faut vivre
pour soit et non pour les autres. La phrase « tu feras ça plus tard quand tu auras
ton bas » résume la poiesis, l’être humain n’existe plus mais vit afin de remplir
l’objectif d’avoir son bac afin de rendre heureux père et mère et ne faire ce qui
voulait faire réellement. Je rentre dans cet instant comme s’il n’en finirait jamais
s’oppose à ce qu’on vient de voir, on a une notion de cycle faisant écho a la
praxis. L’éternel retour n’est qu’un mode de vie qui fait de l’innocence un
devenir. In fine, Penelope trouve dans aïon le temps qu’elle ne trouverait pas
dans le chronos de Pascal et va surmonter la temporalité dans laquelle vivent les
autres membres de la société.
Grâce aux précédents exemples nous avons vu que les portes du bonheur sont
ouvertes par l’éternel retour. Ainsi, si on dit oui a l’éternel retour on dit oui à
une infinité de kaïros, pour Nietzsche rien ne se finit réellement. Puisque chaque
évènement est parce qu’il est, il revient sans cesse dans sa forme. On voit là
l’image nietzschéen de l’innocence du devenir. L’innocence du devenir doit
avoir un rapport sain et neutre à l’évènement qui s’offre à nous. Il ne faut plus
qu’attendre de l’instant son contenu puisque l’on est conscient de son retour et
de sa forme. C’est-à-dire, mon café de chaque matin je ferai les mêmes gestes et
a la même heure mais il n’aura peut-être pas le même gout. Nous pouvons aussi
illustrer ceci avec l’exemple du journaliste Philipe Lancon, victime et blessé des
attentas de Charlie Hebdos en 2015. Dans son livre, le lambeau, il décrit sa
reconnexion avec la réalité qu’il avait oublié à cause de la brutalité extrême du
choc vécu et raconte alors ce qu’il a vécu de façon très vague et n’adjoint pas les
émotions et la douleur de l’évènement. Son corps avait fait un malaise afin de
calmer la brutalité du moment. Il montre alors la violence de l’instant présent.
Malgré l’évènement tragique, Philipe Lancon arrive à distinguer la forme du
contenu de cet évènement ainsi que son inéluctabilité. Ce contenu peut être
heureux, neutre, dramatique ou brutal, mais la forme ne peut être que brutal et
violente car ce qui arrive n’arrive que par soit même. On peut alors, assembler
l’éternel retour à l’innocence du devenir dans le cycle ou tout devient, tous se
répète, que les choses ont pour seule but elles même. Elles ont une sorte
d’immanence en devant s’élever, pour parvenir à un Surhomme par cet éternel
retour et l’innocence du devenir ne doit être au-dessus des hommes mais au-delà
de ceux-ci.
Il s’avère inutile d’attendre une échéance comme Pascal fait, l’exemple de
Pénélope qui veut donner le meilleur d’elle-même dans un temps qu’elle n’a pas
au départ afin d’arriver à son but, (se marier avec Ulysse). Elle finira par la suite
à trouver et a l’imposer dans sa réalisation. Ce temps n’est autre que aïon, temps
cyclique, lui permet d’avoir un rapport pur et clair avec son travail, c’est la
praxis. Elle lui permet de s’évader et de s’éloigner des autres Hommes qui
l’entourent. Ainsi, on voit en elle, l’idée de revenir en permanence au même
stade (le soir quand elle défait sa toile pour recommencer tout à zéro le
lendemain). Ici, on perçoit alors l’idée d’un éternel retour des instants comme
chez Nietzsche qui sont dans leur forme mais pas dans leur contenu, ce qui va
créer un cycle. En évitant que les événements ne dépendent d’autre chose que
d’eux-mêmes et reviennent une infinité de fois, d’où la notion d’innocence du
devenir.
La réelle question est de savoir si nous avons le temps. Lors de cet écrit
nous avons démontré que dans notre monde beaucoup de confusions se font à
l’égard de ce qu’est le temps et de son usage par chacun. L’augmentation de
nombre de Burn-out et de suicides au cours du temps peut affirmer nos dires.
L’impression perpétuelle de manquer de temps, comme si ce dernier nous
appartenait, peut être vu par le fait que nous sommes actionnaires dans
l’entreprise « temps », or est-ce réellement le cas ? Mais il y a bien quelque
chose que personne ne peut posséder, c’est le temps, aucun être vivant ne peut
s’en détacher. Les trois temps grecs, aïon ; kaïros ; chronos, démontre qu’il y a
un temps qui nous surplombe dans lequel on pourrait intégrer un temps cyclique,
cosmique qui laisserais aïon se faire. Pour Nietzsche c’est l’idée de cycle qui se
retrouve dans tout éternel retour des instants, tout homme qui se réalise se
réalise dans le temps de l’aïon. La façon de penser de ce philosophe nous
apporte une réponse à la question, il est vrai que les instants reviennent sans
cesse, de manière infinie, dans leur forme mais se modifient dans leur contenu.
In fine, il est alors de notre devoir d’accepter les cycles et dans la mesure du
possible de s’emparer de leur réalité pour être dans le temps et devenir notre vrai
« nous ».

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