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Chapitre 4 : Le temps est-il


l’ennemi de l’existence ?
Created @November 10, 2021 10:17 AM

Tags Temps

Pieter Claesz, « Vanité d’instruments de musique et de manuscrits » 1653

On appelle ce type d’oeuvres des « Memento mori », ces oeuvres rappellent la


brièveté et la fragilité de la vie. Tout les objets qui y figurent sont chargés de
symboles : le crâne et le fémur représentent évidemment la mort. Les coquillages
sont la rareté exotique. Les bijoux représentent la richesse alors que les instruments
de musiques représentent le plaisir des sens. Les livres sont quant à eux
représentent les connaissances. Le sablier renversé et la bougie éteinte sont là pour
rappeler que quelle que soient nos richesses ou connaissances, le temps s’écoule
et mène l’homme à la mort

Les hommes considèrent le temps comme une chose dont ils peuvent disposer à
leurs guises. Les hommes personnifient le temps et en font l’acteur principal de leur
déchéance. Le temps n’est pourtant ni une chose ni un acteur, il est dans le domaine
de la physique un élément fondamental dans l’univers. Le temps peut être
représenté comme une dévoration. Le temps est en quelque sorte cyclique, mais
rien ne semble échapper au temps.

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« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve »
Héraclite. « Tout coule » Héraclite

L’homme est le seul être conscient du temps qui passe. Autrement dit, c’est le seul
être qui sait à l’avance qu’il va mourir. L’homme ne se contente pas de vivre, vivre
c’est aller de la naissance à la mort. L’homme lui existe, il est immergé dans le
temps mais c’est le seul qui habite dans le temps et qui essaye de lutter contre le
temps.

I) Savons-nous vraiment ce qu’est le temps ?


1) Le temps est-il hors de nous ?
En physique, le temps est indépendant de nous. La particularité du temps est qu’il
est irréversible, on ne peut pas revenir en arrière. Autant l’espace est réversible,
autant le temps ne l’est pas.

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💡 On parle de la flèche du temps.

Le temps en physique n’est pas un phénomène ordinaire car on ne peut pas


directement en faire l’expérience, on ne peut ni le voir ni le toucher. D’ou pour se
représenter le temps, la physique l’a spacialisé . Sur l’écran d’une horloge, 1 heure
représente la distance parcourue par une aiguille sur mon cadran. Le temps en
physique est un intervalle entre l’instant a où le phénomène commence et l’instant b
où il se termine. La physique a fondé ses repères spatio-temporels sur la
cosmologie (365j5h46min correspond à une année et à la révolution de la Terre
autour du soleil).

Avec Newton, le temps était représenté comme un absolu : il est universel, en tout
point de l’espace il s’écoule de la même manière. Avec Einstein et sa relativité
restreinte, le temps devient relatif : le temps ne s’écoule pas de la même façon en
tout lieu.

2) Le temps n’est-il pas en nous ?


Rien ne nous semble plus évident que l’existence du temps, nous avons une
connaissance intuitive du temps car nous percevons en permanence les effets du
temps par les changements qu’il occasionne. D’où notre conscience du temps vient
de l’expérience que l’on a fait du changement. Même si nous avons conscience du
temps, on ne peut pas démontrer qu’il existe : le passé qui n’est plus, l’avenir qui
n’est pas encore et le présent qui est éphémère.

Pour Saint-Augustin, notre ame s’étire en permanence, soit vers le passé : le


souvenir. Soit vers le futur : l’anticipation. Et notre âme est attentive du présent.

💡 On appelle ce phénomène le « distentio animi », c’est la capacité de


notre âme d’être étirée entre le passé et l’avenir.

Quand je parle, je retiens ce que je viens de dire, je suis attentif à ce que je suis en
train de dire et je réfléchis à ce que je vais dire. D’où le temps n’existe pas si ce
n’est dans notre esprit. L’homme est le seul être qui a conscience du temps qui
passe : la manière dont nous vivons le temps n’a rien a voir avec la manière dont le
temps s’écoule sur une horloge. Le temps de l’horloge est quantitatif, on peut le
mesurer : c’est un temps homogène et métronimique. Le temps de la conscience est
quant à lui qualitatif : en permanence, notre conscience peut accélérer ou décélérer.

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💡 Le temps de la conscience est appelée la durée : c’est la conception
psychologique du temps.

Le temps est le tissu dont l’existence est faite. Plus le temps passe, plus l’existence
s’altère :

« La vieillesse est un naufrage »

II) Exister est-ce subir le temps ?


Seul l’homme a conscience du temps qui passe. Donc, plutôt que de gaspiller
vainement le temps, peut-être vaudrait-il mieux profiter du présent.

« Carpe diem » Epicure

Carpe diem ne veut pas dire qu’il faut vivre au jour le jour sans se soucier du passé
ou de l’avenir. Cela signifie qu’il faut savoir prendre le temps de ce qui est essentiel
en nous : méditer et réfléchir.

💡 Ataraxie : Tranquillité de l'âme, notamment chez les épicuriens et les


stoïciens. Aponie : absence totale de troubles du corps.

Les hommes sont troublés car ils ont peur de la mort. Or l’homme qui craint la mort
est victime de lui-même et de sa propre imagination. Son imagination n’est qu’une
illusion car quand nous serons morts, nous ne serons plus là pour regretter la vie et
nous n’aurons plus aucune sensation. La mort nous libère donc du trouble et de la
peur de la mort. Tant que je suis là, la mort ne l’est pas et quand elle sera là, je ne
serais plus là pour regretter d’avoir perdu la vie.
Pour les Stoïciens, on obéit tous à un destin : autrement dit, nul a le temps de
gaspiller un temps qui ne lui appartient pas. La vie est comme une pièce de théâtre
dont les auteurs (les dieux) ont fixé la durée, et un rôle pour la personne. En
revanche, nous avons la liberté de jouer notre rôle comme bon nous semble. En
conséquence, ce n’est pas la durée de l’existence qui fait la valeur d’une vie, c’est
l’attention que nous portons à chaque jour qui fait cette valeur. Ainsi nous n’aurons
pas de regrets à l’idée de perdre la vie : celle-ci sera bien remplie.

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Les stoïciens ne s’intéressent pas tant à la mort qu’au mourir : la peur de la mort.
Les personnes pensant à la mort s’empoisonnent la vie d’idées noires. D’où on ne
peut pas changer notre mort selon les stoïciens. En revanche, on peut changer de
regard sur la mort et essayer de s’en détacher. Être stoïque, c’est rester serein et
imperturbable.
A priori, il est possible à l’homme de lutter contre le temps et la peur de mourir.
L’homme peut même jusqu’à faire du temps le complice de son existence.
Concernant le passé, certains le vivent comme un fardeau, un poids sur nos
épaules. Or le passé est toujours réinterprété en fonction de nos projets : nous
pouvons changer notre regard sur un événement passé. L’homme est tourné vers
l’avenir : exister c’est avoir conscience d’être en sursis et malgré tout élaborer des
projets. Lorsqu’on se projette, on fait comme si on allait avoir le temps de réaliser ce
projet. Or nous savons que l’on peut à tout moment perdre la vie. Le temps se fait le
complice de notre existence. Nos projets permettent de défier le temps : mais c’est
toujours lui qui est victorieux.

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