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Séquence 3 

: La connaissance
Chapitre 1 : Le temps

Peut-on empêcher le temps de s’échapper ?

Préambule :

Nous partageons certainement le même sentiment frustrant de manquer de temps. Et


cette angoisse qui nous habite est loin d’être superflue, puisque c’est notre vie toute entière
qui est faite de temps. Si nous manquons de temps, c’est que nos vies elles-mêmes nous
manquent, car nos vies sont faites de temps. Avoir le sentiment de manquer toujours de temps
et finir sa vie dans une frustration absolue, ce serait avoir le sentiment que nos vies nous ont
manqué d’une certaine manière.

I. Le temps nous échappe, c’est dans sa nature même

A. Le temps est la mesure du mouvement

Aristote définit le temps comme « le nombre du mouvement selon l’avant et l’après »,
c’est-à-dire ce par quoi nous mesurons le mouvement. En effet, le temps ne se perçoit pas : il
n’est perceptible que parce que nous voyons que les choses en mouvement qui changent : que
l’aiguille de l’horloge avance, que les nuages passent, que le jour succède à la nuit, que les
choses s’usent, que nous vieillissons. Ce n’est qu’à travers ces changements, et non pas
directement que nous pouvons l’observer. Le temps a quelque chose d’insaisissable non
seulement parce que nous ne le percevons pas immédiatement, non seulement parce que nous
ne le rencontrons pas, mais parce qu’en réalité c’est le propre du temps que de nous échapper
toujours. Mais imaginez que l’aiguille arrête d’avancer, que les nuages arrêtent de bouger, que
la nuit ne vienne plus, comment pourriez-vous savoir que le temps passe ? Le temps passerait-
il encore quand plus rien ne se passe du tout ? Voilà ce que nous pouvons comprendre de la
définition d’Aristote : le temps nous fuit toujours, il ne fait que passer 1. Il a pour propriété
fondamentale de toujours nous échapper. Comment faire en sorte d’arrêter l’instant ? Faut-il
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Attention ! Ce n’est pas ce que dit Aristote, c’est le commentaire qu’on peut faire sur la définition qu’il
donne.

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être poète pour penser arrêter l’instant ? Comme nous le propose Lamartine en ces quelques
vers sublimes :

" Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !


Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours ! (…)

" Mais je demande en vain quelques moments encore,


Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.
" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! "
Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?


Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !
Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ? »

Ce poème illustre bien la fuite du temps : personne ne peut l’arrêter, nous pouvons seulement
rêver qu’il se fige lorsque nous vivons des instants de bonheur.

II. Parce que l’instant n’existe pas, nous ne pouvons le saisir

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B. L’ici et le maintenant

Voici ce que nous dit Hegel dans la Phénoménologie de l’esprit, Hegel (philosophe
allemand du XIXème siècle) sur l’instant (le maintenant) :

« On nous montre le maintenant, ce maintenant-ci. Maintenant ; il a déjà cessé d’être


quand on le montre ; le maintenant qui est, est un autre que celui qui est montré, et nous
voyons que le maintenant est justement ceci, de n’être déjà plus quand il est. Le maintenant
comme il nous est montré est un passé, et c’est là sa vérité ; il n’a pas la vérité de l’être. Il y a
donc bien ceci de vrai, qu’il a été ; mais ce qui a été n’a, en fait, aucunement l’être d’une
essence. Il n’est pas, et c’est de l’être qu’il s’agissait. »

Le propre du temps c’est qu’il ne peut pas se conserver. Alors bien sûr il nous en reste
le souvenir, la mémoire, une vague idée. Mais la mémoire ne suffira pas à nous faire retrouver
le temps, à nous faire retrouver le maintenant. Le maintenant d’hier aura disparu pour
toujours. Le maintenant que nous sommes en train de vivre maintenant, vous ne le retrouverez
plus jamais. Tant mieux, si c’est un mauvais moment, trop dommage si c’est un bon moment !
Ce moment-là passe, et il passe pour toujours. Notre vie est incarnée dans l’ici et le
maintenant, mais cet ici et ce maintenant ont pour propriété de se défaire dès que nous
voudrions les maintenir, ils ne se laissent pas retrouver, ni conserver.

Nous passons notre temps à nous plaindre que le temps ne cesse de passer. De quoi
sommes nous en train de nous lamenter ? C’est le principe du temps. Le maintenant trouve sa
définition dans une forme de négativité. Le maintenant est déjà plus quand il est. Dès que
nous disons ‘maintenant !’ ce n’est dès plus maintenant. Ainsi, ce n’est pas un échec de ne pas
savoir maitriser le temps, puisque c’est le propre du temps de nous échapper.

Transition : Cette vision-là du temps nous parait évidente, immédiate, spontanée !


Cette vision du présent qui ne cesse de passer, de cet écoulement qui ne cesse de se succéder.
Mais peut être que le temps tel que nous le vivons n’a rien à voir avec le temps tel qu’il est

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mesuré. Le temps c’est la mesure du mouvement, et nous mesurons le mouvement aux choses
qui se déplacent autour de nous, nous mesurons le temps à la vitesse que met l’aiguille à faire
le tour du cadrant. Mais est-ce vraiment cela le temps pour nous ? Le temps n’est-il qu’une
succession d’instants qui se ressemblent et qu’on ne peut jamais saisir ? Le rapport au temps
comme quelque chose qui se mesure est peut-être une aberration.

II. Nous pouvons empêcher le temps de s’échapper en le retrouvant

B. Le propre du temps de la science, c’est qu’il est discontinu.

Bergson a tenté de montrer comment cette image du temps était en fait une forme de
biais, d’aberration par rapport à ce que nous vivons vraiment. Il a consacré presque toute son
œuvre à dénoncer le faux rapport au temps qu’induit la science. La science décrit le temps tel
que nous ne le vivons pas. Elle montre un temps qui est marqué par des ruptures : elle montre
sur la flèche du temps, une série de temps de rupture, qui sont comme des interruptions
fictives par lesquelles nous passons d’une heure à une autre, d’une minute à une autre, d’un
siècle à un autre.

Pour la science, une minute est égale à n’importe quelle autre minute, une heure est
égale à n’importe quelle heure. Mais cela ne ressemble pas du tout au temps tel que nous le
vivons. Au fond, nous vivons des instants qui sont absolument incomparables les uns avec les
autres. Dans la vie vraiment vécue, une minute n’est jamais égale à une autre minute. Une
heure passée dans la salle d’attente d’un dentiste n’est pas du tout une heure passée à bronzer
sur une plage. Le temps n’est pas du tout homogène.

Bergson parle de la musique pour expliquer le temps : un morceau de musique ce n’est


pas une addition de notes qui se succèdent dans une pure instantanéité. Une note sur une
gamme qui survient dans un morceau n’a pas du tout la même portée selon qu’elle ait été
précédée par telle ou telle phrase musicale. Elle n’a pas le même sens, elle ne produit pas la
même vibration en nous. De la même manière qu’un morceau de musique n’est pas une
juxtaposition d’instants qui se succèdent les uns aux autres, exactement de la même manière
chaque instant de nos vies n’est pas une juxtaposition de présents étrangers les uns aux autres.
Le présent est habité par le passé. Et il est habité par l’avenir parce qu’il est habité par
l’attente, par la manière dont nous nous projetons dans l’attente.

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Finalement, le « maintenant » de Hegel c’est le temps qui n’existe que parce qu’il est en train
d’échapper, de fuir. Or, ce que nous vivons c’est un temps qui dure, un temps qui résiste
même. Si vous vivez une journée qui est marquée par quelque chose que vous attendez avec
joie, toute la journée s’en trouve illuminée. Et si vous vivez une journée où vous avez vécu le
matin quelque chose de particulièrement triste, toute la journée s’en trouve éprouvée. C’est
pourquoi Bergson parle de « durée » pour différencier sa façon de parler du temps d’avec
celle de la science.

B. Empêcher le temps de fuir c’est retrouver notre attention

Pour ne pas laisser le temps fuir, il faut porter notre attention sur ce moment que nous
sommes en train de vivre. Voilà la réponse d’Augustin (philosophe romain du Vème siècle
av. J-C), qui s’est aussi interrogé sur le temps. Porter notre attention sur le temps, c’est
retrouver notre présence au temps, notre présence au passé -que nous appelons le souvenir-
notre présence à l’avenir -que nous appelons l’attente-, et notre présent au présent. C’est-à-
dire cette pure attention à ce que nous sommes en train de vivre, à ce présent que nous
sommes en train de vivre. C’est-à-dire, à ce moment que nous sommes en train de vivre.
Qu’est ce que c’est que ce moment ? Ce n’est pas la seconde qui est en train de passer. Ce
moment c’est la lecture que vous êtes en train de faire, c’est ce cours que vous êtes en train de
suivre : c’est donc un moment qui dure un peu. Ce moment c’est la journée que vous êtes en
train de passer aujourd’hui. Ce moment est donc une certaine épaisseur de temps. L’attention
que nous avons au présent, c’est la meilleure et la seule solution pour ne pas laisser le temps
s’échapper. Donc ne pas laisser le temps s’échapper n’est pas courir de plus en plus vite, ce
n’est pas marcher de mieux en mieux, ce n’est pas aller à chaque instant, à la recherche de
l’instant suivant. Retrouver le temps c’est au contraire, retrouver une forme de présence,
retrouver une attention à ce qui n’est pas de l’ordre de l’immédiateté mais ce qui constitue au
contraire une forme de présence complète au passé, à l’avenir, et au présent dans lequel le
passé et l’avenir viennent s’interpénétrer, se rencontrer : être présent à ce qui nous est présent.
Charles Baudelaire a écrit cette formule qui est à elle seule d’une exigence infinie :
« l’homme le plus parfait c’est celui qui est le plus parfaitement à ce qu’il est et à ce qu’il
fait ».

Cette idée d’une présence à ce que l’on est, d’une présence à ce que l’on fait pourrait
peut-être apporter une réponse à la question « peut on empêcher le temps de s’échapper ? ».

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Qu’est ce qui peut nous le permettre ? Comment donner plus de précision à cette intuition
augustinienne que Bergson, au fond, ne fait que reprendre à son compte.

III. Comment retrouver le temps ?2

A. Prendre conscience de nous difficulté à habiter le présent

Blaise Pascal (que vous connaissez toutes par cœur !) est un des auteurs qui a le
mieux pensé notre incapacité à vivre vraiment le présent. Nous sommes toujours déçus par la
réalité du présent. Soit nous regrettons un passé idéalisé, soit nous ne cessons de nous projeter
dans un avenir qui serait nécessairement meilleur que ce nous sommes en train de vivre. Nous
avons du mal à être authentiquement présent à ce que nous faisons. Nous ne cessons de fuir le
présent. Si nous avons le sentiment que le temps nous manque c’est que nous sommes
constamment en train de tout faire pour manquer au présent que nous sommes en train de
vivre. C’est d’abord parce que nous avons du mal à habiter vraiment le présent : cette
incapacité s’appelle chez Pascal le divertissement. Divertir cela vient du latin « divertere »
c’est-à-dire être toujours à l’écart, toujours retiré de ce qui est devant nous. Le divertissement
nous rend étranger au présent. Nous ne cessons de tenter de nous changer les idées, et c’est la
raison pour laquelle nous ne cessons de nous divertir. Attention « divertissement » ne veut pas
dire nécessairement « loisir » : le divertissement chez Pascal prend des formes infiniment
variées. Le plus efficace de tous les divertissements c’est le travail. Nous multiplions les
soucis, nous multiplions les peines et les difficultés parce que nous voulons éviter de penser
au présent, de penser à tout ce que nous savons être aujourd’hui. Nous voulons éviter de
penser à tout ce qu’il à nous-mêmes, ce qu’il faudrait regarder en face, ce qu’il nous faudrait
considérer avec attention dans notre propre vie. (cf les textes de Pascal dans le chapitre sur le
travail !).

« Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir comme trop
lent à venir, comme pour hâter son cours, ou nous rappelons le passé pour l’arrêter comme
trop prompt (…) C’est que le présent d’ordinaire nous blesse. Nous le cachons à notre vue
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Vous pouvez, dans votre introduction, présenter votre troisième partie sous forme de question.

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parce qu’il nous afflige, et s’il nous est agréable nous regrettons de le voir échapper. Nous
tâchons de le soutenir par l’avenir et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre
puissance pour un temps où nous n’avons aucune assurance d’arriver. » « Que chacun
examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé ou à l’avenir. »

« Que chacun examine ses pensées » le présent n’est jamais notre but, nous dit Pascal.
Ainsi nous ne vivons vraiment jamais, mais nous espérons de vivre. Nous avons du mal à
habiter le seul temps qui soit réellement le nôtre. Le seul temps qui nous appartienne, c’est
celui de cette présence au présent. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne soit pas habité de désirs
bien sûr. Mais que c’est ce présent qu’il convient d’habiter vraiment. Non pas le présent du
maintenant qui est passé dès qu’on l’a prononcé (c’est-à-dire pas le présent que décrit Hegel),
mais c’est ce présent rempli de souvenirs et d’attentes qu’il nous faut habiter.

Peut-être en cet instant précis êtes-vous déjà en train de penser à ce que vous allez
faire ce soir, peut être êtes-vous déjà en train de vous souvenir de toutes les difficultés que
vous avez vécues aujourd’hui. C’est une catastrophe parce que le présent est le seul que nous
puissions habiter véritablement. Et c’est aussi le seul que nous pouvons perdre vraiment. Rien
n’est définitif dans la vie : vous pouvez perdre de l’argent et le reconquérir, vous pouvez
perdre des amis et regagner leur amitié, vous pouvez perdre des affaires et les retrouver. Rien
n’est définitif dans la vie sinon une chose absolument définitive et définitivement perdue c’est
le temps. Le présent que nous n’arrivons pas à habiter, ce présent que nous n’avons pas
vraiment vécu, ce présent-là qui est perdu, il est perdu pour toujours. CE présent perdu pour
toujours, c’est le risque de voir perdu pour toujours cette vie qui est la seule que nous
pourrions avoir vécue, la seule que nous pourrions vivre. Celui qui ne parvient pas à habiter le
présent c’est celui qui ne parvient pas à vivre sa vie. Celui qui vit toujours en pensant que ce
sera mieux demain, celui-là s’empêche d’habiter le présent, et de considérer ce qui dans le
présent mérite d’être vraiment reconnu.

B. Prendre conscience que nous allons tous mourir

S’il y a bien une chose absolument certaine et qui nous relie tous, c’est que nous allons
tous mourir un jour. Il y a trois attitudes possible face à cette prise de conscience :

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1. L’attitude du dépressif : c’est la catastrophe, tout est perdu, tout est de toute façon
condamné à l’insignifiance puisque tout va disparaitre. « Je vais mourir, c’est atroce ».

2. L’attitude du jouisseur : « nous allons mourir un jour, alors, aujourd’hui mangeons et


buvons. ». Parce que nous allons mourir il faut profiter du présent, il faut en tirer le maximum
de plaisir possible. Mais qu’est ce que c’est que ce présent dans lequel il faut jouir et qui ne
cesse de passer ? Très vite l’ivresse de la veille laisse place à la gueule de bois du lendemain.
La jouissance ne peut pas devenir un but suffisant pour l’existence. Si nous recherchons le
plaisir nous allons vite être lassé. La quête du plaisir est toujours décevante, il faut toujours
plus, toujours nouveau…La jouissance nous renvoie à notre incapacité d’habiter le présent.

3. La troisième attitude va au-delà de l’attitude du désespoir et au-delà de l’attitude immédiate


du jouisseur : le sérieux. Le sérieux c’est l’attitude de celui qui prend au sérieux l’infini valeur
du temps. Non pas au sens où le temps deviendrait le prétexte au plaisir mais au sens où le
temps devient la seule occasion d’agir pour quelque chose qui vaille la peine d’être menée.
Parce que nous allons mourir un jour, chacun des instants du temps a une valeur infini. Et de
ce point de vu, la conscience de la mort devient la condition du sérieux. Le sérieux n’est pas
une forme de gravité pénible et ennuyeuse. Le sérieux n’est pas non plus une attitude abattue
et découragée. Mais le sérieux c’est au contraire ce qui permet de donner à la vie l’exacte
mesure de sa valeur. L’exacte mesure de la valeur de chacun des instants du temps, ce qui
nous empêche de devenir indifférent au présent que nous sommes en train de vivre. Chacun
des instants du temps a une valeur infinie parce que précisément, chacun des instants du
temps, si nous le perdons, ne sera plus jamais retrouvé.

Et finalement, la prise de conscience que nous revivons à chaque fois que nous nous
mettons en face de l’évidence de la mort, cette prise de conscience est en fait la condition
nécessaire pour ne pas laisser le temps s’échapper.

Tout cela, c’est ce que nous apprenons en lisant Kierkegaard :+ définir le temps en
introduction

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« Le sérieux comprend que si la mort est une nuit, la vie est le jour ; que si l’on ne peut
travailler la nuit, on peut agir le jour ; et comme le mot bref de la mort, l’appel concis mais
stimulant de la vie, c’est : aujourd’hui même. Car la mort envisagée dans le sérieux est une
source d’énergie comme nulle autre ; elle rend vigilant comme rien d’autre.

La mort incite l’homme charnel à dire : « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons. »
Mais c’est là le lâche désir de vivre de la sensualité, ce méprisable ordre de choses où l’on
vit pour manger et boire, et où l’on ne mange ni ne boit pour vivre. L’idée de la mort amène
peut-être l’esprit plus profond à un sentiment d’impuissance où il succombe sans aucun
ressort ; mais à l’homme animé de sérieux, la pensée de la mort donne l’exacte vitesse à
observer dans la vie, et elle lui indique le but où diriger sa course. Et nul arc ne saurait être
tendu ni communiquer à la flèche sa vitesse comme la pensée de la mort stimule le vivant
dont le sérieux tend l’énergie.

Alors le sérieux s’empare de l’actuel aujourd’hui même ; il ne dédaigne aucune tâche comme
insignifiante ; il n’écarte aucun moment comme trop court. (…) Car, en définitive, le temps
est aussi un bien. Qui n’a entendu parler de la valeur infinie prise par un jour, et parfois
même une heure, quand la mort a rendu le temps précieux ! La mort peut cela, mais l’homme
instruit du sérieux peut aussi, grâce à la pensée de la mort, rendre le temps précieux, de
sorte que le jour et l’année prennent une valeur infinie.»

1h
Prise de conscience permet de retrouver le temps

Kierkegaard

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