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LE TEMPS

Introduction : « vivre dans le temps », « avec son temps » ou « en avance sur son temps ». « Avoir du
temps » ou au contraire « en manquer », « tuer le temps », « passer le temps » ou encore le « perdre ».
Hier, aujourd’hui, demain ; avant, après, il y a 10 ans ou l’année de mes 15 ans…. Bref les expressions
relatives au temps ne manquent pas. C’est en effet dans le temps que se déroule notre existence car
exister, c’est être dans le temps. Notre existence est inséparable de la temporalité : elle est temporalité.
Mais c’est aussi à travers l’expérience du temps que les hommes éprouvent leur condition, à savoir leur
finitude ou leur « être-pour-la mort » dira Heidegger. L’épreuve du temps qui passe peut alors être
source d’angoisse. Néanmoins la perspective de la mort n’est sans doute pas étrangère au sens et à la
valeur que nous donnons à notre existence. (Cf. à ce sujet : Pascal et le divertissement comme fuite en
avant ; le désir d’éternité ; mais aussi les philosophies antiques : épicurisme et stoïcisme).
Le temps est apparemment facile à concevoir mais il représente pourtant un mystère très bien traduit
par la célèbre citation de St Augustin dans les Confessions : « qu’est-ce que le temps ? Si personne ne me
le demande, je le sais. Mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus ».
Le temps est intimement lié à notre existence : nous n’en sortons jamais d’une part ; d’autre part, nous
ne pouvons pas le supprimer car le fait de penser présuppose le temps lui-même ; et pourtant il semble
impossible à saisir.
De quoi alors parlons-nous lorsque nous parlons du temps et peut-on le définir ? D’autre part,
pouvons-nous agir sur le temps ?

I. Peut-on définir le temps ?

La 1ère difficulté à laquelle nous nous heurtons est celle de l’immatérialité du temps : puisque le temps
est extérieur à nos sens, nous n’en pouvons donner aucune description matérielle. D’autre part, nous ne
pouvons pas parler du temps sans nous situer soit dans le présent soit dans le passé soit dans le futur :
or passé, présent, futur sont fluctuants (le futur devient présent, le présent devient passé) et passent de
l’être au non être : il est à la fois ce qui existe et ce qui n’existe pas. Aristote dit du temps qu’il est « un
être qui se décompose en 2 néants : ce qui fut un néant, ce qui sera un néant ». Tel est le côté
irrationnel du temps. Enfin, nous appréhendons le temps tantôt par l’intelligence, tantôt par l’intuition
càd par l’expérience vécue : par exemple, un film d’une durée de 1h30 (temps objectif de l’intelligence)
passe vite s’il est passionnant pour le spectateur ou au contraire lentement s’il est ennuyeux (temps
vécu subjectivement par la conscience) : pourtant, c’est la même durée (càd : la même quantité de
temps) d’une part, d’autre part, celui qui décrit le temps est lui-même plongé dans le temps.
 Le temps est donc universel et infini : on n’en sort pas, on ne l’arrête pas, on ne peut pas le
délimiter. Qu’est ce alors que le temps ?

Lorsque nous observons la nature ou lorsque nous nous observons nous-mêmes, nous voyons des
choses changer. L’enfant qui a grandi a gagné des centimètres : ce changement correspond à une
succession d’états ; et cette succession d’états est impossible sans le temps (on ne peut pas mesurer 1m
et 1m10 en même temps mais seulement à des moments différents).
L’idée de temps est associée à l’idée de succession. Le temps présuppose le changement (une chose
qui serait toujours identique à elle-même serait éternelle ; cf. Dieu par exemple) : il permet de rendre
compte du changement. C’est ce que dit Aristote : « le temps est le nombre du mouvement selon
l’avant et l’après » (Physique).
Le temps se définit à partir du mouvement mais il ne se réduit pas au mouvement : un mouvement peut
être rapide ou lent, on peut l’accélérer ou le ralentir, ce qui n’est évidemment pas possible au niveau du
temps !

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D’autre part, définir le temps comme « le nombre du mouvement… », c’est associer à l’idée de temps
celle de mesure. Une horloge ou un calendrier par exemple vont établir des unités de temps càd des
grandeurs que l’on peut quantifier. En ce sens, le temps est aussi quelque chose que l’on mesure.

[Par contre les unités de mesure ne sont pas les mêmes selon ce que l’on mesure : le temps géologique
n’est pas le même que le temps historique, qui n’est pas non plus le même que le temps économique ou
social ni même sociologique ; ceux-là n’étant pas réductibles au temps subjectif de l’existence
individuelle. Les échelles ne sont donc pas les mêmes. ]

Ceci nous montre que nous ne pouvons-nous soustraire au temps. De même, nous ne pouvons-nous
soustraire à l’espace. Mais alors que dans l’espace nous pouvons toujours revenir à notre point de
départ, dans le temps en revanche, nous ne pouvons pas revenir en arrière : la principale
caractéristique du temps, c’est son irréversibilité. Il ne peut être parcouru que dans une seule
direction (cf. l’image de la flèche du temps). Tel était le sens de la citation d’Héraclite : « on ne se
baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». Car même si le lieu est le même, même si les
expériences se ressemblent (on peut y retourner avec les mêmes personnes) le moment lui, est différent
et est par conséquent unique. (Cf. texte de Jankélévitch sur Ulysse)
Il faut donc dissocier le vécu du souvenir : nous pouvons aller d’un souvenir à l’autre et revenir à un
souvenir plus ancien ; par contre, le vécu effectif, lui, ne revient pas. (Cf. la « madeleine » de Proust qui
nous transporte instantanément à un moment privilégié de notre enfance…mais seulement par le
souvenir).
La question était de savoir si nous pouvons définir le temps. Nous avons vu que notre existence est
temporelle et que nous n’échappons pas au temps : parler du temps présuppose le temps, dans la
mesure où celui qui y réfléchit vit lui-même dans le temps. Nous faisons sans cesse l’expérience du
changement intérieur (de nos états de conscience) mais aussi du monde extérieur. Nous observons des
phénomènes qui se produisent dans le temps càd des phénomènes temporels, mais observons-nous le
temps lui-même ? Kant dira que le temps (de même que l’espace) apparait comme la condition de
possibilité des phénomènes : « le temps est la condition a priori de tous les phénomènes en général ».
Ce qui signifie que le temps ne provient pas de notre expérience mais qu’au contraire il précède toute
expérience et conditionne tout phénomène. Le temps n’existe donc pas en dehors de la conscience : il
n’a d’existence que subjective (càd relativement à une conscience).
Pourtant il peut faire l’objet d’une mesure et prendre la forme d’un temps objectif.

II. Le temps objectif

La vie en société impose la coordination des activités humaines, d’où la nécessité d’objectiver le temps
et de faire en sorte qu’il soit le même pour tous. Les besoins de la navigation qu’elle soit terrestre,
fluviale ou aérienne nécessite des temps précis pour les calculs de leur position ainsi qu’une
synchronisation du temps : l’heure est la même dans toutes les gares de France et sans cette
synchronisation, il serait impossible de faire rouler des trains sans encombre. Les besoins de l’économie
liée à la globalisation ont aussi abouti à cette mondialisation du temps : la coordination des activités
repose sur des conventions internationales.
Scientifiquement, la mesure du temps se traduit par la mesure d’un espace parcouru par un mobile dont
le mouvement est supposé uniforme : par exemple et pour schématiser à l’extrême l’espace parcouru
par les aiguilles d’une horloge à cadran. Désormais ce sont des horloges atomiques qui mesurent le
temps avec une précision incroyable (une seconde tous les 3 millions d’années !).
Ce temps mesuré par les horloges est un temps abstrait, régulier, homogène et universel. Il a une
utilité sociale incontestable car il permet de se repérer et de s’accorder mais c’est un temps qui ne
correspond pas forcément à l’expérience qu’en fait la conscience. Par exemple pour le contrôleur de

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train, la durée du voyage a la régularité et l’exactitude d’un chronomètre : sauf incident technique, elle
est invariablement la même. Pour la personne qui a le mal des transports, le voyage est interminable.
Pour celle qui rentre de vacances, le temps passe bien trop vite. Pourtant objectivement la durée est la
même, mais subjectivement elle n’est pas vécue de la même manière.

III. La durée vécue ou la temporalité subjective

Le temps abstrait, régulier et homogène mesuré par l’espace n’a rien de commun avec le temps réel,
concret tel qu’il est ressenti par la conscience : ce temps réellement vécu est une donnée purement
subjective qui s’éprouve, qui varie d’une personne à l’autre mais qui ne se mesure pas. Bergson appelle
durée ce temps subjectif de la conscience et il l’oppose au temps objectif construit et mesuré par notre
intelligence.
Cette durée vécue par la conscience est un pur changement qualitatif qui ne se prête pas à la mesure.
Ramener le temps à des mesures, c’est le spatialiser. L’espace est une grandeur mesurable dans la
mesure où l’on peut toujours juxtaposer des longueurs : une partie de l’espace est toujours
superposable à une autre.

Le temps (=celui de la conscience), en revanche, est une grandeur fluide dont l’essence est de couler : si
« on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », c’est parce que rien n’est stable mais qu’au
contraire tout est en devenir.
Bergson reprend cette idée lorsqu’il dit : « la pure durée n’est qu’une succession de changements
qualitatifs qui se fondent, qui se pénètrent sans contours précis, sans aucune parenté avec le
nombre : ce serait de l’hétérogénéité pure. Dès l’instant où l’on attribue la moindre homogénéité à la
durée, on y introduit subrepticement l’espace » (Données immédiates de la conscience).
Même si la mesure du temps a une utilité pratique et sociale que Bergson ne conteste pas, elle passe à
côté du temps réel et concret de la conscience, de la vie intérieure qui est caractérisée par la mobilité et
le changement. La vie intérieure est d’une telle richesse que nous passons constamment d’un état à un
autre sans forcément pouvoir analyser rationnellement ce changement subtil et imperceptible : « la
durée toute pure est la forme que prend la succession de nos états de conscience quand le moi se
laisse vivre, quand il s’abstient d’établir une séparation entre l’état présent et les états antérieurs »
(Données immédiates de la conscience). D’ailleurs chercher à nommer notre intériorité, c’est la couvrir
du vêtement trop conventionnel et trop banal du mot. (cf. cours sur le langage). Mettre des mots sur
nos sentiments, revient à les banaliser et à les rendre homogènes ; c’est aussi les morceler, les classer :
c’est là l’œuvre de l’intelligence qui découpe et décompose la réalité afin d’analyser ; c’est elle qui
construit artificiellement un temps spatialisé, continu, quantitatif et divisible à l’infini. Mais ce temps
(objectif) dénature le temps réel tel qu’il est vécu par la conscience et que Bergson appelle durée.
La durée, saisie comme donnée immédiate de la conscience, est qualitative, discontinue, hétérogène.
Elle est le véritable temps de la conscience. Et, seule l’intuition permet d’y accéder (l’intelligence au
contraire la dénature) car l’intuition « coïncide avec l’objet en ce qu’il a d’unique et par conséquent
d’inexprimable ». L’intuition nous révèle notre moi profond, ce moi intime qui s’écoule à la manière
d’un fleuve et que ni l’intelligence ni le langage ne peuvent saisir (le langage nous donne accès au
« moi superficiel » ou « moi social », celui qui est tourné vers l’utilité sociale et l’action).

Bilan : la nature véritable du temps risque de nous échapper si nous en faisons un milieu homogène,
identique à l’espace. On aboutit alors à un temps abstrait et régulier, étranger à la durée vécue, telle
que nous la suggère notre expérience intérieure qui est faite de changements qualitatifs La durée ainsi
définie constitue une unité organique qu’il serait artificiel de découper en instants précis.
Pourtant, le temps n’est-il pas constitué d’instants ? Le langage courant ne nous entraine-t-il pas à
distinguer passé, présent et futur ?

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IV. Les différents modes d’être du temps : passé, présent, futur

A. Instant et présent
De ces trois moments, un seul semble-t-il nous est réellement donné, un seul parait être réellement
vécu : c’est le présent. En ce sens seul le présent existe ; d’ailleurs nous n’en sortons jamais. Mais d’un
autre côté, nous en sortons… constamment.
Qu’entend-on alors par présent ? On peut le concevoir comme une limite entre avenir proche et passé
immédiat. Il semble alors écartelé entre l’avenir et le passé.

Il ne se confond pas avec l’instant. L’instant, c’est le moment le plus bref, la partie minimale du temps. Il
est par définition insaisissable. D’ailleurs pour Aristote, l’instant n’est pas du temps mais « la limite d’un
laps de temps, d’un intervalle ». Le présent n’est donc pas réductible à l’instant. « Le propre du temps
est de s’écouler ; le temps déjà écoulé s’appelle le passé, et nous appelons présent l’instant où il
s’écoule. Mais il ne peut être question ici d’un instant mathématique. […] le présent réel, concret,
vécu, celui dont je parle quand je parle de ma perception présente, celui-là occupe nécessairement
une durée » (Bergson : matière et mémoire). En ce sens, le présent serait le « maintenant », le moment
où je suis en train de dire ou de faire quelque chose, le moment où je suis en train de percevoir : ce qui
implique un certain déploiement, une certaine consistance, « une certaine épaisseur de durée ». « Ce
que j’appelle « mon présent » empiète tout à la fois sur mon passé et sur mon avenir » (Bergson,
ibid.).
Le présent désignant le « maintenant », le moment où le sujet « est en train de », semble seul réel parce
que seul réellement vécu, par opposition au passé qui n’existe plus et à l’avenir qui n’existe pas encore.
Pourtant le passé a été et l’avenir va être.

B. Le triple présent : St Augustin


Peut-on dire que, seul, le présent est ? Si l’expérience du temps nous est familière (cf. St Augustin), sa
connaissance intellectuelle est en revanche problématique. La temporalité suppose le changement
donc l’avant et l’après (contrairement à l’éternité qui exclut l’idée d’un avant, d’un pendant et d’un
après). Mais que sont cet « avant » qui n’est plus et cet « avenir » qui est à venir ? « Quant au présent,
s’il était toujours présent, s’il n’allait pas rejoindre le passé, il ne serait pas du temps, il serait
l’éternité » (St Augustin : Confessions).
Mon enfance par exemple fait partie de mon passé : en tant que telle dans son effectivité, elle n’est
plus ; ce qu’il en reste c’est une image qui elle, est présente. De même l’avenir n’est pas (sinon il ne
serait plus avenir mais présent). Or quand nous anticipons ou que nous préparons l’avenir en essayant
de prévoir, la prévision montre l’existence du futur sous la forme d’images présentes.
Par conséquent, il n’y aurait pas trois moments différents : passé, présent, avenir mais plutôt trois
formes de présence à la conscience : « il y a trois temps, un présent au sujet du passé, un présent au
sujet du présent, un présent au sujet de l’avenir. Il y a en effet dans l’âme ces trois instances, et je ne
les vois nulle part ailleurs : un présent relatif au passé, la mémoire, un présent relatif au présent, la
perception, un présent relatif à l’avenir, l’attente. (St Augustin : ibid.).

C. Peut-on privilégier l’une des dimensions du temps ?


On peut être tenté de privilégier le présent.
■ Le présent = le maintenant.
C’est le moment où se cristallisent toutes nos paroles, nos pensées, nos actions.
Au présent tout converge pour décider et pour agir : c’est le temps de la décision et de l’action.
C’est le moment de la perception, des sentiments et des sensations en train de se déployer, sans
altération, sans distance.

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C’est le temps où se vit l’intensité et de l’existence. Ce n’est plus le temps de l’attente ; ce n’est pas
encore le temps du regret, du remords ou de la nostalgie. => Ce serait le temps de la plénitude :
plénitude de l’acte en train de s’accomplir et dont je tiens les rênes.

■ Le futur = le non encore advenu.


C’est ce que l’on attend, ce que l’on espère, ce que l’on prépare, mais aussi ce que l’on peut craindre. Le
futur : l’ensemble des possibles. Tant que quelque chose ne s’est pas encore produit, tout peut arriver,
tout est possible.
=> C’est le temps de l’espoir (espoir d’un avenir meilleur, espoir ou attente d’un projet amené à terme).
Le futur contient la promesse (un avenir meilleur) : tant que quelque chose n’est pas encore advenu,
l’homme a le pouvoir (réel ou imaginaire) d’influencer le cours des évènements.
Mais l’avenir, c’est aussi le pari, le risque : on peut le préparer, l’anticiper, chercher à le prévoir. Tant
qu’il n’est pas advenu, c’est aussi l’incertitude (doute, angoisse, attente…).
Le futur dépend de nous (préparation) mais il n’en dépend jamais totalement ; Cf l’imprévu, la chance, la
malchance…
Il exclut toute certitude et peut provoquer l’inquiétude voire l’angoisse.
L’attente peut aussi être l’attente d’une délivrance (j’attends une bonne nouvelle, je redoute une
mauvaise nouvelle).
L’attente peut aussi se solder par la désillusion : lorsque l’avenir tant désiré ne correspond pas à mes
attentes.
L’espoir déçu peut alors susciter regret, mélancolie ou nostalgie : au lieu d’être tendu vers l’avenir,
l’homme déçu peut être tenté de se retourner ou de s’enfermé dans son passé.

■ Le passé = autant l’avenir est le temps du possible, autant le passé semble être celui de l’advenu, de
l’irrémédiable voire de l’irréparable.
Le projet à venir se transforme en destin en devenant acte passé.
L’avenir est incertain, le passé nous fige dans la certitude de l’advenu.
On peut se détourner du présent et de l’avenir pour tenter de se réfugier dans un passé jugé plus digne
d’estime. C’est alors la nostalgie d’un moment estimé plus heureux, comme si le passé représentait le
mythe de l’âge d’or ou le paradis perdu.
Mais c’est illusoire car le passé que l’on regrette parfois n’est en général pas le passé tel qu’on l’a vécu
mais plutôt le passé tel qu’on aurait voulu le vivre : c’est souvent un passé déformé, embelli. Dans tous
les cas un passé reconstruit, réinventé (consciemment ou inconsciemment) mais altéré.
(Cf : souvenirs embellis d’évènements désagréables mais qui deviennent par la suite des histoires drôles
à raconter, mais qui n’ont pas été drôles à vivre : (une punition par exemple)

=> L’inséparabilité du passé, du présent et de l’avenir


Il est sans doute erroné de vouloir ainsi dissocier les différents moments.
Le présent ne peut pas être pensé indépendamment du passé et du futur. Nous ne pouvons pas
dissocier les différents moments. Certes nous vivons au présent mais le présent seul, isolé n’a pas de
sens sans un passé et surtout sans la mémoire de ce passé qui fait de nous l’être que nous sommes et
surtout ce sujet capable de dire JE : c’est parce que nous sommes des sujets que nous sommes
responsables moralement. La responsabilité suppose la conscience de soi et de ses actes : cette
conscience de soi est impossible si on ne présuppose pas l’unité et la continuité du moi à travers le
temps. Indépendamment des changements que nous subissons nous sommes une seule et même
personne à travers le temps. (cf. cours sur la conscience).
D’autre part, le présent n’a pas non plus de sens indépendamment de projets à venir.
 C’est dans le présent mais grâce au passé et aux projets à venir que l’être humain se construit, en
tant qu’être conscient et libre. Cf. ici SARTRE et la notion de projet : livrescolaire P70 Doc 2 : exemple
de la crise mystique de l’adolescence.
Passé, présent et futur forment donc la trame de notre existence et sont indissociablement liés dans
une temporalité concrète.
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D. Temps et bonheur : en quoi notre regard sur le temps concerne-t-il notre bonheur ?
→ Explication d’un texte de PASCAL

Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l'avenir comme trop lent à
venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé pour l'arrêter comme trop
prompt : si imprudents, que nous errons dans les temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons
point au seul qui nous appartient ; et si vains, que nous songeons à ceux qui ne sont plus rien,
et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. C'est que le présent, d'ordinaire, nous blesse.
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Nous le cachons à notre vue, parce qu'il nous afflige ; et s'il nous est agréable, nous regrettons
de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l'avenir, et pensons à disposer les choses
qui ne sont pas en notre puissance, pour un temps où nous n'avons aucune assurance d'arriver.
Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l'avenir. Nous
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ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la
lumière pour disposer de l'avenir. Le présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sont
nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de
vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons
jamais.

Pascal, Pensées (1670).

Travail à faire pour la semaine prochaine (16/17 janvier) : répondre aux questions sur
le texte de pascal
1/ Ce texte se découpe en 3 parties : les repérer et leur donner un titre
2/ D’après le texte quelle dimension du temps est délaissée par l’homme ? Et pourquoi ?
En vous appuyant sur l’opposition moyen/fin (l.11/12), montrez que notre regard sur le temps
manque de sagesse.
3/ Expliquez la dernière phrase.

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