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SECTION PSYCHOLOGIE
dirigée par Paul FRAISSE, Professeur il la Sorbonne
PSYCHOLOGIE
DU TEMPS
par
PAUL FRAISSE
Professeur à la Sorbonne
Directeur de l'Institut de Psychologie
de l'Université de Paris
1967
DÉPOT LÉGAL
1 re édition .... 3" trimestre 1957 i
2e - augmentée leT - 1967
TOUS DROITS
de traduction, de reproduction et d'adaptation I
réservés pour tous pays
Presses Universitaires de France
(: 1957,
A ma, femme
Avant-propos de la deuxième édition
*
* *
Au cours des âges, l'effort des hommes a tendu à la maîtrise
des conditions fondamentales de leur existence. Les change-
ments périodiques -- jours, lunaisons, retours annuels des
saisons - ont offert à la fois un cadre naturel permettant de
situer tous les autres et un moyen de mesure. Les savants se
sont efforcés de scruter ces retours périodiques, de les accorder
entre eux dans un effort millénaire, qui ne peut être dit achevé
puisque nous perfectionnons sans cesse nos moyens de mesurer
l'heure et la seconde (1) et que la réforme du calendrier est à
l'ordre du jour des Nations Unies. Les sages et les moralistes,
attentifs à l'angoisse des hommes devant leur propre devenir
et son terme inéluctable, se sont interrogés sur le sens même
du changement à l'échelle de l'homme, des sociétés et du monde.
Enfin les philosophes, partant d'une idée du temps devenue de
plus en plus abstraite, en ont étudié la nature. L'histoire du
temps se confond ainsi avec l'histoire de la pensée humaine.
De quelle façon la pensée occidentale a-t-elle abordé le
problème ? On sait que les philosophes ne se sont pas préoccupés
du tout de l'origine de l'idée de temps, ni de sa nature en tant
qu'idée, mais plutôt de la réalité à laquelle elle pouvait corres-
pondre. Quel est le rapport du temps et de ses apparences avec
le mouvement ? Est-il éternel ou non ? Existe-t-il en dehors
d'un esprit qui unit l'antérieur et le postérieur ? Cette recherche
n'est pas épuisée. Comme celle des moralistes à laquelle elle
est étroitement liée, elle se renouvelle à chaque époque. La
pensée platonicienne concevait le temps comme l'image mobile
de l'éternité se déroulant dans un monde dominé par un retour
cyclique des changements. La pensée judéo-chrétienne a été
modelée par la révélation d'un monde créé avec son temps où
se joue l'histoire de la faute et du rachat ; elle s'achève en une
eschatologie, et, dans la cité de Dieu, le temps retourne à l'éter-
nité. Le monde moderne a découvert l'ancienneté illimitée de
son histoire ; les lois de l'évolution, que les réussites du progrès
technique lui suggèrent d'extrapoler à celles des sociétés
(1) Nichols, dressant en 1890 une revue des positions contemporaines sur la
psychologie du temps, s'étonne de ce que Kant ne fasse pas une fois allusion aux
processus mnémoniques dans l'Esthétique transcendantale. C'est que précisément
Kant ne s'attachait pas à la psychologie.
I7V l'ROD UC'7'ION 7
*
* *
A partir du milieu du xixe siècle, nous assistons à la
naissance d'une toute nouvelle approche du problème du
temps : l'étude empirique de la précision avec laquelle les
hommes perçoivent le temps. Sous l'influence de la psycho-
physique dont Fechner vient de mettre au point les méthodes,
là psychologie du temps se transporte au laboratoire. Les
premiers expérimentalistes se posent les problèmes classiques
de la psychophysique : la loi de Weber s'applique-t-elle au
temps ? Y a-t-il des erreurs constantes dans la perception du
temps ? Quelle est l'influence du contenu des intervalles tem-
porels sur la durée perçue, etc. ? En Allemagne les travaux se
multiplient (Mach, 1865 ; Vierordt, 1868 ; Kollert, 1883 ;
Mehner, 1883 ; Estel, 1885 ; Glass, 1887 ; Ejner, 1889 ; Muns-
terberg, 1889 ; Meumann, 1893-1896 ; Schumann, 1898). Au
début, ils se situent sur deux plans à la fois. D'une part, au
moyen d'expériences, les psychologues recherchent ce que le
sujet perçoit en l'étudiant à travers ce qu'il fait (reproduction
par exemple) ou ce qu'il dit (comparaison). D'autre part,
comme les philosophes de leur époque, ils essayent d'atteindre,
dans des protocoles introspectifs, les fondements de la conscience
du temps. Le fait nouveau est que les expérimentalistes ne se
INTRODUCTION 9
zu
(1) Cette orientation était féconde, non seulement pour l'étude des problèmes
perceptifs, mais aussi pour celle de nos attitudes les plus personnelles, comme
Piéron lui-même devait l'illustrer en 1945, dans une nouvelle conférence faite devant
l'Association française pour l'Avancement des Sciences.
10 1)(i TEi\1P8
*
* *
Notre propre travail s'inscrit dans cette perspective. Sous
la dénomination de « conduites temporelles », nous nous pro-
posons d'étudier les différentes manières dont l'homme s'adapte
aux conditions temporelles de son existence.
Ces conditions temporelles, en première analyse, se ramènent
toutes au fait que nous vivons dans des milieux physique,
technique et social qui se modifient d'une manière incessante.
Non seulement nous subissons ces changements, mais nous les
TNTRonrrCTTON 11
zu
10 LE CONDITIONNEMENT AU TEMPS
(1) Nous excluons de l'objet de ce travail nos réactions à notre propre change-
ment à long terme, c'est-à-dire aux différents âges de notre vie. Cette étude ouvri-
rait une tout autre série de problèmes. Il y a en effet une psychologie de l'enfance,
de l'adolescence, de la maturité, de la vieillesse, qui traite précisément des réactions
propres à chaque âge face à son propre changement. Par contre, nous envisagerons
systématiquement la manière dont nous nous adaptons aux changements de notre
environnement à chaque âge de la vie.
12 l'S )ClIOLOGŒ DU 'l'EIlIPS
2° LA PERCEPTION DU TEMPS
LA MAITRISEDU TEMPS
*
* *
Justine) notre classification des conduites temporelles dès
à présent serait anticiper sur tous les chapitres à venir. 11 est
cependant utile, pour mieux faire ressortir la nature de notre
démarche, de situer brièvement notre classification par rapport
à celles qui ont été le plu> souvent proposées.
14 PSYCHOLOGIEDU TEMPS
.- - .--
LE CONDITIONNEMENT AU TEMPS
l'. PHAISSb: 2
CHAPITRE PREMIER
(1) Ce chapitre doit beaucoup aux travaux d'H. Piéron qui, tout au long de sa
carrière, s'est intéresse à ces phénomènes. Voir en particulier Piéron, 1910, 1937,
t9t5.
L'ADAPTATION AUX CHANGEMENTS PÉRIODIQUES 21
z
*
* *
I "homme a été, du point de vue de ses adaptations aux
périodicités cosmiques, relativement moins étudié que les
animaux ou les végétaux. Il est vrai qu'il est plus difficile
L'ADAPTATION AUX CHANGEMENTS PÉRIODIQUES 27
(1) Ceslois trouventune confirmation dans les étudesqui ont été faites sur
les travailleursde nuit. Ceuxqui changentd'horairede travail chaquesemaine
ont unetempératureirrégulière. Lesfemmesqui travaillenttonteslesnuits,comme
les gardesde nuit des hôpitaux,dormentmal pendantles premièresnuits de leur
congéannuel,ce qui montrequ'ellesont besoind'un certaintempspourse réhabi-
tuer à un autre rythmed'activité-repos. _
Enfin, conséquence indirectede l'adaptationaux changementspériodiques,
lestravaillenrsde nuit, dontlesrythmesphysiologiquessontconstamment modifiés
sont aussiceuxchezqui on observele plusd'affectionsliées
par les circonstances,
à des troublesneuro-végétatifs (névrose,états anxieux,affections
respiratoires,
troublesdigestifs)(d'aprèsKleitman,1939,Neulat,1950,Hadengue,1962).
L'ADAPTATiON AUX CHANGEMENTS PÉRIODIQUES 29
II
*
* *
Pour les inductions cycliques proprement dites, Pavlov a
fait intervenir comme explication spécifique les mécanismes
successifs de l'excitation et de l'inhibition qui seraient comman-
dés par des processus de conditionnement. Il ne croit pas qu'il y
ait plus dans les rythmes induits que dans les conditionnements
classiques, quoiqu'il reconnaisse que l'explication ne soit pas
encore très précise. Le temps, dit-il, est un excitateur condi-
tionnel. Évidemment il n'agit pas en tant que tel. Le temps se
manifeste, si nous laissons de côté les phénomènes cycliques du
III
1,'ORIEIVTATIOIV
TEMl'OREI,1,li
Les faits d'induction rythmique, c'est-à-dire la naissance
de p-riodicités organiques synchrones de périodicités de l'envi-
ronnement, constituent des formes d'adaptation aux condi-
tions temporelles de l'existence. Leur signification biologique
générale est évidente. L'induction rythmique permet aux êtres
vivants de transformer des réactions réflexes en des réactions
d'anticipation. Les Convoluta peuvent ainsi s'enfoncer dans le
sable avant d'être recouverts par la marée montante ; inver-
sement, les Actinies qui se referment avant la marée descendante
évitent, en gardant de l'eau, une dessiccation qui pourrait être
mortelle (Piéron, 1910, p. 74). L'abeille qui a découvert une
source de nectar peut la retrouver plus facilement le lendemain
et s'adapter ainsi au mode de sécrétion du nectar qui se produit
à heures fixes suivant les fleurs. Ne voit-on pas en effet les
abeilles, si on leur offre à des heures différentes de la journée
de l'eau sucrée plus ou moins concentrée, se présenter en plus
grand nombre, au bout de quelques jours, à l'heure où on
leur offre l'eau la plus sucrée (Wahl, 1933) ?
De toute manière, cette régulation interne rend plus éco-
nomique la nécessaire adaptation de l'organisme aux change-
ments périodiques qu'il subit et en particulier aux alternances
des jours et des nuits. La preuve a contrario est fournie par la
fatigue qu'entraîne la réadaptation de l'organisme à un rythme
d'activité différent de celui auquel il était accoutumé. Nous
avons déjà rappelé qu'à la suite des voyages en avion de Paris
à New York ou inversement les voyageurs constataient pendant
les jours suivants des difficultés à s'adapter à leurs nouvelles
heures de sommeil, par suite de la persistance de l'ancien
rythme (1). L'inversion complète du rythme de l'activité
entraîne de telles fatigues que les premiers auteurs qui expé-
rimentèrent sur eux-mêmes son influence sur le rythme nvcthé-
LE CONDITIONNEMENT A LA DURÉE .
LE CONDITIONNEMENT NETARDÉ
(1) Les lois sont semblables mais le conditionnement différé est plus facile à
obtenir que le conditionnement de trace. Pavlov (ibid., p. 86) le notait : « En
présence de l'excitation continue, le retard se développe plus rapidement. » Mowrer
et Lamoreaux (1942), dans des conditions particulières, notent le même fait sur
le rat, ainsi que Rodnick (1937 a) chez l'homme dans le conditionnement du réflexe
psychogalvanique. La même loi se retrouve dans des conditionnements d'évitement
de type instrumental (Kamin, 1961 ; Black, 1963).
Le fait n'a pas été expliqué. Nous serions tentés de le rapprocher des résultat.
que nous avons trouvés dans l'appréciation du temps chez les jeunes enfants (Fraisse,
1948 a). Les temps « pleins » ont plus de réalité que les temps « vides » et ils sont
estimés beaucoup plus exactement, comme si la durée physique du stimulus ajoutait
un repère à ceux que fournissent les processus « intérieurs ».
LE CONDITIONNEMENT A LA DURÉE 57
-
(1) Le retard n'est que de 4,1 s aprèsun très longapprentissage dans le cas
d'un réflexeconditionnéde trace,c'est-à-direlorsqu'unebrèvelumièreprécèdele
chocde 20 s. Ceschiffresn'ont évidemment qu'unevaleurrelative.Switzer(1934)
avait trouvéen conditionnement différé,dansune expériencesemblableà cellede
Rodnick,que le retard de
croissait 5 à 10 s environpourun chocsuivantde 16 s
l'établissementd'une lumière.
58 PSYCHOLOGIEDU TEMPS
II
L'ÉVALUATION DE LA DURÉE '
DANS LE CONDITIONNEMENTINSTRUMENTAL
Du conditionnement de type classique, on distingue le condi-
tionnement instrumental (Hilgard et Marquis, 1940). Dans
celui-ci l'animal, au lieu de subir le stimulus normal, doit
apprendre à produire une certaine réaction pour éviter une
douleur ou pour obtenir une satisfaction. Dans ce cas, la répé-
tition est encore nécessaire au conditionnement pour que la
bonne réponse soit découverte par tâtonnements et pour qu'elle
se fixe par renforcement. Les techniques du conditionnement
instrumental permettent aussi de mettre en évidence que
l'animal tient compte de la durée ; elles sont surtout un
moyen de déterminer la finesse de ce que nous appellerons
anthropomorphiquement l'estimation du temps par l'animal. De
nombreuses techniques ont été utilisées pour étudier ces condi-
tionnements.
Dans un labyrinthe, un rat, entre deux parcours possibles,
choisit le plus court ; de même, s'il a le choix entre deux confi-
nements de durées différentes, l'expérience montre qu'il choisit
le plus bref. C'est ce qu'ont prouvé Sams et Tolman (1925).
A leur entrée dans l'appareil, les rats avaient le choix entre
deux couloirs identiques à tous points de vue ; au cours de la
traversée des couloirs, ils étaient retenus chaque fois dans une
petite chambre, 1 mn dans l'une, 6 mn dans l'autre, avant d'at-
teindre leur nourriture. Les rats choisirent peu à peu la chambre
où ils n'étaient détenus qu'une minute. Il ne s'agissait pas d'une
préférence spatiale, puisque si on inversait la durée des confi-
nements les animaux inversaient aussi leur choix. Cette
méthode permet de juger de la capacité des animaux à diffé-
rencier deux durées l'une de l'autre (1). Anderson (A. C.) (1932)
l'a utilisée systématiquement en offrant à l'animal le choix entre
quatre durées de détention. Au bout de 500 courses réparties
sur plus de 3 mois, son groupe de rats entrait dans 72 % des cas
dans le couloir où il était retenu 1 mn, dans 19 % des cas dans
celui de 2 mn, dans 6 % des cas dans celui de 3 mn, et dans 3 %
des cas dans celui de 4 mn. L'apprentissage est donc indis-
cutable. Avec la même méthode, mais en utilisant seulement
deux couloirs à la fois, le même auteur a établi que les rats
étaient plus sensibles à la différence relative des durées qu'à leur
différence absolue, ce qui montre que la loi de Weber s'applique
à la discrimination du temps par l'animal.
A partir des résultats d'Anderson, nous avons établi le
tableau suivant :
Pourcentage de choix 1
du confinement le
plus court ........ 82 96 77 79 îl 80 74
)
*
* *
Par des méthodes très différentes, on a ainsi prouvé que,
chez l'animal, où n'interviennent pas les processus complexes
que nous étudierons dans les prochains chapitres, il existe une
adaptation au temps, soit que l'animal se soumette à sa loi,
ce qui est très remarquable dans le conditionnement retardé
classique, soit que le temps détermine sa conduite, comme dans
le conditionnement instrumental.
Id PSYCHOLOGIEVU TEMPS
III
I:ES LNTERPRÉTATIOIVS}'SYCHOPHYSIOLOGIQUES
Comment expliquer les mécanismes de cette adaptation
temporelle dans le cas de l'animal, cas où nous ne pouvons faire
appel aux processus supérieurs que nous analyserons dans notre
troisième partie ?
Pavlov (ibid., p. 86) pense que le stimulus conditionnel
engendre au début une inhibition conditionnelle (phase inac-
tive) suivie d'une période d'excitation (phase active). Il s'appuie,
pour sa démonstration, sur l'observation de l'animal et sur le
fait que les phénomènes observés pendant la première partie
du retard correspondent tout à fait aux processus d'inhibition.
En particulier, une stimulation quelconque de force moyenne
suffit à déclencher la salivation du chien dans la première phase
en levant l'inhibition ; au contraire, à la fin, pendant la phase
d'excitation, un stimulus du même genre a une action inhi-
bitrice qui a pour effet de diminuer la salivation (1).
Prenons un exemple où la levée de l'inhibition par un sti-
mulus neutre est manifeste. Le stimulus conditionnel est
l'excitation mécanique de la peau et le stimulus normal
suivant à 3 mn est un acide. La réaction salivaire est retardée
LA PERCEPTION DU TEMPS
LE PRÉSENT PSYCHOLOGIQUE
1
1,,4 PERCEPTION DE 1,'ORVRFi
Prenons le cas le plus simple : le bruit d'une horloge. Je
perçois un tic-tac, puis il s'efface et un nouveau tic-tac apparaît.
Quand le deuxième tic-tac se produit, le premier n'est plus
LE PRÉSENT PSYCHOLOGIQUE 79
. II
LA PERCEPTION DE LA DURÉE
Dans la perception de la succession, il y a saisie tout à la
fois d'une pluralité ordonnée et des intervalles qui séparent
les éléments, c'est-à-dire des durées. « La durée est comme la
grandeur de la succession, la valeur de l'intervalle » (Delacroix,
1936, p. 306). Ces durées-intervalles ne peuvent être isolées que
par une analyse de notre perception : nous ne percevons pas la
durée indépendamment de ce qui dure, de même que l'étendue
perçue est toujours celle de quelque objet. « Les phénomènes de
la durée sont construits avec des rythmes, loin que les rythmes
soient nécessairement fondés sur une base temporelle bien uni-
forme et régulière » (Bachelard, 1936, p. 5). La perception de la
durée est, en d'autres termes, celle de la durée d'une organisation.
Il est possible de mettre objectivement en évidence ce que
nous révèle déjà l'analyse introspective. Là où l'organisation
n'est pas prégnante, la durée est difficilement perçue. Ainsi,
deux intervalles temporels adjacents délimités par deux sons
limites et une lumière intercalée, c'est-à-dire par une suite
son-lumière-son, sont comparés avec beaucoup moins, de pré-
cision que deux intervalles délimités par trois sons identiques,
car ceux-ci forment une unité perceptive. Dans le cas de la suc-
cession son-lumière-son, la comparaison même n'est possible
que parce que nous plaquons sur une suite hétérogène une suc-
1,E PRI`vF,N7' 1'."i'<:IIVI,V<§IQITE B3
*
* *
L'analyse que nous venons de tenter pourrait sembler
n'être que la défense d'une position d'école, mais il est assez
facile de démontrer que les auteurs dont les positions paraissent
les plus éloignées des nôtres sont partis d'une analyse de la
réalité trés voisine de celle que nous avons faite, mais qu'ils
ont interprétée autrement. Les divergences, il serait facile de le
montrer, tiennent à ce que, dans leurs observations, ils ont
introduit des théories aujourd'hui dépassées ou tout simple-
ment à ce que l'analyse psychologique n'était pour eux qu'un
point de départ.
Tous les auteurs en particulier ont reconnu, d'une manière
ou d'une autre, l'importance du rythme, c'est-à-dire d'une
organisation, dans notre perception du successif et dans l'inter-
prétation de notre « perception du temps ». Mais ils ne s'accor-
daient pas sur le problème central, celui de la perception de
la durée. Durée des choses ? Durée du moi ? Durée compo-
sition des sensations ou durée construction de notre esprit ?
Par exemple, on peut lire Bergson pour y trouver une opposition
entre un monde matériel caractérisé par la pluralité et l'exté-
riorité et un monde spirituel où nous saisissons la durée pure,
« forme que prend la succession de nos états de conscience
quand notre moi se laisse vivre, quand il s'abstient d'établir
une séparation entre l'état présent et les états antérieurs o
(Bergson, 1920, 19P éd., p. 76). Mais si on néglige ces prolonge-
ments métaphysiques, on s'aperçoit que Bergson est parti d'ana-
lyses psychologiques qui, bien avant l'oeuvre duel'École de la
Eorme, reconnaissent l'importance de l'organisation de nos sen-
sations. « On peut..., écrit-il, concevoir la succession sans la dis-
tinction et comme une pénétration mutuelle, une solidarité, une
organisation intime d'éléments, dont chacun, représentatif du
tout, ne s'en distingue et ne s'en isole que pour une pensée
86 PSYCHOLOGIEDU TEMPS
*
* *
III
1.Fi NRÉSEIVTPERÇU
Ce que nous percevons dans le temps comme dans l'espace
est une organisation de stimuli. Cette organisation peut être
diffuse et ne nous donner qu'une perception d'étendue indis-
tincte, comme lorsque nous regardons un paysage sans regarder
aucun objet, ou une perception de vague continuité comme
lorsque nous nous laissons vivre - selon l'expression de
Bergson - sans porter notre attention sur aucun événement
particulier. Dès que nous fixons notre attention, l'organisation
apparaît au contraire, distinguant les objets, isolant les struc-
tures successives qui font dès lors figure sur un fond qui reste
mal différencié. Ces organisations impliquent une unification,
une délimitation d'un ensemble de stimuli, selon les lois qu'aa
dégagées Wertheimer dans l'espace et qui se ramènent dans le
temps à la loi de bonne continuité (Koffka, 1935, p. 437). L'unité
est déterminée par la configuration des stimuli, mais elle est liée
à l'unité même de 1 acte perceptif qui réalise l'intégration de
toutes les données sensorielles. Nous ne percevons le successif
que parce que, dans certaines limites, un « acte mental unifié »
est possible. Cette unité perceptive du successif - le « tic-tac »
de notre pendule - a comme conséquence l'existence d'un pré-
Sent perçu qui ne se ramène pas à l'évanescence de ce qui n'était
pas encore dans ce qui n'est plus.
Le présent, d'une manière générale, est ce qui est contem-
porain de mon activité. Les changements auxquels il correspond
sont évidemment fonction de l'échelle à laquelle je les envisage.
Le présent, c'est le siècle où je vis, aussi bien que l'heure qui
passe. Je puis, en effet, introduire une coupure arbitraire dans
les changements par rapport auxquels je me situe, en considé-
rant que Je passé ne commence qu'à partir d'un moment donné ;
je puis ainsi opposer les siècles passés au siècle présent. C'est en
ce sens que P. Janet pouvait dire que « la durée du présent, c'est
la durée d'un récit » (Janet, ibid., p. 315). Mais il existe aussi
un présent perçu qui, lui, ne peut avoir que la durée de l'orga-
LE PRÉSENT PSYCHOLOGIQUE 91
(1) Cette conception n'a pas été reprise plus tard par W. James dans son Précis.
Nous la citons seulement parce qu'elle exprime nettement une thèse courante.
LE J'RRSENT 1'8 YCHOU)GIQUE
9s
25 syllabes ; les vers les plus longs en prosodie, les mesures les
plus longues en musique ne dépassent guère 5 s (Bonaventura,
1929, pp. 33-34). On peut sans doute, dans certains cas privi-
légiés, atteindre un présent un peu plus long, mais le plus sou-
vent notre présent ne dépasse guère 2 à 3 s.
*
* *
Sur les mécanismes physiologiques de cette saisie d'une
pluralité en un seul acte perceptif, on est réduit à des hypo-
thèses assez fragiles.
On a souvent rapproché le présent psychologique des oscil-
lations de l'attention (1). On constate en effet très généralement
des oscillations dans l'efficience, comme si nous ne pouvions
maintenir un niveau stable de notre activité. Les faits sont
particulièrement frappants dans la perception. Un stimulus
juste liminaire est perçu quelques secondes, puis semble s'éva-
nouir, pour réapparaître à nouveau (test de la montre, disque
de Masson). Dans les figures ambiguës où plusieurs formes ou
plusieurs aspects de la même forme peuvent être perçus (le
schéma d'un cube figuré par l'ensemble de ses arêtes par
exemple), il se produit dans la perception une alternance entre
les figures possibles, comme s'il y avait saturation d'une per-
ception et substitution d'une autre figure. « Tout se passe, dit
Piéron, comme si les orientations perceptives concurrentes
arrivaient à l'emporter chacune à son tour (Piéron, 1934, p. 33).
Ces alternances peuvent être évidemment rapprochées du phéno-
mène général de notre perception du successif : il semble qu'après
une perception relativement continue se produit un décrochage
après lequel recommence un nouveau présent. Les périodicités
également sont comparables : dans les oscillations perceptives de
différents types, on trouve des périodes extrêmes variant de
5 à 10 s (Piéron, ibid., pp. 28-33). Ces durées sont aussi environ
celles du présent perçu dans les cas les plus favorables.
La période de ces oscillations de l'attention dépend beaucoup
des personnes, de leurs attitudes et des conditions de la
perception. La durée du présent perçu paraît être influencée
par les mêmes facteurs. Mais l'ensemble de ces rapprochements
deltempo,1929.
(E.), ll l'robleinapsicologico
(1) En particulierBoNnvt:N?ruxn
100 l'SYCHOGOGIF,DU TEILTPS
*
* *
Sur l'ensemble du problème du présent psychologique, la
pathologie apporte un éclairage complémentaire. Elle nous
révèle tout d'abord que la simple perception de l'ordre de la
succession est une conduite très élémentaire rarement atteinte
dans les troubles neuropsychiatriques les plus graves, même
102 P.SYG'flOl,OGIF,DU TEMPS
IV
CONCLUSION
LE SEUIL DU TEMPS
1
DE .AUDURABI,H;
« Quand donc nous sentons l'instant comme unique, au
lieu de le sentir ou bien comme antérieur et postérieur dans le
mouvement, ou bien encore comme identique, mais comme fin
de l'antérieur et commencement du postérieur, il semble
qu'aucun temps ne s'est passé, parce qu'aucun mouvement ne
s'est produit. » Il n'y a rien à changer à cette définition d'Aris-
tote (Physique, IV, p. 219). Une stimulation brève peut être
perçue sans toutefois qu'elle nous apparaisse comme durable.
Nous sommes alors dans un cas limite que Piéron, par analogie
avec l'espace, nomme un « point de temps » ( 1955, éd., p. 401).
Toutes les sensations « non durables » sont théoriquement
identiques sous le rapport du temps. Mais, pratiquement, quand
on diminue la durée physique des stimulations, on diminue
aussi l'intensité apparente des sensations correspondantes.
Celle-ci est en effet proportionnelle à la quantité d'énergie
reçue par les récepteurs sensoriels, c'est-à-dire au produit de
l'intensité physique par la durée de l'excitation. La différence
d'intensité crée donc une différenciation qui empêche de
confondre deux sensations par ailleurs instantanées.
Cependant, dans l'ensemble, les sensations instantanées se
distinguent des sensations durables et il est possible de déter-
miner la limite entre l'instantané et le durable en fonction de la
durée de la stimulation. Durup et Fessard (1930) ont ainsi trouvé
que le seuil du durable était de 12,4 cs pour une stimulation
lumineuse de 1 milli-bougie par centimètre carré de brillance et
de 11,3 es pour une brillance de 100 mb/cm2. Pour un son
de 500 Hz et d'intensité moyenne, ces mêmes auteurs ont trouvé
des seuils variant de 1 à 5 cs. Bourdon (1907) avait trouvé dans
la même situation 1 à 2 cs.
LK SEIIII, nu TEMPS 107
II
DE LA .4U
I « LA SIMULTANÉITÉ
- *
* *
L'ensemble des travaux qui ont été faits sur la perception
de la simultanéité confirme ce point de vue. Il n'y a véritable
perception de la simultanéité que lorsque les stimuli peuvent
être intégrés ou unifiés de sorte que nous les saisissions ensemble,
sans dispersion de notre attention. Inversement, dans tous les
cas où cette unification est difficile, la perception de la simul-
tanéité est très instable. '
Envisageons successivement les deux catégories de cas. Si
deux ou plusieurs stimuli forment une figure ayant une unité
de signification, leur simultanéité ne fait pas problème. La
quasi fusion de deux notes d'un accord musical permet la
perception d'une parfaite simultanéité. Il est au contraire
difficile de se prononcer sur la simultanéité du coup frappé à
la porte et de celui de l'horloge sonnant la demie, parce que les
deux sons n'ont aucun rapport entre eux. L'unité peut venir
d'une condition extérieure aux stimuli eux-mêmes. Un bref
éclair, illuminant de l'extérieur les deux plages de l'expérience
de Piaget dont nous avons parlé, aurait assuré une unité per-
ceptive et sans doute tout le monde aurait reconnu dans un
tel cas avoir vu apparaître simultanément les stimuli. D'autres
expériences de Piaget ont d'ailleurs montré que la perception
de la simultanéité de l'arrêt de deux mouvements, par exemple,
n'était assurée chez de jeunes enfants que si les deux mou-
vements étaient en quelque sorte intégrés dans un commun
ensemble perceptif. « Lorsque deux mobiles partent du même
endroit pour aboutir en un même point avec la même vitesse,
là simultanéité des départs et des arrêts ne fait pas de diffi-
culté » (Piaget, ibid., p. 105). Mais que la simultanéité se pro-
duise après des courses de vitesses différentes, sur des lignes
d'arrivée décalées dans l'espace, et le jeune enfant échoue,
car chaque arrêt de mouvement appartient à un ensemble
perceptif différent (1).
Un des moyens que nous avons d'ailleurs de contrôler notre
perception de la simultanéité, est d'inclure des stimulations
sans liens apparents en un même ensemble réactionnel. Si nous
*
* *
LA DURÉE PERÇUE
1
LA QITALITÉ DES DURÉES
ET L'INTERVALLE D'INDIFFÉRENCE
*
* *
Nous essaierons de montrer plus loin que l'intervalle
d'indifférence est en relation avec des processus psycholo-
giques et physiologiques spécifiques. Cependant sa valeur
peut varier selon les conditions dans lesquelles intervient
126 IISY(.'1101,OGIE1)li TE1HPS
L'INTERVALLEDE 0,70 s
Il
ET .; l' l 1 Y .; l Q ."
L. Fi
les deux sons est surestimé lorsque le son long est le premier,
sous-estimé lorsqu'il est le deuxième. Dans le premier cas, il
est un peu incorporé à l'intervalle ; dans le deuxième, la fin
de l'intervalle coïncide avec le début du son terminal (Woodrow,
1928 a).
(1) Les résultats de tous ces auteurs ont été obtenus par la méthode de compa-
raison : Wirth (1937) a retrouvé la même loi par une méthode de production. Ses
sujets devaient produire, au moyen de frappes, un intervalle divisé égal à un inter-
valle modèle vide. L'intervalle produit est alors plus court que l'intervalle modèle,
ce qui signifie que l'intervalle produit (et divisé) est surestimé par rapport à l'inter-
valle vide du modèle.
140 TEMPS
E) L'information transmise
Combien de stimuli différents pouvons-nous identifier
quand on nous présente des séries de durées différentes ?1?
La théorie de l'information permet de calculer la capacité du
canal de transmission. Ainsi, en utilisant des stimulations
électriques sur l'index, Hawkes (1961) a trouvé que cette
capacité était de 1,27 bits en employant une gamme de durées
allant de 0,5 à 1,5 s et entre 1,40 bits et 1,90 bits pour une
gamme de durées de 0,05 à 1,5 s. De toute manière, nous ne
pouvons donc pas identifier plus de 3 à 4 stimuli au maximum.
5° LA SENSIBILITÉ DIFFÉRENTIELLE
Etalon Si S112
(l) Pour une misseau point sur ces travaux, voir Fraisse (1953).
LA DURÉE PERÇUE 155
-_ -
LA MATTR1SE DU TEMPS
L'HORIZON TEMPOREL
1
LA NATURE DE L'HORIZON TEMPOREL
Le développement de l'hoiizon temporel au cours de l'en-
fance est lent. Aussi sa genèse nous oflre-t-elle une excellente
opportunité d'en saisir en première analyse la nature. Nous
réserverons pour la seconde partie de ce chapitre l'étude du
développement quantitatif des perspectives temporelles avec
l'âge.
1° LA GENÈSE DES PERSPECTIVES TEMPORELLES
(1) Malrieu (i6id.. p. 58) voit dans cette conduite un simulacre alors qu'elle
nous semble de même nature que celle de l'enfant qui tend les bras vers sa mère
pour être pris.
L'HORIZON TEMPOREL 163
.. - ..
2° LA CONSTITUTION DU PASSÉ
*
* *
Toute l'analyse que nous venons de faire se précise si nous
considérons les dissolutions pathologiques de la mémoire. Le
cas le plus précis se présente dans les syndromes de Korsakov.
On en connaît la caractéristique principale à notre point de vue.
Le malade semble atteint d'une amnésie, qui n'est pas toujours
généralisée et où prédomine l'amnésie des faits les plus récents.
« Le malade aura parlé correctement, sans erreur, des faits
172 DU 'l'EMPS
_._ _.._ .._ . __
*
* *
Cette construction n'est cependant pas homogène. Si je me
penche sur mon passé, les souvenirs ne s'alignent pas avec
régularité. Dans cette rétrospective, il y a des noeuds formés
par les événements cruciaux : un décès, une réussite à un
concours, une guerre, qui rompent la continuité et qui jouent
le rôle des plans dans les perspectives spatiales ; nous situons
les événements selon qu'ils sont avant et après ces coupures de
notre existence. La distance entre ces plans n'est pas non plus
homogène. Certaines périodes nous apparaissent plus longues,
d'autres plus courtes, bien que nous sachions qu'elles ont eu,
à l'échelle du calendrier, la même durée. On a remarqué depuis
longtemps que cette durée relative dépend du nombre de sou-
venirs : une période nous apparaît rétrospectivement d'autant
plus longue qu'elle est riche de plus de souvenirs. De même
entre deux plans d'un panorama, la distance apparaît d'autant
plus grande que nous y avons plus de repères.
176 PSYCHOLOGIEDU TEMPS
- -
Pour cette raison, les périodes les plus proches nous appa-
raissent relativement plus longues que des périodes objective-
ment de même durée, mais appartenant à un passé plus lointain.
Le jour d'hier a rétrospectivement une durée beaucoup plus
longue que l'un quelconque des jours des années passées. Cepen-
dant, cet effet propre de la perspective entre souvent en compo-
sition avec le fait qu'il y a parfois un décalage entre l'impression
de durée au moment où nous vivons un événement et la durée
apparente de la même période dans notre souvenir. Comme nous
le verrons dans le prochain chapitre, la durée, au moment où
nous la vivons, nous paraît d'autant plus longue que nous y
décelons plus de changements. Mais le nombre des changements
que nous y remarquons n'est pas forcément proportionnel aux
souvenirs que nous en garderons. Les journées semblent très
longues à un prisonnier, parce qu' « il compte les heures »,
mais, après coup, sa captivité pourra lui sembler avoir peu duré
parce que ces mêmes journées lui auront laissé peu de souvenirs.
Par contre, une journée où l'on visite en touriste une ville ou
une région nouvelle apparaît au soir même bien remplie ;
comme elle laissera beaucoup de souvenirs, la même impression
se retrouvera quelques années plus tard, quand on l'évoquera
dans la mémoire.
L'hétérogénéité des perspectives temporelles tient donc à
la nature même de notre expérience vécue, mais elle n'agit
que par l'intermédiaire de la quantité de nos souvenirs. Par le
fait même, les effets de perspective sont les mêmes pour les
périodes historiques que nous n'avons pas vécues que pour
notre propre passé. Les siècles de l'histoire de France ont une
durée relative d'autant plus longue que nous en connaissons
plus de choses. Ceci est sans rapport avec l'éloignement des
siècles : pour un helléniste, l'histoire des trois grands siècles
d'Athènes occupe dans ses perspectives temporelles une durée
plus grande que les dix siècles de notre Moyen Age.
Il est alors peu surprenant de constater que les mêmes effets
de perspective se retrouvent dans les représentations collectives
et non plus seulement personnelles du temps. Hubert et Mauss
l'ont analysé très finement pour la vie religieuse. Le temps
n'est pas un milieu homogène ou une quantité pure. « Les parties
qui nous paraissent égales en grandeur ne sont pas nécessaire-
ment égales ni même équivalentes ; sont homogènes et équiva-
L'HORIZON ï'BMPO?jEL 177
-
(1) Ainsi des rats n'apprennent à attendre 3 s pour saisir une boulette de nourri-
ture que si le choc qui punit la violation de ce« tabou opérationnel» suit immédia-
tement la violation. Si le choc est différé de quelques secondes, ou bien l'animal
prend malgré tout la nourriture dès qu'elle se présente au mépris du choc ultérieur,
ou bien toute activité est inhibée ; dans les deux cas l'animal n'apprend pas à
respecter le délai qu'on lui impose (Mowrer, 1950, chap. XV).
180 PSYCHOLOGIE Df7 TEMPS
..- ... --
*
* *
Les deux perspectives - reconstruction du passé et antici-
- ne se développent pas du tout dans les
pation de l'avenir
mêmes conditions. Le passé se constitue, avons-nous vu, grâce
au signe temporel que reçoit tout événement vécu et par l'orga-
nisation sérielle des souvenirs facilitée par le calendrier et les
repères sociaux en général. Les perspectives futures sont,
elles, fonction de la possibilité d'échapper à un présent déter-
miné par la situation ou par l'emprise du passf. Il n'y a avenir
que s'il y a, en même temps, désir d'autre chose et conscience
L'HORIZON TEMPOREL 183
II
LA DIVERSITÉ DES HORIZONS TEMPORELS
*
* *
Pourmieux situer les types d'attitudes, il n'est pas mauvais
d'essayer de déterminer quelle est l'attitude la plus commune
dans notre civilisation et quelle part est faite au présent, à
l'avenir et au passé - chez l'adulte du moins. Dans une enquête
conduite auprès des étudiants, Israeli (1932) a constaté que le
présent leur apparaissait 1,2 fois plus important que le futur
et 12,7 fois plus important que le passé. Ce résultat semble
prouver que nous vivons ordinairement dans un présent orienté
vers l'avenir, mais qui se soucie peu du passé. Une récente
recherche de Farber (1953) apporte des indications analogues.
Il a demandé à des étudiants américains de classer les jours de
la semaine d'après leurs préférences (1 étant le jour préféré),
et il a obtenu le résultat suivant :
Lundi Mardi Mercre3i Jeudi Vendredi Samedi Dimanche
A) L'emprise du présent
a) Il est des êtres qui ne vivent que dans le présent, simple-
ment parce qu'ils n'ont pas la possibilité d'avoir un horizon
temporel. C'est le cas de l'animal. Nous avons vu que le tout
jeune enfant était dans le même cas, et le débile mental qui
n'a pu se construire ni passé ni avenir n'échappe pas lui non
plus au présent. « Il ne voit que la jouissance du présent, le
reste se trouvant pratiquement en dehors de son appréciation o
(Minkowski, ibid., p. 335).
Mais il est d'autres êtres qui vivent principalement dans le
présent parce que leur horizon temporel s'est très notablement
rétréci. Cette involution peut avoir des causes multiples et des
aspects très divers.
Les maniaques, selon l'analyse de Minkowski (ibid., pp. 275-
276), sont justement des malades chez qui le contact avec la
réalité présente est bien conservé, o mais c'est uniquement un
contact instantané » sans que cet instant s'inscrive dans un
196 PSYCHOLOGIEDU TEMPS
elle le refuse. Mariée, elle cache à son mari qui étaient ses
parents et elle refoule ses souvenirs d'enfance. Dans son mariage,
elle n'a pas trouvé le bonheur. Elle « n'a pas su accepter un
certain bât que la réalité lui imposait et qui la blessait ». Sa
névrose se traduit par de la frigidité, mais Pichon remarque
aussi - point qui nous intéresse surtout ici - « qu'elle verse
dans les idées dites avancées et hante tous les milieux pacifistes,
internationalistes, féministes, naturistes... De même que son
passé individuel, elle refoule le passé collectif de la société à
laquelle elle appartient ; des traditions et des moeurs des géné-
rations antérieures, rien ne doit subsister, d'où son appétit
systématique de tout ce qui a couleur de nouveauté et de
révolution ».
Le souhait « que ça change » naît sans doute toujours d'une
insatisfaction présente, mais aussi du sentiment que l'avenir
peut engendrer autre chose que le passé. Il n'y a rien là que de
sain ; le déséquilibre s'introduit seulement au moment où nous
n'agissons plus pour réaliser cet avenir en fonction du réel
mais où nous nous réfugions dans une fabulation rêvée ou
même agie.
Toutefois, cette attitude revêt rarement la gravité des
états qui naissent quand l'avenir apparaît bouché. La fuite
en avant manifeste encore cette « force psychologique »
qu'Eysenck considère comme la composante conative de la
personnalité.
b) Le retour au passé. - Le passé est immanent au moindre
de nos actes. Sans cesse notre action présente tient compte de
toute l'expérience dont nous sommes enrichis. Mais le rôle
du passé, comme celui de l'avenir, varie selon la valeur même
qu'on lui accorde. On peut simplement l'utiliser pour réaliser
un avenir qui sera une nouvelle conquête de l'être ; on peut,
au contraire, s'y référer comme à une norme. L'avenir ne se
ferme pas du même coup mais il ne détermine plus le présent
comme une cause finale. Le présent est au contraire déterminé
par le passé. Le drame racinien nous offre un excellent exemple
d'une telle attitude. Il « se présente comme l'intrusion d'un
passé fatal, d'un passé déterminant, d'un passé cause efficiente
dans un présent qui cherche désespérément à s'en rendre indé-
pendant ». Les tragédies de Racine sont celles de la fidélité.
« Fidélité à la haine comme dans La Thébaïde, fidélité à l'amour
L'HORIZON TEMPOREL 205
*
* *
En envisageant les distorsions extrêmes de l'horizon tem-
porel, nous avons été mieux à même de comprendre à quel
point chaque homme a des perspectives qui lui sont propres.
Une multiplicité de facteurs les détermine : nous avons souligné
les principaux, c'est-à-dire l'âge, l'éducation reçue, la situation
sociale, et aussi le tempérament et la structure mentale. Ces
données s'imposent à chaque instant à l'individu. Elles jouent
leur partie dans le jeu, et composent nos attitudes à l'égard
des instances du temps. Mais d'autres facteurs, proprement
psychologiques, interviennent également : par eux s'élaborent
les processus dynamiques grâce auxquels nous assurons l'inté-
grité de notre moi. Nous valorisons les situations qui peuvent
nous procurer le plus de satisfaction ou nous promettre la
plus grande sécurité. Or, de ce point de vue, passé, présent et
avenir n'ont pas la même portée. Il résulte en effet de nos ana-
lyses que l'attitude normale de l'homme étant orientée vers
l'avenir, cette attitude, même poussée à l'extrême, devient
r, r.Hmss? 14
210 P,?l'(,'IIOLOGIE DU TEMPS
L'ESTIMATION DU TEMPS
1
LES SENTIMENTS DE TEMPS
*
* *
Cette analyse des situations où naît le sentiment d'une
réalité temporelle peut être confirmée par une contre-épreuve :
l'étude des cas où nous n'avons pas l'impression qu'il s'est écoulé
du temps. Car nous avons souvent ce sentiment. Nous savons
que l'horloge a tourné, mais nous n'en avons nulle conscience.
Quand cela se produit-il ? La règle suivante peut être formulée :
la durée ne nous devient pas spontanément sensible lorsque
notre présence à la situation actuelle est totale, c'est-à-dire
lorsque nous ne sommes reportés en aucun autre temps de
l'action par une exigence née de nos besoins ou des nécessités
sociales. En d'autres termes, les sentiments de temps ne se mani-
218 PSYCHOLOGIEDU TEMPS
(1) Les études qui ont été faites sur les ouvriers sujets à l'ennui dans les tâches
monotones de l'industrie confirment nos analyses sur le sentiment de temps. Pour
eux, plus l'ennui croît et plus le temps paraît long (Burton, 1943). En souffrent
le plus les individus les plus intelligents : il est probable qu'ils ne peuvent trouver
leur satisfaction dans des tâches routinières (Viteles, 1952). L'ennui frappe aussi
des ouvriers actifs que ces tâches ne « prennent » pas assez, ou encore ceux qui
sont en général mécontents de la vie et qui ont une tendance à l'inquiétude et à
l'agitation. Ces derniers sont prédisposés à ne pas se satisfaire de tâches monotones
et aussi sans doute de tout autre travail régulier (Smith, 1955).
l'ES7'IMA'?'lON Dli 7'Ii.,kll>," 221
.-
II
L'APPRÉCIATION DE LA DURÉE
1 Intcr-sujets l Intra-sujets
1
Reproduction...... 13,8 °/, 20,9
Estimation........! 35,1 - 1 28,7 -
Production........ 23,5 - , 18,8 -
ne soit pas plus tard. Par contre, si nous passons une soirée
agréable avec des amis, bien souvent nous sommes étonnés
qu'il soit si tard au moment où nous regardons l'heure. Ces
- ou sur
appréciations fondées sur nos sentiments de temps
leur absence - n'interviennent jamais seules Elles colorent
en quelque sorte nos estimations fondamentales du temps,
où interviennent d'autres critères, comme nous allons le voir.
Elles ont aussi pour effet de les accentuer. Quand naît un
sentiment de temps, notre attention se porte électivement sur
la durée et le temps semble passer plus lentement. « Regarder
le lait l'empêche de bouillir o dit la sagesse populaire.
*
* *
Une fois admises ces prémisses, notre propos est de démon-
trer que la longueur d'une durée dépend du nombre de change-
ments que nous y percevons.
Nous rejoindrons du même coup des analyses anciennes et
modernes. Lorsque Aristote estimait que le temps était le
nombre du mouvement, il nous semble qu'il projetait dans le
monde physique une donnée d'ordre d'abord psychologique.
Condillac, tout en s'intéressant surtout à l'origine de l'idée de
temps, a bien vu que sa statue n'aurait jamais connu qu'un
instant si le premier corps odoriférant eût agi sur elle d'une
manière uniforme pendant une heure, ou davantage ; il note à
plusieurs reprises que le temps n'est fait que de la succession
et du nombre des impressions ressenties par l'organe ou évo-
quées par la mémoire. W. James écrit que « c'est la richesse de
son contenu qui fait la longueur du temps » (1932, p. 370).
Guyau a essayé de faire une revue exhaustive des facteurs qui
interviennent dans notre estimation du temps. Il en trouve dix,
mais qu'il est facile de ramener, soit au nombre, soit à la variété
des images et de tout ce qui accompagne ces dernières : émo-
tions, appétits, désirs, affections (1902, 2e éd., pp. 85-86).
L'étude systématique que, de notre côté, nous allons consa-
crer à cette question, vise essentiellement à établir la loi
232
ET EN PARTICULIER DE LA MOTIVATION
Estimation
. 1 V . b'l't' e
moyenne Variabilité
(en s)
(en secondes)
0 Tâche de comparaison
Tâche étalon -- __ __ –
f
Repos Alphabet 1 Anagrammes
1
Repos ............ 1,42 1,54 1 1,73
Alphabet.......... 1,25 1. 1,43 1,62
Anagrammes...... 1,27 ) 1.41 1 1 ;.>6
240 PSYCHOLOGIE DU TEMPS
Compteur I
des nombres i Quantité ., estimations
ou Î faites .
detravail
travailet de
énergie
travail
"
des mouvements
de 1 , necessa)rel au faites
hasard
,
du corps 1i 1',,
.n %
'1<> 0,
; '1
Temps vide ..... 97,1 0 0 2,9
Tapping , , ...... 61,8 33,8 0 4,4
Barrage......... Il
/ 11.8 80,9 9
2,9 4,4
Analogies ...... , 0,0 î
14.7 77.9 / 7,4
Sériesde chiffres.., 0,0 j 8.8 , 80,9 10,3
Il est évident que les sujets n'ont pas choisi leurs moyens
d'estimation. Ceux-ci sont déterminés par la tâche. On ne
peut compter des nombres ou des inspirations en même temps
qu'on résout les analogies ou qu'on complète des séries de
chiffres. La quantité de travail a un sens précis dans une tâche
régulière et homogène comme le tapping et surtout le barrage,
mais devient aléatoire dans un travail plus qualitatif. Dans
ce dernier cas, les sujets invoquent, outre la quantité de travail,
la quantité d'énergie dépensée pour faire le travail, l'effort
mental nécessaire, etc.
En rapprochant l'usage de ces moyens des résultats numé-
riques déjà cités, on constate que le temps est estimé d'autant
plus long que les sujets s'appuyent sur un plus grand nombre
de changements (compter des nombres, des coups, apprécier
la quantité de signes barrés). Il apparaît au contraire plus
court quand, dans des tâches plus complexes, les sujets ne
peuvent plus s'appuyer que sur des indices globaux. De plus,
L'ESTIMAI'ION DU TEMPS 241
(1) Sur ce point, les résultatsdéjà cités sont encoreconfirméspar ceux que
Dobson(1954)a obtenussur un groupede 16sujetsen utilisantles duréesde 17s,
38 s et 2 mn. Lessujetsdevaientestimercestempsqu'ilsavaientconsacréssoit à
ne rien faire, soit à faire un travail de placementsde fiches(PurduePegboard).
La moyennedes estimationsdes 2 mn est 210s dans le premiercas, 173,4s dans
le second.Le mêmerésultatest obtenupar la méthodede production(indiquer
quandun intervalledonnéde tempsest terminé).Les sujetsdéclarentque deux
minutessontécouléesau bout de 81,7s lorsqu'ilsne fontrien,et au boutde 107,7s
quand ils travaillent.
P. FRAISSR 16
242 PSYCHOLOGIEDII TEMPS
---
*
* *
En résumé, quand nous devons estimer une durée, nous
pouvons avoir à notre disposition les informations suivantes :
a) Des repères quantitatifs qui permettent une sorte de
calcul de la durée. En particulier, le travail effectué, quand il
peut être quantifié d'une manière précise ou approximative,
sert de base à une mesure de la durée. Celle-ci reste très imprécise
tant que l'on n'a pas recours à des instruments qui mesurent
et la durée de l'unité de changement et le nombre de change-
ments. Ces repères permettent cependant de comparer exacte-
ment la durée de deux changements de vitesse uniforme. Les
estimations ainsi obtenues ont un caractère objectif que l'on
L'ESTIMATION DIJ TEMPS 247
(1) Il n'est pas possible de ramener simplement cette variable à celle de l'influence
de la fréquence des changements sur la perception de la durée. Nous avons étudié
ce problème dans le chapitre sur la perception du temps (p. 139). Les stimuli déter-
minant une fréquence ne sont pas perçus comme des événements plus ou moins
indépendants, mais comme un stimulus d'un type particulier, caractérisé justement
par sa fréquence. Rappelons seulement que, classiquement, on estimait que plus la
fréquence était grande, plus le temps était surestimé. Nous avons cependant mis en
évidence l'existence d'un optimum et souligné que l'existence des attitudes des
sujets rend le problème très complexe.
(2) Piaget distingue deux moyens d'estimer la durée : le travail accompli et
l'activité. Ce qu'il appelle activité est-il l'équivalent du nombre des changements
perçus ? Selon Piaget l'activité est l'aspect psychologique de la « puissance »
physique, c'est-à-dire de la force multipliée par la vitesse (1946, pp. 50 et 285). Sa
définition fait intervenir explicitement la vitesse des changements. Pour nous, la
vitesse des changements ne paraît une donnée essentielle que lorsqu'elle est perçue.
Or, nous ne perceuons en effet que la vitesse des changements qui se succèdent rapi-
dement : les battements d'un métronome en sont un bon exemple. La plupart des
changements que nous percevons se succèdent trop lentement pour que nous ayons
une impression de vitesse. Nous en parlons, il est vrai, souvent en termes de vitesse
(« comme ces deux heures ont passé vite ») mais par référence aux mouvements pério-
diques qui mesurent le temps. Nous dirons tout aussi bien : « Comme ces deux heures
ont été brèves. »
Nous développerons cette discussion plus loin (chap. VII, p. 255, et chao. VIII,
p. 288). Soulignons seulement ici que pour Piaget la donnée essentielle semble être
le rapport entre le travail accompli et la vitesse avec laquelle on le fait ; pour nous
c'est la densité des changements perçons.
248 PSYCHOLOGIE DU -TEMPS
-
III
L'ESTIMATION DU TEMPS
EN FONCTION DE L'A GE ET DU SEXE
L'INFLUENCE DE L'AGE
SUR L'APPRÉCIATION DE LA DURÉE
I
°Ages / Réponses Réponses Réponses
exactes trop longues trop courtes
°6
,0 1 0',0 ) 0
6 ans ........... 36 43 2a
8 1 45 ! 2'I 28
10 - ...........i 1 i3 16 30
; /
*
* *
Nous voyons donc que les jeunes enfants utilisent les mêmes
informations que les adultes mais leurs estimations présentent
des particularités qui ressortent des expériences mêmes que
nous avons relatées. La première est que les moyens directs et
globaux d'appréciation sont plus utilisés par les enfants que par
les adultes. L'adulte sait que ses appréciations ne sont pas
sûres, parce qu'il en a fait souvent l'expérience. Chaque fois
qu'il le peut, il cherche à évaluer indirectement la durée. Dans
des courses par exemple, il raisonne à partir des positions de
départ et d'an ivée, ou il tient compte du rapport espace-
vitesse : le mobile qui va plus vite met moins de temps. Qui
de nous, assistant à une course, aura l'idée d'apprécier direc-
L'ESTIMATION DU TEMPS 259
tement les temps des coureurs, alors qu'il sait que le premier a
mis moins de temps que le second ? Nous nous contentons de
constater l'ordre des arrivées et par un raisonnement implicite
nous inférons la durée des trajets. Or, nous verrons au cha-
pitre VIII que précisément le jeune enfant n'est pas capable de
ces déductions ; il se confie entièrement aux modes plus directs
d'appréciation.
La seconde particularité est justement cette confiance que
l'enfant accorde au mode d'appréciation qu'il emploie. Il se
centre sur lui. Il ne met pas en balance son appréciation avec
une tentative de mesure ; il ne prend pas non plus conscience
de la pluralité des modes possibles d'appréciation qui crée
chez l'adulte ces phénomènes de contraste sur lesquels nous
avons insisté. Tous les protocoles de Piaget sont très frappants
à ce point de vue. Ce qu'il appelle le stade de l'intuition arti-
culée, intermédiaire entre le stade intuitif et le stade opératoire,
serait assez justement caractérisé si l'on disait que l'enfant
commence alors à mettre en doute sa première intuition et à la
confronter avec les autres moyens d'estimation qu'il a à sa
disposition. Piaget note d'ailleurs cette prudence croissante des
enfants qui emploient de plus en plus avec l'âge des expressions
du type « il me semble o, quand la situation ne permet pas une
mesure exacte : c'est le cas en particulier lorsqu'ils comparent
les durées du transport des plaquettes de plomb et des pla-
quettes de bois.
Qu'est-ce qui détermine le choix d'un type d'information
plutôt qu'un autre par l'enfant ? En parlant des adultes, nous
notions que des différences typologiques devaient expliquer le
fait que certains étaient plus sensibles au travail accompli et
d'autres aux changements ressentis. En est-il de même pour
les enfants ? Aucune vérification n'a été tentée. Nous avons
seulement constaté dans nos expériences que les mêmes enfants
utilisaient tour à tour les appréciations à partir du travail
accompli ou à partir des efforts ressentis. Les situations aux-
quelles ils étaient soumis étaient ambiguës, il est vrai, et
avaient été voulues telles pour mettre en évidence les modes de
réponse possibles. Dans la vie quotidienne, il faut penser que
c'est la nature même de la situation qui détermine la qualité
des informations utilisées. Quand il ne s'agit que d'apprécier
la durée d'un changement physique, nous n'avons le plus
260 /'SYCHOLOG1EDU TEMPS
*
* *
En réalité, l'enfant, incapable d'estimer la durée par la
mesure proprement dite, est, dans ses appréciations, encore plus
dépendant que l'adulte de ce qui se passe dans cette durée, qu'il
s'agisse soit des changements physiques qu'il constate à l'aide
de ses propres moyens d'estimation, soit des changements
ressentis.
Même quand l'enfant, après 7-8 ans, devient capable des
premiers raisonnements et qu'il commence à avoir quelque
notion du temps, il semble rester encore plus que l'adulte sen-
sible à ces aspects qualitatifs de la durée. Si avec l'âge ses
estimations deviennent plus précises, c'est sans doute parce
qu'il use mieux des unités temporelles, mais aussi parce qu'il
se fie de moins en moins à ses impressions immédiates. Cette
L'ESTIMATION DU TEMPS 261
(1) Sans qu'il s'agisse de vieillards, Pumpian-Mindtin (1935) a trouvé que les
personnes de 40-60 ans ne faisaient pas plus d'erreurs systématiques dans leurs
estimations que celles de 20-30 ans.
L'ESTIMATION DU TEMPS 263
(1) Ces échanges ne doivent pas être confondus avec la simple accélération
de rythmes physiologiques comme ceux du cœur ou de la respiration.
(2) C'est pour cette raison sans doute yue Gardner (1935), partant lui aussi
d'une hypothèse physiologique, n'a pas trouvé de différence dans l'estimation
du temps entre des hyper- et (les hypotlyroïdiens. Peut-être leur temps vécu est-il
différent, mais leurs estimations interviennent aussi des corrections d'origine
sociale.
L'ESTIMATION DU TEMPS 265
2° L'INFLUENCE DU SEXE
3° L'INFLUENCEDE LA PERSONNALITÉ
LA NOTION DE TEMPS
1
LES DÉFICITS DES CONDUITES TEMPORELLES
AU STADE I'RÉ-NOTIONNEL
10 L'APPRÉHENSION DE L'ORDRE
de deux séries les uns par rapport aux autres que si nous connais-
sons, outre l'ordre dans chacune des séries, la durée exacte
qui s'est écoulée entre les événements de chaque série. Or
l'enfant, muré dans ses intuitions globales, est incapable de
cette exacte estimation des durées.
De plus, l'enfant n'est pas encore capable, au stade pré-
opératoire de la pensée, d'emboîter séries et durées pour arriver
à une reconstruction exhaustive de l'ordre de plusieurs séries de
changements. Nous allons voir successivement ces deux points.
rien qu'il soit plus grand : j'ai un ami qui est plus grand que moi
et qui a 6 ans » (ibid., p. 232).
Tous ces exemples montrent à quels obstacles se heurte
l'enfant de 5 ans. Il ne dépasse pas le plan des intuitions et des
appréciations immédiates. Il nous faut maintenant essayer de
préciser par quelles étapes il deviendra capable de s'adapter à
toutes les données temporelles.
II
LE DÉVELOPPEMENT DE LA NOTIOlVDE TEMPS
ET DE DURÉE
(1) Le rôic relatif de l'ordre et de la durée n'a toute son importance que dans
les situations où il y a plusieurs séries d'événements temporels emboîtés les uns
dan, autres. Quand il n'y a qm'une série d'événements homogènes (positions
d'un coureur, succession de, notes d'uue mélodie, etc.), il n'y a, entre l'ordre et la
durée. qne <le=relations par emboîtement, simides. Dans une succession A-B-C
l'intervalle AC est plus grand que mais cette relation est qnasi intuitive.
LA NOTION DE TEMPS 281
*
* *
B) Sur le plan de la durée, l'évolution est du même ordre.
Le jeune enfant appréhende la durée comme relative à son
contenu, c'est-à-dire comme proportionnelle au travail accompli
ou aux changements qu'il y perçoit. Le premier progrès va
consister pour lui à devenir capable de se représenter la durée
comme un intervalle indépendant de ce qui s'y passe. En
d'autres termes, les durées, d'abord hétérogènes entre elles en
tant que durées, vont devenir de plus en plus homogènes,
c'est-à-dire communes à tous les événements, quelle que soit
leur nature. Par quelles étapes va se faire cette évolution ?
Il faut d'abord remarquer qu'elle ne peut résulter que d'une
contestation, sans cesse renouvelée, d'une expérience qui ne
se modifie pas avec l'âge. Se représenter la durée comme un
intervalle indépendant de ce qui s'y passe implique toujours
de douter de l'expérience immédiate, alors que le progrès dans
la saisie de l'ordre des phénomènes est, comme nous l'avons vu,
le passage d'une expérience confuse à une expérience plus
nette. Aussi bien, cette évolution vers la représentation et la
conception d'une durée homogène est-elle un lent processus
dont nous voudrions saisir la naissance même.
Ici encore nous évoquerons surtout les travaux de Piaget.
Nous le ferons librement en nous référant d'abord dans notre
282 PSYCHOLOGIEDU TEMPS
-. ..-- -
30 LA THÈSE DE J. PIAGET
Avant d'étudier plus avant l'évolution de la notion de temps
chez l'enfant, il est nécessaire que nous confrontions la thèse
que nous avons esquissée avec celle de Piaget à laquelle nous
avons fait déjà de nombreuses allusions au cours de ce chapitre
et du chapitre précédent. Pour lui, comme nous l'avons montré
(chap. VI, p. 163), le jeune enfant, dans ses toutes premières
années, arrive à constituer des séries subjectives d'après les
résultats mêmes de son action. Dans les années suivantes,
l'enfant réapprend sur le plan de la pensée intuitive ce qu'il
possédait déjà de façon toute pratique. A ce stade et dès qu'on
peut l'interroger, on constate qu'il y a indifférenciation de l'ordre
temporel et de l'ordre spatial. cc Plus loin signifie toujours
« plus de temps » parce que l'enfant ne tient pas compte des
vitesses ou plus exactement ne fait pas la relation inverse entre
la vitesse et le temps. Plus généralement, l'enfant juge de la
durée par rapport au contenu de l'action, c'est-à-dire à la
quantité de travail accompli ou encore aux résultats extérieurs
de l'action dont l'espace parcouru n'est qu'un cas particulier
(Épistémologie génétique, II, p. 27). Au stade de l'intuition
immédiate, le temps est donc relatif au résultat de l'action ;
c'est un temps local propre à chaque mouvement et qui n'est
homogène d'un mouvement à l'autre que si les vitesses de chan-
gement sont identiques. Dans ce cas en effet, les durées sont
proportionnelles aux espaces parcourus ou plus généralement
aux changements produits ou constatés. Il ne saurait donc y
avoir une coordination de mouvements de vitesse différente qui
impliquerait la mise en relation de l'espace, du temps et de la
LA NOTION DE TEMPS 289
-
(1) Dans notre rédaction de 1957, nous avons employé l'expression nom6re des
changements et Piaget s'est demandé si cette expression avait valeur absolue ou
relative à une unité de temps. Cette dernière interprétation est évidemment la
bonne. L'expérience de N. Zuili (P. 256) a cependant montré que, dans certains cas,
le jeune enfant tenait compte du nombre absolu des changements et qu'après
avoir transporté n anneaux il lui suffisait de transporter le même nombre de jetons
pour égaliser les durécs, sans tenir aucun compte de la durée de chaque transport.
L.4 NOI'ION 1)1,;7'EM?.S 293
. --- ..- -.
I Genève
Genève Paris Genève Paris G°nève
Gcnève Paris
I-
JUSQU'A L'ADOLESCENCE
III
RF'PRÉSENT.ATIONET NOTION DE TEMPS
Pour conclure ce chapitre consacré aux formes supérieures
de l'adaptation de l'homme au temps, il est sans doute nécessaire
de considérer le terme de cette évolution génétique que nous
avons longuement décrite, et de mieux préciser la nature même
de ce que l'homme appelle le temps. Les philosophes en ont
débattu sans parvenir sur cette question à un accord minimum.
Sans doute, comme le faisait remarquer Nogué (1932), le temps
n'est pas une idée simple. Et cependant Pascal (De l'esprit
géométrique, in Pensées et opuscules, p. 170) écrivait déjà que
tous les hommes savent ce que l'on veut dire en parlant du
LA VALEUR DU TEMPS
(1) Nous empruntons cette formule à M. Bonaparte ( 1 9.39),qui l'a utilisée pour
opposer Bergson à Descartes.
310 PSYCHOLOGIE DU TEMPS
- ..-- ...
*
* *
Des tentatives formées par l'homme pour se débarrasser de
cette emprise, il n'existe pas que des fcrmes d'évasion. Une libé-
ration plus haute consiste moins à s'affranchir du temps qu'à
le maîtriser : dépassement qui n'est possible qu'à la condi-
tion d'échapper au devenir. C'est à quoi ont été employés les
efforts de la pensée constructive. Pierre Janet faisait remarquer
que les philosophes ont une horreur particulière du temps et
se sont appliquas à le supprimer (1918, p. 496). Sans aller
jusque-là, il suffit d'observer le comportement humain au niveau
des premières adaptations intellectuelles : il révèle, dès le
départ, une entreprise de domination du changement.
Pour se défendre contre le temps, l'homme a d'abord sa
mémoire : elle présentifie les changements passés, en recompose
l'ordre, en dégage la signification. L'homme crée l'unité de sa
personnalité en se donnant une histoire. A son image, l'huma-
nité revendique un passé et un avenir. Les sociétés multiplient
les témoignages des époques disparues en accumulant archives,
bibliothèques, musées. Patiemment, elles s'immortalisent en
écrivant leur histoire.
Le mouvement pour tirer à soi tout le passé et immobiliser
ce qui fut changement est complété par un effort symétrique
qui anticipe l'avenir et s'emploie par avance à l'accorder à
nos dési. s. Les prévisions humaines dépassent le cadre d'un
simple emploi du temps : elles lancent savants, ingénieurs,
politiques à la poursuite de lointains objectifs.
Ce regard qui se prolonge en deçà et au-delà du présent
n'épuise pas notre capacité d'organiser le changement. La
pensée parachève l'oeuvre de la mémoire par la mise en relation
de toutes les séquences d'événements : nous apprenons ainsi
à passer sans peine de l'ordre à la durfe, de l'antérieur au pos-
térieur et du postérieur à l'antérieur. Au terme de cette construc-
tion, l'homme est en possession de ce qu'il appelle le temps,
c'est-à-dire de la loi des changements. Fait paradoxal, cette
loi est comme en dehors du changement lui-même. Issu de
l'expéxience du temps vécu, le temps pensé n'en conserve pas
les caractères les plus sensibles. Il n'est pas un abstrait du
devenir, mais en coordonnant des séries multiples de change-
ments, il leur confère une intelligibilité.
CONCLUSION 313
*
* *
Si parfaite que soit cette maîtrise, si détachée de la réalité
sensible, elle ne peut nous faire oublier le caractère irréductible
de l'expérience du changement. A chaque instant le temps
nous est donné pour nous être aussitôt arraché. Il est facteur
de toutes les édifications et de tous les progrès, il est aussi
celui qui dégrade et anéantit. L'homme naît et meurt, pro-
gresse et régresse, les sociétés se développent et disparaissent :
double face de l'histoire, qui marque le temps personnel comme
celui des civilisations d'une ambivalence essentielle (Marrou,
1950). Le dieu grec du temps, Chronos, enfante et dévore ses
enfants. Janus, dont la sagacité embrasse tout à la fois l'avenir
et le passé, est doté d'un double visage, l'un sinistre et l'autre
riant.
Une telle ambivalence explique certains de nos choix. Porté
par son tempérament, sa situation, son histoire, chacun de
nous tourne les yeux vers ce qu'offre le temps ou vers ce qu'il
détruit. De là naissent des attitudes qui s'inscrivent dans les
conduites de chaque jour. Nous avons déjà relevé les valeurs
différentes que prêtent les individus aux deux grands axes de
l'horizon temporel, le passé et l'avenir.
Ces attitudes ne guident pas seulement notre action, elles
inspirent nos philosophies. En effet, chaque métaphysique se
314 PSYCHOLOGIEDU TEMPS
- -. ..-
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PT£RON, H., 9, 14, 20, 21, 23, 27-23, 1 ROUSSEAU, J. J., 198.
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99, 100, 101, 106, 107, 109, 111- RucH, F. L., 61, 62, 68.
l12, l16, l17, l18, l19, 120, 133,
143, 150. SAMS, C. F., 59, 61.
' SAUTER, U., 97.
PINTNER, R., 96.
POINCARÉ, H., 110. SCHAEFER, V. G., 36.
Popov, N. A., 26, 41, 67. SCHLOSBERG,H., 23, 55.
POROT, M., 202. SCHMIDT, M. W., 113.
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POSTMAN, L., 126. SCHNEEVOIGT,W., 250.
POULET, G., 191, 195, 198, 199. I SCHNEIDER, L., 184.
200, 203, 205, 206, 218, 248. SCHULTZE,F. E. O., 123.
PRICE, J. B., 121. / SCHUMANN,F., 8, 86, 138.
PROUST, M., 180, 206. ! SEASHORE, C. E., 149.
PROVINS, K. A., 36. SHAGASS,C., 58.
PUCELLE, J., 219. SHERRICK, C. E. Jr., 120.
PUMPIAN-MINDLIN, E., 225, 262. SHERRINGTON,C. S., 33.
SIDMAN, M., 63.
QUASEBARTH,K., 148, 155. SIFFRE, M., 36, 47, 236.
SIVADDIAN, J., 3, 5, 34, 35, 88.
RABIN, A. 1., 164, 214. SKALET, M., 186.
RACINE, 204-205. SKINNER, B. F., 40, 62.
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REESE, E. P. et T. W., 131. SMITH, P. C., 220.
j'
REGELSBERGER, H., 28. SMYTHE, E. J., 251.
RÉGIS, E., 172. SPENCER, H., 6.
REGNAUD, P., 1. SPENCER, L. T., 242.
REICHLE, F., 23. I
I SPIEGEL, E. A., 174.
REMLER, O., 30. SPIVACK, G., 197.
RENNER, M., 24. SPOONER, A., 55.
RENSHAW, S., 148. SPRAGUE, R. O., 121.
REVAULTD'ALLONNES, G., 174. I STEIN, H., 24, 35.
REZENDE, N. M. de, 226. STEIN, W., 108.
RIBOT, Th., 80, 169. STEINBERG, H., 244.
RICHELLE, M., 62-63. I STELLAR, E., 160.
RICHET, Ch., 107, 108. STERN, CI., 187.
RIGBY, W. K., 66. STERN, L. W., 91, 187.
ROBERTS, W. H., 179. STERN, W., 188.
ROCHLIN, G. N., 172, 174. STERZINGER,O., 37, 244.
RODNICK, E. H., 56, 57, 64, 66. STEVENS, S. S., 151, 152, 153.
ROELOFS, O., 141. I STOETZEL, J., 309. ,
ROFF, M. R., 45-47. STONE, S. A., 113.
RoHErm, G., 165, 201. , STOTT, L. H., 125, 148.
ROSENBAUM,G., 40. STRAUS, E., 14, 205, 206, 230.
ROSENTHAL, J. S., 42. STROUD, J. M., 108.
/
ROSENZWEIG,S., 184, 234, 235. , STURT, M., 188, 245, 246.
Ross, S., 131, 152. SuDo, Y., 144.
RosvoLD, H. E., 180. SuTO, Y., 144.
ROTHSCHILD,D. A., 97. ! SWEET, A. 1.., 113, 119.
INDEX DES AUTEURS 349
SWIFT, E.
,J., 242, 265. WAALS, H. G. Van der, 141.
SWITZER, St. C. A., 57, 64, 65. WAHL, O., 23, 35, 43.
SYLVESTER, J. D.. 137. 141. 144, WALKER, A. M., 192.
146. WALLACE, M., 164, 193, 209, 214.
SZELISKI, 131. WALLON, H., 10, 270, 271, 302.
SZYMANSKI, J. S., 47. WAPNER, S., 140, 233.
WARM, J. 140, 148, 224, 225.
S.,
TAGWA, K., 64. M.
WARRICK, J., 121.
TAYLOR, W. G., 117. C. O., 146.
WEBER,
TEAMAN, J. E., 183, 192.
I WEBER, E. H.," 8,' 60, ' 149-151,' '
TERMAN, 98. 225.
153
TEUBER, H. L., 103. i
/ WECHSLER, D., 172.
'l'HOR, D. H., 29, 46, 266. A.
) WELFORD, T., 129.
?1'HUMA, B.
D., 102, 119. 233.
WERNER, H., 102, 119,
THURY, M., 219. I WERTHEIMER, 118,
M., 90, 98, 119,
TINKER, M. A., 120. ! 190.
TITCHENER, E. B., 112. C.
WHITE, T., 55, 108.
TITELBAUM, S., 30. I
WIELAND, B. A., 119.
TOBOLOWSKA, A., 245.
WIERSMA, E., 199-200.
TOLMAN, E. C., 59, 61. ) M.
WILSON, P., 63.
TOULOUSE, E., 27, 28. WIRTH, W., 139.
TREISMAN, M., 150. 102.
WOERKOM, von,
TRIPLETT, D., 137, 141, 142. H. 129.
WoLFLE, M., 55,
'I
109. WOODROW, H., 59,
127, 138, 125,
I 147-148,150, 151, 155, 225.
URBAN. F.' F. ' M.,"
URBAN, 242, ' 265. '
WOODWORTH, 150,R. S.,
S'55
55, 130,1'30
131. 13' 1
I
VAN T'HOFF, 34. WORCHEL, P., 221.
VASCHIDE, N., 49, 50, 51. I WUNDT, W., 7, 86, 87, 91, 92, 94,
VAUTREY, P., 75,146, 256, 287, 290. 95, 112, 115, 125, 128-129, 130,
VERNON, J. A., 46, 237. 131, 132, 134, 139, 215.
i
VIERORDT, K., 8, 123, 124.
VIGNY, A. de, 200, 203. YAGI, B., 61, 232.
VINCHON, J., 175, 207, 221. YERKES, R. M., 242, 265.
VISHER, A. L., 190. YOUNG, P. T., 97.
VITELES, M. S., 220, 222. ,
VOLMAT, R., 202. ZELENNJI, 26.
i
VURPILLOT, E., 155. ZUILI, N., 256, 292, 294.
INDEX ANALYTIQUE DES MATIÈRES
Abeille, 23-25, 26, 35, 36, 37, 43. ) Attention, 86-87, 90, 94, 99, 102,
Abstraction, 305. 112-113, 115, 116, 121, 127,
Accélération, 263. 133, 143, 155-156, 215, 216-217,
Actinies, 43. j
218, 229, 232-234, 239, 247, 255.
Activité, 247, 254, 273, 289, 290, Attitude, 127, 136, 138, 143, 153-
307. 156,194,195,229-230, 232-237,
Acuité temporelle, 117, 119. 247, 313.
Adaptations périodiques, 21-42. Audition, 87, 88, 89, 106, 107,
Adolescence, 285, 300. 108, l ll , l13, l 17, l 19, 120, 124,
Age : 132, 133, 136, 137-138, 140, 141,
- (influence de l'), 186-190, 142, 143, 146, 147-148, 149, 301.
196, 209, 249-264, 297-300 ; Autisme, 207, 221.
- (détermination de l'), 275- Avance (de l'heure), 297-299.
278, 283. Avenir, 13, 73, 159, 160, 162, 163,
Agnosie, 103. 178-185, 186-190, 191, 194, 195,
Agressivité, 311. 196, 197, 198-199, 201-204, 205-
Ajustement (méthode d'), 153. 207, 312, 313, 314.
Alpha (voir Rythme). (Voir aussi Futur.)
Ambivalence, 313. Aveugle-né, 30, 89, 135.
Amnésie de fixation, 172.
Analogie, 237, 238, 265. Barrage (épreuve de), 238, 240,
Ancrage, 126-127, 134, 152. 261, 265.
Angoisse, 197, 202, 206. Basket-ball, 242.
Anticipation, 20, 159, 160, 162, But (voir Gradient de).
178-179, 180, 185, 187, 196, 203,
214, 252, 301, 312. Cadence, 34, 35, 36.
Anxiété, 69, 181, 311. Calcul mental, 261.
Aperception, 86, 91, 92, 128, 130. Calendrier, 168, 170, 172, 173, 175,
Aphasie, 102, 116. 177, 182, 183, 188.
Appréhension (voir Capacité d'). Canari, 47.
Arrhénius (voir Loi d'). Capacité d'appréhension, 93-94,
Arthropode, 24. 96-99.
Assimilation, 83, 126, 127, 136, Capacité du canal de transmission,
284. 142.
Asthénique, 220. Causalité, 169, 270, 271, 280.
Attente, 10, 65, 86, 138, 181, 182, - (perception de la), 74.
184, 211, 214.217, 228, 232, 236, Centration, 143, 155, 156.
241, 250, 254. Cercle, 304.
352 YSY'CEIOLOG1E DU 'J'EMPS
PAGES
INTRODUCTION ............................................... 1
PREMIÈRE PARTIE
LE CONDITIONNEMENT AU TEMPS
DEUXIÈME PARTIE
LA PERCEPTION DU TEMPS
TROISIÈME PARTIE
LA MAITRISE DU TEMPS
PAGES
BIBLIOGRAPHIE............................................... 315
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