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Pensées, Pascal

L’extrait des Pensées de Pascal soumis à notre étude s’interroge sur l’homme face au
temps présent et les conséquences sur son bonheur. Loin de la vision physicienne du terme et
de la grandeur liée qui est ponctuelle, il est ici question du temps subjectif tel nous le vivons.
Cette dimension du réel rend possible et compréhensible le changement. C’est aussi un milieu
indéfini et homogène où se déroulent les événements naturels et l'existence humaine. La
relation entre les hommes et le temps est très complexe. Déchiré entre son passé, son présent
et son futur, l’homme se retrouve dans un doute continuel concernant sa propre vie. Plusieurs
philosophies s’affrontent. Les uns, sont bercer par l’image d’un passé glorieux. Les autres
préfèrent la vision d’une vie au jour le jour « Carpe diem ». D’autres encore, pensent que c’est
dans l’avenir que l’on trouvera le bonheur. Mais quand est-il réellement ? Quelle relation
l’homme entretient-il avec le temps ? Dans quel temps nous vivons ? Selon Pascal, « nous ne
tenons jamais au temps présents » et si chacun examine ses pensées « il les trouvera toutes
occupées au passé et à l’avenir ». Ainsi, on peut se demander si l’homme est dans la capacité
de vivre au présent donc de vivre sa propre vie ou bien si son penchant pour les temps qui ne
lui appartient pas sont nocif pour lui ? Afin de développer son point de vue Pascal met, dans
un premier temps, en évidence la relation paradoxale entre l’homme et le temps. Puis, il
aborde le mépris que l’on voue au présent. Enfin, il conclut que le fait que notre conception et
notre relation au temps agit comme une entrave à notre vie.

Tout d’abord, Pascal dresse un constat accablant « nous ne nous tenons jamais au
temps présent ». Par ces mot, Pascal révèle que l’incapacité de notre société à vivre dans le
présent. Celle-ci s’est détachée de son temps et ne veut plus le vivre. Les hommes ne tiennent
plus à lui d’un point de vue spirituelle mais leurs corps restent ancrés dans cette réalité. Le
cœur des hommes est tourné vers des temps différent alors que le corps, lui, vit le présent. On
entre dans un paradoxe où nous ne sommes plus en accords avec nous-même et le monde
extérieur. En effet, « nous anticipons l’avenir » car nous y voyons un une promesse et une
félicité. On prend de l’avance sur notre situation, on prévoit chaque détail de nos vies : on
essaye de devancer le cours du temps. Mais de quel avenir est-il question ? L’avenir proche
ou l’avenir plus ou moins lointain ? Dans cette réflexion, il est logique de penser qu’il est
question d’un avenir où l’on fonde des projets et des quêtes que l’on souhaite faire. Il s’agit
donc sûrement d’un avenir plus ou moins lointain. Toutefois, nous savons pertinemment que
qu’il ne nous appartient pas à cet instant précis car nous ressentons qu’il est « trop lent à
venir » et nous voulons « hâter son cours ». Ainsi, malgré notre volonté, la réalité nous
rattrape et nous sommes confronté à notre faiblesse humain : nous ne sommes pas maître du
temps. D’autre part, plongé dans notre nostalgie « nous rappelons le passé ». Nous nous
construisons une image fantasmée de celui-ci, une image glorieuse et plaisante. On souhaite le
passé, on veut pouvoir y revenir. D’ailleurs, peut-être que cette vision est très loin de la réalité
passée ? Notre rêve entraine une distorsion de la réalité. Cependant, la fidélité avec la réalité
n’est pas notre préoccupation car on a bâti cette vision pour trouver un réconfort. Ce réconfort
nous est si plaisant que l’on souhaite « l’arrêter [le temps passé] comme trop prompt ».
Devient-on alors victime du décalage avec notre réalité ? Nous ne ressentons plus le passé
comme un temps fini mais comme quelque chose qui aurait dû continuer. On a l’impression
que tout est allé trop vite, que le temps à défiler bien trop rapidement. Mais cette sensation
n’est-elle pas née de notre passiveté vis-à-vis de notre vie ? Nous regardons toujours vers le
passé et le futur mais jamais vers le présent. Peut être perd-t-on aussi de vue notre existence ?
Pascal amène ainsi toute la problématique que l’homme vit. A trop se préoccuper du
passé et du futur, on perd de vue notre ancrage dans la réalité. Nous abandons notre raison et
nous devons « imprudents ». Nous nous mettrions donc en danger par nos inclinaisons ?
Pascal affirme que « nous errons dans les temps ». A l’image d’âmes en perditions, nous ne
trouvons plus notre place dans le temps. On se perd d’un point de vue temporelle : notre cœur
vie le futur, nos sentiments le passé mais notre être corporelle vit dans le présent. Nous
perdrions donc par la même occasion le cours de nos vies ? Ce qui serait logique puisque ces
temps « ne sont pas nôtres ». Ainsi, notre penchant nous fait entrer dans une vie spirituelle
déconnectée de notre réalité physique à tel point que nous « ne pensons point au seul qui nous
appartient », c’est-à-dire, le présent. En effet, le temps présent est le seul temps dans lequel
nous vivons réellement. Peut-être avons-nous vécu un certain passé proche ? Mais, celui-ci
n’est plus accessible. Peut-être vivrons-nous un certain futur ? Mais, il n’est pas accessible
pour l’instant. L’auteur appuis son idée et déclare que nous somme en réalité « vains ». Vide
de sens, « nous songeons à ceux qui ne sont plus rien ». Ainsi, notre simple rêverie nous mène
vers une existence vide. Penser à des choses révolus nous conduit notre vie vers un non-sens.
Penser à des choses hypothétiques nous pousse vers des chimères. Au lieu de vivre le temps
présent « le seul qui subsiste », le seul qui nous appartient, nous renions toute logique et
« réflexion » pour nous plonger vers des temps illusoires. Nous entrons dans une vie illogique,
absurde et sans lucidité. Mais pourquoi un tel paradoxe ? Pourquoi sommes-nous révulsées à
l’idée de vivre le présent ? Pascal propose alors une explication liée à nos sentiments.

En effet, pour l’auteur, si nous fuyions le présent c’est parce que « le présent
d’ordinaire nous blesse ». Nos émotions sont intimement liées à notre expérience. Notre
cerveau traite les informations qui lui parviennent de manière directe. Le laps de temps entre
l’arrivée de l’information et son traitement est très cours. De ce fait, nous vivons nos émotions
instantanément et donc nous les vivons dans le présent. Donc, nous avons l’impression que le
présent nous blesse car nous sommes confrontées à la réalité et à nos affections directement et
sans être prévenu. Nous nous détournons alors de lui et « nous le cachons de notre vue » car
nous commençons à le considérer comme une sorte de bourreau qui nous tourmente et nous
« afflige ». Or, n’est-ce pas là une épreuve de la vie inévitable ? Tout le monde passe par des
moments difficiles. Pourquoi faire du présent une agresseur continuel alors qu’il nous réserve
aussi des moments de joie ?
D’après Pascal, nous vivons dans une peur quotidienne de perdre ce bonheur qui nous
est accordé « s’il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper ». Ces moments qui
nous sont donné sont éphémères, nous pensons que bientôt nous vivrons des épreuves
difficiles qui nous accablerons. Alors, au lieu de profiter de ces instants présents, nous devons
suspicieux. Des sentiments d’angoisse naissent. Nous ne profitons pas pleinement de cet
instant. On part dès le début du principe qu’il ne va pas durer. Dès lors, on fait de cet instant
une relique du passé car pour nous le bonheur ne peut-être dans le présent. Ainsi, on vit le
moment donné directement avec un profond regret, une nostalgie et une amertume liée à sa
fin. Peut-être qu’en réalité nous n’avons pas vécu ce moment car nous l’avons directement
considéré comme clos ?
Cette idée de bonheur momentanée, nous conduit à placer nos espérances sur le futur
« nous tachons de le [le présent] soutenir par l’avenir ». On espère un avenir emplit de
bonheur. Ainsi, ce moment de bonheur ne serait que le début et même s’il prenait fin ce ne
serait pas une perte. Or, nous entrons dans une erreur car nous « pensons à disposer les choses
qui ne sont pas en notre puissance ». En voulant, nous convaincre d’un futur radieux, nous
nous permettons de tirer des conclusions hors de notre portée. Nous n’avons pas de pouvoir
sur les évènements qui vont nous arriver. Comment pouvons-nous nous promettre un avenir si
nous sommes ignorants ? L’homme n’est pas omniscient et donc il ne fait que s’aveugler par
ces espoirs infondés. De plus, Pascal aborde un élément important. Ce futur est « un temps où
n'avons aucune assurance d'arriver ». L’homme n’est pas immortel. Pouvons-nous affirmer
que nous vivrons assez longtemps pour expérimenter ce futur ? Non. La mort est une chose
certaine. Mais quand arrivera notre heure ? Nous ne savons pas. Dès lors, cette image du futur
que l’on se fait ne peut-être que fausse. En effet, l’être humain, lorsqu’il vise le bonheur et le
réconfort ne s’intéresse pas aux malheurs qui le guette. On se s’imagine donc un futur où l’on
vivre assez longtemps pour accomplir tout nos désirs. Néanmoins, cela ne nous est pas assuré.
Par conséquent, la promesse d’un futur radieux est vaine et illogique. On voit donc que l’on
est plongé dans un déni où le futur aura toujours plus à offrir que le présent. Mais à force de
rejeter le présent voir de le haïr, est-ce que nous n’entravons pas notre vie ? Notre existence
spirituelle rencontre-t-elle une impasse que nous avons-nous-même créé ?

Pascal nous propose alors de sonder individuellement et par nous-même notre esprit. Il
nous invite à le questionner, à le comprendre : « Que chacun examine ses pensées ». Comme
pour nous dire que nous n’avons pas conscience de nos propre attentes, Pascal nous pousse
vers une introspection. Néanmoins, il affirme que l’humanité entière « les trouvera toutes
occupées au passé et à l’avenir ». La certitude de cette obsession pour le passé et le futur ne
fait aucun doute : ce n’est pas un penchant individuel mais un penchant sociétal. Aucun
humain ne peut s’abroger de ce désintérêt du présent « nous ne pensons presque point au
présent ». L’auteur va plus loin et affirme que « si nous y pensons, ce n’est que pour en
prendre la lumière pour disposer de l’avenir ». Ceci implique que pour l’homme, le présent
n’est que prémices du futur. On y voit un chemin vers le futur. Dès lors, on ne le considère
plus comme un temps à part entière. Mais pourquoi sommes-nous poussés à faire un tel lien ?
La distinction entre le passé, le présent et le futur est très mince. Ce qui hier était présent
devient aujourd’hui passé et ce qui était futur devient présent. Nous sommes donc sans cesse
poussé vers l’avant. En outre, peut-être que ce sentiment serait né de nos Société ? Nos
sociétés sont toujours tournées vers l’avenir. Dès le plus jeune âge, nous sommes poussés vers
une réflexion sur notre futur. Nous sommes questionnés sur le métier auquel on se destine, sur
nos projets de vie, en sommes sur le futur dont on rêve. Par conséquent, on peint notre
existence sur une vision futur et on part du principe que le présent que nous vivons ne nous
est pas destiné.
C’est d’ailleurs ce que dénonce Pascal : « le présent n’est jamais notre fin ». L’opinion
commune a fait de l’instant présent un simple vecteur temporel vers le futur « le passé et le
présent sont nos moyen ». On ne considère ces temps qu’en vue de l’avenir. Ceux sont des
outils et des causes à utiliser pour se diriger vers un but ultérieur. Pour bâtir un avenir
heureux, il faut des fondations : le passé et le présent. Notre Société nous indique que sans
elles, nous serions dans un malheur certain. Ainsi, tous les temps se lient mais un seul se
dégage comme étant celui de la félicité. On est mené vers la conclusion que « le seul avenir
est notre fin ». C’est lui seul qui peut répondre à notre espoir. Par ailleurs, on retrouve dans
cette affirmation dans les pensées religieuses. En effet, dans les religions monothéistes, la vie
présente est dépeinte comme une étape vers le véritable bonheur. Pour les Chrétiens le Salut
est indispensable pour accéder à celui-ci et pour les Musulmans il faut avoir mener une vie
pieuse. Dans les deux cas ces conditions doivent être remplies pendant notre vie sur Terre.
Notre vie actuelle est alors la cause de notre entrée au paradis dans le futur. Donc, même d’un
point de vue religieux, le présent n’est pas une fin. La seule fin possible c’est le futur. Le
bonheur ne se trouveras donc pas dans le présent mais dans l’avenir si et seulement si on
œuvre pour ce dernier pendant l’instant présent. Néanmoins, une réalité trop souvent mise de
côté est que le futur marque « notre fin » autrement dit le futur nous réserve notre mort. Ceci
est inévitable et c’est en réalité la seule certitude que l’on a car nous ne sommes ni sûr d’être
heureux dans le futur ni de pouvoir accéder au paradis.
Par la suite, l’auteur déclare « Ainsi, nous ne vivons jamais, mais nous espérons de
vivre ». Notre obsession d’une vie future, nous guide vers un désamour de notre vie actuelle.
Nous ne sommes jamais satisfaits de notre état actuel et nous sommes constamment tourner
vers l’avenir. On ne profite donc pas de notre vie car on ne pense qu’au lendemain. Peut-être
que l’on entre même dans un conflit avec notre réalité et dans un conflit interne avec nous-
même ? On ne l’accepte pas pourtant ces biens en ce temps que notre vie est ancrée. Alors, en
se battant sans cesse avec le présent peut-être que l’on arrête notre vie. Toujours dans cette
vision pessimiste, Pascal affirme que « nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable
que nous le soyons jamais. ». Nous sommes toujours ouverts à la possibilité du bonheur mais
de manière continuelle. Donc, même quand celui-ci nous touche nous ne le ressentons pas.
Nous entrons dans un cycle où nous ne sommes jamais satisfaits. Nous en demandons
toujours plus. De ce fait, nous ne sommes jamais dans un état de plénitude : on cherche le
bonheur sans jamais l’atteindre. Nous sommes alors bloqués et nous ne pouvons plus évoluer.

Somme toute, on voit que Pascal dépeint un portrait de l’être humain misérable et
perdu dans les rouages du temps. Naïfs, nous nous berçons d’illusion concernant un futur
incertain et inconnu. Nostalgique, on aime se réconforter par un passé que l’on imagine et que
l’on réécrit. Insatisfait, on renie notre présent. Les promesses de la Société et des Religions,
nous influence vers le futur. Mais la mort nous guette sans cesse. Mais notre relation au temps
ne serait-elle pas complexe parce que lui-même est complexe ? Nous n’arrivons pas à saisir le
temps car il est hors de portée, c’est un concept abstrait. Néanmoins on souhaite pouvoir agir
dessus, on veut prendre l’ascendant sur lui car il nous rappelle sans cesse notre impuissance
humaine. On craint notre terme et donc le temps qui passe. Mais ceci équivaudrait à avoir
peur de sa propre vie ? Alors, comment changer cette relation quand nous ne connaissons
qu’un seul et unique modèle de vie ? Nous devons passer par une acceptation et donc accepter
l’inévitable.

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