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Bulgarie-Macédoine du Nord : la querelle de la langue

François d’Alançon. La Croix. 22 octobre 2020

C'est une querelle historique comme il en existe parfois dans les Balkans. En septembre, le très
nationaliste ministre de la défense Krassimir Karakatchanov annonçait que la Bulgarie bloquerait
l'ouverture des négociations d'adhésion entre l'Union européenne et la Macédoine du Nord, si leur
« querelle historique » n'était pas soldée. De quoi s'agit-il ?
La Bulgarie conteste d'abord l'existence d'une langue macédonienne distincte, et donc
reconnaissable comme telle par les institutions européennes. Sofia exige qu'elle soit considérée
comme un simple dialecte bulgare. Les milieux nationalistes bulgares décrivent la langue
macédonienne comme une création « artificielle » de la Yougoslavie de Tito. Les deux pays se
disputent également sur l'identité ethnique - bulgare ou macédonienne - de figures historiques
ayant combattu l'occupation ottomane, comme Gotse Delchev, célébré comme un héros national
dans les deux pays. Autre question controversée, le traitement de la minorité bulgare en
Macédoine du Nord et de la minorité macédonienne en Bulgarie. Début décembre, une conférence
inter-gouvernementale doit lancer officiellement les pourparlers d'adhésion, une des priorités
affichées par la présidence allemande du Conseil de l'UE.
Or, Sofia menace de mettre son veto. De passage à Skopje, mercredi 7 septembre, le commissaire
européen à l'élargissement, Oliver Varhelyi, a invité les deux pays à « trouver une solution à ces
questions qui provoquent des malentendus. S'ils ne sont pas réglés, il sera très difficile d'aller de
l'avant », a-t-il ajouté. En 2017, Sofia et Skopje ont signé un « traité d'amitié historique » prévoyant
la création d'une commission formée principalement d'historiens pour résoudre ces querelles.
Après dix mois d'interruption, cette commission s'est réunie à Skopje, jeudi 15 et vendredi 16
octobre. Un signe de détente après la publication, à la mi-septembre, d'un mémorandum signé par
les membres bulgares de la commission, réitérant les exigences de Sofia. D'autres réunions sont
prévues dans les prochains mois et le contentieux semble loin d'être réglé. Bulgares et
Macédoniens continuent à souffler le chaud et le froid sur une question de nature essentiellement
politique. « Il est grand temps pour une solution politique qui confirme tous les principes de
respect de l'histoire, de bonnes relations de voisinage et de respect de notre identité et de notre
langue », affirmait récemment le président bulgare Roumen Radev. « Il y a toujours place pour des
compromis mais ils ne peuvent pas être faits avec l'histoire, l'identité et la langue, ou avec des
revendications sur les minorités nationales. » De son côté, le premier ministre de la Macédoine du
Nord, Zoran Zaev, se déclare optimiste sur la possibilité de parvenir à un compromis et doit se
rendre à Sofia début novembre. Si la Bulgarie maintient sa position, a-t-il toutefois averti, « il n'y
a pas de plan B ». Sous-entendu, la Macédoine du Nord renoncera à l'ouverture de pourparlers
d'adhésion avec l'UE en décembre. La situation politique intérieure bulgare.
Sous le même prétexte linguistique, la Bulgarie bloque depuis plusieurs mois un accord entre l'UE
et la Macédoine du Nord pour la participation de policiers de Frontex, l'agence chargée du contrôle
des frontières extérieures de l'espace Schengen, au contrôle de la frontière avec la Grèce. « La
situation politique intérieure bulgare, avec les manifestations contre la corruption et la
surenchère du parti nationaliste VMRO, membre de la coalition gouvernementale, joue un rôle
important dans cette querelle », analyse un diplomate européen. « Le premier ministre bulgare
Boïko Borissov pourrait persister dans son blocage mais il y a une part de bluff car il ne gagnerait
pas grand-chose en s'opposant à ses partenaires européens sur l'ouverture de négociations
d'adhésion qui de toute façon vont durer dix ans ».

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