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A la métropole de Lyon, la colère des

maires des petites communes


Le groupe d’opposition Synergies reproche à l’exécutif de la collectivité territoriale
d’imposer aux maires des petites communes des décisions sans réelle coopération
et peu adaptées aux réalités territoriales.

Par Richard Schittly(Lyon, correspondant)

Publié le 08 août 2021 à 10h00


Temps deLecture 4 min.

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Bruno Bernard (EELV) répond à la presse après son élection à la présidence de la Métropole
de Lyon, le 2 juillet 2020. PHILIPPE DESMAZES / AFP
La fronde des maires couve au sein de la métropole de Lyon. La crise risque de s’accentuer
dès la rentrée, entre les élus des petites communes et l’exécutif de la collectivité territoriale,
dirigé par l’écologiste Bruno Bernard, 51 ans. En cause : le poids des maires dans les
décisions de la deuxième agglomération de France. « Nous sommes complètement exclus, je
n’ai jamais vu ça. Les communes ne sont plus associées aux projets communautaires, leurs
propositions ne sont même plus examinées. La révolte des maires a sonné », annonce Marc
Grivel, 76 ans, président du groupe « Synergies, la voix de toutes les communes ».

Constitué de dix élus, issus principalement du Val-de-Saône, le groupe d’opposition a prévu


de changer d’appellation en septembre pour s’intituler « Synergies, élus et citoyens pour une
démocratie du quotidien ». Anecdotique ? A l’origine de la chute de Gérard Collomb, à son
retour de la Place Beauvau en 2018, le groupe Synergies joue historiquement un rôle
charnière dans l’assemblée métropolitaine, potentiellement déflagrateur. Et ses sorties sont
surveillées comme le lait sur le feu.

Un groupe influent
« Nous subissons une politique qui nous est imposée, sans véritable coopération. La grande
majorité des maires est remontée. Les jeunes maires hésitent à se positionner, d’autres
craignent des rétorsions au préjudice de leurs communes, mais le mouvement va
s’amplifier », prédit Pascal David, 60 ans. Le maire de Quincieux, au nord de Lyon, cite en
exemple des projets de rond-point et de raccordement autoroutier, destinés à désengorger sa
commune, qui ont été retoqués par la métropole. « Je sais bien que l’avenir ce n’est pas le
routier à tout prix, mais nous travaillons sur les sujets écologiques depuis longtemps. Il ne
faut pas tout sacrifier, cela ne correspond pas à la vie réelle d’un village », estime-t-il. « La
métropole souhaite supprimer les places de parking. Les foyers, ici, ont souvent deux voitures
pour se déplacer », ajoute le maire de la commune de 3 500 habitants, pas loin d’opposer la
politique des villes à celle des champs, aux préoccupations différentes.

Lire aussi Ecologie : des obstacles sur la route du « plan


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nature » de la métropole de Lyon

Les membres de Synergies ont formé, cet été, des groupes de travail pour lancer une offensive
à destination d’autres élus, au-delà des maires qui ont constitué ses origines, en 2001. Le
groupe sans étiquette partisane cherche à élargir son audience auprès d’élus, et se transforme
en mouvement politique auprès de la population. Signe de son influence, les quatre autres
groupes d’opposition métropolitaine ont signé un courrier commun avec Synergies, adressé le
12 juillet au président de la métropole, afin de demander la « renégociation » de la
programmation pluriannuelle des investissements (PPI) de la collectivité. « Si la métropole
entend être pérenne, elle doit être au service des communes et de leurs habitants. A défaut,
elle risque la dislocation », déclarent les groupes représentant au total 66 des 150 conseillers
métropolitains. L’opposition de droite et les soutiens des anciens présidents, Gérard Collomb
(2015-2017) et David Kimelfeld (2017-2020), s’engouffrent dans la brèche avec
gourmandise, toujours prompts à dénoncer les présumées « méthodes sectaires » des
écologistes.

« Je comprends la réaction des maires, ils n’ont plus la main sur leurs anciennes
compétences. C’est un mouvement général qui est amplifié à Lyon par les prérogatives
spécifiques à la métropole. Le monde a changé. La métropole n’est plus une addition de
politiques municipales. C’est devenu une collectivité à part entière, un outil exceptionnel doté
d’une capacité très forte à agir », réagit Bruno Bernard. « Dix maires en colère sur
cinquante-neuf, je relativise. S’ils sont respectueux de la démocratie, il faut qu’ils acceptent
le résultat des urnes », ajoute l’élu EELV, qui dispose d’une majorité absolue, renforcée par
son alliance avec le PS et LFI. « Même Gérard Collomb soutient aujourd’hui la révolte des
maires. C’est lui qui les a squeezés en réformant la métropole. Tout cela est
instrumentalisé », ajoute un conseiller du président.

Une loi sur mesure


La crise trouve ses racines dans l’histoire spécifique de la métropole de Lyon, seule métropole
qui est devenue, en 2015, une collectivité territoriale à part entière par la loi
Maptam (modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles).
Cette loi, créée sur mesure, a été poussée à l’époque par Gérard Collomb et Michel Mercier.
Le maire de Lyon et le président du conseil général du Rhône plaidaient alors pour une
simplification administrative, en fusionnant la partie du département correspondant au
territoire de la métropole, tout en répartissant leurs influences respectives. Avant cette
réforme, la métropole avait un statut d’établissement public de coopération intercommunale
(EPCI), et son assemblée était entièrement constituée des maires et des conseillers
municipaux des cinquante-neuf communes et des neuf arrondissements de Lyon, situés dans
son périmètre géographique. Les conseillers étaient automatiquement nommés. Avec la
métropole nouvelle formule, les conseillers ont été élus, en 2020, au suffrage universel direct,
dans quatorze circonscriptions, lors d’une élection spécifique remportée par les écologistes.

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à ne pas reproduire

Dans le passé, le groupe Synergies a compté jusqu’à 31 membres, en majorité des maires,
désireux de représenter les petites communes, à l’écart des étiquettes partisanes. L’effectif a
fondu avec la réforme. « Gérard Collomb nous a abandonnés en rase campagne. Nous
l’avions prévenu que cette évolution était contraire à la démocratie de proximité. Il ne nous a
pas écoutés. Personne ne veut du modèle lyonnais », lâche avec une amertume intacte Marc
Grivel. Les statuts de la métropole prévoient une conférence métropolitaine des maires, au
rôle purement consultatif. L’ancien maire de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or milite pour que cette
conférence ait la possibilité de délibérer pour produire des avis sur les schémas structurants de
la collectivité. « Au fond, il faudrait revenir sur la loi Maptam », pense M. Grivel. « C’est une
loi incomplète, inachevée. On ne peut pas continuer comme ça, il faut que les maires soient à
nouveau représentés », approuve Max Vincent, 71 ans, maire (UDI) de Limonest.

Richard Schittly(Lyon, correspondant)

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