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Revue Africaine des Sciences Humaines et Sociales, n ° 2, 2022 ISSN: 2737-856X
are the circulation in these territories as well as land and water use. The
paper attempts to study both the causes of the conflict and the forms it
takes as well as its instrumentalisation by the social actors.
Key words: Morocco, Sahara, nomads, pastoralism, conflict, Souss,
pastoralists, tensions, Southern Morocco
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Cette étude a bénéficié de soutien financier de l’Arab Council for the Sociale Sciences et
d’Andrew W. Mellon Foundation dans le cadre du Programme de bourses de recherche
autour du thème « L’environnementalisme, l’appauvrissement et les mouvements de
justice sociale : Perspectives interdisciplinaires ». Nous avons mené nos enquêtes de
terrain durant l’année mai 2019 et février 2020 dans le sud marocain.
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textes et les photographies véhiculés par les réseaux sociaux et les articles
de presse papier et électronique furent objets de notre analyse.
1. Pastoralisme en mutation
Les conditions climatique, écologique, économique et géopolitique
durant la deuxième moitié du vingtième siècle ont contribué au déclin du
nomadisme traditionnel dans l’Ouest saharien (Maroc, Mauritanie ...).
Une société, en majorité nomade dans le passé, s’est transformée
rapidement en une société sédentaire3. Les nomades dans le Sahara
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Boubrik, R., De la tente à la ville. La société sahraouie et la fin du nomadisme, La Croisée
des Chemins, Casablanca, 2017.
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L’effectif de la population nomade au Maroc, d’après les données du recensement
général de la population de 2014, est de 25274 personnes contre 68540 en 2004, soit
une baisse de 63% ( Haut-commissariat au plan, La population nomade au Maroc d’après
les données du Recensement Général de la Population et de l’Habitat de 2014)
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Haut-commissariat au plan, La population nomade au Maroc d’après les données du
Recensement Général de la Population et de l’Habitat de 2014
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Boubrik, R., ( ed) Tradition pastorales dans l’ouest saharien, DTGSN, Rabat, 2014.
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Bonnet, B., « Vulnérabilité pastorale et politiques publiques de sécurisation de la
mobilité pastorale au Sahel », Mondes en développement, n° 164), 2013, pp. 71-91
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Restriction de la mobilité de troupeaux au Sahara par des zones militaires interdites, des
contraintes géopolitiques des frontières, de l’insécurité (mur de défense et mines) et des
réserves naturelles.
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Dans le système de nomadisme traditionnel, dès que la pluie est annoncée, une personne
(bawwâh) se met en route pour localiser et apprécier les promesses de pâturage.
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Sur la question de pastoralisme et les mutations des société nomades au Maroc voir :
Bourbouze, A., « Pastoralisme au Maghreb : la révolution silencieuse », Revue Fourrages,
161, 161, 2000, p. 3-21
Bourbouze A. et El Aich A., « Gestion des parcours et des troupeaux en régions steppiques
et réponse à l’aléa climatique », in Livestock production and climatic uncertainty in the
Mediterranean, n° 94, 2000, pp. 307-319.Rachik, H., Comment rester nomade, Afrique
Orient, Casablanca, 2000, 175 p.Skounti, A., Le sang et le sol. Nomadisme et
sédentarisation au Maroc. les Ayt Merghad du Haut-Atlas oriental, Institut Royal de la
Culture Amazighe, Rabat, 2012, 308 p.Mahdi, M., Pastoralisme nomade au Sahara.
Mercantilisme, survie et hédonisme, Publications du Centre des études sahariennes, Rabat,
2014.Boubrik, R., De la tente à la ville. La société sahraouie et la fin du nomadisme, op.
cit.
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Les troupeaux de dromadaires parcourent des longues distances du Sahara vers Souss.
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La résidence dans la ville de Tiznit donne, en principe, droit aux éleveurs de bénéficier
de l’aide (en aliment pour animaux) fournie par le ministre de l’agriculture sur place,
sinon il faut retourner à la ville d’origine pour bénéficier de cet aide.
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Haut-commissariat au plan, La population nomade au Maroc d’après les données du
Recensement Général de la Population et de l’Habitat de 2014
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Breuer, I., « Espaces mobiles et moyens d'existence à la « périphérie mondialisée » du
Maroc », L'Information géographique /1 (Vol. 75), 2011, pp. 53-70.
15
Mounet, C., O., Turquin, « Espaces et acteurs pastoraux : entre pastoralisme(s) et
pastoralité(s) », Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 102-2, [En ligne],
URL : http://journals.openedition.org/rga/2462 consulté le 12 juin 2020.
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C. Mounet et O. Turquin désignent par pastoralité « « le caractère et l’essence de ce
qui est pastoral », c'est-à-dire « l’ensemble des valeurs et des caractéristiques, réelles ou
supposées, de ce qui est pastoral, et incarné par les acteurs pastoraux » à l’instar de ce
qu’évoque la ruralité pour le rural, l’urbanité pour l’urbain ou la naturalité pour le
naturel... » » (Mounet et Turquin 2014)
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des éleveurs nomades d’autre part. Les uns et les autres ont passé d’un
système extensif de culture et d’élevage à un système intensif.
L'introduction d’une économie de rente pour l'agriculture et l’élevage a
fait pression sur les ressources déjà fragiles augmentant les risques de
confrontation20. Le « plan Maroc vert » et les programmes de
développements de l’agriculture initiés pas l’État, les institutions
internationales et les ONG dans le Souss ont favorisé l’expansion de la
plantation de cactus et de l’arganier. L’anthropologue Turner Bertram,
dans son article21 sur le même problématique étudié ici, intègre le rôle des
organisations internationales de développement dans les conflits entre
pasteurs et agricultures dans la région de Souss. Il s’agit de divers acteurs
transnationaux représentés par les puissantes organisations donatrices dans
la région de Souss telle que : la Banque mondiale, le Fonds monétaire
international (FMI), l’Union européenne (UE), l’Unesco, la Gesellschaft
für Technische Zusammenarbeit (GTZ ), l’Agence américaine pour le
développement international (USAID), Oxfam Canada et l’Agence
française de développement (AFD).
Des terres collectives ou privées ont été défrichées dans le cadre de ces
programmes qui visent à développer, à aider et à encourager les paysans à
plus de rentabilité. Or cette extension des zones cultivées a réduit les terres
de pâturage. Elle a entravé aussi le passage des bétails des nomades. La
nouvelle politique de plantation massive de figue de barbarie dans certaines
régions (ex. Ait Baamrân) a modifié le système agrosylvopastoraux22. Le
développement des nouvelles pratiques et mode d’exploitation et de
propriétés ont restreint fortement l’accès aux ressources pour les éleveurs
nomades qui dépendent de cet espace pour leur bétail. Les espaces de
nomadisme sont devenus hermétiques avec une tendance à les privatiser.
Par ailleurs, le passage de mode de productions pastorales de subsistance
à une production marchande a exacerbé les conflits sociaux. Dans le passé,
la production pastorale traditionnelle était orientée vers la satisfaction des
besoins de subsistance. Elle était caractérisée par l’extrême précarité des
20
Akesbi N., D., Benatya D., N., El Aoufi, L'agriculture marocaine à l'épreuve de la
libéralisation. Rabat (Maroc) : Economie Critiquen, Rabat, 2008.
21
Turner, B., « Social Lines of Conflict between Pastoralism and Agriculture in the Souss
», in Gertel, J., Breuer, I. (Hrsg.), Pastoral Morocco. Globalizing Scapes of Mobility and
Insecurity, Wiesbaden, 2007, pp. 193-210.
22
Mourou, M., A., Adam, C., Clothilde, M., Aderghal, M., Vaillant, L., Benalayat L.,
B., Romagny, 2018, « Figuier de barbarie ou arganier ? Nouvelles mutations des systèmes
agrosylvopastoraux dans une vallée de la montagne des Aït Baamrane (Maroc) », Revue
de géographie alpine, 106-3 [En ligne]. URL :http://journals.openedition.org/rga/4806.
Consulté le 01 mai 2019
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Bourgeot, A., « Production pastorale et pénétration capitaliste : anthropologie ou
sociologie ? », Revue Tiers Monde, 1982, pp. 345-366
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Mahdi, M., Pastoralisme nomade au Sahara. Mercantilisme, survie et hédonisme,
Publications du Centre des études sahariennes, Rabat, 2014,
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afin d’éloigner les éleveurs venus du Sahara de faire paître leurs troupeaux :
certains ont versé des produits toxiques pour décimer le bétail. Au Souss,
les paysans enferment et empoisonnent les réserves d’eau (matfia) pour
priver les nomades de cette source vitale et les pousser à quitter la région.
Ces moyens de destruction de ressources par les propriétaires eux-mêmes
est nouveau. Des manifestations et sit-in, organisés par des associations de
Souss, se sont multipliées à partir de l’année 2018. Nous avons constaté
une nouvelle forme de protestation dans la région de Chtouka Ait Baha et
la région de Tiznît, où les écoliers ont fait grève pour protester avec leurs
parents face « aux agressions » des nomades25.
Le mode de nomadisme traditionnel a changé, et avec lui les rapports
entre populations. Les villageois de Souss constatent qu’ils ne sont plus en
face de même catégorie d’éleveurs nomades d’antan. Dans le passé ces
derniers étaient composés de familles qui vivaient d’une économie
pastorale de subsistance. Ils cherchaient des pâturages pour leurs troupeaux
tout en respectant les zones de culture et les points d’eau en accord avec la
population locale ; cependant aujourd'hui, les bergers sont généralement
des ouvriers qui travaillent pour le compte de grands propriétaires et qui
arrivent avec un nombre important d’animaux et épuisent les ressources
naturelles et ne respectent pas les zones de cultures. Ils sont des jeunes au
service des entrepreneurs qui engraissent leur bétail (principalement ovins
ou camelins) pour le marché et non des nomades vivants sur une économie
pastorale de subsistance comme auparavant.
La différence de comportements des anciens par rapport aux jeunes est
souvent mise en avance pour expliquer les causes des confrontations. Dans
le mode de nomadisme pastoral traditionnel, le berger acquis de
connaissances techniques grâce à un long apprentissage. Un bon berger
doit bien connaître ses bêtes, leurs habitudes et leurs comportements. Le
berger est envoyé avec le troupeau familial aux pâturages éloignés des
campements (‘zîb) durant une longue période26. Il était suffisamment
qualifié pour prendre en charge le troupeau.
La jeune génération de berges n’est plus dans la même logique que
l’ancienne dans ses rapports avec les agriculteurs, les terrains et l’espace de
pâturage. Leur but est de faire paître le cheptel sous leur gardiennage sans
prendre en considération les biens de la population locale. D’ailleurs, dans
leur majorité, ces jeunes sont loin d’incarner la continuité de la tradition
25
La fédération nationale de l’enseignement à Tiznit a protesté, dans une déclaration
(mars 2019), en invoquant l’arrêt des cours dans les institutions de l’enseignement à
Arbba’t Sahel, en raison de « attaques des bandes des nomades » (issabat arruhal).
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Le berger mène la partie non laitière du troupeau
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Dans sa réponse le ministre de l’intérieur soupçonnait certains acteurs de
l’instrumentalisation et la politisation des litiges entre éleveurs nomades et agriculteurs et
appelle à l’apaisement.
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(28 octobre 2018 à Rabat - 25 novembre 2018 à Casa et 17 février 2019 à Rabat, 17
août 2019 à Agadir, 18 août 2019, Essaouira, 8 décembre 2019, Casablanca )
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Pour les militants amazighs (Berbères), les pays Tamazgha désigne l’Afrique du nord
avant son « invasion » par les « Arabes »
21
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30
Communiquée, coordination Akal, section Chtouka Ait Baha, 16/2/2020.
3131
Pour la Coordination « Akal » de défense du droit de la population la terre et à la
richesse. Casablanca, le 25/11/2018.
32
Loi relative à « la transhumance pastorale la gestion et l’aménagement des espaces
pastoraux » (loi n° 113.13). Nous reviendrons sur cette loi.
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shlûh (sing. shalh) veux dire berbère, ce terme a une connotation péjorative pour la
population arabophone.
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Nous avons observé une forte action militante des associations des
paysans de Souss et une présence accrue sur la scène médiatique ; par
contre les éleveurs nomades sont presque absents des manifestations ou sit-
in. Les associations fondées par certains éleveurs diffusent, de temps en
34
Coordination Akal, section Chtouka Ait Baha, 14/12/2020. (en arabe)
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Coordination Akal, communiqué de presse 13/10/2019
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temps, des communiqués pour dénoncer les agressions contre des berges,
l’anéantissement de bétail ou l’interdiction des agents de pouvoir de faire
paître leurs animaux. Présenter comme des agresseurs et stigmatisés par
les médias, ils se replient sur eux-mêmes en adoptant un discours tribal et
politique comme sahraoui vis-à-vis de leur adversaire et l’État pour
défendre leurs intérêts. Comme la majorité sont de la tribu Ait Oussa, les
membres de la tribu sont mobilisés sur plusieurs fronts au moment des
tensions (déclarations, communiqués, réseaux sociaux, médiation…).
Lorsque, une médiation est tentée, les notables tribaux sont appelés pour
représenter les éleveurs.
Les vidéos, les textes et les photographies véhiculés par les réseaux
sociaux et les articles de presse papier et électronique reflètent souvent des
idées reçues et des stéréotypes sur les nomades. Nous estimons que les
médias jouent un rôle dans l’alimentation des tensions entre les éleveurs et
agriculteurs sur un fond ethnique, voire politique. Or nous savons que
l’interprétation ethnique des conflits autour des pâturages est erronée.
L’interprétation ethnique des conflits fonciers autour des pâturages n’est
pas pertinente. La presse, les médias, certains spécialistes penchent
facilement vers le clivage ethnique, linguistique, tribal et confessionnel
pour expliquer des phénomènes complexes. L’anthropologue J.-L
Amselle36 a déjà réfuté cette thèse dans ces multiples écrits concernant
l’Afrique, terrain par excellence de cette interprétation ethnique des
conflits.
Nous constatons que des conflits en lien avec les pâturages et la terre
éclatent régulièrement entre des groupes partageant la même culture et
identité ethnique voire appartenance lignagère tribale, familiale et
généalogie. La région saharienne connaît ces dernières années des multiples
tensions entre groupes tribaux voisins de même identité ethnique,
culturelle et linguistique. Des conflits éclatent entre des fractions de
mêmes tribus. Les tensions de type agriculteur /éleveur nomade
constituent déjà une source majeure d’insécurité pour certains pays du
Sahel en Afrique37. Ils reflètent un conflit d’intérêt et compétition pour les
36
Amselle, J.-L., E M’Bokolo, Au cœur de l'ethnie. Ethnie, tribalisme et État
en Afrique, La Découverte, Paris, 1999.
37
Bernus, S., « Relations entre nomades et sédentaires des confins sahariens méridionaux
: essai d'interprétation dynamique », Revue des mondes musulmans et de la
Méditerranée, 32, 1981, pp. 23-35
Afane, A., Gagnol, L., « Convoitises et conflits entre ressources pastorales et extractives
au Nord-Niger. Verts pâturages et yellow cake chez les « hommes bleus » », Afrique
contemporaine, 2014/1 (n° 249), 2014, pp. 53-68.
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Dangbet, Z., Des transhumants entre alliances et conflits, les Arabes du Batha (Tchad) :
1635-2012, Thèse pour l’obtention du grade de Docteur d’Aix-Marseille Université,
2005
38
Dahir n°1-16-53 du 27 avril 2016,
39 Note de présentation de la loi n° 113.1, ministère de l’Agriculture et la Pêche maritime
(Maroc), 2015
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Loi sur la Transhumance Pastorale la Gestion et l'Aménagement des Espaces
Pastoraux, p. 1
41
Décret n° 2.18.77 portant création, aménagement et gestion des zones pastorales, et ce,
dans le cadre de la mise en place des dispositions de la loi n° 113.13 relatives à la
transhumance pastorale, la gestion et l’aménagement des espaces pastoraux. (Ministère
de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des eaux et forêts)
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Décret n° 2.18.77 portant création, aménagement et gestion des zones pastorales, et ce,
dans le cadre de la mise en place des dispositions de la loi n° 113.13 relatives à la
transhumance pastorale, la gestion et l’aménagement des espaces pastoraux. (Ministère
de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des eaux et forêts)
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l’État va arriver à résoudre l’un des problèmes pour lequel cette loi a été
décrétée à savoir les conflits sociaux entre éleveurs et paysans ?
Nous savons que les projets de développement menés par l’État, les
collectivités territoriales, les entrepreneurs et les opérateurs économiques
dans le domaine de l’agriculture sont des obstacles à la mobilité des
éleveurs nomades. Les terrains sont privatisés ou étatisés et les champs
d’agriculture sont étendus à l’espace pastoral rendant l’accès ou le passage
de bétail impossible pour les pasteurs. Ils ne peuvent plus emprunter les
itinéraires de transhumance traditionnelle sans empiéter sur les terrains de
culture ou les forêts protégées ou les propriétés privées des agricultures. Les
couloirs de transhumance, les terrains de pâturage et les points d’eau sont
devenus inaccessibles pour les éleveurs nomades. La loi est très ambitieuse
car dans deux ou trois articles elle réglemente les mouvements des
troupeaux tenus à emprunter des couloirs de passage et des axes de
mobilité. Mais la mise en œuvre de la loi reste problématique et montre la
faiblesse de l’État.
La restriction de la mobilité des nomades par la loi démontre la volonté
de réglementer un secteur par l’imposition de plus en plus de contrainte
sur les activités pastorales sans offrir des alternatives qui permettent la
pérennisation de cette activité pastorale pour des centaines de familles en
aggravant leur vulnérabilité et leur précarité. Une situation qui favorise un
climat de tension permanent, voire inévitable. Certes, l’État doit intervenir
dans le cas de l’élevage massif des grands propriétaires de bétail, mais il y a
un nombre important de petits et moyens éleveurs qui vivent de cette
activité. Il doit aussi préserver les moyens de subsistance des petits paysans.
Les conflits entre éleveurs nomades et paysans agriculteurs sont aussi le
résultat d’une mauvaise gestion de ces conflits par les autorités et un
dysfonctionnement des institutions de la médiation. Dans le passé ces
conflits étaient gérés dans le cadre des rapports entre tribus et
confédération de tribus et par des pactes et des alliances et le droit
coutumier. Les nomades remontent avec leur bétail à au Souss,
notamment, durant les périodes de sécheresse ; et certains se sont même
installés avec leur tente d’une manière définitive dans les villes et villages
de Souss sans aucun problème. Les quartiers anciens à de la ville Agadir et
sa banlieue sont le témoin de cette sédentarisation des nomades sahariens
dans cette région comme le quartier des tentes (hay lakhyam) au cœur de
la ville d’Agadir : quartiers nommés quartiers des Arabes ( hay Larab) à
Tikouine et Anza. Des familles de nomades sahariens ont été intégrées
dans des villages de Souss depuis de générations et font même partie des
communautés villageoises de la région.
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Conclusion
Les mutations de mode de production pastoral durant la deuxième
moitié du vingtième siècle ont contribué au déclin du nomadisme
traditionnel. Les nomades actuellement sont des éleveurs pastoraux
(kassâba) engagés dans une logique entrepreneuriale et le passage de mode
de productions pastorales de subsistance à une production marchande.
Nous avons mis en exergue comment la transformation des systèmes de
production agricole et pastorale et l’entrée en scène de nouveaux acteurs,
ont changé les relations de coexistence et de coopération entre les nomades
et les payants d’antan. La mobilité pastorale se déroule sur un territoire
plus large provoquant une situation conflictuelle et concurrentielle entre
les éleveurs nomades et la population villageoise agricole. Ces tensions
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Bibliographie
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