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Revue Africaine des Sciences Humaines et Sociales, n ° 2, 2022 ISSN: 2737-856X

Boubrik, Rahal, « Pastoralisme nomade et tensions sociales au Sud du Maroc » Revue


Africaine des Sciences Humaines et Sociales, n ° 2, 2022, pp. 5-32

Pastoralisme nomade et tensions sociales au Sud du


Maroc
Rahal Boubrik1

Résumé : Cet article aborde les tensions engendrées par les


mouvements des troupeaux des éleveurs nomades et la compétition autour
des ressources naturelles. Nous étudions le cas des éleveurs nomades
(kassâba) sahariens originaires du Sud-ouest marocain dans leur mobilité à
la recherche des pâturages dans la région du Souss. Les déplacements de
ces kassâba provoquent une situation conflictuelle entre les éleveurs d’une
part et la population locale villageoise et montagnarde d’autre part. La
circulation sur les territoires, l'usage des terres et de l’eau sont des raisons
qui suscitent des tensions entre agriculteurs sédentaires et éleveurs
nomades au Maroc. Il s’agit d’étudier les causes et les formes de conflits
entre ces deux catégories ainsi que l’instrumentalisations des tensions par
les acteurs sociaux.

Mots-clefs : Maroc, Sahara, nomades, pastoralisme, conflit, Souss,


éleveurs, tensions, sud du Maroc

Nomadic pastoralism and social tensions in


southern Morocco
The present paper tackles the tensions generated by the movements of
nomadic patoralists’ herds and competition over natural resources. The
research particularly focuses on the case of the Moroccan south- west
saharian nomadic pastoralists (Kassâba). In doing so, it sheds light on their
mobility and search for pastures in the Souss region. The moves of the
Kassâba group results in a conflict situation between the nomadic
pastoralists on the one hand, and the local, village and mounain
populations on the other hand. More particularly, the sources of tensions
and conflicts between the sedentary and the nomadic groups in Morocco
1
Professeur chercheur, Institut des études africaines, Université Mohammed V – Rabat

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are the circulation in these territories as well as land and water use. The
paper attempts to study both the causes of the conflict and the forms it
takes as well as its instrumentalisation by the social actors.
Key words: Morocco, Sahara, nomads, pastoralism, conflict, Souss,
pastoralists, tensions, Southern Morocco

Nous appréhendions dans cet article2 le contexte, la réalité et les causes


des conflits qui mettent aux prises les éleveurs nomades et les sédentaires
paysans dans le Sud marocain. Notre problématique est axée sur les
conflits, la violence et les tensions engendrées à la suite aux mouvements
des troupeaux sur des terrains agricoles et la compétition autour des
ressources naturelles. Les conflits s’aggravent d’année en année menaçant
la coexistence sociale (momentanément) dans certaines régions. Nous
étudions le cas des éleveurs nomades originaires des provinces sahariennes
au Sud-ouest marocain qui se déplaçaient vers des zones agricoles de la
région de Souss. Il s’agit d’étudier les transformations parfondes des
relations traditionnelles entre nomade et paysans. Comment ces relations
de complémentarité et de coopération en matière d'exploitation des
ressources sont devenues des relations d'affrontement ? Comment la
concurrence accélérée pour l'accès à des ressources, de plus en plus rares, a
engendré des tensions entre les deux communautés de sédentaires et
nomades ? Quelles sont les causes et les formes de tensions ainsi que les
modalités de mobilisation « ethnico-identitaire » par les acteurs ? Quel rôle
joue l’État dans la gestion des tensions pastorales ?
Nous avons adopté une méthode anthropologique d’enquête
qualitative sur le terrain. Nous avons mené notre enquête auprès des
différents acteurs de conflit : associations, familles d'éleveurs, représentants
des populations, bergers, familles de paysan villageois, usagers, élus,
collectivités locales, communes rurales, autorités préfectorales, services
provinciaux de l'État, ministères de tutelle, acteurs directs et indirects. Les
entretiens varient selon les cas : semi-directif et non directif. L’observation
participante s’est imposée comme technique : sur le terrain à Souss et au
cours des manifestations à Rabat et Casablanca. Les documents
administratifs, les communiqués de presse, les textes des lois, les vidéos, les

2
Cette étude a bénéficié de soutien financier de l’Arab Council for the Sociale Sciences et
d’Andrew W. Mellon Foundation dans le cadre du Programme de bourses de recherche
autour du thème « L’environnementalisme, l’appauvrissement et les mouvements de
justice sociale : Perspectives interdisciplinaires ». Nous avons mené nos enquêtes de
terrain durant l’année mai 2019 et février 2020 dans le sud marocain.

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textes et les photographies véhiculés par les réseaux sociaux et les articles
de presse papier et électronique furent objets de notre analyse.

1. Pastoralisme en mutation
Les conditions climatique, écologique, économique et géopolitique
durant la deuxième moitié du vingtième siècle ont contribué au déclin du
nomadisme traditionnel dans l’Ouest saharien (Maroc, Mauritanie ...).
Une société, en majorité nomade dans le passé, s’est transformée
rapidement en une société sédentaire3. Les nomades dans le Sahara

3
Boubrik, R., De la tente à la ville. La société sahraouie et la fin du nomadisme, La Croisée
des Chemins, Casablanca, 2017.

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atlantique sont devenus sédentaires4, mais certaines familles ont conservé


une activité pastorale, d’autres ont repris des activités d’élevage après le
cessez-le-feu en 1991 (entre le Maroc et le Front Polisario) et la
pacification de certaines zones de nomadisme au Sahara. La région
saharienne, qui était peuplée par des pasteurs nomades, compte
maintenant une faible concentration de nomade (moins de 2%) : Tan-
Tan, Es-Semara, Aousserd, Oued Ed-Dahab, Laâyoune. Elle enregistre les
proportions les plus faibles au Maroc.5
Les nomades actuellement sont plus des éleveurs pastoraux (kassâba)
que des nomades selon le mode de vie traditionnel. Le pastoralisme
traditionnel a perdu ses bases sociales et physiques6. La mobilité du bétail
et l’accès à des sites de pâturage et à des points d’eau sont devenus presque
impossibles sauf dans des zones bien réduites comparées au passé, et même
dans ces zones le risque des mines est grand (La guerre du Sahara). Les
éleveurs qui pratiquent le pastoralisme dans cette zone désertique
comptent plus sur les aides de l’État en aliments pour leurs animaux. Le
ministère de l’Agriculture à travers ses différentes structures locales,
provinciales fournit des fourrages aux éleveurs. Mais cette aide reste
insuffisante et chaque année les éleveurs se plaignent de l’absence, le retard,
ou la carence de l’assistance de l’État en la matière.
Nous ne pouvons pas comprendre les causes des conflits entre éleveurs
nomades et agricultures sans connaître les transformations profondes dans
le secteur de l’élevage au Sahara. Nous distinguons deux catégories des
éleveurs nomades :
La première catégorie est apparue ces trois dernières décennies avec
l’émergence d’éleveurs pastoraux - investisseurs impliqués dans un
pastoralisme intensif et un mode de production pastoral mercantile.
Grands propriétaires de cheptel camelin, ils sont en général des hauts
fonctionnaires, des hommes d’affaires des officiers de l’armée, des
parlementaires, des élus, des figures politiques, des notables tribaux, des
personnes influentes, des grands commerçants. L’élevage camelin, comme
l’a écrit P. Bonte, est devenu « un élevage d’entrepreneur »7. Ces

4
L’effectif de la population nomade au Maroc, d’après les données du recensement
général de la population de 2014, est de 25274 personnes contre 68540 en 2004, soit
une baisse de 63% ( Haut-commissariat au plan, La population nomade au Maroc d’après
les données du Recensement Général de la Population et de l’Habitat de 2014)
5
Haut-commissariat au plan, La population nomade au Maroc d’après les données du
Recensement Général de la Population et de l’Habitat de 2014
6
Boubrik, R., ( ed) Tradition pastorales dans l’ouest saharien, DTGSN, Rabat, 2014.
7
Bonnet, B., « Vulnérabilité pastorale et politiques publiques de sécurisation de la
mobilité pastorale au Sahel », Mondes en développement, n° 164), 2013, pp. 71-91

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entrepreneurs investissent généralement dans l’élevage camelin destiné à


approvisionner le marché local des provinces de sud en viandes rouges
camelines et lait de chamelle. Certains sont intégrés dans la production de
bétail pour la filière de la viande pour le marché national. Ces propriétaires
sont des citadins qui gèrent des entreprises d’élevage. Ils sont organisés en
coopératives et associations. Le pastoralisme chamelier est adapté aux
zones arides et semi-arides dans lesquelles les pâturages sont ouverts (libre
accès). Certains de ces éleveurs pastoraux ont des stratégies de mobilité
suivant les ressources des pâturages dans des régions agricoles de Souss
situées vers le nord. Les troupeaux sont gardés par des bergers salariés.
Nous constatons que dans les provinces sahariennes une présence plus
accrue des bergers venus de la Mauritanie. Ces derniers ont conservé un
savoir-faire pastoral qui n’existait plus dans ces provinces suite à la
sédentarisation massive durant ces cinq dernières décernées.
La deuxième catégorie est constituée d’éleveurs nomades qui possèdent
entre 500 et 1500 têtes. Ces propriétaires sont, en général, des éleveurs
(kassaba) qui possèdent un cheptel important d’ovin. Ils sont des chefs de
famille qui ont investi dans un capital mobile formé essentiellement de
petits ruminants (ovins-caprins (Brebis en majorité)). Le cheptel destiné à
la vente (boucherie) (jlab) suivant la demande de marché de la viande. Des
races particulières de mouton dénommé sardi sont prisées. Des éleveurs
alternent deux ou trois activités. Il y a des périodes où le même éleveur
vend tout et se consacre à d’autres activités en attendant des années
pluvieuses.
En réalité, les types de mobilité pastorale sont multiples et les profils
des éleveurs sont aussi variés. Le type dominant actuellement dans le cas
de notre étude est celui des éleveurs nomades producteurs - commerçants
d’animaux. Ils vendent leurs bétails aux marchés locaux et nationaux à
travers des circuits à la fois formels et informels. Dans leur majorité, ils
nomadisent en famille ou seuls durant l’année dans leur espace tribal
traditionnel ou généralement dans des provinces sahariennes (d’Oued
Noun jusqu’au Rio d’Oro au sud). En revanche, durant la saison sèche et
vu la raréfaction des ressources naturelles en pâturages et le manque d’eau
(ou pendant les années de sécheresse), ces éleveurs dirigent leurs troupeaux
vers la région riveraine de la plaine de Souss Massa8. A la déférence de la
première catégorie, ils se déplacent en général avec leurs troupeaux qui est
leur principale ressource.

8
Restriction de la mobilité de troupeaux au Sahara par des zones militaires interdites, des
contraintes géopolitiques des frontières, de l’insécurité (mur de défense et mines) et des
réserves naturelles.

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Ces deux catégories d’éleveurs nomades issus des provinces sahariennes


au sud du Maroc sont dans une stratégie de mobilité à la recherche des
pâturages dans la région de Souss. Le transport mécanique a remplacé les
modes de mobilités pastorales traditionnels et le téléphone a pris la place
de bawwâh9 d’autres fois. Dans ces nouvelles conditions, certains éleveurs
poussent leurs troupeaux loin encore en direction du Haouz de Marrakech
et la région de Rhamna, Doukala, Chaouia et jusqu’au Gharb (région
Kenitra et Sidi Kacem et la plaine de Saiss, et l’orientale (voir carte). Avec
les moyens de transport modernes, les éleveurs se déplacent dans tout le
territoire national très loin de leur espace de nomadisme ancien. Le Sahara
fait aussi l’objet de migration d’éleveurs venus de différentes régions du
Maroc pour paître leur cheptel dans les régions de Tiris et Boujdour
(Markallî) connues par leurs riches pâturages durant les années pluvieuses.
En général, la mobilité dépend des fluctuations du climat, dès qu’une
quantité importante de pluie tombe dans une région du Maroc nous
assistons à une mobilité à l’échelle nationale. Les éleveurs, par tout au
Maroc, changent de lieu à la recherche des pâturages. Le camion a
bouleversé le mode de la mobilité et a facilité cette fluidité de mouvement
: « au sein des systèmes pastoraux, on peut affirmer que l’arrivée du
camion, de la camionnette, voire de la charrette pour les plus pauvres, a
révolutionné les pratiques pastorales et les habitudes culturelles. Un
nouveau rapport à l’espace s’est progressivement instauré, permettant
d’explorer les parcours les plus éloignés »10. A la recherche des pâturages,
les éleveurs nomades, issus de la région saharienne, chargent le bétail
(ovins-caprins) dans des camions et s’acheminent vers les pâturages du
Nord. Fini l’époque où les bergers poussent le bétail vers le nord, suivant
les oueds, les points d’eau et les terrains de pâturage. Les parcours de

9
Dans le système de nomadisme traditionnel, dès que la pluie est annoncée, une personne
(bawwâh) se met en route pour localiser et apprécier les promesses de pâturage.
10
Sur la question de pastoralisme et les mutations des société nomades au Maroc voir :
Bourbouze, A., « Pastoralisme au Maghreb : la révolution silencieuse », Revue Fourrages,
161, 161, 2000, p. 3-21
Bourbouze A. et El Aich A., « Gestion des parcours et des troupeaux en régions steppiques
et réponse à l’aléa climatique », in Livestock production and climatic uncertainty in the
Mediterranean, n° 94, 2000, pp. 307-319.Rachik, H., Comment rester nomade, Afrique
Orient, Casablanca, 2000, 175 p.Skounti, A., Le sang et le sol. Nomadisme et
sédentarisation au Maroc. les Ayt Merghad du Haut-Atlas oriental, Institut Royal de la
Culture Amazighe, Rabat, 2012, 308 p.Mahdi, M., Pastoralisme nomade au Sahara.
Mercantilisme, survie et hédonisme, Publications du Centre des études sahariennes, Rabat,
2014.Boubrik, R., De la tente à la ville. La société sahraouie et la fin du nomadisme, op.
cit.

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nomadisme n’obéissent plus aux axes traditionnels de mobilités. Ce n’est


que lorsque le parcours est court que les bergers n’utilisent pas les
transports mécaniques ou dans le cas de troupeaux de chameaux11.
Certains éleveurs sahariens se sont même installés dans les villes de Souss
et se considèrent comme des locaux qui doivent être traités comme tel et
non comme des étrangers à la région ou des nomades venus d’ailleurs. Ils
ont acquis des maisons et des biens dans ces villes de Souss12 tout en restant
éleveurs, ils fractionnent le troupeau sur plusieurs unités, appelé mrâh,
répartir sur de nombreux lieux afin de maîtriser le mouvement et
l’approvisionnement en eaux et alimentation de bétail.
Nous sommes en face d’un phénomène nouveau. Il n’y a plus de lieu
de départ pour certains éleveurs nomades. Tout au long de l'année, ils se
déplacent à travers le pays à la recherche des pâturages sans retourner
régulièrement à la région d’origine. Les propriétaires de cheptel se
déplacent avec un nombre réduit de leur famille (les ménages pastoraux)
et laissent les enfants en âge de scolarisation en ville avec leur mère ou un
proche parent. Ils leur rendent visite périodiquement et passent le reste de
l’année avec le bétail en mouvement. Ce mode pastoralisme en groupe
domestique est de moins en moins pratiqué, l’importance de bétail dépasse
les capacités du groupe domestique, sans parler des déplacements
permanents par camion loin de l’espace pastoral tribal.
En ce qui concerne les grands propriétaires, ils vivent loin de bétail en
confiant aux bergers salariés la responsabilité des animaux sous la tutelle
d’un responsable qui assure le contrôle et l’approvisionnement des bergers
en nourritures et en aliments complémentaires et en eau pour
l’abreuvement du bétail en cas de besoin. Avec chaque troupeau, nous
constatons que des moyens logistiques importants lui sont affectés : des
voitures tout terrain et des citernes d’eau, des pompes à eau, des motos,
des camions. Lorsque nous demandons à un éleveur d’où il venait, il restait
perplexe un moment avant d’indiquer le lieu d’origine tribale et non de
lieu de départ immédiat. A l’époque de nomadisme traditionnel
précolonial, chaque famille nomadisait dans le territoire tribal, dans son
aire de nomadisme, rares sont les moments où elle dépassait ses frontières,
sinon selon des pactes coutumiers collectifs et temporaires avec les tribus
d’accueil. Depuis l’apparition de la notion de l’individu comme citoyen
d’une Nation qui a le droit de se déplacer là où il veut à l’intérieur du

11
Les troupeaux de dromadaires parcourent des longues distances du Sahara vers Souss.
12
La résidence dans la ville de Tiznit donne, en principe, droit aux éleveurs de bénéficier
de l’aide (en aliment pour animaux) fournie par le ministre de l’agriculture sur place,
sinon il faut retourner à la ville d’origine pour bénéficier de cet aide.

11
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territoire de l’Etat, le mode de nomadisme a changé. Les éleveurs nomades


justifient leur déplacement hors de leur territoire traditionnel par leur droit
autant que citoyen. Ils considèrent ces espaces comme domaine public.
L’État aussi gère l’espace pastoral comme territoire national. La
transhumance est autorisée sur tout le territoire national à condition du
respect de la propriété privée et la loi en vigueur. La notion de citoyen
remplace en principe la notion de l’homme de tribu sur le plan officiel, et
par conséquent, chacun a le droit (théoriquement) de paître son bétail
partout dans le pays, tandis que dans le passé l’activité de nomadisme
traditionnel était restreinte dans le territoire tribal (trâb lqbîla) et chaque
déplacement hors de cet espace est régulé par des pactes coutumiers entre
groupes lignagers. Dans le passé, les déplacements étaient réguliers et
coordonnés au niveau tribal, les nomades poursuivaient une transhumance
saisonnière sans grand changement. Les liens sociaux étaient établis dans
la durée entre populations. En revanche, aujourd'hui, une mutation s’est
opérée dans le système du pastoralisme traditionnel. L’accès aux ressources
pour la reproduction pastorale moderne nécessite une mobilité à grande
échelle. Le modèle de transhumance a changé, la mobilité spatiale se
déroule sur un territoire plus large détachant les éleveurs de leur territoire
de nomadismes traditionnels. La mobilité peut être saisonnière entre des
zones bien définies, mais pas souvent. Les éleveurs nomades suivent les
pâturages selon un modèle qui varie d’année en année suivant la
disponibilité de ces ressources. Le modèle de la transhumance
traditionnelle où le déplacement régulier des troupeaux entre des points
fixes n’est plus courant. La quasi majorité des éleveurs nomades engagés
dans la transhumance vers la région de Souss sont issus de la province
d’Assa-Zag, précisément de la tribu Ait Oussa. Cette province est classée
troisième en termes de concentration de nomades au Maroc avec 13,8%
derrière Tinghir 21.5% et Midelt 20,3%13.
La production pastorale n’évolue plus dans le cadre de la tribu et les
relations sociales de parenté. Les éleveurs nomades suivent une logique
opportuniste dans leurs déplacements. Chacun suit une stratégie
individuelle, même si parfois il mobilise la solidarité tribale dans le cas de
confrontation. La stratégie de mobilités des pasteurs est nouvelle. Nous
sommes en présence d’un modèle de pastoralisme avec des nouveaux
problèmes de gestion de ressources naturelles et aussi des risques nouveaux

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Haut-commissariat au plan, La population nomade au Maroc d’après les données du
Recensement Général de la Population et de l’Habitat de 2014

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(Breuer, 2011)14. Désormais, les éleveurs nomades sont intégrés dans un


système de relations humaines plus complexe avec la population des
régions d’accueil.
Les changements survenus dans le pastoralisme, par tout dans le
monde, nous invitent à redéfinir le pastoralisme. La définition classique de
pastoralisme comme « un mode d’élevage extensif pratiqué par des peuples
nomades et fondé sur l’exploitation de la végétation naturelle » et, par
extension, les sciences et techniques y affairant15., ne traduit plus la réalité
des différents enjeux dans les espaces pastoraux. C. Mounet et O. Turquin
proposent un autre terme « pastoralité »16

2. Concurrence d'accès aux ressources


Les déplacements des éleveurs nomades sahariens dans la région de
Souss provoquent la dégradation des pâturages, des terres cultivables, des
points d’eau, des ressources forestières … Ainsi une situation conflictuelle
et concurrentielle domine les rapports entre les éleveurs nomades et la
population villageoise et montagnarde de Souss (et les régions de
Doukkala-Abda et Chaouia-Ouardigha), notamment ces dernières années.
Les débuts réels des confrontations fréquentes et leur propagation
remontent aux 2009-2010, à cette date, la région de Souss connut une
année pluviale exceptionnelle comparée aux années de sécheresses
précédentes. Elle a attiré un nombre important d’éleveurs nomades venus
du Sud et de l’Est marocain. Depuis, la région de Souss est devenue terre
de destination des nomades chaque année (généralement entre décembre
et avril). Cette mobilité provoque à chaque fois des tensions. Auparavant,
il y avait, de temps en temps, des disputes, mais elles restaient très isolées.
Aujourd’hui ces tensions sont devenues plus violentes et récurrentes ;
notamment avec les irrégularités des précipitations dans le Sahara et dans
la région de Souss, ces dernières années.
Depuis cinq, chaque année, sans acception, des confrontations
violentes s’étendent dans différentes régions de Souss. Les dernières en

14
Breuer, I., « Espaces mobiles et moyens d'existence à la « périphérie mondialisée » du
Maroc », L'Information géographique /1 (Vol. 75), 2011, pp. 53-70.
15
Mounet, C., O., Turquin, « Espaces et acteurs pastoraux : entre pastoralisme(s) et
pastoralité(s) », Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 102-2, [En ligne],
URL : http://journals.openedition.org/rga/2462 consulté le 12 juin 2020.
16
C. Mounet et O. Turquin désignent par pastoralité « « le caractère et l’essence de ce
qui est pastoral », c'est-à-dire « l’ensemble des valeurs et des caractéristiques, réelles ou
supposées, de ce qui est pastoral, et incarné par les acteurs pastoraux » à l’instar de ce
qu’évoque la ruralité pour le rural, l’urbanité pour l’urbain ou la naturalité pour le
naturel... » » (Mounet et Turquin 2014)

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date, se sont survenues au début de la crise sanitaire de Covid 19, des


bergers nomades ont profité de confinement de la population pour mener
leurs troupeaux de moutons dans les terres agricoles et pénétrer dans des
villages agressant les villageois qui tentaient de s’opposer à leur action.
Les éleveurs nomades considèrent qu’ils ont le droit de faire paître leur
bétail dans le Souss (et ailleurs) en raison de la sécheresse qui frappe leur
région d’origine17. Pour eux la terre doit être ouverte aux transhumances
comme elle était durant des siècles auparavant. Or dans la région de Souss,
les terrains de parcours traditionnels ont été défrichés et mis en culture et
dans le milieu montagnard s’est développé des plantations de figue de
barbarie (cactus), de l’arganier et des amandiers. La superficie pastorale
s’est réduite plus en plus. Le Plan Maroc Vert18 et les règlements de
protections forestiers notamment des forêts d'Arganier19 sont des exemples
de limitation draconienne par l’État des parcours et des terrains de
transhumances pastoraux. Dans le passé, les éleveurs utilisaient des
ressources en propriété commune en accord avec les groupes tribaux
locaux, or le nouveau contexte est dominé par des propriétés privées, et
même lorsque la terre est collective, elle est une terre fermée. Si dans la
région d’origine (Sahara) le pastoralisme est fondé sur des pâturages
ouverts en « libre accès », dans le Souss nous sommes dans une plaine avec
des terres agricoles et des terrains forestiers fermés. Dans certains endroits
nous trouvons les terres de prairies et de pâturages naturels utilisés pour le
pacage et l’alimentation animale. Ces pâturages sont exploités par la
communauté villageoise qui pratique l’agropastoralisme et refuse de les
partager avec les nomades.
Au Souss, les terrains de parcours sont propriété collective des
communautés villageoises (en dehors des terres privées et domaniales) et
de ce fait, ils sont gérés souvent selon le droit coutumier, c’est-à-dire une
gestion coutumière et collective des parcours. En cas de conflit, la
mobilisation s’opère d’une manière collective pour défendre le territoire.
La tribu, les associations de villageois, des élus locaux et des militants
(citadins) associatifs se dressent contre ce qu’ils qualifient de « mafia
pastorale (mafia ar-raay)» pour désigner les éleveurs nomades.
L’un des facteurs principaux de ce climat de tension est la
transformation de système d’exploitation des agriculteurs, d’une part, et
17
Même durant la saison de la pluie les éleveurs nomades sont confrontés à la disparition
rapide de l’herbe au Sahara, et ils sont contraints de chercher d’autres pâturages au Souss.
18
En 2008, le Maroc a adopté le Plan Maroc Vert. Il a pour objectif de faire de
l'agriculture un des moteurs de croissance de l'économie nationale.
19
L’arganier domine plus de 63% de la superficie forestière de la région de Souss Massa
avec environ 730.127 ha.

14
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des éleveurs nomades d’autre part. Les uns et les autres ont passé d’un
système extensif de culture et d’élevage à un système intensif.
L'introduction d’une économie de rente pour l'agriculture et l’élevage a
fait pression sur les ressources déjà fragiles augmentant les risques de
confrontation20. Le « plan Maroc vert » et les programmes de
développements de l’agriculture initiés pas l’État, les institutions
internationales et les ONG dans le Souss ont favorisé l’expansion de la
plantation de cactus et de l’arganier. L’anthropologue Turner Bertram,
dans son article21 sur le même problématique étudié ici, intègre le rôle des
organisations internationales de développement dans les conflits entre
pasteurs et agricultures dans la région de Souss. Il s’agit de divers acteurs
transnationaux représentés par les puissantes organisations donatrices dans
la région de Souss telle que : la Banque mondiale, le Fonds monétaire
international (FMI), l’Union européenne (UE), l’Unesco, la Gesellschaft
für Technische Zusammenarbeit (GTZ ), l’Agence américaine pour le
développement international (USAID), Oxfam Canada et l’Agence
française de développement (AFD).
Des terres collectives ou privées ont été défrichées dans le cadre de ces
programmes qui visent à développer, à aider et à encourager les paysans à
plus de rentabilité. Or cette extension des zones cultivées a réduit les terres
de pâturage. Elle a entravé aussi le passage des bétails des nomades. La
nouvelle politique de plantation massive de figue de barbarie dans certaines
régions (ex. Ait Baamrân) a modifié le système agrosylvopastoraux22. Le
développement des nouvelles pratiques et mode d’exploitation et de
propriétés ont restreint fortement l’accès aux ressources pour les éleveurs
nomades qui dépendent de cet espace pour leur bétail. Les espaces de
nomadisme sont devenus hermétiques avec une tendance à les privatiser.
Par ailleurs, le passage de mode de productions pastorales de subsistance
à une production marchande a exacerbé les conflits sociaux. Dans le passé,
la production pastorale traditionnelle était orientée vers la satisfaction des
besoins de subsistance. Elle était caractérisée par l’extrême précarité des

20
Akesbi N., D., Benatya D., N., El Aoufi, L'agriculture marocaine à l'épreuve de la
libéralisation. Rabat (Maroc) : Economie Critiquen, Rabat, 2008.
21
Turner, B., « Social Lines of Conflict between Pastoralism and Agriculture in the Souss
», in Gertel, J., Breuer, I. (Hrsg.), Pastoral Morocco. Globalizing Scapes of Mobility and
Insecurity, Wiesbaden, 2007, pp. 193-210.
22
Mourou, M., A., Adam, C., Clothilde, M., Aderghal, M., Vaillant, L., Benalayat L.,
B., Romagny, 2018, « Figuier de barbarie ou arganier ? Nouvelles mutations des systèmes
agrosylvopastoraux dans une vallée de la montagne des Aït Baamrane (Maroc) », Revue
de géographie alpine, 106-3 [En ligne]. URL :http://journals.openedition.org/rga/4806.
Consulté le 01 mai 2019

15
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conditions de production. Cependant, actuellement une catégorie


d’éleveurs s’inscrit dans une production mercantile qui a pour objectif
l’approvisionnement en viande des zones urbaines. Une exploitation
excessive qui ne peut que conduire qu’à la conformation. La pénétration
des rapports marchands dans la production pastorale nécessite des
troupeaux aux dimensions importantes et l’emploi d’une main-d’œuvre
salariée. Les troupeaux sont surdimensionnés, et les moyens en hommes et
logistiques (voitures tout terrain et camions) ont permis une mobilité
rapide et une occupation massive de la surface de pâture affectant la
couverture du sol et modifiant la composition de la végétation. Les
propriétaires de bétail cherchent avant tout le gain, le profil et la rentabilité
financière sans prendre en compte la réalité écologique environnementale,
ni le respect de la propriété privée et les biens d’autrui. Le pastoralisme
était toujours considéré comme ennemie de l’environnement, avec le
pastoralisme intensif le problème n’a fait que s’aggraver. Ce mode de
production pastorale qui s’est propagé ces deniers décennies au Sahara était
entamé auparavant dans le pastoralisme sahélien comme l’a observé A.
Bourget23. Mohamed Mahdi a étudié cette dimension mercantilisme dans
la société de notre étude24.
Le nomadisme est en pleine transformation par la forme de mobilité et
le mode de production. Une autre dimension de cette production consiste
à l’intégration des éleveurs dans une économie nationale plus large, le
cheptel est destiné à un marché hors des zones sahariennes. Les éleveurs,
auparavant habitués à une économe de subsistance, sont maintenant des
producteurs de bétail pour le marché national. Il est à noter que tous les
éleveurs sahariens ne sont pas dans une logique mercantile, loin de là,
certains éleveurs sont dans une situation de survie.
La mobilité pastorale vers la région de Souss coïncide avec la saison de
la récole et par conséquent, le cheptel ovin, caprin et camelin, en grand
nombre, dégradent les récoltes des paysans en céréale et arbres fruitiers
(les forêts d'arganiers, les amandiers, la culture de la figue de barbarie,
apiculture), privant ainsi les paysans de leur seule ressource de revenue
annuelle. Les terres agricoles des villages sont régulièrement envahies par
des troupeaux de moutons et de dromadaires détruisant une année de
labeur.

23
Bourgeot, A., « Production pastorale et pénétration capitaliste : anthropologie ou
sociologie ? », Revue Tiers Monde, 1982, pp. 345-366
24
Mahdi, M., Pastoralisme nomade au Sahara. Mercantilisme, survie et hédonisme,
Publications du Centre des études sahariennes, Rabat, 2014,

16
Revue Africaine des Sciences Humaines et Sociales, n ° 2, 2022 ISSN: 2737-856X

La rareté des ressources naturelles doit être associée à la notion de la


vulnérabilité des nomades d’une part et des villageois d’autre part (Bonnet,
2013). Cette prise en compte de la vulnérabilité de ces deux catégories de
populations est nécessaire pour comprendre les origines des tensions.
L’adaptation à la rareté des ressources naturelles est plus difficile pour les
gens vivant dans une situation précaire. Le lien social est rompu en raison
de la concurrence autour des ressources disponibles dans une situation de
précarité des deux groupes en conflits. La pénurie des ressources naturelles
pastorales et agricoles est vectrice d’appauvrissement qui fragilise le lien
social par l’instauration d’un rapport concurrentiel. Dans leur livre Mearns
Robin et Norton Andrew mettent en exergue le lien entre la dimension
sociale et le changement climatique. Les conditions environnementales
sont un facteur de conflit, mais les facteurs socioéconomiques sont à
prendre en compte. Les conflits reflètent l’incapacité des institutions à
répondre à la vulnérabilité de cette population en proposant des réponses
sur le terrain et surtout de résoudre le problème une fois déclenché. En
somme, les conditions climatiques accentuent la vulnérabilité sociale des
deux groupes et créent une atmosphère propice aux conflits, sans négliger
d’autres facteurs tenant aux changements structurels de l’agriculture et de
l’élevage.

3. Tensions et conflits sociaux


Les conflits peuvent aller de la simple dispute entre deux individus aux
violences physiques entre groupes organisés. Les provinces de Tiznit, de
Chtouka Ait Baha et de Taroudant sont les plus touchées par ce cycle de
conflits entre éleveurs nomades sahariens et la population locale.
Soulignons que le terme de conflit recouvre ici plusieurs types
d’interactions : les coups et blessures, les controverses, les intimidations,
les disputes, les expulsions, les enlèvements, les menaces, les agressions
physiques, les raids sur le bétail, les vols, les insultes, les jets de pierre, la
décimation de troupeaux, la destruction des champs de culture et des
points d’eau, la haine, le mépris, la stigmatisation (propos à connotations
« ethnique »), … etc. Depuis le début des conflits, deux personnes ont
trouvé la mort des deux parties. Les querelles violentes opposent des
individus ou un groupe d’individus et parfois ce se transforment a en une
vraie « bataille rangée » entre deux groupes employant des armes blanches,
des bâtons, des lance-pierres, des engins motorisés, des véhicules …
Chaque année, de nouvelles formes de violence émergent. Au mois de
juillet 2019, dans la région de Berchid (Arbât ben Said), les paysans ont
mis le feu à leurs propres champs après la récolte saisonnière des céréales

17
Revue Africaine des Sciences Humaines et Sociales, n ° 2, 2022 ISSN: 2737-856X

afin d’éloigner les éleveurs venus du Sahara de faire paître leurs troupeaux :
certains ont versé des produits toxiques pour décimer le bétail. Au Souss,
les paysans enferment et empoisonnent les réserves d’eau (matfia) pour
priver les nomades de cette source vitale et les pousser à quitter la région.
Ces moyens de destruction de ressources par les propriétaires eux-mêmes
est nouveau. Des manifestations et sit-in, organisés par des associations de
Souss, se sont multipliées à partir de l’année 2018. Nous avons constaté
une nouvelle forme de protestation dans la région de Chtouka Ait Baha et
la région de Tiznît, où les écoliers ont fait grève pour protester avec leurs
parents face « aux agressions » des nomades25.
Le mode de nomadisme traditionnel a changé, et avec lui les rapports
entre populations. Les villageois de Souss constatent qu’ils ne sont plus en
face de même catégorie d’éleveurs nomades d’antan. Dans le passé ces
derniers étaient composés de familles qui vivaient d’une économie
pastorale de subsistance. Ils cherchaient des pâturages pour leurs troupeaux
tout en respectant les zones de culture et les points d’eau en accord avec la
population locale ; cependant aujourd'hui, les bergers sont généralement
des ouvriers qui travaillent pour le compte de grands propriétaires et qui
arrivent avec un nombre important d’animaux et épuisent les ressources
naturelles et ne respectent pas les zones de cultures. Ils sont des jeunes au
service des entrepreneurs qui engraissent leur bétail (principalement ovins
ou camelins) pour le marché et non des nomades vivants sur une économie
pastorale de subsistance comme auparavant.
La différence de comportements des anciens par rapport aux jeunes est
souvent mise en avance pour expliquer les causes des confrontations. Dans
le mode de nomadisme pastoral traditionnel, le berger acquis de
connaissances techniques grâce à un long apprentissage. Un bon berger
doit bien connaître ses bêtes, leurs habitudes et leurs comportements. Le
berger est envoyé avec le troupeau familial aux pâturages éloignés des
campements (‘zîb) durant une longue période26. Il était suffisamment
qualifié pour prendre en charge le troupeau.
La jeune génération de berges n’est plus dans la même logique que
l’ancienne dans ses rapports avec les agriculteurs, les terrains et l’espace de
pâturage. Leur but est de faire paître le cheptel sous leur gardiennage sans
prendre en considération les biens de la population locale. D’ailleurs, dans
leur majorité, ces jeunes sont loin d’incarner la continuité de la tradition

25
La fédération nationale de l’enseignement à Tiznit a protesté, dans une déclaration
(mars 2019), en invoquant l’arrêt des cours dans les institutions de l’enseignement à
Arbba’t Sahel, en raison de « attaques des bandes des nomades » (issabat arruhal).
26
Le berger mène la partie non laitière du troupeau

18
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des bergers d’antan dans leur savoir et savoir-faire. L’individualisation des


métiers fait aussi que le pastoralisme ne se déroule plus dans le cadre
traditionnel de la tribu. Le berger nomade ne fait pas partie d’un groupe
social reconnu et identifié comme telle, mais un inconnu qui fait son
métier (job) et agit dans le cadre d’un travail salarial au service d’un
entrepreneur en ville. C’est une main d’œuvre extérieure temporaire.
Le berger n’inscrit est pas son activité dans la durée et dans la
construction des liens sociaux avec son entourage et dans le respect
d’autrui pour pouvoir revenir chaque année. Il sait que son travail est
temporaire et qu’il changera d’employeur et de lieu chaque année et peut
être même de métier. Les bergers sont en majorité jeunes, célibataires et
vivent dans des conditions précaires isolées de tout ; ce qui les rend
agressifs au premier contact avec la population locale. Ils sont aussi
stigmatisés par cette population.
La rupture de dialogue et les malentendus et les confrontations ces
dernières années ont creusé un fossé entre les deux communautés, une
méfiance s’est transformée à en un sentiment d’hostilité. La confiance
mutuelle est brisée et chacun voit dans l’autre un adversaire potentiel. Le
lien social qui unit la population paysanne de Souss et les nomades est
rompu.
La mobilité rapide de cheptel et l’émergence des grands entrepreneurs
dans le secteur de l’élevage massif avec des grands moyens logistiques et
humains a transformé la nature de la transhumance pastorale au Sahara
avec ses conséquences sur les rapports sociaux. En plus, ces entrepreneurs
sont en général des notables, des hommes d’affaires puissants, des
parlementaires et des hommes influents. Les autorités locales
n’interviennent pas immédiatement lors des incidents qui opposent les
deux parties dans la région de Souss. Les habitants, les associations, les
acteurs locaux, les sections locales de partis politiques au Souss
dénonçaient l’impunité dont bénéficient les éleveurs nomades. Les élus des
communes concernées mettent à l’ordre de jours de leurs assemblées le
problème des éleveurs nomades et font recours aux autorités compétentes
pour l’inciter à intervenir en urgence contre les propriétaires de bétails.
Certains élus et présidents de conseils communaux, comme le cas de
président de la commune rurale de Arba’at Sahel, sont allés jusqu’à
présenter leur démission (en 2011) en signe de protestation face à la
passivité de l’État. Les parlementaires de Souss, interpellaient à chaque

19
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occasion le gouvernement sur les violences, les dégâts de surpâturage à


l’hémicycle du parlement27.
Nous rappelons que les tensions entre éleveurs nomades originaires du
Sahara et la population locale se sont élargies au-delà de Souss vers le nord.
Durant l’été des années 2018, 1919 et 2020 des confrontations se sont
éclatés dans les régions de Doukala et Chaouia (les environs de Safi et de
Settat). Dans le passé, et partout au Maroc après la récolte des cultures, les
éleveurs nomades étaient autorisés à nourrir leur bétail sur les tiges des
céréales restant en terre après la moisson (les chaumes). Une pratique
bénéfique aussi pour les agriculteurs. Cependant, ces dernières années les
agriculteurs empêchent les éleveurs d’accéder au champ. Cette interdiction
d’accès provoque fréquemment une réaction violente de la part des
éleveurs nomades qui se déplacent sur des longues distances durant la
saison sèche pour profiter de ces champs après la récolte.
Nous avons observé que, contrairement au Souss, les protagonistes des
violences dans la plaine de Chouia et Doukala finissent, de temps à autre,
par se réconcilier en présence des représentants des autorités et des notables
communautaires. Des compromis sont trouvés pour que les berges
nomades fassent pâturer leurs troupeaux dans les champs après la moisson.
Le fumier de mouton fertilise les champs des paysans, ainsi chacun trouve
son compte. Ses paysans louent également leurs champs aux éleveurs
nomades dans cette région.
Nous considérons que le cas des régions de Chouia et Doukala n’est pas
de même ordre que celui de Souss. Dans cette dernière région, les éleveurs
nomades arrivent avant la saison de moisson, ils détruisent l’agriculteur et
les arbres fruitiers privant les habitants de leur récolte. En revanche dans
le cas Chouia et Doukala, les nomades se déplacent après la période de la
récolte.
4. L’instrumentalisation « ethnique » des tensions
Aujourd’hui, les tensions entre éleveurs nomades venant du Sahara et
les villageois de Souss nourrissent des hostilités instrumentalisées par des
acteurs à des fins ethnique, raciste et politique. Les agricultures, les
villageois, les montagnards, voire des citadins de la région de Souss
considèrent que leur territoire est « envahi » par des nomades (irahalen-
ijakan), voyant leurs champs, points d’eaux et forêts dégradées.
Nous constatons de plus en plus l’intervention des sections locales des
partis politiques et des syndicats de Souss au cours des tensions. Une

27
Dans sa réponse le ministre de l’intérieur soupçonnait certains acteurs de
l’instrumentalisation et la politisation des litiges entre éleveurs nomades et agriculteurs et
appelle à l’apaisement.

20
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situation qui démontre l’instrumentalisation des conflits par les partis


politiques. Les éleveurs nomades aussi sont organisés en association pour
défendre leur intérêt. Le président de « l’association de éleveurs du sud
pour le développement et la coopération » dénonce l’intervention des
partis politiques dans les querelles entre éleveurs nomades et paysans dans
la région de Souss.
Depuis le début de conflits, des militants associatifs et politiques se sont
accaparés de la question. À titre d’exemple, plusieurs manifestations se sont
déroulées à l’échelle nationale28 sans citer les dizaines de sit-in et
manifestations dans différentes localités de Souss chaque année. Un
rassemblement de soutien s’est déroulé même en France (Asnières-sur-
Seine ) en avril 2019 sous le slogan « Contre la mafia des pâturages, la
politique d’expropriation des terres et la violence perpétrée à l’encontre des
habitants ». Ces manifestations sont organisées par des associations issues
de la région de Souss. Elles sont dans leur majorité regroupée au sein de la
« « la coordination Akal (terre) pour la défense du droit de la population à
la terre et à la richesse. »». Le surpâturage n’est pas le seul problème soulevé
par ces associations. L’expropriation des terres par l’Etat et les sociétés
minières, les lois gérant les terres tribales collectives, la limitation des terres
domaniales, en plus de l’introduction du sanglier, l’abrogation de la loi
113.13 du 27 Avril 2016 portant sur la transhumance pastorale, sont
parmi les principales questions évoquées. Ils sont des questions à l’ordre de
jour de chaque réunion et des communiqués de Akal ; la transhumance est
un problème temporaire et secondaire comparé aux autres revendications.
Il est notoire de constater la présence au sein des manifestations des
intellectuels et des militants de la cause amazighe. L’une des figures de
proue de la mouvance amazigh, Ahmed Assid, a déclaré lors de sit-in
organisé le 30 /10/2018 à Rabat que son but est de dénoncer, selon lui, les
pratiques brutales, les violences et les abus commis à l'encontre des
populations du Souss par des bergers nomades venus des régions du sud.
Il a averti que les gens de Souss vont former des unités d’autodéfenses et
porter leurs revendications sur la scène internationale si l’État ne prend pas
des mesures urgentes contre les nomades. Il a comparé les « espaces
pastorales », aménagés dans la région de Souss par le ministère de
l’Agriculture en partenariat et avec le soutien des Émirats d’Arabie,
de colonie des « Arabes » dans le pays Tamazgha29. Dans les communiqués

28
(28 octobre 2018 à Rabat - 25 novembre 2018 à Casa et 17 février 2019 à Rabat, 17
août 2019 à Agadir, 18 août 2019, Essaouira, 8 décembre 2019, Casablanca )
29
Pour les militants amazighs (Berbères), les pays Tamazgha désigne l’Afrique du nord
avant son « invasion » par les « Arabes »

21
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de la coordination Akal, le terme de « La mafia de pastoralisme » (mâfia


raa’i) » est régulièrement employé pour qualifier les éleveurs nomades. Plus
qu’une question de surpâturage, ces éleveurs sont considérés comme l’un
des dispositifs de l’Etat pour contraindre la population à quitter sa terre :
« La mafia de pastoralisme » (mâfia raa’i) se développe avec la complicité
de l’Etat, voire ce dernier utilise ses éleveurs pour chasser les paysans de
leur terre.»30 Akal puise dans la rhétorique des militants radicaux Amazigh
comme l’attestent les premières lignes de ce communiqué « Gloire aux
martyrs et détenus de la cause de la terre et de l’identité, et pour la
libération de notre peuple glorieux. Gloire aux enfants résistants de nos
tribus amazighes qui défendent leurs terres et leur patrimoine amazighe
authentique .... ». La politique de l’Etat à l’encontre de « la population
autochtone » est sévèrement critiquée : « Cette politique [de l’Etat] qui se
base sur différents moyens dont la falsification qui spolie la population
autochtone de ses terres, sur la base de Dahirs (décrets) coloniaux qui nous
renvoient à l’époque du Maréchal Lyautey et qui exploitent toutes les
ressources, en plus de l’introduction de sangliers, des animaux sauvages et
de reptiles dans des régions peuplées ainsi que le viol de l’espace de la
population dans la région par les lobbys d’exploitation des pâturages qui y
introduisent les troupeaux de dromadaires et de caprins, guidés par des
personnes en 4/4 et munies de diverse armes et qui s’apparentent à des
milices qui saccagent tout et détruisent les biens, les champs et les dépôts
d’eaux. Ces mêmes milices volent les fruits de la semence et détruisent le
patrimoine environnemental ainsi que les arganiers et les amandiers et
menacent la population en usant des termes racistes et insolents » 31.
Remarquons que les associations qui militent contre le surpâturage sont
traversées par des mésententes et rivalités. Si tous les acteurs associatifs de
Souss sont unanimes sur les thèmes : surpâturage des éleveurs nomades,
introduction de sangliers, « spoliation » de la population autochtone de ses
terres par l’État, limitation de la terre domaniale, ils sont en désaccord sur
la loi 113 13 sur la transhumance promulguée en 201632. Dans ces
dernières déclarations Akal menace de recourir à l’ONU pour demander
la protection des droits de la population « autochtone ». Une manière de
faire la surenchère pour faire valoir leurs revendications auprès de l’Etat.

30
Communiquée, coordination Akal, section Chtouka Ait Baha, 16/2/2020.
3131
Pour la Coordination « Akal » de défense du droit de la population la terre et à la
richesse. Casablanca, le 25/11/2018.
32
Loi relative à « la transhumance pastorale la gestion et l’aménagement des espaces
pastoraux » (loi n° 113.13). Nous reviendrons sur cette loi.

22
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Les militants d ‘Akal adoptent un discours plus virulent envers l’État et


les éleveurs nomades (ou au moins contre une catégorie de ces éleveurs).
Ses déclarations puisent dans la rhétorique des militants radicaux Amazigh.
Les propos officiels (communiqué des presses, interviews, publications)
employés dans à l’égard des nomades sont plus modérés comparés à ceux
utilisés sur le terrain ou sur les réseaux sociaux. Ces derniers expriment
des formes de discrimination et connotation politique : mafia, ru’at,
sahrawa, séparatistes, Polisario, sauvages, mercenaires, bandes hors la loi,
Arabes, criminels …. Les éleveurs nomades aussi utilisent des termes
injurieux envers la population de Souss, le terme le plus récurent est celui
shlûh33.
A chaque incident entre éleveurs nomades et paysans, les jeunes issus
des deux parties inondent les réseaux sociaux par des proposes haineux et
discriminatoires. Nous avons relevé des messages écrits, sonores et des
vidéos postés sur les réseaux sociaux ainsi que des commentaires qui
reflètent le degré d’hostilité et d’animosité qui règnent ces dernières
années. Les communiquées des associations militantes de Souss et les
slogans lors des sit-in et manifestations expriment également une
radicalisation dans le discours envers les éleveurs et les bergers nomades.
Des jeunes citadins, qui ne sont pas concernés directement ni par
l’agriculture, ni le pastoralisme, interviennent dans le conflit en partant de
considération purement politique, idéologique et ethnique
(arabe /berbère). Le campus universitaire d’Agadir connaît des
confrontations régulières entre étudiants de sensibilité Amazigh
« mouvement culturel amazigh » et d’autres étudiants autoproclamés
« étudiants sahraouis ». Les mêmes étudiants sont impliqués dans ces
conflits pastoraux. L’identification des éleveurs à une identité culturelle
arabe et politique sahraouie se grève sur cet antagonisme qui dépasse le
cadre de la concurrence sur les ressources naturelles pour s’inscrire sur un
registre politique et identitaire au sein de l’université. Les conflits sont
devenus des enjeux de pouvoir local et reflètent d’autres registres politiques
à partir du moment de leur instrumentalisation par la société civile.
L’instrumentalisation des tensions pastorales par les militants politiques
augmente l’escalade de la violence. En somme, les conflits pastoraux
prennent, plus en plus, des dimensions identitaires graves.
Les éleveurs nomades sont identifiés comme « Arabes » envahissant la
terre des autochtones amazighe avec la complicité de l’État voire d’autres
pays arabes : « Il est devenu clair pour tous que le surpâturage n'est rien

33
shlûh (sing. shalh) veux dire berbère, ce terme a une connotation péjorative pour la
population arabophone.

23
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d'autre qu'un mécanisme des divers et multiples mécanismes scandaleux


que le Maghzen (État) a soigneusement utilisé avec le soutien de la mafia
Pétrodollar pour réaliser son plan visant au déplacement forcé de la
population autochtone pour anéantir les structures socioculturelles
originales et historiques et de les remplacer par des colonies humaines »34.
Dans une autre déclaration, la même accusation est répétée contre l'État
qui conspire avec les pays du Golfe à "inonder de vastes zones des terres
du Souss avec des hordes de troupeaux de la mafia pastorale et les
troupeaux des Émirats de pétrodollars sous prétexte de pastoralisme
traditionnel"35
La crise climatique, environnementale et géopolitique a créé les
conditions favorables à l’émergence des conflits inter-groupes ; elle a
impacté les rapports sociaux et les relations entre communautés et le lien
social entre des citoyens du même pays.
Le conflit a pris des formes et manifestations diverses : sédentaires /
nomades, agricultures/ éleveurs, Arabes/ Berbères, Marocains / Sahraouis,
patriote / séparatistes, mais c’est n’est qu’une manifestation de problème
réel qui dans la réalité trouve son origine dans des facteurs écologique et
économique précités.
Les gens de Souss et les Sahraouis emploient respectivement des
stéréotypes et des jugements de valeur pour représenter les uns et les autres
dans les moments de tension. Les Sahraouis sont souvent perçus comme
des « Arabes » « anarchiques », agressives, chouchoutées par l’Etat,
séparatistes … les Sahraouis de leur part désignent la population de Souss
de « chlûh », adjectif péjoratif qui résume une altérité identitaire forte et
un sentiment de supériorité « ethnique ».
Les relations entre les cultivateurs et les pasteurs revêtent des
significations politiques et idéologiques par les acteurs souvent non
concernés directement par le conflit. Des simples disputes sont
instrumentalisées par certains acteurs politiques au nom des « autochtones
amazigh » face aux « étrangers arabes ». Dans le discours de Akal, un
amalgame associe é les éleveurs nomades aux projets des pays de Golf et au
« pétrodollar arabe ».

Nous avons observé une forte action militante des associations des
paysans de Souss et une présence accrue sur la scène médiatique ; par
contre les éleveurs nomades sont presque absents des manifestations ou sit-
in. Les associations fondées par certains éleveurs diffusent, de temps en

34
Coordination Akal, section Chtouka Ait Baha, 14/12/2020. (en arabe)
35
Coordination Akal, communiqué de presse 13/10/2019

24
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temps, des communiqués pour dénoncer les agressions contre des berges,
l’anéantissement de bétail ou l’interdiction des agents de pouvoir de faire
paître leurs animaux. Présenter comme des agresseurs et stigmatisés par
les médias, ils se replient sur eux-mêmes en adoptant un discours tribal et
politique comme sahraoui vis-à-vis de leur adversaire et l’État pour
défendre leurs intérêts. Comme la majorité sont de la tribu Ait Oussa, les
membres de la tribu sont mobilisés sur plusieurs fronts au moment des
tensions (déclarations, communiqués, réseaux sociaux, médiation…).
Lorsque, une médiation est tentée, les notables tribaux sont appelés pour
représenter les éleveurs.
Les vidéos, les textes et les photographies véhiculés par les réseaux
sociaux et les articles de presse papier et électronique reflètent souvent des
idées reçues et des stéréotypes sur les nomades. Nous estimons que les
médias jouent un rôle dans l’alimentation des tensions entre les éleveurs et
agriculteurs sur un fond ethnique, voire politique. Or nous savons que
l’interprétation ethnique des conflits autour des pâturages est erronée.
L’interprétation ethnique des conflits fonciers autour des pâturages n’est
pas pertinente. La presse, les médias, certains spécialistes penchent
facilement vers le clivage ethnique, linguistique, tribal et confessionnel
pour expliquer des phénomènes complexes. L’anthropologue J.-L
Amselle36 a déjà réfuté cette thèse dans ces multiples écrits concernant
l’Afrique, terrain par excellence de cette interprétation ethnique des
conflits.
Nous constatons que des conflits en lien avec les pâturages et la terre
éclatent régulièrement entre des groupes partageant la même culture et
identité ethnique voire appartenance lignagère tribale, familiale et
généalogie. La région saharienne connaît ces dernières années des multiples
tensions entre groupes tribaux voisins de même identité ethnique,
culturelle et linguistique. Des conflits éclatent entre des fractions de
mêmes tribus. Les tensions de type agriculteur /éleveur nomade
constituent déjà une source majeure d’insécurité pour certains pays du
Sahel en Afrique37. Ils reflètent un conflit d’intérêt et compétition pour les

36
Amselle, J.-L., E M’Bokolo, Au cœur de l'ethnie. Ethnie, tribalisme et État
en Afrique, La Découverte, Paris, 1999.
37
Bernus, S., « Relations entre nomades et sédentaires des confins sahariens méridionaux
: essai d'interprétation dynamique », Revue des mondes musulmans et de la
Méditerranée, 32, 1981, pp. 23-35
Afane, A., Gagnol, L., « Convoitises et conflits entre ressources pastorales et extractives
au Nord-Niger. Verts pâturages et yellow cake chez les « hommes bleus » », Afrique
contemporaine, 2014/1 (n° 249), 2014, pp. 53-68.

25
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ressources pastorales même s’ils prennent parfois une coloration ethnique.


La prise en compte des facteurs sociaux et économiques (voire politique)
permet d’appréhender la question de conflit et leur gestion dans leur
multiples dimension et facette. Cette grille de lecture socio-économique
permet de réfuter les interprétations simplistes ou idéologiques d’ordre
ethnique et culturel.
5. L’État : solution par la loi
L’arrivée des éleveurs nomades est devenue une préoccupation majeure
pour l’Etat et les autorités locales dans la région de Souss. Si pour les
villageois le souci réside dans la dégradation des ressources agricoles,
forestières et pastorales, pour l’État la question est devenue sensible en
raison des troubles apportées à l’ordre public et les conséquences sur la paix
sociale et la coexistence entre communautés.
Face à l’urgence, l’État a promulgué en 2016 une loi relative à
« la transhumance pastorale la gestion et l’aménagement des espaces
pastoraux » (loi n° 113.13)38. L'objectif de cette loi est de mettre « en place
un cadre juridique spécifique et approprié » pour remédier à la situation
critique des terrains de parcours causée par l’activité d’élevage extensif. Elle
est la première loi dans l’histoire du Maroc qui vise à encadrer
juridiquement la transhumance pastorale. Il est à noter que parmi les
objectifs de ladite loi la définition des « sanctions et pénalités afin d’éviter
tout conflit à travers la responsabilité des parties notamment l’État, les
collectivités territoriales et les bénéficiaires » et définir « les instances et
organes chargés de la transhumance pastorale notamment à travers la mise
en place des structures spécifiques chargées de la gestion du phénomène et
les conflits qui en découlent ».39 L’État a reconnu les faits et les
conséquences des pratiques pastorales sur les relations entre groupes : « la
rareté et la dégradation continuelle des ressources pastorales dans les
parcours traditionnels conjuguées à l’accroissement naturel des
populations et les contraintes d’amélioration des conditions de vie et de
développement de leurs activités ont accentué davantage le phénomène de
transhumance des populations et de leur cheptel, ce qui a engendré dans
certains cas des conflits sociaux importants, en plus des implications sur le

Dangbet, Z., Des transhumants entre alliances et conflits, les Arabes du Batha (Tchad) :
1635-2012, Thèse pour l’obtention du grade de Docteur d’Aix-Marseille Université,
2005
38
Dahir n°1-16-53 du 27 avril 2016,
39 Note de présentation de la loi n° 113.1, ministère de l’Agriculture et la Pêche maritime
(Maroc), 2015

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plan social économique et environnemental »40. La loi a aussi défini des


aires de nomadismes.
L’application de cette loi est conditionnée par un certain nombre de
lois organiques, or, jusqu’à présent une seule loi organique de mise en
application loi est approuvée par le gouvernement (mars 2018)41, il reste
encore 17 lois qui n’ont pas encore vu le jour, ce qui rend la mise en œuvre
de cette loi compliquée dans l’immédiat.
Au mois d’octobre 2018 le ministre de l’Agriculture a donné le coup
d’envoi à la mise en place d’un espace pastoral 42 dans la commune rurale
El Maader (province de Tiznit, sud du Maroc) sur une superficie 2.000
hectares d’arbres fourragers. L’espace pastoral doit offrir les conditions
d’accueil appropriées aux pasteurs nomades : installations sanitaires et
électriques grâce à l’énergie solaire pour accueillir les pasteurs et leurs
familles. Ce projet d’espace pastoral est financé conjointement par le
ministère de l’Agriculture et le Qatar. Nous avons constaté sur le terrain
que cet espace est presque vide, la région connaît depuis trois années
successives la sècheresse. Sans compter que les associations, comme Akal,
sont hostiles à ces projets et demandent leur implantions au Sahara dans
les régions d’origine de éleveurs nomades pour les retenir dans leurs
propres espaces de nomadisme et non dans « la terre de la population
autochtone Amazigh ».
La loi sur la transhumance pastorale et les décisions de sa mise en œuvre
démontrent que la transhumance est devenue une question cruciale par
l’Etat qui multiplie les initiatives pour la maîtrise du phénomène, mais
sans pour autant aboutir à un consensus des deux groupes : agriculteur de
Sous et éleveur nomade. Les deux protagonistes de la question pastorale
sont très réticents sinon catégoriquement opposés à cette loi. Les
associations locales, comme celles regroupées au sein de la coordination
d’Akal, sont contre cette loi. Les éleveurs nomades sont également opposés
à une loi qui impose des contraintes à leur déplacement. Comment donc

40
Loi sur la Transhumance Pastorale la Gestion et l'Aménagement des Espaces
Pastoraux, p. 1
41
Décret n° 2.18.77 portant création, aménagement et gestion des zones pastorales, et ce,
dans le cadre de la mise en place des dispositions de la loi n° 113.13 relatives à la
transhumance pastorale, la gestion et l’aménagement des espaces pastoraux. (Ministère
de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des eaux et forêts)
42
Décret n° 2.18.77 portant création, aménagement et gestion des zones pastorales, et ce,
dans le cadre de la mise en place des dispositions de la loi n° 113.13 relatives à la
transhumance pastorale, la gestion et l’aménagement des espaces pastoraux. (Ministère
de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des eaux et forêts)

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l’État va arriver à résoudre l’un des problèmes pour lequel cette loi a été
décrétée à savoir les conflits sociaux entre éleveurs et paysans ?
Nous savons que les projets de développement menés par l’État, les
collectivités territoriales, les entrepreneurs et les opérateurs économiques
dans le domaine de l’agriculture sont des obstacles à la mobilité des
éleveurs nomades. Les terrains sont privatisés ou étatisés et les champs
d’agriculture sont étendus à l’espace pastoral rendant l’accès ou le passage
de bétail impossible pour les pasteurs. Ils ne peuvent plus emprunter les
itinéraires de transhumance traditionnelle sans empiéter sur les terrains de
culture ou les forêts protégées ou les propriétés privées des agricultures. Les
couloirs de transhumance, les terrains de pâturage et les points d’eau sont
devenus inaccessibles pour les éleveurs nomades. La loi est très ambitieuse
car dans deux ou trois articles elle réglemente les mouvements des
troupeaux tenus à emprunter des couloirs de passage et des axes de
mobilité. Mais la mise en œuvre de la loi reste problématique et montre la
faiblesse de l’État.
La restriction de la mobilité des nomades par la loi démontre la volonté
de réglementer un secteur par l’imposition de plus en plus de contrainte
sur les activités pastorales sans offrir des alternatives qui permettent la
pérennisation de cette activité pastorale pour des centaines de familles en
aggravant leur vulnérabilité et leur précarité. Une situation qui favorise un
climat de tension permanent, voire inévitable. Certes, l’État doit intervenir
dans le cas de l’élevage massif des grands propriétaires de bétail, mais il y a
un nombre important de petits et moyens éleveurs qui vivent de cette
activité. Il doit aussi préserver les moyens de subsistance des petits paysans.
Les conflits entre éleveurs nomades et paysans agriculteurs sont aussi le
résultat d’une mauvaise gestion de ces conflits par les autorités et un
dysfonctionnement des institutions de la médiation. Dans le passé ces
conflits étaient gérés dans le cadre des rapports entre tribus et
confédération de tribus et par des pactes et des alliances et le droit
coutumier. Les nomades remontent avec leur bétail à au Souss,
notamment, durant les périodes de sécheresse ; et certains se sont même
installés avec leur tente d’une manière définitive dans les villes et villages
de Souss sans aucun problème. Les quartiers anciens à de la ville Agadir et
sa banlieue sont le témoin de cette sédentarisation des nomades sahariens
dans cette région comme le quartier des tentes (hay lakhyam) au cœur de
la ville d’Agadir : quartiers nommés quartiers des Arabes ( hay Larab) à
Tikouine et Anza. Des familles de nomades sahariens ont été intégrées
dans des villages de Souss depuis de générations et font même partie des
communautés villageoises de la région.

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L’étatisation des relations entre les groupes a remplacé les rapports


directs entre ces groupes d’antan et même lorsque l’État essaye de laisser
les groupes trouver une solution entre eux, ces derniers demandent
l’intervention de l’État comme garant face au manque de confiance qui
s’est instauré au fil du temps. La gouvernance traditionnelle des ressources
naturelles collectives et les mécanismes traditionnels de gestion de conflit
ne sont plus opérationnels, vu le déclin de liens sociaux et économiques
entre les groupes. Les lefs comme alliance entre tribus ne sont qu’un
lointain souvenir vu la décomposition des liens de la parenté. Les
arrangements coutumiers ont été rompus.
Or le vide laissé par la disparition de ces mécanismes n’a pas été
entièrement rempli par les institutions étatiques qui ne jouent pas ou peu
leur rôle d’arbitrage vu le vide juridique et la crainte des conséquences. Les
institutions étatiques dans leur intervention fonctionnent selon une
logique gagnant/perdant, ce qui n’était pas le cas avant. Les jugements sont
toujours tranchés à la faveur d’une partie ce qui ne résout pas le problème
dans le fond, au contraire il ne peut que hausser les hostilités voire la
contestation contre l’Etat, lui-même jugée impartiale à tort ou à raison.
Il est très étonnant de constater dans la loi sur la transhumance la
volonté de l’État d’empêcher tout accord entre groupes sans son avale : «
les groupes ethniques, propriétaire des terrains collectifs de parcours,
peuvent, après approbation de l’autorité de tutelle, conclure entre elles des
contrats de pâturage et de transhumance à l’effet de favoriser et de faciliter
les échanges pastoraux entre les groupes ou de prévenir ou résoudre des
conflits d’usage des parcours » (article 31)
La gestion de la crise par l’État est purement bureaucratique. La loi stipule
des conditions pour l’obtention de fameuse autorisation qui nous paraît
irréaliste dans l’état actuel choses : « La transhumance pastorale nécessite
l’obtention par le propriétaire du troupeau d’une autorisation dénommée
« autorisation de transhumance pastorale », délivrer à cet effet par
l’Administration compétente ». (Article 24)
Ces mesures de la loi sont difficilement applicables sur le terrain. Tant
que la demande sur les ressources pastorales est en augmentation les raisons
de déclenchement, des conflits demeureront. Pour les éleveurs de la
province d’Assa Zag, la mobilité des troupeaux à la recherche des pâturages
dans la région de Souss est cruciale à la survie durant la saison sèche. Pour
les simples familles d’éleveurs, comme pour les éleveurs entrepreneurs, qui
ont investi dans un capital mobile et fragile, ils ne vont pas le regarder se
décimer dans le désert. Ils vont chercher par tous les moyens de monter
vers le nord pour assurer les pâturages à leur bétail. C’est la seule option

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pour eux de garder leur capital. Il faut à un moment ou un autre revenir à


des critères de légitimité mutuellement convenus entre les groupes sous la
tutelle de l’État. La plupart des conflits à au Souss et dans la région de
Doukala ont trouvé une issue grâce à des interventions non étatiques. Les
chefs des tribus, les notables traditionnels, en plus des acteurs associatifs,
étaient mobilisés dans le contexte de recherche de la paix. Malgré les
situations de tensions, des mécanismes empêchent que les diverses
situations conflictuelles se transforment en conflit permanent et hors
contrôle.
Les lois ne suffisent pas, les protagonistes n’y adhérent entièrement que
lorsque chacun y trouve son compte. Avec cette nouvelle loi, le conflit
changera de nature. Le conflit qui est pour l’instant entre populations est
un conflit horizontal, avec l’intervention de l’État pour appliquer la loi, le
conflit se double d’une dimension verticale. Les éleveurs se trouveront
contraints par les agents dépositaires de loi de se soumettre aux règlements
avec le risque d’une confrontation directe. La même chose peut se produire
avec les agriculteurs.
Nous serons de plus en plus face à une escalade de violence et un cycle
de conflits durant la saison sèche avec le passage du conflit d'une échelle
locale à une échelle nationale. Ce ne sera plus des conflits circonscrits dans
l’espace et le temps, mais des conflits entre un groupes avec une dimension
politico-ethnique et l’État avec des implications complexes vu le contexte
géopolitique de cette population dans le cadre de conflit du Sahara. Dans
ce cas, les conflits pastoraux vont devenir par la force de chose des conflits
politiques avec une dimension internationale de notre cas. Des simples
querelles autour des champs se propagent vite et prennent une dimension
collective et affaire d’ordre public, voire politique.

Conclusion
Les mutations de mode de production pastoral durant la deuxième
moitié du vingtième siècle ont contribué au déclin du nomadisme
traditionnel. Les nomades actuellement sont des éleveurs pastoraux
(kassâba) engagés dans une logique entrepreneuriale et le passage de mode
de productions pastorales de subsistance à une production marchande.
Nous avons mis en exergue comment la transformation des systèmes de
production agricole et pastorale et l’entrée en scène de nouveaux acteurs,
ont changé les relations de coexistence et de coopération entre les nomades
et les payants d’antan. La mobilité pastorale se déroule sur un territoire
plus large provoquant une situation conflictuelle et concurrentielle entre
les éleveurs nomades et la population villageoise agricole. Ces tensions

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nourrissent des hostilités instrumentalisées par des acteurs à des fins


« ethnique » et politique. Le problème de pastoralisme nomade fait partie
d'un problème profond vécu par l'économie agricole en général dans les
pays en voie de développement, et il interfère avec les contraintes
environnementales, économiques et sociales. Le secteur ne peut pas rester
sans une loi qui protège l'environnement et prend en compte la durabilité
des pâturages en apportant un repos biologique aux végétaux et en
contrôlant le grand nombre de cheptels. En même temps, la loi doit
prendre en compte les contraintes, les conditions et les intérêts, à la fois,
des petits éleveurs nomades et des agriculteurs. L’État doit concerter,
sensibiliser et accompagner en permanences les branches précaires de deux
catégories (éleveurs et paysans) toute en encadrant d’une manière
vigoureuse la mobilité et les activités des grands propriétaires de cheptel
qui sont en réalité des éleveurs- entrepreneurs. Par ailleurs, nous estimons
que les conflits pastoraux s’inscrivent dans l’ordre de l’interaction avant
qu’ils débouchent sur la violence qui est la manifestation d’une rupture.
Après les actions violentes, les protagonistes entament un dialogue qui est
l’occasion de conciliation. En d’autres termes, le conflit est aussi une forme
de relation entre groupes sociaux aux intérêts matériaux divergents.

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