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M2 Pro – 2020-21Indications géographiquesCaroline LE GOFFIC

INDICATIONS GÉOGRAPHIQUES
Introduction
Section 1. Historique
Les IG sont un type de signe distinctif très ancien, sans doute le plus ancien. Quand on regarde ce qu'il se
passe dans l'Antiquité, on a retrouvé des amphores avec des signes distinctifs (vins avec certaines origines
et provenances comme Falerne).
C'est le 1er type de marque, comme les sceaux corporatifs de l'Ancien Régime. Les 2 choses se sont ensuite
détachées, même si dans certains pays, on a recours au droit des marques pour protéger les IG : quand on
utilise des marques collectives/de certification/de garantie, cela remplit la même fonction. La marque
individuelle en revanche s'oppose aux IG par son caractère exclusif.
Pas d'équivalent du système de Madrid (Arrangement + Protocole) pour les IG. On a le système de
Lisbonne, prometteur, mais récent, il n'a pas encore le même succès.
On a un flou sur le nombre d'IG existantes, mai les études estiment qu'il y aurait au moins 20.000 IG dans
le monde : vin, fromage surtout, les spiritueux (comme le cognac), mais aussi pour des produits industriels
et manufacturés (législation française en 2014). Il en existe dans tous les pays : Darjeeling en Inde, tapis
d'Iran, verre de Murano, acier de Tolède, oranges de Floride, poivre de Sichuan en Chine, certains thés
chinois, etc.

Section 2. Enjeux
Enjeux très importants économiquement : les produits à IG sont des produits de qualité ("premium") qui
ont plus de valeur que les produits sans, le commerce international porte beaucoup dessus. Les accords
bilatéraux conclus avec l'UE comportent souvent un volet IG.
Ex de l'accord entre l'UE et la Chine : un volet IG avec une liste d'IG européennes que la Chine s'engage à
protéger et vice-versa.
Commerce des vins et des spiritueux importants aussi.
Les IG concernent souvent des zones rurales, potentiellement moins dynamiques que d'autres. Par
exemple avec les lentilles du Puy : quand on a enregistré IG, cela a permis de recréer de l'emploi dans la
région. C'est un outil important d'aménagement du territoire pour les pouvoirs publics.
Au niveau international, on a des enjeux économiques importants, notamment dans les dialogues entre
Nord et Sud. L'OAPI s'intéresse beaucoup à la protection de ce type de produits.

Enfin, on a un enjeu culturel : les IG, dans certaines conceptions nationales, sont vues comme un élément
du patrimoine immatériel (champagne, place particulière aux yeux des Français par exemple).

Beaucoup de débats et de contentieux, au niveau interne et internationale : tous les pays n'ont pas la
même conception, cela distingue les IG des marques car la marque est la même partout. Pour les IG, cela
varie : selon les Etats, on a une vision plus ou moins étroite du lien entre le produit et sa zone d'origine.
On a un lien fort en France et dans l'Europe du sud en général, alors que dans l'Europe du Nord et au
Nouveau Monde (USA, Canada, Australie), le lien est plus ténu.
Au niveau international, il a fallu se mettre d'accord : dans ADPIC, la définition est un compromis 🡺 art. 22
§1 : "Aux fins du présent accord, on entend par IG des indications qui servent à identifier un produit
comme étant originaire du territoire d'un Membre, ou d'une région ou localité de ce territoire, dans les
cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée
essentiellement à cette origine géographique".
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Section 3. Actualités
Des arrêts ont été rendus par le Conseil d'Etat à propos d'appellations corses. Ils illustrent les 2 types d'IG
qu'on peut avoir en Europe. On a reconnu des AO protégées pour de la charcuterie corse, mais les
conditions étaient strictes, et peu de producteurs pouvaient bénéficier de l'appellation (seulement 9%).
Une demande a été faite pour une autre IGP, où la Corse était appelée "Ile de Beauté", ce que le Conseil
d'Etat a validé.
L'existence d'une AOP, quand la dénomination choisie ne prête pas à confusion.

Loi Hamon "consommation" du 17 mars 2014 :


- Création de l'IG protégeant les produits industriels et artisanaux (L721-2 CPI)
- Affaire "Laguiole", CA Paris, 4 avril 2014, Cass. civ. 1, 4 octobre 2016 puis CA Paris, 5 mars 2019 🡺
une entreprise avait obtenu la marque "Laguiole" pour des couteaux et autres produits fabriqués
en Chine et au Pakistan. Le maire de la commune avait alors formé un recours, mais il avait
essuyé un revers en justice : la CA de Paris a refusé cette demande, mais après un passage par la
Cour de Cassation, la CA a reconnu cette protection.
- Protection des noms des collectivités territoriales (pas IG) : elles ont un droit d'alerte (L712-2-1
CPI) 🡺 l'INPI prévient quand quelqu'un prend le nom de la collectivité, et on leur confère un droit
d'opposition, mais aussi aux ODG (organismes de défense et de gestion = syndicats de producteur
en charge d'assurer la défense des IG, l712-4 CPI). En plus, les IG sont introduites comme motifs
relatifs à l'opposition d'une marque. Enfin, L713-6 c) CPI règle les rapports entre marques et IG : la
marque antérieure n'exclut pas l'IG postérieure, c'est une nouvelle exception créée 🡺 le titulaire
de la marque antérieure peut être limité.

CA Pari, 5 mars 2019, n°17/04510 : en 1e instance, la CA de Paris avait refusé de faire droit à la commune
et d'annuler la marque, mais la Cour de cassation censure en reprochant à la CA de ne pas s'être
suffisamment concentré sur le dépôt de marque trompeuse et la fraude. La CA de Paris a donc donné
raison à la commune sur le terrain de la fraude : problème car la marque était déposée pour 37 classes 🡺
"Considérant que si le fait de déposer des marques dans plusieurs classes n'est pas en soi illicite et
s'explique notamment par la grande diversité de produits exploités par les licenciés, il n'en est pas de
même au cas d'espèce où la multiplicité de ces dépôts, couvrant 37 clases de la classification de Nice,
conduit en fait à priver la commune et ses administrés de l'usage de ce nom".
Mais la CA refuse de condamner pour pratiques commerciales trompeuses, mais c'est discutable : le
titulaire de la marque faisait référence à une origine traditionnelle des couteaux, il utilisait le terme "notre
village", etc. mais "nonobstant l'utilisation critiquable du terme 'notre village', la cour estime que le
consommateur moyen informé de ce que les produits en question sont fabriqués aussi dans des sites à
l'étranger, jusqu'en Chine et au Pakistan, ne croira pas que ceux-ci sont originaires de la ville de Laguiole".

DG INPI, 20 avril 2016, n° OPP 2015-4821 : marque "PARIS BY PARIS" déposée pour désigner des
"vêtements, chaussures, chapelleries". La ville de Paris a fait opposition, le DG y a fait droit : réputation de
Paris dans le milieu de la mode, alors qu'en réalité, il n'y avait aucun lien avec la ville de Paris.

Plus récemment, le paquet marques (directive + règlement) de 2015 a profondément modifié les rapports
entre IG et marques :
- Introduction de nouveaux motifs absolus de refus : les IG sont confortés en tant que motifs
absolus de refus, tant pour la marque nationale que pour la marque de l'UE
- Protection par un motif relatif de refus (IG = seul droit à être protégé par les 2)
- Nouvelle place des marques collectives
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Chapitre 1. Typologie des indications géographiques


On peut classer les différentes IG selon l'intensité du lien entre le produit et son lieu d'origine (lien avec le
terroir). On peut en distinguer 3 :
- Indication de provenance (degré 0)
- "IG" et IGP au sens strict : IG est donc polysémique 🡺 catégorie comprenant toutes ces notions et
un sens précis dans les règlements européens.
- Appellations d'origine : lien le plus étroit

Section 1. Indications de provenance


En réalité, cette catégorie se décompose en 2 sous-catégories : IP "simples" (expression reprise à Norbert
Olszak, grand spécialiste) et IP "qualifiantes"
Seules les IP qualifiantes méritent leur place dans les IG.

Paragraphe 1. IP simples
Définies négativement, cela correspond à la dénomination d'un produit dont les caractères ne sont pas
dus au milieu géographique.
Cela sert surtout à des fins de traçabilité.
Il peut y avoir un caractère obligatoire ou facultatif (souvent facultatif, pour ne pas être trop restrictif de
concurrence), et c'est très utile en matière de douane. En droit international, cela peut être difficile de
déterminer le pays d'origine d'un produit : critère du territoire de "dernière transformation substantielle".
Mais parfois, une simple IP peut s'assimiler à une IG (même le "made in Italy" pour des chaussures, lancé
par les fabricants de chaussures italiens, on peut avoir une certaine réputation de qualité) : la frontière
peut être mouvante.

Paragraphe 2. IP qualifiantes
Cela n'existe pas dans la loi, elles ont été définies par la jurisprudence dans une affaire de coutellerie
savoyarde. "Un nom géographique est une IP lorsque, dans l'esprit du public, s'est établi un lien entre le
lieu de fabrication et des caractéristiques tenant à des facteurs soit géographiques, soit humains, la qualité
reconnue du produit étant attachée à la matière première procurée par une région ou un pays déterminé,
ou encore à des procédures et soins de fabrication dont la valeur s'est trouvée au long des âges consacrée
grâce à leur mise en pratique par de nombreux fabricants concentrés dans une même zone géographique"
(CA Paris, 6 février 1986).

Cette définition est à la fois objective et subjective :


- Le lien entre la provenance et les caractères du produit existe dans l'esprit du public (subjectif)
- On a un lien entre l'origine et des caractéristiques tenant à des facteurs géographiques/humains

Exemples d'IP reconnues: Café du Brésil (CA Paris, 16 juin 1988), Saucisse de Morteau (Cass. com., 30
novembre 2004) 🡺 c'est réputé, mais on ne connait pas forcément ses propriétés (base de l'IO).

Juridiquement, l'IP est caractérisée par une absence totale de statut légal : c'est uniquement
jurisprudentiel. On n'a pas de reconnaissance officielle, d'enregistrement ou de contrôle, pas de
réglementation. On n'a pas de protection spécifique (uniquement droit commun : concurrence déloyale et
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droit de la consommation). En plus, les IP peuvent devenir génériques (c'est le cas de "camembert" par
exemple, c'est un type de fromage aujourd'hui).
Cette catégorie a 2 fonctions :
- La marque, même géographique ne doit pas être descriptive (donc elle doit être distinctive, pas
de lien avec son origine géographique) ni déceptive. En déposant une marque avec un nom
géographique, l'office doit vérifier que ce n'est ni descriptif ni déceptif : aux yeux du
consommateur moyen le nom sera-t-il compris comme faisant référence à l'origine du produit ? Si
non, terme arbitraire. Si oui (compris comme faisant référence à l'origine), soit le produit vient de
l'endroit (descriptive), soit il ne vient pas de l'endroit (déceptive), invalide dans les 2 cas. Ex :
Alaska déposée pour de l'eau minérale, cela peut être compris par le consommateur comme
faisant référence à des sources, ce sera donc descriptif ou déceptif, donc c'est une IP ; si c'est
déposé pour des bananes, personne ne va s'imaginer qu'elles viennent de là-bas, donc pas IP, la
marque est arbitraire.
- Au niveau européen, la CJ a été amenée à tracer la ligne de démarcation entre compétence
nationale et compétence européenne : dès lors qu'on est en présence d'une IG au sens des textes
européens, on a une exclusivité du système européen. A l'inverse, les IP, hors champ des
règlements, relèvent de la compétence nationale, les EM peuvent donc mettre en place des règles
pour les protéger (concurrence déloyale par exemple).

Section 2. IG et IGP
L'expression "IG" au sens strict se trouve dans différents textes.

Paragraphe 1. IG dans l'Accord ADPIC


Art. 22 §1 définit les IG de façon très large, cela inclue toute sorte de signe : c'est une indication servant à
identifier un produit, pas forcément verbal (figuratif possible aussi).
Les produits concernés peuvent aussi bien être agroalimentaires qu'industriels, seuls les services sont
exclus. Mais certaines législations nationales peuvent en prévoir.
L'Accord ADPIC n'est qu'un cadre standard, minimum de protection.
On exclue simplement les IP simples : il manque la partie "lien" entre origine et qualité, réputation ou
autre caractéristique.
L'Accord n'oblige pas à avoir des moyens de protection spécifiques, sui generis : certains pays utilisent leur
système de droit des marques (ex : USA).

Paragraphe 2. Règlements européens n°1151/2012, 1308/2013 et


2019/787
Les IG sont utilisées pour les spiritueux (règlement n°2019/787). L'art. 3 4) dispose que qu'on entend par
IG une indication qui identifie une boisson spiritueuse comme étant originaire du territoire d'un Membre,
ou d'une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique
déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique.

Concernant les produits agroalimentaires, règlement n°1151/2012. L'article 5 §1, 2° dispose :


"Aux fins du présent règlement, on entend par 'IG' une dénomination qui identifie un produit :
a) comme étant originaire d'un lieu déterminé, d'une région ou d'un pays ;
b) dont une qualité déterminé, la régulation ou une autre propriété peut être attribuée essentiellement à son
origine géographique ; et
c) dont au moins une des étapes de production a lieu dans l'aire géographique délimitée".
🡺 On voit la différence avec l'AOP où toutes les étapes doivent être réalisées dans l'aire délimitée.
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Pour les vins, règlement n°1308/2013, art. 93§1 b) :


"Une indication renvoyant à une région, à un lieu déterminé ou, dans des cas exceptionnels, et dûment justifié,
à un pays [utile pour le Luxembourg, petit pays], qui sert à désigner un produit visé à l'article 92 §1, satisfaisant
aux exigences suivantes :
i) possède une qualité, une réputation ou d'autres caractéristiques particulières attribuables à cette origine
géographique ;
ii) et produit à partir de raisins dont au moins 85% proviennent exclusivement de la zone géographique
considérée ;
iii) sa production est limitée à la zone géographique considérée ; ainsi que
iv) il est obtenu à partir de variétés de vigne de l'espèce Viti vinifera ou issues d'un croisement entre ladite
espèce et d'autres espèces du genre Vitis".
🡺 Différences pour les vins d'AOP : 100% du raisin vient de la zone délimitée.

Protection plus importante pour les produits agroalimentaires et les vins que pour les spiritueux.

Paragraphe 3. IG protégeant les produits industriels et artisanaux en


droit français
Titre 2 Livre VII créé en 2014. L722-1 donne une définition par énumération :
"Toute atteinte portée à une indication géographique en violation de la protection qui lui est accordée par le
droit de l'Union européenne ou la législation nationale constitue une contrefaçon engageant la responsabilité
de son auteur.
Pour l'application du présent chapitre, on entend par " indication géographique " :
a) Les appellations d'origine définies à l'article L. 115-1 du code de la consommation ;
b) Les indications géographiques définies à l'article L. 721-2 ;
c) Les appellations d'origine et les indications géographiques protégées en vertu du droit de l'Union
européenne ;
Sont interdits la production, l'offre, la vente, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, le
transbordement, l'utilisation ou la détention à ces fins de biens dont la présentation porte atteinte ou est
susceptible de porter atteinte à une indication géographique."

L721-2 : IG protégeant les produits industriels et artisanaux (IGPIA)


"Constitue une indication géographique la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé
servant à désigner un produit, autre qu'agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui
possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées
essentiellement à cette origine géographique. Les conditions de production ou de transformation de ce produit,
telles que la découpe, l'extraction ou la fabrication, respectent un cahier des charges homologué par décision
prise en application de l'article L. 411-4."
Dénomination verbale seulement, plus restrictif que l'Accord ADPIC.

Section 3. Appellations d'origine


Paragraphe 1. Règlements européens n°1151/2012 et 1308/2013 :
AOP
Règlement 1151/2012, art. 5 §1, 1° :
"Aux fins du présent règlement, on entend par 'AO' une dénomination qui identifie un produit :
a) comme étant originaire d'un lieu déterminé, d'une région, ou, dans des cas exceptionnels, d'un pays ;
b) dont la qualité ou les caractéristiques sont dues essentiellement ou exclusivement au milieu géographique
comprenant les facteurs naturels et humains ; et
c) dont toutes les étapes de production ont lieu dans l'aire géographique délimitée."
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🡺 On n'a plus d'histoire de réputation ici. Le produit est localisé sur un terroir (réunion des facteurs
naturels et humains) unique.

Pour les vins, règlement n°1308/2013 :


"Le nom d'une région, d'un lieu déterminé ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés d'un pays, qui sert
à désigner un produit visé à l'article 92 §1, satisfaisant aux exigences suivantes :
i) sa qualité et ses caractéristiques sont dues essentiellement ou exclusivement à un milieu géographique
particulier et aux facteurs naturels et humains qui lui sont inhérents ;
ii) il est élaboré exclusivement à partir de raisins provenant de la zone géographique considérée ;
iii) sa production était limitée à la zone géographique considérée ; ainsi que
iv) il est obtenu exclusivement à partir de variétés de vigne de l'espèce Vitis vinifera."
🡺 Plus exigeant et précis aussi.

Paragraphe 2. AO en droit français


Elles sont définies à L431-1 Code de la consommation (nouvelle numérotation de L115-1), reproduite dans
le CPI à L721-1 :
"Constitue une AO la dénomination d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à désigner un produit qui
en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus au milieu géographique, comprenant des facteurs
naturels et humains."

Le terme "terroir" est un concept géographique défini par les géographes : c'est "un espace géographique
délimité dans lequel une communauté humaine construit au cours de son histoire un savoir collectif de
production fondée sur un système d'interactions entre un milieu physique et biologique, et un ensemble
de facteurs humains. Les itinéraires sociotechniques sont ainsi mis en jeu, révèlent une originalité,
confèrent une typicité, et aboutissent à une réputation pour un bien originaire de cet espace
géographique".
L'appellation traduit juridiquement la reconnaissance de ce concept.
Concernant les AOC, c'est le titre français régi par le Code rural et de la pêche maritime (CRPM). L641-5
dispose : "Peuvent bénéficier d'une AOC les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de
la mer, bruts ou transformés, qui remplissent les conditions fixées par les dispositions de l'article L115-1
du Code de la consommation, possèdentune notoriété dûment établie et dont la production est soumise à
des procédures comportant une habilitation des opérateurs, un contrôle des conditions de production et
un contrôle des produits."

L'AOC protège un produit agroalimentaire qui remplit les conditions de toute AO (lien au terroir), et 2
conditions supplémentaires :
- Notoriété : par définition de la loi, toute AOC est notoire (condition d'octroi de l'AOC). On n'a pas
besoin de prouver la renommée.
- Contrôle : conditions de production et les produits sont contrôlés à partir du cahier des charges
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Chapitre 2. Indications géographiques en droit de l'UE


On a 3 règlements (agroalimentaires, vins, spiritueux), qui prévoient une double catégorie avec la même
protection (sauf pour les spiritueux).

Section 1. Règles d'origine jurisprudentielle


D'abord, à partir des 60s, la CJ, avant même l'existence des Règlements, a dû se prononcer sur certains
aspects de règles nationales protégeant les IG, par rapport à la libre circulation des marchandises. Dans
quelle mesure une législation nationale, qui constitue une MEERQ (portent atteinte au principe de libre
circulation), peut-elle être autorisée dans le cadre des IG ? L'art. 36 TFUE pose une exception à la
prohibition des MEERQ.
Comme pour les marques et les brevets, la CJ a dû définir l'objet spécifique, le cœur du droit, en dépit de
son aspect spécifique définition des IG par opposition aux IP, puis aux dénominations génériques, puis elle
s'est prononcée sur les fonctions essentielles.

Paragraphe 1. Définitions
Dans son arrêt Exportur, 10 novembre 1992, on parlait de la dénomination espagnole "Turron" (produit
"Tourron" commercialisé en France). Contrairement aux AO, les IP (simples) n'ont pour fonction que
d'informer le consommateur que le produit provient d'un lieu déterminé et ne désigne pas des produits
devant une saveur particulière au terroir.
Donc a contrario, les produits protégés par AO ont une saveur due au terroir.

Arrêt Pistre, 7 mai 1996, dénomination "Montagne" : une législation française en réservait l'utilisation aux
producteurs de charcuterie français, cela gênait les Italiens. Mais "Montagne" est un terme générique, ce
n'est pas lié à un endroit particulier (idem en France et en Italie), donc la législation qui réserve le terme
aux produits d'origine française plutôt qu'italienne doit être interdite.

Arrêt Wartseiner, 7 novembre 2000 : les compétences des EM sont limitées aux seules IP (opposition aux
IG) pour lesquelles il n'y a pas de lien direct entre les caractéristiques du produit et sa provenance
géographique.

Paragraphe 2. Exclusion des dénominations génériques


En continuant de chercher l'objet spécifique, la CJ a dégagé ce principe : pas de protection pour les
dénominations génériques.
La justification est évidente, comme en droit des marques : si c'est générique, c'est un nom commun
(nécessaire pour tous ceux qui produisent), et cela ne remplit plus la fonction de distinctivité de l'IG.

Mais comment définir une dénomination géo générique ? Plusieurs éléments sont posés :
- Arrêt Exportur : pour que l'Espagne puisse valablement réserver le terme, ce ne doit pas être
générique. La dénomination générique désigne des types de produits et n'est plus évocatrice
d'une provenance géo déterminée
- Arrêt Bavaria, 2 Juillet 2009 : une dénomination ne devient générique que si le lien direct entre
l'origine géo et une qualité déterminée du produit, sa qualité ou autre caractéristique attribuable
à ladite origine a disparu, la dénomination ne faisant plus que décrire un genre ou un type de
produit (dégénérescence, comme en droit des marques).
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Sur la base des règlements, il est difficile de déterminer le caractère générique d'une IG.

Paragraphe 3. Fonctions essentielle des AOP-IGP


A. Protection des opérateurs et zones de production (défensive)
La fonction essentielle est de protéger les opérateurs (comme la marque) et les zones de production
(politique publique forte) 🡺 arrêt du 20 février 1975, Sekt et Weinbrandt (Sekt = vin mousseux générique,
réservé à l'époque aux vins mousseux allemands, les vins autrichiens ont soulevé une restriction de
concurrence) : on protège les opérateurs s'il y a une typicité du produit, on les protège et les récompense
pour l'effort qualitatif consenti, et on protège un terroir de production.
Cette consécration a été reprise dans les règlements.
On a un fort côté protectionniste, interventionniste d'aménagement du territoire.

B. Garantie pour le consommateur


Garantie d'origine (CJCE, 20 février 1975, Sekt), logique.

Garantie de typicité locale : lien au terroir.


CJCE, 10 novembre 1992, Exportur a reconnu cette garantie.
Affaires "Rioja" : appellation protégée par un titre espagnol pour un vin. Le cahier des charges imposait
que le vin soit produit dans la zone en question, mais aussi embouteillé sur place. Un distributeur belge,
qui importait en grande quantité ce vin, voulait procéder à la mise en bouteille en Belgique (après des
importations en vrac). Mais selon l'Espagne, il ne pouvait pas l'appeler "Rioja" car le conditionnement
devait avoir lieu dans la région d'origine (on limite le volume commercialisé ailleurs). La Belgique dit que
c'est une restriction de la libre concurrence pas justifiée. Dans un 1er arrêt rendu en 1991, la CJ donne
raison à la Belgique en disant que cela va un peu loin : produire ok, mais il n'a pas été démontré en quoi
l'obligation d'embouteiller dans la région d'origine était justifiée pour garantir la typicité. Mais loin de
s'incliner, l'Espagne renforce sa législation en interdisant l'exportation en vrac. 2e décision de la CJ en 2001
: revirement, la CJ admet qu'on puisse réserver l'intégralité du cycle de production (transformation et
conditionnement compris) à une région donnée (risques d'altération de la qualité). C'est une
jurisprudence protectrice, peu pro-libre circulation.

Affaires du Jambon de Parme et du Grana Padano en 2003 : des règles italiennes imposaient, pour utiliser
ces AO, que les produits soient produits dans les régions d'origine, mais le jambon devait en plus être
tranché et conditionné dans la région d'origine, et le fromage devait être râpé et emballé au même
endroit. Mais un supermarché anglais importait en vrac et préparait en Angleterre. La CJ accepte ici les
arguments des Italiens : ces exigences sont restrictives mais justifiées par la fonction essentielle de
garantie de typicité. On risquait, en autorisant ces opérations hors de la zone de production, une perte de
qualité. De plus, on peut contrôler plus facilement si tout se fait dans la région d'origine.
Consécration dans les règlements : par exemple, Règlement n°1151/2012, art. 7§1, e) 🡺 "informations
relatives au conditionnement, lorsque le groupement demandeur estime et justifie de manière
satisfaisante par des arguments spécifiques au produit que le conditionnement doit avoir lieu dans l'aire
géographique délimitée afin de sauvegarder la qualité, de garantir l'origine ou d'assurer le contrôle,
compte tenu du droit de l'Union, notamment en matière de libre circulation des biens et de libre
prestation des services".
🡺 Il faut des arguments spécifiques. C'est très restrictif, mais la position de la CJ est claire.

CJUE, 17 octobre 2019, C569/18, Mozarella di Bufala Campana 🡺 règles qui imposent que la production du
fromage ait lieu dans des établissements exclusivement destinés à cette production, et dans lesquels sont
interdits la détention et le stockage de laits provenant d'élevages qui ne relèvent pas du système de
contrôle de l'AOP.
Le droit de l'UE ne s'oppose pas à une condition telle que celle en cause principal, malgré ses effets
restrictifs sur les échanges, à condition qu'on démontre qu'elle constitue un moyen nécessaire et
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proportionné de nature à sauvegarder la qualité du produit en question, à garantir son origine ou à


assurer le contrôle du cahier des charges de cette AOP.

Section 2. Règles édictées par les règlements européens


Paragraphe 1. Sources
A. Vins
Le vin a une place particulière : c'est la 1e organisation commune de marché mise en place. Dans les 70s,
on a d'abord eu une reconnaissance mutuelle des IG nationales, puis on a mis en place des titres
européens en 2008 (règlement modifié plusieurs fois, n°1308/2013 applicable aujourd'hui).

B. Produits agro-alimentaires
Créé en 1992, on a ensuite eu un règlement, aujourd'hui c'est le Règlement n°1151/2012 qu'on applique.
En 2006, on a eu une grosse révision pour l'enregistrement des AOP/IGP des Etats tiers (1er à faire l'objet
d'un enregistrement : "Café de Colombie"). De plus, les USA contestaient une règle relative au règlement
des conflits entre une marque antérieure et une IG postérieure : dans l'UE, on ne favorise pas la marque
antérieure, on a une règle de coexistence (on rogne les prérogatives du titulaire de la marque), mais l'OMC
n'a pas condamné l'UE, donc cela n'a pas changé.

C. Spiritueux
Pour les spiritueux, un seul niveau IG (pas AOP/IGP), règlement en 2008, puis règlement 2019/787. On
définit des grandes catégories (gin, rhum, brandy, etc.), puis on dit qu'ils peuvent préciser la catégorie par
une IG (facultatif).

Paragraphe 2. Conditions de protection


A. Conditions de fond
Pour obtenir une AOP/IGP, le produit doit être conforme à la définition : lien au terroir caractérisé. Par
définition, c'est un signe verbal, mais pas que (arrêt Prantl dans les 70s : la CJ a admis que la forme d'une
bouteille peut être protégé), mais souvent surtout un nom géographique.
Les règlements mentionnent des exceptions : feta (AO enregistré par la Grèce, vient de fetta en italien,
signifiant "tranche", mais usage constant), muscadet (AO française pour des vins, c'est un type de cépage,
mais localisé dans la région de Nantes depuis des siècles), reblochon (pas un endroit, terme issu du patois
savoyard, fromage issu de la 2e traite des vaches).

Facteurs naturels et humains à caractériser : la Commission européenne vérifie cette condition (lien au
terroir).
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Exclusions dans chaque Règlement :


- Noms génériques : définition claire pour tous, mais au cas par cas, difficile de décider. En
adoptant le 1er règlement en 1992 pour les produits agroalimentaires, le Conseil de l'UE devait
élaborer une liste des noms génériques, mais on ne s'est jamais entendu dessus. Sans liste, on
regarde les critères posés par les Règlements, mais c'est différent des marques de l'UE. Pour les
marques de l'UE, les conditions de validité doivent être remplies dans tous les Etats de l'Union : si
on a un problème dans un EM, cela suffit à invalider la marque dans son ensemble. Mais pour les
IG, on a une appréciation globale, complètement différentes. On doit tenir compte de la situation
dans l'Etat d'origine, de la situation dans les EM de consommation, et toutes les législations
applicables. 2 affaires illustrent cette difficulté :
o Feta : la Grèce a demandé l'enregistrement d'une AOP pour ce fromage, mais l'Allemagne
et le Danemark s'y sont opposés (1ers producteurs et consommateurs, terme générique
chez eux). La Commission a enregistré, les 2 pays ont fait un recours pour faire annuler. La
CJ a annulé en 1999, disant que la Commission n'avait pas montré suffisamment en quoi
feta était une IG, et pas une dénomination générique. La Grèce refait une demande, la
Commission réenregistre, 2e recours en annulation, mais en 2005, la CJ valide : la
motivation faite par la Commission dans le 2e enregistrement était mieux (on a mieux
tenu compte de la situation en Grèce où ce n'est pas générique, et en Allemagne et
Danemark où ça l'est). La Commission s'est appuyée sur un sondage : les consommateurs
européens (y compris allemands et danois) faisaient spontanément un lien avec la Grèce
(éléments visuels aussi sur les produits génériques). C'est critiquable : le terme "pizza"
est 100% générique, mais on retrouve souvent des éléments rappelant l'Italie, mais
aucun lien avec la généricité du mot, la déduction faite n'est pas forcément convaincante.
AOP "feta" validée. Critiques 🡺 la Grèce n'avait pas encore beaucoup profité du système
des IG, petit cadeau politique fait ? Mais explicable. Conséquences : Salakis, "feta" a
disparu du packaging.
o Parmesan (2009) : en Allemagne, pouvait-on vendre un fromage râpé générique
"Parmesan", traduction allemande ? Selon l'Allemagne, on ne protégeait que
"Parmiggiano Reggiano" protégée, et "Parmesan" non protégé. Mais la CJ dit que non : la
protection s'étend aux traductions (si protection en langue originale).
- Signes antérieurs : variétés végétales, races animales, dénominations homonymes et marques de
renommée.
o Variétés végétales : noms de cépage rentrant en conflit avec des AO de vins. Affaire Tocai
🡺 en France et en Italie, on utilisait le terme pour des vins comme type de vin (en Alsace,
on n'a qu'une IG "Alsace" et on précise ensuite avec le cépage). Mais en 2004, la Hongrie
et la Slovaquie sont entrées dans l'UE et ont demandé l'enregistrement d'une appellation
"Tokaj" pour un vin différent, nom de lieu. Comment règle-t-on le conflit entre variété
végétale et appellation ? En 2004, la CJ a estimé que devait prévaloir l'appellation sur le
nom de cépage antérieur, car l'appellation est imposée par la géographie, alors qu'on
peut avoir des synonymes pour le cépage (ex : Saint-Emilion, AO en France, mais type de
cépage au Brésil, qu'on appelle "ugni blanc" en France). Donc les Français et Italiens
devaient cesser d'utiliser "Tocai" comme nom de raisin. On a eu une période de
transition, et maintenant on n'appelle le cépage plu que "pinot gris".
o Races animales : Maine-Anjou 🡺 demande d'AO pour de la viande bovine, mais c'était le
nom de la race, on a enregistré seulement après que la race soit devenue "reine des
prés"
o Homonymies : surtout en matière internationale. Ex de la Rioja (région vinicole espagnole
et en Argentine). Ex de Champagne en Europe : on a l'AO française, mais un petit village
Suisse s'appelle Champagne et produit quelques bouteilles par an d'un vin tranquille.
Accord bilatéral, la Suisse a accepté de renoncer au nom. Négociations.
o Marque de renommée : diverses solutions selon que la marque ou l'IG est antérieure.
Exceptionnellement, une marque antérieure renommée pourrait faire obstacle à
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l'enregistrement d'une IG, mais ce doit être au point que cela conduirait à un risque de
confusion, mais la CJ n'a jamais accepté qu'on applique cette disposition. Elle préfère à
chaque fois mettre en œuvre la règle de coexistence.

B. Procédure d'enregistrement
Les IG doivent être enregistrées. La procédure est différente selon que la dénomination vient d'un EM ou
d'un Etat tiers.

Si la dénomination est déposée dans un EM, on a 2 phases :


- Phase nationale d'abord : les producteurs constituent un groupement qui présente une demande
à l'autorité nationale de l'EM (chaque EM désigne cette autorité : en France, c'est l'INAO 🡺
institut national de l'origine et de la qualité). L'autorité instruit la demande, la publie si tout va
bien, on a alors une phase d'opposition qui s'ouvre pour 2 mois.
- Phase européenne : si tout va bien, la demande est transmise à la Commission qui instruit aussi
(de façon rapide si l'autorité nationale a fait un bon dossier), elle publie la demande, et on a à
nouveau une phase d'opposition (ouverte à toute l'UE cette fois, 3 mois), avant l'enregistrement.

Bases de données : eAmbrosia pour les vins

On peut faire opposition au motif du caractère générique ou avec un droit antérieur (malgré le peu de
succès).

Si la dénomination vient d'un Etat tiers, la procédure est plus simple : on n'a pas la 1e phase nationale car
chacun n'a pas forcément une autorité compétente, les producteur s'adressent directement à la
Commission 🡺 phase communautaire directement, procédure ouverte depuis 2006.

L'enregistrement fait naitre une protection très étendue.

Paragraphe 3. Contenu de la protection


Point de départ : quand la dénomination est enregistrée, elle est publiée, et elle est protégée à partir de
cette date. Mais la date utile en cas de conflit de droit, c'est la date du dépôt.

Contrairement à la marque (où le droit d'usage est limité au titulaire et à ceux qu'il autorise), il n'y a pas
de restrictions a priori, mais une disposition, dans chaque règlement dispose que tout opérateur (pas que
les producteurs, on a aussi ceux qui font la transformation et les distributeurs) qui commercialise des
produits conformes au cahier des charges de l'IG peut utiliser le signe.
/!\ En droit français, on a une exigence supplémentaire liée à l'utilisation du signe, qui contraste et n'est
pas conforme au droit de l'UE.

Concernant la durée, les Règlements ne disent rien : à partir du moment où la dénomination est
enregistrée, elle ne peut jamais dégénérer (donc elle ne peut pas tomber dans le domaine public). On n'a
pas du tout les mêmes règles qu'en matière de marque. Cette règle est un parti pris dans l'UE, elle n'est
pas partagée dans le système mondial (sauf avec l'Accord de Lisbonne), car ce n'est pas écrit dans l'Accord
ADPIC : les IG sont favorisées, c'est lié à leur fonction d'intérêt général, on considère que c'est un élément
du patrimoine culturel, national, on protège le terroir, et on part du principe que ce dernier ne peut pas
dégénérer.

Pour les produits agroalimentaires et les spiritueux, les symboles AOP et IGP doivent être utilisés (pour les
vins, on peut substituer un équivalent national). On les voit beaucoup pour le fromage, certaines viandes.
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A. Actes prohibés
2 catégories : AOP et IGP, mais une fois enregistrée, le niveau de protection est le même.
3 articles identiques : 13 §1 Règlement n°1151/2012, 103 §2 Règlement n°1308/2013 et 21 §2 Règlement
n°2019/787 :
Les dénominations enregistrées sont protégées contre toute :
a) utilisation commerciale directe ou indirecte d'une dénomination enregistrée pour des produits non
couverts par l'enregistrement, dans la mesure où ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous
cette dénomination ou dans la mesure où cette utilisation permet de profiter de la réputation de la
dénomination protégée ;
b) usurpation, imitation ou évocation, même si l'origine véritable du produit est indiquée ou si la
dénomination protégée est traduite ou accompagnée d'une expression telle que 'genre', 'type', 'méthode',
'façon', 'imitation', ou d'une expression similaire ;
c) autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l'origine, la nature ou les qualités
substantielles du produit figurant sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des
documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l'utilisation pour le conditionnement d'un
récipient de nature à créer une impression erronée sur l'origine ;
d) autre pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit.

a 🡺 risque de confusion, et parasitisme ("utilisation… permet de profiter de la réputation").


b 🡺 la notion d'évocation est spécifique aux IG (définition par la CJ). Protection forte car on se détache du
risque de confusion : en disant "type …", on attire l'attention sur le fait que ce n'est pas la même chose,
mais c'est interdit. Ce degré de protection très important, au niveau de l'Accord ADPIC, n'est prévu que
pour les vins et spiritueux, l'UE est allée plus loin. La notion d'évocation est-elle limitée à des produits ou
peut-elle porter sur des services ? Une question préjudicielle est pendante devant la CJ sur le sujet (au
sujet de l'AOP Comté)
c 🡺 référence à des pratiques trompeuses
d 🡺 le reste.

L'essentiel du contentieux se concentre sur le a et le b.

1. Notion d'évocation
Ex de l'affaire Cambozola, 1999 (CJCE) : on peut estimer que la mention "Cambozola" (déposée comme
marque) faisait penser au Gorgonzola (éléments phonétiques du signe et proximité des produits 🡺
fromage avec du bleu dedans). L'évocation est définie comme étant "constituée dès lors que le
consommateur est amené à avoir à l'esprit, comme image de référence, le produit bénéficiant de l'IGP,
même en l'absence de tout risque de confusion".
Différence d'avec l'imitation car pas de confusion.
Mais problème car le consommateur pourrait penser que les produits ont la même origine commerciale
(lien économique entre les 2). En pratique, on peut voir que c'est une entreprise tierce, ne pas faire ce lien
économique, et juste penser "ça ressemble, ça me fait penser à", c'est suffisant pour être illicite.

Dans l'arrêt Verlados, 21 janvier 2016, C75/15 : une boisson était fabriquée dans le village finlandais de
Verla, mais cela rappelle l'IG "Calvados". On retrouve cette composante phonétique. La CJ précise que la
circonstance de la dénomination litigieuse correspond véritablement au lieu d'origine (pas de volonté
d'usurpation) n'est pas à prendre en compte.
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2 affaires ensuite où la CJ a élargi le champ de l'évocation :


Affaire Glen Buchenbach, 7 juin 2018, C44/17 : problème avec "Glen" 🡺 les producteurs de scotch whisky
ont estimé qu'il y avait une atteinte, cela constituerait une évocation de l'IG "Soctch Whisky". Aucune
partie de l'IG n'est reprise, mais cela rappelle un peu le whisky écossais. De plus, on n'avait aucun risque
de confusion véritable quant à l'origine du produit : "produit allemand fabriqué dans [une vallée
allemande]".
Le juge allemand pose une question préjudicielle pour interpréter les notions :
- Utilisation : suppose une identité ou du moins une similitude phonétique et/ou visuelle avec l'IG
(pas le cas ici)
- Evocation : le terme utilisé pour désigner un produit incorpore une partie d'une IGP, de sorte que
le consommateur, en présence du nom du produit en cause, et amené à avoir à l'esprit, comme
image de référence, la marchandise bénéficiant de cette indication (affaire Verlados). Ici, elle parle
de proximité conceptuelle permettant d'avoir évocation, sans avoir de similitude visuelle ou
phonétique (donc pas d'incorporation). Elle reprécise aussi que l'éventuelle mention du lieu
d'origine véritable du produit litigieux est indifférente. Ainsi, on s'éloigne de l'hypothèse des
proximités phonétiques, et c'est logique avec la définition de l'évocation ("ça fait penser à")
- Indication fausse ou fallacieuse : impression erronée du consommateur sur l'origine du produit

Le tribunal du 1e instance de Hambourg (juge de renvoi) a rendu un jugement du 19 janvier 2019 :


- Pas d'utilisation de l'IG
- Pas d'évocation : absence de proximité conceptuelle entre "Glen" et le Scotch Whisky (discutable)
- Indication fallacieuse : la mention donne au consommateur moyen l'impression que le whisky est
écossais (car la quasi-totalité des whiskys portant la mention "Glen" sont des whiskys écossais.
Critiquable, on aurait plutôt dû utiliser la notion d'évocation.

TUE, 12 juillet 2018, T774/16, Cave de Tain : l'organisme de gestion espagnole responsable de l'IG Cava a
demandé la nullité car la marque semi-figurative "Cave de Tain" évoquerait l'IG. L'EUIPO et le TUE ont
estimé qu'il n'y en avait pas.
Hypothèse dans laquelle le terme utilisé pour désigner un produit incorpore une dénomination protégée
ou une partie d'une telle dénomination, de sorte que le consommateur, en présence du nom du produit,
est amené à avoir à l'esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de l'appellation. Ici,
on a un faible degré de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle.

CJUE, 2 mai 2019, C614/17, Queso Manchego : IG protégée, mais une mention verbale "Rocinante" (en
rapport avec Don Quichotte aussi) posait problème.

Un signe figuratif peut-il évoquer une IG ? Oui, on ne peut pas exclure par principe que des signes
figuratifs soient aptes à rappeler directement à l'esprit du consommateur, comme image de référence, les
produits bénéficiant d'une dénomination enregistrée en raison de leur proximité conceptuelle avec une
telle dénomination. On retrouve cette volonté de protéger fortement.

L'évocation de la région de l'IG peut-elle constituer une évocation de l'IG (ici région La Mancha) ? Le
défendeur disait qu'il évoquait Don Quichotte de la Mancha mais pas le Queso Manchego protégé par
l'AOP. Mais si l'usage des signes figuratifs évoque l'aire géographique à laquelle est liée une AO, elle est
susceptible de constituer une évocation, y compris si lesdits signes figuratifs sont utilisés par un
producteur établi dans cette région, mais dont les produits, similaires ou comparables à ceux protégés par
cette AO, ne sont pas couverts par celle-ci.
Ex : "Camembert de Normandie" est une AOP faible car "Camembert" a été reconnu comme générique
(utilisable partout). On a alors un problème pour un producteur de fromage de type camembert
(générique) établi en Normandie, il ne peut pas avoir un signe "Camembert de Normandie".
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L'évocation suppose-t-elle un lien dans l'esprit du consommateur européen dans son ensemble, ou
seulement dans l'esprit du consommateur national (de l'EM d'origine) ? Cela change des choses : si on
exige une évocation pour le consommateur européen, c'est plus difficile à prouver (pour notre cas, le
consommateur espagnol fait spontanément le lien). Selon la CJ la notion de consommateur moyen,
normalement informé et raisonnablement attentif et avisé doit être comprise comme faisant référence
aux consommateurs européens, y compris aux consommateurs de l'EM dans lequel est fabriqué le produit
qui donne lieu à l'évocation de la dénomination protégée ou auquel cette dénomination est
géographiquement liée, et dans lequel il est majoritairement consommé. Il appartiendra donc à la
juridiction de renvoi d'apprécier si les éléments, figuratifs comme verbaux, se rapportant au produit en
cause au principal, fabriqué ou majoritairement consommé en Espagne, évoquent à l'esprit des
consommateurs de cet EM l'image d'une dénomination enregistrée, qui devra, si tel est le cas, être
protégée contre une évocation qui aurait lieu dans l'ensemble du territoire de l'UE.
🡺 Très favorable aux IG : le consommateur espagnol fait le lien, cela suffit.

Le tribunal suprême espagnol (18 juillet 2019) a dit qu'il y avait évocation de l'AOP par les éléments
figuratifs, il a donc annulé la marque "Rocinante", évocation illicite de l'AOP.

Cass. Com., 19 juin 2019, n°17-25.822 : question préjudicielle à la CJUE pour le morbier :
- La reproduction de la forme ou de l'apparence caractérisant un produit protégé par une AO sans
que la dénomination ne soit utilisée peut-elle être enregistrée ?
- La reprise des caractéristiques physiques d'un produit protégé par une AOP peut-elle constituer
une pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du
produit prohibée ?
e
2 question dommage : on n'interroge pas sur l'évocation.

2. Dénominations "semi-génériques"
Problème au niveau international, catégorie américaine mais aussi européenne (pas sous le même nom).
C'est une dénomination complexe composée d'un nom commun, générique et d'un nom géographique
(Morbier du Jura, Camembert de Normandie, Monoï de Tahiti). L'utilisation du terme générique ne doit
pas être complètement bloquée par une IG.
Art. 13 §1 in fine Règlement n°1151/2012 : "Lorsqu'une AOP ou une IGP contient en elle-même le nom
d'un produit considéré comme générique, l'utilisation de ce nom générique n'est pas considérée comme
contraire au 1e alinéa, point a) ou b)".

CJCE, 9 Juin 1998, pour l'Epoisses de Bourgogne, C129/97 et C130/97 : protection à "Epoisses" utilisé
isolément ?
"Les questions relatives à la protection à accorder aux différentes composantes d'une dénomination
enregistrée relèvent d'une appréciation qu'il appartient au juge national d'effectuer sur la base d'une
analyse détaillée du contexte factuel présenté devant lui par les parties intéressée".
Au départ, enregistrement "Epoisses de Bourgogne", puis finalement "Epoisses" aujourd'hui est protégé
seul (Cass. crim., 6 février 2001).
Idem dans Cass. com., 26 octobre 1993 : protection de "fourme" par l'AO "Fourme d'Ambert".

Dans l'arrêt Epoisses, "à défaut de circonstances spécifiques allant dans le sens contraire, la protection
conférée couvre non seulement la dénomination composée en tant que telle, mais également chacune de
ses composantes, uniquement si la composante n'est pas générique."

CJUE, 4 décembre 2019 sur l'AO Vinaigre balsamique de Modène (Aceto Balsamico di Modena) : une
entreprise allemande vendait du vinaigre sous le nom "balsamique" : mais la protection ne s'étend pas à
l'utilisation des termes individuels non géographiques de celle-ci (balsamique = mode de fabrication).
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CJUE, 20 décembre 2017, C393/16 : le distributeur Aldi commercialisait un sorbet comme étant au
champagne (avec visuels) 🡺 Champagner Sorbet.
Le CIVC (comité interprofessionnel du vin de champagne) a agi en contrefaçon contre Aldi en soutenant
que l'utilisation de la dénomination était une atteinte à la dénomination. Question préjudicielle sur les
notions d'atteinte/utilisation comme ingrédient.
La stricte observation des règles relatives à l'étiquetage ne saurait exclure l'existence d'une utilisation
indue de la réputation d'une AOP.
Lignes directrices sur l'étiquetage des denrées alimentaires utilisant des AOP et IGP comme ingrédients,
émises par la Commission européenne en 2010 :
- L'utilisation d'une AOP comme partie de la dénomination sous laquelle est vendue une denrée
alimentaire qui ne répond pas au cahier des charges relatif à cette AOP, mais qui contient un
ingrédient répondant audit cahier des charges, vise à profiter indûment de la réputation de cette
AOP si cet ingrédient ne confère pas à cette denrée une caractéristique essentielle
- Critère quantitatif important mais non déterminant

On doit faire une distinction entre la mention de l'AO au dos dans la liste des ingrédients (on peut
mentionner le champagne si on l'a utilisé), ou si c'est mis en avant (comme dans notre cas d'espèce), on
ne veut pas parasiter la réputation.
La CJ répond : "L'utilisation d'une AOP comme partie de la dénomination sous laquelle est vendue une
denrée alimentaire qui ne répond pas au cahier des charges relatif à cette AOP, mais qui contient un
ingrédient répondant audit cahier des charges, telle que 'Champagner Sorbet', constitue une exploitation
de la réputation d'une AOP si cette denrée alimentaire n'a pas, comme caractéristique essentielle, un goût
généré principalement par la présence de cet ingrédient dans sa composition".
Problème de la subjectivité de celui qui goûte : chaque avocat va faire un panel de tests, cela risque de
devenir subjectif, alors que c'est un critère objectif au départ.

B. Rapports des AOP-IGP avec les marques


Touchée par le paquet marques : modifications substantielles du monde des signes de qualité.
Les marques de certification ont une nouvelle place, distinguée des marques collectives, et on a une
modification des motifs de refus à l'enregistrement de signes en tant que marques.

Pour les marques de certification :


- Avant le paquet marques (directive 2008/95) : possibilité pour les EM de prévoir l'enregistrement
de marques collectives/de certification, et le RMC prévoyait une marque communautaire
collective
- Depuis le paquet marques : marque collective obligatoire (art. 29), peut être géographique (EM
peuvent décider ou non, faculté), marques de certification facultative (art. 29), peut être
géographique aussi. Avec le règlement, introduction de la marque de certification (art. 83) en sus
de la marque collective (art. 74).
- RMUE : distinction des marques collective et de marques de certification 🡺 seules les marques
collectives peuvent être géographiques (toute personne dont les produits proviennent de la zone
doit pouvoir adhérer à l'association), le titulaire est l'association. Les marques de certification ne
peuvent pas être géographiques, alors qu'elles se rapprochent des IG : conformité à un règlement
d'usage (= cahier des charges), avec des règles dérogatoires (indépendance du titulaire de la
marque par rapport aux utilisateurs, il ne peut pas être juge et partie, il contrôle le respect du
règlement ; restrictions sur le transfert ; causes de déchéance spécifiques).
Choix fait de bien distinguer les IG d'un côté (avec les signes sui generis), si on veut certifier autre chose
que les caractères, et les marques de certification (qualité surtout).
On peut cumuler une IG avec une marque collective : du point de vue du consommateur, c'est
problématique. Prenons un exemple avec le Comté : on trouve une AOP avec le logo rouge (enregistré), on
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a aussi la marque semi-figurative collective (verte, cloche), et on a en plus une marque individuelle (les
différents producteurs sont concurrents et mais ont un intérêt commun).

En France, la Directive a été transposée par l'Ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 relative aux
marques de produits ou de services : distinction claire entre marque de "garantie" et marques collectives :
- Marques de garantie (non géographiques) : L715-1 à -5
- Marques collectives (non géographiques) : L715-6 à -10
Principaux changements :
- La marque collective doit être déposée par une personne morale
- La marque de garantie peut appartenir à une personne autre que l'organisme certificateur (qui
doit être mentionné dans le règlement d'usage)

En France, on refuse le cumul IG/Marques.

Concernant les nouveaux motifs de refus d'enregistrement des marques : L711-2 9° CPI 🡺 modification des
motifs absolus de refus (mais les IG sont aussi protégées par un motif relatif) :
- Objectif : offrir aux AO et IG le même niveau de protection que les autres instruments du droit de
l'UE
- Passage à un système plus unitaire : RMC 🡺 vins et spiritueux (selon ADPIC) et produits
agroalimentaires
- Art. 7 §1 j) RMUE : "marques exclues de l'enregistrement en application de la législation de l'UE
ou du droit national ou d'accords internationaux auxquels l'UE ou l'EM concerné est partie, qui
prévoient la protection des AO et des IG"
- Art. 7 §1 k) RMUE : "marques exclues de l'enregistrement en application de la législation de l'UE
ou d'accords internationaux auxquels l'UE est partie, qui prévoient la protection des mentions
traditionnelles pour les vins"
- ART. 7 §1 l) RMUE : "marques exclues de l'enregistrement en application de la législation de l'UE
ou d'accords internationaux auxquels l'UE est partie, qui prévoient la protection des spécialités
traditionnelles de garanties".

Mentions traditionnelles (point k) = motif absolu de refus : ex de "cru", "château", "domaine" (réservées à
certaines appellations), et "AOC" (version française de l'AOP). Dans l'affaire Caudalie (CA Paris, 29 mai
2018), protection des mentions traditionnelles ?
Caudalie avait déposé les marques Premier cru et Soin Premier Grand Cru, intérêt à agir en nullité du
Conseil des vins de Saint-Emilion (pas la seule association à avoir un intérêt, mais elle en a un quand
même). Utilisation du règlement n°1308/2013.
Application du principe de spécialité ? En théorie, non. Mais sur le droit commun, on peut voir s'il y a
parasitisme. En l'espèce, ce n'est pas le cas.

Motifs relatifs aussi : introduction dans le RMU d'un motif relatif fondé sur l'existence d'une antériorité
constituée d'une AO ou IG. Considérant 11 du Règlement 2015/2424 "Afin de maintenir la forte protection
des droits associés aux AO et au IGP au niveau de l'UE et au niveau national, il est nécessaire de préciser que
ces droits permettent à toute personne autorisée en vertu du droit pertinent de s'opposer à une demande
postérieure d'enregistrement d'une marque de l'UE, indépendamment du fait que ces droits constituent ou non
également des motifs de refus devant être pris en considération d'office par l'examinateur".

Art. 8 §6 RMUE :
"Sur opposition de toute personne autorisée en vertu de la législation applicable à exercer les droits qui
découlent d'une AO ou d'une IG, la marque demandée est refusée à l'enregistrement lorsque et dans la mesure
où, en application de la législation de l'UE ou du droit national qui prévoient la protection des AO ou des IG :
i) une demande d'AO ou d'IG avait déjà été introduite conformément à la législation de l'UE ou au droit
national, avant la date de dépôt de la marque de l'UE ou avant la date de la priorité invoquée à l'appui de la
demande, sous réserve d'un enregistrement ultérieur ;
ii) cette AO ou cette IG confère le droit d'interdire l'usage d'un' marque postérieure".
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On n'exige plus que l'IG soit utilisée dans la vie de affaires, ni que la portée du signe soit seulement locale.
On renvoie aux règlements AOP-IGP-IG : protection ordinaire, potentiellement hors spécialité.
🡺 On a augmenté le degré de protection des IG vis-à-vis de demandes de marques par les nouveaux motifs
absolus et relatifs.
Transposition en droit français 🡺 L711-3 5° CPI :

Articulation délicate entre IG et marques : IG et marques individuelles 🡺 concurrence, finalités différentes,


mais IG et marques de certification peuvent être complémentaires.
On n'a pas de solution symétrique selon que la marque est postérieure ou antérieure à l'IG.

En cas de conflit potentiel, on doit savoir quel signe est antérieur à l'autre. Selon la CJUE, dans une
décision du 22 décembre 2010, on se fonde sur la date de demande/dépôt d'enregistrement. On peut
donc avoir des problèmes avec des dates enchâssées, mais on prend toujours la date de dépôt.

1. Marques postérieures
On a une IG antérieure à une marque. Dans quelle condition la marque postérieure est valable ?
On doit encore faire une distinction : la marque vise des produits qui ont droit à l'IG ou pas.
Quand elle vise des produits ayant droit à l'IG :
- Si on veut enregistrer le signe constitutif de l'IG à titre de marque, on aurait un conflit évident
avec le monopole conféré par la marque si c'est un signe identique
- Si on a une marque complexe (l'IG avec un autre élément) : il faut que les produits soient alors
limités à ceux bénéficiant de l'IG. On peut s'interroger sur l'utilité et sur l'opportunité : conflit de
régimes (IG soumise au respect du cahier des charges, la marque est un instrument librement
cessible, mais la marque avec une IG ne peut pas être cédée à n'importe qui).
- Si c'est une marque collective descriptive de l'origine, c'est valide (art. 74 §2 RMUE). Les
consortiums de protection des IG enregistrent une marque collective ou de certification, ajoutent
un élément visuel (Rioja, Comté, Parmigiano Reggiano).

Quand la marque vise des produits n'ayant pas droit à l'IG :


- Pour des produits similaires : on a un motif absolu et un motif relatif de refus (art. 7 et 8 RMUE),
le consortium pourra faire opposition (art. 8) et on ne peut pas enregistrer une marque exclue par
les dispositions des règlements IG (on a des textes interdisant l'enregistrement d'une marque
portant atteinte à une IG).
- Pour des produits différents : a priori, principe de spécialité, mais on peut considérer que, sur la
base de l'art.8, l'enregistrement risque de détourner la notoriété de l'IG. C'est moins facile à
prouver qu'en cas de produits similaires, mais on a un arrêt du 29 mars 2011 rendu par la CJUE,
Anheuser-Busch, entreprise allemande qui commercialise la bière américaine Budweiser 🡺 la
République Tchèque a déposé une marque Budejovicky Budvar, et Budvar est une IGP et la
marque américaine voulait commercialiser des casquettes et autres vêtements. Pour la CJ (sous
l'empire du règlement de 2009 sur la marque communautaire, pas de dispositions spécifiques,
seulement opposition sur la base de tout signe antérieur), il a fallu montrer que la portée de
Budvar était plus que locale, et il a fallu montrer l'atteinte, mais cela n'a pas été suffisant :
produits trop différents, pas de protection.
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2. Marques antérieures
On a en réalité une recherche de coexistence des signes (texte identique dans les 3 Règlements) : sans
préjudice de l'art. 6 §4, une marque dont l'utilisation enfreint l'art. 13 §1, et qui a été déposée,
enregistrée, ou acquise par l'usage dans les cas où cela est prévu par la législation concernée, de bonne foi
sur le territoire de l'UE, avant la date du dépôt auprès de la Commission de la demande de protection
relative à l'AO ou à l'IG, peut continuer à être utilisée et renouvelée pour ce produit nonobstant
l'enregistrement d'une AO ou d'un IG, pour autant qu'aucun motif de nullité ou de déchéance, au titre du
règlement n°207/2009 sur la marque communautaire ou de la Directive 2008/95/CE, ne pèse sur la
marque. En pareil cas, l'utilisation tant de l'AOP ou de l'IGP que des marques concernées est autorisée.

On n'exproprie pas, la pérennité de la marque n'est pas menacée, mais il ne peut pas bloquer l'IG.
Conditions : la marque antérieure pourra continuer d'exister tant qu'il n'y a pas de motif de nullité ou de
déchéance (pas spécifique à ce problème). La nullité ne doit s'apprécier qu'au jour du dépôt de la marque,
pas d'IG à ce moment, donc l'IG ne peut pas être source de nullité. L'enregistrement postérieur peut-il
provoquer un motif de déchéance ? 3 motifs : pour défaut d'exploitation (si le titulaire cesse d'exploiter
pendant 5 ans, mais pas de rapport à l'enregistrement postérieur d'une IG), pour dégénérescence (la
marque devient générique, mais peu probable ici : si le signe est aussi enregistré comme IG, il n'est pas
générique), ou quand la marque devient trompeuse (à partir du moment où l'IG postérieure est
enregistrée, la marque peut devenir trompeuse, mais c'est peu probable car en droit des marques, le
titulaire doit être responsable de cette évolution). On peut imaginer qu'en ne s'opposant pas à l'IG, il est
un peu responsable de l'évolution trompeuse de sa marque, mais c'est impossible à cause de la règle de la
coexistence. En gros, cette précision de nullité/déchéance n'était pas utile.

Dans certains Etats, avec des conceptions plus libérales, cette règle pose problème (notamment aux USA).
On a une exception à la règle de coexistence : primauté de la marque renommée en cas de confusion.
Dans ce cas, on n'enregistre pas l'IG. Il faut que la marque soit renommée au point que si on enregistrait
l'IG, cela induirait en confusion le consommateur.
Art. 6 §4 Règlement n°1151/2012 : une dénomination proposée à l'enregistrement en tant qu'AO ou IG
n'est pas enregistrée lorsque, compte tenu de la réputation d'une marque, de sa renommée et de la
durée de son usage, cet enregistrement est de nature à induire le consommateur en erreur quant à la
véritable identité du produit.
La CJ refuse quasiment systématiquement d'admettre que le titulaire d'une marque peut faire obstacle à
une IG, et dans toutes les affaires, l'IG finit par être enregistrée. Ex de Bavaria (CJCE, 2 juillet 2009).

Cas AOSTE : marque valable, mais en 2002, l'Italie obtient l'enregistrement de l'AOP "Val d'Aoste" pour de
la charcuterie. Le titulaire de la marque a tenté de faire échec, mais il n'y est pas parvenu, règle de
coexistence appliquée : la marque n'a pas disparu mais il n'a pas pu empêcher l'enregistrement, et il ne
pourra pas enregistrer d'autres marques.

Arrêt du Conseil d'Etat sur la moule de bouchot, 26 mai 2008, n°297326 : AOC "Moule de Bouchot de la
Baie du Mont St-Michel". On avait 2 marques collectives antérieures, et les titulaires ont tenté de
s'opposer à l'enregistrement de l'IG. Mais le CE estime qu'aucune des marques ne remplit "eu égard à la
durée de leur usage et à la notoriété, les conditions posée au §4 précité de l'art. 3 du Règlement du 26
mars 2006 ; qu'ainsi, l'existence de ces marques ne fait pas obstacle à la création d'une AOP en vue de son
enregistrement".
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C. Modes d'action et de sanction


Les EM ont un rôle à jouer : comme en matière de marque, les contentieux sont portés devant les
juridictions nationales (en France, celles spécialisées en PI), et les EM doivent nommer les autorités
nationales responsables des contrôles officiels (le respect des cahiers des charges est contrôlé, les cahiers
des charges prévoient eux-mêmes des procédures de contrôle réalisées par divers organismes qui doivent
rendre des comptes à l'autorité nationale 🡺 INAO en France).
Dans l'arrêt Parmesan, on s'est demandé si les EM devaient procéder d'office à ces contrôles, et quel pays
était compétent (ex de l'affaire Parmesan : Allemagne ou Italie) : selon la CJ, les Etats de consommation
(pas l'Etat d'origine) n'ont pas d'obligation de faire respecter d'office le cahier des charges, c'est donc à
l'organisme de défense et de gestion de l'IG (le consortium) de faire procéder aux contrôles des produits
commercialisés dans l'Etat de consommation.

Les sanctions ne sont pas prévues par les Règlements, on fait donc appel aux législations nationales. Par
exemple, si on a une contrefaçon d'une AOP sur le territoire français, on a des sanctions civiles et pénales.
Les peines sont harmonisées comme en matière de marques et brevets (mais voie pénale peu utilisée).
Concernant les sanctions civiles, la saisie-contrefaçon, le référé-contrefaçon s'appliquent pleinement aux
IG, y compris la réparation en nature (octroi de D&I), on fait appel à la directive enforcement de 2004 (les
EM doivent mettre en place des calculs de D&I dissuasifs et proportionnés, on n'oublie le principe de
réparation intégrale).

🡺 La Commission européenne a lancé une vaste consultation pour peut-être étendre la protection par IG à
des produits industriels et manufacturés. Il n'est pas exclu que dans les années à venir, on ait l'adoption
d'un cadre de protection pour ces indications géographiques.
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Chapitre 3. Appellations d'origine et indications


géographiques en droit français
Les IG en droit français datent du début du XXe siècle, avec la crise du phylloxera (parasite qui a décimé
une bonne partie du vignoble français, reconstitution en important des vignes venant des USA), qui a eu
des conséquences sur la production de vin en France : les fraudes se sont multipliées. Le législateur a pris
conscience de la nécessité de régir un peu la matière.
En 1905, une première loi réprime les formes de fraude et de tromperie sur l'origine des produits (encore
existante aujourd'hui, codifié dans le Code de la consommation). Mais on ne définit pas ce qu'on doit
entendre par "origine" d'un vin. En 1908, une loi prévoit qu'une autorité administrative peut prévoir
différentes appellations, adopter des règlements.
En 1919, changement de système : on attribue aux tribunaux civils la compétence pour délimiter les AO.
En réalité, c'est un système (toujours existant dans le Code de la conso) de reconnaissance a posteriori : le
juge délimite, en tranchant le litige, la zone de l'AO en cause. Mais ce système aussi a ses limites : risques
d'arbitraire, les juges ne sont pas des experts, et des pressions peuvent être exercées.
En 1935, réforme sous l'influence du sénateur Joseph Capus (Gironde), qui a pris conscience de la
nécessité de réglementer non seulement la délimitation d'une AO mais aussi le cahier des charges. Avec
un décret-loi, on crée la catégorie de l'AOC (appellation d'origine contrôlée, contrôle faisant référence au
cahier des charges). Pour superviser le système, on crée parallèlement l'ancêtre de l'INAO, appelé Comité
national des vins et des eaux-de-vie à l'époque (AOC réservées à ces produits). Puis on élargit au fromage,
et on accepte différents produits.
En 1966, on crée une procédure administrative de reconnaissance pour des AO (pouvoir réglementaire),
pas les AOC, mais pour les autres produits agroalimentaires. L'appellation de 1966 est aussi ouverte aux
produits industriels, manufacturés et artisanaux. Ce régime existe encore (Code de la conso), mais les
règles relatives aux AOC sont dans le CRPM.
En 1990, on fait une répartition plus claire entre AO et AOC : on décide que l'AOC sera le droit ouvert à
tous les produits agroalimentaires, et les produits industriels sont seuls soumis au régime de l'AO simple.
En 2006, une ordonnance a profondément réformé les choses. Jusqu'à cette date, on avait un traitement
particulier des AO : les atteintes étaient appelées "usurpation", et c'était différent du droit des marques.
On tente alors de tout rapprocher : atteintes dans la contrefaçon et création des ODG (organismes de
défense et de gestion), système d'appartenance obligatoire, une AO est gérée par un seul ODG (un
interlocuteur unique par appellation).
En 2014, loi "consommation" du 17 mars 2014 qui crée les IGPIA (IG pour les produits industriels et
artisanaux), plus utiles car les AO simples exigeaient un lien très étroit entre le terroir et le produit, parfois
difficile à remplir pour des produits non agricoles (IG = version plus light du lien au terroir).
Enfin, en 2019, une ordonnance transpose le paquet marques, et transforme profondément le droit des
IG.

Au départ, on s'intéresse au vin (traitement toujours particulier), puis on légifère jusqu'aux produits non
alimentaires.
Idem, l'INAO a changé de nom en 2006 : Institut national de l'origine et de la qualité, car l'INAO gère
d'autres labels (ex : Label Rouge).
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Section 1. Conditions de fond à la reconnaissance des AO et des IG


protégeant les produits industriels et artisanaux
Proche du droit de l'UE

Paragraphe 1. Conditions tenant aux signes pouvant constituer une


AO/IG
A. Condition positive
Signe verbal, plus particulièrement un terme géographique. Exception des mentions traditionnelles
(Reblochon, Muscadet, Graves, etc.)
On a vu les formes et autres en droit de l'UE.

B. Conditions négatives
Comme en droit de l'UE, on exclue les génériques et les signes antérieurs.

Cass. com., 29 juin 2016, n°13-28.159 pour la dénomination Bud revendiquée par les Tchèques au titre de
la bière de Budvar. Les Tchèques voulaient s'opposer à certains usages de la dénomination sur le territoire
français, pas sur le fondement de l'IGP (comme avec la CJ en 2011), mais sur un enregistrement
international fait au titre de l'Arrangement de Lisbonne (auquel la République Tchèque et la France sont
parties). L'enregistrement avait été fait par l'OMPI et notifié à la France qui ne s'était pas opposé, donc
protection en France. Mais la Cour de cassation reprend que "constitue une appellation, le nom de la
localité", donc Bud ne peut pas être protégé. La France invalide la partie française de l'enregistrement (pas
d'effets en France), car Bud ne constitue pas la dénomination d'un lieu.

Paragraphe 2. Conditions tenant au lien entre le produit et son lieu


d'origine
L'AO est le degré suprême du lien au terroir. L'autorité vérifie scrupuleusement, contrôle, ce lien au terroir
qui se traduit par une exigence d'homogénéité de la zone (caractères comparables en termes de géologie
et de climats, et que les parcelles extérieures présentent des caractères différents, sinon c'est mal fait).
Ensuite, on doit vérifier qu'on a des caractéristiques données au produit (typicité) grâce à ces
caractéristiques géologiques avec les facteurs humains.

Les IP sont exclues.

Ex d'un vin rouge Margaux, avec la marque Château d'Arsac : pendant longtemps dans la zone du vin
"Margaux". Mais l'autorité administrative revoit la délimitation (en général, on étend, mais là on
diminuait), donc des zones se sont trouvées exclues du droit d'utiliser l'AO dont Arsac, qui ne pouvait plus
que vendre sous l'AO "Bordeaux". Le requérant conteste le bien-fondé de la délimitation, il introduit un
recours devant l'autorité administrative (c'est un décret qui procède à la délimitation), et cette affaire a
duré des années. Au terme de la procédure, il a obtenu gain de cause, après beaucoup d'expertise
géologique comparant les parcelles d'Arsac et celles de la zone d'AO "Margaux", et c'était similaire. Le CE a
fini par reconnaitre que la redélimitation était mal fondée, Arsac a réintégré la zone de l'AO (puis
procédure d'indemnisation).
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Section 2. Reconnaissance des AO et des IG protégeant les produits


industriels et artisanaux (IGPIA)
Paragraphe 1. AO simples
On regarde le Code de la consommation.

A. Procédure judiciaire (loi de 1919)


La procédure est particulière : elle est a posteriori, délimitation de la zone. La décision rendue par le juge a
un effet erga omnes, donc la procédure fait l'objet d'une publicité en amont (pour permettre à tout
intéressé d'intervenir et de faire connaitre des observations au tribunal).

B. Procédure administrative (loi de 1966)


Plus simple : on demande au ministre de l'Agriculture de reconnaitre une AO.
Litige sur le monoï de Tahiti 🡺 reconnaissance par décret (dernière décision de ce genre) d'une AO simple
en 1992.

La reconnaissance de l'AO fait référence à l'histoire : les textes disent qu'elle se fait sur la base d'usages
locaux, loyaux et constants. L'AO vient reconnaitre ces usages, on ne fait que reconnaitre quelque chose
de préexistant.

Paragraphe 2. AOC et IG protégeant les produits industriels et


artisanaux
AOC : CRPM 🡺 L641-5 : peuvent bénéficier d'une AOC les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et
les produits de la mer, bruts ou transformés, qui remplissent les conditions fixées par les dispositions de
L115-1 Code conso, possèdent une notoriété dûment établie et dont la production est soumise à des
procédures comportant une habilitation des opérateurs, un contrôle des conditions de production et un
contrôle des produits.

IGPIA : L721-2 CPI 🡺 compétence de l'INPI.

L'INAO examine, enregistre et peut agir en justice, mais aussi prononcer certaines sanctions concernant
les AO. Elle agit aussi à l'étranger pour défendre les AOC françaises.
Pour les IG, l'INPI joue un rôle majeur.

/!\ ODG 🡺 groupement représentant les opérateurs concernés par les opérations en question. Un seul
ODG par IG depuis 2006 (on évite ainsi les contentieux entre syndicats rivaux). De plus, on prévoit
l'obligation, pour tous les opérateurs souhaitant utiliser l'appellation d'adhérer à l'ODG. C'est
problématique au regard des droits fondamentaux (liberté d'association et liberté syndicale, réduites ici).
Contestation devant la cour de cassation (Cass. com., 11 mars 2008) et le Conseil d'Etat (12 février 2007),
mais les 2 ont reconnus que cela ne bafouait pas les libertés.
Sur le fondement du droit européen, les Règlements disent que la seule obligation est le respect du cahier
des charges, problématique.
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La procédure commence comme en matière européenne par une demande émanant des intéressés qui
forment un groupement. Il s'adresse à l'INAO ou à l'INPI (AOC, IGP), fournit un cahier des charges
(conditions d'élaboration, quels produits, et procédure de contrôle). La demande est instruite, avec une
phase d'opposition (fondée sur le caractère générique de la dénomination, et pourquoi pas une marque
antérieure) sur laquelle l'autorité statue. Si les conditions sont remplies, l'INAO peut proposer au
gouvernement la reconnaissance de l'AO : il peut accepter ou refuser, mais il ne peut pas modifier. Si tout
va bien, un décret est adopté, et l'AO sera reconnue. Pour une IGPIA, c'est l'INPI qui homologue le cahier
des charges, reconnait le groupement demandeur comme ODG et enregistre l'IG. Dans les 2 cas, la
décision est susceptible de recours :
- Décision de l'INPI (IG) : recours, comme en matière de marque, devant la CA de Paris (juge
judiciaire), alignement sur le système retenu en matière de marques.
- Décision de l'INAO (AO) : le décret est susceptible d'un recours devant le juge administratif (ex de
l'affaire du Château d'Arsac). Une autre affaire du même genre a vu des propriétaires de vignobles
en Champagne se tourner vers le juge judiciaire après une redélimitation qui les a exclus de la
zone (Cass. com., 30 novembre 2009) : le droit à l'appellation ne constitue pas un droit acquis
attaché aux parcelles en tant qu'accessoire du droit de propriété, donc les juridictions judiciaires
ne sont pas compétentes. Il n'y a pas de droit de propriété avec les AO, ce n'est pas lié à la
propriété foncière (de la terre), elle n'est ni nécessaire ni suffisante pour avoir un droit à
l'appellation : en Champagne, peu de propriétaires de terres, mais les producteurs achètent les
raisins pour produire. Pour l'AO, demande devant le JA pour comparer géologiquement les
parcelles.

Le JA exerce un contrôle sur les délimitations : CE, 10 mai 2019 avec 4 arrêts 🡺 n°418075 (Vins des
Allobroges), n°418082 (Pays d'Oc), n+418°84 (Comté Tolosan) et n°418°8° (Côteaux de l'Ain).
Révision des anciens cahiers des charges : extension des IGP aux vins mousseux (plus seulement
tranquilles). Le JA contrôle, et dans ce cas annule : on a 2 conditions essentielles 🡺 antériorité et existence
d'un lien avec l'origine géographique pour les vins mousseux.

Concernant les IGPIA, la 1e a été reconnu en 2016 (liste exhaustive) :

Problèmes avec le savon de Marseille et Laguiole (marques préexistantes pouvant constituer un obstacle).

On commence à avoir les 1ers contentieux sur ces IGPIA.


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Savon de Marseille : CA Paris, 15 décembre 2017, 21 juin 2019, 22 novembre 2019, et Cass. com., 16
septembre 2020 (pourvoi du dernier arrêt).
Ce fut la 1e demande introduite après la loi de 2014, mais on a plusieurs demandes concurrentes qui
s'opposent sur les spécificités, ce qui fait que c'est toujours bloqué devant les juridictions, mais on peut se
demander si ce n'est pas trop générique.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi où le requérant demandait la transmission au Conseil
constitutionnel d'une QPC (déjà refusé par la CA Paris par sa décision du 21 juin 2019).
D'abord, 15 décembre 2017, n°17/03574 : au moins 3 demandes concurrentes 🡺 une faite par l'Association
des fabricants de Savon de Marseille, une par l'Union des professionnels du Savon de Marseille (une
regroupe les petites savonneries et l'autre relève des grands groupes comme l'Occitane, pas d'accord sur
le cahier des charges 🡺 aire limitée ou pas, procédés artisanaux/industriels, etc.), et une par l'Association
Savon de Marseille (seulement en cours de formation lors de la demande, formées par des savonneries de
Nantes et de Savoie). L'INPI avait rejeté la demande, la CA valide ce rejet : l'association n'était qu'en cours
de formation, la représentativité ne pouvait pas être démontrée (condition de l'ODG), de plus, le cahier
des charges était trop vague (on visait la France entière, y compris les DOM-TOM, et le procédé n'était
qualifié que de "saponification").
Après, l'association a fini de se former, refait une demande, l'INPI rejette.
22 novembre 2019, RG18/1525 : demande pour "Savon de Marseille", visant à protéger des savons sous
forme solide, liquide ou pâteuse produits par saponification sur le territoire français à savoir l'ensemble
des départements de la France métropolitaine et les départements d'Outre-Mer.
Rejet : la CA valide 2 motifs
- La dénomination "Savon de Marseille" ne répond pas à la définition d'une IG, car elle ne permet
pas de caractériser la zone géographique (France entière, DOM-TOM compris), critère de
délimitation non satisfait.
- Une demande d'IG ne peut porter que sur un produit unique, alors que le projet de cahier des
charges prévoit que le produit peut exister sous formes solide, liquide ou pâteuse et peut être issu
de réactifs différents selon des procédés différents. Sur ce point, on peut se demander s'il s'agit
vraiment de plusieurs produits ou un seul produit sous différentes formes ? Si on avait un seul
procédé, on pourrait se poser la question.

Porcelaine de Limoges : arrêt CA Paris, 25 septembre 2018, n°18/00624 : une IG enregistrée, le cahier des
charges a été homologué, et l'INPI a reconnu l'association "IG Porcelaine de Limoges" comme ODG. 2
sociétés fabricantes non membre de l'ODG viennent contester l'homologation. Ils invoquent 2 arguments :
- Représentativité de l'ODG : 1er fabricant exclu (une des 2 sociétés requérantes), mais la CA répond
que les 27 membres opérateurs de l'ODG "représentant environ 900 emplois, soit presque 90%
des acteurs de la filière", et 27 opérateurs sur 36 représente un CA de 90% du CA du secteur. On
peut alors se demander jusqu'où on peut descendre.
- Lien entre le produit et sa zone d'origine : les requérants expliquaient que la matière 1e s'épuise
(épuisement des gisements de kaolin en Haute-Vienne), mais cela fait un siècle que c'est le cas et
que la matière 1e vient d'ailleurs (condition géographique non remplie). Mais la CA rappelle que
ce n'est pas une AO, le lien est plus ténu, on donne une large place au facteur humain
(savoir-faire) et à la réputation. Ici, le lien est amplement constitué par ces 2 éléments 🡺
savoir-faire particulier et historique, porcelaine réputée.
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Section 3. Protection des AO et IG


Les dénominations sont protégées mais pour les AO, on protège aussi les aires (droit de l'urbanisme
concerné).
On a aussi un aspect valorisation : les ODG sont chargés de valoriser (campagnes publicitaires, mais limite
pour les vins et produits alcoolisés avec la loi Evin), tout comme l'INAO.

Paragraphe 1. Contrôles administratifs des AOC/IG


Dans les 2 cas, les contrôles sont importants, et se déroulent à 3 niveaux :
- Autocontrôle par les producteurs eux-mêmes sur leur production + contrôles internes (faits sous
la responsabilité de l'ODG 🡺 elle contrôle chez les membres pour vérifier le respect du cahier des
charges)
- Contrôles externes réalisés par des organismes tiers indépendants (de contrôle, certificateurs),
désignés dans le cahier des charges. Ils font l'objet d'un agrément de la part de l'INAO/INPI
(autorité publique). On tente d'objectiver les contrôles (qualités organoleptiques), mais cela passe
aussi par des dégustations. Ces contrôles ont un coût : les frais afférents à ces contrôles sont
versés par les producteurs (on paye celui qui vient nous contrôler)
- Contrôle exercé par l'INAO et l'INPI qui portent principalement sur les contrôles réalisés par les
organismes tiers : ces derniers rendent des comptes annuellement aux autorités publiques, qui
s'assurent que tout est bien fait et leur réitère l'agrément. L'INAO peut aussi aller faire des
contrôles directs

Si les contrôles révèlent que le cahier des charges n'est pas respecté, on a des sanctions : interdiction
d'utiliser le signe au départ, mais les sanctions peuvent être plus graves (jusqu'à la fermeture de
l'établissement).

Paragraphe 2. Protection judiciaire des AO/IG


A. Protection civile spécifique
Les titulaires de l'action sont les ODG, les producteurs légitimes et l'INAO.
Le TGI de Paris est compétent (en matière de PI).

1. AO et IGP
Que les AO soit contrôlées ou pas, on applique L643-1 CRPM : "l'AO ne peut jamais être considérée
comme présentant un caractère générique et tomber dans le domaine public.
Le nom qui constitue l'AO ou toute autre mention l'évoquant ne peuvent être employés pour aucun
produit similaire, sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires en vigueur le 6 juillet 1990.
Ils ne peuvent être employés pour aucun établissement et aucun autre produit ou service lorsque cette
utilisation est susceptible de détourner ou d'affaiblir la notoriété de l'appellation".
On retrouve l'utilisation et l'évocation, mêmes règles qu'en droit de l'UE.

Pour les IGPIA, L721-8 CPI qui reprend le droit européen :


" I. Sans préjudice des articles L. 115-16 du code de la consommation et L. 722-1 du présent code, les
dénominations enregistrées sont protégées contre :
1° Toute utilisation commerciale directe ou indirecte d'une dénomination enregistrée à l'égard des produits non
couverts par l'enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette
dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée ;
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2° Toute usurpation, imitation ou évocation, même si l'origine véritable des produits ou des services est
indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d'une expression telle que 'genre', 'type',
'méthode', 'façon', 'imitation' ou d'une expression similaire ;
3° Toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l'origine, la nature ou les qualités
essentielles du produit qui figure sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents
afférents au produit concerné, ainsi que contre l'utilisation pour le conditionnement d'un récipient de nature à
créer une impression erronée sur l'origine du produit ;
4° Toute autre pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit.
Lorsqu'une indication géographique contient en elle-même le nom d'un produit considéré comme générique,
l'utilisation de ce nom générique n'est pas considérée comme contraire aux 1° ou 2° du présent I.
II. L'indication géographique, dont le cahier des charges a été homologué dans les conditions prévues par la
présente section, ne peut jamais être considérée comme présentant un caractère générique et tomber dans le
domaine public."

En France, on a des règles relatives aux AO depuis longtemps. Les juges ont reconnu expressément dans
les 80s que le statut des AO est d'ordre public (pas comme pour les marques), ce qui justifie une
protection perpétuelle. On a une protection forte :
- Cass. com., 23 octobre 2007 : avec l'AOC "Comté", on vendait du gruyère (générique) sous le nom
"Gruyère fabriquée en Franche-Comté". Selon la Cour, cela portait atteinte à l'AOC, on a un nom
générique et une IP, mais elle doit s'effacer en cas de conflit avec l'AOC. Conception très
rigoureuse
- Pour le camembert de Normandie : évolution. Dans les 90s, les juges exigeaient un risque de
confusion pour caractériser l'évocation (on n'avait pas encore la jurisprudence européenne). Mais
on s'est détaché, et aujourd'hui, le juge français a aligné sa position : évocation même sans risque
de confusion.
- Protection étendue à toutes les traductions et translittérations (affaire de Champagne soviétique
🡺 dépôt de marques en caractères latins et cyrilliques pour du champagne AOC, mais le juge a
parlé d'appropriation, et risque de confusion, le consommateur pouvait penser que ce n'était pas
du champagne de France).
- Menton dans la liste des ingrédients

CA Paris, 11 septembre 2018, n°17/01272, Thé des vignes : sachet de thés "de luxe" avec des appellations
bordelaises. Protection hors du domaine de spécialité ?
L'INAO et la CIVB ont agi en contrefaçon contre la société Thé des vignes (thés grands crus).
Selon la CA, il y a une atteinte aux AOP bordelaises : exploitation de la réputation 🡺 "l'utilisation des AO
prestigieuses en cause pour assurer la commercialisation de produits insusceptibles d'en bénéficier
participe à la dilution de leur notoriété".
Faisceau d'indices :
- Ceps de vignes et grappes de raisins sur le site
- "Compétences d'un ingénieur agronome, d'une biologiste passionnée de parfumerie et la
sensibilité d'un réseau de sommeliers"
- Etiquettes évoquant les étiquettes des bouteilles de vin

CA Paris, 11 septembre 2018, n°16/14877 pour une boisson sans alcool vendue sous le nom "So
Jennie",mais la CIVC (champagne) et l'INAO ont agi en contrefaçon.
Outre le visuel, il y a eu un article écrit par un journaliste, qui associait le produit au champagne.
Utilisation commerciale de l'AOP ? Non, usage de bonne foi, la propriétaire corrige le journaliste qui se
trompe en parlant de champagne. De plus, l'appellation Champagne ne dispose pas du monopole du vin
pétillant associé au luxe.
Evocation ? Non, pas de monopole sur le champ lexical de la vigne et du raisin, ni des boissons
effervescentes et de lerus acessoires (seaux à glaces, flûtes, etc.)
Indication fallacieuse/fausse ? "Produit de Châlons en Chamapgne", origine véritable du produit, rien ne
laisse penser au consommateur qu'il s'agissait de champagne AOP.
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On assiste donc à un reflux, qui a commencé en 2009 avec un arrêt Champomy 🡺 atteinte à l'appellation
Champagne, mais la CA et la Cour de cassation ont refusé de condamner l'utilisation de la marque.
Pendant longtemps, il y a eu une tolérance accordée au CIVC, mais en 2009, fini. Pas de parasitisme, c'est
destiné à des mineurs, cela les habituera, et leur permettra de goûter le champagne à partir de 18 ans.

Jugement du TGI de Paris sur Hôtel de Champagne : pas d'atteinte selon la Cour, on fait référence à
l'ancienne province de France, pratique commune pour les établissements hôteliers (Bourgogne, Alsace,
etc. pareil).

Affaire Mirabelle de Lorraine, tribunal correctionnel de Nancy, 3e chambre commerciale, 4 novembre


2016. Un producteur s'était brouillé avec le président de l'ODG, il était hors système et n'avait pas droit
l'AO. Il vendait ses produits sous la forme "Fruits : Mirabelles – Origine : Lorraine". L'ODG l'a accusé de
pratique commerciale trompeuse, mais le tribunal a relaxé le prévenu : il s'agissait de mirabelles produites
en Lorraine, et la façon dont c'était écrit ne permettait pas de caractériser la tromperie.

Monoï de Tahiti : CA Paris, 6 novembre 2020, n°19/04556 🡺 Aromazone proposait un produit "monoï" avec
une fleur de tiaré et des noix de coco. La CA refuse de condamner 🡺 pas de lien fait par le consommateur
entre le produit et l'AO, grâce aux éléments figuratifs.
"La fleur de Tiaré présente dans une grande partie du Pacifique insulaire n'est pas endémique de la
Polynésie française, et la noix de coco peut provenir de diverses régions du monde. La circonstance que la
fiche produit mentionne que la fleur de Tiaré provient de Polynésie et que le nom botanique est 'Gardenia
tahitensis' ou que les noix de cocos proviennent d'Inde et que la désignation INCI mentionne (cocos
nucifera oil' n'est pas suffisante à caractériser le lien fait par la société Hyteck entre produit et l'AO 'Monoï
de Tahiti'". En conséquence, "aucun élément ne vient confirmer que le consommateur est susceptible de
faire un lien entre ce produit et le 'Monoï de Tahiti' d'AO ou que l'intimée ait voulu tirer profit de la
notoriété, à supposer démontrée, de cette appellation".

Pour les ingrédients, la CA de Paris (pôle 5, chambre 1, 28 février 2017, RG n°15/21960) s'est prononcée
dans une affaire avec Pizza Hut.
Application des lignes directrices émises en 2010
par la Commission européenne sur l'étiquetage des
denrées alimentaires utilisant des AOP et IGP
(l'ingrédient doit être présent, le goût doit être dû
au produit protégé, et pour l'utiliser légitimement à
titre d'ingrédient, l'AO doit être le seul de sa
catégorie) 🡺 ici, il n'y a pas que du comté dans la
pizza au comté, donc la mention porte atteinte à
l'AOP Comté.

2. Rapports avec les marques : marques postérieures


Antériorité des AO-IG, et faculté d'opposition depuis la loi du 17 mars 2014 pour les ODG.
Si une marque est enregistrée en conflit avec une IG antérieure, on utilise L711-2 et-3 CPI et L643-1 CRPM.
La marque déposée en violation d'une IG pourra aussi être jugée déceptive.
Ordre public : interdiction d'appropriation de l'AO 🡺 annulation de certaines marques, y compris certaines
parfois antérieures (peu importe la date d'enregistrement de la marque, l'atteinte peut être retenue).
Marques complexes désignant des produits ayant droit aux AO 🡺 possible (ex : champagnes).

TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 9 décembre 2016, RG n°14/16395 : IG "Bayerisches Bier", et marque postérieure
"8.6 Gold Bavaria" 🡺 annulation de la marque qualifie d'évocation illicite de l'IGP antérieure et de marque
déceptive.
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3. Rapports avec les marques : marques antérieures


Sur le fondement du caractère d'ordre public des AO, les juges français annulaient dans les 80s des
marques antérieures.
Ex : Cass. com., 1er décembre 1987, "Domaine de la Romanée-Conti" vieille marque. Mais une IG a ensuite
été déposée (parcelles de taille réduite : un seul exploitant sur le domaine, titulaire de la marque). Les
juges auraient dû nuancer leur raisonnement : on ne doit pas monopoliser une AO par une marque, même
si on est le seul exploitant de l'AO (dans le futur, démembrement possible).
Critiquable au regard du droit fondamental de propriété, et le raisonnement est gênant : on annule une
marque qui sanctionne une invalidité initiale. Or, ici ce n'est pas le cas.
Aujourd'hui, avec les règlements européens et la règle plus souple de coexistence, on s'est aligné. Pour les
IG, la loi de 2014 a introduit L713-6 c) CPI : l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à
l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme IG, sauf lorsque la marque, compte tenu de sa
renommée, de sa notoriété et de la durée de son usage, est à l'origine exclusive de la réputation ou de la
connaissance par le consommateur du produit pour lequel une IG est demandée (mais difficile à prouver).

Cass. crim., 4 avril 2018, n°16-83.270, "Cuvée du Golfe de Saint-Tropez" enregistrée en 1993 (vins d'AOP
"Côtes de Provence").
Décret du 4 mai 2012, art. 5 : "L'étiquetage des vins bénéficiant d'une AOP ou d'une IGP peut mentionner
le nom d'une unité géographique pus petite que la zone quie st à la base de l'AOP ou de l'IGP si les
conditions suivantes sont remplies :
a) Tous le sraisins à partir desquels ces vins ont été obtenus proviennent de cette unité plus petite
b) Cette possibilité est prévue dans le cahier des charges de l'AOP ou de l'IGP".

Mais à l'époque, le décret n'existait pas.


Le juge de proximité de Fréjus avait relaxé : il contrevenait au décret, mais la marque était antérieure,
c'était un droit acquis. La Cour de cassation casse la décision au visa des textes fondamentaux relatifs au
droit de propriété 🡺 "des restrictions peuvent être apportées à l'usage du droit de propriété, à condition
qu'elles répondent à des objectifs d'intérêt général et soient proportionnées au regard du but poursuivi".
"Les restrictions ainsi prévues, qui sont justifiées par la nécessité d'assurer la sauvegarde des intérêts de
ces producteurs contre la concurrence déloyale et celle des consommateurs contre les indications
susceptibles de les induire en erreur, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété
des titulaires de marques commerciales antérieures qui contiennent ou consistent en un nom d'une unité
géographique plus petite que la zone qui est à la base de l'appellation ou de l'indication concernées".
Décision critiquable : on ne voit pas en quoi ces justifications s'appliquent. Pourquoi la dénomination est
déloyale quand les raisins viennent du lieu ? Idem pour les consommateurs, en quoi est-ce trompeur ?

CAA Marseille, 28 juin 2019, n°18MA05245 et N°18MA05247 : on ne peut pas priver la société titulaire des
marques de faire usage de son droit dont elle est propriétaire.

4. Produits différents
Le nom qui constitue l'AO ou toute autre mention l'évoquant ne peuvent être employés pour aucun
produit similaire, sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires en vigueur le 6 juillet 1990.
Ils ne peuvent être employés pour aucun établissement et aucun autre produit ou service, lorsque cette
utilisation est susceptible de détourner ou d'affaiblir la notoriété de l'appellation".

Droit commun : parasitisme. Protection hors spécialité 🡺 affaire des tabacs "Champagne", TGI Paris, 5 mars
1984, déposer et utiliser une telle marque pour du tabac et des cigarettes était un détournement.
Idem dans l'affaire Champagne YSL : produit de luxe aussi, pas d'avilissement ou de dégradation de la
réputation, mais il y a dilution, banalisation de l'AO, cela a donc été jugé illicite. La CA Paris, dans son arrêt
de 1993, a pris des éléments annexes : forme du bouchon, et slogan publicitaire ("Champagne, le parfum
des femmes qui pétillent").
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Influence du régime des marques renommées : la notoriété de l'appellation doit être prouvée, sauf pour
les AOC.

Beaucoup d'affaires champagne (on le pensait exclu quel que soit le produit 🡺 biscuits, établissements de
restauration, eaux de sources pour chien, etc.).
Protection hors spécialité appliqué dans une affaire "Habana" aussi, marque déposée pour des parfums.
En 2000, la CA de Paris a considéré que c'était uen façon de se placer dans le sillage de l'AO cubaine
protégée par l'Arrangement de Lisbonne "Havana".
"Darjeeling" pour des services de communication 🡺 loin du principe de spécialité, mais le titulaire de la
marque a utilisé un slogan : "la communication, c'est notre tasse de thé" (clin d'œil de trop).
Le principe de spécialité est devenu un peu résiduel, mais depuis 2009, il revient un peu.

B. Actions pénales spécifiques


Prévues dans le Code de la consommation (L431-2) :
" Il est interdit :
1° De délivrer une appellation d'origine contrôlée sans satisfaire aux conditions prévues à l'article L. 642-3 du
code rural et de la pêche maritime ;
2° De délivrer une appellation d'origine contrôlée qui n'a pas fait l'objet de l'homologation prévue à l'article L.
641-7 du code rural et de la pêche maritime ;
3° D'utiliser ou de tenter d'utiliser frauduleusement une appellation d'origine ou une indication géographique
définie à l'article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle ;
4° D'apposer ou de faire apparaître, par addition, retranchement ou par une altération quelconque, sur des
produits, naturels ou fabriqués, mis en vente ou destinés à être mis en vente, une appellation d'origine ou une
indication géographique définie à l'article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle, en la sachant inexacte ;
5° De faire croire ou tenter de faire croire qu'un produit bénéficie d'une appellation d'origine ou d'une
indication géographique définie au même article L. 721-2 ;
6° De faire croire ou de tenter de faire croire qu'un produit assorti d'une appellation d'origine ou d'une
indication géographique définie au même article L. 721-2 est garanti par l'Etat ou par un organisme public ;
7° De mentionner sur un produit la présence dans sa composition d'un autre produit bénéficiant d'une
appellation d'origine ou d'une indication géographique lorsque cette mention détourne ou affaiblit la
réputation de l'appellation ou de l'indication concernée."

En matière de procédure, les parties civiles seront les mêmes que ceux pouvant agir par la voie civile
(ODG, producteurs, INAO). Les sanctions sont désormais les mêmes que les sanctions pénales de la
contrefaçon (harmonisation du système).

C. Actions non spécifiques


Concurrence déloyale ou parasitaire du côté civil. Avant l'évocation (Glen), on a pu juger qu'apposer un
tartan sur un whisky non écossais était un acte de concurrence déloyale.
Actions pénales : tromperie, apposition de fausses indications d'origine, violation de règles d'étiquetage,
publicité trompeuse, publicité comparative non conforme à la directive de 2006, etc.

Section 4. Rapports entre le système français et le système de l'UE


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Principe posé clairement par la CJUE, d'abord évoqué dans l'affaire Cambozola, puis clairement exprimé
dans Buvar, 8 septembre 2009 : la protection par AOP et IGP (UE) exclue la protection par des titres
nationaux (menace de l'AOC française), incompatibilité. Pourtant, personne ne s'est inquiété de cette
décision, et rien n'a été supprimé. On a essayé d'éviter les contradictions flagrantes : le droit national a été
harmonisé avec le droit européen. Tous les produits bénéficiant d'une AOC doivent demander une AOP, et
si l'AOP est refusée, l'AOC devra disparaitre (on ne maintient pas une AOC là où une AOP n'aurait pas lieu
d'être). Après, tout ce qui a une AOC peut obtenir une AOP. Mais quand on a une AOP, on maintient
toujours l'AOC (ce qui ne sert pas à grande chose, on contredit le système de l'arrêt Budvar). Mais cela se
fait aussi en Espagne et en Italie.
On a mis aussi en place une nouvelle segmentation des vins : vins d'AOC passent en AOP, et les vins de
pays passent en IGP (les vins de table ne bénéficient d'aucune protection).

CJUE, 14 septembre 2017, C56/16 P : cette logique s'applique à tous les produits protégés par des IG.
La marque "Port Charlotte" a été enregistrée pour des whiskys. On a une demande en nullité de la part de
l'OGD gérant l'AO "Porto" au Portugal : atteinte à "un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la
portée n'est pas seulement locale", qui, selon la législation de l'UE ou le droit de l'EM qui est applicable à
ce signe, celui-ci donne à son titulaire le droit d'interdire l'utilisation d'une marque plus récente.

Apport de l'arrêt "Port Charlotte" : la CJUE prononce le caractère exclusif du système de protection
européen pour toutes les dénominations entrant dans son champ d'application.
C'était déjà évoqué dans les arrêts Cambozola (C87/97) et Budweiser (C478/07) : le but du règlement en
vigueur à l'époque (n°510/2006) est, non pas d'établir, à côté de règles nationales pouvant continuer à
exister, un régime complémentaire de protection des IG qualifiées, à l'instar par exemple de celui instauré
par le règlement sur la marque communautaire, mais de prévoir un régime de protection uniforme et
exhaustif pour de telles indications.
Le risque de porter atteinte à l'objectif principal poursuivi par les règlements européens, consistant à
assurer la qualité des produits agricoles concernés, est d'autant plus élevé que, contrairement aux
marques, aucune mesure d'harmonisation d'éventuels régimes nationaux de protection des IG n'a, à ce
jour, été adoptée par le législateur de l'UE.

En France, l'AOC protège des produits forestiers, pas forcément alimentaires (bois de Chartreuse par
exemple), donc pas de problème ici.
Articulation quand le champ d'application est le même.

Avec les marques, on a le RMUE, mais aussi la Directive qui harmonise les régimes nationaux, ce qui
permet d'éradiquer les contrariétés potentielles.
En IG, on n'a que les règlements pas de Directive. Si on laisse les législations nationales, elles pourraient
faire n'importe quoi, donc on protège avec cette exclusivité.

Aucune protection nationale parallèle acceptable (en droit français, un peu problématique car on garde
l'AOC si on a l'AOP).

Si on maintient une protection nationale alors qu'on n'en a pas le droit 🡺 action en manquement : ex avec
la France dans l'affaire "Salaisons d'Auvergne", AOC maintenue pour des produits de charcuterie alors que
l'AOP avait été refusée, la France contrevenait à ses obligations communautaires (CJUE, C6/02).

Le droit national reste utile dans les hypothèses hors du champ d'application des règlements européens :
indications de provenance (arrêt Warsteiner), produits industriels et artisanaux (pas d'équivalent
européen pour l'instant).

Dans l'arrêt "Port Charlotte", a-t-on une atteinte à l'IGP "Porto" ? Non, pas d'utilisation ni d'évocation.

Cass. com., 19 juin 2019, n°17-25.822 (affaire Morbier) a posé une question préjudicielle : la reproduction
de la forme ou de l'apparence caractérisant un produit protégé par une AO sans que la dénomination
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enregistrée ne soit utilisée peut-elle être interdite ? La reprise des caractéristiques physiques d'un produit
protégé par une AOP peut-elle constituer une pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur
quant à la véritable origine du produit prohibé ?

CJUE, 17 décembre 2020, Morbier, C490/19 🡺 l'art. 13 du règlement n°1151/2012 n'interdit pas
uniquement l'utilisation par un tiers de la dénomination enregistrée (extension de la protection). Cela vise
notamment un texte, une image ou un contenant susceptible de renseigner sur la provenance, l'origine, la
nature ou les qualités substantielles du produit.

D'abord, on protège la dénomination, pas le produit : donc la protection n'a pas pour objet d'interdire,
notamment, l'utilisation des techniques de fabrication ou la reproduction d'une ou plusieurs
caractéristiques indiquées dans le cahier des charges d'un produit couvert par une dénomination
enregistrée, au motif qu'elles figurent dans ce cahier des charges pour faire un autre produit non couvert
par l'enregistrement.
Néanmoins, les AOP sont donc protégées en tant qu'elles désignent un produit qui présente certaines
qualités ou certaines caractéristiques. Ainsi, l'AOP et le produit couvert par celle-ci sont intimement liés.

L'art. 13, §1 sous d) du règlement n°1151/2012 interdit lareproduction de la forme ou de l'apparence


caractérisant un produit couvert par une dénomination enregistrée lorsque cette reproduction est
susceptible d'amener le consommateur à croire que le produit en cause est couvert par cette
dénomination enregistrée. Il y a lieu d'apprécier si ladite reproduction peut induire le consommateur
euroépen, noramlement informé et raisonnablement attentif et avisé, en erreur, en tenant compte de
tous les facteurs pertinents en l'espèce.

Critère : risque de confusion ? Preuve à fournir, contrairement à l'évocation (qui ne demande qu'à prouver
le lien conceptuel fait dans l'esprit du consommateur).
Parmi ces facteurs pertinents, il faudra apprécier si l'élément repris (apparence dans l'affaire Morbier)
constitue une caractéristique de référence et particulièrement distinctive de ce produit (1e apparition de
ce produit en droit des IG 🡺 association au produit, de sorte que le consommateur est amené à croire que
le produit serait couvert par la dénomination enregistrée ; on veut éviter qu'à travers une IG on se réserve
de manière indue certaines caractéristiques physiques d'apparence, alors qu'elles pourraient être
associées à plusieurs produits) pour que sa reproduction puisse, combinée avec tous les facteurs
pertinents en l'espèce, amener le consommateur à croire que le produit contenant cette reproduction est
un produit couvert par cette dénomination enregistrée.

La protection prévue a pour objet la dénomination enregistrée et non le produit couvert par celle-ci. Il en
découle que cette protection n'a pas pour objet d'interdire notamment, l'utilisation des techniques de
fabrication ou la reproduction d'une ou de plusieurs caractéristiques indiquées dans le cahier des charges
d'un produit couvert par une dénomination enregistrée, au motif qu'elles figurent dans ce cahier des
charges, pour faire un autre produit non couvert par l'enregistrement.
Néanmoins, les AOP sont donc protégées en tant qu'elles désignent un produit qui présente certaines
qualités ou caractéristiques. Ainsi, l'AOP et le produit couvert par celle-ci sont intimement liés.

La Cour de cassation cassera sûrement l'arrêt de la CA : il faut examiner au cas par cas si le consommateur
n'est pas susceptible d'être induit en erreur.
Difficulté posée au regard de la pratique des produits déclassés ("seconds vins" pour les vins) : certains
produits bénéficient d'une appellation, mais on a un excédent de matière 1e qui ne remplit pas le cahier
des charges 🡺 commercialisation sous une apparence proche, marque identique mais pas d'IG possible. Si
on applique trop largement cette nouvelle jurisprudence, les producteurs ont peur que cette technique
soit interdite.
Rester prudent et veiller de ne pas trop étendre le champ de protection.
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Chapitre 4. Instruments internationaux de protection


des indications géographiques
Section 1. Système d'Union de Paris
Paragraphe 1. Convention d'Union de Paris
Convention générale signée en 1883, relative à la propriété industrielle.
Au départ, en étant signée, elle n'incluait pas les IG, mais c'est une révision de 1925 qui les a ajoutées
("indications de provenance ou appellations d'origine") : pas de définition précise de ce qu'on doit
entendre par ces 2 termes (flou) et les règles matérielles posées par la Convention sont limitées :
- Traitement national (pas spécifique aux IG) : un Etat partie devra voir ses IG protégées à l'étranger
au même titre que les IG nationales de l'Etat tiers. Difficulté : puisqu'on n'a pas de définition ni de
système d'enregistrement, on n'est pas au clair sur le statut des IG (question du lien au terroir) et
les juridictions étatiques peuvent facilement se soustraire à la protection des IG des autres en
estimant que le terme est générique.
- Cadre général sur la répression des fausses IP (art. 9 et 10) : sanctions = saisies à l'importation ou
à défaut saisie à l'intérieur. Cela ne vise que les IP fausses, on ne vise pas les indications
fallacieuses (ex : indication littéralement exacte quant à l'origine du produit mais trompeuse 🡺
parfums avec le nom "Paris", si France pas de soucis, mais fallacieux si les parfums viennent de
Paris au Texas).
- Concurrence déloyale (art. 10 bis) : les Etats doivent lutter contre, notamment contre les
indications susceptibles d'induire en erreur sur la nature, le mode de fabrication, les
caractéristiques (pas sur l'origine). Cela ne permettrait-il pas de régler le problème des indications
fallacieuses ? Les USA ont opposé leur veto à la mention de "provenance", compte tenu des
difficultés que cela poserait à leur droit interne, donc on est bloqué. On se limite donc aux fraudes
les plus grossières.
Ces limites ont poussé les Etats à faire usage ed l'article 19 : possibilité de prendre des arrangements
particuliers.

Paragraphe 2. Arrangements particuliers


A. Arrangement de Madrid (1891)
Arrangement relatif à la répression des indications de provenance fausses ou fallacieuses.
C'est un 1er accroissement du champ de protection mais cela reste limité 🡺 on inclue les IP fallacieuses en
plus, on interdit explicitement les mentions inexactes susceptibles d'induire le public en erreur, on inclue
donc le critère de la perception des consommateurs. Sanction identique : saisie ou interdiction à
l'importation.
La protection s'étend à toute communication commerciale et publicitaire (plus large), on peut donc
interdire des mentions qui ne sont pas que sur les produits mais aussi sur des documents commerciaux
(pubs, factures, etc.). Le but est donc bien de protéger les consommateurs.

1 point commun avec la CUP : prévoit une protection des IP dépendant du droit du pays de protection
(pays où la protection est demandée = traitement national). Mais il est alors facile pour un Etat de se
réfugier derrière une "indication générique" pour ne pas donner de protection.
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L'art. 4 prévoit une exception : les tribunaux de chaque pays auront à décider quelles indications, en
raison de leur caractère générique, échapperont à la protection, mais les appellations régionales des
produits vinicoles ne sont pas comprises dans cette réserve 🡺 on paralyse l'application de la loi du pays de
protection pour les vins, c'est donc le statut de l'appellation dans son pays d'origine qui devra être
appliqué. On retrouve ce traitement de faveur pour les vins (écho dans l'accord ADPIC) : relation
particulière au lieu d'origine. Mais cela reste vague : l'Arrangement de Madrid ne définit pas les
"appellations régionales vinicoles".

Mais uniquement 35 signataires, les USA n'ont pas adhéré (en raison du traitement particulier fait pour les
indications vinicoles).

B. Arrangement de Lisbonne (1958)


Autre arrangement conclu. C'est l'équivalent du système de Madrid en matière de marques. C'est
aujourd'hui le seul système de protection internationale prévoyant un registre des IG, cela n'existe nulle
part ailleurs.
Ici, on dépasse les mesures douanières et on met en place un système d'enregistrement international.
2nde jeunesse : révision de Genève en 2015 (adhésion de l'UE en 2019).

1. Cadre juridique avant la révision de 2015


Champ d'application plus restreint que celui de Madrid. A l'origine, il était consacré uniquement aux AO
("dénomination géographique d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à désigner un produit qui
en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus exclusivement ou essentiellement au milieu
géographique comprenant les facteurs naturels et les facteurs humains") : vraie définition, vraie
consécration du terroir, mais de facto, le traité est réservé aux Etats qui ont eux-mêmes cette conception
de l'AO (club d'Etats).
Au départ, seulement 28 Etats signataires (beaucoup européens, mais aussi le Mexique), beaucoup
d'enregistrements français.

Cet arrangement consiste en un enregistrement : la protection des AO étrangère est subordonnée à


l'enregistrement. Pour être enregistrée, l'AO doit être reconnue et protégée à ce titre dans le pays
d'origine (protégée en tant qu'AO, donc le pays doit avoir un système juridique de reconnaissance de
l'AO). L'Etat partie doit ensuite procéder à un enregistrement international : demande faite auprès du BI
de l'OMPI (administration du pays d'origine fait la demande, même si une personne physique ou morale
peut le faire) qui vérifie que cela remplit les conditions, puis notifie l'enregistrement aux autres Etats
contractants. Ils peuvent alors opposer un refus de protection (motifs énumérés limitativement : l'AO est
un nom générique dans le pays tiers, soit elle existe déjà sous forme identique ou similaire à titre
d'appellation homonyme ou en tant que marque enregistrée) pendant un délai d'un an. S'ils ne s'opposent
pas, ils doivent protéger sur leur territoire.
Ex : le Portugal avait opposé un refus de protection à l'appellation mexicaine Vera Cruz 🡺 au Portugal, on
importait du café du Brésil sous la même dénomination (refus pour appellation homonyme).
Possibilité d'invalider les effets nationaux (ex de l'arrêt de la Cour de cassation sur l'appellation Bud 🡺 la
Tchéquoslovaquie avait enregistré, mais le juge français a estimé en 2016 qu'on pouvait invalider les effets
en France de l'enregistrement au motif que cela ne renvoyait pas à un nom de lieu, il fallait que ce soit
Budvar).

Une fois l'enregistrement effectué et sans refus de protection, on a une protection extrêmement étendue
🡺 art. 3 = "la protection sera assurée contre toute usurpation ou imitation, même si l'origine véritable du
produit est indiquée ou si l'appellation est employée en traduction ou accompagnée d'expressions telles
que 'genre', type', 'façon', 'imitation' ou 'similaires'".
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Protection plus objective qu'en droit des marques : peu importe qu'on dissipe la confusion avec un terme
comparateur ou autre.
Mis en œuvre dans l'arrêt Exportur (pour les Tourons) : "Tourons d'Alicante, fabriqués à Perpignan", pas
de problème en droit des marques (pas de risque de confusion), mais problème ici.

Peut-on dépasser le principe de spécialité ? Pas exclu mais pas dit expressément; L'art. 8 renvoie aux droits
nationaux concernant cette question.
Ex de l'arrêt Havana, CA Paris, 17 mai 2000, qui applique le CRPM (qui prévoit la protection hors
spécialité, détournement d'une appellation), donc annulation de la marque déposée pour les parfums, au
motif que ce serait une forme de dilution de l'appellation cubaine Havana pour les cigares (Cuba et la
France parties à l'arrangement).

L'art. 6 prévoit que les appellations ne peuvent pas devenir générique (règle reprise en droit français et
européen, comme beaucoup d'autres). Cela explique la réticence de certains Etats à adhérer.
Protection illimitée dans le temps.

L'art. 5 prévoit une règle pour les marques : si un Etat ne s'oppose pas dans le délai d'un an, il a un délai
de 2 ans (toujours à compter de la notification de l'enregistrement) pour mettre fin à l'utilisation de
marques antérieures. Si on ne fait pas usage de la faculté de refus de protection dans le délai d'un an, on a
encore 1 an pour éliminer les marques antérieures en conflit, donc supériorité de l'AO sur la marque
(tendance antérieure de la jurisprudence française).
Application à plusieurs reprises : des arrêts ont annulés les marques françaises Pils ou Pilsner quand la
Tchécoslovaquie a enregistré Pilse pour de la bière.

Ce système est ambitieux, mais on a une rigidité importante, ce qui explique le faible nombre de
membres.

2. Révision de Genève de 2015 : 2nde jeunesse


Difficultés soulevées pour les prérogatives de l'UE. En 1958, certains EM ont adhéré, mais aujourd'hui, l'UE
est compétente pour conclure des accords commerciaux. Que faire pour les accords antérieurs ? Le TFUE
permet le maintien des engagements des EM antérieurs au transfert de compétence tant que ce n'est pas
incompatible.
Ex du Pérou en 2005 qui adhère à l'Arrangement de Lisbonne. 7 EM de l'UE sont parties à Lisbonne (dont
la France). Quand le Pérou a adhéré, il a demandé l'enregistrement de Pisco, problème pour les EM de
l'UE 🡺 protection du Pisco chilien par l'UE.
La France a fait jouer la disposition de Lisbonne permettant un refus de protection, et a inventé le refus
partiel de protection : quand la notification a été portée à la France, refus partiel compte tenu des
engagements de la Communauté à l'égard du Chili, mais la France s'est engagée à protéger contre tous les
autres Pisco sauf le chilien.

Plus récemment, la question n'a plus vocation à se reposer car le système de l'Arrangement de Lisbonne a
été révisé, modernisé, et l'UE a récemment adhéré à l'Acte de Genève de l'Arrangement de Lisbonne.
En 2015, cette révision majeure emporte 2 changements principaux :
- Le champ a été étendu : l'Acte de Genève concerne les AO et les IG (beaucoup plus souples)
- La possibilité d'adhérer au système, d'abord limitée aux pays, est étendue aux organisations
intergouvernementales (UE notamment, mais aussi OAPI).
L'UE a adhéré en 2019 après avoir levé un obstacle liminaire : compétence exclusive de l'UE ou
compétence partagée entre UE et EM ? Selon la CJUE (25 octobre 2017, C389/15), c'est de la compétence
exclusive de l'UE (car politique commerciale commune).
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Décision du Conseil de l'UE du 7 octobre 209, complétée par un règlement.


Les IG sont considérées comme un instrument de politique économique et agricole.

Cela permet de protéger toutes les AOP et IGP de l'UE pour les protéger dans les Etats tiers parties à l'Acte
de Genève, et ces derniers pourront obtenir une protection dans toute l'UE.

S'agissant de l'enregistrement international des IG européennes, c'est la Commission qui dépose (de sa
propre initiative ou à la demande d'un EM).
Pour les IG d'un pays tiers, quand le BI de l'OMPI notifie, elle le fait à la Commission, qui va faire un
examen et qui pourra décider soit d'accepter de protéger la dénomination du pays tiers soit d'opposer un
refus de protection.

Lorsque la Commission accepte, elle publie l'enregistrement, et une faculté d'opposition a été mise en
place pour les EM qui peuvent former opposition auprès de la Commission dans un délai de 4 mois.

/!\ Changement majeur sur les rapports avec les marques : fin d'obligation d'éliminer les marques
antérieures. Le Règlement de 2019 reprend les règles vues ci-dessus dans les 3 règlements européens
(recherche de la coexistence en cas de marque antérieur entrant en conflit avec une IG postérieure),
position plus équilibrée, qui met fin à certains excès passés.

Volonté d'une compétence exclusive de l'UE. Plusieurs règles prévues : pour mettre en œuvre l'exclusivité,
la Commission européenne demandera au BI de l'OMPI d'annuler l'enregistrement fait par un EM si la
dénomination n'est pas protégée par l'UE (pas de protection nationale contraire à l'UE), donc si la France
avait enregistré une appellation au titre de l'Arrangement de Lisbonne, elle doit demander
l'enregistrement au titre des règlements européens, et en cas de refus, la Commission demande
l'annulation ; pour les dénominations de pays tiers, la protection devra être remplacée par une protection
dans le cadre du système de protection de l'UE 🡺 les EM doivent déclarer au BI de l'OMPI qu'ils ne peuvent
plus protéger une dénomination si elle est acceptée par l'UE dans le cadre de l'Acte de Genève.

/!\ Dans le règlement de 2019, on a une annexe : déclaration de la Commission sur une volonté
d'extension du système européen aux produits non-agricoles.
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Section 2. Accord ADPIC


Système différent : beaucoup plus de membres (OMC).
Une section propre relative aux IG 🡺 art. 22 à 24.

Conditions de protection : les IG doivent être protégées dans le pays d'origine pour déboucher sur
d'autres protections dans le monde. Pour le reste, les pays sont libres (surtout sur les moyens) : l'accord
n'impose pas de protéger les IG en tant que telles ou au moins par un système d'IG sui generis 🡺 les pays
peuvent utiliser le système des marques de certification par exemple.
Sur les sanctions, standards minimums de protection imposés au législateur, pas d'invocabilité directe par
les particuliers dans un litige. Donc il faut une procédure devant l'organe de règlement des différends de
l'OMC, celui-ci peut alors enjoindre à un Etat de se conformer aux obligations, sous peine de sanction
financière. Mais cette procédure est longue, lourde, coûteuse, peu utilisée. Ex : Brésil qui n'a pas protégé
Cognac, autre entre UE et Canada (pour Médoc).

Paragraphe 1. Double niveau de protection (art. 22 et 23)


A l'art. 22, on a une protection de base (subjective), et à l'art. 23 on a une protection additionnelle
(objective) réservée aux vins et spiritueux (mieux protégés que les autres produits).

A. Protection subjective
Art. 22 – Protection des indications géographiques
"1. Aux fins du présent accord, on entend par indications géographiques des indications qui servent à
identifier un produit comme étant originaire du territoire d'un Membre, ou d'une région ou localité de ce
territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être
attribuée essentiellement à cette origine géographique.
2. Pour ce qui est des indications géographiques, les Membres prévoiront les moyens juridiques qui
permettent aux parties intéressées d'empêcher :
a) l'utilisation, dans la désignation ou la présentation d'un produit, de tout moyen qui indique ou suggère
que le produit en question est originaire d'une région géographique autre que le véritable lieu d'origine
d'une manière qui induit le public en erreur quant à l'origine géographique du produit ;
b) toute utilisation qui constitue un acte de concurrence déloyale au sens de l'article 10bis de la
Convention de Paris (1967).
3. Un Membre refusera ou invalidera, soit d'office si sa législation le permet, soit à la requête d'une partie
intéressée, l'enregistrement d'une marque de fabrique ou de commerce qui contient une indication
géographique ou est constituée par une telle indication, pour des produits qui ne sont pas originaires du
territoire indiqué, si l'utilisation de cette indication dans la marque de fabrique ou de commerce pour de
tels produits dans ce Membre est de nature à induire le public en erreur quant au véritable lieu d'origine.
4. La protection visée aux paragraphes 1, 2 et 3 sera applicable contre une indication géographique qui,
bien qu'elle soit littéralement exacte pour ce qui est du territoire, de la région ou de la localité dont les
produits sont originaires, donne à penser à tort au public que les produits sont originaires d'un autre
territoire."

Protection subordonnée à l'existence d'un risque de confusion (perception du consommateur), standard


qui rappelle le droit des marques.
/!\ Standard minimum : un Etat peut mettre en place une protection dissociée du risque de confusion,
mais l'Accord ne peut pas obliger à aller au-delà.
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Confusion appréciée selon la loi nationale des EM. Mais de nombreux Etats pourraient considérer que des
mentions délocalisantes (ex : Jambon de Parme, fabriqué au Canada), cela peut être limité. La protection
ne s'étend pas non plus aux traductions.
Peu probable que dans les faits le risque de confusion sera caractérisé en cas de concurrence déloyale.

Le §3 s'intéresse aux marques postérieures : besoin d'un risque de confusion (mêmes P&S, etc.). Les EM
ont alors poussé pour un niveau de protection plus élevé. Cela a été obtenu avec la protection
additionnelle de l'art. 23.

Le §4 vise les indications homonymes (ex de Paris, Texas) qui seraient fallacieuses.

B. Protection objective
Art. 23 – Protection additionnelle des indications géographiques
"1. Chaque Membre prévoira les moyens juridiques qui permettent aux parties intéressées d'empêcher
l'utilisation d'une indication géographique identifiant des vins pour des vins qui ne sont pas originaires du
lieu indiqué par l'indication géographique en question, ou identifiant des spiritueux pour des spiritueux
qui ne sont pas originaires du lieu indiqué par l'indication géographique en question, même dans les cas
où la véritable origine du produit est indiquée ou dans ceux où l'indication géographique est employée en
traduction ou accompagnée d'expressions telles que "genre", "type", "style", "imitation" ou autres.
2. L'enregistrement d'une marque de fabrique ou de commerce pour des vins qui contient une indication
géographique identifiant des vins ou qui est constituée par une telle indication, ou l'enregistrement d'une
marque de fabrique ou de commerce pour des spiritueux qui contient une indication géographique
identifiant des spiritueux ou qui est constituée par une telle indication, sera refusé ou invalidé, soit
d'office si la législation d'un Membre le permet, soit à la requête d'une partie intéressée, en ce qui
concerne les vins ou les spiritueux qui n'ont pas cette origine.
3. En cas d'homonymie d'indications géographiques pour les vins, la protection sera accordée à chaque
indication, sous réserve des dispositions du paragraphe 4 de l'article 22. Chaque Membre fixera les
conditions pratiques dans lesquelles les indications homonymes en question seront différenciées les unes
des autres, compte tenu de la nécessité d'assurer un traitement équitable des producteurs concernés et
de faire en sorte que les consommateurs ne soient pas induits en erreur."

Texte de compromis.
/!\ Principe de spécialité.
Différence avec le reste : interdiction même si l'origine véritable est indiquée en plus. On est donc dans
une situation indépendante de tout risque de confusion.

Donc selon art. 22, on n'est pas obligé de s'opposer des dénominations telles que "fromage bleu type
roquefort" ou "type roquefort", mais on doit refuser "vin type Alsace produit en Californie".

Le §2 concerne les marques : pas de risque de confusion ici. C'est la même règle que dans l'Arrangement
de Lisbonne et la rédaction des règlements européens.

Difficulté essentielle : absence de registre mondial au niveau de l'accord ADPIC, donc difficile de connaitre
la liste de vins et spiritueux étrangers, ainsi que de leur date de protection. Un registre international
d'enregistrement semble important.

Le §3 s'intéresse aux homonymes : une règle particulière permet la coexistence 🡺 protection accordée à
chaque indication. Les Etats doivent fixer les conditions pratiques de coexistence (il faut toujours éviter
que le consommateur soit admis en erreur).
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Paragraphe 2. Exceptions (art. 24)


/!\ La protection des IG est sévèrement amoindrie. On a des exceptions de principalement 2 ordres.

A. Droits antérieurs (§4 et 5)


Art. 24 §4 : "Aucune disposition de la présente section n'exigera d'un Membre qu'il empêche un usage
continu et similaire d'une indication géographique particulière d'un autre Membre identifiant des vins ou
des spiritueux, en ce qui concerne des produits ou des services, par un de ses ressortissants ou une des
personnes domiciliées sur son territoire qui a utilisé cette indication géographique de manière continue
pour des produits ou services identiques ou apparentés sur le territoire de ce Membre soit a) pendant au
moins 10 ans avant le 15 avril 1994, soit b) de bonne foi avant cette date."
🡺 Tous les usages d'IG de vins et spiritueux ayant commencé avant l'entrée en vigueur pourront perdurer si
l'utilisation est faite de manière continue pour des P&S identiques ou apparentés, soit pendant min 10 ans
avant le 15 avril 1994 ou simplement de bonne foi avant cette date 🡺 on permet la poursuite d'un usage
antérieur quel qu'il soit (marque ou autre), beaucoup de place laissée.
Ex de mauvaise foi : une marque parmarienne pour du jambon fabriqué au Canada (mais on sait que
"Jambon de Parme" est protégé en Italie), mais peut se poursuivre car antérieur.

Art. 24 §5 : "Dans les cas où une marque de fabrique ou de commerce a été déposée ou enregistrée de
bonne foi, ou dans les cas où les droits à une marque de fabrique ou de commerce ont été acquis par un
usage de bonne foi:
(a) avant la date d'application des présentes dispositions dans ce Membre telle qu'elle est définie dans la
Partie VI, ou
(b) avant que l'indication géographique ne soit protégée dans son pays d'origine,
les mesures adoptées pour mettre en œuvre la présente section ne préjugeront pas la recevabilité ou la
validité de l'enregistrement d'une marque de fabrique ou de commerce, ou le droit de faire usage d'une
marque de fabrique ou de commerce, au motif que cette marque est identique ou similaire à une
indication géographique."
🡺 Vise tous les produits, mais uniquement l'usage par marque. Si la marque est enregistrée avant la date
d'application de l'Accord ou avant que l'IG ne soit protégée dans son pays d'origine, les marques
antérieures (sous condition de bonne foi soit avant l'entrée en vigueur de l'accord ou de la protection de
l'indication) peuvent continuer à être protégées sans condition de durée (ex de la marque parmarienne).
Le juge canadien a admis la bonne foi, malgré le fait que c'est très discutable, mais le juge national a
tendance à protéger les droits acquis.
En droit européen, on a mis en œuvre cette solution avec la coexistence marque antérieure/IG
postérieure. La plainte formée par les USA a été rejetée : la solution de coexistence de l'UE est conforme à
cette exception. Pour les USA, la disposition permet la survie de la marque antérieure et aussi une
exclusivité (donc on peut invalider l'IG).
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B. Dénominations génériques (§6)


Art. 24 §6 : "Aucune disposition de la présente section n'exigera d'un Membre qu'il applique les
dispositions de la présente section en ce qui concerne une indication géographique de tout autre Membre
pour les produits ou services dont l'indication pertinente est identique au terme usuel employé dans le
langage courant comme nom commun de ces produits ou services sur le territoire de ce Membre. Aucune
disposition de la présente section n'exigera d'un Membre qu'il applique les dispositions de la présente
section en ce qui concerne une indication géographique de tout autre Membre pour les produits de la
vigne dont l'indication pertinente est identique au nom usuel d'une variété de raisin existant sur le
territoire de ce Membre à la date d'entrée en vigueur de l'Accord sur l'OMC."

Pas d'obligation de protéger une IG étrangère générique sur notre territoire. Problématique, car le
caractère générique est apprécié par le juge de l'Etat où la protection est demandée (presque trop facile
de s'abriter derrière une prétendue généricité).
Le juge américain a considéré que "champagne" et "chablis" étaient génériques aux yeux du
consommateur américain (difficulté territoriale) : controverse entre Lorvellec et Chen sur cette question
(par articles interposés) 🡺 L défend la conception française, et C, homologue américain, explique que c'est
une logique de marché et que la protection d'un signe distinctif que pour autant que cela ait une
signification véritable dans l'esprit du consommateur américain. Si on obligeait la protection, le
consommateur américain subventionnerait l'agriculture européenne. Mais L a voulu montrer que le débat
était biaisé, même aux USA : ces sondages représentent "le règle des consommateurs les plus stupides" 🡺
mauvais ciblage du public, sondages faits à la sortie d'un Wal-Mart dans l'Arkansas (mais boutiques
spécialisées dans d'autres Etats), il aurait fallu interroger des consommateurs plus sensibilisés.

S'agissant de la détermination du caractère générique, opposition entre l'Europe et les pays du Nouveau
Monde (USA surtout) : source de conflit à l'OMC, on n'arrive pas à régler ce problème.

Le caractère générique sera établi en application de la loi du pays où la protection est demandée : aux USA
dans l'affaire Chablis, sondages mis en place. Charge de la preuve au défendeur. L'INAO avait voulu
s'opposer à une marque contenant Chablis pour des jus d'agrumes, mais le défendeur (déposant) a fait
des sondages, desquels il résultait que Chablis était un nom commun pour un type de vin blanc. Donc pas
d'obligation pour le juge américain de protéger l'appellation.

C. Autres exceptions
Pour les noms de cépage (2e partie de l'art. 24 §6) : Saint-Emilion (AO prestigieuse en France) est le nom
d'un cépage au Brésil, cela pourrait justifier que cela ne soit pas protégé comme appellation au Brésil.

§8 et §9 : importance pratique moindres


- Patronymes
- Pas de protection pour des IG non protégées dans leur pays d'origine ou qui y sont tombées en
désuétude

Paragraphe 3. Négociations
A. Etablissement d'un registre multilatéral
Art. 23§4 : " Afin de faciliter la protection des indications géographiques pour les vins, des négociations
seront menées au Conseil des ADPIC concernant l'établissement d'un système multilatéral de notification
et d'enregistrement des indications géographiques pour les vins susceptibles de bénéficier d'une
protection dans les Membres participant au système."
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Etendu aux spiritueux en 2001.


On veut faciliter la protection des IG, mais on a une opposition nette entre l'Ancien Monde et le Nouveau
Monde sur les effets juridiques : l'UE pousse pour un registre avec des effets contraignants (inspiration du
système de Lisbonne), sauf si les Etats tiers opposent un refus d'enregistrement dans un délai de 18 mois,
et l'enregistrement impliquerait une présomption de validité ; mais pour les USA, cela aurait des effets
extraterritoriaux (problématique), et ils ont mis en avant des coûts financiers et administratifs trop élevés.
Les USA ont fait une contre-proposition : simple effet indicatif, base de données qu'on pourrait consulter
sans aucun effet juridique, donc pas très utile.
Mais encore aujourd'hui, blocage.

B. Extension à tous les produits de la protection de l'article 23


Art. 24 §1 : " Les Membres conviennent d'engager des négociations en vue d'accroître la protection
d'indications géographiques particulières au titre de l'article 23. Les dispositions des paragraphes 4 à 8 ne
seront pas invoquées par un Membre pour refuser de mener des négociations ou de conclure des accords
bilatéraux ou multilatéraux. Dans le cadre de ces négociations, les Membres seront prêts à examiner
l'applicabilité continue de ces dispositions aux indications géographiques particulières dont l'utilisation
aura fait l'objet de ces négociations."

L'idée était d'étendre la protection spéciale des vins et spiritueux à tous les produits. Les pays en
développement sont pour (comme l'UE), mais les pays du Nouveau Monde s'y opposent.
L'UE conteste la validité de certaines marques incluant des IG étrangères, et les PED estiment qu'ils sont
privés de certains revenus du fait de la limitation de certains de leurs produits aux USA et Canada, et l'UE
fournit une assistance technique à ces PED, donc alliance.

Cette proposition a rencontré une forte opposition, notamment de la part des USA : ils ont mis en avant la
confusion que ce changement pourrait occasionner dans l'esprit des consommateurs.
Proposition rejetée, même après la reprise des négociations en 2008.

C. "Récupération" d'IG européennes génériques dans certains Etats


L'UE a proposé une liste d'IG agroalimentaires que certains Etat tiers considéraient comme génériques et a
demandé la restitution de ces IG.
Cette liste se concentre sur les IG les plus sensibles : Bourgogne, Chablis, Champagne, Bordeaux, Rioja,
Comté, Gorgonzola, etc.
Génériques aux USA, mais l'UE a voulu faire reconnaitre que c'était une usurpation scandaleuse. Du point
de vue américain, c'est justifié par l'art. 24 de l'accord ADPIC (qui permet d'opposer le caractère
générique), et ils ont aussi fait valoir l'histoire de leur peuplement.
L'UE a fait valoir que ce serait une diversification du marché local (développement d'autres noms, etc.),
mais les USA ont fait valoir un obstacle constitutionnel : la liberté d'expression en matière commerciale 🡺 à
partir du moment où un terme est générique, tout le monde peut l'utiliser.

Dialogue de sourds, cette demande de récupération peu réaliste a été abandonnée en 2008.

🡺 On voit les limites des négociations dans le cadre de l'OMC : il est difficile de négocier à autant de
parties, d'autant plus qu'on a le caractère territorial de l'appréciation du caractère générique.
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Section 3. Conventions particulières


Voie de l'avenir (avec l'Arrangement de Lisbonne rénovée) ?

Paragraphe 1. Conventions multilatérales spécifiques à certains


produits
Très limité.
En 1951, on a eu une convention sur les fromages, mais champ limité. Elle concernait des produits
européens essentiellement, elle a donc été absorbée par le droit communautaire.

Paragraphe 2. Conventions bilatérales


Dans l'impasse au niveau multilatéral, les Etats européens puis l'UE (qui a récupéré la compétence) a
négocié des accords commerciaux avec un volet relatif aux IG. Beaucoup ont été conclus.
/!\ L'OMPI publie un recueil de tous ces traités sur son site.

Historiquement, on a eu des conventions bilatérales conclues entre EM de l'UE (avant la mise en place du
régime communautaire de protection), mais ils sont tous quasiment devenus caducs (incorporation dans
le droit communautaire).

On va donc surtout s'intéresser aux accords conclus par l'UE avec de Etats tiers (rappel : les accords
conclus antérieurement par un EM avec un Etat tiers ne sont maintenus que tant qu'ils ne contreviennent
pas au droit communautaire).
On parle souvent des accords ADPIC plus : on parvient à obtenir davantage que par la voie multilatérale.
L'UE a conclu beaucoup d'accords avec des Etats du Nouveau Monde (Australie, Mexique, Afrique du Sud,
Chili, Canada, Chine, Corée du Sud), souvent sur les vins, mais pas que (CETA avec le Canada plus large).
On peut alors obtenir la récupération de certaines IG considérées précédemment comme génériques ou
utilisées à titre de marque. Après des périodes de transition, l'UE arrive à obtenir l'interdiction de ces
usages.
Beaucoup pour les vins et spiritueux, où les Etats du Nouveau Monde ont une activité : on met en balance
un meilleur accès européen contre une récupération de l'IG. On peut accorder des contreparties
commerciales.

1er exemple : accord de 1994 conclu par la Communauté Européenne avec l'Australie. Il prévoit une
protection réciproque d'une liste de dénominations, et on précise qu'elles devront être protégées selon
les conditions fixées par la législation du pays d'origine. L'UE impose une élimination progressive d'IG
européennes.
Depuis 2009, plus aucun champagne australien (délai de 12 mois, à partir de 2008).

En 1997, accord avec le Mexique (qui avait déjà une conception plus prononcée des AO), on a obtenu une
protection des appellations vinicoles au Mexique, en échange d'une protection en Europe pour la téquila.

Avec la Suisse, on a eu un accord sur Champagne, la Suisse a accepté d'arrêter d'utiliser le nom pour les
quelques bouteilles de mousseux produits dans le village Champagne.

Idem en Afrique du Sud : élimination progressive, interdiction d'utilisation de certaines IG. L'élimination
inclue l'annulation à terme des marques. On obtient beaucoup par la voie commerciale.
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Le Canada a été plus compliqué : accord signé en 2003, l'UE a obtenu la restitution de certaines
appellations considérées précédemment comme génériques au Canada.
Plus récemment, on a eu le CETA, avancée majeur car accord commercial global de libre-échange. On y
trouve un volet IG (ce qui a failli bloquer à un moment), on a une liste d'IG qui devra être protégée
réciproquement.
Dans la revue de l'IRPI, un article a été écrit par le Professeur Moyse de Montréal, présentant les IG
comme un impérialisme juridique.

Plus récemment, des accords ont été conclus avec la Chine, en 2007 d'abord, et un nouvel accord
ambitieux a été conclu en 2020 avec un volet IG (avec Champagne, Cognac, etc. que la Chine s'engage à
protéger).

Les choses avancent, mais les USA sont absents de ces négociations, toujours très difficiles. Aux USA, il
existe un système particulier relatif à l'étiquetage des vins, et une catégorie existante dans les règles
fédérales posaient problème : les semi génériques.
Le TTB (bureau du tabac, du commerce et des taxes) a décidé que pour toute bouteille de vin ayant
vocation à être commercialisée, un agrément doit etre accordé. En cas de nom géographique, il doit se
situer dans l'une des 3 catégories :
- Dénominations non génériques
- Dénominations génériques
- Dénominations semi-génériques (Vermouth, London Gin) 🡺 toutes les autres, on avait une liste de
17 dénominations, dont une seule américaine (Angelina, pour des vins produits dans la région de
LA, les 16 autres étaient européennes, où on retrouve Champagne, Bordeaux, Bourgogne, Chianti,
etc.)
Ces fameux semi-génériques pouvaient être librement utilisés, y compris pour des vins américains à 2
conditions :
- Le semi générique, car pas totalement générique, ne peut pas être utilisé seul : il est
indispensable qu'il soit complété par un terme géographique, mention localisante, qui révèle la
véritable origine du vin
- Le certificat d'agrément (COLA) ne sera accordé que si l'étiquette correspond à des standards
(dans les règles fédérales, le standard correspondant au semi-générique Champagne était défini
par référence au Champagne français…)
Catégorie ambiguë.

Liste : Bourgogne, Chablis, Champagne, Chianti, etc.

1/3 des vins vendus sur le territoire américain était semi-générique. Les USA se protégeaient par l'art. 24
ADPIC (générique), mais l'UE considérait que c'était une violation : pas générique si semi-générique.

Ces règles ont été codifiées en 1997 dans le Code des lois fédérales, la lutte a été encore plus difficile pour
l'UE. Avant, le directeur du TTB pouvait supprimer, depuis il faut une intervention du Congrès. L'objectif
était d'arriver à mettre fin à ces pratiques des semi-génériques.

Affaire Chablis with a twist : marque enregistrée par l'USPTO pour un jus d'agrumes, incluant une AO
européenne. Ce n'est pas un vin, donc pas besoin de COLA, mais générique du point de vue du droit des
marques. La défaite subie par l'INAO en justice (aux USA, le "terroir" ne sert à rien, seul compte la
perception du consommateur) a été violente. L'UE a compris qu'il était inutile de lutter, on s'est alors
tourné vers des campagnes publicitaires.
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Le comité des vins de champagne a alors sorti une pub en expliquant que se faire passer pour du
champagne, c'est légal, mais ce n'est pas juste.

Ils espèrent se faire détourner les consommateurs locaux.

Idem avec cette campagne.


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Au niveau juridique, un accord a été conclu entre l'UE et les USA le 10 mars 2006 (contexte peu favorable à
l'UE, après les attentats de 2001, les USA avaient peur des armes bactériologiques, les importations
avaient été rendues plus difficiles, notamment en matière de vin 🡺 menace commerciale).
Maintien des droits antérieurs, régénérescence pour l'avenir des semi-génériques et réservation des
"noms d'origine".

Régénérescence : les 16 semi-génériques posant problème, les USA doivent les requalifier, le but étant
toujours de les faire disparaitre pour que les noms soient réservés aux vins européens.
Tempérament : nom utilisable pour les exportations (encore faut-il que ce soit encore autorisé dans les
Etats d'exportation, compliqué avec les accords déjà passés, mais la Russie peut par exemple), et la
régénérescence ne vaut que pour l'avenir, car maintien des droits antérieurs, on préserve les droits des
titulaires des marques antérieures à l'accord. Ainsi, toute marque ancienne, ou tous les étiquetages
validés par le TTB avant l'entrée en vigueur (COLA accordé) peuvent continuer à être utilisés sans limite de
durée.
Note d'espoir : considération pratique 🡺 le marketing. Les étiquetages évoluent fréquemment
(modernisation, adaptation aux tendances). A partir du moment où l'élément veut changer son
étiquetage, un nouveau COLA doit être demandé, le TTB pourra alors refuser de délivrer le COLA.
Mais les producteurs peuvent aussi décider de préserver leur ancien COLA.

Réservation des "noms d'origine" : on a une reconnaissance mutuelle des désignations vinicoles mais on
ne parle pas d'IG, protection réciproque. C'est la 1e fois que les USA reconnaissent (sans le dire) les IG
européennes, et la liste en contient plus de 1.000. Là encore, c'est limité par la clause de maintien des
droits antérieurs, mais tout dépend de la question de savoir si l'étiquetage reprend une présentation pour
laquelle un COLA avait été délivré (idem ci-dessus).
/!\ Les USA ont indiqué lors des négociations que l'USPTO refuserait d'enregistrer de nouvelles marques
qui comprendrait une IG européenne pour des vins américains après l'entrée en vigueur 🡺 avancée pour
l'avenir.

A partir de cette période, le TTB n'attribuera plus d'agrément aux vins non-européens porteurs
d'appellations semi-génériques.
L'accord a été incorporé au droit américain par une loi fiscale du 20 décembre 2006 : elle fait disparaitre
dans les réglementations fédérales la catégorie des semi-génériques.

Conclusion
Bilan : encore du chemin pour les relations UE/USA (évolution avec le nouveau président). Avancée sur les
vins, mais on peut encore faire mieux pour les fromages par exemple.

Accord conclu avec l'Australie 🡺 développement d'une production locale avec des particularités
autochtones, donc très intéressant.
Affaire Nappa en Chine : les USA se sont retrouvés coincés car des IG américaines n'étaient pas protégées
en Chine, ils ont compris l'intérêt du système.
Dans les années à venir, on aura peut-être de nouveaux accords renforçant la protection des IG
européennes dans les pays tiers. De plus, l'Acte de Genève du système de Lisbonne devrait permettre de
renforcer le système.

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