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Post’U (2013) 315-318

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Iléite terminale réfractaire

Objectifs pédagogiques de façon arbitraire qu’une iléite termi-


nale réfractaire était une atteinte limi- Stéphane Benoist
– Définir l’iléite terminale réfractaire tée de moins de 40 cm ayant résisté ou
– Savoir démembrer les causes Denis Constantini
récidivé à un traitement médical par
d’échec du traitement convention- corticoïde et/ou immunosuppresseur.
nel (hors anti-TNF)
– Quelles sont les indications indis- Quelles sont les indications
cutables à la chirurgie ? Savoir démembrer les causes
– Lorsque les 2 options (médicale et d’échec du traitement indiscutables de la chirurgie ?
chirurgicale) sont possibles, indi- conventionnel (hors anti-TNF) En cas d’iléite réfractaire, la chirurgie
quer leurs résultats et discuter leurs est indiscutable :
avantages et inconvénients respec- L’échec du traitement doit être ana-
tifs lysé, il n’est pas toujours synonyme En urgence, en cas de maladie perfo-
d’absence d’activité anti-inflamma- rante avec péritonite, ou d’une sténose
toire de la molécule qui pourrait être serrée responsable d’une occlusion
Définir l’iléite terminale écartée à tort. Il peut correspondre digestive ne se levant pas malgré le
à [4] : traitement médical.
réfractaire
– une complication de la maladie À froid :
Il n’y a actuellement pas de définition comme un abcès, une sténose
– en cas de présence de dysplasie de
consensuelle de l’iléite terminale fibreuse serrée ou un adénocarci-
moyen ou haut grade et a fortiori
réfractaire dans la maladie de Crohn. nome du grêle ;
en cas d’adénocarcinome du grêle
En ce qui concerne la longueur de – des symptômes fonctionnels et non
associée ;
l’atteinte, on peut considérer raison- inflammatoires. Dans ce cas, l’échec
doit être documenté par l’endosco- – en cas d’abcès, après une antibio-
nablement qu’une iléite terminale cor-
pie ou l’entéro-IRM et la biologie ; thérapie et un éventuel drainage
respond à une atteinte limitée de la
– la non adhérence au traitement qui percutané ou chirurgical (si > 3 cm)
partie terminale de l’iléon qui, selon
pourra être objectivée par un dosage [4]. Dans cette situation, la chirurgie
la conférence de consensus de l’ECCO,
des 6 TG pour les thiopurines ; est généralement précédée d’une
ne doit pas dépasser 30 à 40 cm [1].
nutrition artificielle qui semble
Selon cette conférence [1], une mala- – en cas de traitement par thiopurines
diminuer la morbidité postopéra-
die de Crohn réfractaire est la persis- il peut s’agir d’un dosage insuffisant
toire [5] ;
tance ou la récidive d’une maladie nécessitant une augmentation de
active symptomatique malgré un trai- l’azathioprine à 3 mg/kg/j après – en cas de sténose symptomatique,
tement médical optimal bien conduit, dosage des 6 TG si la tolérance la distinction entre la composante
quel qu’il soit. Ainsi, il n’est pas pré- hématologique le permet, ou d’une inflammatoire et fibreuse de la sté-
cisé à partir de quelle classe de traite- durée insuffisante (< 3 mois) ; nose est souvent difficile (étude
ment médical (corticoïde, immunosup- – une intolérance au traitement, cer- CREOLE en cours pour déterminer
presseurs, ou anti-TNF), la maladie taines étant définitives comme la les éléments pronostiques à l’ima-
peut être considérée comme réfractaire. pancréatite sous thiopurines et la gerie de l’efficacité des anti-TNF),
Pour cet exposé, comme beaucoup pneumopathie interstitielle sous et la chirurgie peut être discutée,
d’auteurs [2, 3], nous avons considéré méthotrexate. soit de première intention lorsque
tous les marqueurs de l’inflamma-
tion sont négatifs [4], soit le plus
■ S. Benoist () CHU Bicêtre
souvent après un traitement par
■ D. Constantini () Corbeil Essonnes anti-TNF ou après échec de dilata-
E-mail : stephane.benoist@apr.aphp.fr tion endoscopique.

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Lorsque les 2 options mesure où les malades inclus n’étaient nosuppresseur ou anti-TNF est observé
pas en échec des immunosuppresseurs. chez 2/3 des malades à 5 ans et chez
(médicales et chirurgicales) Une deuxième étude utilisant la la moitié des malades à 10 ans [15].
sont possibles, indiquer méthode des trimestres chez des La récidive endoscopique est beaucoup
leurs résultats et discuter malades ayant une MICI traitées par plus fréquente (75 % à 1 an, 90 % à
leurs avantages Infliximab (très majoritairement des 10 ans) et sa sévérité (score de Rutgeerts)
maladies de Crohn, en échec d’immu- est prédictive de la récidive clinique.
et inconvénients respectifs nosuppresseurs) a montré un bénéfice
du traitement combiné sur l’activité Les avantages du traitement chirurgi-
En cas d’iléite terminale réfractaire
de la maladie [10]. Cette étude a été cal sont l’obtention d’une rémission à
non compliquée, un traitement par
en partie confirmée récemment par long terme sans traitement avec une
anti-TNF ou une résection chirurgicale
une 3 e étude non encore publiée excellente qualité de vie chez la majo-
peuvent être discutés, et il n’existe pas
(Reenaers et al., UEGW 2012) utilisant rité des malades et l’absence de toxi-
de consensus pour privilégier une atti-
une méthodologie similaire qui mon- cité liée au traitement et en particulier
tude par rapport à l’autre [4].
trait un intérêt du traitement combiné l’absence de risque infectieux ou tumo-
uniquement dans les 6 premiers mois ral. Les inconvénients sont la morbi-
Traitement médical par anti-TNF dité opératoire et le risque de stomie
de traitement anti-TNF par Adalimumab.
transitoire de l’ordre de 5-9 % [12].
Dans plusieurs essais contrôlés, une Les effets secondaires des anti-TNF
réponse objective rapide (entre la deu- sont dominés par le risque d’infections Le traitement médical préventif post-
xième et la quatrième semaine) est sévères. Récemment, le registre TREAT opératoire est en plein bouleversement
observée chez près de 60 % des incluant 6 273 malades suivis en et les premiers résultats rapportés
malades, et environ la moitié des moyenne pendant 5,2 ans montrait concernant l’administration en post-
répondeurs le restent à un an [3, 6, 7]. qu’un traitement par Infliximab était opératoire des anti-TNF sont excel-
Dans la pratique d’un centre de réfé- un facteur de risque indépendant de lents et encourageants. En prophylaxie
rence prenant en charge des malades survenue de survenue d’infection primaire chez les MC à haut risque de
non sélectionnés, près de 90 % des sévère (2,04/100 patients-année, avec récidive, les anti-TNF abaissent la
patients répondent initialement au un HR = 1,43, 95 % CI = 1,11, 1,84; récidive endoscopique ( i2) à 10 % à
traitement, et à 5 ans 2/3 des répondeurs P = 0,006) mais n’était pas responsable 6-12 mois [17, et POCER De Cruz P,
initiaux restent en réponse, au prix d’une surmortalité [11]. En revanche, ECCO 2012].
d’une optimisation du traitement (dose il n’y a pas de sur-risque détecté de En prophylaxie secondaire chez les
augmentée et/ou intervalles diminués) cancer avec les anti-TNF [11] qui patients ayant une récidive endosco-
chez la moitié d’entre eux [8]. À un an, doivent être utilisés prudemment chez pique ( i2), les anti-TNF obtiennent
une cicatrisation muqueuse définie par les malades ayant un antécédent de 50 % de cicatrisation partielle (< i2)
une absence d’ulcérations est obtenue cancer [4]. [18, et E. Boueyre, JFHOD 2012].
chez 20-30 % des patients ayant ini-
tialement des lésions ulcérées [8, 9]. En pratique, comment choisir entre
Traitement chirurgical
Enfin, le traitement régulier par anti- ces 2 attitudes ? Un essai contrôlé hol-
TNF réduit le nombre d’hospitalisa- Le traitement chirurgical permet d’ob- landais [2] comparant ces deux atti-
tions et le recours à la chirurgie [6, 7]. tenir en cas d’iléite réfractaire une tudes chez des malades ayant une
réponse dans 100 % des cas, en « blan- iléite réfractaire avait été construit
Le taux d’échecs cumulés est d’environ chissant » la maladie. La mortalité pour répondre à cette question mais a
10 % par an, soit du fait d’un échap- opératoire est quasi nulle, la morbidité été arrêté récemment faute d’inclu-
pement ou de la survenue d’effets de l’ordre de 10-17 % [12, 13] et le sion. Classiquement en cas d’atteinte
indésirables. De plus, chez des malades risque d’une stomie transitoire de l’ordre un peu étendue de 30-40 cm chez un
ayant bien répondu au traitement ini- de 5-9 % [12, 13]. À long terme, le malade à haut risque de récidive après
tialement, la nécessité d’une chirurgie risque de récidive après chirurgie est chirurgie, le traitement médical semble
dans les 5 ans qui suivent l’instaura- de l’ordre de 33 % à 5 ans et de 44 % être la meilleure option. En revanche,
tion du traitement est de l’ordre de à 10 ans [14]. Les principaux facteurs en cas d’atteinte courte de moins de
18-20 % [8]. de risque sont le tabac, un antécédent 20 cm chez un malade jeune non
En cas d’iléite réfractaire, la question de résection, une maladie perforante fumeur à faible risque de récidive, la
qui se pose est de savoir si un traite- et des manifestations ano-périnéales chirurgie semble être la meilleure
ment combiné (anti-TNF et immuno- [4, 14]. Le risque d’une nouvelle option. Mais l’effet « booster » du
supresseurs) permet d’améliorer les chirurgie est de l’ordre de 29 à 37 % blanchiment chirurgical sur le traite-
résultats ? L’essai SONIC ne permet pas à 10 ans [15, 16]. Enfin, la rémission ment anti-TNF en prévention primaire
de répondre à cette question dans la clinique sans aucun traitement immu- lui redonne de l’attractivité chez les

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patients à haut risque. Dans tous les morbidity in penetrating Crohn’s 12. Goyer P, Alves A, Bretagnol F, et al.
cas, le choix entre ces deux options disease. Aliment Pharmacol Ther Impact of complex Crohn’s disease on
thérapeutiques devra être discuté au 2010;32:459-65. the outcome of laparoscopic ileocecal
cas par cas en réunion pluridiscipli- 6. Hanauer SB, Feagan BG, Lichtenstein resection: a comparative clinical study
GR, et al. Maintenance infliximab for in 124 patients. Dis Colon Rectum
naire.
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Pre-operative management is associa- tory bowel disease. Am J Gastroenterol disease: a prospective pilot study.
ted with low rate of post-operative 2012;107:1051-63. Inflamm Bowel Dis 2009;15:1460-6.

Les 5 points forts


➊ Une iléite réfractaire peut être définie par une atteinte de moins de 30 cm
résistante aux corticoïdes et/ou aux immunosuppresseurs.
➋ Avant de conclure à l’échec du traitement par immunosuppresseurs, il
faut s’assurer que le traitement a été pris régulièrement, à une posologie
adaptée, pendant au moins 3 mois.
➌ Dans les conditions de pratique quotidienne, en cas de MC réfractaire,
près de 90 % répondent au traitement anti-TNF et 2/3 restent répondeurs
à 5 ans après optimisation chez la moitié d’entre eux.
➍ En cas d’iléite réfractaire, le traitement chirurgical permet d’obtenir une
rémission complète sans traitement chez plus de la moitié des malades à
10 ans.
➎ En cas d’iléite réfractaire, le choix entre un traitement médical par anti-
TNF ou un traitement chirurgical doit être discuté au cas par cas en
réunion de concertation pluridisciplinaire.

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